LE JURIPOLE DE LORRAINE


Serveur d'Information Juridique


Dirigé par François JACQUOT
Professeurs à la Faculté de Droit de Nancy

Réalisé par Alexis BAUMANN





Florence NINANE






LA CONTREFAÇON DE BREVETS AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE



Si le brevet confère à son titulaire un monopole d'exploitation de l'invention, il peut néanmoins arriver que des concurrents exploitent l'invention de manière illégale sans être titulaires d'une licence. Il s'agit d'une contrefaçon de brevet qui peut causer au breveté des dommages considérables. Non seulement cela représente un manque à gagner pour l'inventeur d'un point de vue financier, mais en outre il arrivé fréquemment que les produits ou le procédés contrefaits soient d'une qualité inférieure aux produits ou procédés brevetés. Cela peut entraîner une perte de confiance dans l'esprit des consommateurs (surtout dans le cas de produits contrefaits) qui se reporteront sur d'autres produits et donc ne s'adresseront plus au titulaire du brevet. En outre, les produits et procédés contrefaits peuvent présenter des problèmes de sécurité et provoquer des accidents, ce qui nuira grandement à l'image de marque du titulaire du brevet.

Bien que notre étude ne porte pas à proprement parler sur la contrefaçon de brevet, précisons ici simplement que la contrefaçon de brevet elle-même n'est pas définie de façon identique dans tous les pays de l'Union Européenne. le breveté ne pourra donc pas toujours, s'agissant de faits identiques, agir en contrefaçon dans tous les pays où un brevet lui a été délivré.

Mais si le titulaire du brevet est convaincu que son brevet fait l'objet d'une contrefaçon dans un ou plusieurs pays, il aura évidemment intérêt à y mettre un terme.
Un premier problème se pose alors quant à la possibilité pour le breveté de se procurer la preuve de la contrefaçon. en effet, ce qui ne peut pas être prouvé n'existe pas (idem est aut non esse, aut non probari).
Si l'inventeur est titulaire d'un brevet de produit, il lui sera souvent facile de se procurer les preuves de la contrefaçon : il lui suffira d'établir que le contrefacteur fabrique ou commercialise le même produit, et pour cela il pourra généralement recourir à des modes de preuves classiques tels que l'achat des produits contrefaits sur le marché ou encore des témoignages. En revanche, il sera souvent plus difficile pour le breveté d'établir la réalité d'une contrefaçon d'un brevet de procédé. En effet, dans ce cas, la contrefaçon n'est pas manifeste et l'information ne peut donc pas être trouvée sur le marché. Les modes de preuve de droit commun ne seront donc pas toujours appropriés pour démontrer de telles atteintes aux droits du breveté.
C'est pourquoi il existe, dans de nombreux pays au sein de l'Union Européenne, des modes particuliers de preuve de la contrefaçon, et en particulier une procédure particulière communément appelée saisie-contrefaçon.
Il s'agit de permettre au breveté (ou à un officier de justice) de pénétrer dans les installations du prétendu contrefacteur afin de se procurer la preuve de la contrefaçon. Cette procédure, si elle a une fonction probatoire, consistera généralement en une description des produits ou des procédés argués de contrefaçon, accompagnée éventuellement dans certains cas d'une saisie d'échantillons afin de procéder à des tests et analyses.
Le demandeur aura tout intérêt à ce que la mesure soit prononcée sans que le défendeur en ait été averti, de façon à ce que ce dernier ne soit pas en mesure de détruire ou de faire disparaître les preuves de la contrefaçon.


Toutefois, l'accès aux installations du défendeur peut parfois permettre au demandeur de la mesure de s'approprier des secrets de fabrication ou d'affaires du saisi. c'est pourquoi la saisie-contrefaçon devra généralement être assortie de limites de façon à ne pas donner lieu à des abus.
En outre, cette mesure étant par nature destinée à permettre au breveté des se procurer des preuves de la contrefaçon (éventuellement au moyen d'une description), il aura généralement intérêt à demander la saisie de tous les produits contrefaits le plus rapidement possible, afin d'empêcher le prétendu contrefacteur d'écouler cette production sur le marché. Une décision au fond quant à l'existence de la contrefaçon n'interviendra généralement qu'au terme d'une longue procédure. C'est la raison pour laquelle de nombreux pays au sein de l'union européenne organisent une procédure de saisie-réelle de la totalité de la production contrefaite avant même qu'une décision définitive n'ait été rendue au sujet de la contrefaçon, cette procédure posant les mêmes problèmes et nécessitant les mêmes garanties que la saisie-description.


Mais si le breveté parvient à obtenir du tribunal le prononcé de la saisie-réelle des produits argués de contrefaçon, le saisi ne sera pas pour autant empêché de produire et de commercialiser d'autres produits contrefaits, ou de poursuivre l'utilisation du produit contrefait.
Or, le breveté aura généralement un besoin urgent d'obtenir une protection efficace contre les agissements du prétendu contrefacteur. En particulier, lorsque le produit nouvellement breveté est sur le point d'être introduit sur le marché, la contrefaçon risque de diminuer considérablement l'avantage compétitif dont bénéficie le breveté.
Pour cette raison, dans certains pays de l'Union Européenne, le breveté pourra demander aux autorités judiciaires compétentes le prononcé d'une injonction provisoire interdisant au prétendu contrefacteur de poursuivre ses activités de contrefaçon jusqu'à ce qu'intervienne une décision de fond quant à l'existence de la contrefaçon.
Toutefois, dans la majorité des pays Où cette mesure st à la disposition du breveté, l'injonction sera rarement prononcée en raison de la difficulté de convaincre les autorités judiciaires de l'existence prima facie de la contrefaçon et de la validité du brevet.
En outre, il peut parfois arriver que cette mesure soit obtenue avant même que l'action de fond ait été engagée. il pourrait alors sembler logique de contraindre le demandeur à introduire cette instance dans des délais stricts. pourtant, dans certains pays de l'Union européenne (aux Pays-Bas notamment), la procédure pourra parfaitement s'arrêter au stade préliminaire, et le procès n'ira jamais alors jusqu'à son terme.

Ces différentes mesures sont réglementées de manière sensiblement différente d'un pays à l'autre au sein de l'Union Européenne. Le breveté devra donc satisfaire à des exigences variables d'un pays à un autre pour obtenir une saisie-contrefaçon ou une injonction provisoire.
Le problème est que de plus en plus, la contrefaçon de brevet prend un caractère "international"; les agissements des contrefacteurs se déroulant dans plusieurs pays dans lesquels un brevet a été délivré.
Le titulaire d'un brevet est alors confronté à une difficulté : doit-il agir dans chacun des pays où la contrefaçon a lieu, avec le risque de n'obtenir les mesures demandées que dans certains pays en raison des différences de législation, ou dispose-t-il d'un moyen lui permettant d'engager une action unique pour mettre un terme aux agissements du prétendu contrefacteur dans l'ensemble des pays où la contrefaçon se produit ?
Il semblerait à cet égard que les tribunaux néerlandais notamment soient de plus en plus disposés à prononcer des injonctions provisoires à l'encontre des contrefacteurs commettant une contrefaçon non seulement aux Pays-Bas mais encore dans d'autres pays.
Cela ne va pas sans poser des difficultés lorsque l'on sait que les tribunaux néerlandais accordent plus facilement les injonctions provisoires que dans la majorité des pays de l'Union Européenne, et que les réglementations varient sensiblement d'un pays à l'autre.
Par conséquent, ces "euro-injonctions" ne seront pas toujours accueillies favorablement dans tous les pays et méritent d'être examinées de façon attentive.

Notre exposé s'articulera en conséquence de la manière suivante : nous examinerons dans un premiers temps la preuve de la contrefaçon (PARTIE I), pour ensuite étudier les mesures provisoires à la disposition du titulaire d'un brevet (PARTIE 2) et enfin nous aborderons les problème des "euro-injonctions".



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