Sandrine HUSSON


LA RESPONSABILITE DU FAIT DU MEDICAMENT
(2ème partie)

Seconde partie La fabrication des médicaments

Titre I La mise sur le marché du médicament

Chapitre I L'autorisation de mise sur le marché

Section I La procédure d'autorisation de mise sur le marché

Section II Les suites de l'autorisation de mise sur le marché

Chapitre II La responsabilité de l'Etat

Section I Mise en oeuvre de la responsabilité de l'Etat

Section II La responsabilité de l'Etat en matière de médicaments

Titre II La responsabilité du fabricant de médicaments

Chapitre I La responsabilité du fabricant de médicaments au regard du droit français

Section I Les solutions classiques de mise en oeuvre de la responsabilité du fabricant

Section II Le fabricant de médicaments

Chapitre II La directive du 25 Juillet 1985

Section I Le régime de responsabilité prévu par la directive

Section II La situation de la France

Conclusion



Seconde Partie.

LA FABRICATION DES MEDICAMENTS


Un médicament peut être fabriqué par le pharmacien d'officine, c'est le cas de la préparation magistrale, et des produits officinaux. Mais aujourd'hui la plupart des médicaments sont des spécialités pharmaceutiques c'est à dire " tout médicament préparé à l'avance, présenté sous un conditionnement particulier et caractérisé par une dénomination spéciale ". La préparation ne se fait plus à l'officine mais dans des établissements pharmaceutiques industriels. A l'apparition de ces établissements, la réglementation en vigueur ne distinguait pas l'établissement industriel de l'officine et la jurisprudence par application des dispositions légales exigeait que l'établissement appartienne à un pharmacien diplômé ou à une société constituée exclusivement entre pharmaciens. L'apport de capitaux extérieurs était interdit. Cependant cette règle qui entravait l'expansion de l'industrie n'était plus respectée et la loi du 11 Septembre 1941 légalisa les apports de capitaux extra pharmaceutiques. La réglementation actuelle est prévue aux articles L 596 à L 600 du CSP. L'alinéa 2 de l'article 596 CSP exige la présence d'au moins un pharmacien soit comme propriétaire, soit comme membre de la direction s'il s'agit d'une société. Ce sont des " pharmaciens responsables " c'est à dire qu'ils sont " personnellement responsables du respect des dispositions du présent livre ayant trait à leur activité, sans préjudice, le cas échéant, de la responsabilité solidaire de la société ". Cet encadrement est nécessaire car les médicaments mis à la disposition des malades doivent présenter un très haut niveau de qualité et pour cela la présence d'un pharmacien est indispensable. Mais les capitaux sont également nécessaires pour permettre l'utilisation de techniques performantes. La qualité des médicaments et la protection du consommateur sont assurées en grande partie par l'autorisation de mise sur le marché (titre I). Cependant, il est possible que la prise du médicament ait des conséquences graves sur la santé du consommateur ou qu'il ne soit pas conforme à ce qui était prévu et dans ce cas, on recherche la responsabilité du fabricant (titre II).


Titre I La mise sur le marché du médicament

Un médicament ne peut être vendu dans une officine que si le fabricant a obtenu une autorisation de mise sur le marché (chapitre I) par l'Agence des médicaments. C'est l'Etat qui prend la décision après consultation des rapports qui lui sont présentés d'autoriser ou non la commercialisation d'un médicament et sa responsabilité pourra être engagée si un dommage est causé au consommateur (chapitre II).


Chapitre 1

L'autorisation de mise sur le marché

La réglementation actuelle est issue de l'ordonnance du 23 Septembre 1967 qui introduit dans le CSP les dispositions de la directive européenne du 26 Janvier 1965. Ces dispositions ont été modifiées par un décret du 5 Août 1993. Avant cette ordonnance, les fabricants de médicaments devaient obtenir un visa qui résultait d'un examen portant sur l'innocuité du produit dans les conditions normales d'emploi, l'intérêt thérapeutique, la conformité à la formule annoncée par le fabricant et des techniques de fabrication et de contrôle qu'il s'engageait à mettre en oeuvre. A ce visa s'ajoutait une autorisation de débit accordée selon une procédure rapide au cours de laquelle l'inspecteur de la pharmacie venait vérifier dans l'établissement sur un premier lot de fabrication que les conditions prévues étaient respectées.

Selon la réglementation actuelle, l'autorisation de mise sur le marché " n'est accordée que lorsque le fabricant justifie : 1° qu'il a fait procéder à la vérification de l'innocuité du produit dans des conditions normales d'emploi et de son intérêt thérapeutique, ainsi qu'à son analyse qualitative et quantitative ; 2° qu'il dispose effectivement d'une méthode de fabrication et de procédés de contrôle de nature à garantir la qualité du produit au stade de la fabrication en série " (art. L 601 al. 2 CSP). Il convient d'examiner la procédure d'autorisation de mise sur le marché (section I) et les conséquences de l'obtention de cette autorisation (section II).



Section I La procédure d'autorisation de mise sur le marché

La demande d'autorisation de mise sur le marché doit être adressée au ministère chargé de la Santé et doit contenir les indications prévues à l'article R 5128 CSP : nom et adresse du responsable de la mise sur le marché et, si celui ci ne fabrique pas la spécialité, le nom et l'adresse du fabricant, la dénomination spéciale du médicament, sa composition pharmaceutique et un résumé des caractéristiques du produit défini à l'article R 5128-2 CSP.

A cette demande doit être joint également les rapports des experts. Il s'agit des expertises réalisées spécialement en vue de l'autorisation de mise sur le marché. Les experts doivent répondre aux exigences de diplômes prévues à l'article R 5119 CSP. Ils sont choisis librement sur une liste par le responsable de la mise sur le marché. Il existe cependant une restriction : l'expert ne doit pas avoir un intérêt financier direct ou indirect dans le médicament dont il effectue l'expertise. En effet, il pourrait être tenté d'améliorer le rapport afin que le produit obtienne plus facilement l'agrément de l'administration. Trois types d'expertises sont réalisées : une expertise analytique, une expertise toxicologique et pharmacologique et une expertise clinique. Les produits remis aux experts doivent être préparés selon les bonnes pratiques de fabrication dont les principes sont fixés par arrêté du ministre chargé de la Santé sur proposition du directeur général de l'Agence du médicament (art. R 5123 CSP) et l'étiquetage doit respecter les indications de ce même article. L'expert clinicien n'intervient qu'en dernier après avoir été mis en possession des rapports des deux autres experts. Le premier consulté est l'expert analyste dont la mission est de vérifier la validité des techniques de contrôle mises au point par le fabricant et la conformité du produit à sa formule. Ensuite, aura lieu l'expertise toxicologique et pharmacologique. L'expert va étudier la toxicité du produit sur l'animal et vérifier les propriétés du médicament par des essais biologiques sur l'animal. Le contrôle de la stabilité du médicament est commun à ces experts. Ce contrôle sert à déterminer la date de péremption du produit. En dernier lieu, il y aura une expertise clinique c'est à dire une expérimentation sur l'homme. Les comptes rendus de ces différentes expertises doivent prendre la forme prévue aux articles R 5130, R 5131 et R 5132 CSP.

L'article R 5133 CSP permet au directeur de l'Agence du médicament de dispenser le demandeur d'une autorisation de mise sur le marché de produire certains documents notamment lorsque celui-ci demande une autorisation de modification, ou lorsque la demande concerne une spécialité correspondant à une préparation figurant à la Pharmacopée française ou au formulaire national, et lorsque la spécialité a une formule voisine ou similaire à une spécialité déjà exploitée ou lorsqu'il existe une littérature scientifique publiée concernant tel ou tel composant de la spécialité.

Le directeur de l'Agence du médicament se prononce dans un délai de cent vingt jours à compter de la date de présentation du dossier complet. Ce délai peut être prorogé de quatre vingt dix jours ou suspendu si le directeur demande des informations complémentaires (art. R 5134, R 5135, R 5136 CSP). La décision est prise après avis d'une commission dont la composition est prévue à l'article R 5141 CSP (art. R 5140 al. 1 CSP). Le directeur peut octroyer ou refuser l'autorisation de mise sur le marché. L'autorisation est accordée pour cinq ans (art. L 601 al. 3 CSP). Elle peut être temporaire (art. R 5142-20 à R 5142-30 CSP). Elle doit être publiée au Journal Officiel (art. R 5140 al. 3 CSP). Le refus doit être motivé et la décision de rejet doit mentionner les voies et délais de recours. Le recours est réglementé par l'article R 5140 al. 2 CSP.

Le recours gracieux est un préalable au recours contentieux. Il doit être soumis pour avis à la commission qui examine les demandes d'autorisation de mise sur le marché. L'avis de la commission doit être motivé. Sa décision peut être expresse ou implicite (silence gardé pendant quatre mois). Le recours contentieux doit être introduit devant les juridictions administratives dans le délai de deux mois suivant la décision de rejet du recours gracieux. Il peut également être formé contre une décision d'octroi d'autorisation de mise sur le marché par un tiers à condition qu'il justifie d'un intérêt à agir. Il est peu probable que le Conseil d'Etat autorise une mise sur le marché d'un médicament alors que le directeur de l'Agence du médicament s'y est opposé. En effet, celui-ci va se reporter à l'avis de la commission comme le directeur et si celle ci a émis un avis négatif en estimant que le produit ne présentait pas une sécurité suffisante, le Conseil d'Etat, eu égard à ce défaut de sécurité pour le consommateur, entérinera la décision du directeur. Quelles sont les conséquences de l'autorisation de mise sur le marché ?


Section 2 Les suites de l'autorisation de mise sur le marché

L'article L 602-1 CSP prévoit le versement d'une taxe annuelle perçue au profit de l'Agence du médicament. Elle est fixée par décret dans la limite de 20 000 francs par médicament et produit bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché.

L'autorisation de mise sur le marché est une condition essentielle à la sécurité du consommateur de médicaments. Dés l'instant qu'un produit répond à la définition du médicament qui peut être interprétée de manière extensive de façon à protéger les consommateurs, celui ci doit faire l'objet d'une autorisation. Ainsi, les élixirs miracles qui sont des médicaments par présentation car ils font croire au consommateur qu'ils ont des vertus thérapeutiques, doivent faire l'objet d'une autorisation de mise sur le marché. La mise en vente d'une spécialité pharmaceutique sans autorisation constitue un délit réprimé par l'article L 518 CSP. De plus, la chambre criminelle le 3 Octobre 1991( 1) a considéré qu'il y avait infraction à la loi du 1er Août 1905 en ce que la fabrication de substances médicamenteuses dans des conditions qui ne sont pas conformes à la réglementation constitue une falsification.

L'article L 601 al. 5 CSP précise que le fait pour le fabricant ou le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché ne les exonèrent pas de la responsabilité qu'ils peuvent encourir dans les conditions du droit commun en raison de la fabrication ou de la mise sur le marché d'un médicament défectueux. Cette règle est la consécration de la jurisprudence relative à l'ancienne institution : le visa qui existait avant l'ordonnance du 23 Septembre 1967. Ainsi, le tribunal correctionnel de la Seine( 2) énonce que " l'institution du visa a pour but de renforcer la protection du public mais qu'elle est sans effet sur la responsabilité du fabricant. A l'égard de ce dernier, le rôle du contrôle administratif est essentiellement de subordonner l'autorisation de débit d'une spécialité à la preuve, par le demandeur, de l'observation d'un certain nombre de conditions et non de le dégager des obligations qui lui incombent et relève à la fois des règles de la profession et des prescriptions légales.".

Le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché doit suivre l'évolution des techniques et des progrès de la science afin d'adapter ses méthodes de contrôle des matière premières et de la spécialité prête à l'emploi. Les modifications des méthodes de contrôle sont soumises à l'approbation du directeur de l'Agence des médicaments (art. R 5135-1 CSP).

L'autorisation de mise sur le marché est valable pour cinq ans mais elle est renouvelable par période quinquennale (art. L 601 al. 4 CSP). La demande de renouvellement est à présenter par le titulaire trois mois au plus tard avant la date d'expiration. Celui-ci doit attester qu'à sa connaissance aucune modification n'est intervenue dans les éléments produits à l'appui de sa demande d'autorisation. Par conséquent si celui-ci a connaissance d'un nouvel effet secondaire, d'une nouvelle contre indication, il doit le signaler. Cette connaissance doit s'apprécier eu égard aux données actuelles de la science. L'autorisation n'est pas renouvelée si l'effet thérapeutique fait défaut. Un problème se pose quant à l'appréciation du défaut d'effet thérapeutique. Aucune indication n'est donnée sur les modalités d'appréciation de l'absence de l'effet thérapeutique. L'administration peut demander des justifications complémentaires au demandeur. Si à la date d'expiration de l'autorisation de mise sur le marché aucune décision n'est notifiée, ou si aucune demande de justification n'est adressée, l'autorisation est considérée comme renouvelée à cette date. Cette solution d'accord implicite de renouvellement ne semble pas satisfaisante eu égard à la dangerosité du produit en cause. Le renouvellement peut être refusé. Aucun article spécial ne précise si cette décision doit être motivée. La loi du 11 Juillet 1979 dispose que l'administration à l'obligation de mentionner dans le corps de la décision " les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement " pour toutes les décisions individuelles défavorables telles que des mesures de police ou des mesures restrictives des libertés, des sanctions, des retraits ou abrogations d'une décision créatrice de droit, etc. En l'espèce, nous sommes en présence de la dernière hypothèse. Donc, cette décision doit être motivée. Cette solution est corroborée par la règle du parallélisme des formes : comme le refus de l'autorisation de mise sur le marché est motivé, le non renouvellement de celle ci doit l'être également.

L'autorisation de mise sur le marché peut être retirée ou suspendue par le directeur de l'Agence du médicament (art. L 601 al. 4 CSP) ceci pour des raisons de sécurité du consommateur. L'article R 5139 CSP prévoit les cas dans lesquels l'autorisation de mise sur le marché peut être retirée ou suspendue. Cette décision doit être motivée. Ce retrait( 3) intervient lorsque la spécialité pharmaceutique est nocive dans les conditions normales d'emploi, que l'effet thérapeutique fait défaut ou que la spécialité ne correspond pas à ce qui a été déclaré, que les renseignements fournis lors de la demande sont erronés, et que les contrôles n'ont pas été effectués. Ces différentes justifications ont un but commun : la sécurité du consommateur.

L'autorisation de mise sur le marché est cessible. Cette cession aboutit à un changement du titulaire de l'autorisation de mise sur le marché. Celle-ci est subordonnée à une autorisation du directeur de l'Agence du médicament. Lorsqu'un laboratoire cède un brevet concernant un médicament, il doit également céder l'autorisation de mise sur le marché sans laquelle le cessionnaire ne peut exploiter le brevet et commercialiser le médicament. Cette cession est une cession de créance. En principe, les autorisations accordées par l'Administration sont incessibles lorsqu'elles ont été consenties à titre personnel. Cependant si elles ne revêtent pas un caractère personnel, elles peuvent être cédées en même temps que les biens auxquels elles sont attachées. L'autorisation de mise sur le marché est donc cédée en même temps que le brevet. Elle est subordonnée à l'autorisation du directeur général de l'Agence du médicament. S'il refuse ce transfert, la cession a-t-elle lieu ? L'autorisation de mise sur le marché est essentielle pour la commercialisation du médicament et sans elle le contrat n'a plus aucun intérêt pour le cessionnaire. L'article R 5138 CSP emploie le terme “subordonné”. Il semble donc que la cession n'est réalisée que lorsque que le directeur général de l'Agence du médicament a donné son autorisation à la cession de l'autorisation de mise sur le marché. Si la cession du brevet et de l'autorisation de mise sur le marché font l'objet d'une même convention, le défaut d'autorisation empêchera la cession du brevet.

Que se passe-t-il lorsque la cession de brevet et d'autorisation de mise sur le marché font l'objet de deux conventions distinctes ? Plusieurs solutions sont envisageables. Tout d'abord, il faut rechercher s'il y a indivisibilité des deux conventions. Dans ce cas, les deux doivent être exécutées et le fait que la cession de l'autorisation de mise sur le marché ne puisse pas avoir lieu entraînera la disparition de la convention portant sur la cession du brevet. Ensuite, peut-on considérer que la cession de brevet a été conclue sous la condition résolutoire implicite de l'autorisation de cession de l'autorisation de mise sur le marché par le directeur de l'Agence du médicament ? Le cessionnaire n'acquiert le brevet que parce qu'il pourra l'exploiter et vendre les médicaments et on peut supposer que l'autorisation de cession de l'autorisation de mise sur le marché est une condition nécessaire à la transaction pour lui et donc que la cession du brevet est conclue sous la condition résolutoire de l'obtention de l'autorisation de cession. Dans deux arrêts en date du 14 Février 1990( 4) la Cour de cassation admet la résolution de trois conventions portant respectivement sur la cession d'un brevet, la cession d'une marque et la cession de l'autorisation de mise sur le marché du médicament parce que l'étendue de l'autorisation de mise sur le marché avait été réduite. Ainsi, la Cour admet que les trois conventions sont liées.

Le cédant doit-il une garantie au cessionnaire ? Comme cette cession est réalisée à titre onéreux, le cédant est débiteur d'une obligation de garantie. Elle concerne l'existence de la créance au moment de la cession (art. 1693 c. civ.) et la jurisprudence l'oblige à garantir les vices de la créance cédée et son fait personnel.

Le cédant est-il tenu de garantir le cessionnaire contre les actions de personne à qui le médicament aurait causé un dommage avant la cession ? Selon l'article R 5143 l) doit figurer sur l'emballage " le nom et l'adresse de l'entreprise exploitant le médicament ou le produit et, lorsque celle ci ne fabrique pas le médicament ou le produit, le nom et l'adresse du fabricant ". Par cette mention, le consommateur a connaissance de l'exploitant. Après la cession, c'est le nom du cessionnaire et non plus celui du cédant qui apparaîtra sur la boite. Donc si un dommage est dû au médicament avant la cession, le consommateur se retournera contre le cédant et si ce dommage a lieu après contre le cessionnaire. S'il se retournait contre le cessionnaire alors que celui ci n'était pas exploitant au moment où le dommage a eu lieu, ce dernier pourra aisément démonter qu'il n'est pas responsable du dommage. A priori, le cédant ne doit pas garantir le cessionnaire pour le fait du tiers sauf s'il existe une clause le précisant. Il faut remarquer que la découverte de l'existence d'un dommage causé par le médicament met en évidence l'existence d'un vice qui était caché au moment de la cession. Donc le cessionnaire pourra invoquer la garantie des vices contre le cédant.

L'article R 5138 al. 2 CSP prévoit les différents documents qui doivent accompagner la demande. Le refus d'autorisation doit être motivé et en cas de silence de l'administration, le transfert est réputé être autorisé à l'expiration d'un délai de deux mois.

L'autorisation de mise sur le marché obtenue en France peut être étendue aux Etats membres de la CEE. Le titulaire fait la demande à l'autorité compétente du pays dans lequel il désire obtenir l'extension. Si la demande d'extension est faite dans au moins deux autres Etats membres, il doit informer le ministre chargé de la Santé (art. R 5136-2 CSP). Inversement, une demande peut être présentée en vue de l'extension en France d'une autorisation de mise sur le marché obtenue dans un autre pays membre de la CEE. La procédure est prévue à l'article R 5136-1 CSP. Depuis un décret du 20 Juin 1992, l'exportation et l'importation des médicaments sont réglementées. Une autorisation d'importation délivrée par le directeur de l'Agence du médicament est requise si le médicament ne bénéficie pas d'une autorisation de mise sur le marché. Cependant cette autorisation n'est pas nécessaire pour le particulier. Pour exporter, il est nécessaire d'avoir un certificat d'exportation. L'établissement pharmaceutique doit demander " à l'autorité administrative de certifier qu'il possède l'autorisation de mise sur le marché " et lorsque le médicament est fabriqué en vue de l'exportation il doit demander " à l'Agence du médicament de certifier qu'il s'est doté des bonnes pratiques de fabrication prévues à l'article L 600 CSP ".



Chapitre II

La responsabilité de l'Etat


Si un dommage est causé par une spécialité ayant obtenue une autorisation de mise sur le marché, l'Etat peut voir sa responsabilité engagée. Le fait que l'autorisation ne soit plus délivrée par le ministre chargé de la Santé mais par le directeur de l'Agence du médicament depuis le décret du 5 Août 1993 ne remet pas en cause cette responsabilité car l'Agence du médicament est un établissement public de l'État à caractère administratif placé sous la tutelle du ministre chargé de la Santé et du ministre chargé de la sécurité sociale (art. R 5089-1 CSP). Il convient d'exposer les règles de mise en oeuvre de la responsabilité de l'Etat (section I) avant d'examiner la responsabilité de l'Etat lors de l'autorisation de mise sur le marché (section II).


Section I Mise en oeuvre de la responsabilité de l'Etat

L'arrêt Blanco( 5) pose le principe d'un régime de responsabilité spécifique de l'Etat. Trois conditions sont nécessaires pour mettre en oeuvre la responsabilité de l'Etat. Il faut, tout d'abord, un préjudice et un lien de causalité. Le préjudice doit être certain, direct et spécial. La charge de la preuve repose sur la victime. Le lien de causalité doit exister entre le fait dommageable et le préjudice. Le juge retient la cause qui parait avoir été la plus décisive dans la réalisation du dommage( 6).

Ensuite, il faut un fait dommageable. La responsabilité peut être conditionnée par une faute. C'est l'origine la plus importante de la responsabilité administrative. Il faut distinguer la faute personnelle de l'agent public et la faute de service. La faute personnelle est celle dont il devra répondre devant le juge judiciaire.

La faute de service correspond à une abstention ou action d'un agent public ne constituant pas une faute personnelle. Elle peut être un acte juridique ou matériel ou consister en une illégalité caractérisée ou en un acte non soumis à légalité.

La faute peut être une faute lourde ou une faute simple. La première conditionne la mise en jeu de la responsabilité administrative dans deux séries de cas. Elle est exigée pour des services qui présentent des difficultés particulières (service pénitentiaire, services publics médicaux…) et pour des services de contrôle. La seconde peut être constituée par des négligences caractérisées. Lorsque la faute est exigée, elle doit être prouvée et la charge de la preuve incombe à la personne qui se prétend victime. Cependant le juge administratif admet parfois l'existence de présomptions. En cas de responsabilité pour faute, le fait du tiers exonère entièrement l'administration lorsqu'il est la cause exclusive du dommage et partiellement lorsqu'il a contribué avec l'administration à la réalisation du dommage. Le tiers et l'administration ne sont pas solidairement responsables. Le comportement fautif de la victime c'est à dire la contribution à la réalisation du dommage ou son aggravation exonère totalement ou partiellement l'administration de sa responsabilité. La force majeure est également une cause d'exonération de l'administration.

La responsabilité administrative peut être une responsabilité sans faute. La victime n'a pas à prouver l'existence d'une faute dans le fonctionnement de l'administration mais simplement le lien de causalité entre l'activité administrative et le dommage qu'elle a subi. Parfois cette responsabilité sans faute est prévue par un texte, mais elle peut aussi résulter de la jurisprudence du Conseil d'Etat. L'Etat peut invoquer le fait du tiers mais celui ci n'est jamais exonératoire. La victime peut donc demander à l'administration la réparation intégrale du préjudice à charge pour celle ci de se retourner ensuite contre le tiers pour lui demander le remboursement de la part de la somme qui lui incombe. Cependant, si une loi empêche l'action récursoire de l'administration, le juge admet que le fait du tiers soit exonératoire. L'Etat peut invoquer la force majeure et le fait de la victime comme en cas de responsabilité pour faute.

Parfois, malgré la réunion des conditions de mise en oeuvre de la responsabilité de l'Etat, le droit à réparation est refusé eu égard à la situation de la victime. C'est le cas de : l'exception d'illégitimité (la victime est dans une situation irrégulière au moment du dommage)( 7), de l'exception de précarité (la situation de la victime à laquelle le dommage porte atteinte est une situation précaire)( 8), et l'exception de risque accepté (la personne en connaissance de cause a pris le risque de s'exposer)( 9).


Section II La responsabilité de l'Etat en matière de médicaments

La responsabilité de l'Etat est prévue expressément en cas de dommage causé par une vaccination obligatoire (§1). En l'absence de textes spécifique, il faut examiner si l'Etat peut engager sa responsabilité en présence de n'importe quel médicament (§2).

§1 La vaccination

A La loi

Une seule responsabilité sans faute est prévue expressément par l'article 10-1 al. 1 CSP en matière de vaccination obligatoire : " sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation de tout dommage imputable directement à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions visées au présent code est supportée par l'Etat ". Cette indemnisation est prévue seulement pour les vaccins obligatoires. Peut on étendre ce régime aux vaccins non obligatoires ?

B Les extensions

Les juridictions administratives étendent l'indemnisation prévue par l'article 10-1 al. 1 CSP aux vaccins non obligatoires mais imposés par l'administration. Ainsi, le tribunal administratif de Strasbourg, le 9 Novembre 1976( 10), dans la première espèce, engage la responsabilité de la faculté de médecine de Strasbourg et déclare irrecevable les conclusions contre l'Etat. Dans la deuxième espèce, en plus de la responsabilité de la faculté, il déclare la victime fondée à demander réparation à l'Etat du préjudice car celle ci a été convoquée pour subir la vaccination et donc doit " être regardée comme ayant été placée dans une situation en tout point identique à celle résultant d'une vaccination obligatoire ". Dans la première espèce, on avait conseillé à la victime de se faire vacciner alors que dans la deuxième, elle avait été convoquée au centre de vaccination. Dès l'instant où la vaccination n'est pas imposée, que la personne a le choix de se faire vacciner ou non, celle ci ne peut pas bénéficier du régime de responsabilité sans faute prévue par l'article 10-1 CSP.

Le tribunal administratif de Marseille, le 22 Avril 1980( 11), retient la responsabilité sans faute de l'Etat. En l'espèce, Monsieur Bouchagour est décédé à la suite de l'absorption de trois comprimés de Fanasil destiné à lutter contre le choléra. Le tribunal relève que la distribution de Fanasil ne constitue pas " une vaccination obligatoire au sens de l'article 10-1 CSP ". Cependant, il remarque qu'en " prescrivant l'administration systématique, dans des conditions qui doivent la faire regarder comme ayant été obligatoire, en vue d'éviter la propagation du choléra, l'autorité administrative a créé dans l'intérêt général un risque spécial pour les personnes victimes d'accidents imputables à l'ingestion de Fanasil". Le tribunal utilise la solution jurisprudentielle selon laquelle lorsque l'administration expose une personne à un risque exceptionnel, le dommage subi par elle a un caractère anormal et doit être réparé par la puissance publique( 12). Seuls bénéficient de cette responsabilité les tiers. Dès l'instant que l'Etat expose volontairement à une certaine part de risque la population en rendant obligatoire la vaccination, il n'est pas normal que ces personnes supportent le risque et donc l'indemnisation par l'Etat est nécessaire.

Le vaccin est un médicament qui est soumis à la procédure d'autorisation de mise sur le marché. En effet, en vertu de l'article L 601 al. 1 CSP " toute spécialité pharmaceutique ou tout autre médicament fabriqué industriellement (…) doit faire l'objet, avant sa commercialisation ou sa distribution à titre gratuit, en gros ou au détail, d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par l'Agence du médicament ". Ne pourrait on pas étendre le régime de responsabilité sans faute prévu par l'article 10-1 CSP à tous les médicaments ayant reçu une autorisation de mise sur le marché?


§2 Le régime général

On peut penser que si l'Etat impose un traitement préventif pour lutter contre un fléau, la solution concernant l'extension du régime de responsabilité des vaccins obligatoires est transposable. Ainsi, les personnes qui ont été obligées de prendre un tel traitement bénéficierait du régime d'indemnisation prévu par l'article 10-1 CSP.

Mais, lorsque le vaccin n'est pas obligatoire c'est à dire demandé par une personne qui désire se faire vacciner contre telle ou telle maladie ou lorsque le dommage est causé par une spécialité prescrite par le médecin et non imposée par l'Etat, la responsabilité de l'Etat peut elle être engagée ? Dans cette hypothèse ni le médecin, ni le pharmacien n'ont commis d'erreur. Seul le produit est en cause. La victime peut se retourner contre le fabricant mais peut elle agir contre l'Etat qui a donné l'autorisation de mise sur la marché ? Selon Monsieur Auby( 13), " il n'y a aucune raison, en l'absence d'un texte formel d'écarter en cette matière le principe général de responsabilité de la puissance publique, qui, en droit français s'applique en règle générale chaque fois qu'un texte n'a pas établi une solution formelle d'irresponsabilité". En revanche, certains auteurs comme Messieurs Penciolelli et Vaille considèrent " le visa comme une autorisation administrative de débit et non comme une garantie d'intérêt thérapeutique ou d'innocuité "( 14). Monsieur Golléty adopte la même position( 15). La réponse nous est donnée implicitement par deux arrêts en date du 28 Juin 1968 rendus à propos de l'affaire du Stalinon( 16).


A L'affaire du Stalinon

Vers la fin de 1952, Monsieur Feuillet décida de créer une spécialité destinée à combattre la furonculose. Des recherches furent accomplies par l'établissement Février. Ce dernier présenta un produit industriel fabriqué à partir de vingt cinq grammes de di-iodo-di-éthylétain (ces vingt cinq grammes étaient en réalité un dérivé organique de toxicité inférieur fourni par autre établissement industriel) à Monsieur Feuillet qui ne vérifia pas la composition du produit. Les essais de toxicité, chimique et clinique furent effectués sur la base du produit fourni par l'industriel. Pour gagner du temps, Monsieur Feuillet présenta son produit, le Stalinon, comme un dérivé d'une spécialité antérieure (la Stannomaltine) dont il avait acheté les droits et demanda l'autorisation de modifier la formule de cette spécialité et d'en modifier son nom. Un avis favorable à la modification de la formule fut donné. Le visa obtenu, il fit fabriquer par l'industriel six kilos de di-iodo-di-éthylétain qu'il transmit aux établissements Février.

Cependant, l'industriel livra le produit demandé contrairement à la première fois où c'était un dérivé qui avait été fourni. De plus en raison des procédés de fabrication, les comprimés étaient de composition variable : certaines perles ne contenaient pas de di-iodo-di-éthylétain alors que d'autres en contenaient jusqu'à cent cinquante milligrammes. A la suite de la diffusion du Stalinon, il y eu une centaine de décès et de nombreuses intoxications. Début Mai 1954, un médecin avertit monsieur Feuillet. Celui ci fit procéder à de nouveaux essais sur des souris et aux vues des résultats qui révélaient une toxicité supérieure à celle que l'on croyait, diminua le dosage de sa spécialité. Un médecin de Niort avertit la direction départementale de la santé et le préfet des Deux Sèvres interdit la vente du Stalinon. Le visa fut retiré le 24 Octobre. Monsieur Feuillet fut condamné par le Tribunal correctionnel de la Seine le 19 Décembre 1957( 17) confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 3 Juin 1958 à deux ans d'emprisonnement et un million de francs d'amende. La responsabilité civile fut partagée entre Monsieur Feuillet (2/3) et les établissements Février (1/3).

Les assureurs et les établissements Février se retournèrent contre l'Etat en invoquant une faute lourde de celui-ci. Le Conseil d'Etat reconnaît la faute lourde de l'Etat mais rejette leur demande car les établissements Février ainsi que Monsieur Feuillet ont commis de nombreuses fautes qui ont conduit à vendre un médicament toxique. Le commissaire du gouvernement, Monsieur Kahn, explique qu'en ce qui concerne le principe d'une responsabilité de l'Etat en raison du fonctionnement du service de délivrance des visas, la solution doit être la même que celle qui prévaut pour les différents services de contrôle c'est à dire que la responsabilité de l'Etat est susceptible d'être engagée en présence d'une faute lourde. Cependant, il refuse que la responsabilité de l'Etat soit engagée en l'espèce. Il invoque la règle " nemo auditur propriam turpitudinem allegans ". Ainsi, la personne responsable d'un dommage ne peut se retourner contre la personne ou la collectivité chargée de la surveiller pour lui demander réparation de ses fautes de surveillance.

Le Conseil d'Etat suit les conclusions du commissaire du gouvernement. Il relève les différentes fautes commises par le fabricant du Stalinon et par le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché. Il énonce que Monsieur Feuillet n'a pas procédé aux essais indispensables, qu'il n'a pas contrôlé les matières premières et les produits finis et qu'il a présenté sa spécialité comme étant la modification d'une autre spécialité totalement différente. En ce qui concerne le fabricant, il relève que les opérations de fabrication n'étaient pas surveillées par un pharmacien comme l'exige la loi et que les produits ne subissaient aucun contrôle. Le Conseil d'Etat rejette donc l'action en responsabilité contre l'Etat en énonçant qu'il " ne peuvent dans ces conditions se prévaloir utilement des fautes lourdes que l'Etat aurait commises en accordant sans contrôle et en ne retirant pas assez tôt le visa du ministre à la spécialité en question ou en assurant pas la surveillance de la fabrication ".

B Les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité de l'Etat

Il apparaît que l'Etat peut être mis en cause lorsqu'il commet une faute lourde. Il doit exister un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice. Qui peut agir contre l'Etat ? Selon le droit commun, la victime pourra agir contre l'Etat si elle prouve une faute lourde de celui-ci. Le fabricant peut il se retourner contre l'Etat ? D'après Monsieur Kahn et l'arrêt du Conseil d'Etat de 1968, il semblerait que seule la victime puisse se retourner contre l'Etat.

Le fabricant peut-il se retourner contre l'Etat ? D'après l'arrêt de 1968, il semblerait que le fabricant ne puisse pas agir contre l'Etat. Cependant, il faut remarquer que dans l'affaire du Stalinon, le titulaire du visa et le fabricant ont commis de nombreuses fautes. Monsieur Feuillet a trompé le comité technique en faisant croire que son produit était le dérivé d'une spécialité ayant déjà reçu un visa. On peut donc considérer que Monsieur Feuillet qui a exercé volontairement des manoeuvres frauduleuses pour que son produit obtienne un visa est de mauvaise foi et donc ne peut se retourner contre l'Etat. Par contre, s'il n'avait exercé aucune manoeuvre, on peut penser que son recours contre l'Etat serait possible. En ce qui concerne le fabricant, la solution est identique. En effet, dans l'affaire du Stalinon, les établissements de fabrication ne respectaient pas les dispositions législatives et réglementaires en vigueur car la fabrication n'était pas dirigée par un pharmacien. Donc le fabricant et le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché peuvent agir contre l'Etat si celui ci a commis une faute lourde à la condition qu'ils n'aient pas commis eux même de fautes qui sans lesquelles le dommage aurait pu être évité.

En pratique, cette situation va se présenter que rarement. Le plus souvent, la responsabilité de l'Etat sera partagée avec celle du fabricant. Cependant, on peut penser que cette solution est applicable au cas où l'Etat aurait connaissance d'informations essentielles auxquelles le fabricant n'aurait pas pu avoir accès.

L'Etat peut-il se retourner contre le fabricant ? De quels recours dispose-t-il? En effet, la victime peut, soit agir contre le fabricant ou le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché, soit contre l'Etat si celui-ci a commis une faute lourde. Si elle agit contre le fabricant, celui-ci ne peut pas se retourner contre l'Etat (affaire du Stalinon). En matière de vaccin obligatoire, l'Etat qui indemnise la victime est selon l'article 10-1 alinéa 2 CSP " subrogé dans les droits et actions de la victime contre les responsables du dommage ". Cette solution n'est pas transposable car l'alinéa 2 suppose une responsabilité sans faute de l'Etat et cette solution permet aux victimes d'être indemnisées sans courir le risque d'insolvabilité de l'auteur du dommage. La solution repose sur le fait qu'il a obligé à la vaccination. Or si un dommage est causé par un médicament autre qu'un vaccin ayant reçu une autorisation de mise sur le marché, l'Etat n'a pas obligé la prise de celui-ci. Donc l'Etat ne peut pas être subrogé en la matière dans les droits de la victime pour agir contre le fabricant.


Titre II La responsabilité du fabricant de médicaments


La responsabilité du fabricant est réglementée à la fois par la législation et la jurisprudence française et par la législation européenne. Nous allons examiner dans un premier chapitre la responsabilité du fabricant de médicament au regard du droit français et dans un deuxième, sa responsabilité en application de la directive du 25 Juillet 1985.


Chapitre I

La responsabilité du fabricant de médicaments au regard du droit français


Le fabricant de médicaments, eu égard à son rôle dans le système de Santé publique, ne semble pas pouvoir être considéré comme un fabricant ordinaire. Cependant que l'on soit face à un fabricant de médicaments ou à tout autre fabricant comme par exemple un fabricant de jouets ce qui importe c'est que la sécurité du consommateur soit assurée. Il faut remarquer que plus le produit est dangereux, plus les règles destinées à protéger le consommateur devrait être sévères. En ce qui concerne le fabricant de médicaments, le régime de responsabilité diffère et parfois rend l'indemnisation du consommateur plus difficile. Il convient d'examiner les solutions classiques de mise en oeuvre de la responsabilité du fabricant (section I) et ensuite la situation du fabricant de médicaments (section II).

Section I Les solutions classiques de mise en oeuvre de la responsabilité du fabricant

Au préalable, il faut remarquer que le fabricant est un vendeur professionnel de produits. De ce fait, il doit respecter les obligations d'un vendeur. Elles sont prévues à l'article 1603 c. civ. Il doit délivrer une chose conforme à celle prévues par le contrat et doit garantir la chose qu'il vend. A ces obligations légales s'ajoute une obligation de renseignement et de conseil et la loi du 21 Juillet 1983 dans son article 1 (devenu l'article L 221-1 du code de la consommation) met à la charge du vendeur professionnel une obligation de sécurité. Toute personne ayant contracté directement avec le fabricant pourra engager la responsabilité contractuelle de celui-ci s'il n'exécute pas correctement ses obligations. Parfois, la chose vendue par le fabricant cause un préjudice à une personne n'ayant aucun lien avec le fabricant. Il s'agit du consommateur qui a acheté le bien a un grossiste ou d'un tiers absolu qui utilise le bien sans l'avoir acheté (prêt, utilisation familiale). Il n'y a pas de contrat direct. Cependant les situations de ces deux catégories de personnes sont différentes. Il faut examiner quelle vont être les actions de la personne qui a acheté l'objet (§1) et celles de la personne qui est tiers absolu (§2).

§1 Les actions de l'acheteur

Etant donné qu'il n'existe aucun contrat entre le fabricant et le consommateur, ce dernier ne peut en principe demander réparation au fabricant sur le fondement de la responsabilité contractuelle. Ce serait contraire à l'effet relatif des contrats. Cependant, la jurisprudence admet un recours contractuel lorsque l'on se trouve en présence d'une chaîne de contrats translatifs. Il s'agit de plusieurs contrats qui se succèdent et par l'effet desquels un même bien change de propriétaire ou d'utilisateur. C'est le cas des ventes successives d'un fabricant au grossiste, du grossiste au détaillant, du détaillant au client mais aussi lorsqu'il y a achat d'un bien pour l'utiliser ensuite lors d'un contrat de service réalisé pour le compte d'un client (achat de matériel pour construire un immeuble). Dans le premier cas, on parle de chaîne homogène car les rapports juridiques qui se succèdent sont de même nature et dans le deuxième cas, de chaîne non homogène car les contrats successifs relèvent de catégories différentes. A l'intérieur de la chaîne, les personnes vont agir contre leur contractant direct sur le fondement de la responsabilité contractuelle. Mais est-il permis au contractant final (le consommateur du produit dans la plupart des cas) de se retourner contre le contractant d'origine (le plus souvent c'est le fabricant).

Avant 1973, la jurisprudence( 18) reconnaissait au sous acquéreur le droit d'exercer l'action en garantie des vices cachés et l'action en dommage et intérêts contre n'importe lequel des contractants constituant la chaîne. En 1973, la Chambre commerciale( 19) opéra un revirement de jurisprudence et décida que le sous acquéreur ne disposait d'aucune action directe contre le premier contractant de la chaîne. A partir de 1978, la jurisprudence distingue entre les chaînes homogènes et les chaînes non homogènes. Dans l'arrêt Lamborghini( 20), la Cour de Cassation permet à nouveau au sous acquéreur d'intenter l'action en garantie des vices cachés contre l'un quelconque des précédents vendeurs. La Cour précise que l'action est " nécessairement " contractuelle. Donc le tiers ne dispose plus d'une option entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle. En ce qui concerne les chaînes non homogènes, la victime ne peut agir que sur le fondement de la responsabilité délictuelle( 21). Cette solution a été confirmée par un autre arrêt de la première Chambre civile du 5 Octobre 1983( 22). Toute cette jurisprudence fut remise en cause par deux arrêts du 29 Mai et du 19 Juin 1984( 23). Sur les mêmes faits : un entrepreneur a acheté des tuiles à un fabricant pour la couverture d'une maison dont il lui a été passé commande, les matériaux étant défectueux le maître de l'ouvrage a agit directement en responsabilité contre la fabricant des tuiles, la première et la troisième Chambre civile donnent des solutions différentes. La troisième Chambre retient la nature délictuelle de l'action du maître de l'ouvrage contre le fournisseur de matériaux alors que la première Chambre civile revenant sur sa solution du 27 Janvier 1981 a soutenu une solution contractuelle : le maître de l'ouvrage pouvait selon elle agir directement en garantie des vices cachés contre le fabricant des tuiles défectueuses.

L'Assemblée Plénière a donné raison à la première chambre civile dans deux arrêts en date du 7 Février 1986( 24). La Cour insiste sur la nature " nécessairement " contractuelle de l'action et compare explicitement la situation du maître de l'ouvrage à celle du sous acquéreur. La troisième chambre s'est inclinée( 25). En 1988, la première Chambre civile a étendu la nature contractuelle des actions directes au " sous contrat " c'est à dire au groupe de contrats dans lequel le débiteur d'une obligation de faire se substitue un tiers pour l'exécution partielle ou totale de sa prestation. Cet arrêt précise que le créancier qui agit le fait " dans la double limite de ses droits et de l'étendue de l'engagement du débiteur substitué " c'est à dire que le sous traitant peut opposer au créancier agissant les exceptions que pourrait lui opposer le débiteur principal et les exceptions qu'il peut invoquer à l'encontre de son cocontractant immédiat (le débiteur principal). La troisième chambre a résisté à cette évolution notamment dans le secteur de la sous traitance immobilière( 26). Face à ces divergences, L'Assemblée Plénière( 27) saisie du problème de la sous traitance a donné raison à la troisième chambre. Cette solution établit une distinction entre les groupes de contrats translatifs (vente/vente, entreprise/vente et vente/entreprise) dans lesquels les solutions précédemment dégagées se maintiennent c'est à dire action " nécessairement " contractuelle et les groupes de contrats non translatifs (sous traitance et sous location ) dans lesquels seule une action délictuelle peut être intentée. Il faut ajouter que la troisième chambre civile en 1993 est revenu sur des actions directes contractuelles spécifiques qui existait ponctuellement notamment en matière de bail.

Quelles sont les actions qui sont transmises ? Il est indiscutable que la garantie des vices cachés et l'action en conformité soient transmissibles au sous acquéreur. Cependant cette question est plus difficile à trancher en ce qui concerne l'obligation de sécurité et de renseignement. En ce qui concerne l'obligation de sécurité, il semblerait depuis un arrêt du 17 Janvier 1995 qui met à la charge du vendeur professionnel une obligation de sécurité délictuelle que cette question ne se pose plus. En effet, peu importe la qualité de la victime pour que cette obligation de sécurité soit invoquée. La transmission de l'obligation de renseignement semble être difficile à accepter. En effet, le renseignement transmis au consommateur doit il être identique à celui transmis par le fabricant au grossiste ? Il n'est pas concevable que le consommateur reçoivent les mêmes informations que le grossiste. En effet, le grossiste est censé connaître le produit et donc les informations seront moins importantes que celles qu'il devra transmettre au consommateur.

§2 L'action du tiers absolu

Le plus souvent, l'action sera fondée sur la faute du fabricant (A), ou sur la garde de la chose (B). Cependant, le tiers pourra parfois invoquer la responsabilité contractuelle du fabricant en se fondant sur la stipulation pour autrui (C).

A La faute du fabricant

Le fabricant peut commettre une faute dans la conception ou la réalisation de la chose et dans les instructions d'emploi, dans le conditionnement ou le stockage du produit. La victime devra établir une faute du fabricant pour pouvoir agir sur le fondement des articles 1382 et 1383 du c. civ.

En ce qui concerne la faute dans la conception ou la réalisation du produit, celle ci aura souvent donné lieu à un vice caché dont le tiers aura été victime. Parfois, la faute est facile à établir lorsque le fabricant ne respecte pas les normes ou la composition imposée. Le plus souvent, le vice peut être mis en évidence mais la faute ne peut être prouvée. Dans ce cas, le tiers peut agir sur le fondement de l'obligation de sécurité. En effet, l'article 1 de la loi du 21 Juillet 1983 devenu l'article L 221-1 du code de la consommation dispose que " les produits et les services doivent dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes ". L'obligation étant prévue par un texte sa violation constitue une faute. Cependant, dans un arrêt du 17 Janvier 1995( 28), la Cour de cassation énonce que " le vendeur professionnel est tenu de livrer des produits exempts de tout vice ou de tout défaut de fabrication de nature à créer un danger pour les personnes ou pour les biens ; qu'il en est responsable tant à l'égard des tiers que de son acquéreur ". La première Chambre transpose l'obligation de sécurité qu'elle met à la charge du vendeur professionnel dans ses relations avec l'acquéreur aux dommages causés par la chose à des tiers. Il semblerait que la Cour veuille uniformiser la responsabilité du vendeur afin que les victimes soient indemnisées de la même façon sans avoir à rechercher si elles sont parties ou tiers au contrat. Cette solution peut s'expliquer par le fait que la Cour cherche à appliquer les dispositions de la directive du 25 Juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux qui engage la responsabilité des producteurs pour le défaut de sécurité des produits qu'ils mettent sur le marché. La directive ne distingue pas selon la qualité de la victime.

Le défaut d'information constitue une faute contractuelle du fabricant à l'égard de son client. Mais si ce défaut est la cause d'un dommage qui entraîne pour un tiers un préjudice, la responsabilité délictuelle du fabricant pourra être recherchée. Le défaut ou l'insuffisance d'information, d'instruction est un manquement à l'obligation générale de prudence du vendeur fabricant. Ce devoir d'information varie selon que le produit est livré à un profane ou à un professionnel. Plus le produit est dangereux, plus l'information voire la mise en garde doit être importante. Le fabricant doit attirer l'attention de l'utilisateur sur tous les dangers attachés à l'utilisation ou à la conservation du produit. Il semble que la meilleure solution est que l'information suive le produit c'est à dire se trouve inscrite sur le conditionnement. Le fabricant peut-il se décharger de l'obligation d'information sur l'intermédiaire c'est à dire avertir celui ci des dangers, des précautions à prendre sans indications sur le produit ? Cette solution ne parait pas satisfaisante. En effet, le grossiste peut oublier de transmettre l'information à l'acheteur et si le produit n'est pas utilisé par l'acheteur, que celui ci le prête l'utilisateur ne sera pas averti. Il faut que l'utilisateur du produit acheteur ou non soit courant des dangers et des précautions à prendre.

Le dommage peut résulter de mauvaise condition de stockage ou de conditionnement. Ainsi commet une faute le fabricant qui stocke un produit inflammable près d'une source de chaleur ou utilise un contenant en plastique souple pour un produit corrosif si bien qu'une petite pression sur ce flacon provoque un jet de produit.


B La responsabilité du fait des choses

Le fondement de ce recours est l'article 1384 alinéa 1 c. civ. : " on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait (…) des choses que l'on a sous sa garde ". La victime d'un dommage causé par une chose va rechercher qui est le gardien de cette chose. Dans la plupart des cas, ce sera un vendeur mais pas le fabricant. La chose doit avoir un rôle actif. elle est présumée avoir un rôle actif lorsqu'elle est en mouvement et qu'elle est entrée en contact avec la victime. Quand il n'y a pas de contact avec la victime ou si la chose est inerte, celle ci doit rapporter la preuve du rôle actif. Selon la Cour de Cassation est gardien la personne qui a l'usage, la direction et le contrôle de la chose( 29) . Le propriétaire de la chose est présumé être le gardien de celle ci. Cette présomption est simple et tombe en cas de preuve contraire si on démontre que le propriétaire a transféré la garde à un tiers. Ce transfert peut être un acte juridique ou résulter d'une simple situation de fait.

Cependant, il y a des cas où l'application de cette notion telle qu'elle est définie par l'arrêt Franck aboutisse à une situation différente de la réalité. En effet, la faute du détenteur considéré comme gardien n'est pas possible. C'est le cas, lorsque le dommage est causé par un vice de la chose.

La doctrine a proposé un fractionnement du pouvoir sur la chose( 30). Certains dommages sont dus au comportement de la chose c'est à dire à la manière dont elle est utilisée, contrôlée, surveillée et d'autres sont dus à la structure de la chose, à son état, à la manière dont elle est constituée. Après quelque hésitation, la jurisprudence a admis cette distinction dans l'affaire de l'oxygène liquide( 31). Elle a précisé les conditions d'application de cette distinction. Tout d'abord, elle ne doit s'appliquer qu'à des choses qui ont un dynamisme propre et dangereux. Il s'agit par exemple de bouteilles contenant un gaz comprimé, postes de télévision… Ensuite, il faut attribuer la garde. Le choix s'opère entre le détenteur, le propriétaire et le fabricant de la chose. Le fabricant serait gardien de la structure. Le dommage causé par une chose dotée d'un dynamisme propre est présumé être due à sa structure c'est à dire qu'elle est présumée avoir été infectée d'un vice interne, sauf preuve contraire apportée par le gardien de la structure c'est à dire le fabricant. La division de la garde n'est admissible que lorsque le dommage peut être attribué seulement à la structure de la chose, qu'il n'a pas provoqué ni par le gardien du comportement, ni par la victime, ni par la vétusté de la chose et qu'il n'est pas du à la fois à la structure et au comportement de la chose. Si ce n'est pas le cas, on retient la responsabilité du gardien. Il faut souligner que le gardien de la structure et celui du comportement ne peuvent pas être condamnés in solidum car la garde est alternative.

C La stipulation pour autrui

La responsabilité contractuelle du fabricant peut également être engagée sur le fondement de la stipulation pour autrui (art. 1121 c. civ.). En effet, l'article 1165 c. civ. prévoit que les tiers peuvent profiter d'un contrat dans ce cas. La stipulation pour autrui est un contrat par lequel une personne (le promettant) promet à une autre (le stipulant) d'exécuter une prestation en faveur d'un tiers (le bénéficiaire). Pour que ce contrat soit valable, il faut, tout d'abord, que le contrat conclu entre le promettant et le stipulant soit valable. La stipulation pour autrui est une opération accessoire greffée sur ce contrat. D'après les articles 1119 et 1121 c. civ., il semble que le nombre des contrats dans lesquels peut être insérée une stipulation pour autrui est limité. Il s'agit de la stipulation que l'on fait pour soit même, de la stipulation au profit d'un tiers lorsque " telle est la condition d'une stipulation que l'on fait pour soi même ou d'une donation que l'on fait à un autre. Cependant, il est fait une interprétation large de ces textes par la jurisprudence. Les tribunaux admettent la stipulation tacite par interprétation de la volonté.

Ensuite, le tiers bénéficiaire doit être déterminé ou déterminable. En l'espèce, le promettant serait le fabricant, le stipulant serait le vendeur et le bénéficiaire serait le consommateur du produit. Le bénéficiaire n'est pas obligé d'avoir donné son consentement. Cependant, il va de soi que s'il demande au promettant de s'exécuter c'est qu'il aura implicitement accepté la stipulation. Le bénéficiaire peut agir contractuellement contre le promettant. Il dispose d'une action directe et personnelle en réparation du préjudice que lui cause l'inexécution de l'obligation contractée à son égard. Ainsi, on va considérer que le vendeur a stipulé au profit du consommateur qui va pouvoir mettre en cause le fabricant sur le fondement de la responsabilité contractuelle dans les mêmes conditions qu'aurait pu le faire personnellement le vendeur. Il va donc pouvoir invoquer la garantie des vices, l'obligation de renseignement, l'obligation de conformité et l'obligation de sécurité.

Après avoir rappelé les solutions classiques de responsabilité du fabricant, il convient d'examiner la situation spécifique du fabricant de médicaments.


Section II Le fabricant de médicaments

La fabrication des spécialités pharmaceutiques ne peut être effectuées que dans des établissements pharmaceutiques. Cet établissement doit être la propriété d'un pharmacien ou d'une société à la gérance ou à la direction générale à laquelle participe un pharmacien. Celui ci est appelé pharmacien responsable. Il est personnellement responsable du respect des dispositions du CSP concernant la fabrication des médicaments. La société est responsable solidairement avec celui-ci. Pour des raisons de solvabilité et de simplification, l'action est presque toujours intentée contre la société dont il est le représentant légal. Par la suite la société pourra exercer l'action récursoire prévue à l'article 1214 c. civ. contre le pharmacien responsable. En pratique, c'est l'assureur qui règle le sinistre et il sera subrogé dans les droits de la société. Si l'action en responsabilité civile est intentée contre le pharmacien personnellement, elle est de nature délictuelle. Il n'y a en effet aucun lien contractuel entre celui ci et le répartiteur de médicaments, le pharmacien d'officine et le consommateur. Il peut également engager sa responsabilité pénale et sa responsabilité disciplinaire. La société, fabricant de médicaments, peut également engager sa responsabilité pénale ou se voir retirer l'autorisation d'ouverture. Sa responsabilité civile peut être mise en jeu. Elle doit, en effet, respecter les obligations spécifiques posées par le CSP (§1) en plus des obligations classiques de tout fabricant. Cependant, la nature de sa responsabilité civile est controversée et les solutions du droit commun ne sont pas toujours appliquées (§2).


§1 Les obligations spécifiques du fabricant de médicaments

Tout d'abord, le fabricant de médicaments doit obtenir une autorisation de mise sur le marché. Cette étape est un préalable à la commercialisation du médicament. La mise en vente d'une spécialité pharmaceutique sans autorisation constitue un délit réprimé par l'article L 518 CSP( 32).

Ensuite, il doit effectuer un contrôle des différents produits utilisés, préparés et délivrés. Ce contrôle est prévu à l'article R 5115-7 CSP qui dispose que " les pharmaciens fabricants doivent pouvoir justifier, à tout moment, que tous les produits qu'ils utilisent, préparent et délivrent sont conformes aux caractéristiques auxquelles ils doivent répondre et qu'il a été procédé aux contrôles nécessaires ". Il y a donc une garantie de conformité à la formule mais également une garantie de conformité des produits utilisés. Ainsi, dans l'affaire du Stalinon ni le produit utilisé, ni le produit fini n'avaient été contrôlés. Cette obligation de conformité est une obligation de résultat. Le seul fait que la formule du produit soit différente de celle qui a reçu l'autorisation de mise sur le marché engage la responsabilité disciplinaire et civile, à condition dans ce dernier cas que les conditions de la responsabilité soient remplies, du pharmacien responsable mais également celle du fabricant de médicaments. Le défaut de contrôle est également une infraction pénale prévue à l'article L 518 CSP.

Enfin, l'obligation d'information est prévue explicitement par les articles R 5143 à R 5143-5 du CSP. Il s'agit de l'étiquetage et de la notice. Ces articles sont issus du décret du 5 Janvier 1994 et ne sont applicables qu'aux spécialités dont l'autorisation de mise sur le marché a été accordée après la publication de ce décret au Journal Officiel c'est à dire le 9 Janvier 1994. Ils ne seront applicables aux spécialités déjà sur le marché à cette date qu'à compter du premier renouvellement quinquennal de l'autorisation de mise sur le marché ou à l'occasion de toute modification. Ce décret a pour but de mettre la législation française en conformité avec la directive communautaire du 31 Mars 1992. Il faut remarquer que l'information est destinée à trois catégorie de personnes : les prescripteurs, les pharmaciens et les consommateurs. La notice et l'emballage ainsi que la publicité( 33) pour les médicaments dits en vente libre sont destinées à informer plus particulièrement les consommateurs alors que d'autres moyens sont mis en place par les fabricants pour informer les professionnels de la santé.

En ce qui concerne l'étiquetage, celui-ci doit comporter les mentions prévues à l'article R 5143 CSP qui doivent être " inscrites de manière à être facilement lisibles, clairement compréhensibles et indélébiles ". Ces différentes mentions concernent la dénomination du produit, sa composition, sa forme pharmaceutique, le numéro de lot de fabrication, la date de péremption, le nom de l'exploitant et le cas échéant celui du fabricant. Ces indications pouvaient être avant le décret du 5 Janvier 1994 complétées par des arrêtés du ministère de la Santé. Aujourd'hui, doivent également figurer obligatoirement sur l'emballage, la liste de certains excipients, la mention " Ne pas laisser à la portée des enfants ", mise en garde si celle-ci s'impose, les précautions particulières de conservation, d'élimination des produits non utilisés ; pour les médicaments non soumis à prescription, l'indication thérapeutique ainsi que des indications financières. Certaines informations peuvent être explicitées sous la forme de dessins en complément des informations écrites. Toutes ces mentions sont rédigées en français. Il existe des dérogations pour des produits particuliers comme les ampoules.

En ce qui concerne la notice, celle-ci est devenue obligatoire (art. R 5143-4 CSP). Avant le décret du 5 Janvier 1994, elle était facultative. Son contenu est prévu à l'article R 5143-5 CSP. Elle doit permettre l'identification du produit, contenir les indications thérapeutiques, les informations nécessaires avant la prise du médicament relatives aux contre indications, aux précautions d'emploi, aux interactions et les instructions nécessaires au bon usage du produit ainsi que les effets indésirables. Elle doit être rédigée en français, " en terme aisément compréhensibles pour l'utilisateur et suffisamment lisibles". L'introduction de la directive a permis de renforcer la protection du consommateur de médicaments. En effet, la notice et les indications du conditionnement doivent être accessibles à tous. Elles doivent être lisibles, compréhensibles. Les termes employés ne seront plus des termes spécifiques tels que antalgique (calme la douleur), antipyrétique (fait baisser la fièvre), anxiolytique ou s'ils figurent dans la notice, ils devront être expliqués. De même, les caractères des notices devront être suffisamment gros pour que des personnes ayant la vue basse puisse les lire. On peut également recommander aux fabricants de faire des notices en braille et de faire figurer des schémas explicatifs lorsque l'utilisation du produit nécessite une préparation particulière pour éviter des mauvaises manipulations. La Cour d'appel de Paris( 34) a condamné un fabricant de médicaments car l'indication thérapeutique portée sur la boite était insuffisante. Après l'absorption de Xylomucine, la patiente présenta des accidents occlusifs graves. Elle demanda réparation au laboratoire fabricant. Celui ci affirma qu'elle ne s'était pas conformée à la posologie. La Cour relève que l'unique posologie portée sur la boite : " une, deux ou trois cuillerées à dessert au milieu des repas " était à " elle seule insuffisante à mettre en garde les malades contre les dangers résultant de l'absorption du produit entre les repas ". L'obligation d'information n'a pas été exécutée correctement par le fabricant.

Les professionnels de l'industrie du médicament, conscients du fait que les différentes catégorie d'utilisateurs de médicaments devaient être informés, ont convenus de l'établissement d'un " code de bonnes pratiques d'information "( 35). Ce code reprend toutes les dispositions législatives et réglementaires prévues par le CSP et prévoit des dispositions d'autodiscipline. Outre la notice et l'emballage, les prescripteurs peuvent être informés par d'autres moyens.

Ils peuvent, tout d'abord, être informés oralement. Cette information sera soit personnalisée, soit collective.

Lorsqu'elle est personnalisée, elle est assurée par les visiteurs médicaux. Selon l'article R 5052-1 al. 2 CSP " toute présentation orale d'une spécialité pharmaceutique doit être accompagnée de la remise d'une fiche signalétique comportant le résumé des caractéristiques du médicament prévu à l'article R 5128-1 CSP ainsi que les mentions exigées par la législation sur les prix et la législation sociale ". Le résumé des caractéristiques du produit correspond aux monographies figurant dans le dictionnaire des spécialités et contrôlées par le ministre chargé de la santé.

L'information orale collective est celle qui est assurée lors de manifestations regroupant un grand nombre de personnes (congrès, colloque…).

Ensuite, l'information des prescripteurs peut être assurée par écrit c'est à dire par l'envoi de fiches signalétiques. Le Vidal regroupe toutes les spécialités avec leur monographie qui est un résumé des caractéristiques du produit. La plupart des médecins le possède mais cela n'est pas obligatoire. La notice est surtout destinée à informer le consommateur sur l'utilisation du produit. Le médecin se référera au Vidal et aux fiches fournies par le laboratoire, ce qui constitue une information précise et complète. Il faut remarquer que l'information est proportionnelle à la compétence. En effet, l'information doit être très détaillée pour permettre au médecin de choisir au mieux la thérapeutique correspondant à la maladie. Par contre envers le consommateur, les informations doivent être suffisantes pour lui permettre l'utilisation du médicaments dans les meilleures conditions possibles mais sans l'inquiéter. Cette conception est contraire au droit commun dans lequel l'information du consommateur doit être la plus précise possible alors que le professionnel est censé connaître le produit qu'il vend.

Malgré cet encadrement de l'information, il faut remarquer que l'information donnée en France n'est pas suffisante par rapport à l'information donnée dans les pays étrangers. Ainsi concernant les effets indésirables du Hadol (un neuroleptique), le Vidal leur consacre quatorze lignes alors que le Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques, son équivalent canadien, leur en consacre cent vingt six. De même en ce qui concerne le Prozac : en France, on recense vingt quatre effets secondaires alors qu'au Canada il y a deux cent( 36).

La protection du consommateur est également réalisée par le pharmacien d'officine. En ce qui le concerne, ce sont les informations sur l'emballage qui doivent être claire et ne pas l'induire en erreur notamment en ce qui concerne la composition du produit. Si l'information n'est pas claire, le fabricant va engager sa responsabilité civile et pénale le cas échéant. Ainsi dans l'affaire du sérum hypertonique et physiologique, le tribunal de Clermont Ferrand( 37) a condamné le laboratoire car il y avait " dénomination non conforme et faute professionnelle de terminologie pharmaceutique ", le conditionnement prêtait à confusion ", les précautions nécessaire à la différenciation n'avaient pas toutes été prises et l'étiquetage était incohérent. De plus ce n'est pas parce que la composition du médicament est indiquée sur l'emballage et que les contre indications sont connues par les professions médicales que le fabricant peut ne pas les indiquer sur l'emballage. La première Chambre civile a statué dans ce sens en ce qui concerne des produits vétérinaires et cette décision est applicable aux médicaments destinés à la médecine humaine. La Cour( 38) a énoncé que " le fabricant d'un produit doit fournir tous les renseignements indispensables à son usage et, notamment, les contre indications ". Il faut remarquer que l'article 10.3 al. 1 du code de bonnes pratiques d'informations dispose que " les pharmaciens doivent être informés au même titre que le médecin " et selon al. 3 " il est souhaitable que soient portés à leur connaissance ceux des éléments techniques auxquels ils peuvent être confrontés et notamment les données plus spécifiquement pharmaceutiques des produits ".

Le fabricant doit assurer un suivi de l'information et doit modifier les indications de l'emballage et de la notice s'il a connaissance par exemple d'un nouvel effet secondaire, d'une nouvelle interaction…et informer le corps médical. Ainsi, la Cour d'appel de Paris( 39) a retenu la responsabilité pour faute d'un laboratoire. En l'espèce, la possibilité de survenance d'effets secondaires graves d'un produit avait été signalé dans la littérature médicale spécialisée à partir de 1970. Le produit a causé un préjudice à une patiente en 1982 et le fabricant n'a averti le corps médical de ces effets qu'en 1985. La Cour retient que le laboratoire est responsable car il " a informé tardivement les médecins, en l'état des données acquises de la science alors que l'influence toxique d'un des composants de ce médicament avait été dénoncé par plusieurs articles et un thèse en doctorat dix ans auparavant ". Ainsi, il manque à son obligation d'information.

Après avoir examiné les obligations spécifiques du fabricant de médicaments, il convient de rechercher la nature de sa responsabilité.


§2 La nature de la responsabilité du fabricant de médicaments

La responsabilité du fabricant est elle délictuelle ou contractuelle ? La question n'a jamais été tranchée en ca qui concerne l'action de l'acheteur de médicaments contre le fabricant. Le tiers non acheteur de médicaments agira contre le fabricant sur la fondement de la responsabilité délictuelle, aucun lien n'existant directement ou indirectement vis à vis du fabricant. En ce qui concerne l'acheteur des médicaments, les deux thèses coexistent. Il semblerait cependant que la doctrine et la jurisprudence aient une préférence pour la responsabilité délictuelle. Ainsi Monsieur Viandier est favorable au principe d'exclusivité de la voie délictuelle en matière d'accidents pharmaceutiques( 40). De même, Monsieur Viratelle affirme que la responsabilité du fabricant n'est pas contractuelle puisqu'il n'y a pas de contrat entre la victime et le fabricant( 41). La Cour d'appel de Paris le 4 Juillet 1970( 42) retient la responsabilité délictuelle du fabricant. En l'espèce, un médicament le Dig Bill injecté par voie intra musculaire a donné lieu à la formation de trois abcès graves. Ceux ci ont du être opérés et des greffes de peau ont été nécessaires. La patiente demanda réparation de son préjudice au laboratoire. En première instance, les juges ont considéré que les fabricants de produits pharmaceutiques sont tenus " contractuellement " à une obligation de sécurité. La Cour d'appel relève qu'il n'existe pas de contrat entre le fabricant et l'utilisateur d'un produit pharmaceutique car l'article R 5115-1 CSP prohibe ce contrat. La Cour d'appel exclut également la stipulation pour autrui en relevant qu'il n'existe pas de rapport direct entre le fabricant et le pharmacien d'officine et que ce dernier " n'a aucun intérêt à stipuler la sécurité " du consommateur. Elle considère " que le seul terrain sur lequel peut être recherchée la responsabilité est celui des articles 1382 et 1383 du c. civ. ". En l'espèce, elle énonce qu'aucune faute n'est imputable au laboratoire et déboute la patiente de sa demande. Plus récemment la Cour d'appel de Versailles, le 25 Juin 1992( 43) a rappelé que la responsabilité d'établissement de préparation, de vente en gros ou de distribution en gros de médicaments à l'égard de l'utilisateur doit être recherchée sur le fondement des articles 1382 et 1383 du c. civ. et que l'article R 5115-1 CSP prohibe tout contrat entre fabricant et consommateur. La Cour d'appel de Paris, dans l'affaire Thorens( 44), a pris position en faveur de la responsabilité délictuelle. Elle avait débouté Monsieur Thorens de son action en garantie des vices contre les laboratoires Merell Toraude et la société Labaz au motif que " le seul terrain sur lequel peut être recherchée la responsabilité des laboratoires est celui des articles 1382 et 1383 du c. civ. ".

Pourquoi les juridictions ne retiennent que le fondement des articles 1382 et 1383 du c. civ.? L'utilisateur ne pourrait-il pas agir sur le fondement de l'article 1384 al.1 c. civ. Dans ce cas, l'appréciation délictuelle de la responsabilité du fabricant de médicaments serait plus favorable à la victime. On pourrait appliquer la théorie de la garde de la structure et du comportement et le fabricant serait le gardien de la structure. Dans un arrêt du 15 Juin 1972( 45), la Cour de cassation a cassé un arrêt de la Cour d'appel d'Aix en Provence qui déclare responsable le laboratoire sur le fondement de l'article 1384 al.1 c. civ. En l'espèce, il s'agissait d'une ampoule contenant un médicament. Cette ampoule a explosé et a blessé la personne a qui elle avait été remise par le préposé du médecin. Celui-ci détenait l'ampoule depuis plus de dix ans et une notice dans la boite insistait sur l'altérabilité du produit mais la boite ne fut pas ouverte ni par le médecin, ni par l'infirmière. Malgré cette faute, la Cour d'appel a retenu la responsabilité du laboratoire sur le fondement de l'article 1384 al. 1 c. civ. et la Cour de cassation cassa cet arrêt. Cela signifie-t-il que l'article 1384 al. 1 n'est pas applicable aux médicaments ? La réponse est assurément non. En effet, la situation décrite dans cet arrêt était très particulière et la Cour a considéré que le transfert de garde avait eu lieu au profit du médecin car l'état défectueux de l'ampoule pouvait être décelé sans aucun problème par celui ci. Il apparaît donc que l'article 1384 al. 1 associé à la théorie de la garde de la structure et du comportement pourrait être un fondement pour engager la responsabilité du fabricant. Une objection pourrait apparaître quant au dynamisme propre du médicament. Le dynamisme du médicament existe quand on est en présence d'un médicament sous forme d'ampoule, de spray, d'aérosol…Ce n'est pas le cas pour d'autres sous forme de comprimés par exemple. Ce fondement ne peut être utilisé que pour certains médicaments.

L'article R 5115-1 CSP dispose que " les établissements visés à l'article L 596 ne sont pas autorisés à délivrer au public les produits visés aux premièrement et au deuxièmement de l'article L 512 ". Cet article interdit la vente directe au consommateur de médicaments. En effet, compte tenu du monopole de distribution reconnu aux pharmaciens, un fabricant ne peut délivrer des médicaments qu'aux grossistes répartiteurs, aux pharmaciens d'officine ou aux pharmacie à usage interne. Est-ce suffisant pour refuser l'action contractuelle contre le fabricant au consommateur ? Malgré cette interdiction, il existe une chaîne de vente qui se crée entre le fabricant et le consommateur. Par application de la théorie des groupe de contrats, il y a transmission de l'action contractuelle à l'acheteur du médicament qui peut donc former une action en responsabilité sur le fondement contractuel.

Les tribunaux retiennent également la responsabilité contractuelle. Ainsi, la Cour d'appel de Rouen, le 14 Février 1979( 46), a énoncé " qu'il se forme implicitement mais nécessairement et malgré l'intervention d'intermédiaires, entre le pharmacien fabricant et l'utilisateur du médicament un véritable contrat spécifique analogue à celui existant entre le médecin et son malade ". Dans l'affaire Thorens, la première chambre civile semble favorable à la thèse de la responsabilité contractuelle.

Monsieur Thorens, à la suite d'un traitement associant de la Cordarone et du Pexid, présenta des troubles neurologiques qui entraînèrent son hospitalisation. Il s'avéra que ces troubles étaient dus à l'association des deux médicaments. Monsieur Thorens assigna les médecins et les laboratoires fabricant afin d'obtenir réparation du préjudice subi. La demande est fondée sur la garantie des vices cachés. La Cour d'appel de Paris rejette le bénéfice de la garantie des vices au motifs que la responsabilité des laboratoires ne peut être recherchée que sur le terrain de la responsabilité délictuelle car il n'existe aucun contrat entre le consommateur et les laboratoires. Monsieur Thorens forma un pourvoi en cassation qui fut rejeté le 8 Avril 1986( 47). En effet, même si elle confirme la solution de la Cour d'appel, elle ne le fait pas au motif que la responsabilité des laboratoires ne peut être recherchée que sur le fondement des articles 1382 et 1383 du c. civ. mais parce que les conditions de la garantie des vices ne sont pas remplies. Elle énonce que " le vice caché étant nécessairement inhérent à la chose elle-même, ne peut résulter de l'association de deux médicaments ". En acceptant de statuer sur la garantie des vices, elle admet implicitement l'action contractuelle du consommateur de médicaments contre le fabricant.

Il faut remarquer que le consommateur dispose aujourd'hui d'un autre moyen de défense. En effet, d'après l'arrêt du 17 Janvier 1995, la sécurité du consommateur doit être assurée par le fabricant tant vis à vis de son contractant que des tiers. Dans l'affaire Thorens, les médicaments ont causé un dommage à l'utilisateur. Par application de la solution de cet arrêt, le patient pourrait aujourd'hui, se retourner contre les laboratoires sur le fondement de l'obligation de sécurité extra contractuelle. Malgré cette nouvelle possibilité qui s'offre au consommateur, il serait normal de lui reconnaître la possibilité de se retourner contractuellement contre le fabricant de médicaments par application de la théorie des groupes de contrats. Ainsi, le consommateur pourrait bénéficier de la garantie des vices cachés et reprocher au fabricant la mauvaise exécution de ses obligations.

La responsabilité contractuelle n'est-elle pas exclue pour éviter l'indemnisation du risque de développement prévu par la directive du 25 Juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux?



Chapitre II

La directive du 25 Juillet 1985


Le Conseil des communautés européennes a édicté une directive le 25 Juillet 1985( 48) pour harmoniser les règles applicables en matière de responsabilité du fait des produits défectueux dans les différents pays de la communauté européenne. Selon l'article 19 de ce texte, la directive devait être introduite en droit interne dans l'ensemble des Etats membres, au plus tard trois ans à compter de sa notification, laquelle est intervenue le 30 Juillet 1985, soit le 30 Juillet 1988. La France n'a toujours pas satisfait à cette obligation communautaire. Il convient d'examiner le régime de responsabilité prévu par la directive (section I) et l'état actuel du droit français (section II).


Section I Le régime de responsabilité prévu par la directive

Après la présentation générale du régime de responsabilité (§1), on s'attardera sur la notion de risque de développement (§2).

§1 Présentation générale du régime de responsabilité

La directive pose des conditions communes de responsabilité (A) et permet des dérogations (B).

A Les conditions communes

Il faut examiner les conditions de fond, de forme et les causes d'exonérations.

1) Les conditions de fond

L'article 1 de la directive dispose que " le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit ". Selon l'article 4 " la victime est obligée de prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et la dommage ". Il s'agit donc d'un régime de responsabilité sans faute puisque la victime ne doit pas prouver une faute de la part du producteur. Pour que la responsabilité soit mise en oeuvre, il faut que le produit soit défectueux. La définition d'un tel produit est prévue à l'article 6 de la directive. Le défaut peut avoir sa source dans la conception, la fabrication, un manquement d'information. Le caractère défectueux du produit est déterminé par rapport au défaut de sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre. Cette formule figure dans l'article 1 de la loi du 21 Janvier 1983.

Ensuite, ce défaut doit avoir causé un dommage. L'article 9 définit ce dommage. Il s'agit du dommage corporel ou de la mort mais aussi de la destruction d'une chose autre que le produit défectueux. Cependant, en ce qui concerne les biens, la réparation est limitée aux choses destinées normalement à l'usage ou à la consommation privée et que la victime utilise pour son usage ou sa consommation privée. Il est permis de penser que la réparation pourra s'étendre aux dommages moraux et au pretium doloris. En effet, l'article 9 al. 2 dispose que " le présent article ne porte pas préjudice aux dispositions nationales relatives aux dommages immatériels ". Lors de l'introduction de la directive dans la législation française, le législateur pourra donc prévoir l'indemnisation d'un tel dommage.

2) Les conditions de forme

L'article 13 de la directive prévoit le cumul du régime de responsabilité prévu par la directive avec ceux existant dans la législation de l'Etat membre. Ainsi tout en conservant ses actions délictuelles ou contractuelles, l'acheteur du produit pourra en outre invoquer les dispositions prises en application de la directive.

Ensuite, elle prévoit deux délais. L'article 10 prévoit un délai de prescription classique de l'action qui est de trois ans à compter de la date à laquelle le plaignant a eu connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur. Un autre délai de dix ans à compter de la mise en circulation du produit est prévu par l'article 11. Ce délai éteint la responsabilité du producteur. Ainsi, le producteur ne sera pas responsable à vie des défauts de son produit. Cependant, les actions en cours ne sont pas atteinte par cette prescription. Cette disposition est critiquable. En effet, si l'on admet que le producteur doit assurer un suivi de son produit, ce délai lui permet au bout de dix ans de se désintéresser totalement de son produit.

3) Les causes d'exonération

L'article 8 concerne la faute de la victime. La prise en compte de la faute de la victime est facultative selon la directive. Ainsi, l'article 8-1 précise que la responsabilité du producteur ne sera pas réduite si le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par l'intervention d'un tiers. C'est le cas lorsque le dommage résulte à la fois de la vitesse excessive d'un véhicule et de la défaillance de son système de freinage. L'article 8-2 précise que " la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d'une personne dont la victime est responsable ".

L'article 7 permet au producteur de faire la preuve de certains faits qui écarteront sa responsabilité. C'est le cas par exemple lorsque le producteur n'a pas mis le produit en circulation. La définition de la mise en circulation est donnée par la convention de Strasbourg. C'est lorsque le producteur a remis le produit à une autre personne. C'est parce qu'il a mis le produit sur le marché que le producteur en est responsable. Le problème est de déterminer à quel moment cette introduction a eu lieu. En effet, le produit peut être stocké par le revendeur pendant un certain temps avant que le consommateur puisse y avoir accès. Dans ce cas doit-on considérer que la mise sur le marché a lieu lors de la remise du produit au revendeur c'est à dire avant le stockage ou lors de la mise à disposition du produit au consommateur? D'après la définition de la convention, c'est la première solution qu'il faut retenir.


B Les dérogations

Les pays membres peuvent soit limiter la responsabilité prévue par la directive, soit l'étendre.

1) Les limitations

Cette limitation peut être financière comme le prévoit l'article 16-1 de la directive. Les Etats membres peuvent prévoir un montant global pour les dommages résultant de la mort ou de lésions corporelles causés par des articles identiques présentant le même défaut.

2) Les extensions

Elles sont au nombre de deux. Tout d'abord, l'article 15-1 a) permet l'application de la directive aux matières premières agricoles et au produits de la chasse. Ensuite, l'article 15-1 b) permet de mettre à la charge du producteur les risques de développement.

§2 La notion de risques de développement

Le risque de développement est le " défaut d'un produit que le producteur, ou bien celui qui lui est assimilé, n'a pas pu découvrir, ni éviter, pour la raison que l'état des connaissances scientifiques et techniques, objectivement accessibles à sa connaissance lors du moment de la mise en circulation du produit, ne lui permettait pas "( 49).

L'article 7 e de la directive prévoit que " le producteur n'est pas responsable en application de la présente directive s'il prouve (…) que l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du produit par lui, n'a permis de déceler l'existence du défaut ". Elle a accompagné cette disposition par une option. L'article 15 permet à tout état membre de ne pas retenir cette cause d'exonération. Seul le Luxembourg a écarté la notion de risque de développement. L'Allemagne quant à elle admet le risque de développement comme cause d'exonération mais pour les médicaments prévoit un régime dérogatoire qui exclut le risque de développement des causes d'exonération.

Cette notion peut être invoquée par le producteur et par toutes les personnes qui lui sont assimilées (art. 3-1 directive). Le risque de développement concerne les produits défectueux tels qu'ils ont été définis plus haut. Il ne peut pas être invoqué parce qu'un produit plus performant a été mis sur le marché postérieurement.

Pour être exonéré, le producteur doit établir qu'il a respecté l'état " des connaissances scientifiques et techniques lors du moment de la mise en circulation du produit ". Premièrement, il faut déterminer l'état des connaissances. Il s'agit des " connaissances scientifiques et techniques à l'échelle mondiale "( 50). Il faut tenir compte des doctrines, des thèses, des opinions minoritaires…Ainsi, en ce qui concerne les effets secondaires du Prozac, les fabricants devraient tenir compte des informations canadiennes. Si un dommage survient alors que cet effet n'était pas prévu en France mais l'est au Canada et à supposer que l'exonération pour risque de développement soit reconnue, le fabricant ne pourra pas l'invoquer. Donc pour être exonérer, le producteur doit tenir compte de ces informations. Cependant, se pose le problème de la mise à disposition des informations aux producteurs. Doit-on apprécier l'accessibilité in concreto ou in abstracto ? Le fait d'apprécier in concreto l'accès aux informations créerait une inégalité entre les fabricants. Il semble qu'elle doit se faire in abstracto. On doit partir d'un modèle : le producteur idéal. Il faut rechercher toutes les informations que ce producteur idéal a recueilli. Pour cela, les renseignement doivent être accessibles. Ils ne le seront que s'ils sont mis à la disposition du public c'est à dire publiés ou exposés lors de conférences. Tous les travaux ne donnant pas lieu à une telle publicité ne peuvent pas être pris en compte. De plus, il faut accorder au producteur un certain temps pour assimiler les différentes informations. Mais remarquons, qu'il ne doit pas mettre un produit sur le marché s'il n'a pas pu prendre connaissance de tous les renseignements mis à sa disposition. L'état des connaissances est apprécié au moment de la mise sur le marché.

Après avoir exposé les règles générales, il convient d'examiner la situation de la France au regard de la directive et plus particulièrement au regard du risque de développement.

Section II La situation de la France

Il faut dans un premier temps examiner la situation des fabricants au regard du risque de développement et dans un deuxième temps examiner si la directive n'a pas d'effet en France malgré sa non transposition.

§1 Les fabricants et le risque de développement

Le droit français n'exonère pas en principe le fabricant pour risque de développement (A), sauf en ce qui concerne le fabricant de médicaments (B).

A Absence d'exonération du fabricant

Lorsque l'on se trouve dans le cadre des groupes de contrat où l'action contractuelle est transmise au sous acquéreur, ce qui est admis dans tous les cas où l'on se trouve en présence d'un consommateur autre qu'un consommateur de médicament, le fabricant doit indemniser le risque de développement.

En effet, lorsque la victime agit sur le fondement de la garantie des vices, elle doit faire la preuve d'un vice caché ayant causé le dommage et prouver que le vendeur ou le fabricant avait connaissance de ce vice pour obtenir des dommages et intérêts. Face à un vendeur, à un fabricant qui sont des professionnels, la jurisprudence présume leur connaissance du vice. Or le risque de développement est un vice caché. En effet, il est inhérent à la chose, antérieur à la vente et caché car il était inconnu de tous.

Qu'en est il des autres obligations du fabricant ? Tout d'abord en ce qui concerne l'obligation de délivrance, le vendeur doit délivrer un produit conforme et cette obligation est une obligation de résultat. Donc le risque de développement ne peut être invoqué par le fabricant pour s'exonérer. Ensuite, l'obligation d'information est en général une obligation de moyen. En effet, le professionnel doit se renseigner pour pouvoir informer le consommateur mais cette information ne peut se faire que dans la mesure où cela est possible. Dans ce cas, il y aura exonération pour risque de développement car dans un tel cas l'information n'est pas possible car elle est inconnue. Enfin, il faut s'intéresser à l'obligation de sécurité. Elle impose au vendeur, au fabricant de livrer un produit exempt de tout défaut pouvant créer un danger et semble être une obligation de résultat. Dans ce cas, elle inclut le risque de développement et l'exonération n'est plus possible.

Lorsque la victime agit sur le fondement délictuel, le fabricant peut il invoquer le risque de développement ? Si le fondement est l'article 1382 c. civ., le tiers au contrat va essayer de prouver que le fabricant a commis une faute en violant une obligation contractuelle et que cette violation lui a causé un dommage. La possibilité d'invoquer le risque de développement est la même qu'en matière contractuelle. Si le fondement est l'article 1384 al. 1 c. civ., le risque de développement ne constituera une cause d'exonération que s'il est assimilable à la force majeure, seule cause d'exonération possible. Pour être assimilable à la force majeure, le risque de développement doit être extérieur, imprévisible et irrésistible. Est ce le cas ? Il est imprévisible et irrésistible. Par contre en ce qui concerne l'extériorité, l'événement doit être étranger à la chose elle même. Or le risque de développement est attaché à la chose elle même. Donc le risque de développement n'est pas un cas de force majeure.

B Le fabricant de médicaments

L'absence de prise de position ferme quant à la nature de l'action de l'utilisateur de médicaments contre le fabricant semble être due à la volonté des tribunaux de ne pas indemniser le risque de développement. Comme la responsabilité est le plus souvent délictuelle, il faudra que la victime prouve une faute du fabricant pour être indemnisée. Or le risque de développement n'est pas une faute.

En ce qui concerne l'obligation de renseignements, les juges énoncent que " la loi ne met pas à la charge du laboratoire, l'obligation de prévoir tous les risques présentés par le médicament dans tous les cas ". Nous avons vu que l'obligation de renseignement était une obligation de moyen, donc la solution de la Cour est identique à celle prévue pour le fabricant d'un autre produit que le médicament.

Le médicament étant un produit extrêmement dangereux, l'exonération du fabricant sur le fondement du risque de développement ne semble pas acceptable d'autant plus que pour les autres produits cette exonération n'existe pas. C'est ce que Monsieur Huet appelle le " paradoxe des médicaments "( 51).

Cependant, la Cour de cassation dans deux arrêts du 14 Février 1990( 52) semble avoir mis à la charge d'un laboratoire le risque de développement.

En l'espèce, le groupe Synthelabo qui produisait sous la marque Elarzone une spécialité anti inflammatoire à base de pipebuzone, dérivé de la phénylbutazone et sous la marque Kymalzone une spécialité avec les mêmes propriétés à base d'oxyphenbutazone a cédé les 26 et 27 Juillet 1983 la première spécialité au groupe Jouveinal et le 27 Août 1983, la deuxième au groupe Biocodex-Univablot, à chaque fois par trois conventions portant sur le brevet, la marque et le dossier d'autorisation de mise sur le marché. Le 17 Juillet 1984, le ministre des Affaires Sociales a modifié l'autorisation de mise sur le marché en supprimant les indications thérapeutiques de ces produit en O.R.L. et en pédiatrie et les a limité à des traitements de courte durée de rhumatismes. A cette annonce, les ventes ont chuté et les acheteurs ont demandé la résolution des conventions.

La Cour d'appel a fait droit à leur demande contrairement aux juges de première instance. Elle prononce la résolution des conventions sur le fondement des vices cachés. Le groupe Synthelabo a formé un pourvoi en cassation qui a été rejeté. La Cour d'appel pour retenir qu'il y avait lieu à garantie des vices cachés relève que " la décision ministérielle du 17 Juillet 1984 (…) a mis à jour un vice jusqu'alors caché tenant aux effets secondaires de ce médicament ". Elle énonce que le vice doit être recherché dans les caractéristiques du produit. Le vice est donc interne à la chose. Il ne peut provenir d'une réaction particulière du malade. Par contre la solution est moins évidente quant à l'interaction de deux médicaments. Mais on peut penser que l'incompatibilité du produit avec un autre correspond à ses caractéristiques. Donc l'interaction serait un vice caché. Pour retenir le vice caché, elle relève aussi qu'à l'époque de la cession, il n'existait aucune " littérature médicale susceptible d'éveiller la défiance des sociétés cessionnaires ". En l'espèce, on est en présence d'un risque de développement. En effet, l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la vente des brevets n'a pas permis de déceler l'existence du défaut. Il est évident qu'au moment de la mise en circulation pour la première fois du produit, la situation était la même. La Cour de cassation retient donc la responsabilité de la société Synthelabo en présence d'un risque de développement sur un médicament.

Cette solution est transposable à la situation du consommateur. Certes, il n'existe aucun contrat entre lui et le fabricant mais si on applique la jurisprudence classique en matière de groupe de contrats, l'action contractuelle en garantie des vices lui est transmise. Donc s'il y a vice caché, le fabricant ne pourra pas s'exonérer pour risque de développement sauf si cette faculté est prévue par une loi. Dans les arrêts de 1991, l'enjeu était financier alors que dans de nombreuses autres hypothèse, l'enjeu est la vie ou la santé des consommateurs. Il faut donc espérer que la Cour de cassation étendra cette solution aux médicaments délivrés aux consommateurs.

La jurisprudence semble hésitante sur le fait de savoir s'il faut ou non exonérer le fabricant pour risque de développement. Qu'en est-il du système législatif français?

§2 Le risque de développement et le système législatif français

Trois projets de loi ont vu le jour pour tenter d'intégrer la directive du 25 Juillet 1985 dans le droit français mais aucun n'a encore été adopté (A). Cependant, le délai de transposition étant dépassé, ne peut on pas invoquer cette directive directement (B).

A Les projets de loi

Le premier projet de loi visait à reformer " la responsabilité des professionnels à l'égard des produits qu'ils commercialisent ". Le risque de développement était admis comme cause d'exonération et s'inspirait du régime allemand en ce qui concerne l'obligation de suivi et d'information. Il y eu ensuite le projet de loi Arpaillange du 23 Mai 1990. Ce projet retenait le risque de développement comme cause d'exonération ainsi que l'obligation de suivi prévu par l'avant projet. Ce régime de responsabilité devait être exclusif afin d'empêcher la victime de contourner l'exonération en invoquant la responsabilité de droit commun. Cependant l'exonération pour risque de développement fut contestée puis supprimée. Ce projet fut abandonné. Le dernier projet fut celui de Monsieur Catala et date du 13 Juillet 1993. Il reprend les principales propositions du projet Arpaillange mais le régime prévu n'est pas d'application exclusive. A ce jour cette proposition de loi est toujours en suspend mais ne peut-on pas invoquer directement la directive ?

B L'effet direct de la directive

La France a été condamnée pour non transposition de la directive par la CJCE le 13 Février 1993( 53). La CJCE( 54) pose des conditions d'applicabilité directe des directives. Elle décide que " dans tous les cas où les dispositions d'une directive apparaissent comme étant du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, ces dispositions peuvent être invoquées, à défaut de mesures d'application prises dans les délais, à l'encontre de toute disposition nationale non conforme à la directive, ou encore en tant qu'elles sont de nature à définir des droit que les particuliers sont en mesure de faire valoir à l'égard de l'Etat ". Les particuliers peuvent opposer les droits qu'ils détiennent aux autorités publiques. C'est ce que l'on appelle l'applicabilité directe verticale. Cependant, la Cour dans l'arrêt Marshall( 55) exclut l'applicabilité directe dite horizontale c'est à dire que des obligations ne peuvent résulter d'une directive non transposée pour les particuliers à l'égard d'autres particuliers. Donc le consommateur de médicaments ne peut invoquer la directive contre le fabricant de médicament. Il peut par contre agir contre l'Etat français sur le fondement de l'article 189 du Traité de Rome. La responsabilité ne sera engagée que si le requérant justifie d'un préjudice " anormal ".



CONCLUSION


Le médicament, substance complexe et dangereuse, peut provoquer de graves dommages s'il n'est pas utilisé et fabriqué dans de bonnes conditions. En ce qui concerne la fabrication, il faut rappeler que les fabricants de médicaments doivent effectuer de nombreux contrôles et de plus ils sont soumis à des contrôles par l'Inspection de la pharmacie. De plus l'Agence du médicament assure un suivi des médicaments et si problème survient, elle peut décider de retirer le produit du marché des médicaments. Ainsi le 7 Mai 1997, elle a décidé de retirer du marché les comprimés de Juvépirine à 100 milligrammes d'aspirine des laboratoires Asta Medica. Mais le plus souvent ces accidents sont dus à un effet du médicament que les chercheurs n'ont pu prévoir eu égard à l'état des connaissances au moment où ce produit est mis sur le marché. C'est ce que l'on appelle le risque de développement. La Cour de Cassation semble être favorable à l'exonération du fabricant de médicament qui se trouve face à ce problème. La directive européenne du 25 Juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux laisse le choix aux pays membres de l'Union Européenne de faire du risque de développement une cause d'exonération ou non. Le législateur français se heurte à cette notion et aucun des projets de loi n'a abouti. Les fabricants en général craignent cette notion. Doit-on mettre en place un régime uniforme pour tous les produits considérés comme dangereux ? Les médicaments ne pourraient ils faire l'objet d'un régime dérogatoire ? Il serait peut être nécessaire de prévoir un régime de responsabilité de droit commun pour les produits défectueux qui accepterait comme cause d'exonération le risque de développement et une dérogation à ce régime pour les médicaments en rejetant dans ce cas précis l'exonération du fait du risque de développement. Les médicaments disposent pour leur fabrication et leur vente de règles spécifiques telles que l'autorisation de mise sur le marché, le monopole pharmaceutique. Pourquoi ne seraient-ils pas soumis également à un régime spécifique de responsabilité ?

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©Sandrine Husson - 1997