LA NOTION DE CONSOMMATEUR
Muriel NUQUES



PREMIERE PARTIE




INTRODUCTION




Le droit de la consommation est né avec le développement de la société de consommation, de la consommation de masse. C'est ce phénomène économique fondamental qui explique l'apparition des idées consuméristes. La société de consommation s'est formée après la seconde guerre mondiale. Elle est la résultante de la révolution industrielle. Cette dernière a favorisé une production de masse. Les nouvelles méthodes de production se sont orientées vers une meilleure productivité du temps de travail mais aussi vers une diminution des coûts de production par une standardisation des produits. C'est le progrès technique qui augmente la production par heure de travail. C'est donc cette meilleure productivité qui explique l'avènement de la société de consommation. Mais qu'est ce que la productivité ? "Le progrès, c'est (...) l'accroissement de la vitesse avec laquelle l'homme domine les difficultés. Cette vitesse de l'action humaine peut s'exprimer par un mot commode : c'est la productivité ou rendementZZZ". La productivité se fonde sur l'amélioration du rendement en nature (ex : économie d'énergie) et par l'amélioration du rendement du travail humain. La conséquence de ce progrès est donc l'augmentation de la production globale. Cela a entraîné "une variété et une profusion de biens et de services à prix réduits, accessibles au plus grand nombre. C'est une société d'abondanceZZZ". Cette révolution industrielle s'est accompagnée ultérieurement de la révolution commerciale. De nouvelles méthodes de vente sont apparues, valorisées par une publicité croissante, envahissante et facilitées par des crédits toujours plus abordables et attractifs.

Tous ces phénomènes ont accru l'accès à la consommation et ont participé à l'élaboration d'un être faible devant faire face à des tentations constantes. La recherche dévorante du profit est le seul objectif et peu importe que des consommateurs puissent en être les victimes. La société de consommation a en effet entraîné de nombreuses dérives : ventes agressives, dangerosité des produits, publicité mensongère...

Les Etats-Unis ont compris les premiers les risques engendrés par cette société de consommation. Ce sont d'abord des philosophes comme Marcuse ("L'homme unidimensionnel") ou des économistes comme Galbraith ("L'ère de l'opulence") ou Van Packard ("La persuasion clandestine") qui les ont mis en reliefZZZ. Mais la reconnaissance de la nécessité de prendre en compte les intérêts des consommateurs se produisit par le message prononcé au Congrès par le Président Kennedy en 1962. Considérant que "les consommateurs constituent le groupe économique le plus important et le seul à ne pas être effectivement organiséZZZ", le Président Kennedy énonça les droits dont les consommateurs doivent pouvoir se prévaloir :

 

le droit à la sécurité

le doit d'être informé

le droit de choisir

le droit d'être entendu



Ce discours participa à la prise de conscience que la seule production n'est pas l'unique objectif, que les décisions prises doivent se préoccuper du sort qui est laissé aux consommateurs.

Après le message du Président Kennedy, ce fut un autre américain qui participa ou plutôt modifia les mentalités à l'égard des consommateurs. Ralph Nader prouva qu'il est possible de lutter contre de puissants groupes économiques tel Général Motors qu'il contraint à faire retirer du marché un véhicule dangereux. "Combinant l'animation des groupes de travail et de pression, les armes juridiques et le détonateur publicitaire, Nader va contraindre le Gouvernement à prendre des mesures en matière aussi bien de produits alimentaires que de radiations ionisantes ou de travail dans les minesZZZ". Son action visait tous les domaines. Il apparut comme un exemple à suivre pour tous les consommateurs qui décidèrent de mener eux aussi le combat. Il fut un des initiateurs de la création du consumérisme. Si le mouvement débuta aux Etats Unis, l'Europe et notamment la France y participa dès les années soixante dix.

Il convient par conséquent d'étudier comment s'est développé le droit de la consommation français dans l'environnement européen (section 1), de rechercher la place qui lui est faite au sein de notre système juridique (section 2) avant d'exposer les difficultés soulevées quant à son domaine d'application (section 3).

SECTION 1 : EMERGENCE DU DROIT DE LA CONSOMMATION


Le droit de la consommation n'a pas préoccupé que le législateur français (§1). Devant les enjeux en présence et les risques d'abus qui pouvaient être commis, la communauté européenne s'est également penchée sur la question (§2).

§1. Au niveau national


S'il est vrai que le développement du droit de la consommation se manifeste surtout depuis un période récente, le phénomène n'est pourtant pas inconnu. C'est essentiellement par l'intermédiaire du droit de la vente que la protection des consommateurs s'est formée.

Au Moyen-Age, les commerçants étaient regroupés en corporations. Ces statuts leur imposaient une moralité très stricte ce qui bénéficiait aux consommateurs. Toute violation de ces statuts était sanctionnée par des peines professionnelles. Parfois l'acheteur était indemnisé de son préjudice. C'est donc l'autodiscipline que s'imposaient ces organisations qui avait pour conséquence de protéger et de ne pas tromper le consommateur.

Cette protection se renforça à partir du XIVème siècle par l'intervention du pouvoir royal qui était désireux de lutter contre les pratiques abusives des marchands. Les textes concernaient le contrôle de fabrication des produits et de la loyauté des pratiques commerciales. Ex : édit de 1841 de Louis XI qui renforçait la lutte contre les fraudes dans le domaine des produits alimentaires.

Cette ascension de faveur envers le consommateur fut cependant stoppée au XVIIIème siècle par la proclamation du principe de la liberté du commerce et de l'industrie. Ce principe consacrait une économie libérale accompagnée de la libre concurrence ce qui était incompatible avec la protection du consommateur. Le marché devait fonctionner seul en excluant tout interventionnisme émanant de n'importe quel pouvoir. Cette situation perdura jusqu'à la loi du 1er février 1905 sur les fraudes et falsifications qui constitua d'ailleurs pendant longtemps la seule disposition sur laquelle les magistrats pouvaient se fonder pour lutter contre les abus de certains professionnels.

Les dispositions qui ont été prises ultérieurement, tout comme la loi de 1905, ne concernaient pas exclusivement le consommateur. Elles visaient à instaurer une certaine loyauté au sein des relations commerciales : loi n°63-628 du 2 juillet 1963 sur la publicité mensongèreZZZ, répression de certaines méthodes de vente. Mais à partir des années soixante dix apparaît l'idée que le consommateur doit faire l'objet de protections spécifiques par des dispositions qui lui sont particulières : loi n°72-1137 du 22 décembre 1972 sur la protection des consommateurs en matière de vente et de démarchage à domicileZZZ, lois sur le crédit à la consommation (loi n°78-22 du 10 janvier 1978 sur le crédit mobilierZZZ et la loi du 13 juillet 1979 sur le crédit immobilier), loi n°78-23 du 10 janvier 1978 relative à la protection et à l'information des consommateursZZZ renforcée par la loi du 18 janvier 1992, loi du 6 janvier 1988 visant à réglementer les opérations de vente à distance et de télé-achat. Le droit de la consommation ne se contente pas de limiter son champ d'application à la sphère contractuelle ; les lois précédemment citées, nous le verrons, s'appliquent aussi bien au consommateur contractant qu'au consommateur utilisateur. Et la loi n°83-66 du 21 juillet 1983 s'est orientée vers le droit à la sécurité des produits et des services. Enfin, un système de règlement de surendettement des particuliers fut créé par la loi Neiertz du 31 décembre 1989, système comparable à celui établi par la loi du 25 janvier 1985 sur les procédures collectives.

La reconnaissance ultime du droit de la consommation s'est faite par la création du code de la consommation. S'il est vrai que pour certains il ne s'agit pas véritablement d'un code comme ceux issus de la Révolution, car il ne serait qu'une simple compilation des textes, beaucoup d'auteurs le considèrent comme la consécration de ce droit et comme un moyen d'harmoniser et de relier ces textes. Par l'élaboration même du code, il est possible d'y voir un nouvel outil de protection du consommateur qui dispose enfin d'un recueil où il peut y trouver des réponses aux difficultés qu'il pourrait rencontrer, malgré la lacune concernant l'absence du dispositif communautaire en la matière. Cette codification est l'œuvre de la commission de refonte du droit de la consommation présidée par le Pr Calais-Auloy et résulte de la loi du 26 juillet 1993. Cette montée en puissance du droit de la consommation n'est pas exclusive à la France.

§2 : Au niveau européen


Etant donné que l'élaboration d'un droit de la consommation s'est développée à peu près à la même époque dans tous les pays industrialisés et notamment dans les pays européens, la Communauté Européenne ne pouvait rester insensible à ce mouvement. Et s'est alors construit un droit de la consommation européen qui a grandi à peu près à la même vitesse que la construction européenne. Il s'est agi de développer une politique communautaire de protection et, compte tenu des disparités nationales dans les divers états membres des législations, d'harmoniser toutes ces règles tant qu'elles n'étaient encore qu'au stade de leur formation. Il convient de retracer les étapes importantes de cette politique européenne consumériste.

La prise de conscience de la nécessité de protéger les consommateurs s'est réalisée lors de l'adoption de la Charte européenne de protection des consommateurs. Par ce texte, l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe incite chaque état "conformément à ses traditions propres, à mettre en oeuvre une protection générale et active du consommateurZZZ". La Charte énonce les droits dont doivent bénéficier les consommateurs. Elle vise le droit à la protection et à l'assistance, le droit à la réparation des dommages en envisageant aussi bien les produits dangereux que les atteintes portées aux intérêts économiques (ventes agressives, publicité...) et le droit a l'information. Elle énonce également le droit à la formation pour que dés l'école l'on se comporte en consommateur consciencieux, le droit à la représentation et à la consultation. Enfin, la Charte invite les professionnels à élaborer "des codes de déontologie" pour qu'ils s'imposent une certaine autodiscipline, codes qui devront être approuvés par les consommateurs. Cette Charte n'envisageait pas une politique communautaire commune mais ce fut pourtant rapidement le cas.

Le Conseil des ministres adopta le 14 avril 1975 un "programme préliminaire de la Communauté économique européenne pour une politique de protection et d'information des consommateursZZZ". Prévu pour cinq ans, ce programme fut relayé par un autre datant du 19 mai 1981 ayant les mêmes objectifsZZZ. Puis d'autres programmes ont été décidés (résolutions du Conseil du 23 juin 1986ZZZ, du 9 novembre 1989ZZZ, du 13 juillet 1992ZZZ). La Commission européenne a également été amenée de son coté à adopter deux plans d'actions triennaux (mars 1990 et juillet 1993). La Cour de Justice des Communautés Européennes s'est prononcée sur cette protection et a considéré que le principe de la libre circulation des marchandises pouvait faire l'objet de restrictions au nom d'exigences impératives tenant notamment à la protection de la santé publique, à la loyauté des transactions commerciales et à la défense ces consommateurs. L'Acte unique européen (entré en vigueur le 1er juillet 1987) prévoit que la commission devra dans ses propositions se baser sur "un niveau de protection élevée". Le traité de Maastricht introduit dans le traité de Rome un titre XI sur la "protection des consommateurs" et élève cette protection au rang de politique communautaire. Un accord datant du 21 mai 1992 signé par les Etats membres de la C.E.E. et de l'A.E.L.E. a prévu d'étendre à cet Espace Économique Européen les règles communautaires sur le consommateur. Le droit de la consommation revêt donc un aspect communautaire dont les législations nationales doivent tenir compte pour la création de leurs droits et qui bénéficient largement aux consommateurs. C'est d'ailleurs dans cette optique que le Pr Calais-Auloy estimait nécessaire la création d'un code européen de la consommationZZZ. En effet, les consommateurs des différents états membres doivent être mieux informés des directives qui sont prises dans le cadre communautaire afin de mieux faire valoir leurs droits même si la directive n'a pas encore été transposée dans leur législation nationale (par l'effet vertical des directives, le consommateur peut s'en prévaloir vis-à-vis des autorités publiques.)

Hormis ce cadre européen, le droit de la consommation n'a pas été l'objet d'une réflexion plus vaste en matière internationale. Même s'il n'existe pas de droit international de la consommation, certaines conventions ont néanmoins prévu des dispositions particulières en faveur du consommateur. C'est notamment le cas de l'article 13 de la convention de Bruxelles du 17 septembre 1968 relative à la compétence judiciaire, de la convention de Rome du 19 juin 1980 sur la détermination de la loi applicable aux obligations contractuelles et de la convention de La Haye du 2 octobre 1973 relative à la loi applicable à la responsabilité du fait des produits.

Maintenant qu'ont été indiqués les objectifs et les sources du droit de la consommation, il reste à se demander s'il correspond à une branche autonome de droit ou s'il ne s'agit que d'une branche d'un droit c'est-à-dire s'incorporant dans un ou plusieurs domaines juridiques.

SECTION 2 : ABSENCE D'AUTONOMIE DU DROIT DE LA CONSOMMATION


Certains auteurs ont tenté d'essayer de démontrer que le droit de la consommation était en partie autonome. Ce fut le cas de Mr BihlZZZ. Mr Pizzio considère également que le code de la consommation "conforte le particularisme du droit existant en mettant en lumière le domaine exact de son application ainsi que la présence de certains concepts consuméristes déjà forgés, comme l'obligation générale de sécuritéZZZ". Cependant, les interférences du droit de la consommation avec d'autres matières juridiques font apparaître la pluridisciplinarité de cette législation. Le droit de la consommation n'est en effet qu'une branche moderne du droit civil (§1), ne peut généralement être dissocié du droit de la concurrence (§2) et connaît des similitudes nettes avec le droit social (§3) et est susceptible d'être sanctionné pénalement (§4).

§1: Droit civil et droit de la consommation


Le droit de la consommation et le droit civil se sont mutuellement complétés pour renforcer leur efficacité. Le droit de la consommation, avant de connaître l'épanouissement dont nous avons fait mention, était quasiment inexistant. De nombreuses règles traditionnelles civiles ont permis de suppléer à cette carence et ont ainsi orienté le développement futur du droit de la consommation.

Ainsi, la théorie des vices du consentement et notamment le recours à la notion d'erreur ou de dol a permis de remettre en cause des contrats dans lesquels une partie n'avait pas suffisamment été informée par l'autre. La reconnaissance du dol par réticence a été une étape importante dans ce sens. De même, les limites fixées au dolus bonus ont permis de sanctionner une publicité mensongère. La création de l'obligation de renseignement précontractuelle, contractuelle, sa généralisation dans les contrats portant sur des choses nouvelles, dangereuses ou techniques, ont enrichi le droit civil qui y a vu un moyen d'éviter la remise en cause de nombreux contrats. L'instauration de plus en plus massive d'un formalisme pour des actes plutôt techniques a été une des sources du droit de la consommation. Par ce formalisme, chaque partie sait à quoi son contractant est obligé et dispose d'un moyen de preuve si cela s'avérait nécessaire. Le délai de réflexion et la faculté de rétractation ont également renforcé l'autonomie de la volonté et conduit vers une plus grande protection du consentement. L'individu peut s'engager, mais s'agissant d'opérations ayant des conséquences graves pour son patrimoine (crédit) ou ayant été contractées dans la hâte ou sous une certaine pression (démarchage à domicile), il peut se retirer du contrat pendant un certain laps de temps. Le droit de la consommation par les techniques qu'il est amené à développer vient renforcer le droit civil, il permet à ce dernier de s'adapter aux conséquences des évolutions techniques. Il reste encore à relever un élément important du droit civil fortement utilisé dans le droit de la consommation : la garantie des vices cachés. Le vendeur doit livrer au consommateur un bien exempt de tout défaut. La loi du 21 juillet 1983 sur la sécurité des produits permet que la sécurité soit considéré comme un objectif en soi mais il est indéniable que la sécurité et la conformité sont liées.

Un conception doctrinale plus extrémiste nie carrément toute originalité à la matièreZZZ. Il n'y aurait pas lieu à rechercher si le droit de la consommation affecte ou, en revanche, conforte le principe de l'autonomie de la volonté, car celui-ci ne serait plus en raison de nombreuses altérations qu'il a subi. Cela nous parait excessif.

Nous avons ici exposé comment le droit civil intervient dans le droit de la consommation. Mais il convient surtout d'indiquer l'influence du droit de la consommation sur le droit civil.

L'engouement que connaît le droit français quant à la protection des consommateurs a provoqué la remise en cause des principes civilistes fondamentaux issus de la Révolution. A cette date a été proclamée la théorie de l'autonomie de la volonté en matière contractuelle. Cette théorie adapte les principes philosophiques de Jean-Jacques Rousseau au droit. Elle se fonde sur la liberté des individus. L'homme étant libre, s'il décide d'abandonner cette liberté en se liant contractuellement, c'est de sa seule volonté. Du fait qu'il s'engage spontanément, librement, le rapport auquel il adhère ne peut pas lui être défavorable, il y aura automatiquement équilibre entre les intérêts des contractants. "Qui dit contractuel, dit justeZZZ". Ce principe aboutit à ce que la loi n'intervienne que de façon supplétive dans les contrats et en raisonnant sur un contractant abstrait, sans qu'aucune distinction ne soit faite selon ses caractéristiques, tous les hommes étant libres et égaux. Ces idées ont été reprises par le code civil napoléonien qui n'a envisagé qu'une catégorie minimale de contractants devant faire l'objet d'une protection particulière : les incapables.

Mais aujourd'hui, le principe de l'autonomie de la volonté subit de nombreux affronts. Du fait qu'il vit en société, l'homme n'est pas totalement libre à cause de l'existence de liens d'interdépendance. Ce déclin du principe est aujourd'hui renforcé par la construction du droit de la consommation. Et ce de plusieurs manières. Le législateur ne peut plus raisonner sur un contractant abstrait. Il prend en considération les caractéristiques des contractants et notamment celles du consommateur. "Qui dit consommateur, dit protection". A l'inverse, des obligations croissantes pèsent sur les professionnels contre qui le droit de la consommation est de plus en plus exigeant. L'élaboration du contrat ne répond pas toujours aux souhaits des contractants. Des déséquilibres apparaissent, renforcés par le recours accru aux contrats d'adhésion.

La proclamation de l'autonomie de la volonté s'accompagnait de plusieurs conséquences dont la force obligatoire du contrat. Ce principe consiste à soutenir qu'une fois conclu, le contrat s'impose à tous, aussi bien aux parties qu'aux juges. Il est énoncé dans le fameux article 1134 alinéa 1 du code civil : "Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites". Mais tout comme le principe de l'autonomie de la volonté lui-même, la force obligatoire a connu et connaît encore de nombreuses attaques. Le droit de la consommation en est une des causes. Le législateur y a consacré des atteintes profondes notamment lorsqu'une des parties au contrat peine à remplir ses engagements en lui permettant d'obtenir des délais de paiement supplémentaires, un rééchelonnement des ses dettes voire parfois une remise de dettes. La loi du 10 janvier 1978 réformé par la loi du 1er février 1995 heurte également la force obligatoire du contrat en prévoyant l'élimination des clauses jugées abusives. Le droit de la consommation adapte les principes civilistes aux réalités contemporaines.

Le droit civil et le droit de la consommation se chevauchent donc largement ne serait-ce du fait qu'ils concernent des relations privées. Cette constatation peut également faite en ce qui concerne les rapports concurrence et consommation.

§2 : Droit de la consommation et droit de la concurrence


Le Pr Calais-Auloy considère que le droit commercial joue un rôle réduit vis-à-vis du droit de la consommationZZZ. Cependant, ce n'est pas prendre en compte le droit de la concurrence comme branche du droit commercial. Or, ces deux matières juridiques font partie d'un tronc commun : le droit économique, et même si leurs objectifs sont différents, nombreux de leurs domaines se recoupent et se complètent. "Le droit de la concurrence est constitué par l'ensemble des règles qui s'appliquent aux entreprises dans leur activité sur le marché et qui sont destinées à réguler la concurrence, c'est-à-dire faire que la concurrence soit suffisante tout en n'étant pas excessive". Le droit de la consommation vise à la protection des consommateurs. L'interdépendance des deux notions s'affiche dans le domaine gouvernemental par la "Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes". Le colloque organisé à Perpignan les 8 et 9 août 1993ZZZ, sur les rapports et influences réciproques des deux domaines nous en offre de nombreux exemples. La liberté des prix proclamée par l'ordonnance du 1er décembre 1986 favorise la concurrence et par conséquent, les consommateurs en profitent. Cette même ordonnance a voulu réglementer les pratiques des professionnels qui avaient pour conséquence de fausser le jeu de la libre concurrence. Elle a entendu limiter les pratiques anticoncurrentielles constituées par les ententes, les abus de position dominante. Les consommateurs sont concernés par ces dispositions de plusieurs façons. Le consommateur ou les associations de consommateurs peuvent être tentées de dénoncer de telles pratiques par l'intermédiaire du Conseil de la Concurrence où ils sont représentés. Il va de soi que des ententes ou des abus de position dominante éliminent des concurrents et nuisent aux consommateurs qui auront moins de choix quant à leur cocontractant. Enfin, les consommateurs sont visés dans les exceptions des articles 7 et 8 puisqu'une des dérogations est conditionnée par l'existence d'une partie équitable du profit aux utilisateursZZZ. L'intérêt du consommateur apparaît comme un fait justificatif aux atteintes de la concurrence. L'article 85 du traité de Rome prévoit d'ailleurs que l'interdiction prévue par cet article vis-à-vis des ententes et pratiques concertées est inapplicable dès lors qu'une partie équitable du profit qui résulte des progrès techniques ou économiques est réservée aux utilisateurs.

Des dispositions du droit de la consommation peuvent également être bénéfiques sur la concurrence. La loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications, la loi du 23 juillet 1983 sur la sécurité du fait des produits et des services permettent de sanctionner les méthodes déloyales des professionnels. La réglementation sur la publicité trompeuse, l'obligation pour le professionnel d'informer les consommateurs sur les prix et les conditions de contrat éclairent le jeu de la concurrence. La réglementation sur les méthodes de vente (soldes, ventes avec primes, à la boule de neige, liquidation...) concerne aussi les deux matières. Ces divers exemples sont loin d'être limitatifs et les connections entre le droit de la concurrence et le droit de la consommation sont multiples. Le droit du travail ne semble pas avoir de tels points de contact avec le droit de la consommation ; cependant, ils semblent avoir été inspirés par la même philosophie.

§3 : Droit du travail et droit de la consommation


Le droit de la consommation a été élaboré pour rétablir un équilibre qui existait entre le professionnel et le consommateur. Le consommateur est faible et ne peut s'imposer face au professionnel. Le salarié est sous la subordination de son employeur ce qui implique une certaine faiblesse. Le droit du travail vise en partie à donner les moyens au salarié de faire respecter ses droits, tout comme le consommateur. Ces deux droits visent donc à améliorer la situation d'une partie en position d'infériorité face à une autre.

Il est classique de comparer le droit du travail et le droit de la consommationZZZ. Le développement du mouvement syndicaliste constitue une réponse à un déséquilibre entre salariés et employeurs de la même façon que le mouvement consumériste face au professionnel. De nombreuses manifestations de ces mouvements peuvent être mises en parallèle. Le boycott des produits et des services s'apparente à la grève en droit du travail : il

s'agit toujours d'une réaction collective face à une situation jugée intolérable et inacceptable. Les salariés veulent être informés et participer aux décisions importantes prises au sein de l'entreprise et susceptibles de les concerner d'où la création de représentants du personnel et de leur présence notamment aux comités d'entreprise. Les consommateurs ont eu le même souhait et, regroupés au sein d'associations, il est tenu compte de leur opinion dans de nombreux organismes : Conseil de le Concurrence, commission des clauses abusives, commission nationale de sécurité... Il leur a été offert des moyens d'action de plus en plus exorbitants et si à l'origine seul le ministère public était défendeur de l'intérêt public, la faculté d'agir en justice a été reconnue aux syndicats par la loi du 12 mars 1920 ; le code du travail, article L411-11 dispose que "les syndicats peuvent devant les juridictions exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent". C'est l'article 46 de la loi Royer du 27 décembre 1973 qui a reconnu cette faculté mais uniquement aux associations de consommateurs ayant reçu agrément.

Enfin, l'élément le plus notable est sans doute l'existence des conventions collectives comme source du droit du travail ou du droit de la consommation. En effet, les conventions collectives existent comme résultat de négociations entre syndicats et patronat ou entre professionnels et consommateurs. Ces derniers sont subdivisés en deux catégories : "ceux élaborés au sein d'institutions où se réunissent des représentants de professionnels et des représentants de consommateurs" et "ceux résultant d'une convention passée entre professionnels et associations de consommateursZZZ". Ces textes ne sont toutefois pas aussi efficaces que les conventions collectives de travail car ils ne s'imposent qu'aux professionnels qui les ont signés, alors que les secondes peuvent être imposées à un secteur d'activité déterminé.

Malgré ces points communs, le droit du travail et le droit de la consommation se différencient car le droit du travail s'enferme dans un cadre contractuel ; en revanche, le champ d'application du droit de la consommation ne se limite pas à cette sphère. De plus, les salariés sont une catégorie homogène d'individus ayant des désirs voisins ; les consommateurs ne peuvent être identifiés selon une catégorie préexistante de la société, leur détermination est d'autant plus complexe que leurs revendications sont souvent très diverses.

§4 : Droit pénal et droit de la consommation


Le droit de la consommation comporte en dernier lieu un volet répressifZZZ. En effet, toute la réglementation qu'il édicte doit être strictement respectée par les professionnels sous peine de sanctions pénales. Par ce coté, le droit de la consommation est un nouvel aspect du droit pénal. Il s'est d'ailleurs en partie formé sur des dispositions pénales : publicité mensongère, fraudes et falsifications. La loi de 1972 sur le démarchage à domicile prévoit que la méconnaissance de certaines règles pourra entraîner une peine d'emprisonnement de un mois à un an et/ou une amende de 1000 à 20000F. Une peine d'amende est prévue par le décret du 24 mars 1978 pour l'infraction à l'obligation de mentionner la garantie légale des vices cachés lorsqu'une garantie contractuelle est offerte. Les articles L223-1 et L223-2 du code la consommation prévoient différentes mesures en cas de condamnation pour une infraction aux dispositions sur la prévention des risques liés aux produits.

Il ne faut pas néanmoins déduire de cette absence d'autonomie du droit de la consommation aurait été élaboré sans ligne directrice. Il poursuit toujours le même objectif, même si son champ d'application peut soulever quelques interrogations.

SECTION 3 : DOMAINE DU DROIT DE LA CONSOMMATION


Quel est le champ d'application du droit de la consommation ? Le code de la consommation a regroupé le dispositif de protection offert au consommateur. Il constitue le sujet du droit de la consommation. Par conséquent, il est nécessaire de définir le consommateur pour connaître le domaine de ce droit. Cependant, force est de constater que la notion est difficile à préciser. Le code de commerce indique nettement qui peut être dénommé commerçant. Mais le code de la consommation ne définit pas le consommateur. Cette tache semble avoir été laissée à la doctrine et à la jurisprudence. Or, plusieurs questions sont venues à l'esprit des auteurs dés qu'ils ont tenté d'élaborer une définition du consommateur. Notre étude vise à répondre à ces différents questions mais encore faut-il préalablement les exposer.

Le législateur n'ayant jamais édicté de définition du consommateur, la doctrine s'est préoccupée de l'uniformité de cette notion. Chaque texte relatif au droit de la consommation envisage un domaine particulier. Faut-il considérer que la qualité de consommateur ne s'apprécie qu'en fonction de la règle à appliquer et donc du domaine concerné, ou existe-t-il une notion unique faisant foi dans tous les textes législatifs ? La question peut surprendre au premier abord. En droit du travail, personne n'a jamais pensé à établir une définition différente du salarié selon que le litige concernait la grève ou le licenciement. Mais les textes sur le droit de la consommation peuvent laisser perplexes. "Toutes les lois n'ont hélas pas d'unité de rédaction, ni même parfois de terminologieZZZ". En effet, l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 sur les clause abusives semble considérer le consommateur uniquement comme un contractant. Cependant, cette conception n'est pas tolérable lorsqu'on envisage la loi du 21 juillet 1983 sur la sécurité des consommateurs. La protection de l'intégrité corporelle ne peut se cantonner à ce cadre. Le problème rebondit quand le législateur ne fait plus référence à la notion de consommateur. La loi de 1978 sur le crédit à la consommation fait référence aux consommateurs. En revanche, la loi de 1979 ayant le même objectif que la loi précédente mais à propos du crédit immobilier est relative à la protection des emprunteurs. Pourquoi le terme consommateur a-t-il disparu ? Est-ce une erreur ou la notion de consommateur est-elle incompatible avec celle de bien immobilier ?

Pour une meilleure application du droit de la consommation et une jurisprudence plus saine, il est indispensable de rechercher une définition unitaire du consommateur quelque soit le domaine envisagé. A défaut, une trop grande incertitude planerait ; il n'est pas possible d'attribuer cette qualité un jour, et la refuser le lendemain lors de circonstances similaires. Il en va de la crédibilité de la justice. Il est donc impératif de définir précisément le consommateur stricto sensu (Titre 1) avant d'envisager les éventuelles extensions de cette notion (Titre 2).

Titre 1

Le Consommateur Stricto Sensu



Délimiter le droit de la consommation comme le droit applicable aux consommateurs peut paraître une évidence. Cela a néanmoins l'avantage de démontrer la nécessité d'identifier le titulaire de ce droit. Plusieurs voies sont ouvertes pour y arriver. C'est pourquoi il convient d'étudier les différentes approches qui nous sont offertes pour définir le consommateur (chapitre I), avant d'approfondir celle qui est communément retenue (chapitre 2ÈME).

CHAPITRE I

LES DIFFERENTES APPROCHES DU CONSOMMATEUR


Comme nous l'avons dit précédemment, le terme de consommateur fait partie du langage courant. Son emploi peut concerner à la fois le domaine juridique et le domaine économique (section 1). Mais son identification s'effectue souvent par opposition à une autre catégorie d'individus (section 2) .

SECTION 1 : L'APPROCHE POSITIVE DU CONSOMMATEUR


Le terme de consommateur est apparu en premier lieu dans le monde économique. Il s'agit alors du rôle tenu par un agent économique (§1). Mais si l'on s'en tient à une définition socio-économique, le consommateur peut être conçu comme une des deux parties à l'acte de consommation (§2).

§1: Le consommateur, agent économique


Il est possible d'identifier le consommateur, agent économique en recherchant sa position dans le domaine économique (A), et en en déduisant certains éléments quant aux particularités de cet agent (B).

A. La position du consommateur


La consommation est perçue classiquement comme un "processus de destruction technique des biens et des servicesZZZ". Le consommateur ressent des besoins qu'il va être amené à combler par la destruction, l'utilisation d'un bien ou d'un service. Cette utilisation peut n'être que partielle ce qui conduira à une nouvelle destruction ultérieurement. Si la destruction du bien constitue l'opération de consommation, ce phénomène est-il susceptible de concerner n'importe quel bien ? L'immeuble peut-il être conçu comme un bien de consommation ? "Pour les analystes traditionnels, (...) le bien de consommation est généralement compris comme le bien qui se consomme par un premier usage. Triste destin pour un immeuble s'il devient consomptible. (...) Il y a une nouvelle notion du bien de consommation qui apparaît derrière l'immeuble. L'immeuble, c'est un besoin. L'immeuble, bien de consommation, c'est l'immeuble dont l'homme a besoin. L'immeuble compris dans le doit de la consommation, c'est essentiellement le logement familial".(1bis)

Ainsi assujetti à ses besoins, le consommateur est détaché du contexte économique. C'est sa volonté propre qui va le conduire à décider qu'il doit consommer ou qu'il ne doit pas. Cette représentation de l'image du consommateur est la théorie dite du consommateur individuel, car il fait abstraction du monde extérieur qui n'influence pas ses choix.

Selon cette théorie, la production n'a pour seul objectif que de satisfaire les besoins émanant du consommateur. L'hégémonie du consommateur ne peut donc être contestée. La demande de ces individus exprimant leur for interne, celle-ci ne peut qu'être libre et détachée de toutes éventuelles pressions extérieures.

Il est alors aisé de distinguer production et consommation, priorité étant donnée à cette dernière fonction.

La relation entre les deux ne peut s'effectuer que sur un seul lieu : le marché. C'est là que le consommateur va exprimer ses besoins et va trouver les biens ou services nécessaires à leur assouvissement.

Mais cette théorie du consommateur individuel n'est qu'une vision utopiste du pouvoir octroyé à cet agent. A l'inverse de l'idéal prôné par cette doctrine, une conception plus réaliste consiste à intégrer le consommateur au sein du processus économique. Il ne peut s'analyser comme un être étranger à toute pression extérieure. En effet, il ne peut être séparé du monde socio-économique.

Production, distribution, échange et consommation sont des fonctions interdépendantes. Et contrairement à la théorie du consommateur individuel, où le rôle prépondérant et décisif appartenait à la consommation, la réalité laisse apparaître une suprématie de la production qui devient alors le "pole dominant du cycle".

Cette vision s'est affirmée depuis l'apparition de la production de masse qui a conduit à parler de "société de consommation".

Par conséquent, ce n'est plus le demandeur qui influence l'offreur, c'est au contraire "l'offreur qui va imposer ses propres choix" par l'intermédiaire de différentes techniques: publicité, pratiques commerciales à la limite de la légalité...

Etant alors admis que le consommateur ne peut être considéré qu'en l'intégrant au cycle économique, encore reste-t-il à déterminer sa place au sein de ce cycle. Deux conceptions sont alors possibles.

Il existe un consommateur intermédiaire : il s'agit de la personne qui acquiert des biens ou des services nécessaires à l'exploitation de son entreprise en vue de les revendre (article 632 C.Com.). La personne concernée est donc un professionnel. La notion de consommateur est alors détournée de son rôle économique. Ce n'est pas un véritable consommateur.

En effet, la fonction de consommation se situe à la fin du cycle économique. On parle alors de consommateur final pour bien le différencier du "consommateur" intermédiaire. Seul le consommateur final vise à satisfaire des besoins et à détruire l'utilité du produit. En revanche, le consommateur intermédiaire va transmettre l'utilité du bien, sa vie n'est pas encore achevé.

Le consommateur n'est donc pas un individu isolé. Il existe une interdépendance entre les fonctions économiques ce qui influence la position du consommateur.

B. Les conséquences de la position


La fonction de consommation ne peut être envisagée qu'en étroite dépendance par rapport aux autres fonctions économiques et, essentiellement, avec la fonction de production qui exerce un rôle totalement en opposition avec celui de la consommation mais néanmoins complémentaireZZZ.

Les intérêts de ces deux fonctions se trouvent donc en conflit et le marché va alors constituer le lieu de leur affrontement. Ce marché n'incarne d'ailleurs pas le marché libéral de la théorie du consommateur individuel. Dans le marché capitaliste, le consommateur se trouve en position de faiblesse. C'est ce déséquilibre dans les rapports de force qui doit être combattu par les politiques.

Ces différents éléments laissent apparaître la dimension titanesque de la fonction de consommation. C'est à grande échelle que doit être envisagée cette fonction. C'est la dimension collective de la consommation qui permet d'affirmer qu'il s'agit bien du "quatrième pôle du cycle de production, distribution, échange".

Cette dimension collective a pour conséquence que la qualité de consommateur n'appartient pas à une catégorie déterminée de la population. Tout individu est un consommateur potentiel. "Consumers, by definition, include as all.ZZZ" Le groupe de consommateur est donc un groupe hétérogène. D'où la difficulté de trouver une définition unique du consommateur.

La qualité de consommateur appartient à tout le monde et ce, quel que soit son rôle dans la société, son activité, qu'il soit "employeur, travailleur, citoyen, producteur, distributeur, professionnel, riche, pauvre, etc".... Ceci a pour conséquence que l'individu ne se considère pas toujours comme un consommateur. Il se perçoit d'abord comme un salarié qui va lutter pour le maintien de son emploi, comme un professionnel qui va rechercher une meilleure productivité pour son entreprise. La prise de conscience de la qualité de consommateur est secondaire, et la défense de ses intérêts est secondaire. D'où le caractère épars des actions en justice qui sont menées dans cette direction.

L'utilisation de l'économie est une solution attrayante pour déterminer qui est consommateur. La distinction assez tranchée entre production, distribution et consommation aboutit à un catalogage du rôle tenu par chaque individu au sein du processus économique. Mais cette classification conduit à faire abstraction des interférences qui peuvent exister entre les différents de la vie économique. Tel individu interviendrait toujours en tant que producteur, celui là en tant que distributeur. Ces deux types d'agent économique ne se verraient jamais attribuer la qualité de consommateur. Cette vision pèche par trop de simplicité. En effet, dans de telles circonstances, ce sera bien le producteur qui agira mais dans d'autres,

Ce même individu interviendra comme n'importe quel autre consommateur. La qualité de consommateur s'inscrit donc dans un "contexte socio-économique". Il faut par conséquent rechercher comment se manifeste le rôle du consommateur.

§2 : Le consommateur, partie à l'acte de consommation


Les caractéristiques du consommateur peuvent être précisées (B) par le biais de l'acte de consommation (A).

A. La qualification de l'acte de consommation

L'acte de consommation est une notion générale qui regroupe à la fois le contrat de consommation et l'acte purement matériel de consommation.

Le contrat de consommation est le contrat conclu entre un professionnel et un consommateur. Ainsi le contrat de consommation s'identifie par la qualité des parties qu'il met en présence. Cependant, ce critère est sans issue puisque l'on recherche ce qu'est un consommateur, le critère de la qualité des parties ne peut nous aider.

Par conséquent, le contrat de consommation doit être caractérisé par d'autres éléments qui sont l'objet et la cause du contratZZZ.

L'objet du contrat figure à l'article 1108 C.Civ. Mais la doctrine a retenu différents types d'objets. L'objet du contrat qui est constitué par "la ou les obligations qui absorbent l'utilité économique du contrat" ; l'objet de la prestation qui recouvre l'objet concret sur lequel porte la prestation. Reste l'objet de l'obligation des parties c'est à dire à quoi elles sont tenues.

Les deux premiers types d'objet ne permettent pas d'identifier le contrat de consommation. En effet, il est susceptible d'être utilisé pour diverses opérations (vente, location, contrat d'entreprise, emprunt) et pour n'importe quel bien ou service (marchandises, prestation intellectuelle).

C'est l'objet de l'obligation qui va servir de critère. Le contrat de consommation se caractérise par le paiement d'un prix, le versement d'une somme d'argent. En d'autres termes, le contrat de consommation est un contrat synallagmatique, onéreux, le caractère équilibré de l'obligation d'une partie s'établissant par le versement de la somme d'argent.

Celle ci sera la contrepartie de la fourniture d'un bien ou d'un service.

Le second critère est la cause de l'obligation. Il est préférable de parler de cause de l'obligation que de cause du contrat. La cause est la représentation que se fait chaque partie de la réalité. Il est par conséquent difficile d'identifier une cause du contrat, sauf dans certaines hypothèses où la représenation peut être en partie commune aux parties. La conception de la cause est dualiste : tout d'abord la cause efficiente, immédiate, abstraite, objective ou cause de l'obligation. Dans les contrats à titre onéreux, elle est constituée par la contrepartie qu'entend recevoir la partie qui s'oblige. La cause immédiate est de peu d'intérêt quant à la qualification de contrat de consommation car dans les contrats onéreux, elle revient à tenir compte de l'objet de l'obligation.

Ainsi, elle ne permet pas de fournir plus d'indice que l'objet de l'obligation lui-même.

En revanche, la cause du contrat peut être utilisée. Cette notion est beaucoup plus lointaine que la cause immédiate, ce sont les mobiles qui ont poussés le contractant à participer au contrat. Dans quel but au delà même du contrat le contractant s'est - il engagé ?

Il existe une infinité de mobiles mais certains semblent incompatibles avec la qualification du contrat de consommation : la spéculation ou l'intérêt de l'entreprise.

La spéculation est une opération sur des meubles ou immeubles en vue d'obtenir un gain d'argent par leur revente ou leur exploitation. La recherche d'un profit n'est pas la cause du contrat de consommation. De même, l'épargne, qui vise à économiser est exclusif de tout acte de consommation. Quant à l'intérêt de l'entreprise, il est inconciliable avec la satisfaction de besoins privés. La protection parfois accordée au professionnel ne remet pas en cause ce critère. Le professionnel bénéficie des règles favorables du droit de la consommation, mais ces contrats n'en sont pas pour autant des contrats de consommation. La cause du contrat de consommation est la satisfaction de besoins privés et non ceux d'une entreprise.

Ces critères visent donc à qualifier un contrat de consommation. Ainsi la qualité de consommateur se limiterait à la sphère contractuelle. Mais certains auteursZZZ ne cantonnent pas la qualité de consommateur au contrat de consommation. Ils l'étendent à tout acte de consommation qui est défini comme "l'acte juridique ou matériel qui, réalisant la destination finale du bien, en épuise totalement ou partiellement la valeur économique et en provoque généralement le retrait définitif ou temporaire du marché"ZZZ.

Par cette définition, il est totalement fait abstraction non seulement de la qualité des parties à l'acte mais aussi du but poursuivi quoique la référence à la destination finale du bien permette de le deviner.

Le critère de contrat de consommation, trop restrictif est complété par celui d'acte matériel.

La qualification d'acte de consommation aboutit alors à cerner la notion de consommateur.

B. La détermination du consommateur

Il ne suffit pas de constater que tel contrat est un contrat de consommation.

Plusieurs éléments permettent de détecter quelle partie au contrat sera le consommateur.

La cause du contrat permet dans certaines hypothèses simples d'y parvenir. Lorsqu'il s'agit d'une personne physique cherchant à satisfaire ses besoins privés, c'est indéniablement un consommateur.

L'objet de l'obligation permet une meilleure recherche de la qualité de consommateur. Le bénéfice des dispositions protectrices sera attribué au contractant qui sera débiteur de la somme d'argent et créancier de la fourniture du bien ou du service. Le consommateur ne produit rien par hypothèse. Son rôle est d'utiliser les biens mis sur le marché par l'intermédiaire du distributeur mais fabriqués par le producteur ou de demander de bénéficier de services.

Le rôle limité du consommateur (on pourrait à l'extrême parler de rôle passif) renforce la position de faiblesse qui est la sienne face au professionnel. Il se contente de payer.

Cette faiblesse est souvent caractérisée dans les contrats de consommation qui sont généralement des contrats d'adhésion. Même si certains auteurs rejettent cette qualification de contrat d'adhésion, la reconnaissance de leur existence est communément admise. Le contrat d'adhésion est celui dont le contenu est unilatéralement rédigé par une partie, aucune clause étant négociable. Le développement de la consommation de masse a abouti à une certaine standardisation. Le consommateur est alors facile à repérer : c'est celui qui s'est contente d'adhérer. Le rôle passif est ici flagrant.

Mais comme nous l'avons indiqué précédemment la qualité de consommateur n'implique pas nécessairement celle de contractant. Les deux notions sont détachables.

Le consommateur est celui qui profite du bien ou du service. La destruction du bien n'est toutefois pas toujours totale et irréversible. Sinon, l'existence des marchés d'occasion serait reniée. Dans cette hypothèse, le bien a été utilisé par un consommateur ; pour lui, il est alors dépourvu d'intérêt mais il est encore capable de satisfaire un autre consommateur. Le bien sera remis sur le marché dit secondaire ; il faut donc nuancer l'importance de la destruction.

Le passage par l'acte ou contrat de consommation n'est cependant pas une solution idéale pour circonscrire la notion de consommateur. Et ceci pour trois raisons majeures :



• La première tient en l'absence de prise en compte de toute spécificité entre la fonction de consommation et les autres fonctions économiques. Ce sont les rapports très étroits qu'entretiennent les différentes fonctions qui expliquent l'émergence même du consommateur au sens juridique. Le critère de l'acte de consommation est trop "neutre".


• Le consommateur semble n'exister qu'en relation avec un professionnel. Or, cette qualité ne se perd pas si deux consommateurs sont amenés à contracter ensemble.


• L'acte de consommation n'explique pas la jurisprudence qui assimile, dans certaines circonstances, le professionnel à un consommateur.


SECTION 2 : L'APPROCHE NEGATIVE DU CONSOMMATEUR


Le consommateur est perçu comme l'antithèse du professionnel. Leurs fonctions et leurs rôles au sein de la société de consommation s'opposent à différents points de vue. C'est pourquoi il est envisageable de découvrir l'identité du consommateur en dressant au préalable les caractéristiques du professionnel qui concernent les manifestations de ses activités (§1) et sa supériorité face au consommateur (§2).

§1: Les activités du professionnel


La dénomination de professionnel semble a priori combiner deux critères : la nature des activités exercées et le but poursuivi. Si la présence de ces deux conditions fait généralement peu de difficultés (A) il faut réserver une hypothèse particulière qui est constituée par les associations (B).

A. Les professionnels classiques


Selon la loi du 22 décembre 1972, le professionnel est la personne qui exerce "une activité (...) dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou toute autre professionZZZ".

Ainsi il est déjà possible de rattacher le caractère de professionnel à celui de commerçant. La qualité de commerçant est subordonnée à l'exercice d'une activité exercée à titre professionnel et personnel. L'exercice professionnel est donc une condition de l'existence d'une activité commerciale.

Les activités commerciales peuvent être classées en trois catégories : les activités de distribution, les activités industrielles, les activités de service. Les activités de distribution sont les premières visées par l'article 632 du code de commerce : achat en vue de la revente de meubles (al.1) ou d'immeubles (al.2). Les achats sont effectués dans l'intention de les revendre ; ils ne sont pas destinés à être consommés ou utilisés par le commerçant. La position du commerçant n'est que celle d'un "consommateur intermédiaire".

Les activités de production visées par l'article concernent les activités industrielles (al 1 et 5). "Les entreprises de manufacture sont définies comme celles qui achètent des matières premières pour les transformer et vendre, après coup, avec profit des produits finis ou semi-finis". Dans ce domaine encore, la nature du bien importe peu. Il est aujourd'hui admis que le travail de l'industrie peut concerner des ouvrages immobiliers.

Quant aux activités de service, elles se sont beaucoup diversifiées depuis 1807. Celles visées par le code de commerce sont les activités de transport, de location, entreprises de spectacles publics, activités financières et activités intermédiaires.

Il reste à rappeler que pour être qualifié de commerçant, toutes ces activités doivent être exercées à titre habituel. Cette condition figure à l'article 1er du code de commerce.

En conclusion, le commerçant représente le professionnel-type. Mais l'inverse n'est pas vrai ; un professionnel n'exerce pas nécessairement une activité commerciale.

La loi de 1972 fait allusion à d'autres activités. L'activité agricole regroupe "toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation" (art. 2 al.1 de la loi du 30 décembre 1988). Même si ces activités sont qualifiées de civiles, elles exigent certaines compétences, des connaissances sur la culture et l'élevage qui permettent de considérer l'agriculteur comme un professionnel.

L'artisan est "celui qui exerce, pour son propre compte, un métier manuel pour lequel il justifie d'une qualification professionnelle et qui prend part personnellement à l'exécution du travail"ZZZ.

Quant aux autres professions visées, il s'agit des professions libérales ; "elles consistent en des services personnels de caractère principalement intellectuel, rémunérés par des honoraires"ZZZ.

Toutes ces activités civiles exigent une qualification, une compétence, des connaissances qui incluent leurs agents dans les professionnels. Mais comme pour la qualité de commerçant, il semble qu'elles doivent être exercées de manière habituelle, autrement dit constituer les ressources principales de l'agent.

Par conséquent doit être approuvée la définition proposée par la commission de refonte du droit de la consommation : "Les professionnels sont les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, qui offrent des biens ou des services dans l'exercice d'une activité habituelle"ZZZ.

Encore ne faut-il pas inclure dans les professionnels leurs salariés. Le professionnel est étranger au lien de subordination qui existe entre un employeur et un salarié. Un salarié n'est pas un professionnel. En revanche, il existe des hypothèses où, malgré une certaine dépendance, la qualification de professionnel peut être retenue ; il s'agit du cas de la sous-traitance.

En fait, il semble possible de définir le professionnel comme toute personne physique ou morale, de droit privé ou de droit public, qui offre, de manière habituelle, des biens et des services en vue d'en tirer à titre personnel des ressources, à l'exclusion du salarié. Un professionnel peut en effet être une personne de droit public : sociétés d'Etat, établissements publics, ou régies, EPIC. Ces organismes offrent des biens ou des services dans l'exercice habituelle de leur activitéZZZ.

Ces différentes catégories de professionnels poursuivent un but lucratif. Les commerçants n'achètent des biens en vue de les revendre, non pas au prix qu'ils les ont achetés mais à un prix supérieur afin d'en tirer un bénéfice. C'est là que se situe pour eux l'intérêt de l'opération. Et qu'il s'agisse d'activités commerciales ou civiles, l'exercice de la profession vise à en retirer des revenus.

Mais il existe des hypothèses où ce but lucratif n'est pas aussi flagrant. Il est ici fait allusion aux opérations de publicité par l'intermédiaire de cadeaux. Il est certain que de part la gratuité ou le prix avantageux proposé (Ex : achat de deux produits pour le prix d'un, + 50 % de produit en plus), le commerçant ne retirera aucun bénéfice pour l'opération même. La qualité de professionnel doit-elle pour autant lui être ôtée en cette hypothèse ? L'objectif doit être étudié à long terme. Du fait de la promotion, l'image va être valorisée aux yeux du consommateur, ce produit va être connu. Après cette période de promotion, ce dernier achètera ce produit "spontanément" et la clientèle se développera. Ainsi, le professionnel n'a pas accompli un acte désintéressé, le but lucratif s'appréciera sur une plus longue période. Il n'aura donc pas pour autant perdu sa qualité de professionnel. Le but lucratif est une notion qui s'apprécie selon une certaine vision d'ensemble, dans la globalité et non-acte par acte. La qualité de professionnel réunit donc dans les cas présentés, l'existence de certaines activités et la poursuite d'un but lucratif. Mais leur combinaison n'est pas toujours aussi simple.

B. Les associations


Qualifier les associations de professionnels n'est pas chose facile. Elles se différencient des sociétés quant au traitement des bénéfices. Cependant, avec les GIE, elles constituent aussi des personnes morales de droit privé. Or, de nombreuses associations exercent des activités économiques : en matière de tourisme, de culture, de spectacle... Les associations interviennent comme le font les sociétés. En pratique, elles se livrent à des activités dont l'importance est comparable à celle des sociétés et ne doivent pas pour autant pouvoir échapper à leurs obligations et responsabilités correspondantesZZZ. D'où des questions en doctrine et en jurisprudence sur la nature des actes de l'association et la qualification de l'association elle-même dans cette hypothèse. L'association peut-elle exercer des activités commerciales ? Unanimement, la doctrine et la jurisprudence admettent que l'association peut exercer de telles activités. Il suffit qu'elles correspondent à l'objet de l'association. Comme nous l'avons indiqué précédemment, les activités commerciales sont contenues dans l'article 632 du code de commerce. Cet article ne vise que des actes à titre onéreux. L'article 6 de la loi de 1901 recense les opérations que l'association peut passer. Certains auteurs prenant à la lettre cet article "acquérir à titre onéreux" ont estimé a contrario que toute opération autre que l'acquisition leur était interdite. Mais la majorité de la doctrine interprète cette expression comme permettant tout acte à titre onéreux ( même dans un but lucratif ). L'article 6 limite ces actes à l'objet statutaire mais n'indique pas les moyens par lesquels l'association peut se procurer de ressources. Par conséquent, les associations peuvent accomplir des actes de commerce.

Mais cette affirmation laisse en suspens la nature de ces actes : deviennent-ils civils par le théorie de l'accessoire civil étant donné qu'ils ont été réalisés dans un but désintéressé, ou commerciaux parce que leur but est la recherche de ressources ? La doctrine est divisée. Elle l'est aussi quant à savoir si une association pouvait être reconnue commerçante. Une chose est de reconnaître qu'elle peut exercer une activité commerciale mais c'en est une autre de parler de commerçantZZZ. Quelques auteurs tels que Mme Simon et Mr SousiZZZ l'admettent. De son coté, la Cour de cassation ne l'a jamais admis, elle se borne à reconnaître que telle personne morale fait de façon habituelle des actes de commerce sans en déduire le caractère de commerçantZZZ. Or, comme le démontre Mme SimonZZZ, l'article 1er du code de commerce retient comme critère de la qualité de commerçant l'exercice habituel d'actes de commerce. Ce critère établi, peu importe la forme de la personne morale de droit privé concernée. Et pourtant, dans un arrêt du 19 janvier 1988ZZZ, la Cour de cassation refuse catégoriquement cette reconnaissance à une association d'éducation populaire de sports et de loisirs de Perpignan. Il y aurait incompatibilité entre les deux notions. C'est d'ailleurs la volonté du Conseil National de la Vie AssociativeZZZ. Mais seule la qualification de commerçant n'est pas reconnue. Du fait de l'exercice habituel d'actes de commerce, de la même façon qu'un commerçant selon l'article 632 du code de commerce, l'association peut être qualifiée de professionnel. L'on reconnaît le rôle que peut occuper une association au sein de la société, le rôle de professionnel, sans lui octroyer toutes les conséquences de ce rôle (qualification de commerçant). Cette réticence provient en fait de l'existence du but lucratif chez les commerçants. C'est d'ailleurs en envisageant notamment l'hypothèse de l'association que la commission de refonte du droit de la consommation s'est heurtée au but lucratif comme condition de la qualification de professionnelZZZ. (La difficulté est la même pour les coopératives et les mutuelles.)

L'association est définie par la loi du 1er juillet 1901 : article 1er "convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun leurs connaissances ou leurs activités dans un but autre que de partager les bénéfices". Et pourtant, de nombreuses associations ont une activité commerciale. C'est leur existence qui conduit la commission de refonte à exclure le critère du profit de la définition du professionnel. Ce qui cause problème est l'interprétation qui a été faite de l'expression "dans un but autre que celui du partage des bénéfices". La commission présidé par le Professeur Calais-Auloy semble en avoir déduit que les associations ne peuvent et ne doivent pas faire de bénéfices. Et que par conséquent, si elles exercent une activité pouvant les qualifier de professionnel, le caractère lucratif n'est pas inhérent à tous les professionnels. Une confusion semble avoir été faite entre le but désintéressé des associations et la répartition des bénéfices entre les membres de la personne morale. En ayant une activité économique, l'association vise à se procurer des ressources pour exercer l'objet qu'elle s'est assignée. Ces ressources proviennent du profit issu de son activité économique. L'objectif principal de l'association n'est pas de réaliser des bénéfices, comme pourrait l'entendre une société, mais par leur obtention, elle peut atteindre le but qu'elle s'est fixée. Ex : l'organisation de bals dans des clubs sportifs permet de développer l'activité du club et d'acheter du nouveau matériel. Mais la loi du 1er juillet 1901 ne prohibe pas la recherche de bénéfices. Il faut simplement qu'ils ne soient pas partagés entre les membres de l'association. Ils seront mis en réserve.

La jurisprudence reconnaît d'ailleurs depuis longtemps à l'association la possibilité d'accomplir des actes à titre onéreux lui rapportant un gain ; qu'il s'agisse d'une perte évitée, comme ce fut le cas dans un arrêt des chambres réunies du 11 mars 1914 ZZZ ou d'un gain positif. Dans ce cas, l'association recherche des bénéfices en accomplissant des actes de commerce. Le juge civil et le juge administratif admettent la licéité de ces actes ZZZ. Si comme certains auteurs nous admettons qu'une association peut être commerçante, la recherche du profit est sous-jacente.

Par cette analyse, nous nous apercevons que le but lucratif est un élément automatique de la qualité de professionnel. Et qu'il existe même pour les associations, même si la recherche de bénéfices doit y être adaptée et limitée à la seule poursuite de l'intérêt social de l'association.

Cette conception doit également être retenue pour les coopératives ou pour les mutuelles. Les coopératives sont des entreprises recherchant pour leurs membres les services les meilleurs aux plus bas prix.

Le critère lucratif qui a été exclu par la commission pour de simples questions de commodité nous parait devoir être intégré à la définition du professionnel. Cet ajout dans la définition permettrait de mieux différencier les associations consommateurs et les associations professionnels. Les dernières poursuivent une activité économique alors que les premières en sont dépourvues.

§2 : La supériorité du professionnel face au consommateur


C'est cette constatation qui est à l'origine de la création du droit de la consommation. L'objectif est de rétablir un certain équilibre entre deux parties dont l'une des deux, le consommateur, est largement défavorisé. Cette lutte doit s'effectuer à différents stades du déroulement du contrat : lors de sa formation tout d'abord (A), lors de son exécution ensuite (B).

A. Lors de la formation du contrat


Comme il l'a déjà été indiqué précédemment, une majorité des contrats conclus entre professionnels et consommateurs sont des contrats d'adhésionZZZ. L'élaboration de ce type de contrat ne donne plus lieu à négociation sur son contenu, sur les obligations des parties. Le contrat est rédigé par le professionnel, le consommateur manifestant son consentement par une simple signature. Ces contrats sont utilisés quand le professionnel est amené à conclure de nombreuses fois le même type de transactions. Ex : contrat de téléphone, contrat EDF.GDF, contrat d'assurance. Le consommateur ne dispose d'aucun pouvoir pour influencer ou orienter le contenu du contrat.

Cette absence de négociation n'empêche pas que le contrat d'adhésion soit traité comme les autres contrats. "L'affirmation selon laquelle le contrat d'adhésion ne doit pas être traité différemment des autres conventions s'est banalisée et tend à nier la spécificité du phénomène". Il correspondait à une standardisation du contrat, corollaire de la standardisation industrielle. Il reste vrai que le contrat d'adhésion n'est pas en soi une mauvaise chose et ce, à deux points de vue : la négociation ne faisant pas partie des éléments indispensables à la validité d'un contrat, l'adhésion d'une partie à une autre ne saurait invalider en soi la convention ; le recours à ce type de contrat évite de traiter différemment des contractants qui présentent les mêmes caractéristiques ; il tend ainsi à une certaine égalité voisine de l'interdiction de pratiquer des discriminations en matière concurrentielleZZZ et du principe d'égalité face aux services publicsZZZ. Ce qui est choquant en revanche c'est l'exploitation de la position de force dont bénéficie le professionnel pour inclure des clauses qui lui sont plus que favorables. La jurisprudence n'est d'ailleurs pas restée insensible à cette situation et par l'utilisation de techniques juridiques classiques, elle recherche à rétablir un semblant d'équilibre.

Cette généralisation du contrat d'adhésion ne doit pas exclure l'existence de véritables contrats négociés entre consommateurs et professionnels. Mais même dans ces hypothèses, il reste évident que le professionnel est plus habitué, plus familiarisé aux méandres de la négociationZZZ. La position de force se retrouve d'autant plus qu'il peut s'agir d'un bien ou d'un service indispensable au consommateur. Ce dernier se trouve alors désarmé pour négocier le prix et les prétendus pourparlers ne sont qu'une simple mascarade. Ex : les incroyables rabais chez les marchands de meubles.

La négociation est d'ailleurs indissociable des techniques de vente dont peuvent faire preuve les professionnels pour arriver à leurs fins. Les plus significatives sont celles qui visent à exercer une telle pression sur la "proie" que, fatiguée du combat, celle-ci ne pourra que se résigner à céder. Le développement de ces manœuvres a conduit le législateur à intervenir par la loi sur le démarchage à domicile qui fut d'ailleurs modifiée pour étendre son champ d'application. A été créée la faculté de rétractation de sept jours, laps de temps pendant lequel l'acquéreur contraint peut librement réfléchir quant à l'utilité de son acquisition.

Le recours massif au contrat d'adhésion donne au professionnel la possibilité d'insérer des clauses abusivesZZZ. L'adjectif abusif fait allusion à l'excès dont a fait preuve le professionnel. C'est la notion d'abus de position dominante utilisée dans le droit de la concurrence qui se retrouve en droit de la consommation. D'où la création de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 dite loi Scrivener relative à la protection et l'information des consommateurs ayant établi une répartition des rôles en la matière entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaireZZZ. Devant l'inaction du pouvoir réglementaire à fixer les contrats dans lesquels des clauses abusives pouvaient figurer, la jurisprudence dans un arrêt du 14 mai 1991ZZZ interpréta l'article 35 de la loi et posa cinq conditions pour retenir le caractère abusif d'une clause. La première de ces conditions est que le contrat ait été conclu entre un professionnel et un consommateur ou un non-professionnel. Peu importe la nature de contrat. La clause visée doit figurer dans la liste de l'article 35, procurer un avantage excessif au professionnel et avoir été imposée par un abus de puissance économique. Lorsque la clause est déclarée abusive, elle est alors réputée non-écriteZZZ.

Face à une volonté d'uniformisation des droits des consommateurs européens, une directive du 5 avril 1993 a été prise et est relative "aux clauses abusives dans les contrats conclus avec des consommateurs".

La transposition en France de la directive a eu lieu par la loi du 1er février 1995 dont le titre premier est relatif aux "clause abusives et présentation de contrats". Par rapport au système issu de la loi de 1978 et adapté par la jurisprudence, la condition de l'abus de puissance économique du professionnel a disparu. Quant à l'avantage excessif, il est remplacé par "un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat". Le sens des deux expressions semble être identique. La seule différence est que la loi de 1995 ne s'intéresse plus au résultat de la clause, elle sanctionne si elle a eu "pour objet ou pour effet de créer un tel déséquilibreZZZ".

Ces différents exemples exposent largement le décalage qui existe entre le professionnel et le consommateur quant à l'élaboration du contrat. Mais cette position de force du professionnel est également visible lors de l'exécution du contrat.

B. Lors de l'exécution du contrat


Le déséquilibre se manifeste déjà dans le cadre des compétences techniques. Le consommateur est en effet conçu comme un "profane". Un profane est une personne ignorante, non initiée à certaines connaissances ZZZ. Il est étranger aux caractéristiques de la chose acquise. en revanche, le professionnel, du fait de l'habitude des produits qu'il propose, est présumé disposer de plus de connaissances. C'est pourquoi afin que le consommateur s'engage en toute connaissance de cause, le législateur et la jurisprudence ont élaboré les obligations de renseignement. L'obligation de renseignement est un terme générique qui regroupe plusieurs notions : le devoir de conseil pour orienter le choix du cocontractant qui se situe plutôt en phase pré-contractuelle, l'obligation de mise en garde pour marquer l'importance de tel élément (pendant la formation du contrat ou après) et l'obligation de renseignement proprement dite qui consiste à fournir des informations sans se soucier de l'impact qu'elles pourraient avoir sur leur destinataire. La difficulté de distinguer à quel moment l'information doit être donnée conduit généralement la jurisprudence à ne pas se prononcer sur la nature de la responsabilité encourue.

Le but de cette obligation ZZZ est de rétablir un certain équilibre entre les contractants ; c'est pour cela qu'elle a tout d'abord été instituée au profit des consommateurs. Toutefois, toute partie à un contrat peut en bénéficier dès lors que ces connaissances sont moindres que son cocontractant. C'est pourquoi certains professionnels peuvent en être créanciers quand ils contractent en dehors de leur sphère de compétence. La loi Doubin du 31 décembre 1989 a consacré cette obligation entre commerçants.

Quant au domaine de cette obligation, il est classique de considérer qu'elle ne joue que pour les choses nouvelles, dangereuses ou complexes. Cependant, il faut remarquer que l'article L111-1 du code de la consommation ne fait aucune distinction de ce point de vue que ce soit pour les biens ou pour les services. Ainsi il est possible d'identifier le consommateur en tant que créancier de l'obligation de renseignement, sous réserve d'autres éléments, étant donné qu'il n'en est pas le seul bénéficiaire.

Ce "forçage du contrat" par le juge a débuté dans la domaine des dommages corporels, par la création de l'obligation de sécurité au contrat de transport de personnesZZZ. Dans cette hypothèse, la personne transportée est l'objet de la prestation du transporteur et est donc susceptible d'être la victime d'accident. C'est un arrêt de la chambre des requêtes du 21 novembre 1911ZZZ qui fut à l'origine de cette jurisprudence. Le contrat de transport met à la charge du transporteur l'obligation de conduire, sains et saufs, les voyageurs à destination. L'obligation de sécurité fut alors considérée comme une obligation de résultat ce qui signifie qu'en cas d'accident, le voyageur peut réclamer une indemnisation sans avoir à prouver la faute du transporteur. Tout dommage donne lieu à indemnisation sauf dans l'hypothèse où le transporteur arrive à prouver la force majeure. Les magistrats considéraient que le contrat de transport débutait dès que le billet était délivré et se poursuivait jusqu'au franchissement du portillon. Ultérieurement, l'obligation fut retenue dans des contrats qui étaient très éloignés du transport. Ex : manèges forains, remonte-pentes ZZZ, club d'équitation, hôtel, agence de voyages...

Après cette généralisation de l'obligation de sécurité, la jurisprudence prit conscience de l'impossibilité de la maintenir en tant qu'obligation de résultat. Cette réaction se produisit par un arrêt relatif au remonte-pentes qui admit l'obligation de sécurité de moyens. La victime doit alors prouver la faute du cocontractant , débiteur de l'obligation de sécurité. Il est certain que la protection accordée à la victime est beaucoup moindre. La distinction entre obligation de résultat et obligation de moyens se fit par l'application de critères dont notamment : rôle actif de la victime, présence éventuelle d'un aléa dans l'opération (le cas typique est celui du contrat médical) voire parfois le caractère onéreux ou gratuit de l'acte. Mais ces critères n'expliquent pas toutes les solutions.

Pour pallier cette perte d'intérêt, la jurisprudence essaya de cantonner l'obligation de moyens. C'est ce qu'elle fit dans un arrêt de la première chambre civile du 7 mars 1989 ZZZ qui considéra qu'en matière de transport ferroviaire, l'obligation de sécurité se limitait à la durée du transport et qu'avant la montée dans le train et après la descente, la victime devait agir sur le fondement de la responsabilité délictuelle. L'arrêt mettait ainsi fin à une jurisprudence qui voyait dans les périodes transitoires une obligation de sécurité moyens. L'intérêt du recours à la responsabilité délictuelle est que la victime peut agir sur le fondement de l'article 1382 du code civil (responsabilité pour faute) ou sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1 (responsabilité du fait des choses dont on a la garde où aucune faute n'a à être prouvée).

Depuis sa reconnaissance en 1911, la jurisprudence a cantonné l'obligation de sécurité au domaine contractuel. Mais un arrêt de la première chambre civile du 17 janvier 1995 ZZZ a admis une obligation de sécurité délictuelle. "Le vendeur professionnel est tenu de livrer des produits exempts de tout vice ou de tout défaut de fabrication de nature à créer un danger pour les personnes ou pour les biens ; il en est responsable tant à l'égard des tiers que de son acquéreur". L'obligation de sécurité est imposée au vendeur professionnel quelqu'il soit, concerne tous les préjudices, ceux affectant les personnes et ceux affectant les biens, et est subordonnée à l'existence d'un vice ou d'un défaut de fabrication.

Cette nouvelle extension de l'obligation de sécurité est favorable à la victime qui peut bien évidemment être un consommateur. Toute l'évolution de l'obligation montre l'intérêt qui est porté à ces personnes qui subissent des dommages. Même si cette jurisprudence n'est pas spécifique au consommateur, elle reflète le régime de protection que souhaite donner la jurisprudence aux personnes qui sont dans un état d'infériorité.

Définir le consommateur comme l'inverse du professionnel est insuffisant et imprécis. La notion de professionnel est elle-même déjà floue. D'ailleurs, des dispositions bénéficient aussi bien au consommateur qu'au professionnel. De plus, rien ne nous permet encore d'affirmer ni de croire que consommateur est synonyme de non-professionnel. C'est pourquoi il est préférable d'identifier le consommateur isolément sans faire référence à d'autres notions qu'elles soient économiques ou juridiques.

CHAPITRE II
LA DEFINITION CLASSIQUE DU CONSOMMATEUR


C'est cette démarche qui est habituellement retenue par la majorité des auteurs et qui consiste à déterminer les caractéristiques du consommateur. Les définitions qui ont été élaborées sont généralement assez proches. Pour le Pr Calais-Auloy et la commission de refonte du droit de la consommation, "les consommateurs sont les personnes qui se procurent ou utilisent des biens ou des services pour un usage non-professionnelZZZ". Pour le Pr Cornu, "le consommateur est l'acquéreur non-professionnel de biens de consommation destinés à un usage personnelZZZ". Mr Pizzio retient une définition semblable, le consommateur est "la personne qui se procure ou utilise un bien ou un service dans un but personnel ou familial, à l'exclusion de tout but professionnelZZZ".

Ces analyses du consommateur sont assez proches et laissent apparaître trois conditions qu'il convient d'examiner successivement : le consommateur est une personne (section 1) qui se procure ou utilise un bien ou un service (section 2) dans un but personnel (section 3).

SECTION 1 : IDENTITÉ DU CONSOMMATEUR


Le consommateur est une personne. Mais notre droit connaissant deux types de personnes, le consommateur peut-il être indifféremment une personne physique (§1) ou une personne morale (§2) ?

§1 : Personne physique


Le consommateur s'analyse et s'identifie en une personne physique. C'est d'ailleurs à l'origine de cette seule façon qu'il pouvait être conçu. Tout citoyen est susceptible d'être consommateur (sous réserve de remplir les autres conditions). Il devient alors synonyme de particulier. Il s'agit de la conception minimale du consommateur. C'est le consommateur type. "En fait, le consommateur n'est pas un être spécifique, différent des autres individus : il est chacun de nous pris dans la fonction de consommation. Ce n'est pas un sujet catégoriel, un archétype socio-professionnel, la partie d'un ensemble, mais l'ensemble lui-mêmeZZZ". Pour certains auteurs, seule la personne physique peut être qualifiée de consommateur. Pour d'autres, la personne morale peut également être reconnue consommateur. Dans le cadre européen, la directive du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec des consommateurs énonce dans son article 2 qu'est consommateur toute personne physique (et seulement les personnes physiques). De même, la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 relative à la compétence judiciaire et à l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ne vise que le consommateur personne physique. C'est également la conception retenue par la convention de Rome du 19 juin 1980 relative à la loi applicable aux obligations contractuelles. En revanche, dans la charte du Conseil de l'Europe, le consommateur est "une personne physique ou morale".... Le Code International des pratiques déloyales en matière de vente par correspondance ou par publicité indirecte, publié par la chambre de Commerce Internationale désigne comme consommateur "toute personne ou toute famille".

C'est cette dimension individuelle du consommateur qui explique la création d'associations de consommateursZZZ. Ainsi regroupés, les consommateurs personnes physiques peuvent mieux défendre leurs intérêts. La plupart des associations françaises de consommateurs sont des associations déclarées. Elles sont donc dotées de la personnalité morale mais leur capacité juridique est limitée ; elles ne peuvent recevoir ni de don ni de legs. Les associations s'orientent vers différents objectifs : faire entendre les exigences des consommateurs, les représenter dans certains organismes, les conseiller, et surtout agir en justice dans l'intérêt collectif des consommateurs. Les motifs qui ont poussé à la création de ces organismes sont susceptibles de ne pas se rencontrer face à des personnes morales.

§2 : Personne morale


Autant reconnaître que le consommateur est essentiellement une personne physique ne soulève aucune difficulté, autant admettre cette qualité aux personnes morales est sujet à controverse. La plupart des textes ne se sont pas prononcés sur cette question d'où l'apparition d'une controverse (A) que la jurisprudence a tenté de résoudre (B).

A. Le conflit


Hormis la loi du 22 décembre 1972 qui précise nettement qu'elle ne vise à s'appliquer qu'au profit des personnes physiques, les autres dispositions restent muettes à ce sujet. Il peut d'ailleurs paraître surprenant que seule cette disposition qui fait partie des règles fondatrices du droit de la consommation précise la qualité des personnes visées. Comment l'expliquer ? Une première solution pourrait venir du fait que la loi de 1972 vise le démarchage à domicile. Le domicile serait alors entendu restrictivement comme le lieu d'habitation des personnes physiques. Cette solution pêche du fait que les personnes morales et plus particulièrement les sociétés, civiles ou commerciales, sont considérées comme ayant un domicile : leur siège social. Une deuxième raison justification pourrait être tirée de la date du texte. La loi de 1972 fait partie des textes les plus anciens en matière de droit de la consommation. Le législateur en créant un cadre de protection n'a voulu à l'origine ne viser qu'une catégorie limitée de personnes pour que l'application du texte soit effective et la protection plus efficace. Ce motif ne fait que compléter l'explication issue des fondements du démarchage à domicile. Cette loi a été conçue pour accorder "une sortie de secours" aux personnes démarchées qui peuvent être victimes de pressions encore plus fortes que dans un lieu habituel de commercialisation. C'est ce caractère individuel et isolé du consommateur qui dans une telle situation, se trouve dépourvu de points de repère, qui explique la possibilité de se rétracter. Or, cette faiblesse est plus discutable en ce qui concerne les personnes morales qui généralement supposent une réunion, un regroupement de personnes. Cette explication n'est pas irréprochable pour les sociétés commerciales à un seul associé. mais elle semble plus judicieuse que celle qui soutiendrait que dès que la personne démarchée est une personne morale, l'opération revêt un caractère professionnel. La diversité des personnes morales ne permet pas de le considérer car ce serait nier les différences entre sociétés, associations, coopératives, syndicats professionnels...

Le problème de la qualité des personnes reste entier pour les autres dispositions du droit de la consommation. Même après l'introduction en France de la directive sur les clauses abusives, la question n'a pas été résolue. On peut alors se demander si la loi de 1972 doit servir d'exemples aux autres dispositions ou si elle ne constitue qu'une hypothèse particulière ne pouvant être généralisée.

Autrement dit, faute de précision dans les textes ultérieurs, le principe posé par la loi de 1972 doit-il être étendu ou limité au démarchage à domicile ? Un arrêt de la chambre commerciale du 8 mars 1977 ZZZ a écarté l'application de la loi 1972 aux personnes morales. "En vertu des articles 1 à 3 de la loi du 22 décembre 1972, seule une personne physique (...) dispose de la faculté de renoncer, dans les sept jours, à sa commande ou à son engagement". Mr Berlioz ZZZ y a vu l'exclusion totale des personnes morales du droit de la consommation. Cette interprétation parait peu convaincante et la jurisprudence le confirmera. D'ailleurs les textes postérieurs abordent de façon différente la notion de consommateur (apparition du terme non-professionnel). La conception du consommateur parait alors plus large.

Si l'on reprend les critères du consommateur, certaines personnes morales semblent lui ressembler. Les sociétés, sauf le cas de l'EURL, regroupent de nombreuses personnes ce qui exclut la faiblesse face au cocontractant et sont à même de négocier. En revanche, il n'en est pas nécessairement de même pour les associations, coopératives, mutuelles, syndicats professionnels, syndic de copropriété ou une fondation. Toutes ces structures ont des préoccupations non lucratives, agissent dans un but altruiste. C'est pourquoi elles peuvent généralement se prétendre consommateur.

B. La solution du conflit


La solution, si véritable solution il y a, peut être recherchée dans les positions données en matière doctrinale et dans les décisions jurisprudentielles. Quelques auteurs se sont penchés sur la question et ont nettement tranché. A l'inverse, beaucoup d'autres n'ont pas soulevé le problème, la solution leur semblant évidente ou le débat trop précoce. Monsieur Ghestin ZZZ, comme Monsieur Paisant n'ont pas abordé cette difficulté et ont préféré se préoccuper de l'épineuse question du non-professionnel. Et pourtant, elle n'est pas dénuée d'intérêt.

Monsieur Calais-Auloy ZZZ suivant les idées développées au sein de la commission de refonte du droit de la consommation considère que "les consommateurs sont les personnes physiques ou morales ". Il précise qu'il vise comme personnes morales celles qui, "ayant une activité non professionnelles ont des besoins similaires aux consommateurs" telles que les associations sans but lucratif, syndic de copropriétaires.

La difficulté d'exclure totalement les personnes morales vient du fait que certaines peuvent avoir des objectifs similaires à des personnes physiques ou que la taille de cette personne soit telle que le caractère isolé du consommateur soit constaté ZZZ. Trois approches sont alors possibles : rejeter en bloc les personnes morales de la qualité de consommateur comme le prévoit la loi de 1972, reconnaître cette qualité mais seulement dans certains domaines et, dans le cas où la loi ne le préciserait pas, considérer l'admission comme implicite, ou encore adopter une solution au cas par cas.

La première approche est contraire aux solutions posées par la jurisprudence et semble trop restrictive ; la deuxième aboutirait à une diversité de la notion de consommateur alors que notre objectif est de dégager une notion unitaire. La troisième solution apparaît comme la plus conforme à la jurisprudence même si intellectuellement elle n'est pas satisfaisante.

Même si le contentieux du droit de la consommation concerne en grande majorité les (non) professionnels, certaines décisions se sont néanmoins prononcées sur quelques personnes morales se prévalant des dispositions consuméristes.

Par un arrêt du 28 avril 1987, la première chambre civile de la Cour de cassation a admis que le bénéfice de la protection contre les clauses abusives pouvait être invoquée par une société exerçant l'activité d'agent immobilier. Il est intéressant de noter que dans cette affaire le débat ne s'est pas porté sur la qualité de personne morale mais sur le problème de la compétence professionnelle de la société Pigranel en matière de système d'alarme. Le pourvoi se basait exclusivement sur l'idée que la législation des clauses abusives ne s'applique pas aux contrats conclus entre commerçants ou professionnels. Mais la cour rejetant le pourvoi, des auteurs en ont déduit l'admission d'un consommateur personne moraleZZZ.

Cependant cette analyse nous parait contestable. En effet, la Cour de cassation n'a pas expressément attribué la qualité de consommateur à une personne morale, en l'espèce une société. Elle a seulement posé comme règle qu'une personne morale peut, dans certaines conditions, prétendre à la protection offerte par le droit de la consommation. Or, nous le verrons plus tard, bénéficier de ces dispositions et être consommateur sont deux choses différentes. L'arrêt de 1987 n'est pas suffisamment net, d'autant plus qu'il concerne un professionnel agissant en dehors de sa sphère de compétences et donc agissant tout de même dans un but professionnel.

D'ailleurs, d'autres décisions vont en sens inverse. Un arrêt de la première chambre civile du 26 mai 1993 concernant une SCI énonce que "contrairement à ce que soutiennent les moyens, (...) ni la loi du 13 juillet 1979 ni la loi du 10 janvier 1978 n'étaient applicables en la cause, la SCI ne pouvant être tenue pour un consommateur au sens de ces textes. ZZZ" Evidemment on pourrait considérer que la solution ne joue que pour les lois énoncées. Mais la cour d'appel de Besançon a estimé qu'une SARL qui avait souscrit un contrat de location d'une installation téléphonique ne pouvait être qualifiée de consommateur ou de non-professionnel au sens de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 sur les clauses abusives dès lors qu'elle est une société prestataire de services.

En dehors des sociétés commerciales, la quinzième chambre de la Cour d'appel de Paris a estimé que le Parti communiste français ZZZ pouvait dénoncer un contrat de prêt par la loi du 10 janvier 1978 en matière de crédit à la consommation. La jurisprudence admet facilement que les associations puissent être considérées comme des consommateurs dès lors que leur activité n'a pas un but lucratif. Ce fut le cas pour un comité d'établissementZZZ. Mais un arrêt récent adopte une approche différente. Il considère qu'un comité d'entreprise est recevable à se prévaloir de l'article L132-1 du code de la consommation du fait que "l'appelant ne saurait être qualifié de professionnel de l'organisation de voyages ; qu'il n'agit en effet qu'en tant que mandataire des bénéficiaires du voyage, clients de l'agence contractante et que son intervention ne dépasse pas le choix des prestations parmi celles que l'agence propose et la négociation du prix". L'élément important est l'idée de mandat. Cet arrêt limite-t-il la possibilité pour un comité d'entreprise voire une personne morale de se prétendre consommateur que lorsqu'il disposerait d'un mandat exprès ou tacite ? Si cette conception venait à se développer, la qualification de consommateur ne pourrait être attribuée aux personnes morales agissant dans leurs propres intérêts. Par le mandat, les consommateurs sont les personnes physiques et non la personne morale.

Si ces dernières solutions peuvent se comprendre, une décision concernant un Groupe Agricole d'Exploitation en Commun datant du 6 janvier 1993ZZZ peut paraître surprenant. La cour a jugé que cette société civile pouvait utiliser la faculté de rétractation offerte par la loi de 1972, seule disposition excluant expressément cette possibilité aux personnes morales. Mr Paisant s'est interrogé quant à la portée de cet arrêt "revirement de jurisprudence pour élargir la notion de consommateur aux personnes morales, comme en matière de clauses abusives" ou un simple arrêt d'équité ? Malgré sa perplexité, il semblait hostile à admettre sans distinction toutes les personnes morales sous cette qualification. La réponse à Mr Paisant figure dans un arrêt du 10 juillet 1996 ZZZ considérant qu'"un GAEC, personne morale puisque défini comme une société civile de personnes ne peut être assimilé à un consommateur". Les magistrats, statuant en matière de clauses abusives, semblent être revenus à une solution plus juridique et plus réaliste. Cet arrêt ne résout pas pour autant le problème des personnes morales en général. Mais l'on peut rester suspicieux face à ces deux décisions. En effet, elles ne se fondent pas sur les mêmes arguments. L'arrêt de 1993 était relatif à l'acquisition, à la suite d'un démarchage à domicile, d'un extincteur. La cour fait un parallèle entre sa jurisprudence favorable à l'agriculteur et le GAEC. Pour un particulier agriculteur, l'acquisition d'un extincteur sort du cadre de son activité, son absence de compétence l'assimile à un consommateur. Le GAEC a droit à la même protection que ce dernier, il est donc aussi assimilé à un consommateur. La cour se fonde donc sur l'infériorité technique du GAEC. Le raisonnement de 1996 est tout autre. Il n'est plus fait allusion à l'absence de compétence. Le GAEC avait acquis un pivot d'arrosage et demandait la résolution de la vente. La Cour d'appel le qualifie de consommateur. Cette qualité est rejetée par la Cour de cassation du fait que "le contrat avait un rapport avec l'activité professionnelle de l'acheteur", la législation sur les clauses abusives était donc inapplicable. Mais la cour a admis que "le GAEC peut être considéré comme un simple consommateur dès lors que ce rapport n'est pas établi". Ainsi cet arrêt n'opère pas un revirement de jurisprudence, il s'inscrit seulement dans l'évolution jurisprudentielle à propos des professionnels se prévalant du droit de la consommation. Il ne nous permet donc pas, pour la même raison que l'arrêt du 28 avril 1987, d'en tirer des conclusions sur le consommateur sticto sensu. En revanche, un arrêt en date du 4 juillet 1996 de la Cour d'appel de Paris a affirmé que la législation sur les clause abusives concerne toute personne physique ou morale ZZZ.

Cet aperçu de la jurisprudence montre bien que la question reste encore aujourd'hui en suspens. Toutefois, ces divers exemples laissent apparaître quels types de personnes morales peuvent être qualifiés de consommateur. En matière de société, qu'elle soit civile ou commerciale, les magistrats prennent en compte l'importance de l'entité juridique. Dans l'arrêt de 1987, il s'agissait d'une agence immobilière organisée sous la forme d'une société anonyme. La jurisprudence n'y voit pas pour autant une inéquation avec la qualité de consommateur. Il faut regarder la taille de cette société concrètement, son pouvoir sur le marché où elle agit, le nombre d'associés ou de dirigeants. Ce critère est encore plus flagrant dans l'arrêt de 1996 sur le GAEC qui fait allusion à une "société civile de personnes" ce qui implique une réunion de personnes. Serait-il possible de trouver des critères pour éviter ce flou vis à vis de ces personnes ? L'instauration de seuils serait envisageable et ceci à différents niveaux : chiffre d'affaires, nombre de dirigeants... mais on connaît l'irréalisme de telles méthodes. Classer les sociétés selon leur forme juridique est également possible. Par conséquent, même si le critère de la taille de la société est latent dans les décisions, il ne peut être appliqué qu'au regard des faits, selon l'appréciation souveraine des juges du fond.

Pour les autres solutions en dehors des sociétés, la référence au but lucratif explique les solutions relatives au parti politique, au comité d'entreprise, et l'"association du club des amis des chevaliers de lumière".

Force donc est de constater que l'épineux problème des personnes morales en tant que consommateur est loin d'être résolu. Distinguer au sein de ce groupe est un souhait louable mais aboutit à une jurisprudence au cas par cas.

Cette difficulté n'est cependant pas la seule du fait qu'il existe d'autres conditions à cette définition.

SECTION 2 : LE ROLE DU CONSOMMATEUR


La qualification de consommateur correspond à un comportement particulier. Mr Ghestin ZZZ n'envisage le consommateur que comme partie au contrat de consommation. Cette analyse est insuffisante (§1). Mais il est vrai qu'il cherche à utiliser un bien ou un service (§2).

§1 : La vision large de l'acquisition


La situation la plus classique est d'identifier le consommateur comme la personne qui sera l'acquéreur du bien ou le bénéficiaire du service. Cependant, il est des hypothèses où des personnes n'étant pas parties à un contrat peuvent aussi être qualifiées ainsi.

Identifier le consommateur par l'existence d'une relation contractuelle est la solution la plus évidente, d'autant plus que l'on analyse la supériorité du professionnel au stade de la formation et de l'exécution du contrat. Le consommateur est alors une des parties au contrat de consommation, l'autre partie étant le professionnel. Le consommateur est la personne qui va obtenir le bien ou le service moyennant paiement d'une somme d'argent. L'objet de son obligation est le versement de la somme d'argent ; la cause finale est l'obtention du bien.

Il est à noter qu'il ne faut pas entendre la notion d'acquisition comme concernant uniquement la vente. Le contrat de consommation intervient dans des opérations très diverses : vente, louage de choses, louage d'ouvrage, prêt, assurance ZZZ... C'est pourquoi certains auteurs évitent d'employer ce terme et analysent le consommateur comme la "personne qui se procure". L'emploi du terme acquisition vise à caractériser le rapport contractuel par opposition au consommateur qui utilise le bien sans être partie au contrat de consommation. Il ne faut pas non plus comprendre acquisition comme synonyme de vente et par là même transfert de propriété d'une chose ; il ne pourrait sinon y avoir de consommateur que si l'objet de la prestation du professionnel était un bien. Alors que le contrat de consommation peut être caractérisé par une prestation de services. Le doyen Savatier pour palier à cette ambiguïté terminologique admet que l'on puisse parler de "vente de servicesZZZ". c'est-à-dire de consommateur acquéreur de services. Cette expression, bien que fausse juridiquement parlant, est tout à fait compréhensible et a le mérite de simplifier la définition du consommateur et est d'ailleurs retenue par le législateur lui-même (loi sur les ventes de voyages.)

Le consommateur est généralement celui qui utilise le bien ou le service grâce au contrat de consommation dans lequel il est contractant. Mais ces deux fonctions peuvent être dissociées. Selon le Professeur Cornu, "tous les consommateurs ne sont pas acheteurs" alors qu'à l'inverse "tous les acquéreurs sont des consommateurs" : "le véritable consommateur se situe au bout de la chaîne de distribution commercialeZZZ".

Il est tout d'abord des cas où l'acquéreur n'entend pas utiliser lui-même le bien. Par exemple, il envisage de consentir une libéralité. Il est consommateur mais également la personne destinatrice de la libéralité. Cette dernière pourra invoquer la législation des clauses abusives et notamment pour une clause éxonératoire ou limitative de responsabilité qui viendrait à lui être opposée. Son action sera contractuelle et visera à engager la responsabilité du vendeur. Le donataire disposera en effet d'une action directe contre ce dernier du fait de transfert de propriété consécutif à la donation. La solution est identique à celle dégagée par la jurisprudence en matière de chaînes de contrat translatives de propriété, le sous-acquéreur disposant d'une action contractuelle contre le vendeur initial. Le donataire pourrait éventuellement se prétendre le bénéficiaire d'une stipulation pour autrui issue du contrat de vente. Son action est alors toujours contractuelle.

une autre hypothèse se rencontre plus souvent lorsque l'acquéreur est effectivement utilisateur du bien mais pas l'unique utilisateur. D'autres personnes de son entourage pourront également en profiter. L'exemple classique vise les membres de la famille. Mais on peut également citer les amis ou de simples passagers dans une voiture. Toutes ces personnes vont se voir attribuées la qualité de consommateur. Seul l'acte matériel d'utilisation est alors pris en compte indépendamment de toute relation contractuelle. Que la victime soit contractante ou tiers au contrat, elle ne pourra se voir opposée une clause limitative ou exonératoire de responsabilité... Or, il n'existe aucun lien entre le fabricant et l'utilisateur. Cette solution d'égalité entre les victimes contractantes et les victimes non contractantes est légitime, mais comment l'expliquer en terme de fondements juridiques ? Ce genre de système n'est pourtant pas inconnu de notre droit.

Il existe en effet des mécanismes juridiques où un tiers à un contrat en retire pourtant certains avantages. Celui qui nous intéresse est la stipulation pour autrui. Prévu à l'article 1121 du Code Civil, il constitue une des exceptions au principe de l'effet relatif des contrats, dégagé de l'article 1165 du Code Civil. "La stipulation pour autrui est un contrat dont l'originalité réside en ce que l'un des contractants, le promettant, promet à l'autre, le stipulant, d'exécuter une prestation en faveur d'un tiers le bénéficiaire ZZZ". Le domaine ce cette institution est aujourd'hui large et la stipulation pour autrui n'apparaît plus comme une exception à circonscrire. L'intérêt que doit y avoir le stipulant pour que l'opération soit valable a été très étendu ; il peut être matériel ou simplement moral ce qui aboutit à ce que la condition est en pratique toujours remplie. La stipulation pour autrui a un champ d'application illimité. D'autant plus que la jurisprudence considère qu'elle peut exister en tant que stipulation tacite dans le contrat de transport de personnes. Le voyageur stipule pour lui, il doit être conduit sans dommage à destination mais il stipule également au profit de ses proches, ceux qui seraient susceptibles d'être considérés comme des victimes par ricochet en cas de dommage du stipulant. Ils bénéficient alors d'une action contractuelle contre le transporteur.

Cette jurisprudence pourrait être transposée en droit de la consommation. L'acquéreur du bien stipulerait à son égard qu'aucun dommage ne lui survienne lors de l'utilisation du bien. Une stipulation tacite serait également intégrée au contrat de vente ou d'entreprise au profit des tiers bénéficiaires c'est-à-dire tout utilisateur autre que l'acquéreur. Il disposerait donc d'une action contractuelle contre le vendeur au cas où un vice affecterait le bien et ne pourrait se voir opposer les clause limitatives ou exonératoires de responsabilité. Cette explication du recours du consommateur non contractant contre le cocontractant de l'acquéreur est attrayante ; toutefois, elle ne peut s'inscrire que dans un cadre contractuel. Reste à préciser qu'étant tiers au contrat initial, il pourrait préférer agir sur le fondement de la responsabilité délictuelle (art. 1382 et 1384 al.1 C.Civ). De telles clauses n'auraient alors aucun effet contre lui non pas du fait de leur caractère abusif mais du fait du fondement de l'action.

Or, la qualité de consommateur s'inscrit parfois dans un cadre ou il n'existe "à la base" aucun contrat. "Il entre en possession d'un bien ou d'un service en dehors de tout lien contractuel, qu'il utilise ou non". L'hypothèse classique est la fourniture d'échantillons ou l'envoi forcé de produits. Si le destinataire subit un dommage, il pourra être considéré comme un consommateur lors de l'action contre l'expéditeur. Reste alors à déterminer la nature de cette action. La qualité de consommateur n'est intéressante que si la responsabilité encourue est contractuelle. Mais, dans notre hypothèse, il n'y a aucun contrat ; comment parler de responsabilité contractuelle ? L'action sera nécessairement délictuelle. Nous constatons qu'une fois encore la distinction responsabilité délictuelle responsabilité contractuelle est gênante. La tendance actuelle est d'atténuer cette distinction qui devient mal adaptée aux évolutions techniques, mais peu d'auteurs sont favorables à sa disparition. Comme le souligne Mlle VineyZZZ, il existe des situations dans lesquelles cette dualité de responsabilités s'avère particulièrement inopportune et notamment dans le domaine des responsabilités professionnelles. La situation de la victime face au professionnel qu'elle soit contractante ou non, ne justifie pas deux régimes différents, l'indemnisation sera alors le fruit du hasard. La solution ne conduit pas à retenir tel système plutôt que l'autre. Il s'agit de trouver une troisième voie "un régime autonome (...) car ni les règles qui forment le droit commun de la responsabilité contractuelle ni celles qui résultent des articles 1382 et suivants ne paraissent convenir totalement à la sanction des obligations professionnelles". Ce délaissement de la distinction s'est produit en jurisprudence à propos de la responsabilité notariale par l'élaboration d'un régime spécifique mais aussi par l'intervention du législateur an matière internationale. Ex : convention de Varsovie relative au transport aérien.

Le droit de la consommation européen semble également s'orienter dans cette voie par la directive communautaire du 25 juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux. Ce texte prévoit un régime particulier de responsabilité autonome. Même si elle n'a toujours pas été transposée en France, la jurisprudence s'en est largement inspirée et notamment dans l'arrêt de 17 janvier 1995. La responsabilité instaurée est la même quelle que soit la qualité de la victime : contractant, non contractant, consommateur ou professionnel.

Par le recherche d'un régime de responsabilité autonome, la situation du consommateur est indépendante de l'éventuel lien l'unissant au professionnel. Ainsi retracées les diverses situations dans lesquelles une personne peut se voir qualifiée de consommateur, il faut alors s'interroger sur l'objet de l'opération poursuivie.

§2 : La qualification de bien ou de service


Les normes législatives et réglementaires relatives au droit de la consommation ont vocation à s'appliquer que l'opération porte indifféremment sur un bien ou un service. Le démarchage à domicile (art. L121-1 C. Consom), l'obligation d'information, les pratiques commerciales, les règles relatives à la conformité visent à la fois les biens et les services. Encore reste-t-il à définir ces deux notions. Au préalable toutefois, il est intéressant de constater que le code de la consommation ne fait pas allusion au concept de produit sauf en matière de conformité et de sécurité. Le produit est défini comme "un meuble corporel ayant fait l'objet d'une opération de transformation par l'homme, souvent en vue de sa commercialisation. ZZZ" Par conséquent, sont exclus de la notion de produit les immeubles, les meubles incorporels (notamment les services) et les choses communes. Selon Mr Pizzio ZZZ, le produit est l'"ensemble des biens mis sur le marché par suite de l'intervention de l'homme qui les a fabriqués ou qui en assure la distribution". Le produit répond par conséquent à trois critères : c'est un meuble corporel, il est d'ailleurs difficile de parler de distribution d'immeubles. Il implique l'intervention de l'homme et présuppose l'existence d'un marché. Ainsi la notion de produit est plus limitée que celle de bien qui englobe les meubles et les immeubles. L'utilisation du terme produit s'explique cependant en matière de sécurité puisque certains immeubles existent sans intervention de l'homme (les immeubles par nature) et les autres immeubles bénéficient de régimes spécifiques. Mais la directive communautaire du 25 juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux définit le produit dans son article 2 : "tout meuble, à l'exception des matières premières agricoles et produits de chasse, même s'il est incorporé dans un autre meuble ou immeuble". Elle exclut donc également les immeubles en tant que produit mais considère qu'un meuble incorporé à un immeuble c'est-à-dire un immeuble par destination peut l'être.

A propos des services, une controverse semble se dégager ; si les auteurs s'accordent à inclure les services dans les meubles incorporels ; ils les excluent donc de la dénomination de produit. D'autres en revanche prévoient une exception pour les services en les considérant comme des produits ZZZ. C'est cette dernière conception qui semble conforme aux dispositions sur la sécurité et la conformité. Exclure les services aboutirait à exclure de ce domaine les contrats de transport qui ont été à l'origine de cette institution. L'admission des services en tant que produit est conforme au souci grandissant de protection de l'intégrité corporelle. Pourtant la directive communautaire exclut implicitement les servicesZZZ. Il en ressort que les services nécessitent la création d'un régime spécifique de responsabilité du fait des services défectueux.

La notion de consommateur peut en premier lieu s'appliquer lors de l'acquisition ou de l'utilisation d'un bien . Le bien est un concept couramment utilisé que ce soit en économie ou en droit. Il n'est pourtant pas inutile d'en rappeler quelques caractères par rapport au droit de la consommation. La summa divisio en matière de biens est la distinction entre les meubles et les immeubles. L'objet classique du contrat de consommation est un meuble. Ex : système d'alarme, nourriture, électroménager... La solution n'est pas aussi évidente pour les immeubles. Et pourtant une grande majorité de la doctrine admet que le domaine du droit de la consommation s'étend aux immeubles. D'ailleurs, la commission de recommandations des clauses abusives a reconnu que les contrats portant sur un bien immobilier ou relatif à une opération immobilière entraient dans le champ d'application de la loi du 10 janvier 1978. Cependant, une doctrine minoritaire est hostile pour englober les immeubles dans les objets de consommation . Plus généralement, "l'approche objective de la définition du consommateur permet difficilement d'intégrer les immeubles dans le domaine de la consommation puisque l'acte de consommation visé n'entraîne ni la destruction ni l'épuisement de la valeur marchande de l'immeuble occupéZZZ".

La jurisprudence a été amenée à se prononcer sur cette question. La loi du 22 décembre 1972 sur le démarchage à domicile a été reconnue applicable pour des agents immobiliers proposant au propriétaire un mandat exclusif de vente de son immeuble. Si la question se pose, c'est que la loi de 1972 est muette sur les biens qu'elle vise. Reste à savoir si cette jurisprudence peut être étendue à toutes les opérations immobilières. Ex : contrat de construction de maison individuelle. En la matière, la controverse subsiste. Certaines décisions ont en effet admis que si toutes les conditions de la loi étaient réunies, elle était applicable aux immeubles. C'est le cas de la décision du tribunal des conflits du 13 octobre 1981. D'autres décisions en revanche se prononcent en sens inverse. La Cour d'appel de Nancy, le 18 décembre 1981, a énoncé en effet qu'"il ne faut pas perdre de vue que, contrairement à ce qu'ont affirmé les premiers juges, il existe une législation particulière au démarchage immobilier (art. 39 de la loi du 16 juillet 1971) ; (...) qu'enfin il suffit de se reporter aux travaux préparatoires de la loi du 22 décembre 1972 pour considérer que la spécificité des textes concernant les immeubles et en particulier le contrat de construction de maison individuelle, ce qui est le cas en l'espèce, a paru suffisant au législateur pour ne pas viser lesdites opérations dans la loi de 1972 ; que cette question a d'ailleurs été posée le 21 avril 1976 à l'Assemblée Nationale à Monsieur le Ministre de la Justice qui a répondu en ce sens". C'est aussi la solution qu'a retenue un arrêt de la première chambre civile du 24 mai 1989.

Pour certains, il semblerait cependant qu'aujourd'hui ce débat soit clos depuis la réforme de 1989 sur la loi de 1972 ayant remplacé les termes de "marchandises ou objets quelconques" par le mot "bien". Les travaux préparatoires de cette réforme y incluent d'ailleurs les immeubles. Mais l'article L121-22 du code de la consommation dispose néanmoins : "Ne sont pas soumises aux dispositions des articles L121-23 à L121-29 les activités pour lesquelles le démarchage fait l'objet d'une réglementation par un texte législatif particulier". La loi de 1972 est d'application subsidiaire. Il n'en reste pas moins que les immeubles peuvent être l'objet de démarchage et sont donc inclus dans le droit de la consommation.

Nous retrouvons dans de telles opérations les critères qui ont conduit à l'élaboration du droit de la consommation : déséquilibre entre les parties en présence, faiblesse de celui qui cherche un logement, complexité de l'opération et recherche de la satisfaction de besoins familiaux. Tous ces éléments aboutissent à inclure l'immeuble dans les objets de consommation, alors même que la destruction de l'immeuble ou de sa valeur est loin d'être immédiate. C'est pourquoi il n'y a pas à distinguer selon que le bien est dit consomptible on non consomptible dénommé également bien durable. Réduire la consommation aux biens consomptibles c'est-à-dire ceux qui se détruisent au premier usage serait une erreurZZZ. Les biens durables son aussi des objets de consommation. A terme, ils sont dénués de toute valeur et à chaque utilisation, ils en perdent un peu.

Tous les biens peuvent donc être des objets de consommation à l'exception toutefois de certains biens incorporels. Le bien peut ne pas être matériellement palpable (ex : électricité, programmes informatiques) et rester un bien de consommation. Mais les biens incorporels tels que les créances, les actions en justice sont exclus.

Le droit de la consommation concerne aussi les services. Cette notion issue du droit économique était inconnue dans le Code Civil Napoléonien de 1804 ; mais des lois postérieures l'ont introduite. L'expression se rencontre dans l'ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945 en matière de prix mais aucune définition n'en est donnée. L'article 75 quater du code des prix sous le gouvernement de Vichy le définissait négativement : "est considéré comme un service ce qui n'est pas un produit". Certains auteurs ont considéré que ce terme désignait tous les contrats synallagmatiques autres que la vente. En effet, contrairement à la vente où l'obligation caractéristique est le transfert de propriété correspondant à une obligation de donner, la prestation de service n'aboutit pas à un tel transfert mais correspond à une obligation de faire. Il couvre "toutes les prestations appréciables en argent, en dehors de la fourniture de bien". Les services touchent des activités diverses : matérielle (réparation, nettoyage, travaux), financière (assurance, crédit), ou intellectuelle (soins médicaux, conseils juridiques, art). Cette définition du Professeur Calais-Auloy est également négative et seuls des exemples de services permettent de mieux la cerner. Cette même conception a été retenue par la commission de refonte de droit de la consommation. "Aucun bien n'est vendu à titre principal par celui qui fournit le service. C'est en ce sens que le service se distingue du produit : le service n'étant pas un objet de propriété, sa prestation ne saurait donner lieu à un transfert de propriété". "Aucun lien de subordination n'existe entre celui qui fournit le service et celui qui le reçoit", ce qui permet de le distinguer du contrat de travail.

Même le traité de Rome n'a pas réussi à trouver une définition plus claire : "Sont considérées comme service les prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure ou elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation de marchandises, des capitaux, des personnes" et énumère de façon non limitative certaines activités "de caractère industriel, commercial, artisanal ou de profession libérale". Nous ne pouvons donc que constater qu'aucune de ces définitions n'est véritablement satisfaisante. Le service pourrait être cependant défini positivement : le service consiste pour une partie à exécuter une obligation de faire moyennant contrepartie et ce, en toute indépendance. Cette définition rejoint celle de Monsieur Savatier pour qui "toute obligation de faire d'origine contractuelle fournie de manière indépendante et non gratuite, constitue un service".

En fait, il semble qu'il faille inverser le raisonnement. Car dans l'hypothèse de la construction d'un bien par un professionnel, que faut-il prendre en compte ? L'obligation de faire le travail demandé ou l'obligation de donner le bien après son élaboration ? Il est donc préférable, pour pallier cette difficulté, de considérer que le service est toute obligation de faire à l'exception de celles ayant pour objet ou pour effet de transférer la propriété d'un bien. Mais toute obligation de faire ne constitue pas un service. L'obligation de faire recouvre en effet deux réalités : exécution d'un travail ou accomplissement d'un service. "La prestation de service n'exige pas en elle-même, pour son exécution, un effort de son débiteur comparable à celui qui serait requis de lui dans l'exécution de sa prestation de travailZZZ". Ainsi il est possible de distinguer les contrats spéciaux ayant pour objet un travail et ceux ayant pour objet un service. Dans la première catégorie figure le contrat de travail et le contrat d'entreprise. Pour chacun d'eux existe une relation particulière entre les parties contractantes. Dans le contrat de travail, le salarié est lié à l'employeur par un lien de subordination. Même si dans le contrat d'entreprise, l'exécution du travail est indépendante, les obligations caractéristiques de ces deux contrats sont similaires. Il s'agit d'une prestation de travail donnant lieu à rémunération. "Même si telle est l'hypothèse normale, le contrat d'entreprise peut dans certaines circonstances devenir un contrat translatif et se résoudre en une venteZZZ". C'est l'hypothèse de la création d'une chose nouvelle mobilière avec des matériaux appartenant à l'entrepreneur. "Il y a non pas contrat d'entreprise mais vente de chose future". Dans les contrats ayant pour objet un service, la prestation de service n'implique aucune peine dans son exécution. Il s'agit des contrats ayant pour objet la jouissance ou l'usage d'une chose, ceux portant sur la garde d'une chose, ceux procurant un crédit et les contrats d'assuranceZZZ.

Maintenant que les catégories de biens ou de services ont été précisées, il reste à indiquer les qualités qu'ils doivent présenter. En effet, n'importe quel bien ne peut pas être mis sur le marché. L'évolution de la société industrielle a été à l'origine de nouvelles exigences sociales en terme de qualité.

La première qui a déjà été brièvement énoncée concerne l'innocuité des produits. Innocuité d'abord vis à vis des consommateurs mais aussi vis avis de tiers quels qu'ils soient. D'où un développement accru des normes de sécurité tant au niveau national qu'européen et la prise de textes adéquats (loi du 21 juillet 1983 et directive de 1985). La jurisprudence s'est fortement préoccupée de ce souci de sécurité. Des dispositions pénales peuvent parfois intervenir par le recours à l'infraction de mise en danger (art. L223-1 Nouv. Code Pénal) et éventuellement celles d'atteintes involontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne.

Mais aujourd'hui l'innocuité touche aussi un domaine plus vaste, l'environnement. "Les produits de qualité doivent également ne porter aucun préjudice à l'environnement. C'est ainsi que s'explique l'exigence concernant les pots d'échappement catalytique liés à l'essence sans plomb, la réglementation sur les bombes aérosols. Enfin, si le bien ou le service ne doit nuire à quiconque, encore faut-il tout de même quil contienne une certaine utilité pour le consommateur. Cette nécessité est relative et subjective car les besoins et les attentes de chacun sont différents. Pour autant, devant le développement de la société de masse, le droit positif impose aux producteurs, distributeurs et prestataires de services une obligation de diffuser des produits efficaces et adaptés aux besoins des consommateurs"ZZZ, une sorte de minimum d'utilité est exigée comme étant la réponse aux besoins de tout consommateur standard. Ce besoin est d'ailleurs essentiel dans la notion de consommateur. C'est l'élément fondamental de la définition.

SECTION 3 : LA FINALITE DE L'OPERATION


Le consommateur agit à des fins non professionnelles, il envisage d'utiliser le bien ou le service afin de satisfaire des besoins privés (§1). Encore faut-il connaître les moyens pour déceler cet élément (§2).

§1 : Satisfaction des besoins privés


Les besoins privés s'opposent par définition aux besoins professionnels. D'ailleurs la majorité des définitions données par la doctrine parle de but non professionnel. Cette notion de besoins privés nécessite une étude approfondie (A). La constatation du critère et l'existence de ceux précédemment cités permettent d'en déduire la qualité de consommateur. L'affirmation est moins évidente quand il y a juxtaposition de besoins privés et de besoins professionnels (B).

A. La notion de besoins privés


Le consommateur vise d'abord à satisfaire des besoins qui lui sont personnels. C'est la personne qui va utiliser le bien qui va vouloir satisfaire ses besoins. Acheter une voiture pour faciliter ses déplacements, de la nourriture pour pouvoir se nourrir. La notion de besoins est assez large et ne vise pas uniquement les besoins primaires, les besoins vitaux. Les besoins s'entendent par les nécessités naturelles mais également par tout ce que la personne considère comme utile. C'est une notion tout à la fois objective et subjective et s'apprécie en fonction de chaque individu. Les besoins varient en fonction de l'âge, du métier, de la catégorie socioprofessionnelle, des loisirs... En résumé c'est tout ce que chaque individu ressent comme indispensable tant au niveau physique, matériel qu'intellectuel (livres), que la manifestation de ce besoin soit consciente ou inconsciente.

Mais user d'un bien ou d'un service à titre privé ne signifie pas pourtant que le bien ou le service se trouve réservé à l'usage personnel de l'acquéreur. Il peut devenir partie à un contrat pour satisfaire des besoins collectifs. Il s'agit essentiellement des besoins familiaux. Il va de soi que la ménagère qui fait ses courses ne le fait pas dans un but égoïste ; elle entend nourrir toute sa famille. Plus largement, les besoins collectifs regroupent tous ceux des personnes que le consommateur peut avoir à sa charge indépendamment de tout lien de parenté. C'est cette conception qui est clairement exprimée dans la circulaire du 14 janvier 1972ZZZ relative à l'application des dispositions concernant le marquage et l'étiquetage des prix qui définit le consommateur comme "celui qui emploie les produits pour satisfaire ses propres besoins et ceux des personnes à sa charge (et non pour les revendre, les transformer ou les utiliser dans le cadre de sa profession)".

La satisfaction de besoins collectifs peut d'ailleurs encore être élargie en dehors du domaine familial ; elle peut s'étendre également des besoins ressentis par les amis du contractant, de toutes les personnes susceptibles de le côtoyer et de bénéficier d'une manière ou d'une autre de l'utilité du bien ou du service.

L'usage privé est donc bien incompatible avec l'exercice d'une profession. Le consommateur se distingue "du producteur, du distributeur, du prestataire et de tout autre utilisateur d'un bien ou d'un service en ce qu'il destine le bien qu'il manipule ou le service qu'il utilise à un usage privéZZZ". Cet élément fondamental est régulièrement réaffirmé par la jurisprudence ; ainsi un arrêt de la Cour d'appel de Nîmes du 8 mars 1990 a rappelé que l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 entendait protéger "les personnes utilisatrices d'un produit pour des besoins sans relation directe avec leur profession c'est-à-dire une catégorie réputée naïve et vulnérableZZZ". C'est à cause de son manque de compétences, de connaissances que le consommateur bénéficie de dispositions particulières. Mais alors peut surgir un problème. Lorsqu'une personne, agissant dans un but indéniablement personnel ou familial, acquiert un bien entrant dans le cadre de compétences que lui confèrent son activité professionnelle, doit-elle encore être considérée comme pouvant bénéficier de la protection du droit de la consommation ? En effet, dans cette hypothèse, l'infériorité, l'ignorance, la faiblesse expliquant l'existence du consommateur ont disparu. Cette hypothèse peut paraître extrémiste mais il ne nous semble pas qu'elle constitue pour autant un cas d'école. Toutes les conditions pour se reconnaître consommateur étant remplies, cette qualité ne peut être retirée. Il faut espérer que la bonne foi du contractant l'empêchera de recourir à certains abus mais l'on s'en sent bien ici les limites pratiques de la définition.

Hormis cette hypothèse, celui qui est professionnel au sens où nous l'avons étudié devient consommateur dès que son opération touche le domaine privé. Le commerçant qui achète des meubles pour son salon est un consommateur comme un autre. "Les qualités de consommateur et de commerçant peuvent donc se retrouver au sein d'une même personne, reflet du caractère diffus de la notion économique du consommateur".

La mise en oeuvre de ce critère est aisée soit du fait de la nature de l'objet de consommation soit du fait des circonstances. Cependant, l'application des lois sur le démarchage à domicile ou sur le crédit à la consommation a laissé entrevoir des difficultés quant à la détermination de cette finalité. Dans ce genre d'hypothèses, le contrat passé ne comporte pas d'affectation précise. Un arrêt du tribunal d'instance de Paris du 4 octobre 1979ZZZ concernant un système d'alarme acquis par des pharmaciens en ayant souscrit un crédit a considéré que la loi du 10 janvier 1978 était applicable "attendu qu'il est (...) insuffisamment démontré que les demandeurs (...) ont acquis le système incriminé pour les besoins de leur pharmacie, c'est à dire pour les besoins de leur activité professionnelle au sens de l'exclusion prévue par l'article 3 alinéa 3 de la loi susvisée". Les tribunaux considèrent donc qu'il y a usage privé à défaut de preuve contraire.

Cette difficulté pourrait être dénommée conflit négatif, ni l'usage privé ni l'usage professionnel n'étant apparent. Le conflit positif existe quand l'opération peut répondre à ces deux finalités.

B. Le cas de l'usage mixte


L'hypothèse visée concerne l'achat ou l'utilisation d'un bien ou d'un service à des fins privées et à des fins professionnelles. L'exemple classique est la voiture qui sert à la fois à rechercher de nouveaux clients voire à les démarcher, pendant la semaine, et à emmener toute la famille en promenade le week-end. Cette situation se rencontre assez souvent d'où l'importance de la question. Toutefois cette question ne semble pas avoir passionné la doctrine.

Pour résoudre toute difficulté, le réflexe est de d'abord se tourner vers les dispositions législatives ou réglementaires. Or, en la matière, le silence est total. Pour le législateur, il semble impossible qu'une personne soit amenée à contracter à la fois en tant que consommateur et en tant que professionnel. Ce vide juridique pourrait cependant être interprété autrement ; le législateur considérerait que dès qu'une personne contracte à des fins professionnelles même si ce but s'avère minime par rapport au but privé, les dispositions du droit de la consommation seraient inapplicables. Cette opinion se justifierait par les motifs qui expliquent la formation de ce droit ; une personne à la fois consommateur et professionnel ne répondrait plus aux caractéristiques d'ignorance et de faiblesse qui identifient le consommateur moyen. Seul le "pur" consommateur serait visé. Mais cela n'est que pure spéculation. L'interprétation exégétique n'est pas toujours celle retenue.

C'est pourquoi il est préférable de rechercher comment ce type de problème est généralement résolu en dehors du cas spécifique qui nous concerne. Lorsqu'une situation juridique peut être soumise à deux régimes différents parce qu'elle renferme en fait deux opérations distinctes, il est classique de rechercher l'opération la plus importante et d'appliquer à toute la situation le régime de l'opération prédominante. Il est alors fait application de la théorie dite de l'accessoire : "accessorium sequitur principale". L'accessoire suit le principal. Les cas d'application les plus courants de cette théorie concernent le droit des biens : article 555 du Code Civil relatif aux ouvrages faits par un tiers sur un terrain privé ; le propriétaire du terrain peut alors devenir propriétaire des travaux. Il est encore fait application de cette théorie pour la qualification des meubles et des immeubles (meubles par anticipation, immeubles par incorporation).

Cette théorie semble pouvoir être appliquée en cas d'usage privé et professionnel d'un bien ou d'un service. Il convient alors de rechercher quel est l'usage qui prédomine. Pour y parvenir, il faut analyser la cause du contrat. Seule la cause finale nous intéresse car savoir que la personne s'engage pour l'obtention du bien ou du service est insuffisant. Ce qui est intéressant ce sont les mobiles de cet engagement, les motifs purement personnels. Cette analyse est à la base du droit de la consommation car pouvoir qualifier un contrat de contrat de consommation et, par-là même connaître la finalité privée de l'opération, nécessite de découvrir la cause du contractant acquéreur. Cette démarche est originale car il est classique de considérer que le juge ne doit retenir que le but premier, immédiat car lui seul peut aboutir à un résultat objectif, indépendant des parties en cause.

Le droit de la consommation fait exception et oblige le juge à rechercher les mobiles lointains qui, et là est la difficulté, peuvent être multiples. C'est pourquoi on parle de cause lointaine ou de cause subjective. Cette dernière expression est un peu tendancieuse car la cause est "la représentation intellectuelle, psychologique de l'exécution de cette obligation".; or la représentation psychologique est rarement identique pour les parties au contrat. Nous préférons donc parler de cause impulsive et déterminante ou de motifs principaux et déterminants. La jurisprudenceZZZ a été amenée à s'interroger sur la cause déterminante pour vérifier la licéité du contrat face à l'ordre public et aux bonnes mœurs (art. 1133 C.Civ.). Car la cause de l'obligation ne peut pas être illicite à moins que l'objet de l'obligation du cocontractant soit lui-même illicite. La jurisprudence va donc au-delà pour prendre en considération les motifs. Dans cette démarche, il faut établir une hiérarchie entre les motifs, qui comme nous l'avons dit, sont généralement multiples. Seuls les motifs principaux peuvent conduire à l'annulation pour cause illicite.

Cette approche de la cause lointaine a servi pour d'autres domaines : l'erreur, vice du consentement peut porter sur la cause ou lorsqu'il s'agit d'établir une relation étroite entre deux contrats, l'anéantissement de l'un conduira à la disparition de l'autre (Ex : achat d'une maison et emprunt pour cette acquisition) . Mais la jurisprudence a généralement refusé de reconnaître un tel lien. C'est pourquoi le législateur est intervenu pour qu'un tel lien soit reconnu en matière de crédit à la consommation et d'emprunt pour une acquisition immobilière. La vente est conclu sous la condition suspensive d'obtention du prêt (art. L311- 21 C.Consomm).

Nous constatons par conséquent que la cause lointaine est une notion déjà utilisée. Il n'est donc pas choquant d'y recourir dans un domaine plus large qu'est la protection du consommateur. Le juge devra suivre un raisonnement en deux étapes pour l'usage mixte. La première est commune à tous les contrats de consommation : rechercher les mobiles qui ont poussé la personne à s'engager ; et ensuite parmi tous ces mobiles, privés et professionnels, établir la cause impulsive et déterminante. Ce motif déterminant établi, à l'aide de la théorie de l'accessoire, le besoin qui apparaîtra comme secondaire sera "submergé" par le besoin principal qui donnera le régime au contrat. Toute la difficulté réside bien évidemment dans la connaissance de la cause déterminante.

L'absence de suggestions doctrinales en la matière s'explique sans doute par la faiblesse de la jurisprudence. Rares sont les décisions qui ont eu à se prononcer sur l'usage mixte dans le domaine du droit de la consommation. La chambre criminelle, dans un arrêt du 15 juin 1987ZZZ, a considéré qu'il convenait de prendre en compte quant à l'application de la règle de droit aussi bien la référence première que secondaire de l'activité. Cet arrêt semble écarter la théorie de l'accessoire mais ne fournit pas de réponse pratique quant à la résolution du problème. La Cour de cassation en matière civile ne s'est pas encore prononcée. En revanche, la Cour d'appel de Grenoble, le 13 juin 1991ZZZ, en a eu l'occasion. Il s'agissait d'une personne qui avait loué un véhicule et l'avait utilisé à des fins privées et professionnelles. Elle se prévalait du dispositif des clauses abusives. La Cour d'appel énonce que "si l'intéressé , technico-commercial d'une entreprise a utilisé le véhicule loué à des fins privées, mais également dans l'exercice de sa profession, cet usage mixte ne suffit pas à lui faire perdre la qualité de consommateur ; en effet, il n'a pas contracté en qualité de professionnel, mais bien pour satisfaire d'abord un besoin personnel et familial et ne se trouve pas dans une situation égalitaire vis-à-vis de la société qui lui a loué le véhicule". Cet arrêt apporte plusieurs réponses. Il confirme en premier lieu la recherche à laquelle doit se livrer le juge pour découvrir quel était le but premier de l'opération ; en l'espèce, il visait à satisfaire d'abord un besoin personnel et familial. Le juge devra apprécier in concreto les circonstances de l'affaire. Mais la question de la preuve reste en suspens. Il nous indique également que cette appréciation doit se faire lors de la conclusion du contrat. Cette solution est intéressante et il est possible de la rapprocher de la décision rendue par la première chambre civile le 25 janvier 1989ZZZ. Le litige était relatif à l'application ou la non application du régime des clauses abusives à propos d'un contrat regroupant une vente (de pellicules photos) et un contrat d'entreprise (développement des photos). Les photos ayant été perdues pendant le développement, l'acquéreur demandait indemnisation du préjudice subi. La société Kodak invoquait une clause limitative de responsabilité. La difficulté était qu'il s'agissait en fait d'un contrat unique avec deux obligations caractéristiques. Comme à l'époque de l'arrêt n'était pas encore intervenu l'arrêt autorisant le juge à déclarer une clause abusive en l'absence de tout décretZZZ, la question était fondamentale. Si le juge appliquait la théorie de l'accessoire, c'est le contrat d'entreprise qui devait l'emporter (car la valeur du développement était plus importante) ce qui entraînait la licéité de la clause. Or la solution retenue fut surprenante car les juges considérèrent que dès lors que le contrat présente le caractère d'une vente "fût-ce de manière partielle", le décret du 24 mars 1978 devait s'appliquer. Il est indéniable que c'est pour pallier le vide réglementaire en la matière que ce raisonnement a été soutenu. Cette acrobatie jurisprudentielle visait à une plus grande protection du consommateur. Transposé au problème qui nous concerne, cela aboutirait à considérer que le contractant est consommateur dès lors que l'opération peut servir ne serait-ce que partiellement à satisfaire des besoins privés. Cette conception risque d'aller à l'encontre de la théorie de l'accessoire puisqu'une cause secondaire serait susceptible d'entraîner la qualification de contrat de consommation et de reconnaître la qualité de consommateur à une des deux parties. Cela ne nous parait pas admissible, le droit de la consommation pourrait être appliqué abusivement. Il nous semble donc que la solution de Grenoble soit la plus conforme à l'esprit consumériste même si elle laisse place à plus d'incertitude. Pour dégager la cause déterminante, les juges devront recourir à des éléments de fait.

§2 : Moyens d'identification de la cause


Sur quels éléments le juge peut-il se fonder pour pouvoir apprécier le but poursuivi par le contractant ? Les mobiles appartiennent au for intérieur de l'individu, il est par conséquent malaisé pour le juge de les découvrir. Pour forger son opinion, il peut utiliser les faits qui lui sont présentés (A) ; une méthode inverse a été proposée et consiste à instaurer des présomptions qui doivent être renversées par les parties (B).

A. Les indices


Ces indices, s'agissant du domaine du droit de la consommation peuvent être issus des biens ou services concernés par l'opération et du contexte général de l'affaire. La nature du bien utilisé ou du service effectué est un indice important quant à la découverte de la qualité de chaque partie. Il est en effet certains biens ou services qui permettent de deviner dans quel but ils ont été acquis. L'objet du contrat va permettre d'en déduire la cause lointaine de l'utilisateur. Les achats de nourriture, de vêtements, de biens nécessaires à une maison sont ordinairement considérés comme des objets destinés à des fins privées. Quant aux services, on peut penser au médecin. A l'inverse, certains biens ou services sont plutôt perçus comme présentant une finalité professionnelle ; ce sera le cas de machines très pointues utilisées comme outils de production, à l'utilisation de produits délivrés sur présentation de certaines homologations car très dangereux. Toutefois, cet élément est à considérer avec beaucoup de précautions car ce critère est loin d'être satisfaisant et donc insuffisant ; il va de soi qu'il est impossible d'affirmer quel bien ou le service sera effectivement affecté à la finalité qui lui est généralement reconnue. Ainsi l'acquisition de vêtements peut concerner de vêtements professionnels (Ex : blouses pour des laboratoires) ; une personne qui bricole pendant le week-end peut utiliser du matériel professionnel. Ce critère est donc limité. Il doit être renforcé par d'autres indices. La quantité de produits demandée peut en faire partie ; une personne qui contracterait pour obtenir plusieurs centaines de kilos de viande ne serait sans doute pas un consommateur. L'adresse qui est donnée peut laisser supposer que le contractant agit à des fins professionnelles s'il indique le lieu du siège social d'une entreprise. Cet élément peut concerner l'éventuel lieu de livraison.

Il est également possible de s'attacher aux moyens de paiement. Certains sont classiques, le chèque ou le paiement au comptant, et ne fournissent aucune indication. D'autres en revanche ne se rencontrent que dans le domaine professionnel : lettre de change, billet à ordre, bordereau Dailly.

Un élément peut paraître important mais il est cependant difficilement utilisable : il s'agit de la T.V.A. En effet, seuls les professionnels sont autorisés à récupérer la T.V.A.ZZZ Ce sont les consommateurs qui supportent définitivement la charge de cet impôt. Mais comment la partie au contrat pourra savoir si son cocontractant récupérera ou non la T.V.A. ? La qualité de professionnel contractant peut parfois permettre de déterminer la qualité de l'autre partie. Ce sont sans doute des hypothèses marginales mais qu'il convient néanmoins de préciser. Certains professionnels ne peuvent contracter qu'avec d'autres professionnels. L'exemple typique est celui du grossiste revendeur (Ex : société Métro). Il ne revend sa marchandise qu'à des professionnels. Par conséquent il n'y a aucune ambiguïté sur la qualité des parties. Le dernier indice qu'il convient d'indiquer est l'utilisation par le contractant d'un papier à entête, cela peut être le signe d'un professionnel. La constatation d'un seul indice ne suffit pas pour établir la qualité de telle personne. La réunion d'un certain nombre est nécessaire.

Tous les indices qui viennent d'être exposés sont des indices matériels. Mais il convient également d'envisager les hypothèses où les contractants se sont mis d'accord sur la question du contrat de consommation. L'hypothèse première est celle où l'acquéreur affirme de lui-même que sa démarche vise à répondre à tel besoin. Bien entendu le professionnel cocontractant ne disposera d'aucun moyen pour vérifier cette information dans le cas où l'acquéreur ne serait pas de bonne foi et voudrait dissimuler la cause réelle de son intervention.

Une hypothèse plus délicate peut se rencontrer ; les parties au contrat se seraient entendues dés la conclusion du contrat à propos de l'application ou de la non application de la protection consumériste. Si les parties ont considéré que le droit de la consommation était applicable et que dans les faits la personne protégée est effectivement un consommateur ou, qu'à l'inverse, elle refuse de s'en prévaloir alors qu'elle se révèle être un professionnel, cela ne soulève aucune difficulté. Le contrat étant conforme à la réalité, c'est bien ce que les parties auront envisagé qui recevra application. La situation est toute autre quand la clause du contrat est contraire à la réalité. Les parties reconnaissent que tel contractant est consommateur alors qu'il ne l'est pas ou professionnel alors qu'il n'est qu'un simple consommateur. Dans la première hypothèse, aucun argument juridique ne semble pouvoir interdire aux parties une telle disposition : le professionnel pourra se prévaloir du droit de la consommation (encore faut-il que la clause ait bien été consentie par l'autre partie). C'est possible de la même façon qu'est autorisé le fait qu'un contractant reconnaisse supporter tous les dommages même ceux issus de la force majeure. La jurisprudence a déjà admis cette faculté en matière de baux commerciaux, "les parties pouvant fixer les conditions d'un bail non soumis à un régime particulierZZZ". Mais il semble que dans ces hypothèses, il n'y ait pas application totale du statut choisi par les parties. La situation est toute autre quand le consommateur renonce à bénéficier de sa protection. Cela revient en fait à se demander si un consommateur peut y renoncer. Plusieurs arguments conduisent à répondre par la négative. Le consommateur étant dans une situation d'infériorité vis-à-vis du professionnel, on peut s'interroger sur la validité de son engagement. Il est ici possible de faire un parallèle avec le droit du travail où tant que le contrat de travail se poursuit le salarié est sous la subordination de son employeur. Pour des actes importants concernant la rupture du contrat de travail et ses conséquences financières, le salarié ne doit plus être subordonné à l'employeur pour que ces décisions soient considérées comme valables : transaction... Mais un argument plus puissant peut être avancé ; les dispositions du code la consommation font partie de l'ordre public économique et à ce titre aucune renonciation n'est valable. Cette solution est tout à fait compréhensible de part les objectifs même de ce droit. Admettre la renonciation conduirait à mettre à néant la protection qu'il institue. Une telle clause n'aura donc aucune portée.

Après avoir indiqué les différents indices susceptibles d'être retenus pour déterminer la finalité de l'opération, il reste encore à savoir à quel moment ces éléments doivent être appréciés. Le professionnel va forger son opinion lors de la conclusion du contrat. Mais en cas de litige, le juge doit-il se replacer dans la situation du professionnel ou aller au-delà et relever des éléments inconnus à cette date tels que l'utilisation effective du bien ? Il semble que c'est cette dernière solution qu'il faille retenir. Il doit, si cela s'avérait nécessaire, procéder à la requalification de la qualité de l'acquéreur. Cette solution s'explique du fait que la qualité de consommateur ou de professionnel est indépendante de l'opinion que pouvait en avoir le professionnel. Il suffirait sinon que ce dernier prétende avoir légitimement considéré que son cocontractant était un professionnel pour que cette qualité ne puisse plus être remise en cause. Cela heurterait le caractère d'ordre public. La connaissance de la destination du bien ou du service n'est pas une condition de la définition de consommateur. Cette conception s'oppose à celle retenue par la convention de Vienne portant loi uniforme sur la vente internationale de marchandise du 11 avril 1980 qui exclut du domaine de sa compétence "la vente pour un usage personnel, familial ou domestique à moins que le vendeur (...) n'ait pas su et n'était pas censé savoir que ces marchandises étaient achetées pour un tel usage". (art. 2a) Cette convention ne s'applique donc pas aux contrats de consommation sauf dans l'hypothèse où le vendeur ne soupçonnait pas l'usage privé des marchandises.

En cas de litige entre les parties, selon la règle traditionnelle "actori incumbit probatio" , c'est le demandeur qui doit prouver ce qu'il avance. Cette charge de la preuve pourrait cependant être renversée si des présomptions étaient posées.

B. Les présomptions


Ces présomptions ne sont pas connues dans notre législation. Mais la doctrine propose leur utilisation et certaines ont déjà été posées en dehors du cadre national.

La présomption est "un mode de raisonnement juridique en vertu duquel, de l'établissement d'un fait, on induit un autre fait qui n'est pas prouvéZZZ". C'est une méthode qui permet de pallier à des difficultés de preuve. C'est un raisonnement inductif. Cette technique de la présomption semble apparaître dans certaines disposition communautaires. Sont ici visées les conventions relatives aux conflits de lois et prévoyant un régime particulier pour les contrats de consommation. Nous citerons en premier lieu la convention de Rome du 19 juin 1980 relative à la loi applicable aux obligations contractuelles. L'article 3 dispose que "le contrat est régi par la loi choisie par les parties" et à défaut d'un tel choix, l'article 4 conduit à donner compétence à la loi du pays où est établi le professionnel. Cette solution étant peu conforme aux intérêts du consommateur, l'article 5 tente de la corriger : "Le présent article s'applique aux contrats ayant pour objet la fourniture d'objets mobiliers corporels ou de services à une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle"... C'est cette dernière expression qui est intéressante. La convention semble poser une présomption de consumérisme ou de non-professionnalité : dès que l'usage du bien peut être considéré comme étranger à l'activité professionnelle, le contrat est présumé être un contrat de consommation. S'il s'avérait dans les faits que malgré cette apparence de non-professionnalité, le bien ou le service était pourtant affecté à une finalité professionnelle, ce serait au vendeur ou au prestataire de service de le démontrer pour revenir à l'application des articles 3 et 4 de la convention. Cette conception figure également dans la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale qui dispose dans son article 13 : "En matière de contrat conclu par une personne pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, (...) le consommateur (...)".

Il est également envisageable de poser une présomption qui ne concernerait que les professionnels. Nous verrons que le professionnel prétend dans certaines circonstances pouvoir bénéficier du droit de la consommation. Les critères posées par la doctrine sont assez flous. C'est pourquoi il est envisageable d'instituer une présomption de professionnalité.

Celle-ci aurait l'avantage d'éviter une extension abusive du droit de la consommation ce qui risque de lui faire perdre toute spécificité. La présomption consiste à soutenir que dés lors qu'un professionnel interviendrait dans une opération avec un autre professionnel, il ne pourrait y avoir application du droit de la consommation puisqu'il ne s'agit pas d'un contrat de consommation. Le professionnel serait présumé agir pour les besoins de son activité et disposer des compétences suffisantes pour faire face à son cocontractant. Mr Bourgoignie est favorable à cette présomption. Bien entendu ce n'est qu'une présomption simple, le professionnel pouvant prouver qu'il agit comme un simple consommateur. Pour établir cette preuve, Mr Bourgoignie suggère qu'il justifie remplir deux conditions cumulatives : "absence de similitude entre le bien ou le service faisant l'objet de l'acte pour lequel le professionnel se réclame de la qualité de consommateur et les biens ou les services faisant l'objet de sa spécialité commerciale ou professionnelle" et "la petite dimension de son entreprise, présumée révéler un faible pouvoir de marchéZZZ". Le bénéfice du droit de la consommation sera refusé si le professionnel agit dans le domaine de sa spécialité même si sa force sur le marché est modeste ou si, agissant, en dehors de ses compétences, sa dimension est telle qu'il puisse négocier. Apprécier si l'opération relève de son activité n'est pas toujours aisé mais l'autre condition n'est pas plus évidente. L'auteur propose de fixer un seuil financier au-delà duquel il est censé "disposer d'une position favorable". Mais ce seuil devrait être fixé pour chaque marché étudié. La proposition de Mr Bourgoignie est intéressante mais n'étant pas favorable à l'application du droit de la consommation aux professionnels la seconde condition nous semble superflue. Il faut néanmoins bien délimiter le champ d'application de cette présomption de professionnalité. Il ne s'agit pas de considérer que tout professionnel dès lors qu'il acquiert un bien ou un service est présumé pouvoir se prévaloir du droit de la consommation. Nous avons vu qu'un professionnel redevient consommateur quand il contracte à des fins privées. Cette hypothèse est exclue de la présomption. Cette dernière ne joue que lorsqu'il agit dans le cadre de sa profession. Mr Causse est également partisan de la consécration de cette présomption.

Toutefois, cette technique de raisonnement n'a pas trouvé d'application en jurisprudence. En la matière, les juges ont pour mission d'étudier la situation présentée pour en déduire si le professionnel agissait dans la sphère de ses compétences et s'il se trouvait en position d'égalité vis à vis de son contractant. La charge de la preuve ne pèse donc ni sur le professionnel demandeur ni sur le professionnel défendeur. Ceci est contestable car ce n'est pas le raisonnement tenu habituellement en matière civile et commerciale. C'est à celui qui entend bénéficier du droit commercial et notamment de la liberté de la preuve d'établir qu'il est commerçant. L'utilisation de la présomption ne serait pas choquant car elle obligerait au professionnel de prouver son état d'ignorance pour que le droit de la consommation reçoive application.

Le cas du professionnel est d'ailleurs au coeur du débat de notre étude et conduit à s'interroger sur des éventuelles extensions de la notion de consommateur.



Retour au sommaire du mémoire

Retour au sommaire du JURIPOLE