DROITS ET LIBERTES DU SALARIE COMME LIMITES AU POUVOIR DISCIPLINAIRE DE L'EMPLOYEUR EN DROIT FRANCAIS ET EN DROIT ITALIEN
Stéphane BOUCHE



DEUXIEME PARTIE



DEUXIEME PARTIE :

LIMITES AUX POUVOIRS DE L'EMPLOYEUR ET SANCTION DISCIPLINAIRE


Après avoir mis en évidence le fait qu'il pourra considérer comme fautif, l'employeur ne peut pas prononcer d'emblée la sanction disciplinaire. Le droit disciplinaire à mis en place un complexe de règles qui a pour objet de conférer des droits et des garanties au salarié. Comme la faute, la sanction sera envisagée en trois temps. Il conviendra d'examiner tout d'abord, la notion de sanction en droit disciplinaire (Section I), ensuite la procédure imposée à l'employeur dans le cadre du droit disciplinaire (Section II), et finalement il faudra examiner le contrôle qui peut être fait de la sanction (Section III): le contrôle judiciaire de la sanction disciplinaire.

Section I : la notion de sanction en droit disciplinaire


L'employeur ne bénéficie pas d'une entière liberté dans le choix de la sanction. On examinera les éléments que l'employeur devra prendre en compte dans la détermination de la sanction applicable d'une part (Para. I), et les sanctions que l'employeur ne peut pas prononcer d'autre part (Para. II).

§ I : la détermination de la sanction applicable


Comme en matière de faute, les droits italien et français ont deux approches bien distinctes de la détermination de la sanction. Il convient d'examiner les deux systèmes de manières séparées, avant d'analyser ce qui les différencie.

A- La détermination de la sanction en droit français


Il faut s'intéresser ici à l'iter que l'employeur devra suivre et qui lui permettra de savoir qu'elle est la mesure qu'il pourra prononcer à l'égard du salarié.

1) La notion de sanction disciplinaire


L'article L.122-40 du Code du travail dispose: "constitue une sanction disciplinaire toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'agissements du salarié considérés par lui comme fautifs, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération".

"La mesure disciplinaire implique la volonté de l'employeur de sanctionner le fait reproché" selon les termes de la Cour de cassation (1). La qualification de la mesure prise par l'employeur est importante. La validité de la mesure prise dépend de sa qualification. S'il s'agit d'une sanction disciplinaire, l'employeur devra absolument suivre la procédure disciplinaire, à défaut de quoi elle serait privée de validité et d'effectivité. En revanche, s'il ne s'agit pas d'une sanction disciplinaire on ne voit pas pourquoi l'employeur devrait se soumettre à la rigueur de la procédure disciplinaire.

La jurisprudence a clarifié la notion apportée par le texte qui restait relativement obscure. Les juges ont décidé que seules les mesures affectant la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération étaient des sanctions disciplinaires (2). Par ailleurs, il faut remarquer avec bon sens que la mesure prise par l'employeur ne constitue une sanction qu'autant qu'elle résulte uniquement d'une faute commise par le salarié.

Enfin, on notera que la sanction résulte d'une décision unilatérale de l'employeur. Il décide seul quel fait constitue une faute, et décidera quelle sanction lui correspondra, si sanction il y a.

2) Le choix de la sanction


Si la décision est unilatérale, elle sera quand même encadrée. Des obligations s'imposent à l'employeur au moment ou il fera son choix (a). De même qu'il recourra à une échelle de sanctions pour effectuer son choix, sur ce point la jurisprudence impose le respect de certaines exigences (b).

a- Les obligations s'imposant à l'employeur


L'article L.122-34 précise que "dans les entreprises où le règlement intérieur est obligatoire, celui-ci fixe la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur". En réalité, la liberté de l'employeur est plus grande que ce que l'on pourrait imaginer à la lecture de ce texte.

La Cour de cassation, en se fondant sur l'idée que le pouvoir disciplinaire est inhérent à la qualité du chef d'entreprise, admet que l'employeur puisse prononcer une sanction, même si elle n'est pas prévue au règlement intérieur (3). On en conclut donc que la liste des sanctions contenue dans le règlement intérieur n'a pas un caractère limitatif.

La solution se trouve être la même lorsqu'une convention collective énumère une liste de sanctions disciplinaires. La jurisprudence décide en ce sens qu'en l'absence de dispositions restrictives d'un règlement ou d'une convention collective que "le chef d'entreprise peut user du pouvoir disciplinaire inhérent à sa qualité en infligeant au salarié une sanction".

Par contre, lorsque le règlement intérieur ou la convention collective prévoit une sanction déterminée pour la commission d'un fait déterminé, l'employeur doit s'y tenir. Il ne pourrait pas prononcer une sanction plus grave pour le salarié. Mais en faveur du salarié, une sanction moins grave serait admissible. Par ailleurs, le règlement intérieur ou la convention collective peut apporter des restrictions au pouvoir disciplinaire de l'employeur, et donc exclure ou limiter certaines sanctions ou subordonner leur application à un degré de gravité de la faute reprochée au salarié. Le règlement intérieur ne saurait en revanche priver le salarié des garanties qui lui sont accordées par la loi en qualifiant certaines fautes de fautes graves. Le juge conserve le contrôle de la qualification de la gravité de la faute dans la mesure où elle commande l'application de dispositions d'ordre public (4).

En présence d'agissements d'un salarié, il appartient à l'employeur (sous le contrôle des tribunaux), d'apprécier la sanction qu'il estime plus adéquate pour la sauvegarde de la discipline dans l'entreprise (5). Les textes applicables en matière de discipline ont un caractère contraignant pour l'employeur, mais on lui laisse la liberté de sanctionner alors que le texte n'a rien prévu.

b- L'échelle des sanctions


On associe souvent la sanction disciplinaire au licenciement. En réalité l'employeur dispose d'une palette de sanctions qui lui permet d'adapter la peine à la gravité de la faute.

Au bas de l'échelle, on trouve traditionnellement l'avertissement . Il ne répond pas à des critères déterminés. Il appartient au règlement intérieur de préciser les formes de l'avertissement pour le distinguer du simple rappel à l'ordre. La jurisprudence actuelle refuse de prendre en considération le processus disciplinaire dans lequel l'avertissement peut s'inscrire (6), ce qui montre le caractère particulier de cette sanction si on peut encore la qualifier comme telle.

Pour arriver à une telle décision, la Cour de cassation s'en tient à la lettre de l'article L.122-40 du Code du travail. Dès lors qu'en lui même l'avertissement demeure sans incidence sur la situation du salarié, elle considère qu'il échappe à la procédure normale. Il n'y a pas de critique majeure à émettre à l'égard de cette décision. L'important est que les droits du salarié soient préservés. En effet, il demeure que l'avertissement est une sanction disciplinaire et qu'en application de l'article L.122.41 alinéa premier du Code du travail, le salarié doit être informé par écrit des griefs formulés contre lui, ce qui est de toute façon le cas dans la procédure qui lui est applicable (procédure simplifiée). Par ailleurs, l'avenir du salarié dans l'entreprise n'est aucunement compromis avec l'avertissement. Il pourrait simplement servir de base à une éventuelle récidive, dans le pire des cas.

La mise à pied est une autre sanction traditionnelle. Elle n'affecte pas l'avenir professionnel du salarié. Elle est une mesure de suspension temporaire du contrat de travail. Sa durée doit être fixée et connue du salarié au moment où elle lui est notifiée.

La mise à pied, dès lors qu'elle constitue la sanction définitive d'agissements fautifs, fait cesser pendant sa durée l'obligation de payer le salarié et corrélativement l'obligation de fournir la prestation de travail.

Il est intéressant d'observer en jurisprudence, comment est traité le refus de cette sanction par le salarié. La nature du travail, la configuration des lieux rendent parfois impossible pour l'employeur la mise en oeuvre de la sanction contre la volonté du salarié. Lorsque le salarié tient la notification de la mise à pied pour non avenue et persiste à se présenter au travail, non seulement il ne pourra pas prétendre au paiement de son salaire, mais peut le cas échéant , se voir imputer une faute grave pour avoir porté atteinte à l'autorité de l'employeur et perturbé la bonne marche de l'entreprise (7). C'est ce que décidait traditionnellement la jurisprudence. Pourtant, la Cour de cassation a, plus récemment, posé le principe selon lequel, "le refus du salarié d'effectuer une mise à pied ne peut à lui seul constituer une faute grave, le refus devra s'accompagner d'autres agissements" (8).

La mise pied ne doit pas être confondue avec la mise à pied conservatoire, qui n'est pas une sanction en elle-même. Elle est prononcée dans l'attente d'une sanction disciplinaire. Elle répond à d'autres critères. L'employeur devra être vigilant dans la qualification de la mesure. S'il entend la mise à pied comme une mesure conservatoire mais qu'elle ne répond pas aux conditions d'une telle mesure elle sera considérée comme une sanction. Dans une telle hypothèse, il ne pourra plus recourir à la sanction qu'il entendait véritablement prononcer: il ne saurait sanctionner deux fois la même faute (l'employeur est toujours soumis au principe de non-cumul C.F. infra développements à ce sujet).

Viennent ensuite toutes les sanctions qui auront une incidence sur l'avenir du salarié dans l'entreprise. Le déclassement professionnel correspond à une rétrogradation dans l'emploi ou les fonctions du salarié, entraînant l'alignement de la rémunération sur le nouvel emploi ou les nouvelles fonctions.

Un autre aspect de cette sanction est à analyser. Le déclassement professionnel constitue une sanction d'une nature particulière, dans la mesure où elle se traduit par une modification permanente d'un élément substantiel du contrat de travail. S'agissant d'une modification contractuelle substantielle, le salarié pourrait refuser cette sanction. Dans un tel cas, l'employeur pourrait être amené à prononcer son licenciement. Plus exactement, face au refus du salarié, il appartient à l'employeur de prendre l'initiative de la rupture en mettant en oeuvre la procédure de licenciement (9). Les faits ayant motivé le déclassement doivent correspondre à une faute de gravité suffisante pour légitimer un licenciement. A défaut de quoi, il serait abusif. Le juge apprécie tout d'abord si les faits reprochés au salarié étaient de nature à justifier la sanction disciplinaire dont le bien-fondé était contesté par le salarié. Ensuite il doit se prononcer sur le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement (10). Le licenciement aura une cause réelle et sérieuse si le refus de la sanction (le déclassement) par le salarié est fautif. Il sera fautif lorsque la première sanction était justifiée.

Un changement d'affectation constitue une sanction disciplinaire, s'il est décidé à raison de faits considérés comme fautifs, d'après la Cour de cassation (11). Comme pour le déclassement le refus par le salarié du changement d'affectation pourra entraîner un licenciement. La validité de ce licenciement sera appréciée par rapport aux faits ayant motivé la première sanction. Si celle-ci était justifiée alors le salarié ne pouvait s'opposer légitimement au changement d'affectation et alors le licenciement aura une cause réelle et sérieuse.

En haut de l'échelle des sanctions disciplinaires, on trouve le licenciement disciplinaire. Elle est la sanction la plus grave dans le sens où elle provoque l'exclusion du salarié de l'entreprise. L'appréciation de la gravité de la faute commande le régime du licenciement. La faute légère ne constitue pas un motif réel et sérieux de licenciement. Celui-ci suppose une faute d'une certaine gravité. Le licenciement correspond aussi à l'exercice par l'employeur de son droit de résiliation unilatérale. Il s'agit donc d'une mesure régie à la fois par le droit disciplinaire et par le droit du licenciement.

L'un et l'autre se distinguent par la raison qui aura motivé le licenciement. S'il s'agit d'une faute disciplinaire il s'agira d'un licenciement disciplinaire. Si la cause est contractuelle alors il s'agira d'un simple cas de rupture du contrat. La différence garde son importance. L'insuffisance professionnelle du salarié, qui ne correspond pas à la mauvaise exécution volontaire de ses obligations peut justifier un licenciement. Cependant, il ne s'agira pas d'un licenciement disciplinaire. La jurisprudence décide que la procédure disciplinaire n'est pas applicable aux licenciements fondés sur l'incompétence ou l'insuffisance professionnelle du salarié (12).

B- La détermination de la sanction en droit italien


L'article 2106 du Code civil dispose que la violation par le salarié de ses obligations contractuelles (obligations de diligence, de fidélité) fera l'objet de sanction appelée sanction disciplinaire.

L'article 7, quant à lui dispose que le code disciplinaire, c'est-à-dire un texte préexistant à la commission des faits reprochés, doit prévoir la sanction qui viendra sanctionner les agissements considérés comme fautifs. L'idée est d'éviter que soit créée à posteriori la sanction. Le principe de droit pénal, nullum crimen sine lege, trouve ici application. Le code disciplinaire ne peut pas être appliqué s'il n'a pas été préétabli (1) et publié (2).

1) La prévision de la sanction


L'article 7 exige l'indication préalable de la norme qui définit la sanction. Il impose en second lieu que cette prévision, qui se fera soit par le biais du code disciplinaire ou encore de la négociation collective, devra être portée à la connaissance de tous.

Il faut prendre en considération le problème de la corrélation entre la typologie des sanctions et les infractions. Que ce soit dans les conventions collectives ou encore dans le code disciplinaire, il existe des formulations assez générales qui permettent d'imputer le fait et lui appliquer la sanction correspondante. La corrélation est appréciée avec élasticité. On peut rappeler ici la jurisprudence dominante déjà mentionnée à propos de la faute. Le code disciplinaire ne doit pas nécessairement contenir une prévision précise et systématique de la faute et de la sanction qui lui correspond. Il suffit qu'il existe une juste corrélation entre la conduite considérée comme illicite et les sanctions correspondantes prévues au code disciplinaire. On admet encore une certaine marge d'adaptation de la sanction en fonction des agissements effectifs des salariés (13). La légitimité du code disciplinaire n'impose pas non plus une rédaction analytique et spécifique de tous les faits qui pourront être reprochés et donner lieu à une sanction. Il est suffisant que le code disciplinaire contienne une liste schématique et non détaillée des actions possibles au cas par cas, c'est-à-dire des comportements santionnables, et indique la sanction correspondante de manière large et susceptible d'adaptation concrète, selon la gravité plus ou moins grande du fait reproché.

Cette solution ne sera pas applicable en revanche aux cas où la sanction est prononcée pour la violation d'un texte pénal ou d'une règle d'éthique commune (voir plus loin les développements relatifs à ce sujet).

La doctrine majoritaire reste cependant opposée à la jurisprudence qui admet une adéquation imparfaite (14). Mais il faut reconnaître qu'une application trop rigide du principe nullum crimen sine lege pourrait conduire à une paralysie du pouvoir disciplinaire, et laisser impunis des faits qui mériteraient objectivement de l'être.

2) La publicité du code disciplinaire


Non seulement elle doit être portée à la connaissance de tous mais l'employeur doit aussi s'assurer de cette communication. "Le code disciplinaire doit faire l'objet d'une publicité, par voie d'affichage afin qu'il soit porté à la connaissance de tous". La jurisprudence a parfois décidé que l'employeur pouvait satisfaire à son obligation par d'autres moyens, dès lors que la garantie de la connaissance était assurée. Il a encore été admis que l'employeur aura satisfait à son obligation dès lors que le salarié pourra en prendre connaissance dans des conditions normales. Ce sera par exemple le cas par la remise de la convention collective qui contient elle-même le code disciplinaire (15).

En revanche, les Sections Unies de la Cour de cassation font de l'affichage le moyen obligatoire pour que l'employeur satisfasse à son obligation (16). Cette solution s'en tient à la lettre du texte qui ne parle que de la publicité.

L'affichage doit en outre être effectif au moment où les faits sont reprochés au salarié (17). Il doit être effectué dans les lieux où est exécutée la prestation de travail, c'est-à-dire dans toutes les unités productives de l'entreprise, et dans un endroit accessible à tous (18). Ce qui sous-entend que l'affichage doit être effectué là où la prestation de travail est effectivement exécutée.

La jurisprudence retient encore que l'employeur qui effectue l'affichage sur le tableau réservé aux organisations syndicales ne satisfait pas à son obligation. Ce moyen, n'assurant pas l'aspect préventif de la discipline, n'est pas conforme à la prévision légale. Le salarié ne s'attendant pas à trouver là l'information ou en tout cas s'attendant à trouver un autre type d'informations, la prise de connaissance n'est pas assurée dans des conditions normales. La Cour de cassation souligne encore le risque de confusion dans l'esprit du salarié de part l'utilisation de ce moyen de communication. La solution de la jurisprudence est la même lorsque l'affichage est effectué dans une pièce non fréquentée par le salarié (19).

Dans les cas où le salarié doit effectuer sa prestation en dehors des locaux de l'entreprise, l'obligation est considérée satisfaite, lorsque l'affichage est effectué dans le local où doit nécessairement se rendre le salarié pour rendre ses comptes.

3) Les sanctions de la non-conformité


Les conditions de l'existence du code disciplinaire et de sa publicité sont des conditions préalables à l'application du pouvoir disciplinaire. Leur absence se traduit par l'inexistence du pouvoir disciplinaire et en conséquence, la nullité de la sanction .

Une distinction est faite entre les sanctions dites conservatoires de l'emploi et les sanctions dites expulsives, c'est-à-dire les cas dans lesquels est prévu un licenciement. Pour les premières, les exigences de prévision et de publicité sont de strictes applications. Par contre pour les secondes, il faut distinguer, l'hypothèse de licenciement pour juste cause et le licenciement pour cause subjective justifiée (20), prononcé pour violation d'une norme disciplinaire qui prévoit à titre de sanction le licenciement.

Seulement dans ce deuxième cas, la publicité n'est pas nécessaire, pour autant qu'il n'est pas hypothétisable que tous les comportements qui puissent correspondre à une juste cause ou une cause subjective justifiée doivent faire l'objet d'une prévision dans le code disciplinaire. D'autre part, le fait considéré comme interdit et objet de la sanction ne trouvera pas sa source dans le code disciplinaire ou dans la convention collective le plus souvent, mais dans la loi elle-même. Cette approche est celle de la Cour de cassation (21). En substance, l'enquête sur l'affichage du code aura une importance seulement lorsque le fait reproché n'est pas compris dans le code parmis les faits qui soient de nature à justifier le licenciement.

Une question similaire se pose lorsque les faits reprochés au salarié constituent une infraction pénale ou une violation de l'éthique commune, c'est-à-dire de règles de savoir vivre communément admises ou encore de la violation grave des devoirs fondamentaux. Dans ces cas, les principes de la détermination préalable et la publication ne trouvent pas application. L'employeur n'a pas l'obligation de rappeler aux salariés qu'il faut respecter la loi pénale dans l'entreprise, et que l'infraction pénale entraîne une sanction (22).

4) La typologie des sanctions



L'article 7 de la loi n° 300 de 1970 a envisagé des sanctions que l'employeur peut prendre à l'égard du salarié. Il résulte de cet article que la sanction la moins grave que l'on puisse trouver est le reproche verbal , qui pourrait largement être rapproché de la notion française d'observations orales. Elle est la moins grave de part son mode d'application. Il n'en restera pas de trace. Le reproche écrit s'avère être plus grave dans la mesure où de part sa forme justement, la trace restera.

Ensuite, la pratique a mis en place les amendes . Mesures plus graves dont le montant ne peut pas dépasser une somme correspondant à la rémunération de quatre heures de travail.

Il existe aussi la suspension du contrat de travail , que l'on pourrait rapprocher de la mise à pied. Elle suppose la non-exécution du contrat de travail, et le non-versement du salaire.

Comme en droit français, on trouve en haut de l'échelle le licenciement disciplinaire . Il est généralement défini comme la sanction qui a pour but de sanctionner un comportement fautif, ou qui traduit un manquement à ses obligations de la part du salarié. Il ne doit pas être lié aux exigences objectives d'organisation et de production de l'entreprise (dans ce cas il ne s'agirait plus d'un licenciement disciplinaire).

La liste établie par la loi de 1970 (article 7), n'est pas limitative. L'employeur a la liberté d'imaginer d'autre forme de sanctions non-prévues par la loi, en respectant les caractères que la sanction doit vérifier selon la loi.

C- Conclusions comparatives


Nullum poena sine lege. Le système juridique italien fait application de ce principe. Le but évident de cette règle est de conférer une protection particulière au salarié. Il a le droit de savoir à l'avance ce qu'il ne peut pas faire et surtout quelle sanction il encourt s'il enfreint la règle. Le système semble juste, respectueux du salarié, qui se trouve être soustrait à l'arbitraire du chef d'entreprise. Il faut cependant reconnaître que le système n'est pas très pragmatique. Comment l'employeur peut-il anticiper ce qu'il entend interdire à ces salariés? L'entreprise est en évolution permanente. Elle est une entité au sein de laquelle se développent des phénomènes nouveaux en fonction des groupes qui la composent.

S'il ne lui est pas possible de tout prévoir , par contre le texte préexistant à la faute et à la sanction constitue une garantie sérieuse pour le salarié, tout au moins pour les faits qui se reproduisent souvent. Dès lors que le texte a défini une sanction pour la commission d'un certain fait, l'employeur ne pourrait pas prononcer une sanction plus grave. En réalité il s'agit de l'équilibre le plus juste que l'on puisse trouver entre la garantie de certains droits du salarié d'une part, et permettre à l'employeur d'assurer au mieux la direction de son entreprise, d'autre part.

Comme en matière de faute, il s'agit de préserver le salarié contre l'arbitraire de l'employeur. Le principe nullum poena sine lege n'est pas appliqué en France en matière disciplinaire. Pourtant, la protection contre l'arbitraire de l'employeur sera assurée par le contrôle judiciaire de la sanction. Il s'agira d'un contrôle a posteriori. Il faut observer que le contrôle judiciaire en Italie sera toujours nécessaire pour faire respecter les droits du salarié.

§ II : les sanctions interdites


L'employeur dans le choix de la sanction sera encore limité par les aspects qu'elle doit revêtir. Il faudra examiner de manière comparative, qu'elles sont les principes que l'employeur doit respecter dans le prononcé de la sanction et quelles sont celles qu'il ne peut pas prononcer, dans l'ordre suivi: le principe de proportionnalité (A), les sanctions pécuniaires (B), le principe de non-cumul (C).

A- Le principe de proportionnalité


Il s'agit d'un principe fondamental que les employeurs (italien et français) doivent respecter dans tous les cas. Qu'elle que soit le mode détermination de la sanction, qu'elle que soit la sanction choisie, elle doit être proportionnée à la faute commise

Au sens de l'article L.122-43 du Code du travail (français), les faits reprochés au salarié doivent être de nature à légitimer la sanction. Elle ne saurait être injustifiée ou disproportionnée à la faute commise. L'article sous-entend que la sanction ne doit pas être une sanction interdite d'une part, et qu'elle doit être proportionnée à la gravité de la faute. L'employeur devra s'efforcer de respecter ces conditions dans le choix de la sanction qu'il choisira d'infliger à son salarié.

Dans le même ordre d'idée, l'article 2106 du Code civil pose le principe de proportionnalité comme élément inhérent au pouvoir disciplinaire de l'employeur. Il doit prononcer la sanction en s'assurant qu'il existe une juste proportionnalité entre sanction et infraction. On parle de sanction adéquate au fait commis.

Le respect de ce principe s'avère être fondamental sur le plan de la préservation des droits du salarié, et surtout contre l'abus de pouvoir de l'employeur. Il s'agit d'une limite au pouvoir de l'employeur de tout premier ordre. Elle protège le salarié contre l'éventuel arbitraire de l'employeur. On pourrait parler du droit pour le salarié à une juste sanction . Les agissements du salarié sont répréhensibles certes, mais il ne s'agit pas pour autant de le détruire pour ce qu'il a fait.

Il faut rétablir un juste équilibre, entre le tort crée et la compensation que le salarié doit produire. Dans le même esprit, on trouve parfois dans les écrits de doctrine que la sanction ne doit pas être afflictive. Il ne faut pas perdre de vue que le droit disciplinaire n'est qu'une application des peines privées. Même si un grand nombre de principes lui sont empruntés, il ne faut surtout pas oublier que le droit disciplinaire n'est pas une application, dans le domaine privé, du droit pénal. Il peut arriver parfois que les deux domaines se confondent parce que la faute disciplinaire sera constitutive d'une infraction pénale. Le fait sera envisagé de manière distincte. Du point de vue pénal, l'infraction prévue au code pénal sera sanctionnée par la peine qui lui correspond. Sur le plan disciplinaire l'employeur adoptera la mesure adaptée au bon fonctionnement de son entreprise.

B- Les sanctions pécuniaires


L'article L.122-42 du Code du travail dispose que "les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites. Toute disposition ou stipulation contraire est réputée non-écrite". L'interdiction posée par cet article se trouve être renforcée par le contenu de l'article L.152-1-5 qui dispose que les infractions à l'article L.122-42 sont sanctionnées par une amende de 25.000 francs pouvant être portée à 50.000 en cas de récidive.

Il est interdit à l'employeur français de prévoir une sanction pécuniaire. S'il décidait d'infliger au salarié une telle sanction, non seulement elle ne serait pas valable, mais l'employeur se verrait lui même sanctionné. La solution est justifiée en doctrine de la manière suivante: admettre l'amende reviendrait à confondre la responsabilité disciplinaire et la responsabilité civile du salarié, la dernière se résolvant en dommages-intérêts.

Par contre, la Cour de cassation admet les retenues sur salaires dans certaines situations. L'amende (toujours au sens de la jurisprudence) est constituée par une retenue sur salaire non-justifiée par une période d'inactivité ou non-proportionnelle à la durée de cette inactivité. L'employeur peut donc retenir à un salarié le montant des salaires correspondant à un temps d'absence (23). Par exemple, si le salarié arrive avec 10 minutes de retard sur le lieu de travail, 10 minutes de salaire pourront être retenues mais pas une heure.

En dépis de l'interdiction des sanctions pécuniaires par le Code du travail, la jurisprudence considère que les conséquences pécuniaires du déclassement professionnel ne constituent pas une sanction pécuniaire interdite (24). La solution retenue n'est pas particulièrement surprenante dans le sens où la loi interdit les sanctions pécuniaires. La mesure prise dans ce cas par l'employeur n'est pas une sanction pécuniaire mais d'une sanction ayant une conséquence pécuniaire (25).

L'amende fait en revanche partie des sanctions que l'employeur italien peut prononcer à l'égard de son salarié. La solution est expressément prévue par la loi. Le texte prévoit même le montant maximum de l'amende, l'équivalent de la rémunération de quatre heures de travail. Le pouvoir d'affliger une amende est accordé à l'employeur mais il est encadré. L'employeur ne disposera pas en réalité d'une grande liberté de manoeuvre. Le salarié se trouve être ainsi protégé.

C- Modification de la position contractuelle du salarié


En droit français, le déclassement professionnel et le changement d'affection font partie des sanctions disciplinaires classiques. Par contre, il existe une disposition centrale en droit italien en matière de sanction. La liste établie à l'article 7 de la loi n° 300 de 1970 n'a aucun caractère exhaustif. Cependant, avec la prévision de l'interdiction des sanctions impliquant un changement définitif du rapport contractuel le choix de l'employeur se trouve être de toute façon limité. Les hypothèses visées ici sont le déclassement, le blocage de carrière, le transfert prononcé à titre de punition (26).

La règle repose sur le principe général selon lequel le contrat de travail est immuable et indérogeable, à moins que ce soit en faveur du salarié. Toute modification in peius du contrat de travail est sanctionnée par la nullité sur la base de l'article 1418 du Code civil. Même avec le consentement exprès du salarié, la modification serait sanctionnée par la nullité.

La jurisprudence a décidé que la règle selon laquelle ne peuvent pas être prévues des sanctions entraînant un changement définitif du lien contractuel n'implique pas l'interdiction de ce remède quand le fait sanctionnable requière lui-même une telle solution. La jurisprudence retient que le transfert du salarié n'est pas illégitime lorsqu'il a été motivé par le comportement fautif du salarié manifestant une incompatibilité d'humeur avec le contexte de travail (27).

Dans le même esprit, certaines dispositions conventionnelles prévoient la sanction disciplinaire du transfert. Si cette prévision vise les cas où ont été mis en évidence par les parties (employeur et syndicat) un cas de responsabilité considérée, de manière certaine, comme un facteur de désorganisation technique ou de la production, et que le problème peut être résolu par le transfert, celui-ci sera alors considéré comme licite.

Toujours en opposition au principe posé par la loi, le transfert disciplinaire a été considéré comme légitime lorsqu'il intervient en alternative à un licenciement. Dans ce cas le raisonnement est le suivant: le traitement réservé au salarié lui est plus favorable et donc il faut admettre cette situation (28).

D- Principe de non-cumul


Il s'agit du principe selon lequel il n'est possible de sanctionner deux fois la même faute. On examinera l'approche française (1) et l'approche italienne (2) avant de s'intéresser plus particulièrement aux questions de la prescription et de la récidive (3) qui s'avèrent être liées.

1) L'approche française


La loi de 1982 en France n'a pas abordé la question. Par contre, la jurisprudence est depuis longtemps fixée sur ce point. La Cour de cassation déclare que lorsque l'employeur a prononcé une sanction en vue de punir un certain fait, il a épuisé son pouvoir disciplinaire et ne peut donc prononcer une autre sanction pour punir les mêmes faits (29). La jurisprudence est constante en la matière (30).

Il s'agit des cas dans lesquels l'employeur prononce tout d'abord une mise à pied, puis pour les mêmes faits un licenciement. La situation n'est licite que si la mise à pied est une mise à pied conservatoire, parce qu'elle n'aura pas le caractère de sanction, comme il a déjà été expliqué supra. La mise à pied conservatoire ne constitue pas une peine disciplinaire, mais une mesure conservatoire. Elle n'est pas en soi constitutive d'une sanction, elle n'est qu'une phase préalable de la mise en application de la sanction.

Le problème sera alors de savoir si la mesure prise par l'employeur est une mesure conservatoire ou alors une sanction. Ceci dans le but de savoir si la démarche de l'employeur est licite ou non. La jurisprudence donne des éléments, des indices, permettant de qualifier la mise à pied.

Avant tout, il convient de préciser que la licéité de la mesure conservatoire a été consacrée par la loi de 1982. L'article L.122-41 alinéa 3 du Code du travail dispose en effet que lorsque les agissements du salarié ont rendu indispensable une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat, aucune sanction définitive, relative à ces agissements ne peut être prise, sans que la procédure disciplinaire ait été observée". Cette disposition montre bien que la mise à pied conservatoire est prononcée dans l'attente d'une autre sanction, cependant, elle ne doit pas constituer une sanction en elle-même.

Souvent, le problème porte sur sa durée. La mise à pied conservatoire doit être à bref délai suivie de la mise en oeuvre de la procédure disciplinaire. Par contre, il a été décidé que la durée de la mise à pied conservatoire ne peut être considérée comme excessive si elle était nécessaire pour diligenter la procédure de licenciement (31).

En principe, la mise à pied conservatoire n'entraîne pas la privation de salaire correspondante. Il reste admis que le salaire ne soit pas dû lorsque la faute ayant suscité la mesure est une faute grave (32).

Enfin, d'après la Cour de cassation, la mise à pied conservatoire doit être entendue de façon stricte. Il n'y a mise a pied conservatoire que si l'employeur l'a expressément envisagée (33).

2) L'approche italienne de la question


L'ordre juridique italien fait lui aussi application de ce principe. Cependant le problème semble être pris dans l'autre sens. Dans les développements qui suivent sera abordée la question de la récidive. Elle constitue une exception au principe ne bis in idem dans le sens où dans certains cas, il sera admis qu'un fait déjà sanctionné soit pris en considération à l'appui d'une nouvelle sanction.

Dans le système italien, il semble que ce soit plutôt le principe ne bis in idem qui constitue une limite à la question de la récidive. Le principe en cause existe et reste appliqué, mais il ne se trouve pas être aussi souvent invoqué qu'en droit français. Il ne faut pas oublier que le principe nullem crimen sine lege prévaut en droit italien et s'impose à l'employeur lorsqu'il s'agit pour lui de prononcer une sanction disciplinaire. Et ce même si le principe est appliqué de manière relativement laxiste. Dans ces conditions il semble relativement difficile pour l'employeur de prononcer deux sanctions pour un même fait alors qu'un texte lui impose quelle sera la sanction applicable à ce fait. La situation se rencontre pourtant.

3) La prescription de la sanction ou le problème de la récidive



Le fond du problème est en réalité la limite au principe de non-cumul. La question est de savoir jusqu'à quel point il n'est pas possible de tenir compte de faits déjà sanctionnés ou encore d'une sanction déjà prononcée à l'appui d'une sanction qui est sur le point de l'être.

a- Approche française


L'article L.122-44 alinéa 2 du Code du travail dispose que "aucune sanction antérieure de plus de 3 ans à l'engagement des poursuites ne peut être invoquée à l'appui d'une nouvelle sanction". L'interprétation du texte est délicate. Il autorise à prendre en compte ou à tenir compte, à l'occasion d'une nouvelle procédure disciplinaire, des sanctions dont le salarié a déjà fait l'objet dans les trois années précédentes.

Selon certains auteurs (34) on pourrait rapprocher cette disposition du contenu de l'article L. 122-40, en envisageant l'hypothèse de sanctions disciplinaires n'affectant pas immédiatement la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. Il admet implicitement que ces sanctions puissent ultérieurement avoir ce résultat, étant prises en compte lors d'une nouvelle poursuite disciplinaire.

Il s'agit en réalité de la prise en compte d'une hypothèse de récidive. Comme en matière pénale, on se servira du fait que l'intéressé a été sanctionné antérieurement pour aggraver la sanction que l'on entend prononcer pour la commission de nouveaux faits.

Il est possible de faire de même à l'aide d'une faute. Les fautes disciplinaires antérieures peuvent être prises en considération pour l'appréciation de la sanction qui doit être prononcée à l'occasion d'une faute nouvelle. "En sanctionnant plus durement cette dernière faute commise parce qu'elle s'ajoute à d'autres déjà sanctionnées, l'employeur ne prononce pas plusieurs peines successives pour le même fait, mais aggrave la peine de la dernière faute en fonction de l'attitude passée du salarié".

C'est ce que décide la Cour de cassation à propos de l'appréciation de la faute grave privative des indemnités de rupture du contrat de travail. Elle déclare: "le dernier manquement professionnel permet aux juges du fond de retenir l'ensemble des précédents, même s'ils avaient été sanctionnés en leur temps, pour apprécier la gravité des faits reprochés au salarié (35). La Cour de cassation a encore décidé "qu'une nouvelle faute permet à l'employeur d'invoquer celle commise antérieurement et qui avait fait l'objet d'un avertissement" (36).

Quoi qu'il en soit le législateur a instauré un droit à l'oubli , avec ce système de prescription de la sanction. Par l'effet du temps il ne sera plus possible de tenir compte de certaines sanctions, à quelque titre que ce soit.

b- Approche italienne


L'article 7 alinéa 8 de la loi de 1970 dispose que les sanctions disciplinaires ne peuvent plus avoir aucun effet au-delà du délai de deux ans de son prononcé. Cette disposition a consacré implicitement l'importance de la récidive dans le contexte disciplinaire. Dans le délai de deux ans, les sanctions déjà appliquées peuvent être utilisées dans le but de pouvoir prononcer une sanction plus sévère à l'encontre du dernier fait reproché. Il est encore possible d'utiliser une sanction antérieure pour justifier une sanction considérée comme sévère.

La législation sur la récidive prévoit comme faute disciplinaire une conduite complexe, constituée d'éléments individuels manquatoires à la discipline, certains d'entre eux ayant déjà été sanctionnés par l'employeur. Par contre, il ne serait pas possible d'invoquer à l'appui d'une sanction une autre sanction qui a fait l'objet d'une annulation en justice pour disproportion par rapport au fait commis (37).

En matière de contestation (38), la mention dans l'acte du mot "récidive" n'est pas essentielle. La référence aux précédents disciplinaires est suffisante, sans qu'ils soient nécessairement indiqués de manière analytique. Un renvoi fait en forme générique est suffisant pour le salarié afin de lui garantir le meilleur exercice de ses droits de la défense. Celui-ci ne peut pas ignorer ses antécédents disciplinaires, qui supposent de toute façon une communication personnelle (39).

La communication par écrit du fait reproché au salarié, dite contestation, n'est pas nécessaire quand la récidive intervient comme un véritable critère d'évaluation de la gravité de sanction appliquée. Il s'agit des cas dans lesquels la référence aux antécédents ne constitue pas une cause autonome de la sanction, mais elle est faite dans le but de justifier la proportionnalité de la sanction des derniers agissements (40).

Il peut être fait de même pour les faits allégués de manière tardive. Bien que la lettre du texte reste rigoureuse, l'écoulement du délai de deux ans n'empêche pas la prise en compte de certaines sanctions afin de certifier la nature et la consistance des nouveaux faits reprochés, c'est-à-dire des circonstances qui viennent confirmer la gravité du fait reproché et qui permettent d'apprécier la proportionnalité entre la sanction et la faute. Le rôle de la sanction antérieure n'est plus d'aggraver la sanction actuelle mais d'évaluer sa gravité et de la comprendre.

Une fois que la sanction a été appliquée pour chacune des fautes commises par le salarié, en application du principe ne bis in idem, l'employeur ne peut évaluer successivement une nouvelle fois et de façon séparée tous les précédents et infliger une sanction nouvelle et plus grave, qui sera généralement un licenciement. En effet, avec l'adoption des sanctions singulières le pouvoir disciplinaire est désormais consommé et seulement un fait nouveau significatif du point de vue disciplinaire peut consentir la production des effets de la récidive.

La violation du principe ne bis in idem ne se vérifie pas si l'exercice du pouvoir disciplinaire concerne des faits qui pourtant de la même nature que ceux déjà sanctionnés seront considérés comme différents de part les circonstances particulières de temps et de lieu (41).

Il faut encore faire observer que si l'employeur entend se servir d'antécédents disciplinaires, il reste soumis au principe de proportionnalité, c'est-à-dire que la sanction choisie doit être la sanction adéquate par rapport au fait commis.

§ III : Les droits du salarié licencié


Le licenciement a la particularité de s'accompagner de droits au bénéfice du salarié. Ils vont réellement de pair avec la sanction elle-même. Il ne s'agit plus de droits dont le salarié jouit avant d'être sanctionné comme c'était le cas jusqu'à maintenant. Le fait de faire l'objet de cette sanction fait bénéficier le salarié de certains avantages.

A- Approche française


Si l'on reprend les différentes fautes mises en évidence par la Cour de cassation les droits du salarié sont les suivants. Si le salarié est licencié pour faute lourde, il n'aura aucun droit, il ne pourra faire valoir aucune prétention.

Au salarié à qui on reproche une faute grave, sera dû l'indemnité de congés payés. En cas de faute réelle et sérieuse (c'est-à-dire la faute la moins grave sanctionné par le licenciement), le salarié aura droit à une indemnité de congés payés et une indemnité de licenciement. Cependant ce n'est pas tout. La période de préavis devra être respectée.

Concrètement, la sanction est prononcée, mais le rapport contractuel se prolonge pour un temps défini en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise. Il s'agit pour le salarié de ne pas être privé de manière brutale de son emploi. Si l'employeur entend dispenser le salarié de l'exécution du préavis il devra lui verser une indemnité équivalente aux salaires qui auraient dû être versés pendant la période de préavis.

Par ailleurs, les conventions collectives prévoient que l'employeur devra accorder des permis journaliers afin de retrouver un autre emploi. Elles prévoient en général que le salarié bénéficiera de deux heures par jour.

B- L'approche italienne


L'article 3 de la loi 604/1966 dispose que l'employeur doit octroyer un préavis au salarié au cours duquel le rapport contractuel se poursuit régulièrement. Le préavis ne devra pas être respecté lorsque le licenciement est prononcé pour juste cause, c'est-à-dire lorsque se vérifie un motif de licenciement qui ne consent plus la poursuite du rapport contractuel même pendant la période de préavis (article 2119 du Code civil).

De la même manière qu'en droit français, on laissera au salarié au cours du préavis, la possibilité de bénéficier de permis afin de rechercher un emploi. L'employeur italien peut lui aussi dispenser le salarié de la période de préavis. Il devra cependant verser au salarié une indemnité d'un montant équivalent aux salaires qu'il aurait dû verser au cours de la période de préavis.

D'autre part, un traitement de fin de rapport est dû au salarié. Il est dû dans tous les cas de licenciement et a fortiori dans le cas de licenciement disciplinaire. Il sera en outre dû dans tous les cas de licenciements disciplinaires quel que soit le fait reproché au salarié. Cette indemnité sera calculée sur la base de l'ancienneté du salarié.

Section II : la procédure disciplinaire


Plus qu'un droit pour le salarié, il s'agit d'une véritable obligation pour l'employeur, à défaut de laquelle la sanction disciplinaire ne serait pas valable (42). Il se trouve que le droit disciplinaire entre dans le domaine des peines privées, d'où la nécessité de donner certaines garanties au salarié: une personne physique est en mesure (et même en droit) d'infliger une peine à une autre personne physique. Pendant longtemps (jusqu'en 1970 en Italie et 1973 en France), cette situation n'a posé de problème au législateur ni même à la jurisprudence (43). Aujuourd'hui par contre, le souci est désormais de garantir le salarié contre l'arbitraire de l'employeur. Le moyen de parvenir à cette fin est la mise en place d'une procédure, comparable à celles qui sont connues en droit pénal avant que ne soit prononcée la sanction pour que soient préservés les droits fondamentaux du salarié.

Compte tenu d'un tel objectif, la procédure disciplinaire est d'application générale. C'est-à-dire que la procédure doit être suivie par l'employeur dans toutes les entreprises. L'effectif n'est pas un critère à prendre en compte dans la mise en oeuvre de la procédure disciplinaire. Elle doit être suivie quelle que soit la sanction que l'employeur envisage de prononcer. Si la gravité de la sanction peut avoir une incidence sur la complexité de la procédure (44), en tout état de cause une procédure disciplinaire doit être observée . Par ailleurs, la procédure légale n'exclut pas la mise en oeuvre des procédures conventionnelles si elles aboutissent à donner au salarié des garanties supplémentaires, sans qu'elles puissent toutefois se substituer à la procédure légale (45).

Il faudra distinguer la procédure applicable à tout salarié, et celle applicable aux représentants du personnel (S/Section II) qui bénéficient d'une meilleure protection que celle conférée par le droit commun (S/Section I).

§ I : la procédure de droit commun


Il serait plus juste en droit français (A) de parler des procédures de droit commun qui présentent une rigidité beaucoup plus grande que peut présenter la procédure italienne (B).

A- L'approche française de la procédure disciplinaire


Le droit français connaît une procédure simplifiée (1) et une procédure normale (2). La procédure disciplinaire normale est calquée sur la procédure du licenciement individuel.

1) La procédure simplifiée


Lorsque l'employeur envisage de prononcer une sanction mineure, c'est-à-dire une sanction qui n'aura pas d'incidence sur la présence du salarié dans l'entreprise, ou bien sur sa fonction ou sur sa carrière, il sera seulement tenu d'informer le salarié par écrit des griefs formulés contre lui au moment où il lui inflige une sanction. De manière générale, il s'agira d'un avertissement. Ces éléments ressortent de l'article L.122-41 du Code du travail.

La jurisprudence précise en outre que l'employeur n'a pas à faire de distinction entre les avertissements qui ont une incidence sur la carrière du salarié et ceux qui n'en ont pas (46). En conséquence, l'avertissement fera toujours l'objet d'une procédure simplifiée.

2) la procédure normale


Chaque fois que l'employeur envisage de prononcer une sanction ayant une incidence, immédiate ou non, sur la présence du salarié dans l'entreprise, sur sa fonction, sa carrière ou sa rémunération, la procédure à suivre est plus longue et plus élaborée. Plus protectrice des droits du salarié pourrait-on encore dire, dans le sens où la garantie conférée au salarié est plus stricte. L'article L.122-41 du Code du travail institue une procédure disciplinaire qui se propose de garantir le salarié contre l'arbitraire. La procédure légale comporte deux obligations à la charge pour l'employeur: l'obligation de convoquer le salarié à un entretien préalable (a), et l'obligation d'une notification écrite et motivée qui s'applique à toute sanction (b) (47).

a- L'entretien préalable


Il ressort de la jurisprudence que l'entretien est obligatoire dans le cadre de la procédure normale (48). L'employeur ne peut pas suppléer à la procédure prévue par le Code du travail en procédant à un entretien informel dans la mesure où les garanties qui s'attachent à l'entretien prévu par la loi ne sont pas respectées (49). On distinguera deux phases relatives l'entretien: la convocation à l'entretien et le déroulement de l'entretien.

* La convocation à l'entretien préalable

Première étape de la procédure disciplinaire. L'employeur doit convoquer le salarié à un entretien, au terme de l'article L.122-41. Cette convocation doit être écrite et préciser l'objet, la date, l'heure et le lieu de l'entretien. La jurisprudence précise à ce sujet que le salarié doit avoir toute facilité pour se rendre à l'entretien, et ce pendant le temps de travail même pour un salarié travaillant à temps partiel (50).

L'article R.122-17 précise en outre qu'elle doit impérativement mentionner la possibilité pour le salarié de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. En l'absence de représentants du personnel, l'employeur doit indiquer que le salarié peut se faire assister par un conseiller extérieur figurant sur une liste établie par le préfet.

Il s'agit d'un véritable droit à la représentation au bénéfice du salarié qui est aménagé par le biais de cette assistance. Le Code du travail organise les droits de la défense du salarié dans le cadre de la procédure disciplinaire. Cette disposition n'en est qu'un aspect, dans le sens où la disposition cherche à ce qu'il soit assuré lors de l'entretien. Si le salarié sait qu'il dispose de cette prérogative, il est fort probable qu'il en usera lors de l'entretien. L'idée est qu'il faut protéger le salarié contre la puissance de l'employeur, d'où la nécessité de l'obligation d'information mise à la charge de l'employeur.

Le salarié doit être suffisamment avisé de la mesure envisagée à son encontre pour qu'il puisse préparer sa défense (51). Le salarié doit savoir qu'il pourra faire l'objet d'une sanction mais la lettre ne doit pas dire que la sanction est acquise. La lettre de convocation n'a pas à énoncer les motifs de la mesure envisagée ni les faits reprochés (52).

La convocation doit être remise en mains propres contre décharge ou par lettre recommandée. L'employeur doit être en mesure de prouver qu'il a satisfait à son obligation. L'article R.122-17 précise encore que cette remise doit intervenir dans le délai de deux mois prévu à l'article L.122-44 du Code du travail, qui est le délai de prescription de la faute (53).

A noter que le licenciement disciplinaire relève de la procédure du licenciement pour cause personnelle. La procédure est identique à la procédure disciplinaire: convocation à un entretien préalable, notification par lettre recommandée avec avis de réception. Selon la Cour de cassation, la convocation à l'entretien doit préciser que l'objet de l'entretien portera sur un éventuel licenciement (54). En application de l'article L. 122-14-1 du Code du travail, l'employeur est tenu d'énoncer les motifs du licenciement dans la lettre notifiant le licenciement.

Les dispositions légales ne prévoient pas de délai entre la convocation à l'entretien et l'entretien, cependant ce délai doit être suffisant pour que le salarié ait le temps de préparer cet entretien selon la jurisprudence (55). L'article L.122-14 applicable en matière de procédure de licenciement individuel précise que le délai entre la convocation et l'entretien doit être au minimum de cinq jours s'il n'existe pas de représentants du personnel dans l'entreprise. Si l'entreprise en dispose la jurisprudence parle d'un délai raisonnable, évalué au minimum à deux ou trois jours.

* L'entretien préalable

L'article L.122-41 alinéa 2 dispose que l'employeur doit indiquer le motif de la sanction envisagée et recueillir les explications du salarié. Il est tenu de se rendre à la convocation. S'il s'y rend, il aura le droit de se faire représenter par un membre de l'entreprise. Il s'agit du droit de la défense du salarié, lequel droit se trouve être doublé d'un droit à la représentation.

L'employeur ou son représentant est tenu d'indiquer le ou les motifs de la sanction envisagée et de recueillir les explications du salarié. Cependant la jurisprudence précise qu'il ne peut se faire assister que par une seule personne. Elle devra appartenir au personnel de l'entreprise (56). Originairement, l'assistance de l'employeur n'était pas prévue, mais la jurisprudence l'a admise à condition "qu'elle soit utile pour le déroulement de l'entretien et qu'elle (l'assistance) ne se transforme pas en tribune d'accusation, et qu'elle soit assurée par un membre de l'entreprise" (57).

Le mot "utile" utilisé par la jurisprudence signifie que seules sont admises pour assister l'employeur, des personnes dont la présence est indispensable. Il ne faut pas non plus que l'entretien ne se transforme en enquête (58). Ce qui sous-entend l'interdiction d'assistance multiple. La présence de l'avocat est elle-même exclue.

La loi limite la possibilité pour le salarié de se faire assister par un conseiller extérieur à l'entreprise aux seuls licenciements. Cette possibilité ne peut donc s'exercer pour un entretien préalable à une sanction disciplinaire autre qu'un licenciement (59). En revanche, la possibilité pour l'employeur de se faire assister par une personne extérieure à l'entreprise est totalement exclue (60). En ce qui concerne le choix de la personne de l'entreprise qui le représentera, il ressort de la jurisprudence que l'employeur est libre dès lors que les droits du salarié ne se trouvent pas être lésés (61).

Lors de cet entretien, le salarié dispose d'une grande liberté d'expression. La Cour de cassation a admis que des propos injurieux tenus lors de l'entretien, ne peuvent pas justifier un licenciement (62).

b- La notification écrite de la sanction


A la fin de l'entretien, l'employeur ne peut pas prononcer immédiatement une sanction. Il doit respecter le délai d'un jour franc avant de prendre sa décision. Par contre sa décision doit intervenir dans le délai d'un mois qui suit le jour fixé pour l'entretien. Selon la jurisprudence, il s'agit d'une règle de fond. Son expiration interdira à l'employeur aussi bien de convoquer le salarié à un nouvel entretien préalable pour les mêmes faits que de sanctionner disciplinairement ces faits, sauf si entre temps une procédure imposée par une disposition conventionnelle a été mise en oeuvre (63).

La Cour de cassation admet que la mise en oeuvre d'une procédure conventionnelle plus défavorable que la procédure légale puisse justifier une dérogation au délai d'un mois. Ainsi, elle a admis qu'était régulier le licenciement prononcé plus d'un mois après l'avis rendu par une commission dont la convention collective imposait à l'employeur d'attendre l'avis, dès lors que cette procédure conventionnelle a été mise en oeuvre dans le délai d'un mois après l'entretien préalable (64).

A propos de l'application du délai d'un mois entre l'entretien préalable et la notification de la sanction, la Cour de cassation en 1995 est revenue sur sa position antérieure en considérant que dans le cadre d'un licenciement pour faute disciplinaire, les dispositions de l'article L. 122-41 du Code du travail relatives au délai maximum d'un mois entre l'entretien préalable et la notification du licenciement sont applicables. A défaut, la procédure irrégulière et le retard dans le prononcé du licenciement privent l'employeur du droit d'invoquer une faute grave (65).

Si sanction il y a, elle doit faire l'objet d'une décision écrite et motivée, selon les dispositions des articles L.122-41 et R.122-18. La jurisprudence précisait que "la motivation doit être suffisante pour permettre au salarié de reconnaître la nature des faits qui lui sont reprochés et qui sont sanctionnés (66), et en tout cas la seule référence à l'entretien préalable ne constitue pas une motivation suffisante" (67).

L'employeur devait indiquer précisément les motifs de la sanction envisagée (68). Il s'agissait tout au moins de la solution imposée par la Cour de cassation jusqu'en 1995, date à laquelle la Chambre sociale a modifié sa position (69). Elle a en effet décidé que la lettre de licenciement qui reproche à un salarié d'avoir commis des indélicatesses énonce un motif précis. En l'espèce, la salariée avait été licenciée. La lettre de licenciement indiquait seulement qu'il lui était reproché des "indélicatesses". La Cour d'appel avait relevé que cette seule énonciation dans la lettre de licenciement de ses "indélicatesses" ne caractérisait pas une cause réelle et sérieuse de licenciement, en conformité avec la jurisprudence antérieure. Elle avait en outre refusé d'examiner les justifications produites par l'employeur. La Chambre sociale a cassé l'arrêt en précisant que "la lettre de licenciement qui reproche à un salarié d'avoir commis des indélicatesses énonce un motif précis, et il appartient au juge du fond de vérifier la réalité et le sérieux des faits sur lesquels il se fonde, la Cour d'appel qui n'a pas procédé à cette recherche, n'a pas légalement justifié sa décision". On peut s'étonner de cette décision de la Cour de cassation qui a tendance à mettre en retrait les garanties conférées au salarié. Les commentateurs de l'arrêt ont cherché à expliquer cette solution (70). Elle pourrait s'expliquer par le souci de préserver la liberté de défense de l'employeur. Elle pourrait encore se justifier par la volonté de renforcer la mission du juge dans l'examen des motifs de licenciement.

Reste que cette solution conduit à affaiblir la situation du salarié en matière de preuve. Le droit à la preuve du salarié l'autorise à exiger la production des preuves sur lesquelles se fonde l'employeur pour prononcer le licenciement. De part l'admission d'une telle solution il se trouve être privé, tout au moins partiellement, de ce droit. La Cour de cassation a fait reculer les limites du pouvoir disciplinaire de l'employeur.

Il convient de préciser par ailleurs que l'employeur ne peut invoquer pour justifier une sanction un fait distinct de celui invoqué à l'appui de l'exercice du pouvoir disciplinaire (71). Il ne semble pas que la décision du 3 mai 1995 ait eu une incidence sur la position de la jurisprudence sur ce point. Il est à souhaiter qu'une telle solution soit en tout cas maintenue dans la mesure où la procédure cherche à assurer les droits de la défense du salarié. Sanctionner le salarié pour d'autres motifs reviendrait à l'en priver.

B- L'approche italienne de la procédure disciplinaire


La procédure disciplinaire est prévue à l'article 7 de la loi 300/1970. Elle présente une procédure comparable à la procédure française, avec surtout des objectifs similaires: donner la plus grande garantie à la personne qui sera sanctionnée. Cet article dispose que la sanction ne peut pas être prononcée sans que l'information ne soit donnée préalablement au salarié et qu'il n'ait eu la possibilité de présenter sa défense (alinéa 2). "Le prononcé d'une sanction disciplinaire doit être précédé de la contestation des faits reprochés et de l'audition de la défense de l'intéressé".

On distinguera deux phases. Tout d'abord, l'employeur devra informer le salarié de son intention (1), il s'agit d'une véritable obligation pour l'employeur. Ensuite, la phase au cours de laquelle le salarié pourra présenter sa défense (2), elle aura un caractère facultatif.

1) L'information du salarié ou la lettre de contestation


L'employeur doit faire savoir au salarié, immédiatement et spécifiquement, qu'un fait lui est reproché, et qu'une mesure est envisagée contre lui. Il s'agit de la contestation.

Trois caractères sont à mettre en évidence dans la contestation et en l'absence desquels la procédure n'est pas valable: spécificité, caractère immédiat, immutabilité.

*le caractère immédiat de contestation

Entre le moment où l'employeur a eu connaissance du fait et le moment où il est contesté au salarié ne peut s'écouler plus que le temps raisonnablement nécessaire au chef d'entreprise pour décider de mettre en oeuvre la procédure disciplinaire. L'amplitude de ce laps de temps dépendra du fait reproché et de la structure de l'entreprise (72).

Entre le fait contesté et la sanction il doit exister un lien de causalité. Ce lien de causalité exige une réaction rapide de la part de l'employeur. Seule une contestation immédiate peut garantir une défense effective pour le salarié. L'esprit d'une telle condition est concentré dans cette considération. Le caractère immédiat est toujours entendu dans un sens relatif, c'est-à-dire évalué selon les circonstances du cas concret (73). Il faudra aussi tenir compte des facteurs objectifs particuliers de l'espèce (nombre de salariés concernés, la particularité de la faute impliquant une enquête, vérifier la définition concrète du fait, la complexité de l'organisation de l'entreprise).

Il a été décidé que ne justifie pas le retard de la contestation la circonstance selon laquelle les supérieurs hiérarchiques du salarié aient omis de porter à la connaissance du chef d'entreprise les faits reprochés: le dysfonctionnement de l'organisation interne ne saurait causer un dommage au salarié (74).

Le caractère immédiat de la réaction de l'employeur semble en jurisprudence prendre une dimension fondamentale sur la validité de la procédure, la Cour de cassation a même décidé que son absence pourrait être relevé d'office (75).

Le but de la contestation est de donner certitude et immutabilité au contenu de la faute et de fixer sans équivoque le point de départ du délai que l'employeur devra respecter avant de prononcer effectivement la sanction. La lettre de contestation doit être précise et circonstanciée, afin que le salarié sache de quoi, il est accusé. La communication écrite contenant la contestation de l'employeur doit être envoyée au domicile de l'intéressé. Elle produit effet à partir du moment où elle est portée à la connaissance de la personne à qui elle est envoyée (76). Il est présumé que l'information est parvenue au destinataire dès qu'elle est arrivée à son adresse (77). Le salarié est toujours en mesure de démontrer qu'il ne pouvait pas avoir accès à l'information à la date fixée par la présomption.

*la spécificité de la contestation

La contestation doit se faire par écrit, c'est ce qui ressort de l'article 7 et de la jurisprudence (78). En revanche, aucune modalité particulière dans la remise n'est exigée. Ainsi, sont admises les remises en main propre, par lettre recommandée ou par l'intermédiaire d'un mandataire. La remise sera présumée être faite si le destinataire a refusé de recevoir la lettre recommandée et si ce refus a été confirmé par le service postal (79). La spécificité implique nécessairement que l'employeur conteste les comportements reprochés en précisant le lieu et le moment où les faits se sont déroulés afin que le salarié puisse exactement mettre en évidence les faits et préparer le plus justement possible sa défense. Le simple fait de rappeler la faute commise ne serait pas suffisant (80). La spécificité s'appréciera par rapport à la motivation du texte de la contestation (indication du jour et de l'heure de la commission du fait, nombre de faits reprochés, lieux d'exécution, la durée, relation entre le temps et l'espace) (81).

Par contre, le principe de spécificité ne comporte pas l'obligation de rendre compte au salarié de la norme légale ou contractuelle violée (82), ni même de la mesure dont il fera l'objet, à moins que ceci soit imposé par la convention collective (83). Contrairement à la solution admise en droit français, l'employeur peut indiquer dans la lettre de contestation que la sanction est de toute façon acquise (84). On estime que rien empêche que l'employeur puisse changer d'avis lorsqu'il aura reçu les explications du salarié. Enfin, si l'employeur a indiqué une certaine sanction dans la lettre de contestation il lui sera interdit ensuite de prononcer une sanction plus grave que celle indiquée (85).

La contestation est valable dès lors qu'elle apparaît concrètement de nature à réaliser le résultat poursuivi par la loi, c'est-à-dire consentir une défense adéquate au salarié. L'information transmise au salarié doit mettre en évidence les faits reprochés avec une précision suffisante. Ce qui peut encore être fait de manière synthétique à fin qu'il n'en résulte aucune incertitude en ce qui concerne les questions sur lesquelles le salarié sera amené à apporter sa défense (86).

La Cour de cassation précise en outre que la théorie selon laquelle l'acte de procédure ne peut être déclaré nul lorsqu'il a atteint son but, ne peut trouver application dans ce contexte. Le caractère générique de l'information communiquée au salarié ne peut pas être purgée de son vice par la présentation de sa défense par le salarié (87).

*l'immutabilité de la contestation

Au caractère immédiat de la contestation, a été ajouté le caractère d'immutabilité des faits reprochés. Ce qui correspond au minimum de garanties pour satisfaire le principe du contradictoire de la défense d'après la Cour de cassation (88).

La sanction ne peut pas être prononcée pour une raison différente de celle énoncée dans la lettre de contestation. L'immutabilité signifie que le fait pour lequel la procédure disciplinaire a été entamée délimite la matière dans son contenu pour un éventuel recours judiciaire, au cours duquel il ne sera pas possible d'introduire des faits nouveaux ou différents de ceux reprochés. A la rigueur, d'autres faits pourraient être pris en compte pour évaluer la gravité de la faute (89). Le principe confère au salarié une garantie évidente, déjà soulignée en droit français. L'objectif étant de permettre au salarié de construire sa défense, si d'autres faits lui sont ensuite reprochés, il ne serait plus à même de se défendre.

L'immutabilité des faits contestés ne se confond pas avec la qualification juridique qui reste à la complète disposition des parties et du juge (90).

2) La défense du salarié et notification de la sanction


"Les sanctions plus graves que le reproche verbal ne peuvent pas être prononcées avant que ne se soient écoulés cinq jours depuis la remise de la lettre de contestation" (91). Le délai fixé n'est pas seulement un délai dans lequel le salarié doit présenter sa défense mais encore un délai minimum avant l'expiration duquel l'employeur ne peut pas prononcer sa sanction.

*le délai en cause

L'employeur ne peut pas prononcer la sanction avant que ne se soient écoulés cinq jours depuis le moment où il a signifié par écrit les faits reprochés au salarié. Si l'on applique le texte à la lettre, l'employeur doit toujours attendre 5 jours, quelle que soit la date à laquelle le salarié présente sa défense. On observe que la période d'attente veut dire une pause de réflexion pour l'employeur, pour éviter qu'il ne prenne une décision à chaud, et de toute façon, le salarié doit être en mesure de pouvoir préparer sa défense pendant ce laps de temps (92).

En revanche le texte ne prévoit pas un délai dans lequel l'employeur doit prononcer la sanction disciplinaire. Les conventions collectives sont intervenues en la matière pour colmater la brèche. La jurisprudence a décidé qu'en l'absence de prévisions conventionnelles, un délai raisonnable devra être observé (93).

Par ailleurs, l'article 7 ne prévoit aucune obligation à la charge de l'employeur en ce qui concerne la motivation de la sanction disciplinaire qui tienne compte des éléments de défense apportés par le salarié. La jurisprudence a ainsi retenu que le processus de formation de la volonté du chef d'entreprise n'a pas d'importance sur le plan juridique, en excluant qu'il doive faire état des raisons pour lesquelles n'a pas été accueillie l'argumentation tendant à disculper le salarié (94). Cependant la contestation judiciaire de cette situation n'est pas exclue (95).

En revanche, si le code disciplinaire ou la convention collective prévoit l'obligation pour l'employeur de motiver sa décision, l'inobservation de cette disposition constituant une violation d'une obligation de forme conventionnelle, entraînera la nullité de la sanction disciplinaire. On affirme en doctrine que le contenu de la motivation de la sanction ne peut pas se limiter au contenu de la lettre de contestation mais doit tenir compte de la défense du salarié.

*la défense du salarié

Après avoir fait savoir au salarié ce qu'il lui reproche, l'employeur doit lui laisser la possibilité de se défendre. Plus justement, il s'agira d'inviter le salarié à se manifester, s'il le désire. L'employeur a l'obligation d'auditionner le salarié si et seulement s'il en fait la demande. D'ailleurs, la lettre de contestation ne doit pas nécessairement contenir la mention selon laquelle le salarié bénéficie de ce droit (96), comme c'est le cas en droit français. Si le chef d'entreprise doit entendre oralement le salarié s'il en fait la demande, il peut recevoir ses éventuelles justifications écrites sans devoir l'inviter à présenter sa défense orale (97).

La présentation d'une défense écrite ne fait pas obstacle à une ultérieure présentation orale. Selon les termes de la Cour de cassation il n'y a pas dans ce cas consommation du droit (98).

En substance, et contrairement à la solution française, l'employeur n'a pas le devoir de consentir l'effectivité du droit de la défense , en retardant l'adoption de la sanction. Si au-delà du cinquième jour, il n'a pas reçu la défense du salarié il peut prononcer la sanction, quoi qu'il en soit. Une fois que le salarié a formulé sa demande, l'employeur doit fixer une date pour l'entretien et en faire part au salarié. Par contre, il ne sera pas tenu, lors de l'entretien, de l'inciter à présenter sa défense ou d'exposer oralement les raisons de son acte (99). Quant au lieu où doit se dérouler l'entretien, il semble qu'il ne puisse pas être différent de celui où l'unité productive a son siège (100).

Le salarié aura la possibilité de se faire assister (article 7 alinéa 3): "le salarié pourra se faire assister par un représentant du syndicat auquel il adhère ou donne mandat". Le représentant du salarié pourra être un membre de l'entreprise, généralement choisi parmis les représentants syndicaux de l'entreprise ou encore extérieur à l'entreprise. Par contre, il a été retenu illégitime le recours à un membre d'une profession libérale (avocat ou conseiller juridique en matière de droit du travail) pour assurer l'assistance et la représentation du salarié (101). En ce qui concerne l'élaboration de ses justifications écrites, le salarié ne semble pas rencontrer de limite (102).

Il a été retenu que si l'entretien ne peut pas avoir lieu, pour cause d'indisponibilité du salarié (pour cause de maladie), ayant droit à présenter sa défense dans des conditions physiques normales, la maladie constitue un juste motif à sa non-présentation à l'entretien. Le salarié devra apporter la preuve de son impossibilité physique à participer à l'entretien. Si la sanction est prononcée alors que le salarié a apporté la preuve de cette impossibilité, la sanction sera considérée comme nulle pour violation du principe du contradictoire (103).

L'article 7 prévoit une ultime (et éventuelle) phase dans le processus disciplinaire avec la procédure arbitrale (V. Section III développements à ce sujet).

3) Les particularités du licenciement disciplinaire


Les moments essentiels de la procédure restent l'affichage préalable du code disciplinaire; la contestation par écrit des faits reprochés au salarié par l'employeur; l'octroi d'un délai au salarié pour préparer sa défense. Enfin la prévision de réflexion de cinq jours, entre la contestation des faits et l'application de la sanction. La procédure arbitrale ne trouve pas application dans les cas de licenciements disciplinaires.

C- Conclusions comparatives


La procédure disciplinaire française est très rigide. C'est un fait. L'employeur est tenu de respecter des délais, des étapes qui constituent eux-mêmes la procédure et à défaut desquels la sanction elle-même ne serait pas valable. Le système français cherche d'une part à conférer des droits au salarié, dans le cadre de la procédure judiciaire. Il s'agit tout d'abord du droit à la procédure elle-même. Ce qui ne va pas forcément de soi lorsque l'on pense qu'il s'agit d'une institution relative relativement récente, que ce soit en droit français comme en droit italien.

Ensuite, le plus gros souci certainement est de permettre au salarié d'assurer sa défense. On va lui donner la possibilité de le faire, on lui laissera le temps et l'espace à cette fin. Pour qu'elle soit assurée le mieux possible, on lui confère aussi le droit de se faire assister et représenter. Sans trop entrer dans les détails des possibilités offertes au salarié et pour résumer, on s'en tiendra à la généralité qui est celle du recours au représentant syndical. Personnage mieux informé, plus au fait des droits et libertés du salarié, et surtout avec une certaine expérience de ces procédures, capable d'affronter dans de meilleures conditions la situation et peut-être la mauvaise fois de l'employeur.

Outre le fait d'avoir conféré ces droits au salarié, le législateur a voulu qu'ils lui soient garantis. Comment? La solution était simple, il suffisait de faire reposer la charge de cette garantie sur le metteur en scène de la procédure, à savoir l'employeur lui-même. Il doit faire en sorte, que tous les droits du salarié soient respectés. Il doit organiser l'entretien préalable en temps et en heure pour que le salarié puisse assurer sa défense. Il doit l'informer expressément qu'il a le droit de se faire assister et représenter pour assurer cette défense. Le système est verrouillé, l'employeur est lié, obligé parce qu'en l'absence de ces éléments, la sanction disciplinaire ne serait pas valable.

On rejoint ici le point de divergence fondamental entre les deux systèmes juridiques en matière de procédure disciplinaire. Je reste convaincu, en dépis des mots utilisés dans la loi, que la procédure disciplinaire en Italie confère des droits mais en aucun ne cherche à les garantir. On parle de garantie, alors qu'en réalité on se contente d'énoncer.

Certes les droits du salarié sont affirmés: "l'employeur ne peut pas prononcer la sanction disciplinaire sans avoir entendu les explications du salarié.....il pourra à cette fin se faire assister....". Mais rien n'est fait pour que l'effectivité de ces droits soit assurée. L'employeur n'a qu'une obligation au fond: informer le salarié qu'il a l'intention de prononcer une sanction contre lui, et pourquoi, ensuite il peut se contenter d'attendre.

Bien sur, on lui impose de justifier suffisamment le pourquoi de son intention pour que le salarié puisse assurer sa défense dans les meilleures conditions. Ce qui est à mon sens, sans compter sur la faiblesse du salarié, peu informé, qui n'est pas au fait des droits dont il bénéficie. Je crois qu'en réalité une grande part est laissée aux syndicats, dont le rôle est de soutenir le salarié, et peut-être d'assurer les garanties qui manquent dans la procédure.

Il faut aussi observer qu'une procédure aussi rigide que la procédure française ne pourra que difficilement conférer une protection parfaite au salarié. Lorsque l'on pense à toutes les manoeuvres possibles pour l'employeur, notamment dans les petites structures, qu'il pourra mettre en oeuvre pour se séparer d'un salarié indésirable, au besoin en se servant de la procédure contre lui, alors qu'à l'origine elle devait constituer un droit pour lui.

Enfin, on peut déplorer cette nouvelle orientation de la jurisprudence française, qui s'avère être désormais peu exigeante par rapport au contenu de la lettre de licenciement, ce qui revient à priver le salarié de certains droits et qui rendra son action en justice plus difficile.

Quoi qu'il en soit cette procédure conserve toujours un but qui est celui de prononcer la sanction, qui en réalité est l'unique fin de l'employeur au terme de la procédure disciplinaire.

§ II : la procédure applicable aux représentants du personnel


L'importance de la protection de ces salariés dans l'entreprise a déjà été soulignée. A travers elle il s'agit de protéger les droits de l'ensemble des salariés. L'idée est qu'il faut assurer la protection de la généralité avant de parvenir à la protection du particulier. On examinera tout d'abord le système de protection en droit français (§ I), puis en droit italien (§ II).

A : la procédure française


L'article L. 436-1 dispose que "tout licenciement envisagé par l'employeur d'un membre titulaire ou suppléant du comité d'entreprise ou d'un représentant syndical est obligatoirement soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement. Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement".

Les dispositions législatives relatives au licenciement des salariés investis de fonctions représentatives ont institué au profit des salariés mentionnés et dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs une protection exorbitante du droit commun qui interdit par suite de poursuivre par d'autre moyen la résiliation du contrat de travail. Il n'est pas possible d'ailleurs d'obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail d'un salarié protégé.

Le licenciement de tout salarié protégé est subordonné à l'autorisation préalable de l'inspecteur du travail. Si le licenciement vise un délégué syndical ou un ancien délégué syndical, l'autorisation est directement demandée par l'employeur à l'inspecteur du travail. Pour les autres salariés protégés, l'employeur doit, avant de saisir l'inspecteur du travail, consulter le comité d'entreprise sur le licenciement envisagé. Dans tous les cas, le licenciement ne peut intervenir qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail .

En cas de faute grave du salarié protégé, l'employeur peut le mettre à pied immédiatement, dans l'attente de la décision de l'inspecteur du travail.

L'inspecteur du travail doit faire connaître sa décision dans un délai de 15 jours, 8 en cas de mise à pied, à compter de la réception de la demande de l'employeur. Il procède à une enquête contradictoire, c'est-à-dire qu'il entend l'employeur et le salarié séparément. Le salarié peut lorsqu'il est entendu, se faire assister par un représentant de son syndicat. La décision de l'inspecteur du travail est notifiée à l'employeur et au salarié.

Il ressort de la jurisprudence du Conseil d'Etat que l'inspecteur du travail doit rechercher si les faits reprochés au salarié ne sont pas en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l'appartenance syndicale de l'intéressé et qu'ils sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu des exigences propres au mandat dont il est investi.

En principe, le statut protecteur des représentants du personnel ne concerne que le licenciement. Comme le précise la Cour de cassation, "la qualité conférée à ces salariés ne leur confère pas une immunité leur permettant d'échapper au pouvoir disciplinaire du chef d'entreprise" (104). Pourtant la jurisprudence a apporté une exception à la règle dans l'hypothèse où la sanction disciplinaire constitue une modification substantielle du contrat de travail, et, est donc assimilable, en cas de refus de cette modification par le salarié, à un licenciement (105).

L'employeur perd complètement son pouvoir au profit de l'inspecteur du travail. Il ne lui reste plus que l'initiative de la procédure, la véritable décision revenant à une personne neutre. Il convient de souligner que le champ d'application de ces textes reste relativement réduit. Ils ne concernent que la sanction la plus grave en matière disciplinaire à savoir le licenciement.

B : L'approche italienne


La loi n°108 de 1990 a prévu un régime particulier, une protection spéciale, selon les termes de la loi ( una tutela speciale), en faveur des dirigeants syndicaux en matière de licenciement et de transfert d'entreprise. Comme en droit français, la loi ne vise que le cas du licenciement. La loi dispose que "dans les hypothèses de licenciement, le salarié qui a la qualité de dirigeant syndical bénéficie d'une protection privilégiée à caractère procédural".

Le salarié peut être provisoirement réintégré dans son emploi sur ordonnance lorsque le juge retient qu'à première vue les preuves du licenciement ne sont pas suffisantes, ou que les raisons du licenciement apportées par l'employeur ne sont significatives ou en tout cas suffisantes pour motiver un licenciement". Pour faire une comparaison avec le système français, il s'agirait d'un référé prud'homal permettant au salarié d'obtenir la réintégration automatique en cas d'irrégularité.

En outre si l'employeur n'exécute pas l'ordre judiciaire de réintégration, il sera condamné, d'une part à verser la rétribution normale en faveur du salarié, et d'autre part pour chaque jour de retard, au paiement en faveur d'un fond de gestion des retraites (106) d'une somme égale à celle due au salarié (article 18 alinéa 10 de la loi 108/1990).

L'indemnisation du salarié ne pourra pas être inférieure à cinq mois de salaire, même si entre le licenciement et la réintégration s'est écoulé un temps moins long. Cette affirmation peut-être faite à la lecture d'une décision des Sections Unies de la Cour de cassation (107).

C : Conclusions comparatives


La protection particulière du salarié protégé intervient en droit italien non pas avant, mais après le prononcé de la sanction. Il s'agit d'un contrôle qui est opéré sur l'exercice du pouvoir disciplinaire de l'employeur, mais les moyens utilisés sont fondamentalement différents. Dans la protection conférée au salarié français, le pouvoir de l'employeur se trouve être limité dans la procédure parce qu'il doit se faire assister de l'inspecteur pour prendre sa décision. En réalité, la décision finale revient à l'inspecteur du travail. Avec la technique utilisée en droit italien, l'objectif à atteindre sera le même, mais le contrôle se fait a posteriori (après le prononcé de la sanction). Mais dans ce cas, il reviendra au juge de décider de la validité du licenciement. Il pourra l'annuler et ordonner la réintégration du salarié dans l'entreprise. Le pouvoir de l'employeur se trouve être limité ici par l'intervention du juge. Mais il s'agit toujours de l'intervention d'un tiers qui en réalité décidera s'il convient de licencier ou non le salarié, et ce à la place de l'employeur lui-même, même si juridiquement il ne décide que de sa validité. Il se trouvera alors dépouillé de ses pouvoirs. Il ne jouera alors que le rôle d'un exécutant.

Il faut souligner une différence notable et caractéristique entre les deux systèmes. En droit français, la procédure est imposée à l'employeur, il doit la suivre sans que rien ne lui soit précisé, et de sa propre initiative, à défaut de quoi, il serait sanctionné. En revanche en droit italien, la procédure particulière de protection est finalement laissée à l'initiative du salarié. Comme dans la procédure applicable à tout salarié, le droit est affirmé en faveur du salarié, et s'il entend en jouir, c'est à lui à se manifester pour qu'il fasse l'objet de l'application. Une fois de plus le système italien s'est contenté d'affirmer le droit sans pour autant s'assurer qu'il sera effectivement appliqué ou utilisé. Le système se veut pragmatique. L'esprit du texte est le suivant: l'important est que le droit existe, ensuite si le salarié en a besoin, qu'il s'en serve.

Le système français s'est focalisé sur une protection à tous prix du salarié face aux différents excès de l'employeur. Le système ne contente pas d'affirmer les droits mais en fait une application obligatoire pour l'employeur sans même se préoccuper de savoir si la protection est réellement nécessaire. Il a choisi la voie de la surprotection afin qu'une protection minimale soit de toute façon assurée. Qui peut le plus peut le moins.

Section III : le contrôle judiciaire de la sanction


Le législateur a prévu expressément la possibilité pour le salarié d'intervenir en justice pour se prévaloir ces droits. Il pourra obtenir un contrôle du processus suivi par l'employeur et qui l'a conduit jusqu'au prononcé de la sanction. Ce contrôle pourra s'effectuer tant sur le fond que sur la forme.

Avant tout développement il faudra s'intéresser aux périodes pendant lesquelles la sanction ne peut pas être prononcée (Para. I), ensuite au contrôle judiciaire (Para. II), et enfin à la sanction judiciaire de la sanction disciplinaire en cas d'irrégularité de fond ou de forme de la procédure (Para. III).

§ I : Périodes au cours desquelles la sanction ne peut pas être prononcée


Il existe des périodes au cours desquelles il est fait interdiction à l'employeur de sanctionner le salarié. Il s'agit de protéger un intérêt particulier. Il convient de faire remarquer que le domaine de l'interdiction ne concerne que la sanction la plus grave qui puisse être prononcée contre le salarié, soit le licenciement. L'employeur cherche à se séparer de son salarié pour une raison attenante à l'intérêt que cherche à protéger la loi.

A- Les interdictions en droit italien


Différentes situations sont visées, elles se distinguent par le sort qui est réservé au licenciement alors qu'il est prononcé malgré l'interdiction, on parlera de licenciement inefficace (1), ou de licenciement nul (2).

1) Le licenciement inefficace


Les articles 2110 et 2111 du Code civil italien prévoient que pendant certaines périodes, qui correspondent à des phases de suspension du rapport de travail, le salarié a droit au maintien de son emploi. Les cas visés sont la maladie, le service militaire, l'accident du travail, la grossesse et l'accouchement.

Lorsque ces articles trouvent application, le salarié a droit au maintien de son emploi, ce qui implique que le pouvoir de résiliation unilatérale de l'employeur est suspendu pendant toute la période visée à l'article. L'employeur retrouve son pouvoir lorsqu'il existe une juste cause de licenciement, c'est-à-dire une cause de licenciement qui fait que le maintien du salarié dans l'entreprise n'est plus possible même pendant la période de préavis.

Si l'employeur venait à user de son pouvoir de résiliation malgré l'interdiction, le licenciement ne sera pas considéré comme nul, mais comme non efficace, ou encore à efficacité différée à la fin de la période en cause. Ce qui signifie que le licenciement, automatiquement et sans qu'il soit besoin de le réitérer, sera efficace à la fin de la période de protection. On affirme en doctrine en revanche qu'il s'agit d'un cas de nullité pour cause illicite ou violation de la loi (108), en conséquence la sanction ne serait pas l'inefficacité selon cette approche mais la nullité. La jurisprudence ne semble pas avoir fait sienne cette thèse, on s'en tiendra donc à la lettre du texte.

2) Le licenciement nul


Par ailleurs, l'article 1er de la loi n°7 de 1963 interdit le licenciement de la salariée, depuis la date de la publication des bans du mariage et pendant l'année qui suit la célébration du mariage. La protection sur ce point de la salariée est assurée par le biais d'un moyen indirect. La démission de la salariée qui intervient pendant cette période sera considérée comme nulle à moins qu'elle ne soit confirmée dans le délai d'un mois auprès du Bureau du travail (Ufficio del lavoro, équivalent de l'Inspection du travail en France).

Cette hypothèse ne correspond pas à un cas de suspension du contrat de travail. La salariée reste tenue d'exécuter sa prestation de travail. Si la salariée venait à être licenciée malgré l'interdiction, non seulement le licenciement serait considéré comme nul, mais l'employeur serait tenu à verser les salaires qu'il aurait dus verser depuis le licenciement jusqu'à la reprise du lien contractuel.

La loi de 1963 prévoit une autre interdiction. Elle concerne la salariée mère de famille. Elle bénéficie d'une protection particulière pour la période qui précède et pour la période qui suit la suspension du contrat de travail pendant le congé maternité. La violation de l'interdiction sera sanctionnée par la nullité.

Cette protection particulière est conférée à fin que l'enfant naisse dans les meilleures conditions. L'idée est que l'enfant ne doit pas pâtir des troubles psychologiques que la mère pourrait subir de part la crainte d'un licenciement pendant la grossesse et après l'accouchement (109).

Pour finir, il convient d'ajouter que dans les cas où il est fait interdiction à l'employeur de résilier le contrat de travail, l'employeur pourrait toujours invoquer une juste cause pour justifier un licenciement, c'est-à-dire une cause différente de l'intérêt protégé et qui ne permet plus de maintenir le salarié dans l'entreprise (110).

B- Les interdictions en droits français


Le législateur français a lui aussi prévu des cas de suspension du contrat de travail. Il s'agira des cas de maladies et de maternité. La suspension du contrat de travail est une technique de protection de l'emploi consistant à maintenir le rapport contractuel qui empêche momentanément l'exécution du contrat de travail

Si l'on parle de suspension du contrat de travail, cela sous-entend une non-exécution des obligations réciproques, et surtout, en ce qui nous concerne, il y aura disparition de l'autorité exercée par l'employeur.

Mais les textes ne prévoient pas l'interdiction expresse de licencier au cours de ces périodes, sauf dans le cas de la maternité. L'article L. 122-27 du Code du travail dispose qu'aucun licenciement ne peut être signifié ou prendre effet pendant la durée du congé maternité. On parle de prise d'effet retardé du licenciement. C'est le système de protection absolue.

Par ailleurs, au terme de l'article L.122-25-2, la protection est due pendant toute la durée de la grossesse, dès la réception du certificat médical par l'employeur. Elle couvre la période de suspension et les quatre semaines qui suivent l'expiration de cette suspension. C'est le système de protection relative. Le licenciement n'est autorisé qu'à deux conditions: (1) faute grave (2) non liée à l'état de grossesse de la salariée. La faute grave ne suffit pas, l'employeur doit prouver que la faute est sans rapport avec l'état de grossesse, ou qu'il n'est plus possible de maintenir le rapport de travail pour un motif étranger à la grossesse.

L'article L. 122-25-2 dispose en outre que si le licenciement intervient alors que la salariée n'a pas encore notifié son état de grossesse, elle dispose d'un délai de quinze jours à compter de la notification du licenciement, l'intéressé envoie à son employeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception un certificat médical justifiant son état de grossesse.

L'employeur sera tenu de verser le montant des salaires qui aurait dû être perçu pendant la période couverte par la nullité. C'est-à-dire jusqu'au jour où cesse la protection. C'est ce qu'il ressort de l'article L. 122-30. Le texte prévoit la nullité des licenciements qui interviennent au cours de cette période, il ne prévoit pas en revanche le cas de réintégration.

Enfin, la salariée peut obtenir en justice des dommages-intérêts pour couvrir le préjudice qu'elle a subi du fait de ce licenciement. Cette procédure pourra s'ajouter à la procédure de droit commun. Elle pourra alors cumuler les indemnités conférées par l'une et par l'autre des procédures.

C- Conclusions comparatives


La protection du salarié prend, dans les cas qui viennent d'être présentés, une autre dimension. On ne cherchera plus à savoir si un fait peut susciter une sanction ou si une procédure particulière doit être respectée. Dans une situation donnée en droit italien, on interdit à l'employeur de prononcer la sanction. L'intérêt à protéger est tellement important qu'il faut verrouiller complètement le système par l'interdiction. Et si on décide de laisser une porte de sortie à l'employeur, cela sera toujours dans le but de protéger cet intérêt particulier. Dans l'exemple de la protection de la maternité en droit français, il est possible à l'employeur de prononcer le licenciement, mais on a prévu un système de preuve renforcée. D'une part, les agissements reprochés doivent être d'une certaine gravité (la faute grave). Ensuite l'employeur doit démontrer que le licenciement est sans rapport avec la grossesse.

Pour conclure sur les deux approches, on peut dire que le système italien semble vouloir engager la protection sur le terrain du non-licenciement. En revanche, dans le système français la solution est plutôt vue sous l'angle de la non-discrimination. L'article L.122-25 est rédigé comme il suit : "l'employeur ne doit pas prendre l'état de grossesse d'une femme pour refuser de l'embaucher, résilier son contrat.....".

§ II : Le contrôle judiciaire de la sanction


Les textes reconnaissent expressément la possibilité pour le salarié d'agir contre la décision de l'employeur. Traditionnellement, il s'agit du recours en justice admis bien entendu en droit français (A), comme en droit italien d'ailleurs cependant ce dernier offre au salarié la possibilité de contester la décision de l'employeur devant un organe arbitral (B).

A- Le système français


Avant la réforme de 1982 prévalait le principe de l'employeur seul juge, "seul juge de l'opportunité d'une sanction à un salarié fautif" (111). La loi de 1982 a étendu le contrôle judiciaire des sanctions disciplinaire de l'employeur. Il ne dispose plus désormais de ce pouvoir souverain d'appréciation sur la sanction des fautes disciplinaires qui lui était reconnu en jurisprudence. Le rôle le plus important sera joué par le conseil de prud'hommes qui reste le juge du travail (1), mais les autres juridictions auront aussi (éventuellement) leur mot à dire (2).

1) Le rôle du conseil de prud'hommes


Le contrôle se trouve être aujourd'hui étendu à l'adéquation entre la faute et la sanction. L'article L. 122-43 dispose qu'en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier la sanction.

Le contrôle effectué par les juges porte sur deux points. Il s'agira tout d'abord de savoir si le processus qui a conduit au prononcé de la sanction est en soi régulier. Ensuite il s'agira de s'intéresser à la sanction elle-même.

Le conseil de prud'hommes est le juge du contrat de travail. A ce titre, il peut être amené à décider du bien-fondé d'une sanction disciplinaire. Il peut l'annuler si elle apparaît irrégulière en la forme, injustifiée ou disproportionnée par rapport à la faute commise.

L'intervention du juge est particulière lorsque la sanction est un licenciement. Dans ce cas, le droit du licenciement prévaut sur le droit disciplinaire. Le licenciement disciplinaire est régi par les règles communes portant sur l'exigence d'une cause réelle et sérieuse que le juge appréciera en considération des éléments qui lui seront fournis par les parties. Les sanctions du licenciement non justifié sont celles qui affectent tout licenciement pour cause personnelle, sans cause réelle et sérieuse.

Il faut par ailleurs préciser que le contrôle judiciaire s'applique à toutes les sanctions. La Cour de cassation a décidé qu'il devait s'appliquer même aux sanctions qui ne font pas l'objet de la procédure disciplinaire normal: "le contrôle doit s'exercer sur l'avertissement, même lorsqu'il s'agit de la sanction la plus faible prévue par le règlement intérieur" (112).

Le contrôle judiciaire portera sur la réalité des faits, la légitimité de la sanction, la disproportion de la sanction à la gravité de la faute et enfin le contrôle portera sur la régularité de la procédure suivie. Le contrôle de la légitimité porte sur le caractère licite de la sanction. Ainsi le juge peut-il être appelé à apprécier s'il s'agit, ou non, d'une sanction pécuniaire prohibée par la loi, ou encore si la sanction concerne des faits déjà sanctionnés.

La Cour de cassation n'a pas nettement pris parti sur l'étendue du contrôle de proportionnalité exercé par le juge prud'homal. Elle censure les arrêts qui annulent une sanction qu'ils estiment excessive sans préciser en quoi une telle sanction serait disproportionnée (113). Par contre, elle rejette les pourvois contre les décisions d'annulation lorsque celles-ci exposent avec précision les circonstances faisant apparaître le caractère disproportionné de la sanction (114). Le contrôle de la disproportion de la sanction ne confère pas au conseil de prud'hommes un pouvoir de substitution. Il ne pourrait pas remplacer la sanction initiale jugée disproportionnée par une sanction inférieure. Le juge a simplement pour mission de vérifier que la sanction ne soit pas disproportionnée à la faute. En aucun cas il ne pourrait se substituer à l'employeur dans le prononcé de la sanction. La Cour de cassation déclare à ce sujet : "... si le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière, en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise, il ne peut pas la modifier (115)".

L'appréciation du juge ne se fera pas seulement par rapport au contenu du Code du travail. Il tiendra compte des conventions collectives en vigueur dans l'entreprise et du règlement intérieur. Ainsi, il importe que l'employeur respecte les dispositions conventionnelles: il a été décidé que la méconnaissance d'une disposition conventionnelle stipulant que, sauf faute grave, un licenciement ne peut intervenir que s'il a été précédé d'au moins deux sanctions, enlève au licenciement, quel que soit le motif invoqué, toute cause réelle et sérieuse (116).

Le contrôle de la régularité de la procédure suivie laisse au juge le pouvoir d'apprécier l'incidence de l'irrégularité. L'irrégularité formelle peut d'ailleurs justifier l'annulation de la sanction (117).

2) Rôle joué par d'autres juridictions


Si la faute disciplinaire constitue aussi une infraction pénale, la décision du juge en matière pénale ne s'impose pas au juge en matière de droit du travail, ou plutôt, elle ne s'impose qu'en ce qui concerne la réalité des faits et leur imputabilité aux salariés. La relaxe prononcée par le juge pénal n'empêche pas le juge civil d'apprécier si les faits étaient, en eux-mêmes, constitutifs d'une cause réelle et sérieuse de licenciement (118).

Selon la Cour de cassation, le juge des référés ne peut prononcer l'annulation de la sanction, ce qui le conduirait à trancher le fond du litige (119). Les causes qui justifient la saisine du conseil de prud'hommes correspondent le plus souvent à une contestation sur les faits ou l'appréciation de leur gravité. La compétence du juge des référées doit être écartée.

B- Le système italien


Il est possible d'agir en justice contre la décision disciplinaire de l'employeur. Le salarié peut intenter un recours devant le Pretore del Lavoro, qui est le juge de première instance en matière de droit du travail. Il aura encore la possibilité de demander que la décision fasse l'objet d'un arbitrage, qu'il soit conventionnel (si la convention collective applicable dans l'entreprise lui offre cette possibilité) ou légal (accessible à tout salarié et prévu à l'article 7 loi n°300 de 1970). Dans les développements qui suivent ne sera envisagé que l'arbitrage issu de la loi.

1) Le recours à l'arbitrage


L'article 7 offre encore la possibilité pour le salarié de demander, dans les vingt jours qui suivent la décision de l'employeur, la constitution d'un collège de conciliation et d'arbitrage, par l'intermédiaire de l'ufficio provinciale del lavoro e della massima occupazione (abrégé ensuite U.P.L.M.O.) (120). Le salarié ne peut user de cette voie que pour les sanctions conservatoires de l'emploi, c'est-à-dire lorsque la sanction ne consiste pas en un licenciement (121). Il devra demander la constitution du collège arbitral dans le délai de vingt jours à compter du moment où la sanction est effective, c'est-à-dire lorsque l'employeur lui a communiqué sa décision.

Par contre, la Cour constitutionnelle (122) décide que le salarié peut agir devant le juge ordinaire dans tous les cas et directement, même quand la convention collective prévoit l'arbitrage comme obligatoire ou exclusif lorsque le salarié entend agir contre la sanction de l'employeur. Rien ne permet au salarié de se voir privé de ces droits, et notamment celui d'agir en justice, qui lui est conféré par la loi.

Le choix de la voie arbitrale entraîne la suspension de la sanction (123). Par contre le délai de vingt jours imparti au salarié pour contester la décision de l'employeur, n'exclut pas la possibilité pour l'employeur d'appliquer la sanction. Dès son prononcé (dans le respect du délai de 5 jours à partir de la lettre de contestation), la sanction est opérative, mais si le salarié demande l'arbitrage, la sanction est suspendue. Une fois intervenue la suspension de la décision, l'employeur peut toujours sanctionner une éventuelle récidive et la validité de cette nouvelle sanction dépendra de la décision arbitrale: si l'employeur a justement sanctionné le premier comportement du salarié, la sanction de la récidive sera elle-même valable. Ceci est la solution dégagée par les juges du fond. En revanche la Cour de cassation a décidé que la sanction suspendue gardait son importance en matière de récidive (124).

Par ailleurs, selon la thèse soutenue par une grande partie de la doctrine (125), le délai de vingt jours ne concerne pas l'action en justice classique, qui reste soumis au délai de prescription de droit commun (126).

La suspension est effective dès lors que l'employeur a été avisé de la demande du salarié auprès de l'U.P.L.M.O. L'employeur, par le biais du même acte, sera invité dans le délai de dix jours à nommer son propre représentant au sein de l'organe collégial (127). Si l'employeur manquait à cette obligation, la sanction perdrait son efficacité.

Cependant l'employeur n'est pas obligé d'accepter que la controverse soit soumise à un collège arbitral. Il devra alors soumettre l'affaire à la procédure judiciaire.

L'arbitrage prévu à l'article 7 tend à obtenir sur le plan de la négociation un accord qui se substituera à la volonté des parties, qui s'obligeront à le considérer comme obligatoire et contraignant (128). La décision du collège arbitral ne doit pas contenir absolument certains éléments, dans le sens ou elle pourra modifier tout ou partie de la décision de l'employeur. La sanction pourra être réduite en revanche elle ne pourra pas être aggravée (129).

La décision arbitrale est contestable en justice, dans le délai de quinze jours. Il s'agit du délai de droit commun fixé par les articles 1442 et 1427 du Code civil.

2) Le contrôle judiciaire


Devant le juge ordinaire, la charge de la preuve de l'existence de la faute ayant suscité la sanction pèsera sur l'employeur comme il a déjà été dit. Il devra encore démontrer qu'il a respecté les exigences de procédure qui lui ont permis d'arriver au prononcé de la sanction. Ceci ressort de la jurisprudence (130). Il s'agit d'une application du principe général selon lequel, l'exercice d'un pouvoir est conditionné par l'existence de justifications préalables. Ces justifications préalables doivent être prouvées par celui qui a exercé ce pouvoir. Ces preuves étant rapportées, il aura démontré du même coup l'illégitimité de l'action intentée contre lui. Dans tous les cas, et selon les termes de la Cour de cassation, dès lors que le salarié intente l'action contre la sanction disciplinaire sans indiquer ou indiquant de manière tardive les vices de l'acte, y compris les vices de forme, pour non-respect des exigences de l'article 7 de la loi 300/1970, le juge ne peut pas d'office déclarer la nullité de la sanction pour la violation correspondante (131).

Par contre, la jurisprudence n'est pas fixée sur un point. Outre la preuve de la faute, il s'agit de savoir si l'employeur doit démontrer ou non son importance du point de vue de la discipline ou alors si au contraire pèse sur le salarié la preuve de la non-importance du point de vue disciplinaire du fait reproché (132).

Il n'existe pas de délai pour agir en justice contre la sanction disciplinaire dite conservatoire. Pour le licenciement le délai est prévu à l'article 6 de la loi 604/1966. L'action doit être intentée dans les 60 jours de la décision. La Cour constitutionnelle a retenu que cette différence de régime n'était pas inconstitutionnelle (133). En conséquence, l'action peut intervenir ou immédiatement ou dans le délai de deux ans pour éviter les effets préjudiciables de la récidive ou bien dans le délai dix ans (droit commun de la prescription) (134).

§ III : la sanction judiciaire de la sanction disciplinaire


Si le juge considère que la sanction prononcée par l'employeur est respectueuse des exigences légales (et jurisprudentielles), la sanction pourra être pleinement appliquée. En revanche, si le juge considère que la sanction n'est pas fondée, il faut s'interroger sur son sort.

A- Le système français


Le remède se révèle être souvent une compensation financière en faveur du salarié lésé sur le plan des droits. Il faudra traiter de manière séparée le régime du licenciement qui fait l'objet d'un régime particulier, étant d'une part la sanction la plus grave qui puisse être prononcée contre le salarié, et faisant l'objet d'un droit particulier qui vient se superposer sur le droit disciplinaire d'autre part.

1) Considérations générales


Deux sanctions sont finalement envisageables: annulation de la sanction et/ou paiement d'une indemnité versée au salarié à différents titres (cette indemnité est à différencier de l'indemnité de licenciement qui est versée même lorsque le licenciement est régulier).

a- L'annulation de la sanction


L'annulation fait disparaître la sanction. La portée de la sanction est différente selon le motif qui la justifie. Si l'annulation se fonde sur le caractère injustifié de la sanction, cela implique que les agissements fautifs invoqués par l'employeur ne soient pas établis. La cause même de la sanction disparaît et l'employeur doit rétablir la situation antérieure. Si l'annulation se fonde sur le caractère disproportionné de la sanction ou sur l'irrégularité de la procédure suivie, la réalité des agissements fautifs n'est pas remise en cause. Dès lors, l'employeur est fondé à prononcer une nouvelle sanction d'un degré moindre si l'annulation repose sur la disproportion de la sanction initiale ou à maintenir la sanction initiale en reprenant la procédure si l'annulation repose sur l'irrégularité de la procédure. Cette solution est proposée par la circulaire ministérielle du 15 mars 1983 (135).

Lorsque l'annulation porte sur la disproportion entre la faute commise et la sanction, la Cour de cassation considère qu'une sanction moins grave peut être prise sans que la procédure soit à reprendre, et sans que puisse être invoquée la prescription du délai de deux mois, dès lors que les poursuites ayant abouti à la sanction annulée ont été engagées dans ce délai. Il importe que cette nouvelle sanction intervienne dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision d'annulation de la précédente sanction. Cette solution ressort d'une décision de cassation de 1993 (136). Par ailleurs, la Cour de cassation a retenu que l'annulation d'une sanction pour non-respect de la procédure n'interrompt pas le délai de deux mois (137).

L'annulation, à la lecture de l'article L. 122-43, semble être une simple faculté: "le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière....". Il ressort en revanche de la jurisprudence qu'il faut distinguer la sanction applicable en fonction du vice constaté.

En 1989, la Cour de cassation (138) a eu à traiter une affaire dans laquelle un salarié se plaignait de l'irrégularité de la procédure de mise à pied, et où le conseil de prud'hommes avait relevé que cette irrégularité ne saurait faire disparaître les causes sérieuses qui avaient motivé cette sanction. La Cour de cassation a estimé qu'il n'avait fait qu'user de la faculté résultant de l'article L. 122-43 du Code du travail en décidant qu'il n'y avait pas lieu d'annuler la mise à pied.

De la même manière, la Cour de cassation affirme qu'une sanction irrégulière en la forme n'est pas nécessairement annulable (139).

Par contre, quand il s'agit de la violation d'une règle de fond, la Cour de cassation casse la décision ayant refusé d'annuler la sanction en se fondant sur l'existence d'une simple irrégularité de forme (140). Par contre et comme il l'a déjà été dit, les tribunaux judiciaires ne peuvent pas modifier une sanction. Leur pouvoir est limité à l'annulation d'une sanction irrégulière en la forme, injustifiée ou disproportionnée. Ceci se résume par la formule suivante que l'on retrouve souvent: les tribunaux judiciaires ne sont pas une juridiction d'appel en matière disciplinaire. En particulier, il ne serait pas concevable que le conseil de prud'hommes réduise la sanction, comme par exemple diminuer la durée de la mise à pied (A noter, que cette possibilité est possible en droit italien par la voie de l'arbitrage selon la doctrine).

En revanche, la réduction sera possible si elle correspond à l'application d'un règlement intérieur, c'est-à-dire que l'employeur a prévu une durée plus longue pour la mise à pied que celle prévue au règlement intérieur, on se contentera alors de faire application du règlement intérieur (141).

L'annulation imposera en principe une remise en l'état. Cependant, on se rend compte assez rapidement que pour certaine sanction la remise en l'état s'avère être impossible: comment peut-on appliquer ce principe à une mise à pied qui a entraîné une suspension de la prestation de travail et qui est définitivement acquise?

La nullité se traduira alors par la condamnation de l'employeur à une indemnité compensant la perte de salaire.

b- Versement d'une indemnité au bénéfice du salarié


L'employeur qui a causé, à tort, un préjudice au salarié sera tenu de l'indemniser. A tort dans le sens où le préjudice causé au salarié est dû à une irrégularité dans la procédure ou encore à une sanction injustifiée ou disproportionnée. Le préjudice devra être indemnisé que la sanction soit annulée ou non.

La Cour de cassation semble laisser les juges du fond libres d'apprécier si l'irrégularité commise a causé un préjudice ou non (142). Il a même été décidé que dans son appréciation souveraine du préjudice, le juge du fond qui annule une mise à pied peut condamner l'employeur à la fois au paiement des salaires perdus et à des dommages-intérêts pour irrégularité de la sanction prise (143).

2) Le régime du licenciement


La grande question en matière de licenciement est de savoir quelles seront les conséquences de l'annulation de la sanction. Doit-on simplement indemniser le salarié du préjudice subi ou alors appliquer les conséquences de droit commun de l'annulation qui devrait conduire logiquement à la réintégration du salarié dans son emploi?

La distinction classique en droit français dans l'appréciation de la validité du licenciement est celle qui se fait entre licenciement sans cause réelle et sérieuse (a) et licenciement illicite (b). Enfin législateur et jurisprudence ont prévu des sanctions particulières lorsque les conditions de forme n'ont pas été respectées (c).

a- Le licenciement sans cause réelle et sérieuse


Il s'agit du cas dans le lequel le motif invoqué par l'employeur est possible, mais dépourvu de sérieux, de réalité ou de légitimité. Le texte applicable est l'article L. 122-14-4 du Code du travail qui prévoit la sanction du licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il ne s'agit pas d'une disposition spécifique au droit disciplinaire. Il s'agit d'une disposition prévue dans le cadre du droit du licenciement applicable en matière de droit disciplinaire.

Il faut distinguer deux cas.

-Lorsque le salarié appartient à une entreprise comptant plus de 10 salariés et ayant plus de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise, la sanction prévue est la nullité avec réintégration du salarié dans l'entreprise. En cas de refus de l'une ou l'autre des parties de la réintégration, l'employeur devra verser au salarié une indemnité au moins égale au salaire des six derniers mois. Il s'agit d'une indemnité minimale forfaitaire prévue au bénéfice du salarié même si le salarié n'a subi aucun préjudice. Une somme supérieure peut être allouée dans la mesure où le préjudice effectivement subi dépasse ce minimum. En revanche, cette indemnité ne se cumule pas avec l'indemnité versée au titre de l'inobservation de la procédure.

En outre, l'employeur sera condamné au remboursement des indemnités chômage à l'A.S.S.E.D.I.C. des indemnités versées au salarié dans la limite de 6 mois de salaire. Le tribunal a l'obligation de prononcer cette sanction même en l'absence de la demande du salarié.

-Lorsque le salarié appartient à une entreprise de moins de onze salariés et/ou lorsque le salarié a moins de deux ans d'ancienneté, la sanction applicable est prévue à l'article L.122-14-5. Cette disposition prévoit que le salarié victime d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse pourra prétendre à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi.

La condamnation a des dommages-intérêts est automatique. La seule absence de cause réelle et sérieuse doit entraîner la condamnation de l'employeur (144). Le salarié devra prouver l'importance du préjudice subi. Il se trouve que de ce fait la condamnation est de pur principe, puisque le salarié n'est pas en mesure de démontrer l'étendue de son préjudice. Il pourra s'agir d'un préjudice matériel (perte de salaires; pertes d'avantages liés à la fonction; frais engagés par le salarié) et d'un préjudice moral ( même si ce terrain est très peu pratiqué par les salariés, il pourra s'agir de l'indemnisation du préjudice dû aux mesures vexatoires prises par l'employeur contre le salarié dans l'entreprise; les difficultés familiales...).

b)- Le cas du licenciement illicite


Il s'agit des cas dans lesquels l'employeur fait usage de motifs qu'il n'a pas le droit d'utiliser. La question a déjà été abordée à propos de la faute. L'employeur ne peut pas user certaines causes comme motifs de licenciement.

L'article le plus important en la matière est l'article L. 122-45 du Code du travail, à propos des discriminations interdites lors du licenciement. Tous les motifs de discriminations prévus à cet article permettent d'obtenir la nullité du licenciement. On retrouve la même situation à l'article L.122-46 qui sanctionne l'abus d'autorité en matière sexuelle.

Comme il a déjà été vu, la jurisprudence sanctionne les cas où le législateur n'a pas prévu la nullité. Dans le cas de l'affaire Clavaud (145), la Cour de cassation a admis un cas de nullité sans texte. Dans ce cas, la nullité a été admise sur le fondement du droit d'expression.

La conséquence du licenciement pour motif illicite est la nullité du licenciement suivie de la réintégration du salarié. Jusqu'à l'arrêt Clavaud, la jurisprudence n'avait admis la réintégration du salarié que dans le cas du salarié protégé (146). La situation a encore été admise dans le cas de salariés grévistes licenciés pour faits de grève (147).

Pour être efficace la réintégration doit être prononcée peu après le licenciement. On se rend compte en pratique que dans bien des cas où il y a motif illicite de licenciement, le salarié préfère situer sa contestation sur le terrain de la cause réelle et sérieuse. On considère pourtant que le référé prud'homal est une mesure adaptée à cette situation. L'article R. 516-31 dispose que la formation de référé peut toujours même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. La formation de référé peut ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Un exemple déjà vu dans les développements qui précédent, illustrent particulièrement bien cette situation. Il s'agit de l'affaire Painsecq. En substance, il s'agissait d'un sacristain homosexuel qui avait été licencié en raison de ses moeurs qui étaient considérées par l'employeur comme incompatible avec la philosophie de l' "entreprise". Dans ce cas les juges n'ont pas pu dépasser la demande du salarié. Le motif discriminatoire existait mais il n'a pas été invoqué, et il semble que les juges n'aient pu le relever d'office.

La nullité du licenciement est une demande qui est rare. Il existe toujours une réticence judiciaire à admettre les cas de nullité. La sanction des dommages-intérêts apparaît plus sûr et plus efficace que la réintégration. En pratique, l'employeur ne perd pas son pouvoir de licencier. Lorsque le salarié situe en revanche le débat en terme d'illécéïté, la réintégration est obligatoire. Il ne s'agit plus d'une faculté mais d'une obligation.

c) Sanctions en cas de non-respect de la procédure


Elles seront applicables pour l'ensemble des inobservations des règles de procédure à l'exception de la motivation de la lettre de licenciement. Si elle n'est pas motivée ou si elle est mal motivée le licenciement sera considérée sans cause réelle et sérieuse.

Trois hypothèses sont à distinguer.

-Lorsque le salarié a moins de deux ans d'ancienneté dans une entreprise qui compte moins de onze salariés, l'employeur est condamné à verser des dommages intérêts en fonction du préjudice subi. La seule obligation des juges du fond est de prononcer une condamnation même si le préjudice est de principe (148).

-Lorsque le salarié a au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise d'au moins onze salariés, l'article L. 122-14-4 du Code du travail a prévu deux sanctions possibles pour l'employeur: soit lui imposer le renouvellement de la procédure (ce qui n'est quasiment jamais appliqué), soit accordé au salarié une indemnité qui ne peut-être supérieure à un mois de salaire (cette sanction sera applicable que si le salarié ne perçoit pas, par ailleurs, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, si le licenciement est illégitime il ne sera indemnisé que sur le fond).

-En cas de non-respect des dispositions imposant la mention du conseiller extérieur dans la lettre de convocation, il sera dû au salarié une indemnité maximum équivalente à un mois de salaire quelle que soit l'ancienneté du salarié et la taille de l'entreprise.

En outre, l'article L. 152-1 du Code du travail érige en délit pénal le fait pour l'employeur d'empêcher le conseiller du salarié d'exercer sa mission. Cette disposition permet une meilleure garantie du droit à la défense du salarié.

B- Le système italien


En droit italien comme en droit français, il existe la généralité des sanctions et la sanction la plus grave, qui de bien entendu est le licenciement. Affectant de manière grave la situation professionnelle et personnelle du salarié, un régime particulier doit être attribué au licenciement.

1) Considérations générales


La sanction applicable de manière générale, lorsque l'employeur n'a pas respecté ces obligations, est la nullité. Ça sera notamment le cas lorsque la sanction est disproportionnée par rapport au fait reproché, il s'agit d'un principe général auquel est soumis l'employeur dans sa prise de décision, selon l'article 2106 du Code civil les sanctions doivent être appliquées en fonction de la gravité de la faute (149).

La situation sera encore la même lorsque la réaction de l'employeur sera tardive pour venir sanctionner le salarié, qui doit intervenir dans un laps de temps relativement bref après qu'il ait pris connaissance des faits qu'il entend sanctionner.

En ce qui concerne les exigences relatives au code disciplinaire, à savoir l'existence et la publication préalable, elles constituent des éléments qui conditionnent le pouvoir disciplinaire lui-même. Leur absence se traduira donc par l'inexistence du pouvoir et en conséquence la nullité de la sanction.

Par ailleurs, à chaque fois que le code disciplinaire ou la convention collective applicable dans l'entreprise prévoit une obligation et que l'employeur ne la respecte pas la sanction sera encore sanctionnée par la nullité. Ça sera le cas lorsque le code disciplinaire lui impose de motiver sa décision. La nullité sera causée par la violation d'une norme conventionnelle. Il faut rappeler à ce sujet qu'il n'existe pas d'obligation légale à charge pour l'employeur de motiver une sanction disciplinaire. Cette solution est d'ailleurs affirmée par la jurisprudence (150).

L'inobservation des règles de procédure prévues à l'article 7 de la loi 300/1970 entraîne la nullité de la sanction. En effet, les exigences de procédure constituent autant de conditions de validité de la sanction disciplinaire. Par contre, et aussi surprenant que cela puisse paraître, le respect du délai de cinq jours, qui doivent séparer la contestation de la faute et la notification de la sanction, ne constitue pas une condition de validité de l'acte. La sanction est formellement valable, mais elle aura une efficacité différé, selon les termes de la doctrine (151). Elle prendra pleinement effet au terme du délai de cinq jours.

L'article 159 du Code de procédure civil dispose que la nullité d'un acte n'entraîne pas celles des actes précédents , ni celles des actes successifs. En application de cette règle, on a considéré que la notification anticipée de la sanction ne peut pas constituer, une cause de nullité de la sanction disciplinaire prise dans le respect des règles de procédure. Par contre, si le salarié a subi un préjudice de part ce comportement il sera en droit de demander l'indemnisation de son dommage, à charge pour lui d'apporter la preuve du préjudice directement lié au comportement de l'employeur.

L'employeur qui n'a pas respecté les règles de procédure prévues à l'article 7, peut prendre ex novo une sanction disciplinaire, en suivant la procédure et en respectant ses exigences, sans que le nouvel acte soit conditionné par la cessation préalable des effets du précédent acte nul (152). Le second acte n'aura pas pour but de purger de ses vices le premier, ce qui ne serait pas admissible eu égard aux dispositions de l'article 1423 du code civil (qui interdit expressément cette situation), mais constitue un nouvel acte que l'employeur prend dans le cadre de son pouvoir disciplinaire dont il continue à être titulaire, même s'il est lié aux mêmes causes qui ont motivé le premier acte (l'interdiction de non-cumul des sanctions disciplinaires ne trouvent pas application ici). Dans ce cas il n'y aura pas épuisement du pouvoir disciplinaire.

La réitération de la procédure est admise quand n'ont pas été respectés les alinéas 2, 3 et 5 de l'article 7, soit quand il n'a pas été procédé à la contestation verbale, et/ou lorsque l'employeur n'a pas permis au salarié de présenter sa défense. En revanche en cas de violation du premier alinéa, c'est-à-dire existence et publication préalable du code disciplinaire, la réitération de l'acte nul n'est pas possible en raison de la fonction constitutive que la loi assigne au code disciplinaire (153). Par contre, lorsque la sanction est annulée pour disproportion, l'employeur peut réitérer la procédure et prononcer une sanction moins grave (154).

La reconnaissance de la possible réitération de la sanction nulle pour vices de forme n'exclut pas la nécessité du respect du principe selon lequel l'employeur doit réagir de façon immédiate après la constatation de la faute. A ce propos, il est acquis que l'exigence de la réaction immédiate tienne au droit de la défense, puisque seulement à courte distance des faits il sera possible au salarié de se servir de ses souvenirs pour affronter l'accusation portée contre lui.

Le principe revient dans le débat en référence à l'application de la faute disciplinaire. Il faut s'attacher au lien de causalité entre le fait reproché et la sanction, c'est-à-dire la survivance de la fonction causale de l'acte, en substance, l'actualité et la gravité de l'infraction, en conséquence avec l'intérêt de l'employeur à sanctionner la conduite du salarié, mais par contre il lui sera interdit de se servir de son pouvoir à une fin différente de celle consentie par la loi. Cette solution est issue de la jurisprudence de la Cour de cassation (155). La sanction sera la nullité de l'acte.

A cet égard, si la nullité concerne la contestation, la réitération de l'acte doit intervenir dans un laps de temps relativement bref. En revanche, si l'acte en cause est un acte successif à la contestation, une réaction tardive ne pourra pas être reprochée à l'employeur (156). Le raisonnement de la Cour est le suivant : "le retard de l'employeur à ce stade de la procédure exclut la volonté de l'employeur de renoncer à l'application ou de faire un usage détourné de la sanction".

Quoi qu'il en soit, la contestation ayant été faite, le salarié est mesure de préparer sa défense. L'esprit du texte est respecté.

2) La sanction du licenciement


Lorsque le licenciement est prononcé pour une cause illicite, ou alors lorsqu'il n'est pas motivé ou lorsqu'il est prononcé pour une raison discriminatoire il est prévu un double régime sanctionnatoire: celui prévu par l'article 8 de la loi n°604/1966 et celui par l'article 18 de la loi 300/1970, à savoir Le Statut des salariés.

Le régime de l'article 18 est applicable à tout employeur qui compte au moins 15 salariés. Lorsque l'employeur a moins de 15 salariés (157), il faudra recourir au régime de l'article 8 de la loi 604/1966.

La protection obligatoire de l'article 8 trouvera application dans les cas licenciements discriminatoires, ou dans lesquels fait défaut la motivation dans les petites structures. En revanche, la protection réelle de l'article 18 trouve application dans tous les cas de licenciement sans juste cause ou sans motif objectif justifié, dans les entreprises comptant plus de 15 salariés.

a- La protection obligatoire ou le régime de l'article 8


L'article 8 de la loi 604/1966 dispose que le licenciement prononcé pour une cause politique, religieuse ou syndicale est nul indépendamment de la motivation de l'employeur. En cas de nullité du licenciement sans juste cause ou sans motif subjectivement justifié l'employeur aura une obligation alternative. Il pourra soit réintégrer la personne licenciée dans son emploi, soit lui verser une indemnité équivalente à deux mois et demi de salaire au moins, et 6 au maximum, sur la base de la dernière rémunération. Si le salarié a plus de 10 ans d'ancienneté, le montant de l'indemnité pourra être porté à 10 mois de salaire, 14 mois lorsque l'ancienneté est supérieure à 20 ans.

En substance le licenciement illicite fait disparaître le rapport de travail, mais fait naître l'obligation de le rétablir ex novo ou bien à défaut, fait naître l'obligation pour l'employeur de verser une indemnité compensatrice.

b- La protection réelle ou le régime de l'article 18


L'article 18 du Statut des salariés a dépassé l'alternative entre réintégration et versement d'une indemnité, en introduisant un système de stabilité réelle. L'article 18 considère que le rapport de travail n'est pas interrompu par "le licenciement injustifié qui en empêche juridiquement le seul fonctionnement de fait", selon les termes de la Cour de cassation (158). Le texte prévoit la réintégration du salarié dans son emploi, c'est-à-dire qu'il faut rétablir la collaboration de travail. A la réintégration s'ajoute l'indemnisation du préjudice subi par le salarié du fait du licenciement injustifié, calculé sur la base des salaires non perçus depuis la signification du licenciement jusqu'à la réintégration effective. Dans tous les cas, le montant de l'indemnisation ne pourra pas être inférieure à cinq mois de salaire, même si le temps qui sépare le jour du licenciement et le jour de la réintégration est effectivement plus court.

Ce régime sanctionnatoire du licenciement est par ailleurs étendu aux hypothèses de nullité du licenciement motivé par une cause discriminatoire (politique, religieuse, syndicale, raciale, linguistique ou sexuelle) sans distinction quant aux dimensions de l'entreprise. Ce régime sera encore applicable au cas d'inefficacité du licenciement pour vice de forme ou de procédure dans les grandes entreprises.

L'article 18 précise en son alinéa 5 que le salarié a la possibilité de demander à l'employeur une indemnité correspondante à 15 mois de salaire au lieu de faire l'objet d'une réintégration. On constate donc que la grande différence entre la protection réelle et la protection obligatoire porte sur le titulaire du choix entre l'indemnisation et la réintégration. Dans la protection réelle le choix revient au salarié alors que dans la protection obligatoire, le choix revient à l'employeur.

Le même alinéa précise par ailleurs que si le salarié ne répond à l'invitation de l'employeur à reprendre son emploi dans le délai d'un mois, le rapport de travail sera présumé être rompu.

Tableau récapitulatif des sanctions applicables au licenciement illicite

  Sanctions de l'illécéité

Licenciement sans cause

Licenciement discriminatoire

Vices de procédure

Entreprise comptant plus de 15 salariés

Nullité Art.18 -Protection réelle

Nullité Art.18

Nullité Art.18

Entreprise comptant moins de 15 salariés

Nullité Art.8 - Protection obligatoire

Nullité Art.18

Nullité

Droit commun

C- Conclusions comparatives


La cause réelle et sérieuse reste le point central de la contestation du licenciement dans l'ordre juridique français. Les autres moyens pour contester un licenciement considéré comme abusif restent l'exception, voire marginaux. En conséquence, et sur la base de ce fondement un licenciement qui ne serait pas respectueux des droits reconnus ne se résout que par l'allocation de dommages-intérêts au salarié.

On cherche simplement à réparer le préjudice subit par le salarié. La cause de ce préjudice est la violation de ses droits. Cependant le véritable préjudice subit par le salarié reste la perte de son emploi. Prenant conscience de ce fait le législateur italien a laissé une porte grande ouverte à la réintégration. Il faut reconnaître que d'un point de vue théorique la réintégration est un remède idéal. Il s'avère être aussi le plus juste, si l'on parle de nullité de la sanction. La nullité selon le droit commun a pour conséquence la remise en l'état. C'est-à-dire que l'acte, la sanction dans notre cas, est censé n'avoir jamais existé. Le licenciement n'existe plus, on efface l'ardoise et on repart comme avant.

La théorie est très belle en effet. La mise en pratique s'avère plus délicate. La craie sur l'ardoise laisse toujours une trace. Même s'il existe un rapport conflictuel entre le salarié et l'employeur en plus du rapport contractuel, la remise en l'état théorique sera toujours possible. Mais en pratique comment peut-on porter plus avant un rapport de travail fait de tensions et de craintes? Le législateur italien est resté réaliste dans le sens où la réintégration est largement admise dans les grandes structures ou finalement le rapport est largement dépersonnalisé. Pour ce qui est des petites structures, le choix est laissé à l'employeur. Il aura à examiner qu'elle est l'intérêt de l'entreprise et s'il entendait réellement se séparer de son salarié (dans les grandes entreprises le choix est laissé au salarié s'il veut retrouver son poste de travail ou non).

Le système juridique français a lui aussi admis cette possibilité dans les cas de licenciements dits illicites. Sont principalement visés les cas de discrimination. En réalité le but du législateur est de protéger de manière particulière certains intérêts plus que le salarié lui-même. La réintégration intervient comme une sanction supplémentaire prononcée à l'encontre de l'employeur pour avoir violé une norme qui remet en cause toute la société et dont l'impact n'est pas limité seulement au contexte de son entreprise. Certes reste encore la possibilité de réintégration du salarié dans l'hypothèse du licenciement sans cause réelle et sérieuse dans l'entreprise qui compte plus de dix salariés pour un salarié avec plus de deux ans d'ancienneté. Pourtant on peut remarquer tout de suite que l'on ne peut pas parler de droit à la réintégration en faveur du salarié puisque le choix ne lui revient pas personnellement. Il suffit que l'employeur s'y oppose pour qu'elle ne puisse pas être mise en pratique. Pour conclure sur cet aspect, il n'existe pas en droit français de système général de réintégration en faveur du salarié.

En droit italien en revanche, il faut souligner que dans la protection réelle le choix de la réintégration revient au salarié: la loi décide que lorsque la protection réelle s'applique, la réintégration est de droit, mais le salarié peut en décider autrement. La réintégration semble réellement intervenir dans le but de réparer le préjudice subit de manière injuste par le salarié, et s'insère donc dans le système de protection dont bénéficie le salarié. En revanche en droit français elle intervient comme une sanction supplémentaire à l'encontre de l'employeur, mais il ne me semble pas que l'on puisse le considérer comme un droit en faveur du salarié.


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