LES PROMESSES DE VENTE EN DROIT FRANCAIS ET ESPAGNOL
Sophie HEL


DEUXIEME PARTIE




LA PROMESSE SYNALLAGMATIQUE
OU BILATERALE DE VENTE




L'étude de la promesse synallagmatique ou bilatérale de vente est intéressante, surtout dans le cadre d'une comparaison entre le droit civil français et le droit civil espagnol, car si en France, "la promesse de vente vaut vente" ; ce n'est pas le cas en Espagne. Les effets d'une telle promesse seront donc a priori différents selon que l'on se trouve dans l'un ou l'autre pays. Pourtant, nous verrons qu'il faut tempérer et ne pas se contenter de suivre à la lettre la loi. En effet, malgré des règles de principe sensiblement opposées ; la jurisprudence de ces deux pays est finalement assez homogène.

Nous verrons donc tout d'abord que la promesse est un véritable contrat autonome (TITRE I), puis nous analyserons son régime juridique (TITRE II), pour conclure par sa portée (TITRE III).

TITRE I
NATURE JURIDIQUE DE LA PROMESSE SYNALLAGMATIQUE DE VENTE :
UN VERITABLE CONTRAT AUTONOME ?


Tout comme la promesse unilatérale de vente ou le contrat d'option, la promesse synallagmatique mérite d'être définie comme un contrat autonome car elle a une nature juridique qui lui est propre. Après avoir donné une définition de la promesse synallagmatique de vente et constaté son intérêt (CHAP. I), nous montrerons en quoi celle ci est différente d'autres contrats (CHAP. II et III).

CHAPITRE I : DEFINITION ET INTERET DE LA PROMESSE
SYNALLAGMATIQUE DE VENTE


La définition de la promesse synallagmatique de vente est unanimement acceptée. Un problème naît cependant quand il s'agit de distinguer cette promesse avec le contrat de vente lui-même. Il s'agit ici, de la définir et d'en montrer l'intérêt.

Section 1 : Définition


Selon l'article 1102 du Code civil français, " le contrat est synallagmatique ou bilatéral lorsque les contractants s'obligent réciproquement les uns envers les autres ". Or la promesse synallagmatique de vente suppose que les deux parties s'engagent, l'une à acheter et l'autre à vendre. Il y a bien obligations réciproques de l'un envers l'autre ; il s'agit donc d'un contrat synallagmatique.

La promesse synallagmatique de vente est qualifiée d'avant-contrat. Cependant, vu que les deux parties au contrat ont donné leur consentement, on peut douter de l'existence de cet avant-contrat et l'assimiler au contrat définitif de vente. Notamment, si l'on s'en tient à l'article 1589 du Code civil qui dispose : " la promesse de vente vaut vente lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix ". Mme Joanna SCHMIDT définit alors la promesse synallagmatique de vente comme un contrat par lequel les parties donnent leur consentement à un contrat futur dont elles subordonnent la formation à la réalisation d'une formalité qu'elles s'engagent à accomplir.

Donc, soit la qualification de promesse est abusive car il y a déjà vente et application de l'article 1589 du Code civil ; soit il y a bien une promesse en tant que telle à laquelle s'applique ses règles propres, différentes de celles afférentes au contrat de vente.

En Espagne, la définition de la promesse bilatérale est la même. Pourtant, aucune assimilation de la promesse au contrat de vente n'est faite. La Promesse bilatérale de vente est un précontrat au futur contrat de vente, dans lequel les obligations des parties sont réciproques.

Section 2 : Intérêt de la promesse synallagmatique de vente


En France et en Espagne, la promesse réciproque présente une utilité lorsque les deux parties sont définitivement décidées à conclure un contrat ; mais pour diverses raisons, elles souhaitent qu'il ne se forme que plus tard.

Les raisons peuvent être d'ordre fiscal lorsque par exemple des avantages fiscaux sont attendus avant l'établissement du contrat définitif ; d'ordre administratif, quand le contrat de vente doit être précédé par la délivrance d'autorisation administrative ; ou encore d'ordre pécuniaire lorsque le contractant acheteur recherche des appuis financiers.

En France, dès le contrat de vente, le transfert de propriété est réalisé. Les parties peuvent donc légitimement souhaiter soit repousser la formation de la vente ("vraie promesse"), soit retarder simplement cet effet du transfert de propriété ("fausse promesse"). Par exemple, précédant une vente d'immeuble, la promesse permet de fixer le consentement de l'acheteur et du vendeur tout en retardant la formation du contrat à la date à laquelle sera prêt l'acte authentique.

CHAPITRE II : LA PROMESSE SYNALLAGMATIQUE DE VENTE EST
DISTINCTE DES AUTRES CONTRATS PRELIMINAIRES


La promesse synallagmatique de vente est distincte des autres avant-contrats du fait qu'elle intervient une fois l'accord sur les éléments essentiels du contrat projeté. Le contrat projeté est ici la vente. La promesse contient donc les éléments essentiels de la vente qui sont la chose et le prix.

La promesse synallagmatique de vente se distingue également de la promesse unilatérale de vente.

CHAPITRE III : LA PROMESSE SYNALLAGMATIQUE DE VENTE EST
DISTINCTE DU CONTRAT DE VENTE


Le contrat de vente est un contrat consensuel, et comme dans la promesse synallagmatique de vente, les deux parties consentent au contrat définitif ; on ne voit donc guère ce qui différencie ces deux contrats. Cependant, si en France, le principe est que la promesse de vente vaut vente ; en Espagne, le principe est contraire. Il faut donc étudier séparément le droit civil français et le droit civil espagnol en la matière.

Section 1 : En France : la promesse synallagmatique vaut vente


Il s'agit ici d'étudier le principe exprimé dans l'article 1589 du Code civil : " la promesse de vente vaut vente ", et de montrer que ce principe n'est pas impératif. Nous terminerons finalement par l'analyse de la jurisprudence en la matière.

§ 1. Le principe : article 1589 du Code civil


Il paraît difficile d'affirmer l'autonomie de la promesse synallagmatique de vente par rapport au contrat de vente vu que la loi elle-même semble la rejeter. L'article 1589 du Code civil assimile sans aucune ambiguïté ces deux contrats en affirmant que " la promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix ".

La doctrine classique affirme que la promesse synallagmatique de vente est la vente définitive conclue sous condition ou terme. En effet, souvent dans la pratique, on qualifie de promesse synallagmatique de vente ; en fait, une opération qui est déjà la vente. La qualification adéquate n'est pas celle de promesse synallagmatique de vente mais réellement celle de vente. Cela se produit lorsque la promesse synallagmatique est autre qu'une vente simple. Par exemple, les parties l'ont subordonné à l'obtention d'un prêt, d'une autorisation administrative, à la réalisation ultérieure d'un acte authentique ou au paiement du prix. Le contrat de vente est alors formé, il y a eu rencontre des consentements ; mais son exécution est subordonnée à un terme ou à une condition suspensive.

La Cour de Cassation affirme que " la vente est parfaite entre les parties dès qu'on est convenu de la chose et du prix... et le défaut d'accord sur les éléments accessoires de la vente ne peut empêcher le caractère parfait de la vente à moins que les parties aient entendu retarder la formation du contrat jusqu'à la fixation de ces modalités ".

Le principe est donc clair et réaffirmé constamment par la Cour de Cassation. Dès l'accord sur la chose et sur le prix, le contrat de vente est formé. On peut alors dire que la promesse synallagmatique de vente n'est jamais un contrat préparatoire autonome. Cependant, il faut tout de suite ajouter qu'il en est ainsi chaque fois que les parties n'ont pas précisé clairement leur volonté ; et donc elles peuvent décider autrement.

§ 2. L'exception : la promesse synallagmatique de vente ne vaut pas vente


Les parties au contrat de promesse subordonnent souvent la conclusion du contrat définitif à l'accomplissement d'une formalité ; en général, la signature de l'acte notarié ou le paiement du prix. Mais comme la vente est un contrat essentiellement consensuel même lorsqu'il s'agit de vente immobilière ; il faut donc une volonté clairement exprimée pour déroger au principe selon lequel la promesse synallagmatique de vente vaut vente. Les parties érigent alors le contrat définitif en contrat formaliste. Cela est tout à fait possible, par application du principe de la liberté contractuelle.

Pour autant, la promesse synallagmatique de vente ne constitue un contrat autonome que si les parties ont fait de l'accomplissement de cette formalité une condition de formation du contrat et non simplement une condition de preuve. Dans le premier cas, la conclusion de la vente est retardée à la réalisation de la formalité ; alors que dans le second cas, la vente est conclue dès la promesse et la formalité n'intervient qu'à titre complémentaire ; il y a déjà eu consentement à la vente.

La détermination de la qualification du contrat dans lequel une formalité supplémentaire est prévue doit reposer sur l'analyse du rôle que les parties ont entendu attribuer à cette formalité. Or en pratique, les parties explicitent rarement la fonction juridique des formalités qu'elles prévoient : est-ce une condition de formation du contrat ou seulement une condition de preuve ?

La jurisprudence décide donc tantôt que le contrat de vente est conclu dès la promesse synallagmatique de vente, tantôt seulement à l'accomplissement de la formalité.

§ 3. La solution jurisprudentielle


La Cour de Cassation affirme qu'il faut se référer à la volonté des parties pour savoir si elles ont voulu conclure une promesse synallagmatique de vente c'est à dire un précontrat ou au contraire la vente elle-même. Elle affirme en effet dès 1936, que " l'énonciation dans un acte de vente sous seings privés portant accord sur la chose et sur le prix, qu'un acte notarié sera ultérieurement dressé, n'a pour effet de subordonner la formation et l'efficacité du contrat à l'accomplissement de cette formalité que s'il résulte clairement, soit des termes de la convention, soit des circonstances, que telle a été la volonté des parties ".

Dans tous les cas donc où il existe le consentement sur les éléments essentiels qui sont la chose et le prix, et que la formalité supplémentaire n'est pas expressément prévue comme une condition de formation du contrat ; la promesse synallagmatique de vente est la vente. Le contrat de vente définitif est conclu. La formalité n'est qu'accessoire. Les juges du fond apprécient en effet le rôle que les parties ont entendu attribuer à la formalité. Et le simple intitulé de "promesse de vente" ne lie pas les juges qui peuvent toujours requalifier la convention.

Les parties doivent donc rédiger minutieusement la promesse, en indiquant bien qu'ils entendent constituer la formalité comme une condition de formation du contrat définitif. Ainsi il existe bien une véritable promesse, autonome par rapport au contrat définitif.

Mais si les juges du fond sont souverains pour apprécier la convention, la Cour de Cassation opère un contrôle de la motivation et elle censure soit par le biais du défaut de base légale, soit par celui de la dénaturation. Ainsi, dans une espèce dans laquelle une clause réservait le transfert de propriété à l'acquéreur au moment de la rédaction de l'acte authentique, la Cour de Cassation a censuré pour défaut de base légale l'arrêt de la Cour d'Appel qui avait estimé que jusqu'à ce moment du transfert de propriété retardé, la venderesse " n'était tenue que d'une obligation de faire ne pouvant engendrer au profit de l'acquéreur ; en cas de refus de la venderesse d'exécuter son obligation, qu'une créance mobilière sous forme de dommages-intérêts... sans préciser si la solennité d'un acte notarié était nécessaire pour engager vendeur et acquéreur dans les liens d'un contrat définitif ". De même, le 14 janvier 1987, la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt d'une Cour qui avait affirmé que si les parties " avaient prévu l'entérinement de l'acte par notaire, il ne résultait ni des dispositions de cet acte ni des circonstances de la cause qu'elles aient voulu faire de cette modalité accessoire un élément constitutif de leur consentement ".

Les parties ont parfois seulement voulu retarder l'un des effets de la vente, comme le transfert de propriété ; mais la vente est conclue dès la promesse synallagmatique de vente. Parfois, au contraire, elles ont vraiment voulu retarder la conclusion du contrat définitif. Dans ce dernier cas, elles doivent le dire clairement. En effet, même si l'article 1583 du Code civil dispose que le transfert de propriété est solo consensu c'est à dire qu'il se réalise dès la conclusion de la vente, donc dès l'accord sur la chose et sur le prix ; cette règle n'est pas d'ordre public. Les parties peuvent donc décider de le retarder. Mais ce n'est pas parce que les parties ont prévu de retarder les effets du contrat de vente, dont fait notamment partie le transfert de propriété, à l'accomplissement d'une formalité telle la signature de l'acte notarié, que la vente est retardée elle aussi. La Cour de Cassation a censuré le 30 novembre 1988 pour violation de l'article 1589 du Code civil, un arrêt qui avait écarté la demande du bénéficiaire d'une promesse de vente en réalisation forcée de celle-ci aux motifs " qu'il a été expressément prévu que "cette levée d'option" ne comportait pas transfert de propriété à défaut de paiement...". Pour la Cour de Cassation, les juges d'appel ont violé l'article 1589 du Code civil car " la subordination du transfert de propriété à l'exécution d'une obligation consécutive à la vente ne peut affecter l'existence de celle-ci ".

En conclusion, si en France, le principe est que dès qu'il y a accord sur la chose et sur le prix, il y a un contrat de vente : la "fausse promesse synallagmatique de vente" étant déjà la vente ; il en est tout autrement en Espagne.

Section 2 : En Espagne : la promesse bilatérale est un précontrat


Pour bien comprendre la solution espagnole, il faut préalablement relater l'historique de l'article 1451 du Code civil. Nous verrons alors comment, par la rédaction de cet article, le droit espagnol s'est éloigné du droit civil français.

Pourtant, si le principe est contraire à celui français, on parvient en pratique au même résultat. En effet, la jurisprudence admet aussi que la promesse bilatérale puisse déjà être le contrat de vente lui-même.

§ 1. Historique et antécédents à l'article 1451 du Code civil


L'article 1373 du projet de 1851 dispose que " la promesse de vendre ou d'acheter, ayant accord sur la chose et sur le prix, équivaut à un contrat parfait de vente ". Le texte espagnol ajoute la "promesse d'achat" qui n'est qu'implicite dans l'article 1589 du Code civil ; car celle-ci n'est en fait que l'opération inverse de la promesse de vente. Le texte espagnol ressemble ici à celui français ("vaut vente").

Puis l'article 1477 de l'avant-projet de 1882-88 s'éloigna assez du modèle français : " la promesse de vendre ou d'acheter, ayant accord sur la chose et sur le prix, donnera le droit aux contractants de réclamer réciproquement que le contrat de vente produise ses effets ". La partie de phrase " équivaut à un contrat parfait de vente " a été éliminée pour être remplacée par " réclamer... que le contrat de vente produise ses effets ". Il apparaît que ces deux formules sont identiques car la perfection est condition d'efficacité.

Le second paragraphe est d'inspiration portugaise. Il y a des cas dans lesquels le contrat de vente ne peut se réaliser : " chaque fois que la [promesse bilatérale] ne pourra pas être exécutée, le vendeur et l'acheteur, selon les cas, seront soumis aux dispositions sur les obligations et contrats du présent livre ".

Finalement, l'article 1451 du Code civil espagnol se distingue définitivement de l'article 1589 du Code civil français. L'article 1451 dispose en effet que, " la promesse de vendre ou d'acheter, ayant accord sur la chose et sur le prix, donnera le droit aux contractants de réclamer réciproquement l'exécution du contrat ... ". Le second paragraphe est inchangé ; la rédaction est la même que celle de l'avant-projet. Désormais, toute référence au contrat de vente a disparu. Le législateur a voulu se séparer définitivement du texte français.

Le premier paragraphe éclaire peu sur l'efficacité de la promesse bilatérale. Il énonce seulement que de telles promesses lient les parties. Mais quelle est la force obligatoire ? De quel "contrat" s'agit-il ? Celui de promesse ou celui de vente ? Le second paragraphe montre que le législateur imagine deux formes de réalisation des promesses bilatérales : soit une exécution forcée en nature, soit par équivalent.

§ 2. Le principe : la promesse bilatérale est distincte de la vente : article 1451 du
Code civil



Malgré le contenu des projets antérieurs à l'article 1451 du Code civil, la doctrine majoritaire espagnole a toujours vu dans la promesse bilatérale un précontrat, et non le contrat de vente lui-même.

Le précontrat suppose un accord de volonté des parties. Il s'agit donc toujours d'un véritable contrat. Cependant si les parties se sont mises d'accord, l'une pour vendre et l'autre pour acheter, il n'existe à ce moment qu'une phase préparatoire au contrat définitif. Le contrat de vente définitif peut se réaliser comme rester au stade préparatoire.

Deux thèses se rencontrent en la matière : celle selon laquelle le précontrat engendre une obligation de célébrer un contrat postérieur, et celle selon laquelle le contrat préparatoire impose de développer les bases établies pour donner enfin naissance au contrat définitif de vente.

A - Le précontrat et l'obligation de célébrer un contrat postérieur


La thèse dite traditionnelle ou classique considère que ledit précontrat est un contrat par lequel les parties se sont obligées à célébrer ultérieurement un nouveau contrat. Le contrat définitif de vente jusqu'alors est simplement un projet.

L'obligation qui naît du contrat préparatoire est une obligation de contracter pour les parties et, plus exactement une obligation consistant à réitérer le consentement.

L'objet du précontrat est la conclusion du contrat définitif de vente. Le précontrat n'est alors jamais le contrat définitif de vente. Il faut nécessairement un nouvel accord de volonté pour la conclusion du contrat définitif qui doit intervenir au moment même de sa conclusion.

B - Le précontrat et l'obligation de développer les bases établies


L'auteur ROCA SASTRE, suivi par quelques Sentencias du Tribunal Suprême, a soutenu que du précontrat naît une obligation pour les parties. Cependant contrairement à la thèse traditionnelle, selon lui, le contrat préparatoire n'oblige pas les parties à émettre un nouveau consentement dans le futur. Il s'agit plus d'une obligation de collaborer ou coopérer pour établir le contrat définitif. En effet, selon cette thèse, le précontrat établit les lignes directrices du contrat définitif que les parties doivent développer ultérieurement. ROCA SASTRE affirma notamment que dans le précontrat existe déjà le contrat définitif, mais seulement en germe. Et donc " le futur contrat est le même que le précontrat mais développé ".

Cependant, on peut affirmer que cette dernière thèse crée plus de problèmes qu'elle n'en résout. En effet, si les bases sont suffisantes, l'activité postérieure des parties ne consiste pas à les développer, mais simplement à les mettre en vigueur et les exécuter. Si au contraire, les bases sont incomplètes et nécessitent d'être développées ; ce n'est pas une simple collaboration qui est nécessaire, mais bien de nouveau un consentement des parties. Alors on revient à la théorie classique.

§ 3. L'exception : la promesse bilatérale vaut vente


Face à la théorie classique, des auteurs ont revendiqué l'équivalence entre contrat préliminaire et contrat définitif. Notamment, l'auteur ALGUER critiqua la théorie classique remettant en question chacun de ses points.

Selon lui, à partir du moment où les parties ont promis de faire quelque chose, elles sont obligées de le faire. Et s'il existe un moyen pour leur imposer la réalisation du contrat définitif, il doit s'appliquer. L'exécution forcée est donc possible ; et même, le juge pourrait se substituer aux parties pour réaliser l'acte authentique. Le précontrat est alors un "circuit inutile". Il ajoute également que le second contrat qui doit intervenir ne serait pas un véritable contrat puisque selon la thèse classique, les parties s'obligent à donner un consentement futur. Il n'y aurait donc pas un consentement libre et spontané ; mais un acte dû pour réaliser une obligation. Finalement, il affirme qu'il y aurait alors condition purement potestative et donc nulle, puisque la condition pour la réalisation du contrat définitif serait le consentement des parties (cf. articles 1115 et 1256 C. civ. esp.).

Il est vrai qu'en Espagne, tout comme en France, on emploie souvent de manière erronée la qualification de promesse.

C'est pourquoi, bien que le droit civil espagnol distingue très nettement précontrat et contrat définitif, on arrive tout de même au même résultat qu'en France. Par exemple, quand il est prévu la rédaction d'un acte authentique, même si les parties ont appelé leur convention "précontrat", il y a déjà bien souvent contrat de vente définitif. La forme n'est pas non plus en droit espagnol une condition de formation du contrat de vente. De même, on peut très bien admettre que le contrat de vente est conclu dès l'accord des parties et que seuls les effets sont reportés par la prévision d'un terme ou d'une condition suspensive.

La différence est que pour parvenir à ce résultat, en droit espagnol, on ne peut passer par l'intermédiaire du texte législatif "promesse vaut vente" car celui-ci n'existe pas.

Nous allons voir alors ce que décide la jurisprudence espagnole en ce domaine.

§ 4. La solution jurisprudentielle


La thèse du précontrat se rencontre dès la Sentencia du 31 janvier 1921. Mais sa consécration est surtout due à la Sentencia du 11 novembre 1943, dans laquelle le Tribunal Suprême déclara que l'interprétation de l'article 1451 du Code civil espagnol ne suit absolument pas la thèse du Code civil français, qui assimile la promesse bilatérale à la vente elle-même. Au contraire, il faut suivre la volonté des parties. De plus, le second paragraphe de l'article 1451 du Code civil dispose qu'en cas d'inexécution de la promesse, s'appliquent les règles générales relatives aux obligations et contrats, et non celles sur la vente. Cela fait bien apparaître que l'on ne peut alors assimiler la promesse à la vente. Puis, le Tribunal Suprême reconnaît clairement que la promesse bilatérale est un précontrat.

Postérieurement, à travers les Sentencias du 26 mars 1944 et 15 mars 1945 fût ratifié ce critère de distinction. Notamment dans cette dernière, les juges affirment qu'ils admettent comme des contrats distincts celui de vente et celui de promesse bilatérale. Et pour fixer cette différence entre l'un et l'autre, il faut s'attacher aux obligations qui en découlent. Si une des parties s'oblige à remettre une chose déterminée et l'autre à payer pour l'obtenir, c'est alors un contrat de vente conformément aux dispositions de l'article 1445 du Code civil. Si les parties, d'accord sur les éléments essentiels du contrat s'obligent à la prestation d'un consentement futur dans le but de conclure un contrat de vente postérieur ; il existe alors un contrat préparatoire ou encore un précontrat, c'est à dire une véritable promesse bilatérale de vente, dont les effets ne sont absolument pas identiques à ceux que produit la vente.

Les Sentencias ultérieures ont de manière constante décidé de la même manière. La promesse bilatérale est différente de la vente. La promesse de vente et la vente sont deux contrats bien séparés.

Cependant, on peut pourtant conclure en affirmant que si ce principe de séparation entre promesse bilatérale et contrat de vente est suivi par la jurisprudence espagnole ; la qualification de la convention conclue entre les parties va exactement comme en France, dépendre de la volonté des parties. Il s'agit donc encore d'une question d'interprétation.

Quand les parties prévoient la réitération par acte authentique, un terme ou une condition pour la remise de la chose ou l'obligation de payer le prix ; il y a contrat de vente. Au contraire, quand les parties déclarent de quelque manière que ce soit leur volonté d'être liées contractuellement, mais diffèrent l'entrée en vigueur du contrat et attribuent à chacune la faculté d'exiger ; il y a "une vraie promesse bilatérale".

Ce sont donc les juges qui doivent intervenir pour requalifier ladite promesse en contrat de vente.

Le droit civil français est alors plus cohérent, car il s'agit plus souvent de "fausses promesses", c'est à dire des conventions qui sont déjà la vente plutôt que de "vraies promesses", dans lesquelles la formalité supplémentaire prévue est une condition de formation du contrat définitif. Il est donc plus logique de poser comme principe que la "promesse vaut la vente" plutôt que de dire que la promesse est seulement un précontrat. Cette dernière hypothèse étant en fait qu'exceptionnellement rencontrée.

La question de la qualification de la convention conclue entre les parties est très importante pour les effets du contrat. En effet, en cas d'inexécution du contrat selon qu'il s'agit de promesse ou de contrat définitif, la sanction ne sera pas la même.

TITRE II
REGIME JURIDIQUE DE LA PROMESSE SYNALLAGMATIQUE DE VENTE


Après avoir vu que la promesse synallagmatique de vente peut être un contrat autonome en droit français comme en droit espagnol, il nous faut maintenant étudier son régime juridique. Pour cela, on examinera sa formation (CHAP. I), les obligations qu'il fait naître (CHAP. II) et sa circulation (CHAP. III).

CHAPITRE I : FORMATION DE LA PROMESSE


La formation d'un contrat suppose toujours que soient remplies des conditions de fond et parfois des conditions de forme.

Section 1 : Conditions de fond


La promesse synallagmatique de vente est un contrat. Elle doit donc remplir les conditions prévues aux articles 1108 du Code civil français et 1261 du Code civil espagnol ; à savoir le consentement, la capacité des parties, l'objet et la cause.

La promesse est un contrat autonome par lequel les parties donnent leur consentement au contrat définitif, et dont elles retardent la formation jusqu'à l'accomplissement d'une formalité. Les conditions de validité liées au consentement sont donc communes aux deux contrats et doivent s'apprécier lors de la promesse. Au contraire, les autres conditions doivent être remplies lors de la formation du contrat définitif.

§ 1. Consentement et capacité


L'existence et l'intégrité du consentement au contrat définitif doivent s'apprécier à la date de la promesse.

Les parties doivent également justifier de la capacité de conclure le contrat définitif à la date de la promesse. En droit français, cela s'explique par la règle énoncée dans l'article 1589 du Code civil : "la promesse de vente vaut vente".

En droit espagnol, on a pu se demander quelle était la capacité requise lors de la conclusion de la promesse. En effet, comme nous l'avons vu, la thèse classique différencie totalement le précontrat du contrat définitif ; et donc a soutenu que la capacité nécessaire pour célébrer un contrat préliminaire est simplement la capacité générale pour contracter. Cependant, cette thèse n'est pas convaincante. En effet, un contrat préliminaire conclu par une personne qui n'a que la capacité générale mais pas celle spéciale pour conclure le contrat définitif, aurait comme conséquence que l'obligation ne pourrait être accomplie par le débiteur, ni exigée par le créancier, et encore moins imposée par le juge. Par exemple, un mineur émancipé, selon cette thèse, pourrait conclure une promesse de vente d'immeuble parce qu'il a la capacité pour s'obliger, mais l'incapacité de vendre. L'exécution d'une telle obligation ne pourrait pas être demandée en justice. Il faut donc en déduire que la capacité nécessaire pour l'efficacité du contrat préliminaire doit être la même que celle exigée pour le contrat définitif. Sinon cela permettrait de violer les règles générales sur la capacité ou permettre la conclusion d'un contrat dont l'exécution est impossible !

§ 2. L'objet et la cause


Le contrat doit avoir un objet et une cause conformes aux exigences de l'article 1108 du Code civil français et 1261 du Code civil espagnol. Or, comme le consentement à la promesse se confond avec celui au contrat définitif, les motifs de nullité affectant l'objet ou la cause du contrat définitif entraînent la nullité de la promesse.

L'objet du contrat définitif doit être possible, licite, et déterminé ou déterminable dès le moment de la promesse. Les éléments essentiels de la promesse synallagmatique de vente qui sont le prix et la chose doivent donc être déterminés ou au moins déterminables dans les mêmes conditions que pour la promesse unilatérale de vente. Dans le cas contraire, il ne s'agit pas d'une promesse synallagmatique de vente.

Les autres conditions doivent être remplies à la date du contrat définitif. Nous verrons notamment le cas de la lésion spécialement prévu en droit civil français.

§ 3. La lésion


La lésion prévue par l'article 1675 du Code civil français dispose que lorsque la promesse porte sur une vente d'immeuble et qu'il y " a lésion de plus des sept douzièmes, il faut estimer l'immeuble suivant son état et sa valeur au moment de la vente ". L'article 1675 du Code civil ne règle clairement ce moment qu'à propos de la promesse unilatérale de vente dans l'alinéa deuxième de ce même article : " En cas de promesse de vente unilatérale, la lésion s'apprécie au jour de la réalisation ".

Dans la promesse unilatérale, le moment de formation du consentement qui est à la levée de l'option, coïncide avec la formation du contrat de vente. Au contraire, dans la promesse synallagmatique, ces deux moments sont dissociés. On a donc pu se demander si la lésion doit s'apprécier au moment du consentement ou à celui où sont réunies toutes les autres conditions de formation du contrat définitif de vente.

La lésion est un défaut d'équilibre entre les prestations et non un vice du consentement. La jurisprudence a donc pu légitimement conclure que la lésion s'apprécie au jour de la formation définitive du contrat, et non pas lorsque le consentement a été donné. Elle s'apprécie donc à la date de conclusion du contrat définitif de vente. Cependant, quand la promesse a été qualifiée de vente sous condition suspensive, l'effet rétroactif de la condition conduit à fixer au jour de la promesse la date d'appréciation de la lésion. C'est pourquoi la jurisprudence est souvent intervenue pour corriger cet effet rétroactif en le limitant. Alors le point de départ de la prescription de l'action en rescision est fixé au jour de la réalisation de la condition sans rétroactivité.

§ 4. La réalisation des formalités supplémentaires prévues pas les parties


Même lorsque les formalités prévues par les parties sont en fait des questions de forme, on les considère comme des conditions de fond car elles ne sont en aucun cas des formalités solennelles au sens strict.

Elles sont à réaliser au moment de la conclusion du contrat définitif. En cas de non réalisation, la sanction n'est jamais la nullité du contrat, mais la responsabilité contractuelle de la partie défaillante est engagée. Les parties peuvent toujours renoncer d'un commun accord à ces formalités, même après la conclusion de la promesse ; alors que la forme solennelle, elle, est impérative. Finalement, l'existence du contrat dépend de leur accomplissement ; elles sont donc bien des conditions de fond.

Section 2 : Conditions de forme


Il s'agit ici de constater que la promesse ne requiert aucune condition de forme pour être valable ; puis nous indiquerons la forme exigée pour la preuve de la promesse.

§ 1. Forme exigée pour la validité de la promesse


La promesse synallagmatique de vente ou promesse bilatérale est un contrat consensuel dont la validité n'est soumise à aucune condition de forme particulière, tout au moins en matière civile.

Contrairement à la promesse unilatérale de vente, la promesse synallagmatique n'est pas soumise à la formalité d'enregistrement prévue à l'article 1840-A CGI.

§ 2. Forme exigée pour la preuve de la promesse


En France et en Espagne, la promesse est opposable aux tiers dans les conditions de droit commun ; c'est à dire qu'il suffit de prouver que l'intéressé en avait connaissance.

Pourtant, en France, une particularité se rencontre pour les promesses synallagmatiques de vente portant sur des droits immobiliers. Bien qu'une telle promesse ne crée ni ne transfère de droits réels, la jurisprudence décide qu'elle doit être publiée au registre foncier conformément à l'article 28-2 du décret du 4 janvier 1955. Si la promesse a fait l'objet d'un acte sous seing privé, elle peut simplement faire l'objet d'une publication au titre de l'article 37-2 du même décret. Et lorsqu'elle n'est pas publiée, la promesse n'est opposable qu'aux tiers qui en ont eu connaissance effective.

La promesse, une fois conclue, fait naître des obligations à la charge des parties. Nous allons donc les définir.

CHAPITRE II : OBLIGATIONS DES PARTIES


Trois sortes de conventions peuvent être conclues entre les parties : une promesse synallagmatique de vente qui vaut vente, donc une "fausse promesse" ; une promesse qui vaut vente, mais dont les effets ou certains d'entre eux sont retardés ; et une promesse qui ne vaut absolument pas la vente, sa formation étant retardée au moment de la réalisation de la formalité supplémentaire. Selon que l'une de ces trois formes a été conclue, on peut penser que les obligations des parties sont différentes. La jurisprudence fût assez floue en la matière.

Nous déterminerons tout d'abord la nature de l'obligation née de la promesse, puis nous verrons l'analyse qui fût faite par certains auteurs sur ce sujet.

Section 1 : Nature de l'obligation née de la promesse


La jurisprudence a cherché à qualifier les obligations nées de la promesse en obligation de faire ou de donner.

Dans un arrêt du 2 avril 1979, la Cour de Cassation ne reconnaît que deux situations : celle de la promesse engendrant une simple obligation de faire ; celle du simple projet dans lequel la rencontre de volontés ainsi que le transfert de propriété sont reportés au jour de la signature de l'acte authentique, donc qui n'oblige à rien.

C'est dans l'arrêt du 5 janvier 1983 que, la Cour de Cassation statuant de manière opposée à celui de 1979, décide que le fait que dans une promesse synallagmatique de vente, le transfert de propriété soit différé jusqu'à la signature de l'acte notarié, ne retire rien à la perfection de la vente. Cela ne fait pas obstacle à l'obligation qu'à le juge, s'il constate que l'une des parties se refuse à signer l'acte authentique sans motif légitime, de prendre une décision qui en tiendra lieu et permettra à la partie poursuivante de faire publier la vente.

Plus récemment dans un arrêt du 20 décembre 1994, la Cour de Cassation décide encore ainsi. Il s'agissait d'une promesse synallagmatique de vente dans laquelle avait été stipulé que le transfert de propriété de l'immeuble à l'acheteur ne serait réalisé que par la réitération de la promesse par acte authentique. Le vendeur s'y est par la suite refusé. L'acheteur l'a alors assigné en réalisation forcée de la vente pour faire admettre que le jugement vaudrait acte de vente ou obtenir une condamnation sous astreinte du vendeur à signer l'acte authentique de vente. La Cour d'Appel a débouté l'acheteur au motif que l'obligation du vendeur n'était que de faire. Son refus, en application de l'article 1142 du Code civil, ne peut être sanctionné que par des dommages-intérêts. Finalement, la Cour de Cassation casse l'arrêt de Cour d'Appel au motif qu'il n'était pas démontré que " les parties avaient fait de la réitération par acte notarié un élément constitutif de leur consentement ".

La Cour de Cassation définit la "vraie promesse", celle dont la formation est retardée à l'accomplissement de la formalité supplémentaire, comme une obligation de faire. Cependant, la doctrine n'est pas toujours d'accord avec cette décision. Il est alors intéressant d'en étudier les raisons.

Section 2 : Analyse doctrinale


M. C. LARROUMET distingue les "trois cas de promesse".

Le premier cas est celui dans lequel la promesse consensuelle équivaut à la vente. Il n'est alors pas question d'action en réalisation forcée de vente puisqu'elle est déjà conclue. Il s'agit seulement de son exécution ou sa constatation par acte authentique à des fins de publicité. Il n'y a pas non plus obligation de donner puisque la propriété a été transférée automatiquement.

Dans le second cas, les parties ont entendu retarder les effets de la vente. La vente existe déjà. Donc si une des parties se refuse à la rédaction de l'acte notarié, les tribunaux peuvent l'y contraindre. La Cour de Cassation a bien décidé. Le vendeur n'avait pas à réitérer son consentement à un contrat déjà conclu. Il n'y avait en aucun cas obligation de faire. Le vendeur avait seulement l'obligation de se rendre chez le notaire et de signer l'acte de vente.

Finalement, le dernier cas est celui dans lequel la promesse ne vaut pas vente. Y a t-il alors une obligation de faire consistant en la réitération de leur consentement en présence du notaire par chacune des parties ? L'arrêt du 20 décembre 1994 semble implicitement en décider ainsi. Si les parties avaient retardé l'existence de la vente jusqu'à la rédaction de l'acte notarié, l'inexécution par le vendeur de son obligation de se rendre chez le notaire n'aurait pu être sanctionnée que par des dommages-intérêts. On ne peut dans cette hypothèse obtenir un jugement valant acte authentique puisque la vente n'a pas été conclue.

Une telle solution est critiquable. Elle fait dépendre de la réitération, le consentement à la vente. Il pourrait donc être repris tant qu'il n'a pas été réitéré. L'autre partie devant se contenter de dommages-intérêts.

La promesse ayant pour objet la conclusion d'une vente et comme chacune des parties est engagée envers l'autre ; on doit considérer que les parties ont donné leur consentement à la vente au moment de la promesse. C'est seulement parce qu'il manque une condition de forme à la vente que la promesse ne vaut pas la vente.

En conclusion pour M. LARROUMET, la sanction de la promesse doit être la même qu'il s'agisse de la deuxième ou troisième situation relatée ci-dessous ; c'est à dire l'exécution forcée.

M. GROSS distingue nettement la "véritable promesse" des "fausses promesses". Et quand il existe une promesse distincte du contrat de vente proprement dit, c'est à dire le troisième cas, on peut selon lui envisager deux situations : ou bien elle n'est qu'un projet dans lequel chaque partie conserve la totale liberté de signer ou non l'acte authentique et donc de conclure la vente ; ou bien il y a obligation de faire c'est à dire l'obligation d'accomplir la formalité à la charge de deux parties. Et alors comme la signature de l'acte vaut consentement à la vente, il n'est pas permis de passer outre à l'absence de volonté de s'engager de l'une des parties. En conclusion, la seule sanction du refus de signer est de condamner la partie défaillante à verser des dommages-intérêts.

En droit civil espagnol, dans tous les cas la promesse est un précontrat dont l'obligation est pour les parties de donner un nouvel accord ou de développer les bases du précontrat pour permettre la conclusion du contrat définitif. Il ne peut donc être sanctionné comme le serait l'inexécution d'un contrat de vente. Le seul recours pour les parties serait alors de demander des dommages-intérêts pour inexécution du précontrat ou d'une obligation de faire. Pourtant, nous verrons que la jurisprudence a décidé d'une autre sanction lorsque certaines conditions sont réalisées.

CHAPITRE III : CIRCULATION DE LA PROMESSE


Les problèmes relatifs à la transmission à cause de mort ou cession entre vifs des créances et des dettes se résolvent de manière analogue à celle vue à propos des promesses unilatérales de vente.

Le régime juridique de la promesse synallagmatique de vente est relativement complexe ; ce qui explique que l'étude de la portée de la promesse soit aussi délicate et surtout très intéressante, dans le cadre d'une comparaison des effets entre les droits français et espagnol.

TITRE III
PORTEE DE LA PROMESSE SYNALLAGMATIQUE DE VENTE


La promesse synallagmatique de vente est dans tous les cas un contrat qui doit produire des effets. Nous examinerons donc le contenu des effets de la promesse synallagmatique de vente (CHAP. I), la sanction en cas d'inexécution de celle-ci (CHAP. II) ainsi que sa durée (CHAP. III).

CHAPITRE I : CONTENU DES EFFETS DE LA PROMESSE


Les effets de la promesse synallagmatique de vente ne sont différents de ceux produits par le contrat définitif que dans le cas où il s'agit réellement d'un contrat préparatoire distinct de la vente. Alors, tant que la formalité convenue n'a pas été réalisée, le contrat définitif n'est pas formé et ne peut donc produire aucun effet. Le transfert de propriété et des risques, sauf clause contraire, ne se produit donc pas au stade de la promesse, mais une fois que le contrat de vente est réalisé. Le droit du futur acheteur est une créance mobilière.

En droit civil espagnol, la solution est la même puisque le précontrat est distinct de la vente.

CHAPITRE II : SANCTION DE L'INEXECUTION DE LA PROMESSE


L'inexécution de la promesse peut se manifester de deux manières : elle peut résulter de la non-réalisation de la formalité prévue ou de la conclusion du contrat définitif avec un tiers.

Section 1 : Sanction de la non-réalisation de la formalité prévue


Les parties elles-mêmes peuvent être à l'origine de l'échec du contrat définitif de vente, par exemple en ne réalisant pas la formalité prévue. Les conséquences de cette inexécution sont a priori différentes suivant que l'on se trouve en France ou en Espagne.

§ 1. En France


Lorsque les parties ont prévu que la formation même de la vente est retardée par exemple jusqu'à la rédaction d'un acte authentique ; souvent, elles ont tout de même voulu s'obliger immédiatement à la conclure.

La jurisprudence admet là encore la solution classique, l'existence d'une condition ; mais en limite l'effet rétroactif en se référant à la volonté des parties. La jurisprudence applique donc l'article 1178 du Code civil relatif à la condition, qui dispose : " la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition qui en a empêché l'accomplissement ". Le contractant peut donc considérer la condition comme accomplie et demander l'exécution du contrat définitif. Un jugement peut remplacer l'acte authentique et il servira de titre pour la publication à la conservation des hypothèques.

Si le refus d'exécuter la promesse est dû à un désaccord sur certains éléments du contrat définitif, le juge va apprécier s'il s'agit d'éléments essentiels ou non. Si c'est le cas, le contrat définitif ne peut être formé tant qu'existe le désaccord. Si les éléments discutés ne sont pas essentiels, le juge peut régler les points accessoires.

L'exécution forcée en France paraît évidente du fait des dispositions de l'article 1589 du Code civil, et surtout lorsqu'il existe le consentement à la vente dès la promesse. En Espagne, la sanction de l'inexécution de la promesse en droit civil fût plus délicate à déterminer.

§ 2. En Espagne


Il n'y a pas unanimité entre la doctrine et la jurisprudence en ce qui concerne les effets et conséquences que le contrat doit produire. La solution dépend en fait du point de vue que l'on adopte au sujet de la nature de cette convention. Il y a essentiellement deux positions doctrinales opposées.

Selon la thèse traditionnelle classique, la promesse bilatérale consiste à réitérer ultérieurement le consentement pour donner naissance au contrat définitif. Cette prestation est personnelle et ne peut en aucun cas donner lieu à exécution forcée. La sanction en cas d'inexécution ne peut être que l'indemnisation par le moyen de dommages-intérêts.

La Sentencia du 11 novembre 1943 a marqué définitivement la distinction entre promesse bilatérale et contrat de vente définitif. Les obligations ne sont pas les mêmes et les conséquences de l'inexécution non plus.

Un courant doctrinal suivi par la jurisprudence permet l'exécution forcée, autorisant même le juge à se substituer à la partie défaillante.

La Sentencia du 1er juillet 1950 donne une solution contraire à celle de 1943. Il convient donc de l'étudier en détail. Le Tribunal Suprême affirme que " bien que la jurisprudence n'est pas constante et unanime en la matière, du fait qu'il existe pour chaque affaire des circonstances particulières, et que la doctrine est loin d'arriver elle aussi à l'unanimité ... que la Sentencia du 9 juillet 1940 affirme bien que le précontrat a pour fonction essentielle de lier les parties à la conclusion d'un futur contrat ; et que si le contrat préliminaire ne prévoit pas les éléments suffisants pour lier les parties sans la nécessité d'un nouvel accord ; on ne peut pas obliger à réitérer par acte authentique le contrat principal,... [le juge ne peut pas se substituer à la partie défaillante]... mais la promesse donne le droit aux contractants d'exiger la réalisation de ce qui a été contracté ". La vente promise peut être exécutée par substitution de l'autorité judiciaire au contractant défaillant, lorsque " la consommation de la promesse synallagmatique de vente ne requiert pas une nouvelle manifestation de volonté car le consentement a suffisamment été exprimé dès la promesse ".

En définitive, le Tribunal Suprême distingue bien deux situations : celle dans laquelle dès la promesse figurent tous les éléments du contrat définitif ; et celle dans laquelle certains éléments restent indéterminés.

Dans le premier cas, il n'y a pas besoin d'un nouveau consentement et l'exécution forcée du contrat définitif est possible. Le juge peut aussi se substituer au défaillant et la décision judiciaire vaut le titre de vente. C'est alors seulement dans l'hypothèse où la vente n'est plus possible que s'applique le paragraphe deuxième de l'article 1451 du Code civil, et la sanction n'est que l'obtention de dommages-intérêts. Cette position jurisprudentielle est confirmée dans la Sentencia du 27 février 1954 qui affirme notamment que l'article 1451 du Code civil reconnaît expressément l'obligation de remettre la chose et que c'est seulement lorsque la réalisation est impossible que s'appliquent les règles générales relatives aux obligations et contrats. Mais en aucun cas l'inexécution ne peut être due à un refus volontaire du contractant.

Dans le second cas, le juge ne peut jamais intervenir et suppléer à l'accord du contractant. Il est alors seulement possible de réclamer des dommages-intérêts, même lorsque le défaillant est fautif.

La solution de la Sentencia du 1er juillet 1950 fût rapidement écartée. En effet, la Sentencia du 13 février 1953 développa une fois encore la différence entre la promesse bilatérale de vente et le contrat de vente lui-même. Les effets produits par l'un et l'autre sont différents. " Dans la promesse bilatérale, les parties s'obligent à conclure le contrat définitif ; mais il est nécessaire pour cela que les parties au moment de la conclusion du contrat définitif aient exprimé leur volonté, qui est personnelle et ne peut être supplée ; alors que pour l'exécution du contrat de vente, le juge peut se suppléer au contractant ; un nouvel accord n'est pas nécessaire ".

Pourtant, la solution de la Sentencia du 1er juillet 1950 fût réitérée dans les Sentencias du 21 décembre 1955, 27 octobre 1956... Notamment, la Sentencia du 5 octobre 1961 déclara que " la promesse de vente ne vaut pas vente ". Le contrat de vente est régi par l'article 1445 du Code civil et la promesse bilatérale de vente par l'article 1451 du Code civil. Et même si les éléments de l'un et de l'autre sont identiques : le prix et la chose ; les contractants ont seulement voulu pour le moment conclure un contrat de promesse et leur volonté doit être respectée. Mais le contrat de promesse, peut parfaitement, être développé par le juge en cas de défaillance d'une partie ; à partir du moment où les éléments essentiels y figurent déjà.

Plus nettement encore la Sentencia du 7 février 1966 affirme que chaque cas est différent. Parfois, les parties ont laissé pour le futur l'obligation de conclure le contrat définitif mais aussi la détermination des éléments du contrat. En cas d'inexécution, il est seulement possible de réclamer l'exécution ; et si le contractant défaillant persiste dans son refus, alors l'autre partie peut réclamer des dommages-intérêts. Parfois, au contraire, les parties montrent leur volonté de conclure un contrat de vente qui ne peut se conclure de suite du fait d'obstacles administratifs, ou simplement parce que la conclusion immédiate ne leur convient pas. Alors, si l'une des parties n'exécute pas, l'autre peut en demander l'exécution forcée ; exactement comme lorsqu'il y a déjà contrat de vente.

En conclusion, la jurisprudence du Tribunal Suprême se résume ainsi : tout d'abord, la théorie de l'équivalence entre promesse bilatérale de vente et contrat de vente est écartée. La promesse bilatérale est toujours un contrat autonome. Pourtant, l'exécution forcée et la substitution du juge au défaillant est possible : " Quand dans le contrat préliminaire sont déterminés de manière complète les éléments et circonstances de la vente et que l'on constate la volonté des parties de conclure un contrat de vente, l'opposition d'une partie ne donnera pas seulement lieu à dommages-intérêts, mais au contrat définitif ". (Sentencia du 28 juin 1974). En fait, il faut toujours se référer à la volonté des parties pour savoir quels effets donner à la promesse.

Le plus souvent, en France comme en Espagne, l'inexécution de la promesse est sanctionnée comme le serait celle du contrat de vente lui-même, c'est à dire par l'exécution forcée de la vente et non par de simples dommages-intérêts. La jurisprudence considère que les parties ont donné leur consentement à la vente dès la promesse et qu'elles ont seulement voulu retarder certains effets du contrat de vente.

En France, comme la "promesse vaut vente" ; même lorsque les parties ont prévu une formalité pour la perfection de la vente, il y a déjà vente. Si elles veulent constituer la formalité comme une condition de leur consentement à la vente et donc en une condition de formation du contrat de vente, elles doivent le dire clairement.

En Espagne, au contraire, la promesse est par principe un contrat autonome indépendant de celui de la vente. Mais si les parties ont clairement exprimé leur volonté de conclure un contrat de vente dès la promesse, la sanction en cas d'opposition d'une partie sera l'exécution forcée.

Dans tous les cas, lorsqu'il y a inexécution volontaire de la promesse par une partie, l'autre peut toujours demander la résolution du contrat conformément aux articles 1124 du Code civil espagnol et 1184 du Code civil français.

Section 2 : Sanction de la conclusion du contrat définitif avec un tiers


En France, le problème de la conclusion du contrat définitif avec un tiers est le même que dans le cas de la violation d'une promesse unilatérale de vente. Cependant, lorsque la promesse concerne un contrat définitif qui porte sur un droit réel immobilier, elle est soumise à la publicité obligatoire. Il existe une présomption irréfragable de mauvaise foi à l'encontre du tiers acquéreur. Quand la promesse a été publiée à titre de simple information, par acte sous seing privé, les solutions sont les mêmes que pour la promesse unilatérale de vente. Le tiers pourra prouver son ignorance de l'existence de la promesse, malgré sa publication. Et lorsque la mauvaise foi du tiers est prouvée, l'annulation du contrat est possible.

En droit civil espagnol, la simple promesse bilatérale est moins bien protégée que le contrat d'option ; qui soumis à inscription au Registro devenait opposable à tous.

Dès 1950, le Tribunal Suprême décide que lorsqu'il y a opposition à réitérer par acte authentique du vendeur du fait qu'il a vendu à un tiers des terrains qu'il avait promis ; s'applique alors le paragraphe deuxième de l'article 1451 et l'article 1101 du Code civil. Une indemnisation est due : les dommages-intérêts qui réparent le préjudice subi, conséquence de l'inexécution du contrat.

CHAPITRE III : DUREE DES EFFETS DE LA PROMESSE ET EXTINCTION
DE LA PROMESSE


Une fois la promesse synallagmatique conclue, les parties doivent faire en sorte de parvenir à la conclusion du contrat définitif de vente. Pour cela un délai est souvent prévu. Il faut étudier séparément les conséquences de ce délai suivant que l'on se trouve en France ou en Espagne, car la nature du délai d'option n'est pas la même dans ces deux pays. Puis nous verrons très brièvement les causes d'extinction de la promesse.

Section 1 : En France : principe de non-caducité de la promesse à l'expiration du
délai


La promesse synallagmatique ou bilatérale de vente est un contrat consensuel. Donc, sauf clause contraire, les obligations des parties entrent en vigueur par le seul effet du consentement. A partir du consentement, les parties doivent collaborer à la réalisation de la formalité prévue pour la formation du contrat définitif.

L'obligation de conclure le contrat définitif a pu être assortie d'un terme. Le problème est alors de savoir quelle est la situation des parties, lorsque à l'expiration du délai, les formalités prévues n'ont pas été réalisées. La doctrine française opte plutôt pour la caducité de la promesse. Pourtant, la jurisprudence semble décider que les parties peuvent encore exiger l'exécution après l'expiration du délai.

Notamment, la Cour de Cassation dans un arrêt du 12 décembre 1978 rejette la caducité. En l'espèce, il y avait eu promesse synallagmatique de vente conclue par un acte sous seing privé. Il était prévu qu'un acte authentique devait intervenir dans un délai de deux mois. Mais aucune sanction n'était prévue au cas où il n'aurait pas lieu ; et ce fût le cas. Treize ans plus tard, les héritiers de l'acquéreur ont adressé au vendeur une sommation de signer l'acte authentique. Ce vendeur a refusé, invoquant que l'écoulement du délai de deux mois avait rendu la promesse caduque, et mis fin ainsi aux obligations créées par le contrat. La Cour d'Appel a admis ce raisonnement. Mais la Cour de Cassation casse l'arrêt sur le fondement de l'article 1134 du Code civil, c'est à dire l'effet obligatoire des contrats. Et ayant accord sur la chose et sur le prix, les parties devaient exécuter la vente. La qualification de la convention était la vente même, considérée comme formée dès la date de conclusion de la promesse.

De même, la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence le 4 juillet 1991 affirma que : " Dès lors qu'aux termes d'une promesse synallagmatique de vente, la réalisation de la vente par acte authentique, prévue comme condition de validité de la vente elle-même, devait intervenir avant une date limite et que l'expiration de ce terme suspensif prévu dans l'intérêt commun n'était assortie d'aucune sanction après cette date, aucune caducité automatique ne bénéficiait de plein droit à l'une ou l'autre des parties, lesquelles ne pouvaient se considérer comme déliées qu'après une manifestation expresse de volonté contrariant la prorogation des délais éventuellement consentie ".

En conclusion, lorsque l'obligation a été assortie d'un délai d'exécution, cela ne signifie pas que le débiteur en est dispensé à l'expiration du délai. L'arrivée du terme ne rend pas l'obligation caduque mais permet au créancier d'engager la responsabilité contractuelle du débiteur défaillant. Pour qu'il y ait caducité de la promesse à l'expiration du délai prévu, il faut que les parties l'aient explicitement prévu. La détermination d'un délai ne suffit pas, il faut prévoir la sanction.

Dans l'hypothèse où aucun délai n'a été prévu pour exécuter la promesse, le créancier peut agir en exécution de la promesse pendant trente ans. Le point de départ de la prescription dépendra alors de la date à laquelle la créance est devenue exigible. Et quand aucun terme n'est prévu, l'obligation est exigible immédiatement. Le créancier peut alors exiger la passation du contrat définitif dès la date de la promesse.

Section 2 : En Espagne : principe de caducité de la promesse à l'expiration du délai


En droit civil espagnol, la possibilité d'exiger le contrat définitif peut également intervenir à n'importe quel moment à partir de la conclusion de la promesse ; à moins qu'un délai ait été prévu ou encore que le juge soit intervenu conformément à l'article 1128 du Code civil.

La jurisprudence décide que dans les cas où un délai a été prévu ; il est un "délai de caducité". En conséquence, l'expiration du délai, sans que soit demandée l'exécution de la promesse, la rend caduque et donc inefficace. La solution est contraire à celle française.

Dans la Sentencia du 21 mai 1962, les faits étaient les suivants : une promesse bilatérale avait été conclue dans laquelle les parties s'obligeaient à passer dans un délai de quinze jours un contrat de vente. Le Tribunal Suprême rejeta le recours en cassation de la partie demanderesse qui voulait que se réalise le contrat de promesse alors que le délai n'avait pas été respecté. Il affirme que " passé le délai stipulé sans qu'aucune des parties ait demandé à l'autre l'exécution du contrat, l'obligation est caduque ou éteinte ; [et cela] est une conséquence naturelle rencontrée dans tous les contrats dans lesquels un délai a été prévu pour la conclusion du contrat promis ; les parties ne peuvent pas être indéfiniment soumises à la volonté de l'autre ".

Là encore, on constate la différence d'analyse du droit espagnol et du droit français déjà rencontrée dans l'étude de la promesse unilatérale de vente. En France, on considère que comme le promettant peut demander au bénéficiaire de se prononcer à tout moment, il n'est donc pas indéfiniment lié. Les espagnols, au contraire, considèrent que le délai de prescription légale est trop long. En conséquence, ou bien les parties ont prévu "un délai de caducité", ou bien le juge va intervenir pour le fixer conformément aux dispositions de l'article 1128 du Code civil.

Il faut tout de même tempérer selon que le délai prévu est fixé pour limiter l'exercice du droit de demander réciproquement la conclusion du contrat définitif ; ou qu'il est fixé pour limiter l'exécution des obligations convenues. Seul le premier cas est un "délai de caducité". L'appréciation de la fonction du délai est soumise à l'interprétation des juges et va être fonction de chaque cas particulier.

Section 3 : Extinction de la promesse


La promesse synallagmatique de vente s'éteint une fois accomplie la formalité supplémentaire prévue par les parties. Alors le contrat de vente existe et il doit être exécuté. L'extinction de la promesse peut aussi se produire pour des causes générales d'extinction des obligations.

CONCLUSION GENERALE


Les droits français et espagnols sont tous deux d'inspiration romaine, donc très proches. Pourtant, il ressort nettement de notre étude comparée de la promesse unilatérale de vente, puis de la promesse synallagmatique de vente ; que tout n'est pas complètement identique. Un a priori sur le sujet et un examen rapide des deux droits en la matière auraient pu porter à confusion.

Nous devons donc rechercher en quoi les droits français et espagnols peuvent être améliorés ; ou montrer lequel de ces droits contient la solution satisfaisante à préconiser.

Les législateurs français et espagnols ont complètement ignoré la promesse unilatérale de vente, et n'ont que partiellement disposé sur la promesse synallagmatique de vente. Les tribunaux français et espagnols sont alors intervenus pour poser des règles, qui vu l'utilisation fréquente des promesses, s'avéraient nécessaires. En France comme en Espagne, l'importante jurisprudence sur les promesses de vente devrait donc être rassemblée dans un texte législatif. La législation du droit foral espagnol, ou, celles d'autres droits étrangers (droit italien, cubain), pourrait éventuellement servir de référence.

Les droits français et espagnols manquent de cohérence. Les promesses de vente sont généralement analysées comme des contrats préparatoires. Pourtant, l'article 1589 du Code civil français énonce que " la promesse de vente vaut vente " Au contraire, en Espagne, l'article 1451 du Code civil se réfère bien aux precontratos. Mais si cet article doit s'appliquer à la promesse bilatérale, dans laquelle les deux parties au contrat peuvent demander la réalisation effective du contrat de vente ; il en est autrement pour le contrato de opción. On ne peut pas lui appliquer l'article 1451 car seul le bénéficiaire peut demander. Et il peut demander l'exécution de la vente, pas seulement sa conclusion. Des auteurs espagnols ont donc légitimement douté de la nature précontractuelle du contrat d'option.

A l'origine, la formation du contrat de promesse de vente est consensuelle. Pourtant, si en Espagne, le principe du consensualisme prime encore nettement ; en France, le formalisme n'a cessé de se développer. Nous avons vu que le législateur français intervient effectivement dans la formation de la promesse unilatérale de vente pour imposer des formalités contraignantes ; par exemple avec la loi de 1963, article 1840-A CGI.

Par souci d'équité, les tribunaux français ont admis la possibilité de revoir l'obligation du bénéficiaire de la promesse unilatérale de vente ; c'est à dire de réduire l'indemnité d'immobilisation, soit en requalifiant le contrat de promesse unilatérale en promesse synallagmatique de vente, soit en tenant compte de la renonciation rapide du bénéficiaire au droit d'option. Cette mesure est juste. Mais, nous ne comprenons pas vraiment comment les juges peuvent soutenir, de façon arbitraire, que passé un certain pourcentage du prix de vente total, le bénéficiaire n'a plus le choix de conclure le contrat ; mais y est contraint. A notre avis, une indemnité de 10% du prix de vente lie tout autant le bénéficiaire, qui le plus souvent, ne souhaite pas perdre la somme déjà payée.

En France, la cession entre vifs de la situation du bénéficiaire est libre. Le promettant ne peut s'y opposer ; sauf si cette opposition était envisagée dans le contrat. Mais l'inconvénient est que le bénéficiaire est toujours "lié" à la promesse. Il répond du nouveau bénéficiaire envers le promettant pour le paiement de l'indemnité d'immobilisation et le prix de vente. Au contraire, le système espagnol nous apparaît plus cohérent. La cession n'est permise qu'avec l'accord du promettant ou si une clause expresse du contrat l'a autorisé ; mais les effets de la cession sont complets. Le droit n'est pas seulement transmis, les obligations le sont aussi. L'ancien bénéficiaire est entièrement libéré de la promesse.

En France, contrairement à l'Espagne, la publication du droit d'option ne requiert pas le consentement préalable du promettant ; mais elle est inefficace. Le bénéficiaire accepte donc la promesse unilatérale de vente et s'engage à payer une indemnité d'immobilisation, non pas tant pour le droit d'option ; mais seulement pour devenir le titulaire d'une offre irrévocable. Si la publicité foncière était renforcée en France, le bénéficiaire obtiendrait alors un véritable "pouvoir" de conclure le contrat de vente. Pour que la publicité foncière soit efficace, elle doit rester libre ; mais prévoir, comme en Espagne, l'opposabilité aux tiers du droit d'option publié.

La promesse synallagmatique de vente vaut vente en France; alors que la promesse bilatérale est un precontrato en Espagne. La conséquence est que par application de l'article 1589 du Code civil français, le refus d'exécuter peut être sanctionné par l'exécution forcée. Au contraire, conformément à l'article 1451 du Code civil espagnol, la sanction en cas d'inexécution n'est a priori que le versement de dommages-intérêts. Cependant, en France comme en Espagne, les solutions légales ne sont pas rigides. Malgré les articles des Codes civils, un large pouvoir d'appréciation est laissé aux juges. En France, lorsque les parties ont prévu des formalités supplémentaires nécessaires à la formation du contrat de vente ; elles ont alors constitué une "vraie promesse", c'est à dire un contrat préparatoire à la vente. L'inexécution de la promesse ne peut alors être sanctionnée que par dommages et intérêts. En Espagne, les tribunaux ont admis dès 1950 que chaque fois que l'on retrouve le consentement des parties, que l'objet et le prix ont été déterminés ; le consentement à la vente existe dès la promesse. La sanction en cas d'inexécution de la promesse est alors la même qu'en France dans cette hypothèse : l'exécution forcée est possible.

Le plus souvent, les parties se sont déjà entendues sur le principe même de la vente. Elles ont uniquement voulu en retarder les effets. Le droit français est donc plus logique que le droit espagnol. En France, les juges n'ont effectivement qu'à se référer à l'article 1589 du Code civil pour décider qu'il y a déjà vente. Au contraire en Espagne, ils doivent motiver leur décision en détail pour la justifier. Les espagnols devraient donc admettre la réalité des faits et se rapprocher de nouveau du droit français. Pourtant, la jurisprudence continue à affirmer que le principe est que la promesse est un precontrato. Elle s'appuie toujours autant sur le concept romain de pactum in contrahendo et la théorie classique.

Finalement, il est très intéressant de remarquer que, autant le droit d'option du bénéficiaire dans la promesse unilatérale de vente est trop peu protégé en France ; autant la promesse synallagmatique de vente l'est pleinement, et, plus qu'en Espagne. En effet, la promesse qui a fait l'objet de publicité, est opposable aux tiers. Et donc, en cas de violation de celle-ci et de vente à un tiers ; la vente est annulable. Au contraire, en Espagne, la victime ne peut que demander des dommages-intérêts. Cette faible protection du "droit d'exiger la conclusion du contrat définitif" en Espagne, s'explique encore par le fait que le droit espagnol considère la promesse comme un precontrato et non comme la vente. Il n'y a donc pas eu transmission de droit réel, mais seulement acquisition d'un droit personnel. Or, l'article 14 R.H. ne prévoit l'inscription au Registro que du droit personnel d'option du bénéficiaire de la promesse unilatérale de vente.



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