La non-assistance à personne en péril


L'obligation d'agir au bénéfice d'autrui lorsque celui-ci se trouve en danger ne relève pas seulement de la morale (elle peut être le fruit de la morale collective ou individuelle. Les philosophies et religions diverses obligent chacun à intervenir). Le législateur sanctionne un certain nombre de comportements passifs, incriminés en considération d'une évolution vers une certaine socialisation des rapports humains qui n'autorise aucune indifférence au sort d'autrui. "Qui peut et n'empêche pêche ". L'obligation est faite à toute personne, sans qu'il soit nécessaire qu'elle soit juridiquement tenue à quelque chose à l'égard de la personne en danger (Paris, 3 déc.1948, JCP. 1949, II, 4831, note Pierrard). La non-assistance à personne en péril, crée ainsi à la charge de tout individu une obligation de faire : celle d'intervenir afin de porter secours à toute personne en danger. L'art 223-6, al.2 du code pénal en reprenant mot pour mot les termes de l'ancien art. 63,al.2, punit celui qui ayant connaissance d'un péril encouru par un tiers ne lui apporte pas une assistance appropriée.

La non-assistance à personne en péril se compose de deux éléments : un élément matériel et un élément moral. L'élément matériel est l'abstention, le fait de ne pas apporter à autrui le secours dû. Par l'élément moral, il faut comprendre ici que le délit n'est punissable que si l'abstention est volontaire, c'est-à-dire que le prévenu connaissait le danger et a décidé en toute conscience de s'abstenir. L'art 223-6, al.2 du code pénal ne sanctionne pas une simple négligence, mais un véritable refus d'agir en pleine connaissance de cause de celui qui sait que la loi lui fait obligation d'agir. Cette infraction se rapproche de l'infraction de mise en péril, en ce qu'elles ont en commun la notion de péril. Elle s'en différencie par le fait que dans le délit de non-assistance à personne en péril, le prévenu n'est pas l'auteur de la création du danger, son inaction peut simplement par hypothèse contribuer à aggraver les conséquences de ce péril pour la victime. On peut définir le péril comme la menace de perdre la vie, la santé ou d'avoir des blessures graves (Voir aussi Bourges, 21 juin 1990,Dr.pénal 1991 ? Comm. 135) Il convient d'identifier le péril nécessitant l'assistance (I), l'assistance due (II) et les peines encourues(III).

I - Le péril nécessitant l'assistance.


L'art 223-6, al.2 du code pénal ne définit pas le péril visé dans l'infraction de non-assistance à personne en danger. Cette définition a été l'œuvre de la doctrine et de la jurisprudence, qui admettent que tout péril dans lequel se trouve un tiers ne nécessite pas l'obligation de porter secours. Pour qu'il y ait assistance, il faut que le débiteur de l'assistance soit en présence d'un péril réel(A), et d'un péril imminent et constant(B).

A - La réalité du péril


Il convient tout d'abord de préciser que le péril peut provenir d'une origine quelconque (Crim.31 mai 1949, JCP 1949. II. 4945, note Magnol). Ce péril peut provenir d'une infraction intentionnelle ou non, d'une catastrophe naturelle ou accidentelle, d'une agression, d'une violence, d'un accident de travail ou de la route, voire si l'état dans lequel se trouve la victime est entièrement dû à son fait ou à sa faute. La jurisprudence a admis l'obligation de secours à l'égard de l'auteur d'une infraction se trouvant à son tour en danger. De même l'auteur de violences volontaires a l'obligation de porter secours à sa propre victime (Cass.crim. , 24 juin 1980 : Bull. crim, N° 202).

La réalité du péril suppose, que doit peser sur autrui une menace actuelle d'un dommage qui surviendra plus tard, peu importe que la potentialité crainte ne se réalise pas à l'avenir (Cass. Crim. , 21 janv.1954 : JCP 1954 éd.G, II, 8050, note, P.-A. Pageaud). Il suffit que cette potentialité existe, car le délit de l'art. 223-6, al.2 est un délit "formel" qui ne nécessite pas pour être punissable un résultat dommageable à la victime. Ce qui est puni, c'est le fait de se désintéresser du sort malheureux d'autrui, alors qu'on peut toujours tenter une aide, même si les chances de succès sont faibles. Encore faut-il que la personne à secourir soit vivante, un mort n'est plus en péril. Un vivant doit être secouru dès qu'existe l'apparence d'un péril. Par prudence, pour éviter qu'une personne qui a manifesté une indifférence au sort d'autrui ne puisse par ruse échapper à l'application de la loi, le juge répressif, impose très souvent au prévenu d'apporter la preuve qu'il connaissait ce décès au moment où il s'est abstenu et, qu'ainsi le péril était dépassé et qu'il n'y avait aucune obligation de secours (Montpellier, 17 fév. 1953, JCP 1953. II. 7499).

B - L'imminence et la constance du péril


La jurisprudence requiert que le péril qui appelle assistance soit "imminent et constant" et nécessite une intervention immédiate (Cass. crim. 13 janv. 1955: Bull. crim. , N° 37, voir aussi, cass. crim. 21 mai 1949, déjà citée).

Le péril constant est celui qui existe, qui est perceptible et qui est incontestable. Aussi faut-il que les faits soient assez éloquents.

Le péril imminent est celui qui est sur le point de se réaliser. Il s'agit d'une imminence dans le temps et d'une imminence dans la causalité. Ces conditions sont cumulatives. L'imminence dans le temps fait de la non-assistance à personne en danger, une infraction instantanée punissant le refus de porter secours à un moment donné en présence d'une situation dangereuse à ce moment là.

II - L'assistance due


L'assistance est le fait de donner une aide personnelle ou de provoquer l'intervention d'un tiers pour aider une personne se trouvant en danger. Ce n'est pas une option, il faut simplement choisir la meilleure forme ou cumuler les deux. Avertir l'autorité ne suffit pas si l'on pouvait transporter la victime ou lui prodiguer les premiers soins. L'art.223-7 c.pén. crée un délit nouveau d'abstention volontaire de prendre ou de provoquer les mesures permettant de combattre le sinistre.

Celui qui dispose des connaissances et des moyens appropriés et au premier chef le médecin, ne peut se décharger sur un tiers de son obligation d'assistance (Cass. crim., 7 mars 1991 : Droit pénal 1991,comm. 246, note Véron ). Encore faut-il aussi que le débiteur de l'obligation ait connaissance du danger(A), et qu'il n'existe pas de risque pour soi et pour les tiers à intervenir (B).

A - La connaissance du danger.


La connaissance du danger se confond avec l'élément moral du délit. Elle peut être personnelle ou non personnelle. Elle peut découler d'une observation de celui qui se trouve sur les lieux du péril. Le plus souvent, il s'agira d'une mise en présence directe ou indirecte (cris, appels, bouées de détresse de celui qui se noie etc.) Parfois, la connaissance du danger relève de la certitude ; parfois aussi, elle peut découler de la présomption. Dans tous les cas, il faut que le péril soit évident, c'est-à-dire qu'il se manifeste par des signes extérieurs observables par tous.

B - L'absence de risque


L'altruisme est obligatoire, non l'héroïsme (Trib. corr. Mont-de-Marsan, 21 janv. 1959. : JCP 1959, éd. G, II, 11086). Le secours n'est dû que s'il peut être apporté sans risque pour l'intervenant et pour les tiers. Le débiteur doit le secours, mais uniquement celui dont il est capable en fonction de ses capacités physiques ou intellectuelles. On n'est pas tenu de porter secours au détriment de son intégrité corporelle, ni de celle des tiers, même pour sauver une personne en grande difficulté. Cela doit s'entendre, comme d'une absence de risques sérieux car toute intervention comporte un risque.

En général, l'absence de risque n'est pas l'absence de tout risque. Les juges apprécient le caractère sérieux ou non du risque (Crim.16 nov.1955, B.489) en tenant compte des capacités de l'intervenant (un mauvais nageur par exemple n'est pas tenu de sauver lui-même quelqu'un qui se noie) ; des circonstances du péril et d'autres faits propres à chaque espèce.

III- La répression.


L'auteur d'un refus d'assistance encourt un emprisonnement de cinq ans et une amende de 50.000 F. A titre complémentaire, il peut être puni de l'interdiction des droits civiques, civils et familiaux.

La tentative n'est pas punissable et la complicité est difficilement imaginable, mais en cas de participation de plusieurs personnes, on peut admettre la coaction.

Quant à l'indemnisation de la victime, la chambre criminelle a admis, après des hésitations, l'action civile fondée sur l'omission de secours, dont la répression tend à protéger des intérêts privés (Crim. 16 mars 1972, B. 109).

Reste encore à résoudre le problème pratique de l'évaluation du préjudice réparable par le prévenu, car par hypothèse,si l'abstention ne cause pas l'intégralité du dommage, elle peut l'aggraver. La cour de cassation impose alors logiquement aux juges du fond (en général le tribunal correctionnel ) de faire une distinction entre la part de dommage imputable à chacun des faits ou délits qui ont concouru à la réalisation du dommage. En aucun cas, le prévenu ne peut être tenu responsable entièrement des dommages subis par la victime, il n'est responsable que de la part de dommage provoqué par son refus d'assistance.



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