LE JURIPOLE DE LORRAINE


Serveur d'Information Juridique


Dirigé par François JACQUOT
Professeurs à la Faculté de Droit de Nancy

Réalisé par Alexis BAUMANN





Fabienne VIRICEL






ETUDE COMPARATIVE FRANCO-IRLANDAISE DES JURIDICTIONS SPECIALISEES EN MATIERE DE TERRORISME



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La lutte contre le terrorisme revêt de nombreux aspects. La mise en place de juridictions spéciales pour en connaître en est un exemple riche et révélateur. En France et en Irlande, il a été jugé opportun de confier le jugement des terroristes à des juridictions spécialisées, afin de garantir au maximum une bonne administration de la justice et le maintien de l'ordre public. En effet, l'action des terroristes dépasse souvent la phase qui précède leur arrestation et peut se poursuivre, même au travers d'un procès, par l'exercice de pressions sur des jurés ou sur l'opinion publique.

Pour pallier ce risque majeur, la France et l'Irlande ont confié le jugement des terroristes à des juridictions faisant exception au droit commun: la Special Criminal Court, en Irlande, et la Cour d'assises spécialisée dans les affaires terroristes, en France.

L'étude comparative de ces deux juridictions se révèle pertinente à bien des égards. Elle permet de confronter deux sortes de juridictions spéciales pour juger les terroristes, l'une exerçant des compétences larges dès que les tribunaux ordinaires se révèlent inefficaces pour garantir une administration effective de la justice et le maintien de l'ordre et de la paix publique, et l'autre une compétence beaucoup plus ciblée puisqu'elle ne connaît que des infractions terroristes telles qu'elles sont définies par le code pénal français (c'est-à-dire, un certain nombre d'infractions de droit commun se trouvant intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur).

Face à une juridiction irlandaise spéciale dont l'existence et les compétences sont tributaires d'une décision gouvernementale et dont la procédure est libre et les juges à la merci du pouvoir politique, on trouve, en France, une juridiction spécialisée dont l'existence et les compétences sont fixées par la loi, et qui s'efforce de suivre, autant que faire se peut, les règles de droit commun pour la désignation de ses membres et le fonctionnement de sa juridiction.

Pourtant, si diverses puissent apparaître les juridictions irlandaises, telles que prévue par la législation de 1939, et françaises, telles que prévue par la législation de 1986, on constate qu'elles ont une finalité commune : réduire au maximum leur caractère exceptionnel pour ne déroger au droit commun que par l'absence d'un jury populaire dans le jugement des crimes terroristes. La France, dotée d'une législation récente, semble sur ce point avoir une longueur d'avance, mais l'Irlande s'achemine, elle aussi vers cet objectif commun.

Il ressort donc de l'étude comparative de ces deux juridictions chargées de connaître les terroristes, que leur caractère " spécial " est essentiellement lié à la nécessité, dans un pays où le terrorisme fait rage, de remplacer le jury populaire par un jury composé de juges professionnels. Cet état de fait ne va pas sans relancer le débat sur le fondement et la valeur du droit à être jugé par ses pairs, et serait susceptible de remettre au goût du jour toutes les discussions juridiques ayant trait au jury populaire.

À l'heure où les pays de Common Law remettent en cause l'un des piliers de leur système judiciaire, à savoir le jury populaire, et à l'heure où la France entend réformer l'institution napoléonienne qu'est la Cour d'assises, la question des juridictions spécialisées pour connaître des terroristes ne peut plus passer inaperçue.


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