LE JURIPOLE DE LORRAINE


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Jose VILLOLDO


ETUDE COMPARATIVE SUR LES CLAUSES D'AGREMENT ET DE PREEMPTION DANS L'ORDRE JURIDIQUE ITALIEN ET FRANCAIS


Cette étude propose d'analyser le champ d'application et le fonctionnement des clauses d'agrément et de préemption dans le droit français et le droit italien.
L'analyse porte donc sur les problèmes juridiques qui naissent de l'application de ces clauses avec une attention particulière quant à leur compatibilité avec certains actes translatifs (transferts mortis causa, transferts à titre gratuit, liquidation de la communauté de biens entre époux, cessions d'actions entre associés, fusion-incorporation).

En effet, la nature essentiellement "ouverte" de la société anonyme et de la società per azioni (spa) se trouve restreinte par les clauses limitant la libre circulation des actions. Ces clauses, admises par les deux législations, constituent un instrument de contrôle sur les modifications d'actionnariat parvenant ainsi au même résultat que l'interdiction d'entrée pour des tiers étrangers à la société.

Les clauses d'agrément permettent ainsi à un organe social d'exprimer son propre agrément concernant le cessionnaire dans chaque transfert d'actions. Avec ce système, on introduit aussi, dans ce type de société qui, par définition est anonyme, l'élément de l'intuitus personae.
La doctrine a rapidement mis en évidence le danger que présente un tel instrument, né pour éviter l'intrusion de sujets jugés dangereux pour la vie de la société. D'où l'exigence, en Italie comme en France, de réglementer ces clauses pour éviter qu'un refus d'agrément sans motifs valables rende de fait les actions intransmissibles.
Cependant, les deux ordres juridiques ont pris deux routes diverses.
Dans le système français le principe posé veut que l'actionnaire ne reste pas prisonnier de son titre: on lui garantit le droit d'aliéner ses actions. La loi du 24 juillet 1966 relative aux sociétés commerciales aménage ainsi une procédure d'agrément, qui oblige la société - quand elle a refusé l'agrément du cessionnaire - d'acquérir ou faire acquérir les titres mis en vente. Une telle solution laisse à la société l'entière liberté dans son pouvoir discrétionnaire pour le choix du cessionnaire.

La solution adoptée par le droit positif italien est opposée. La Cour de cassation, dans son arrêt de 1978, a émis un principe qui depuis n'a jamais été abandonné: le droit des actionnaires de limiter la circulation des actions doit trouver son fondement dans un intérêt social précis. De ce fait, la clause statutaire doit prédéterminer les critères qui rendront la décision conforme à l'intérêt social. De plus, la Cour a imposé aux organes sociaux l'obligation de motiver leurs décisions afin de pouvoir exercer un contrôle juridictionnel. L'autre grande différence est issue du traitement des clauses d'agrément lors de situations translatives particulières. Ainsi, le droit français exclut, dans les articles 274 ss. de la loi du 24/07/1966, clairement et limitativement du champ d'application des clauses d'agrément les transferts d'actions ayant un caractère patrimonial familial.

En ce qui concerne les clauses de préemption, le grand intérêt suscité par celles-ci est dû - outre l'existence d'un vide législatif - à la fréquence de ces clauses dans les statuts sociaux, surtout en Italie, où elles se substituent souvent aux clauses d'agrément. En effet, la clause de préemption non seulement n'engendre pas les contraintes et coûts imposés à la société par la clause d'agrément (intervention des organes sociaux, obligation de rachat), mais en plus elle permet d'une manière plus efficace de protéger la société contre l'intrusion d'actionnaires indésirables en son sein.
En France, il existe une nette séparation entre doctrine et jurisprudence concernant la validité, le fonctionnement et les limites de ces clauses. Les décisions jurisprudentielles prononcées jusqu'à présent admettent largement ces clauses. La doctrine, au contraire, cherche à en limiter la portée et étendre le champ d'application propre aux clauses d'agrément aux clauses de préemption.
Dans l'ordre juridique italien, le débat n'est pas tant concentré sur des questions d'application pratiques, mais plutôt sur la nature juridique et sur l'efficacité de ces clauses.


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