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traduction juridique anglais-français

Ces mots et expressions qui font la loi...

Bulletin sur la terminologie juridique anglais-français
par Frédéric Houbert, traducteur


Mars - Avril 2000

Liste des bulletins

Le présent bulletin, destiné initialement aux traducteurs juridiques, intéressera également toute personne désireuse de se familiariser avec la terminologie juridique anglo-saxonne et de mieux comprendre certaines expressions propres au droit français dont le sens est souvent méconnu. Les auteurs étant spécialisés dans le droit commercial et le droit civil, les termes et expressions abordés dans le bulletin relèvent principalement de ces deux domaines, ce qui n'exclut toutefois pas la présence ponctuelle de termes émanant d'autres spécialités.




SUBSIDIARILY GROUNDLESS IN ALL ITS DEMANDS, PLEAS AND SUBMISSIONS

Cette formule apparaît dans les conclusions d'experts lorsqu'il est estimé que l'action introduite par le demandeur est mal fondée.

Traduction française : "subsidiairement mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions".

STATEMENT OF CLAIM

En droit anglais, toute personne ayant engagé une action en justice se doit d'exposer les éléments sur lesquels se fonde son action : c'est que l'on appelle le "statement of claim", ou "exposé de la requête" (ou "de la demande"). Cet exposé figure le plus souvent sur le "writ" lui-même, c'est-à-dire sur l'acte par lequel le demandeur introduit officiellement son action. A compter de la signification du "writ", le défendeur dispose d'un certain délai pour répondre aux déclarations du demandeur et le cas échéant, déposer à son tour une demande à l'encontre du demandeur, demande appelée "counterclaim" ou "demande reconventionnelle".

Il est incorrect de traduire cette expression par "objet de la demande", qui trahit quelque peu l'esprit de l'expression originale ; il est également déconseillé d'utiliser l'expression "exposé des motifs", car elle relève le plus souvent du droit constitutionnel français et désigne normalement un "document qui précède le texte d'une loi et marque une déclaration d'intention pouvant servir à l'interprétation du texte" (Lexique Dalloz).

PARTENARIAT

Le mot "partenariat" s'utilise de façon croissante dans le monde des affaires et apparaît fréquemment dans certains contrats. Dans l'esprit de ceux qui l'emploient, ce terme vise souvent à exprimer l'idée d'une relation mutuellement avantageuse à long terme mais qui n'est pas assortie d'obligations trop précises et contraignantes. La plupart des dictionnaires proposent, pour traduire ce mot, le terme "partnership". Or, ce terme, certes souvent utilisé dans la langue des affaires, appartient également à la langue juridique, où il a un sens très précis. En droit, le "partnership" est en effet l'équivalent de la "société en nom collectif" (on parle alors de "general partnership") que l'on retrouve dans le droit français, ou, plus largement, d'une "société de personnes". Cette structure juridique est régie aux Etats-Unis par le Uniform Partnership Act et en Angleterre par le Partnership Act de 1890. Le droit des "partnerships" est diversifié mais implique en général l'idée de responsabilité solidaire, contrairement à ce qui est le cas avec le terme "partenariat" tel qu'on l'emploie en français. Dans la plupart des cas, la notion de "contrat de partenariat" correspond en fait assez aux expressions anglaises "cooperation agreement" ou "long-term cooperation agreement", qui ont le "mérite" d'être aussi vagues que l'original. Remerciements à Robert Devreux.

MISDEMEANOUR, CRIME, FELONY

Ces termes désignent, par ordre croissant de gravité, les trois grands types d'infractions prévus par le droit anglo-saxon.

Le terme "misdemeanour" désigne, au sens large, une simple "infraction" (moins grave qu'une "felony") ; il est surtout utilisé aux Etats-Unis ("misdemeanor") où il fait référence à un "délit correctionnel" ou une "infraction mineure" ("délit" étant au sens large synonyme d'"infraction") entraînant une peine de prison inférieure à un an. Sont rangés dans la catégorie "misdemeanors" le parjure, la diffamation, les coups et blessures, etc.

"Felony", par opposition à "misdemeanor", désigne aux Etats-Unis un acte délictueux grave, une "infraction majeure". En Grande-Bretagne, il peut s'agir d'une atteinte à la sûreté de l'Etat. Attention : si l'expression "felonies and misdemeanours" peut se traduire par "crimes et délits" (tout comme d'ailleurs "crimes and misdemeanors", titre d'un film de Woody Allen), il faut toutefois préciser que la distinction faite entre "felonies" et "misdemeanours" ne correspond pas exactement à celle que le code pénal français fait entre les crimes et les délits.

Quant au terme anglais de "crime" (on trouve parfois "petty crime"), il doit être interprété avec de grandes précautions ; en effet, si ce terme, au sens strict, est synonyme de "misdemeanor" (on pourra alors parler en français d'"infraction pénale", de "délit" ou de "forfait"), il désigne souvent dans la pratique des délits plus graves et peut parfois être traduit par "crime" en français, même s'il ne faut pas oublier qu'en droit français, le crime est l'infraction la plus grave qu'un citoyen est susceptible de commettre (les crimes sont jugés en France par la cour d'assises et rendent leurs auteurs passibles de la réclusion à perpétuité).

Par ailleurs, il est intéressant d'évoquer le terme plus général d'"offence", qui désigne une "infraction" ; ce terme est souvent associé à un adjectif, lequel permet d'en déterminer le sens exact en contexte. Ainsi, "a capital offence" est un "crime passible de la peine de mort", "a petty offence" est une "infraction mineure", "a traffic offence" une "infraction au code de la route", etc.

Il est enfin utile de rappeler que le droit français distingue pour sa part, par ordre croissant de gravité, trois types d'infractions : les contraventions (ou infractions mineures), jugées par les tribunaux de police, les délits, jugés par les tribunaux correctionnels, et les crimes, portés devant les cours d'assises.

TO EXECUTE AND DELIVER (AN AGREEMENT, A CONTRACT)

L'expression "to execute and deliver" est une collocation juridique dont l'interprétation, et par voie de conséquence, la traduction, peut poser un certain nombre de problèmes. Comme toujours dans ce type d'expressions, il convient, avant de tenter une traduction, de s'interroger sur le sens de chaque terme composant l'expression, afin, notamment, de détecter une éventuelle redondance.

Le premier terme concerné, "to execute", signifie "signer" ou, plus largement, "conclure" un accord ou un contrat. Le second terme, "to deliver", qui a un sens nettement moins "net", fait référence ici aux formalités juridiques qu'il est nécessaire d'accomplir pour donner sa validité juridique à l'acte concerné. Ces formalités peuvent comprendre l'apposition d'un seau, la remise d'un exemplaire du contrat à l'autre partie, etc. Partant du postulat que le verbe "deliver", qui, dans d'autres contextes, peut vouloir dire signifier (un acte), ou prononcer (un jugement), n'a qu'une fonction secondaire par rapport au terme "to execute", qu'il supplée, on pourra se contenter de traduire l'expression entière par "conclure un accord (ou un contrat)", sans faire directement référence aux formalités qu'il convient d'accomplir. Le verbe "conclure" est en effet suffisamment général pour couvrir l'ensemble des concepts contenus dans les termes "execute" et "deliver".

D'ailleurs, le Black's Law Dictionary définit "to execute" de la manière suivante : "to perform all necessary formalities, as to make and sign a contract, or sign and deliver a note", définition qui rend de toute évidence le verbe "deliver" redondant dans l'expression qui nous occupe.

Pour finir, on peut également citer les remarques proposées par le Garner Dictionary of Modern Legal Usage à propos de "to execute", remarques qui confirment ce qui vient d'être dit : "to execute (to sign and deliver; to make valid by observing certain required formalities) is lawyers' jargon used in reference to completing legal documents. In this sense, the word means "to go through the formalities necessary to the validity of a legal act,- hence, to complete and give validity to the instrument by which such an act is effected by performing what the law requires to be done." (…) But the word sign is often preferable especially in communicating with non-lawyers". Remerciements : Christian Vasseur, Raffaella Gallio, David Poppleton.

DEPENS ET FRAIS IRREPETIBLES

"Dépens" et "frais irrépétibles", termes qui apparaissent le plus souvent dans les jugements rendus par les tribunaux (en général, dans le dispositif du jugement, où les coûts de la procédure sont imputés à telle ou telle partie), recouvrent deux concepts qu'il est important de distinguer. Le terme "dépens" tout d'abord, qui apparaît d'ailleurs aussi dans le langage courant (cf. l'expression "vous l'apprendrez à vos dépens"), désigne "la part des frais engendrés par le procès que le gagnant peut se faire rembourser par le perdant à moins que le tribunal n"en décide autrement. (Les dépens) comprennent les droits de plaidoirie (non les honoraires de plaidoirie des avocats), les frais de procédure dus aux avocats et aux officiers ministériels (…), la taxe des témoins, la rémunération des techniciens" (Lexique Dalloz).

Les "frais irrépétibles", pour leur part, correspondent aux frais de justice non compris dans les dépens, notamment les honoraires d'avocat(s), qui sont à distinguer des droits de plaidoirie eux-mêmes. Au vu de ces définitions, il est juste de traduire les deux expressions par "legal costs", puisqu'elles désignent toutes les deux des frais de justice, mais cette solution ne permet pas d'intégrer la nuance qui existe manifestement en français entre "dépens" et "frais irrépétibles". Ainsi, lorsqu'il est question, dans un premier temps, de "dépens", puis de "frais irrépétibles", il peut s'avérer utile, voire indispensable, de parler tout d'abord de "costs", puis d'employer une périphrase pour rendre la seconde expression : "costs other than the above costs, including attorneys' fees (ou legal fees)", par exemple, permet de rendre l'idée qu'exprime "frais irrépétibles". L'emploi d'expressions purement "inventées", comme "unrepeatable costs", est bien entendu fortement déconseillé : non seulement ne sont "inrépétables" que les propos que la bienséance ou la morale réprouvent, mais en outre une telle traduction trahirait une certaine ignorance de l'étymologie du mot "irrépétible", qui vient du latin "repetere", qui signifie d'abord "recouvrer, demander à récupérer" avant d'avoir pris le sens de "répéter" : les frais irrépétibles sont en effet, à l'origine, ceux qui ne peuvent être recouvrés (autrement que par une décision de justice, bien sûr).

ELECTION OF DOMICILE

Lorsque deux parties signent un contrat, elles sont nécessairement appelées à choisir leur "domicile officiel", c'est-à-dire l'adresse à laquelle elles souhaitent recevoir les notifications contractuelles : c'est ce que l'on appelle l'"élection de domicile". Le "domicile élu" ("domicile of choice/election") correspond le plus souvent, lorsque les parties au contrat sont des sociétés, au lieu du principal établissement. Il se peut parfois que, pour telle ou telle raison, l'une ou l'autre des parties choisisse pour domicile un lieu autre que son principal établissement, choix qui doit alors être stipulé clairement dans le contrat. Dans un cadre plus large, il est important de préciser ici que la notion de domicile en droit anglais et américain ne tient pas compte du lieu du principal établissement, mais surtout de l'endroit où l'on réside avec l'intention définitive et permanente d'y demeurer. A ce titre, il convient de faire la distinction entre les termes "domicile" et "residence" tels qu'ils sont utilisés en droit anglo-saxon (et également en droit français, où l'on appelle "domicile" le lieu où la personne est située en droit et "résidence" le lieu où elle se trouve en fait), le dernier terme étant moins contraignant que "domicile" ; en effet, "residence" suppose davantage qu'une simple présence physique en un lieu mais ne comporte pas la notion d'intention de résidence permanente qu'implique "domicile". A cet égard, le Black's Law Dictionary précise d'ailleurs : "a person may have only one legal domicile at one time, but he may have more than one residence".

BILATERAL CONTRACT

Lorsque l'on croise cette expression, il convient de parler en français de "contrat bilatéral" ou de "contrat synallagmatique". L'expression anglaise relève d'ailleurs quelque peu du pléonasme étant donné qu'en droit anglais comme en droit américain, un "contract" est nécessairement "bilatéral", ou "synallagmatique". En effet, si en droit français, un contrat peut être unilatéral ou bilatéral, à titre onéreux ou à titre gratuit, le "contract" anglo-saxon, nécessairement à titre onéreux ("for consideration"), entraîne toujours la naissance d'obligations réciproques engageant les deux parties, qui procèdent ainsi à un échange de "considerations" (c'est-à-dire de "contreparties"). Toutefois, il peut parfois être utile de préciser le caractère bilatéral d'un contrat anglo-saxon afin de le distinguer d'un contrat multilatéral (ou "multipartite", mot identique dans les deux langues) en insistant sur le fait qu'il n'y a que deux signataires du contrat en question.

"LAWYER" ET "ATTORNEY"

Si le sens habituel, ou tout du moins le plus répandu, du terme "attorney", à savoir "avocat", est bien connu (on parle alors parfois d'"attorney-at-law"), il ne faut pas pour autant oublier qu'"attorney" désigne au départ toute personne agissant au nom et pour le compte d'une autre personne, à la demande de cette dernière. Ainsi, on peut dire d'une personne assurant sa propre représentation dans un certain nombre de situations qu'elle agit "as his own attorney". Dans ce cas précis, "attorney" doit se traduire par "mandataire", "représentant" ou "fondé de pouvoir".

Le terme "lawyer" désigne initialement toute personne titulaire d'un diplôme de droit ; il devra donc se traduire, dans son sens le plus large, par "juriste". On pourra également, pour cette acception, utiliser l'expression "homme de loi", qui présente toutefois l'inconvénient, non négligeable par les temps qui courent, d'être quelque peu sexiste. Le terme de "jurisconsulte", que le Robert définit comme désignant toute "personne qui fait profession de donner des avis sur des questions juridiques", pourra aussi être employé à condition que le destinataire du texte soit suffisamment au fait de la terminologie juridique.

Si "lawyer" et "attorney" peuvent, dans de nombreux cas, se traduire par "avocat", il ne faut toutefois pas oublier que le "lawyer" n'est pas intrinsèquement "attorney" : en effet, il exerce avant tout la profession de "lawyer" et est donc "lawyer" avant d'être "attorney", c'est-à-dire avant de représenter ou de conseiller des clients. A ce sujet, une comparaison intéressante est souvent faite entre le couple "lawyer/attorney" et "lifeguard/rescuer". En effet, tout comme le "lawyer" peut devenir "attorney" sans l'être au départ par nature, le "lifeguard" est avant tout "lifeguard" et ne devient "sauveteur" qu'après avoir sauvé une personne en difficulté.

"NOTWITHSTANDING" ET "WITHOUT PREJUDICE TO"

Ces deux expressions, qui sont parfois confondues même par des juristes, doivent se traduire respectivement par "nonobstant" (ou "par dérogation à") et "sans préjudice de". Elles ont en fait des significations presque opposées, ce qui fait qu'utiliser l'une pour l'autre relève du contresens. "Nonobstant X" signifie littéralement "sans que X n'y fasse obstacle", "sans être empêché par X". A l'inverse, "sans préjudice de" signifie littéralement "sans porter préjudice à X", "sans porter atteinte à X" (ici, l'anglais est d'ailleurs beaucoup plus clair en ce qu'il utilise la postposition "to", qui indique clairement la "direction" du préjudice, au contraire du français "de", qui est au mieux ambigu, voire littéralement déroutant…). Autrement dit, lorsque l'on dit "Notwithstanding the general prohibition against advertising, A may publish one notice in one local newspaper" (soit "Nonobstant l'interdiction générale contre la publicité, A peut publier un avis dans un journal local"), on dit que le fait qu'il y ait une interdiction générale n'empêche pas la permission spécifique, que l'interdiction générale ne prévaut pas sur la permission spécifique. Par contre, si l'on change "Notwithstanding" en "Without prejudice to", et donc "Nonobstant" en "Sans préjudice de", sans changer le reste de la phrase, la signification devient exactement opposée, et l'accent est mis sur le fait que la permission spécifique ne porte pas atteinte à l'interdiction générale, ou encore que la permission spécifique de publier un avis ne constitue pas une renonciation à l'exercice de l'interdiction générale. Les deux expressions visent toutes deux un rapport "hiérarchique" entre deux éléments, mais chacune dans le sens inverse de l'autre.




Merci à : René Meertens, Tom West, Françoise Degenne, Nathalie Riksten-Tramblin, Jill Williams, Anneke de Haan-Couzy, Judyth Mermelstein et à tous les autres qui font vivre la liste de diffusion Interlang.



© 2000-2001 - Frédéric Houbert

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