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traduction juridique anglais-français

Ces mots et expressions qui font la loi...

Bulletin sur la terminologie juridique anglais-français
par Frédéric Houbert, traducteur


Mai - Juin 2000

Liste des bulletins

Le présent bulletin, destiné initialement aux traducteurs juridiques, intéressera également toute personne désireuse de se familiariser avec la terminologie juridique anglo-saxonne et de mieux comprendre certaines expressions propres au droit français dont le sens est souvent méconnu. Les auteurs étant spécialisés dans le droit commercial et le droit civil, les termes et expressions abordés dans le bulletin relèvent principalement de ces deux domaines, ce qui n'exclut toutefois pas la présence ponctuelle de termes émanant d'autres spécialités.





MERITS

Lorsque les tribunaux rendent leur verdict dans une affaire, ils doivent notamment se prononcer sur les "merits", ou sur le "fond" de l'affaire (par opposition à la forme, cf. compétence du tribunal, etc.), c'est-à-dire statuer sur tout ou partie de la question litigieuse, objet de l'action. Ils peuvent par exemple choisir de "débouter le demandeur au fond" ("reject the plaintiff's claim on the merits").

Il est intéressant de constater que le terme "merits" est également utilisé dans le langage courant, où il peut désigner, outre le bien-fondé d'un raisonnement par exemple, l'intérêt ou la valeur intrinsèque d'une chose.

INSTANCE (fr.)

Ce terme, qui relève de la procédure civile, a deux sens principaux : il peut désigner un organe administratif, une juridiction, ou une autorité (auquel cas il est plus courant de rencontrer le terme au pluriel, cf. "les instances compétentes" ou "dirigeantes"), ou faire référence à "une suite d'actes de procédure allant de la demande en justice jusqu'au jugement" (Lexique Dalloz de termes juridiques). Dans le premier cas, "instance" peut être traduit simplement par "authority". Dans le deuxième cas, c'est-à-dire lorsque "instance" désigne une procédure, il convient d'utiliser "lawsuit", "proceedings", ou "(legal) action". Ainsi, "introduire une instance" peut se traduire par exemple par "to initiate legal proceedings" ("proceedings" pouvant par ailleurs se traduire aussi par "poursuites", "procédure" "procès" ou encore, "recours").

Lorsque le terme "instance" apparaît dans l'appellation d'un organe judiciaire propre au droit français, il est nécessaire d'étoffer quelque peu la traduction ; ainsi, "tribunal d'instance" peut être rendu par "court of first instance of limited jurisdiction", la compétence de ce tribunal étant limitée à certains types de litiges. Il est préférable d'éviter de traduire "tribunal d'instance" par "small claims court", qui bien que désignant effectivement un tribunal connaissant des litiges mineurs, n'en reste pas moins propre au droit anglo-saxon et ne correspond pas pleinement à la réalité française (le lexique juridique du Conseil de l'Europe propose de traduire ce dernier terme par "tribunal d'arbitrage des petits procès"). "Tribunal de première instance", dont l'équivalent anglais est la "Magistrates' court", peut être traduit par "court of first instance" ou "court of original jurisdiction", et "tribunal de grande instance" par "court of first instance of general jurisdiction", les "TGI" pouvant être saisis pour tout type de litige non expressément de la compétence d'un autre tribunal.

Ces juridictions étant propres au droit français, il est donc souvent préférable, lorsqu'il s'agit d'en traduire le nom vers l'anglais, de les citer telles quelles dans la traduction et d'en proposer une traduction (choisie par exemple parmi celles évoquées ci-dessus) entre parenthèses, sous forme d'une glose.

CRIMINAL/PENAL

On a souvent tendance à confondre ces deux termes, qui n'ont pourtant pas tout à fait le même sens. En effet, "criminal" est défini comme "that which pertains to or is connected with the law of crimes or which relates to or has the character of crime" (Black's), tandis que ce même dictionnaire définit "penal" comme désignant tout acte "(that is) punishable, inflicting a punishment, containing a penalty or relating to a penalty". Il est donc clair, au vu de ces définitions, que les deux termes ne se recoupent qu'en partie : le terme "penal" est à la fois plus large, en ce qu'il recouvre toute sanction, qu'elle punisse un crime ou non, et plus étroit, en ce qu'il n'est relatif qu'aux peines et à leur application. L'adjectif "criminal" peut en fait se traduire, en français, d'au moins quatre façons différentes : criminel ("criminal attack" = "agression criminelle"), pénal ("criminal law" = "droit pénal"), répressif ("criminal justice" = "justice répressive") et judiciaire ("criminal record" = "casier judiciaire"), tout étant affaire, comme toujours en traduction, de mise en contexte du terme. "Penal", pour sa part, se traduit en français principalement par pénal ("penal code" = "code pénal") ou pénitentiaire ("penal system" = "système pénitentiaire", ou "penal institution" = "établissement pénitentiaire"). Le terme peut également avoir le sens, dans un contexte plus large, d'excessif, ou d'exorbitant (en parlant de prix notamment).

A propos de "pénal", il est intéressant de remarquer qu'il est incorrect de parler de "Tribunal Pénal International (TPI)", malgré l'usage consacré. En effet, cette institution, qui est en fait une instance ad hoc créée pour juger les crimes commis notamment au Rwanda et en ex-Yougoslavie, est censée être une autorité internationale s'occupant de causes pénales (donc un "tribunal international pénal"), et non une autorité pénale s'occupant d'affaires internationales, comme le laisse supposer son appelation de "tribunal pénal international". Il existe d'ailleurs, à l'appui de cette remarque, un "Dictionnaire de droit international pénal".

SAVING CLAUSE

On donne parfois ce nom, dans les contrats, aux clauses habituellement intitulées "Severability". Il s'agit en fait d'une "clause de sauvegarde" (on peut aussi parler d'"autonomie des dispositions") qui précise que l'invalidité ou l'inapplicabilité d'une disposition spécifique du contrat ne peut remettre en cause ses autres dispositions, lesquelles doivent alors être considérées comme "autonomes" et restant de plein effet. Voici un exemple de "saving clause" : "In the event that any section, paragraph or portion of this Agreement shall be deemed to be void, voidable or unenforceable for any reason, this Agreement shall be otherwise valid and enforceable as if said void, voidable or unenforceable section, paragraph or portion had not been a part hereof in the first instance" (soit : "Dans le cas où tout article, alinéa ou partie du présent Contrat serait jugé(e) nul(le), opposable ou inapplicable pour quelque raison que ce soit, le présent Contrat sera à tout autre égard valable et applicable comme si ledit article ou alinéa ou ladite partie nulle, opposable ou inapplicable n'en avait pas fait partie en premier lieu").

HOLD HARMLESS CLAUSE ET SAVE HARMLESS CLAUSE

Ces clauses, très fréquentes dans les contrats anglo-saxons, prévoient en fait le principe du dégagement de responsabilité. En effet, la partie qui "agrees to hold the other party harmless from and against any claim or action…" s'engage à dégager la responsabilité de l'autre partie en cas de dommage découlant de la transaction envisagée et à la protéger en cas d'action en justice intentée contre elle ou de réclamation présentée par un tiers.

Le verbe "to hold harmless" est d'ailleurs souvent associé, dans ce contexte, au verbe "to indemnify", qui signifie dans ce cas "protéger contre" ou "couvrir", et non "indemniser". On retrouve d'ailleurs cette association dans la définition que donne le Black's Law Dictionary de l'expression "save harmless clause" : "A provision in a document by which one party agrees to indemnify and hold harmless another party as to claims and suits which may be asserted against him".

On pourra donc traduire "hold harmless clause" et "save harmless clause" par "clause de dégagement de responsabilité", ou, le cas échéant, par "garantie d'éviction", comme le propose Xavier Leclercq dans son ouvrage "Les contrats commerciaux", dans lequel il donne l'exemple suivant d'une "hold harmless clause" : "Si le Client venait à être inquiété dans son exploitation industrielle et commerciale par un tiers qui lui opposerait des droits de propriété intellectuelle concernés par le paragraphe a) ci-dessus, le Fournisseur assumerait à ses frais la défense du Client, le Client se réservant toutefois le droit de diriger cette défense."

TO ENTER AN APPEARANCE

Cette expression peut se traduire par "comparaître (en justice)" ou "constituer avoué/avocat" (autrement dit, nommer son représentant), et surtout pas par "faire son apparition" !!

A ce propos, il est bon de préciser qu'en procédure civile, "comparaître" signifie "constituer avocat" lorsque l'affaire est portée devant un tribunal de grande instance et "constituer avoué" lorsqu'elle est portée devant une cour d'appel.

On retrouve cette expression notamment dans les actes introductifs d'instance de la High Court of Justice anglaise, où elle apparaît dans la formule suivante : "We command you that within 14 days after the service of this Writ on you, inclusive of the day of service, you do cause an appearance to be entered for you in an action at the suit of…" (soit : "Nous vous ordonnons dans les 14 jours suivant la signification du présent acte, y compris le jour de la signification, de constituer avocat et de vous faire représenter dans l'action qui a été engagée contre vous à la requête de…"). On constate, dans cette traduction, que l'expression "to enter an appearance" suppose souvent plus qu'une simple présentation de personne.

Le substantif correspondant, "entry of appearance" se traduit pour sa part simplement par "comparution" ou "constitution d'avoué/d'avocat".

PAR MINISTERE D'AVOUE/D'AVOCAT

Cette expression quelque peu obsolète signifie simplement par l'intermédiaire ou par l'entremise d'un avoué ou d'un avocat. "Ministère" prend ici le deuxième sens que lui reconnaît Le Robert, à savoir, "action de la personne qui sert d'instrument" (on trouve aussi parfois des expressions comme "proposer son ministère", qui équivaut à proposer d'intervenir à titre d'intermédiaire). Cette expression est en fait souvent associée au verbe "comparaître" ("comparaître par ministère d'avoué/d'avocat").

Pour traduire "par ministère d'avoué/d'avocat" en anglais, on peut utiliser simplement "through a lawyer" ou "through an attorney" (éviter "through the intermediary of", qui est redondant).

LICENSE

Ce terme est communément traduit en français par licence, permis, autorisation ou encore agrément. Il ne faut pas pour autant oublier qu'il peut parfois désigner tout simplement un droit (il devient alors synonyme de "right").

Par exemple, dans la phrase : "A hereby grants to Representative a personal, non-exclusive, non-transferable right and license, upon the terms set forth in this Article 7, to use the following trademarks in the Territory" (phrase extraite d'une clause portant sur l'utilisation de marques déposées), il est évident que les termes "right" et "license", associés par la conjonction "and", sont synonymes. On pourra donc traduire cette phrase, par exemple, par : "A concède par les présentes au Représentant un droit personnel, non-exclusif et incessible (...) d'utilisation des marques déposées suivantes sur le Territoire".

L'une des définitions que donne d'ailleurs le Black's Law Dictionary du terme "license" semble particulièrement bien correspondre à ce sens : "Permission to do a particular thing, to exercise a certain privilege or to carry on a particular business or to pursue a certain occupation".

Note : en anglais britannique, le terme s'orthographie avec un "c" ("licence") et non avec un "s", comme c'est le cas en anglais américain.

THIS ARTICLE PROVIDES THAT

Pour traduire cette expression, il faut savoir si l'article en question provient d'un texte de loi (ou autre texte unilatéral tel qu'un règlement, une circulaire, etc.) ou d'un contrat. En effet, dans le premier cas, la traduction sera "Le présent Article dispose que...", tandis que dans le second, il faudra traduire par "Le présent Article stipule que..." : les textes de loi ne stipulent rien du tout, contrairement a ce que l'on peut parfois entendre, mais ils disposent. La stipulation suppose la rencontre de deux volontés, et non l'imposition unilatérale d'une obligation. Pour contourner la difficulté, on peut toutefois traduire "provide" par "prévoir", puisque l'on peut toujours dire "Le présent Article prévoit que..." sans trahir le sens du terme.

Il faut ici préciser que le verbe "stipulate" existe aussi en anglais, avec deux sens principaux : 1) "ne pas contester", "tenir pour acquis" ; dans un contexte judiciaire par exemple, une partie peut accepter de "stipulate", de convenir d'un point, pour faciliter la tâche de l'autre partie et éviter d'obliger cette dernière à apporter la preuve du point en question ; par exemple, l'avocat de la défense pourra convenir que tel témoin est bien un expert en armes a feu, plutôt que d'exiger que le procureur en apporte la preuve en faisant la liste de ses diplômes et publications en la matière ; 2) "stipuler", au sens habituel de poser comme condition ou comme règle.

Notons enfin que le verbe français "stipuler" peut aussi signifier "faire savoir expressément" (cf. "stipuler ses intentions").




Les conséquences tragiques d'une erreur d'interprétation...

Il y a quelques années de cela, un homme originaire d'un pays africain en guerre arriva en Grèce où il présenta aux autorités locales une demande d'asile politique. Dans le cadre de l'enquête visant à déterminer le bien-fondé de sa demande, l'homme fut confronté à l'un de ses compagnons de voyage dont il avait affirmé être le "brother". Il fut demandé à ce compagnon si un quelconque lien de parenté l'unissait au demandeur, question à laquelle il répondit par la négative. Dès lors, les autorités grecques jugèrent que l'homme n'était pas de bonne foi, ayant menti lors son interrogatoire, et ce dernier fut renvoyé dans son pays où il ne tarda pas à être arrêté par les autorités, pour être finalement exécuté en tant qu'opposant au régime en place.

Ce drame, aussi incroyable cela puisse-t-il paraître, est en fait dû à une simple erreur d'interprétation. L'interprète qui avait été appelé pour traduire les propos du demandeur d'asile n'avait en effet pas pensé au sens que prend souvent le terme "brother" au sein des communautés noires, à savoir celui de "frère" au sens de "frère de couleur" (cf. "soul brother"). Ainsi, le lien de parenté supposé entre l'homme et son compagnon de voyage n'avait jamais existé et était né d'une grossière erreur d'interprétation de l'interprète qui, par son incompétence, avait provoqué le renvoi de l'homme dans son pays, avec les conséquences tragiques que l'on sait.

Quelques maladresses ou erreurs relevées dans des textes rédigés par des juristes francophones...


  • "Le vendeur s'engage à ne pas débaucher et à ne pas inciter au débauchage toute personne qui serait à la date de ladite incitation un dirigeant, consultant ou employé d'une quelconque société."
    (phrase extraite d'un protocole d'achat de parts sociales)

    On peut se demander ici ce que le rédacteur a voulu dire par "inciter au débauchage". En effet, "débaucher" veut dire ici inciter quelqu'un à quitter son emploi pour travailler pour quelqu'un d'autre. On pourrait donc, à priori, interpréter "inciter au débauchage" comme voulant dire "inciter quelqu'un à débaucher quelqu'un d'autre", ce qui n'est pas logique compte tenu de la construction de la phrase. Le rédacteur a en fait peut-être voulu introduire une nuance entre les possibilités de "débauchage" : "débaucher" pourrait donc être le fait de dire simplement à quelqu'un qu'on lui propose tel poste à tel salaire, tandis qu'"inciter au débauchage" (le rédacteur aurait-il été influencé par l'expression "incitation à la débauche" ??) pourrait être interprété comme le fait d'insinuer que si la personne quittait son poste actuel, il serait très possible qu'on puisse lui trouver un poste intéressant bien rémunéré. Dans ce cas, il eût été beaucoup plus approprié de parler d'"incitation à la démission".

  • "... si la date indiquée intervient moins de cinq jours ouvrés après la date à laquelle la notification est signifiée." (extrait du même texte) : la fin de cette phrase est incorrecte. En effet, on ne peut dire d'une notification qu'elle est "signifiée", ce qui relève du pléonasme. Les verbes "notifier" et "signifier" correspondent tous deux à "faire connaître par voie légale". Les parties à un contrat doivent ainsi "signifier" les éventuels changements d'adresse ou de raison sociale qui peuvent intervenir, ou en "notifier" l'autre partie. Une fois cette obligation acquittée, on pourra dire que la notification du changement a été "faite" ou a été "donnée" ("notice has been made or given").




Merci à : René Meertens, Tom West, Françoise Degenne, Nathalie Riksten-Tramblin, Jill Williams, Anneke de Haan-Couzy, Judyth Mermelstein et à tous les autres qui font vivre la liste de diffusion Interlang.



© 2000-2001 - Frédéric Houbert

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