JURIPOLE : Etude comparative franco-irlandaise des juridictions spéciales en matière de terrorisme - Partie I -Fabienne VIRICEL

JURIPOLE DE LORRAINE

Serveur d'Information Juridique

Réalisé par Alexis BAUMANN


Etude comparative franco-irlandaise des juridictions spéciales en matière de terrorisme
Fabienne VIRICEL



DEUXIEME PARTIE



CHAPITRE II
L'ÉTENDUE DES POUVOIRS DES JURIDICTIONS SPÉCIALISÉES EN MATIÈRE DE TERRORISME


La conception des juridictions qui connaissent des affaires terroristes est, comme le lecteur a pu le constater dans le premier chapitre, fortement divergente en France et en Irlande. Au sein de la République irlandaise, le système qui a été mis en place est un système de Cours spéciales qui exercent leurs compétences dès que les juridictions ordinaires sont inaptes à garantir une administration effective de la justice et le maintien de l'ordre et de la paix publique. En France, la juridiction dont nous parlons ne connaît que des actes de terrorisme puisqu'elle a été conçue pour prévoir l'intervention de juges professionnels, spécialement pour connaître des infractions terroristes prévues par le code pénal, même si la composition de cette Cour d'assises spécialisée est la même que la juridiction chargée de connaître des crimes militaires en temps de paix.

Bien que les actes de terrorisme soient dans les deux pays difficilement définissables les compétences des deux Cours, du fait des différences de conception qui les caractérisent, sont variables. La Special Criminal Court d'Irlande présente un champ de compétence beaucoup plus large que la Cour d'assises spécialisée française. Pour comprendre la teneur de ces spécificités nous allons nous attacher en premier lieu à la définition de ces compétences pour en examiner ensuite les conséquences.

SECTION 1 - LA DÉTERMINATION DES COMPÉTENCES DES COURS SPÉCIALISÉES

§ 1 - Irlande

C'est l'article 36 de l'Offences Against the State Act de 1939 qui prévoit le champ de compétence de la Special Criminal Court. La mise en oeuvre de la cinquième partie de l'acte étant dépendante d'une déclaration gouvernementale, l'étendue des pouvoirs de cette Cour est fixée selon un procédé fort similaire. Aussi l'article 36énonce-t-il:

"Whenever, while this part of this Act is inforce, the governement is satisfied that the ordinary Courts are inadequate to secure the effective administration and the preservation of public peace and order in relation to offences of any particular class or kind or any particular enactment the governement may by order declare that offences of that particular class or kind or under the particular enactment shall be scheduled offences for the purpose of this part of this Act." 1

Le gouvernement a donc la possibilité de déclarer toutes les catégories d'infractions ou les infractions contenues dans un acte particulier comme des infractions annexes au but de l'acte. Les alinéas suivants de l'article 36 de la législation de 1939 prévoient en plus que lorsque le gouvernement a fait une telle déclaration chaque infraction appartenant à telle classe ou de telle sorte ou figurant dans tel acte législatif visé, est une infraction annexe pour les objectifs de cette partie de l'acte, à savoir la cinquième partie qui permet l'existence de Cours criminelles spéciales (art. 36-2). D'autre part, si le gouvernement pense que les juridictions ordinaires sont adaptées pour garantir une administration effective de la justice et un maintien de l'ordre et de la paix publique, le gouvernement peut faire une déclaration énonçant que cette catégorie ou sorte d'infractions ou celles contenues dans tel acte cesseront d'être des infractions annexes.

Par conséquent, la Special Criminal Court irlandaise peut connaître de toutes les infractions que le gouvernement aura pu décider de classer dans la catégorie des infractions annexes à l'acte de 1939, soit des infractions relevant d'une classe particulière ou appartenant à une législation spécifique. C'est encore une fois par déclaration gouvernementale que la compétence de la Cour Criminelle Spéciale sera définie, lui laissant donc un large pouvoir en la matière. Ainsi, le 30 mai 1972, The Offences against the State (scheduled offences) Order 1972 déclara que seraient des infractions annexes à l'acte de 1939 quatre groupes d'infractions: The Offences under Malicious Damage Act 1861, The offences under explosive substance Act 1883, The Offences under the firearms Acts 1925 to 1971, The Offences Against the State Act 1939. 2

C'est alors tout un éventail d'infractions de droit commun qui sont susceptibles d'être jugées par la Cour Criminelle Spéciale par une décision du gouvernement, qui fait suite à une autre décision gouvernementale mettant en oeuvre la cinquième partie de l'acte et donc actionnant le mécanisme des Cours spéciales. Aussi le champ d'intervention de ces Cours est-il très large. Pour quel motif le gouvernement décide-t-il de déclarer telle ou telle catégorie d'infraction ou telle ou telle législation comme appartenant à la liste des scheduled offences, cela n'est pas dit dans la déclaration gouvernementale. On remarquera quand même que les législations visées sont celles qui sont susceptibles d'avoir un lien avec les activités terroristes, ainsi en est-il de la loi sur les matières explosives de 1883 ou encore de celle relative aux armes à feu ou encore des infractions contre l'État. Cela paraît logique, à première vue, dans la mesure où, comme on l'a dit dans le premier chapitre, la déclaration décidant de mettre en oeuvre la Special Criminal Court est liée à l'activité terroristesur le territoire irlandais.

Contrairement à la France où, comme nous allons le voir, la définition des actes jugés par la Cour d'assises spécialisée en matière de terrorisme relève essentiellement du domaine de la loi, l'Irlande, elle, remet aux mains du gouvernement le soin non seulement de décider de la mise en place de juridictions criminelles spéciales mais encore le soin de déterminer l'étendue de ses pouvoirs.


§ 2 - France

En France l'article 706-16 du code de procédure pénale prévoit que les infractions définies aux articles 421-1 à 421-4 du code pénal ainsi que le délit d'association de malfaiteurs de l'article 450-1, lorsqu'il a pour but la préparation de ces infractions seront jugées par la Cour d'assises de Paris (706-17) composée comme prévu à l'article 698-6 (Art. 706-25).

Les articles du code pénal qui définissent les actes de terrorisme se contentent donc d'énumérer des infractions de droit commun qui lorsqu'elles sont "en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur", selon les dispositions de la loi de 1986, seront jugées par la Cour d'assises de Paris composée de juges professionnels.

Parmi les infractions terroristes qui pourront faire l'objet d'un jugement par la Cour d'assises spécialisée, on compte notamment: les atteintes volontaires à la vie, à l'intégrité de la personne, l'enlèvement, la séquestration, les détournements, vols ou extorsions, destructions de monuments, infractions en matière informatique, fabrication d'engins meurtriers ou explosifs ou armes de guerre ou armes biologiques ainsi que leur production, acquisition ou détention. Mais le code pénal français incrimine encore l'introduction dans l'atmosphère, le sol ou le sous-sol ou l'eau des substances de nature à mettre en péril la santé de l'homme ou des animaux ou le milieu naturel. La législation de 1986 n'avait malheureusement pas envisagé toutes les infractions, qui en relation avec une entreprise individuelle ou collective etc., étaient susceptibles de constituer des actes de terrorisme. L'énumération qui avait été faite dans le code de procédure pénale à l'article 706-16 ne prévoyait pas que le recel des infractions de droit commun citées puisse constituer un acte de terrorisme, de même que la participation à un groupement de fait ou à une association en vue de la préparation d'actes de terrorisme. La loi avait incriminé l'association de malfaiteurs mais pas l'infraction spécifique du maintien d'une association dissoute ou de sa reconstitution 3 . Ces lacunes ont été comblées par la Loi du 22 juillet 1996 rajoutant à la liste de 86 l'infraction de recel (Art. 421-1 5e) et la participation à des associations en vue de la préparation d'actes terroristes (Art. 421-2-1).

Le législateur de 86 voulait donner à la juridiction nouvellement désignée des compétences plus ou moins similaires à la Cour de sûreté de l'État, en incluant les délits et crimes contre la sûreté de l'État, mais cette disposition avait été déclarée inconstitutionnelle. C'est donc si les infractions de droit commun retenues par le législateur sont en relation intentionnelle avec une entreprise individuelle ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur que celles-ci seront qualifiées de terroristes et jugées par la Cour d'assises spécialisée de Paris.

On remarquera que dans les deux pays, le législateur a renoncé à définir l'acte de terrorisme en lui-même, qui apparaît d'ailleurs indéfinissable à la plupart des commentateurs, et a résolu l'incrimination du terrorisme en se référant à des infractions de droit commun existantes. En revanche, on peut remarquer que la France s'est attachée à caractériser ces infractions par leur finalité, ce que ne fait pas l'Irlande. En effet, la liste des scheduled offences qui sont énoncées par le gouvernement fera l'objet d'un jugement par la Special Criminal Court parce que les tribunaux ordinaires seront jugés inaptes à connaître de ces infractions, tout en garantissant une bonne administration de la justice et le maintien de l'ordre et de la paix publique. Ce n'est donc pas la finalité des actes qui caractérise les infractions jugées par la Cour irlandaise mais l'incapacité des juridictions de droit commun à en connaître. Et cette différence de conception dans la compétence de ces deux juridictions n'est pas sans conséquences notoires.

Si la loi française de 1986 a été déférée par les députés au Conseil Constitutionnel, en partie parce qu'ils estimaient que la définition des actes de terrorisme n'était pas suffisamment claire et précise et ne répondait pas aux exigences de la déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen pour le critère de légalité de l'article 8, l'Irlande, elle, n'a pas eu à se préoccuper de la définition des actes de terrorisme pour fixer la compétence de la Cour criminelle spéciale.

Le Conseil Constitutionnel français, dans sa décision du 3 septembre 1986 relative à la loi du 9 septembre 86, a rejeté la requête des députés portant sur le critère légal des actes de terrorisme en estimant que:

"La première condition fixée par la loi, qui renvoie à des infractions qui sont elles-mêmes définies par le code pénal ou par les lois spéciales en termes suffisamment clairs et précis, satisfait aux exigences du principe constitutionnel de la légalité des délits et des peines; que de même, la seconde condition est énoncée en des termes d'une précision suffisante pour qu'il n'y ait pas méconnaissance de ce principe."

Si la précision et la clarté de ces infractions ne fait pas de doute au regard du critère de légalité, on était cependant en droit d'attendre que le Conseil Constitutionnel précise en quoi le second critère "en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur" était suffisamment clair et précis au sens de l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789 et au sens de l'article 7 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

En effet, en vertu de ce critère, toute personne se trouvant en relation avec une infraction de l'article 421 du code pénal consistant en une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur pouvait faire l'objet de l'application de la législation anti-terroriste française et être déféré devant la Cour d'assises spécialisée. En procédant par référence aux infractions de droit commun ayant pour but de troubler gravement l'ordre public etc., l'incrimination des actes de terrorisme supposait déjà l'existence d'un élément intentionnel pour que l'infraction de droit commun soit retenue (le droit français requérant toujours l'existence des trois éléments constitutifs d'une infraction pour sa qualification, à savoir légal, matériel et moral).

Ainsi, une personne ayant volontairement commis une des infractions visées, à l'époque par l'article 706-16 du code de procédure pénale, devenu aujourd'hui l'article 421-1 du Nouveau Code Pénal, qui se trouvait en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, pouvait être poursuivie et jugée selon les règles issues de la Loi de86, sans pour autant avoir connaissance de l'entreprise terroriste à laquelle son infraction était liée. Le critère intentionnel de l'élément subjectif de l'infraction n'était pas spécifiquement requis par la loi, la possibilité d'élargir le critère intentionnel de l'élément objectif à l'élément subjectif laissant alors une application large de la définition des actes de terrorisme. C'est sans doute ce qui a conduit le législateur à rajouter dans cette définition le terme "intentionnellement" par la loi du 12 juillet 1996. Ainsi, qu'il s'agisse des actes de terrorisme écologiques ou politiques, l'intention est requise pour que le critère subjectif de l'infraction soit rempli. Cette précision du droit français est notable, car elle révèle une volonté de la part du législateur français de limiter les règles édictées à ce phénomène et d'éviter une application abusive.

Il n'en reste pas moins que la notion d'entreprise individuelle ou collective reste encore assez vague et nécessiterait quelques précisions de la part de la jurisprudence. Mais, si vague soit la définition du droit français en la matière, elle détermine un champ plus limité des compétences de la juridiction d'exception en matière de terrorisme que ne le fait la législation irlandaise.

En Irlande, le problème de la définition des actes de terrorisme ne s'est pas posé de la même manière. L'acte de 1939, qui renferme les atteintes à la sûreté de l'État, ressemble plus à la législation française de 1963 qui regroupait actes de terrorisme et atteintes à la sûreté de l'État. Effectivement, l'Irlande n'a pas créé une infraction terroriste spécifique et n'a pas fait de cette infraction une infraction autonome comme l'a fait le nouveau code pénal français, mais elle a conservé l'incrimination de toutes les atteintes contre l'État dans l'acte de 1939 et a prévu la possibilité de juridictions spécialisées pour en connaître. À côté des infractions contenues dans l'acte de 1939 il a été rajouté une liste de certaines lois qui élargissent la compétence de la Special Criminal Court. Celle-ci ne se détermine pas par la nature des actes terroristes même si, en pratique, elle connaît principalement des infractions ayant un lien avec le terrorisme irlandais (notamment l'appartenance à une organisation illégale comme l'IRA). Le principe est bien qu'elle intervient dès que les tribunaux ordinaires ne peuvent garantir correctement l'administration de la justice et le maintien de l'ordre et de la paix publique.

C'est donc la différence essentielle qui existe entre la juridiction française et la juridiction irlandaise: l'Irlande dispose d'une juridiction spéciale qui a vocation a connaître des actes de terrorisme et autres et non d'une juridiction spécialisée en matière de terrorisme.

Alors que tout le souci de la législation française repose sur la définition des actes de terrorisme afin de limiter la mise en oeuvre de cette juridiction d'exception, l'Irlande, elle, ne se préoccupe pas de ce problème puisque l'existence de la Cour criminelle spéciale est constitutionnellement garantie dès qu'il existe un risque pour l'administration de la justice et l'ordre public.

Pourtant, si la législation de la République irlandaise n'établit aucun lien direct entre la Special Criminal Court et les activités terroristes, force est de constater que ce lien existe puisque les déclarations gouvernementales ayant à plusieurs reprises mis en oeuvre cette juridiction répondaient toujours à une menace de l'Armée Républicaine Irlandaise, constituant le principal groupe terroriste en Irlande. De même les déclarations gouvernementales successives fixant la liste des infractions annexes à l'acte de 39 et définissant donc le domaine d'intervention de cette Cour dénote un lien évident avec les infractions découlant d'activités terroristes.

L'inconvénient d'un tel procédé est qu'il ne peut enfermer cette Cour dans la limite stricte des actes de terrorisme et constitue donc une porte ouverte aux dérives. Il existe en Irlande beaucoup plus de possibilités de soustraire, de la compétence des juridictions ordinaires, des infractions de droit commun pour les confier à une juridiction spécialisée même si celle-ci a, en pratique, une compétence prédominante en matière d'infractions terroristes, et cette affirmation est confirmée lorsque l'on examine les pouvoirs de l'Attorney General.

SECTION 2 - L'EXTENSION DES COMPÉTENCES DE LA SPÉCIAL CRIMINAL COURT
LES POUVOIRS DE L'ATTORNEY GENERAL EN IRLANDE

La Special Criminal Court d'Irlande du sud est compétente pour juger des infractions déclarées annexes par le gouvernement ou autres. Mais la décision de faire juger ces infractions par la juridiction exceptionnelle dépend, en définitive, des pouvoirs de l'Attorney General ou, plus récemment, de son égal, le Director of Public Prosecution. L'article 45 de l'Offences Against the State Act énonce:

"Whenever a person is brought before the justice of a district Court charged with a scheduled offence which such justice has jurisdiction to dispose summarily, such justice shall, if the Attorney General so requests, send such person (in custody or on bail) for trial by a Special Criminal Court on such charge." 4

Il existe ainsi une possibilité pour l'Attorney General, quand une personne est poursuivie pour une infraction devant une District Court et qu'il s'agit d'une infraction sommaire 5 , de demander à ce que celle-ci soit jugée devant la Cour criminelle spéciale, auquel cas le juge devra se dessaisir. L'alinéa 2 du même article prévoit encore:

"Whenever a person is brought before a justice of the district Court charged with scheduled offence which is an indictable offence and such justice receives information in relation to such charge, such justice shall (unless the Attorney General otherwise directs), send such person forward in custody or, with the consent of the Attorney General at liberty on bail for trial before the Special Criminal Court for such charge." 6

Il résulte de cet article que lorsque l'infraction pour laquelle est poursuivi le prévenu est une "indictable offence" 7 , le juge a le devoir de renvoyer cette personne devant la Cour criminelle spéciale, s'il s'agit d'une infraction annexe, à moins que l'Attorney General n'en dispose autrement. C'est donc dans les deux hypothèses la décision de l'Attorney General qui va déterminer la comparution de la personne poursuivie pour une infraction annexe devant la juridiction d'exception, soit une décision positive s'il s'agit d'une infraction sommaire, soit une décision négative s'il s'agit d'un délit. Ainsi, dès qu'une personne est poursuivie pour une infraction annexe elle est susceptible d'être traduite devant la Special Criminal Court si l'Attorney General le décide.

Dans ces deux pays européens, les procédés de définition pour fixer les compétences des juridictions spécialisées dans le jugement des infractions terroristes, sont similaires puisque cela se fait par référence à des infractions de droit commun sans qu'il existe une définition autonome du terrorisme; le champ des pouvoirs de la Cour criminelle spéciale est cependant beaucoup plus étendu. Du fait de son caractère spécial et non spécialisé la Special Criminal Court va intervenir dès que les juridictions ordinaires sont inadéquates pour assurer le maintien de l'ordre public ou garantir une bonne administration de la justice. De fait, des infractions n'ayant aucun lien avec le terrorisme vont pouvoir être traduites devant cette Cour. L'article 46 de l'Acte de 1939 prévoit ainsi:

"Whenever a person is brought before a justice of a District Court charged with an offence which is not a scheduled offence and which such justice has jurisdiction to dispose of summarily such justice shall if the Attorney General so requests and certifies in writing that the ordinary Courts are inadequate to secure the effective administration of justice and the preservation of public peace and order in relation to the trial of such person on such charge, send such person (in custody or on bail) for trial by a Special Criminal Court on such charge." 8

L'article suivant (46-2) énonce la même disposition pour les indictable offences qui peuvent être déférées à la Cour spéciale si l'Attorney General "justifie par écrit que les tribunaux ordinaires sont inadaptés pour en connaître". La décision dépend à chaque fois de l'opinion de l'Attorney General par rapport à la compétence et aux garantie que peuvent présenter les tribunaux ordinaires dans ces hypothèses. Cela équivaut donc à laisser à la discrétion d'un seul homme la décision de traduire une personne devant une juridiction spéciale ou non et de la soumettre ainsi à une procédure dérogatoire du droit commun puisque la Constitution irlandaise laisse ces juridictions libres de fixer leurs propres règles de procédure. Les pouvoirs de l'Attorney General, remplacé aujourd'hui par le Director of Public Prosecution, font l'objet de nombreuses critiques, parce qu'ils permettent en réalité à toute personne d'être jugée devant une Cour spéciale sans qu'il existe obligatoirement un lien entre l'infraction de cette personne et des activités terroristes. Ces Cours sont mises en oeuvre par une déclaration gouvernementale qui, jusqu'à maintenant, a toujours été la conséquence des activités terroristes de l'IRA même si officiellement rien n'est dit, mais la confiance que place l'Acte de 1939 dans la discrétion de plusieurs organes de poursuite pour décider de l'envoi de personnes inculpées devant une Cour spéciale ou non, peut conduire au jugement de n'importe quelle infraction devant une Cour spéciale s'il existe dans l'esprit des autorités de poursuite la conviction que les tribunaux ordinaires ne peuvent garantir une bonne administration de la justice. Il semble alors que la justification initiale de ces juridictions d'exception puisse être complètement oubliée de part les pouvoirs qui sont confiés à l'Attorney General par la législation irlandaise: si l'on se trouve en présence d'une infraction annexe, ce dernier pourra envoyer une personne devant la Cour spéciale sans justifications écrites, s'il s'agit d'une infraction annexe il devra justifier sa décision par écrit, mais le texte ne précise pas s'il devra donner les raisons de sa décision. Dans les hypothèses que nous venons d'évoquer il existe cependant un respect de la procédure normale de poursuites pour les indictables et summon offences, qui sont, dans un premier temps, déférées devant la District Court qui exercera les poursuites contre le prévenu (notamment les pouvoirs d'enquête, qui lui permettront de décider s'il y a lieu de poursuivre ou non) .

Plus dérogatoire est la procédure de l'article 47. Cet article prévoit en effet la possibilité de déroger à la procédure ordinaire de droit criminel en laissant à l'entière discrétion de l'Attorney General le soin de poursuivre et traduire une personne devant la Cour Spéciale dans l'hypothèse où il juge que les tribunaux ordinaires sont incompétents pour assurer une bonne administration de la justice et le maintien de l'ordre et de la paix publique. L'article 47 dispose ainsi:

"Whenever it is intended to charge a person with a scheduled offence, the Attorney General may if he so thinks proper direct that such person shall, in lieu of being charged with such offence before a justice of a District Court, be brought before a Special Criminal Court and therefore charged with such offence, and upon such direction being so given, such person shall be brought before a Special Criminal Court and shall be charged before that Court with such offence and shall be tried by such Court on such charge.

Whenever it is intended to charge a person with an offence which is not a scheduled offence and the Attorney General certifies that the ordinary Courts are in his opinion inadequate to secure the effective administration of justice and the preservation of public peace and order, in relation to the trial of such person on such charge, the foregoing subsection of this section shall apply and have effect as if the offence with such person is so intended to be charged were a scheduled offence." 9

Ainsi, que l'on soit en présence d'une infraction annexe ou non, l'Attorney General a la possibilité de déroger à la procédure de droit commun, pour envoyer directement la personne devant la Cour spéciale. À cet effet, quelques précisions sur la procédure irlandaise sont nécessaires. Il existe en principe deux types de poursuites en droit irlandais, l'un dite summons l'autre appelée indictment. La première est une procédure simplifiée s'appliquant aux infractions mineures et permet à un simple policier de poursuivre une personne et de l'assigner devant un tribunal selon une procédure rapide. Cette procédure est utilisée pour les infractions qui encourent une peine inférieure à cinq ans d'emprisonnement. L'autre procédure suppose plus de formalités et notamment l'intervention du Director of Public Prosecution (DPP) pour déclencher les poursuites contre la personne. Cette procédure suppose ensuite que l'affaire soit déférée à un District Court qui procédera à des investigations et décidera ensuite de renvoyer l'accusé devant la juridiction compétente. La procédure de l'article 47 permet alors au DPP ou à l'Attorney General de déroger aux pouvoirs de la District Court en matière d'investigations pour déférer le prévenu directement à la Cour spéciale où il sera jugé.

Ces pouvoirs apparaissent d'autant plus discrétionnaires de la part du DPP qu'il n'a pas à justifier sa décision d'envoyer la personne pour être jugée devant une Cour spéciale. Les deux formules de l'article 47 "if the Attorney General thinks so proper" et "in his opinion" relèvent bien cette discrétion. Dans l'hypothèse d'une infraction annexe, s'il juge opportun et nécessaire d'envoyer cette personne devant la Cour spéciale et dans l'hypothèse d'une infraction non annexe, il lui suffit de penser que les tribunaux ordinaires sont inaptes à connaître de cette infraction dans l'intérêt d'une administration effective de la justice etc. De plus, en vertu de la décision du DPP de déférer la personne soupçonnée de la commission de l'infraction devant la Cour spéciale, cette personne peut être arrêtée sur requête de la Cour et mise en détention provisoire. Cette décision dépendant essentiellement de la croyance du DPP dans l'opportunité de déférer la personne accusée d'avoir commis telle infraction devant la Cour spéciale cette disposition a été fortement critiquée. Aussi, comme l'explique Mary Robinson dans son ouvrage, une personne interceptée pour effraction avec intention de voler (infraction prévue par le Larceny Act de 1916 et qui n'est pas une infraction annexe) peut, si l'Attorney General certifie que son opinion est que les tribunaux ordinaires sont inadaptés pour en connaître, déférer l'accusé devant la Cour spéciale pour y être poursuivi et jugé, déniant à cette personne le droit d'être jugée par un jury. Il en va de même pour toutes les infractions qui ne constituent pas des infractions annexes à l'Acte de 1939.

Ces dispositions sont assez choquantes lorsque l'on sait que les Cours spéciales sont mises en oeuvre pour connaître des infractions en lien avec le terrorisme. Une personne soupçonnée d'avoir commis un simple meurtre peut, en vertu de l'article 47 de la loi de 1939, être poursuivie et jugée devant une Cour spéciale en matière criminelle. Que reste-t-il alors du principe d'Égalité des citoyens devant la justice et du droit à un procès équitable, si la détermination de la juridiction compétente pour connaître d'un prévenu repose en définitive sur le pouvoir discrétionnaire d'un seul homme?

La constitutionnalité de l'article 47 de la loi de 1939 a, bien entendu, été soulevée mais sans résultat, jusqu'à ce jour. Elle fut notamment mise en cause à l'occasion d'une affaire assez célèbre, Re Mc Curtain. En 1941 Thomas MacCurtain, poursuivi pour meurtre, avait été déféré devant la Special Criminal Court par l'Attorney General en vertu de l'article 46.2 de l'Acte de 1939. Il fut condamné par la Cour composée de cinq militaires au cours d'un procès qui eut lieu dans une caserne militaire (barracks), après être resté en détention dans une prison militaire. 10 Mc Curtain avait alors fait appel de cette décision sous prétexte qu'il n'avait pas été traduit devant une Cour spéciale mais devant une Cour militaire et que, en outre, il n'était pas établi, en l'espèce, que les tribunaux ordinaires étaient inadaptés pour assurer une administration efficace de la justice et le maintien de l'ordre et de la paix publique. Ses recours furent cependant rejetés devant la High Court et la Supreme Court. Outre le problème de la composition de cette Cour, que nous examineront dans le chapitre suivant, la Cour eut à se prononcer sur la constitutionnalité de l'article 46-2 et s'exprima ainsi:

"Clause 3, paragraph 1, expressly provides that the question whether the ordinary courts are inadequate to secure the effective administration of justice and the preservation of public peace and order is to be determined in the manner provided by the Act by which the Special Courts are established. It was left to the legislature to choose the particular method by which that question should be determined and to provide accordingly and any provision so made in compliance with the Constitution. That is sufficient to dispose of the contention that Section 35, Subjection 2, and section 46, subjection 2 of the Act are repugnant to the Constitution and invalid." 11

C'est donc parce que la Constitution laisse une liberté de choix au pouvoir législatif pour fixer les modalités d'établissement des Cours spéciales que le pouvoir discrétionnaire du Director of Public Prosecution ne peut être remis en cause.

Comme le soulignait Mary Robinson dans son ouvrage, la solution n'est pas si évidente qu'il y paraît. La vrai question qui se pose est de savoir si le pouvoir législatif peut conférer une large discrétion à l'Attorney General, c'est-à-dire un pouvoir illimité pour déclarer que, à son avis, les tribunaux ordinaires ne sont pas adaptés pour assurer l'administration effective de la justice et la préservation de l'ordre et de la paix publique ou s'il est possible de remettre en cause les raisons qui ont conduit l'Attorney General ou le Director of Public Prosecution à une telle décision.

Or, des affaires pourraient venir appuyer un recours en inconstitutionnalité de ces articles, fondé sur le pouvoir illimité de l'Attorney General. Aussi, dans l'affaire East Donegal Co-operative Livestock Marts Ltd. v. Attorney General 12 mettant en cause les pouvoirs que détenait le Ministre de l'Agriculture en vertu d'une loi, le juge Walsh affirmait que tous les pouvoirs qui lui étaient conférés par les expressions "à sa discrétion" ou "comme bon lui semblera" ou "s'il juge convenable"sont des pouvoirs qui doivent être exercés uniquement dans les strictes limites de la loi qui les prévoit. Il ajoutait que ces pouvoirs font en outre peser sur le Ministre le devoir d'agir justement et en accord avec les principes constitutionnels de justice, ne lui donnant pas un pouvoir absolu,ou pour lequel il ne serait pas qualifié, ou encore arbitraire, d'accorder ou de refuser à sa guise. De même l'admission de l'existence d'un droit constitutionnel à être jugé par un jury, dans la limite fixée par l'article 38-3 de la Constitution, serait un sérieux argument pour s'opposer à un pouvoir illimité de l'Attorney General pour décider dans tous les cas de poursuites si une personne va être traduite devant une Cour spéciale ou une juridiction ordinaire, avec jury.

Il va donc de soi que les dispositions relatives aux pouvoirs de l'Attorney General ou du Director of Public Prosecution laisse un large éventail de possibilités pour traduire de personnes devant la Special Criminal Court et contribuent en ce sens à en élargir les compétences, par rapport à ce que les textes initiaux prévoyaient. Cela tient, bien entendu, au caractère de ces juridictions d'exception qui, contrairement à la France, n'ont pas une vocation à connaître seulement d'actes de terrorisme, mais cela tient aussi à la confiance que le pouvoir législatif en Irlande semble avoir placé dans les instances chargées des poursuites en matière criminelle.

En France, ce problème ne se pose pas, dans la mesure où le législateur s'est attaché, par la loi de 1986, à appliquer une procédure de droit commun aux juridictions parisiennes chargées de connaître des affaires terroristes et surtout dans la mesure où la juridiction d'exception en matière de terrorisme est spécialisée pour ne connaître que de ces affaires. Si son existence se justifie, elle aussi, par la nécessité de garantir une bonne administration de la justice et le maintien de l'ordre public, la loi n'a pas fait de cette nécessité un élément pour définir les compétences de cette Cour; si, pour une raison quelconque, il était estimé, dans une affaire n'ayant aucun lien avec une activité terroriste (un simple meutre, par exemple), qu'il est impossible de confier cette affaire à un tribunal ordinaire dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il ne serait pas légalement possible de confier cette affaire à la Cour d'assises de Paris. Il faudrait, dans une telle hypothèse, qu'une loi prévoie l'élargissement des compétences de cette Cour ou qu'une autre juridiction spéciale soit créée. Ceci n'est pas une hypothèse d'école; les infractions liées au trafic de stupéfiants font aujourd'hui l'objet de discussions sur la nécessité de les confier à une juridiction spécialisée dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le jugement de celles-ci nécessitant des connaissances techniques que de simples jurés n'ont pas forcément.

Les deux systèmes ici comparés présentent donc des avantages et des inconvénients. L'avantage du système irlandais est qu'il permet de confier à une Cour spécialisée le jugement des affaires qui ne peuvent être connues par les juridictions ordinaires, sans mettre en cause l'administration de la justice; même si la Constitution prévoit l'existence de plusieurs Cours Criminelles Spéciales, en pratique, la Cour spéciale en vigueur connaîtra de toutes les affaires qui lui sont déférées dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, ce qui n'est pas possible en France. L'inconvénient de ce système réside bien entendu dans les risques d'abus et de dérives des pouvoirs de cette Cour.

Ces risques d'abus sont encore accentués si l'on considère la confiance qui est placée par la législation irlandaise dans d'autres organes de poursuites à un stade différent de la procédure. Ainsi en est-il des pouvoirs qui sont conférés par l'Acte de 1939 à des officiers de police. Le plus significatif est une disposition qui fut rajoutée à la loi de 1939 par un amendement du 3 décembre 1972. L'article 3 de cet amendement prévoit en effet une disposition spécifique à la preuve de l'appartenance à une organisation illégale, qui constitue une des infractions annexes contenue dans l'article 21 de l'acte de 1939. Aussi est-il prévu:

"Where an officer of the Garda Síochána, not below the rank of Chief Superintendent, in giving evidence in proceedings relating to an offence under the said section 21, states that he believes that the accused was at a material time a member of an unlawful organisation, the statement shall be evidence that he was then such a member." 13

Cette disposition laisse donc reposer sur l'opinion d'un officier de police de haut rang la preuve de l'appartenance d'un individu à une organisation illégale. En outre, il n'est fait aucune référence aux raisons qui auraient pu conduire l'officier en question à émettre de telles affirmations. Bien que les avocats de la défense s'évertuent, au cours de l'audience, dans de tels cas, à essayer de déterminer les raisons qui ont pu pousser l'officier de police en question à se faire une telle opinion, la Cour s'en tient, en principe, à la lettre de l'amendement de 1972 qui stipule qu'un tel témoignage constitue une preuve. On peut, à cet effet, citer une affaire récente dont la Special Criminal Court a dû connaître le 1er juillet 1997 14 . Dans cette affaire, le prévenu avait été arrêté en possession d'armes à feu, infraction constituant une infraction annexe. La police détenait en outre des informations sur des liens que le prévenu aurait entretenus avec l'IRA. Il fut traduit devant la Special Criminal Court pour appartenance à une organisation illégale, en l'occurrence l'IRA, au moment de son arrestation. Bien que le prévenu ait admis avoir appartenu à l'IRA, à une certaine époque, il niait en être membre des faits et plaida non coupable.

La Cour le reconnut néanmoins coupable d'avoir appartenu à une organisation illégale lors des faits et motiva sa décision sur le témoignage de l'officier de police supérieur ayant déclaré devant la Cour qu'il pensait qu'au moment où le prévenu avait été arrêté il appartenait encore à l'IRA. La Cour, dans cette affaire, se montra cependant clémente sur la peine infligée au prévenu compte tenu de son âge, de sa situation sociale, de la détention provisoire qu'il avait pu accomplir, et aussi du témoignage qu'il avait lui-même fait devant la Cour. Mais il n'empêche que, en l'espèce, la décision fut bien fondée sur le témoignage de l'officier de police.

Cela montre que les dérogations qui sont faites en amont du procès pénal en matière criminelle peuvent avoir des conséquences directes sur la décision rendue par la Cour spéciale, il n'est donc pas possible de dissocier totalement les différentes phases du procès pénal.


CHAPITRE III
LA DÉROGATION AU PROCÈS PAR JURY


Ce qui caractérise les juridictions spécialisées en matière de terrorisme, qu'il s'agisse de la France comme de l'Irlande ou de la plupart des pays européens, c'est la soustraction des affaires à un jury populaire qui connaît généralement des infractions pénales, soit de la plupart des infractions pénales à partir d'un certain degré de gravité en Irlande, soit des infractions les plus graves en France.

Cette entorse à un principe fondamental du droit commun ne va pas sans soulever des critiques et, même si les circonstances entourant les infractions terroristes peuvent la justifier, cette règle soulève toujours de nouveaux commentaires et de nouvelles questions. L'atteinte au droit d'être jugé par ses pairs constitue, en effet, une atteinte à un principe qui est à la base de l'évolution de notre système de droit pénal qui, de plus, est de teneur différente selon le système de droit dans lequel on se place. En outre, les règles qui en découlent ne sont pas toujours les mêmes bien que, dans les deux pays, les raisons donnant lieu à la dérogation au droit d'être jugé par ses pairs soient souvent identiques.

Pour comprendre à quel point cette règle d'exception, qui semble pourtant admise dans la plupart des pays européens pour réprimer le terrorisme, est susceptible de remettre en cause des principes fondamentaux de la procédure pénale actuelle, il convient, au préalable, de rappeler quels sont les fondements idéologiques de l'institution du droit à un procès par jurés dans les deux pays nous concernant, pour souligner les nuances qui s'y rattachent. Si les raisons de l'absence du droit à être jugé par un jury populaire sont similaires en France et en Irlande, il existe des dispositions spécifiques à la procédure pénale dans chaque pays qui peuvent laisser penser que les conséquences de cette dérogation au droit commun sont quelque peu différentes quant au jugement des terroristes dans les deux pays.

SECTION 1 - LE PRINCIPE DU PROCÈS PAR JURÉS

§ 1 -Les fondements du droit à un procès par jurés

C'est encore une fois pour s'opposer à l'arbitraire que le principe du droit à être jugé par ses pairs a fait son apparition, qu'il s'agisse de l'arbitraire du juge qui rendait la justice en se déplaçant sur le territoire (les chiefs justice en Irlande, ou les baillis en France) au nom du Roi, ou qu'il s'agisse du Roi lui-même lorsqu'il rendait la justice en son nom.

Ainsi comme l'a exprimé le juge irlandais Kingsmill Moore dans l'affaire Melling v. ó Mathyghamhna:

"Rightly or not, trial by jury had for centuries been regarded populary as a most important safeguard for the individual, a protection alike against the zeal of an enthusiastic Executive or the rigidity of an ultra-conservative Judiciary." 15

Mais la façon dont a été mis en place et pensé le droit à un procès par jurés est aussi intimement lié à l'expérience propre de chaque pays. Aussi, en France, c'est à la Révolution que le jury populaire fut institué avec une audience publique et contradictoire, pour les crimes les plus graves, par une loi de septembre 1791. L'institution du jury populaire répondait au courant démocratique qui s'était développé pendant la période précédent la Révolution et pendant la Révolution elle-même; il s'agissait alors de rendre la justice "au nom du peuple français" et, qui était alors mieux placé que le peuple lui-même pour décider de la vie ou de la mort pour les crimes les plus graves. La France n'allait cependant pas mettre en place un dispositif juridique où le jury populaire aurait une place prépondérante; avec l'institution, quelques années plus tard, d'une forme de procès inquisitoriale, le rôle du jury allait fortement diminuer. La France tendait, en définitive, à trouver un compromis entre une forme de procès accusatoire qu'elle avait connu à l'époque romaine et au haut Moyen-Âge et une forme inquisitoire qui s'était développée avec la monarchie.

Néanmoins, la nécessité d'instaurer un degré de démocratie pure dans la procédure pénale était bien réelle. Bien que constituant l'une des plus grandes évolutions du procès pénal, l'institution du jury populaire ne figurait cependant pas dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. Ce droit fut consacré par le code Napoléon et les codes qui suivirent mais il ne connut jamais de fondement constitutionnel.

Au contraire, en Irlande, c'est au coeur même de la Constitution de 1937 que l'on trouve affirmé le droit à être jugé par ses pairs, puisque l'article 38 prévoit: "[...] no person shall be tried without a jury." 16 Encore une fois, la valeur constitutionnelle de ce droit n'est pas un hasard en Irlande, comme l'explique clairement le juge Henchy de la Cour Suprême dans l'arrêt The People (D.P.P.) v. O'shea:

"I am convinced that the indissoluble attachment to trial by jury, of the right after acquittal to raise the plea of autrefois acquit was one of the prime reasons why the Constitution of 1937 (like that of 1922) mandated trial with a jury as a normal mode of trying major offences. The bitter Irish race-memory of politically appointed and Executive-oriented judges, of the suspension of jury trial in times of popular revolt, of the substitution therefore of summary trial or detention without trial, of cat-and-mouses releases from such detention, of packed juries and sometimes corrupt judges and prosecuters, had long implanted in the conciousness of the people and therefore in the minds of their political representatives, the conviction that the best way of preventing an individual from suffering a wrong conviction for an offence was to allow him to put himself upon his country [...]" 17

C'est donc l'abus de pouvoir de l'exécutif, l'arbitraire et la corruption des juges, que l'Irlande avait connus en période de révolte, qui ont conduit à l'institution d'un droit constitutionnellement garanti à être jugé par ses pairs. De même, dans l'affaire pré-citée, Melling v.ó Mathghamhna (voir référence précédente), le juge Kingsmill Moore poursuivait sur la nécessité du zèle d'un Exécutif enthousiaste et de la rigidité d'un pouvoir judiciaire ultra-conservateur: "[...] Especially was this so in the History of Ireland to reasonably clear that the Saorstát Éireann Constitution meant to preserve and extend this right." 18

Aussi, le fondement constitutionnel de ce droit n'est-il pas anodin, en Irlande, et l'on comprend, alors, que si dérogation il devait y avoir à ce principe, celle-ci ne pouvait être que constitutionnelle. C'est pourquoi le même article de la Constitution prévoit la possibilité de mettre en place des juridictions d'exception, qu'il s'agisse de juridictions militaires ou de Special Criminal Court.

En vérité, les fondements du droit à un jury populaire, pour les infractions les plus graves, repose sur trois ordres d'idée que l'on retrouve dans les deux pays: la volonté de mettre en place un mécanisme démocratique où le peuple participe à l'exercice du pouvoir judiciaire, la nécessité de s'opposer aux risques de corruption des juges qui, nommés par le pouvoir exécutif ou politiquement influencés, ne peuvent décider équitablement de la culpabilité de l'accusé, et enfin la volonté de confier le jugement des affaires les plus graves et donc, à une certaine époque où la décision portait sur le droit de vie ou de mort d'un individu, au bon sens populaire qui, plus proche des réalités quotidiennes et totalement libre de ses décisions, est mieux à même de rendre une décision juste et concertée. Cette garantie d'une meilleure justice par le peuple est sans doute contestable, il n'empêche qu'elle est une caractéristique de toutes les démocraties modernes et que dès que l'on porte atteinte à ce droit, on s'expose toujours à de vives critiques.

Avant d'expliquer pourquoi des dérogations à ce principe sont nécessaires, spécialement en matière de terrorisme, il convient de faire quelque remarques générales sur les différences qui caractérisent le jury dans le système de Common law et dans le système français.


§ 2 : Les différentes conceptions du jury populaire

L'institution du jury populaire dans les systèmes de Common Law a une importance beaucoup plus grande, qu'il s'agisse de la Grande-Bretagne de l'Irlande ou des États-Unis. Le jury intervient dans la plus grande partie des infractions pénales, contrairement à la France où le jury ne sera compétent que pour connaître des crimes, à savoir les infractions encourant une peine de plus de dix ans d'emprisonnement ou une amende. Dans les deux systèmes, ce sont les infractions les plus graves qui seront soumises au jury populaire mais le champ de ces infractions est beaucoup plus étendu dans les pays de Common Law. En Irlande, le jury connaît des Major Offences par opposition aux Minor Offences. Mais leur étendue regroupe un ensemble d'infractions beaucoup plus vaste que les crimes en droit français. Aussi, un vol, une effraction vont pouvoir être soumis à un jury en Irlande alors que ces délits en France relèveront de la compétence d'un juge professionnel (tribunal correctionnel). De plus, la qualification d'une infraction ne relève pas d'une définition légale pré-établie, mais du pouvoir du juge qui en fonction des circonstances va la qualifier de minor offence, la soustrayant au droit d'être jugée par un jury, ou de major offence.

"Normally, all criminal charges are initiated and processed in the District Court. If the offence is minor, it is dealt with summarily in the District Court, inother word, by the district judge sitting on his own without a jury. If the charge is not a minor offence (or if the accused is entitled to opt for trial by jury) the relevant documents (refered to as the book of evidence) are served on the accused, and following a judicial examination as to whether there is sufficient evidence upon with to send the accused forward the trial, the accused is either discharged if there is not, or if there is, he or she is sent forward the trial to the relevant court that is the circuit criminal court, the central criminal court or more rarely the Special Criminal Court." 19

On peut remarquer qu'en France, le juge joue aussi un rôle dans la qualification de l'infraction, mais il le fait par référence aux critères définis par la loi en recherchant les trois éléments constitutifs (légal, matériel et moral). Aussi, le jury irlandais connaît-il de la plupart des infractions qui, en France, relèveraient du tribunal correctionnel. Les infractions qualifiées de minor offences, parmi lesquelles on trouve la plupart du temps les infractions au code la route, relèvent alors d'une juridiction à juge unique; elles correspondent plus ou moins aux contraventions en droit français.

Cela fait du jury une institution beaucoup plus forte en Irlande qu'en France, où le degré de justice populaire est beaucoup plus élevé. On peut remarquer que le jury existe aussi en matière civile dans les systèmes de Common Law, même s'il est assez rare, et n'est pas limité à la seule matière pénale.

Outre ces différences de compétences, il existe aussi des différences quant à la procédure du procès par jurés. La France compte neuf jurés en Cour d'assises (Art.296 CPP), alors que l'Irlande en compte douze pour toutes les affaires. La décision de culpabilité doit être rendue à la majorité renforcée en France (huit voix sur onze, Art. 359 CPP) alors qu'en Irlande, c'est à l'unanimité que les jurés doivent se déterminer. Ainsi, tant que les douze jurés ne sont pas tombés d'accord sur un jugement, la sentence ne peut être prononcée. Ceci illustre bien l'exigence de substituer une décision de consensus à une décision discrétionnaire d'un juge et garantit donc à l'accusé un degré supérieur d'impartialité. À cela s'ajoute une garantie supplémentaire qui est l'absence de participation du juge aux débats, contrairement à la France où la Cour d'assises se compose de neuf jurés, du Président et de deux assesseurs (magistrats de l'ordre judiciaire), qui tous participent à la décision finale (culpabilité et peine); l'Irlande, elle, ne compte qu'avec le jury pour ce qui est de la culpabilité de l'accusé.

Si, officiellement, dans les deux pays, le président (ou la Cour, en France) est là pour conduire les débats et éclairer le jury sur des questions de droit, il joue cependant un rôle beaucoup plus grand en France: non seulement il conduit les débats de Cour d'assises en posant des questions aux témoins ou à l'accusé, mais il participe encore aux débats ainsi que ses deux assesseurs et à la décision rendue sur la culpabilité. La présence de la Cour au sein d'un procès de Cour d'assises est beaucoup plus susceptible d'influencer les jurés quant à leur décision finale qui devra être rendue à la majorité des neuf douzièmes s'il s'agit d'une affirmation de culpabilité. Même si officiellement, le président, en France, ne doit tenir qu'un rôle d'informateur juridique, il a immanquablement une influence plus grande sur le procès lui-même. Cette caractéristique est d'ailleurs bien connue pour illustrer le mode inquisitoire du procès pénal en France.

Le rôle du juge apparaît alors plus limité dans les procédures criminelles de Common Law où le président éclairera le jury sur les questions de droit uniquement, à la fin des débats. On peut remarquer, à cet égard, que chaque fois que le président désire être éclairé par les avocats ou le ministère public, il demande au jury de se retirer, afin d'éviter toute influence sur la décision que ce dernier devra rendre. En outre, il interviendra pour le prononcé de la peine applicable à la suite de la décision rendue par le jury sur la culpabilité de l'accusé. À ce propos, il est encore intéressant de noter que le système français, s'il limite quelque peu le rôle du jury populaire, lui permet cependant d'intervenir dans le prononcé de la peine en collaboration avec la Cour.

Ces quelques remarques ont simplement pour but d'éclairer le lecteur quant à la conception du procès pénal dans ces deux pays, et de montrer l'attachement du système de Common Law au procès par jurés; on ne comprend que mieux par la suite les enjeux que les dérogations au droit à un jury populaire peuvent représenter dans ces deux États.

Dès lors l'atteinte au principe du jury populaire a des conséquences beaucoup plus graves dans la procédure pénale irlandaise où elle heurte les consciences populaires.

La mise en place de juridictions d'exception en matière de terrorisme porte atteinte à l'une des valeurs les plus fondamentales du procès pénal et cette situation a été dénoncée dans les deux pays. En France, ce fut le cas pour les atteintes visant la Cour de Sûreté de l'État qui conduisirent François Mitterrand à la supprimer en 1981 et à rétablir le droit à un procès par jurés. En Irlande, l'absence du jury pour connaître des infractions de terrorisme est en permanence dénoncée. Ainsi le dénonçait Michael Farrel, avocat et grand défenseur des droits civiques et libertés en Irlande dans un de ses pamphlets: "But as the Northern troubles began to spill over into the south, the abrasive Justice Minister, Des O'Malley, re-established the juryless Special Criminal Court in May 1972- over a year before juries were abolished for political or terrorist cases in the North." 20


§ 3: Les justifications de la dérogation

Cependant, si dénoncée soit-elle, la dérogation au droit à un procès par jurés trouve des justifications, particulièrement en matière de terrorisme. Ce n'est pas par plaisir que les États français et irlandais ont établi des Cours spéciales pour juger les terroristes mais bien par nécessité. La Constitution de l'État irlandais le précise d'ailleurs clairement, les juridictions d'exception peuvent être mises en place quand "les tribunaux ordinaires se révèlent inadéquats pour assurer une administration effective de la justice et préserver l'ordre et la paix publique". C'est donc dans l'intérêt d'une meilleure administration de la justice que les juridictions spécialisées en matière de terrorisme trouvent leur justification.

Les nécessités de déroger à un procès par jurés ont été clairement exprimées dans un rapport relatif aux événements en Irlande du Nord au début des années 1970, plus connu sous le nom du président du comité consulté, Lord Diplock 21 . Ce rapport relève en effet deux raisons fondamentales à l'absence de jury en matière de terrorisme: d'une part, il existe un risque permanent que les jurés fassent l'objet de pressions et de menaces de la part des terroristes, mettant en jeu leur vie et leur sécurité; d'autre part, les liens qui existent entre la population et les terroristes sont souvent d'ordre passionnel rendant les décisions du jury imprévisibles ou préconçues, faussant ainsi les règles de garantie d'une bonne administration de la justice.

Ces deux raisons se vérifient bien dans les deux États nous concernant: on a déjà cité le cas en France où une Cour d'assises a dû être supprimée parce que les jurés avaient fait l'objet de menaces de mort de la part de l'accusé soupçonné d'appartenir à Action Directe, en 1986. Cet événement avait eu pour effet de rendre d'application immédiate les dispositions de la loi du 9 Septembre 1986 relatives à la Cour d'assises professionnelle et de retirer cette affaire au jury populaire. Pour ce qui est de l'Irlande, la menace pesant sur les jurés est sans doute plus forte en Ulster, selon que le jury soit composé de membres à majorité catholique ou protestante et que l'accusé soit de tendance loyaliste ou républicaine. Or, comme le souligne le rapport Diplock: "A frightened juror is a bad juror even though his own safety and that of his family may not actually be at risk." 22

Les remarques faites dans le rapport Diplock concernaient essentiellement l'Irlande du Nord mais il n'en reste pas moins qu'elles demeurent valables pour le sud où les membres de l'IRA sont toujours en mesure de faire pression sur les habitants du sud pour éviter une condamnation. Il convient, en outre, de souligner que ce rapport est souvent cité par la Special Criminal Court de la République d'Irlande, lorsqu'une question se pose sur sa compétence et sur son fonctionnement.

Mais la seconde raison évoquée dans le rapport et justifiant la soustraction des affaires terroristes à un jury populaire est sans doute celle qui s'illustre le plus en Irlande du sud:"the danger of perverse convictions by partisan juries" 23 , tel que le rapport l'énonce, est une réalité toujours présente en Irlande.

Si le rapport Diplock visait essentiellement le risque, en Irlande du Nord, qu'un terroriste nationaliste fasse l'objet d'une conviction de culpabilité par un jury protestant ou qu'à l'inverse, un loyaliste soit condamné à l'avance par un jury en majorité catholique, le risque de condamnations partisanes au sud du pays semblerait plutôt s'orienter en faveur des terroristes. Bien que cela ne soit pas un phénomène systématique et que le terrorisme ait toujours été dénoncé par la population irlandaise, il n'en reste pas moins que les sympathies d'une majorité de la population pour les idées défendues par l'Armée Républicaine Irlandaise seraient de nature à influencer une décision rendue par un jury populaire. Comme nous l'avons vu en introduction, le terrorisme irlandais est indissociable de la lutte qu'a menée le pays pendant des siècles pour son indépendance et si certains ont préféré la voie politique et pacifique, il est cependant vrai qu'il existe des liens entre le peuple irlandais et l'IRA. Cela était particulièrement évident lors de la guerre d'indépendance qui eut lieu de 1919 à 1921 et pendant laquelle l'IRA multiplia les actes de violence à l'égard des policiers britanniques. "By 1920 the Irish were a people in arms, committed to the IRA which itself was a highly disciplined guerrilla army." 24

Cette réalité historique affirmée par Bowden a peut-être un peu perdu de sa valeur aujourd'hui dans la mesure où la population est moins impliquée dans la lutte pour l'indépendance du nord qu'elle ne l'était dans la lutte pour l'indépendance du pays tout entier dans les années 1920. Cependant, la connexion entre terroristes et gens du peuple existe toujours, mais elle connaît aujourd'hui une forme différente. C'est, en effet, par le biais de la représentation politique que les défenseurs d'une Irlande unie peuvent exprimer leurs revendications et plus spécialement par l'intermédiaire du Sinn Féin (Nous-Mêmes). Bien que ce dernier ait vu le jour avant l'Armée Républicaine Irlandaise (sa naissance remonte à 1905) il a connu un succès politique grandissant ces dernières années. Il faut dire que, premier et unique parti politique irlandais à l'origine, il a été victime de nombreuses divisions et démembrements (donnant naissance aux principaux partis politiques irlandais) qui en ont affecté sa structure et diminué son influence, particulièrement après le Traité de 1922. Néanmoins, le Sinn Féin a survécu et il est aujourd'hui officiellement reconnu comme la branche politique de l'IRA, de par les liens idéologiques étroits qu'il entretient avec elle. Il va donc de soit que dans de telles circonstances, les sympathisants du Sinn Féin ne peuvent avoir une vision objective des activités de l'IRA et l'on comprend alors qu'il serait risqué de laisser à un jury populaire le soin de juger les terroristes en Irlande du sud.

La France, elle, ne connaît pas jusqu'à maintenant de groupes politiques se déclarant officiellement les représentants de tel ou tel groupe terroriste. Pourtant, les remarques faites plus haut à propos des liens étroits existant entre nationalistes et population peuvent aussi valoir pour le terrorisme indépendantiste que connaît la France. Ainsi, il va sans dire qu'un terroriste appartenant au FLNC aurait plus de chances d'être l'objet d'un jugement partisan devant un jury corse que devant un jury du nord de la France.

Il faut noter dans un souci de réalisme que la réaction des populations locales concernées par le terrorisme peut être totalement inverse et que la lassitude engendrée par des violences trop fréquentes pourrait aussi conduire un jury à une sévérité excessive, dans sa volonté de réprimer les perturbateurs de l'ordre public. C'est donc pour éviter tout risque d'excès, soit favorable, soit défavorable à l'égard du jugement des terroristes qu'il a été estimé plus sage de confier cette tâche à des juges professionnels, ou à un juge professionnel, comme le conseillait le rapport Diplock de 1972 25 .

Toutes ces remarques pourraient aussi valoir pour les autres formes de terrorisme qu'il s'agisse de groupes à tendance communiste comme Action Directe en France ou de groupes à tendance plus internationale, comme l'étaient les auteurs des attentats perpétrés en 1995 par des filières algériennes. Les liens avec les populations sont peut-être moins évidents dans ces deux dernières hypothèses mais peuvent tout de même exister.

SECTION II - DE L'INTIME CONVICTION ET DU DOUTE RAISONNABLE

Les raisons de la dérogation au droit d'être jugé par un jury sont fortement semblables dans les deux pays. Se pose alors la question de savoir si les conséquences de la dérogation au principe sont les mêmes en droit irlandais qu'en droit français. Les deux systèmes juridiques présentent des règles de procédure apparemment assez différentes en matière pénale, qui sont liées à la conception de leur système juridique (système accusatoire pour l'Irlande et système de type inquisitoire pour la France, même si en réalité dans les deux pays les systèmes présentent des éléments de mixité).

La règle selon laquelle le jury irlandais est tenu de rendre sa décision n'est pas, a priori, la même qu'en droit français. En effet, en Irlande, le système de Common Law exige que les jurés qui se prononcent sur la culpabilité de l'accusé, rendent leur décision au delà du doute raisonnable ou, pour conserver la formule anglaise, beyond the reasonable doubt. Cette règle a pour conséquence de faire peser la charge de la preuve de la culpabilité de l'accusé sur le ministère public (prosecution) et de faire bénéficier du doute des jurés à l'accusé. Bien que les juridictions aient eu du mal à définir ce que cette formule signifiait, il incombe au juge, lors d'un procès par jury en Irlande, d'insister sur cette formule qui doit guider la décision des jurés. Aussi peut-on retenir de quelques affaires traitées par les tribunaux irlandais, la notion de doute raisonnable.

Dans une décision de la Chambre des Lords de 1935, Woolmington v. Director of Public Prosecution 26 cette question a été posée: il s'agissait dans cette affaire d'une personne qui avait été condamnée à mort pour le meurtre de sa femme en décembre 1934 par un jury, et qui reprochait au juge d'avoir influencé le jury en émettant qu'en vertu des circonstances, il était présumé coupable du meurtre de sa femme s'il ne parvenait à prouver qu'elle était morte par accident. La cour d'Appel avait dans cette affaire, admis que "les choses auraient pu mieux se passer mais que quoiqu'ils soient de l'opinion que l'affaire eût dû être tranchée en faveur de l'accusé, elle devait rejeter l'appel si elle considérait qu'il n'y avait pas en substance erreur judiciaire".

Dans cette décision, la Chambre des Lords n'avait pas suivi la Cour d'Appel et ordonna que la condamnation du prévenu soit annulée. Ses raisons étaient les suivantes:

"But while the prosecution must prove the guilt of the prisoner, there is no such burden laid on the prisonner to prove his innocence and it is sufficient for him to raise a doubt as to his guilt; he is not bound to satisfy the jury of his innocence[...].

If at the end of and on the whole case, there is a reasonable doubt, created by the evidence given by either the prosecution or the prisoner, as to whether the prisonner killed the deceased with a malicious intention, the prosecution has not made out the case and the prisoner is entitled to acquittal." 27

La charge de la preuve incombe donc au ministère public qui doit prouver la culpabilité de l'accusé. De même, dans l'affaire Mancini v. Director of Public Prosecution 28 , les juges réaffirmaient-ils: "If the jury are left in reasonable doubt wether the act was unintentionned, ie, a pure accident without criminal negligence, the verdict should be not guilty".

La règle imposant au jury de prononcer sa décision "au-delà du doute raisonnable" impose donc à la fois au ministère public de prouver la culpabilité du prévenu et à la fois la nécessité de faire bénéficier du doute à l'accusé. Quant au degré de raison de ce doute, il relève, en définitive, de la libre appréciation de chaque juré. En général, la formule beyond the reasonable doubt est expliquée aux jurés irlandais par opposition à la matière civile où les décisions sont priseson the balance of probabilities. Aussi en matière civile doit-on peser le pour et le contre et trancher en faveur du plus fort, alors qu'en matière pénale, on exige un degré de certitude plus important; il ne suffit pas qu'il y ait plus d'éléments penchant pour la culpabilité du prévenu pour que celui-ci soit condamné, mais s'il existe un doute suffisamment raisonnable, il devra être relaxé.

La formule employée en matière pénale dans les systèmes de Common Law est intéressante à comparer avec l'exigence posée par le code de procédure pénale français. En effet, ce n'est pas sur le doute qu'insiste notre code, mais plutôt sur l'intime conviction des jurés. Aussi peut-on rappeler que l'article 353 qui doit être lu par le président de la Cour d'assises aux jurés avant la délibération et qui est affiché dans la salle en gros caractères prévoit:

"La loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve; elle leur prescrit de s'interroger eux-mêmes, dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont fait sur leur raison, les preuves rapportées contre l'accusé et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question qui renferme toute la mesure de leur devoir: ‘Avez-vous une intime conviction?'".

Cette formule traduit à elle seule l'état d'esprit dans lequel a été conçu le jury populaire de la Révolution française. Ayant pendant des années dû subir un système judiciaire reposant sur un mode mathématique de preuves où l'on additionnait un élément matériel de preuve et un témoignage pour juger qu'une preuve était admise ou non, en faisant bien entendu varier le témoignage selon le rang social de l'individu. Ce système avait été fortement dénoncé, notamment par les philosophes du siècle des lumières qui dénonçaient l'inadéquation d'une formule mathématique avec le concept de justice. Dans son dialogue d'André Destouche à Siam, publié en 1766, l'ironique Voltaire faisait dire à Croutef décrivant son système pénal français:

"... Comme il y a des demi-preuves, c'est à dire des demi-vérités, il est clair qu'il y a des demi-innocents et des demi-coupables. Nous commençons donc par leur donner une demi-mort, après quoi nous allons déjeuner; ensuite vient la mort toute entière, ce qui donne dans le monde une grande considération, qui est le revenu du prix de nos charges." 29

C'est donc pour s'opposer à ce système que les révolutionnaires français avaient pensé la formule de l'intime conviction pour que les jurés ne se prononcent pas en ajoutant le nombre de preuves allant à l'encontre ou à l'avantage de l'accusé, mais qu'ils se prononcent selon leur conscience et leur intime conviction. Cette formule constituait à l'époque un grand progrès pour la procédure pénale française mais peut-être les réformateurs n'en avaient-ils pas vu tous les vices. En effet, demander à des jurés de se prononcer selon leur intime conviction diminue peut-être trop la valeur des preuves rapportées par le ministère public. La formule que l'on demande aux jurés de suivre leur permet donc de se prononcer en leur âme et conscience sans forcément tenir compte des preuves qui leur ont été rapportées.

"The need to form a subjective belief about what happened is incompatible with rules of evidence that exclude evidence on generalised grounds of unreliability and that accord low probative weight to particular kinds of evidence." 30

Elle est d'ailleurs fortement remise en cause lorsque la décision du jury semble aller à l'encontre des éléments de preuve rapportés à l'accusé: ainsi, récemment, l'intime conviction des juges a-t-elle été mise en doute à la suite d'un décision rendue par la Cour d'assises de Seine-Maritime 31 .

En vérité, la nécessité de se prononcer selon son intime conviction conduit le juré à agir selon ce qu'il croit profondément être la vérité et non selon ce qui paraît être prouvé. Par conséquent, on comprend l'importance que peut avoir l'existence d'un jury dans le jugement de terroristes, et pourquoi ces derniers dénoncent en permanence la dérogation qui est faite à ce principe. Le jury n'est cependant pas une garantie d'acquittement, mais il est possible qu'il soit par avance favorable à l'accusé soit volontairement, soit sous l'effet de certaines pressions, et que les preuves qui lui sont rapportées ne soient pas prises en compte. Or, comme on l'a vu auparavant, les liens passionnels qui existent entre population et terroristes rendent le risque de jugements préconçus beaucoup plus grand, et il ne semble pas que la directive que la procédure pénale française donne aux jurés soit de nature à altérer ces idées préconçues, lorsqu'elles existent.

La procédure pénale anglo-saxonne, elle, semble plus soucieuse de cette exigence d'impartialité, parce que dans la formule qui guide le jugement final, elle met en avant la notion de doute et insiste pour que celui-ci bénéficie à l'accusé. Ce principe est aussi celui qui régit la procédure pénale française, mais il semble cependant qu'il ne soit pas toujours effectif en Cour d'assises. En effet, n'est-il pas quelque peu antinomique de demander à des jurés de se prononcer selon leur intime conviction, tout en exigeant qu'ils fassent bénéficier de leurs doutes à l'accusé? Une conviction, par opposition à une certitude, ne suppose-t-elle pas toujours qu'il y ait un doute dans l'esprit de l'individu qui en fait l'objet ? Lui demander de se prononcer selon sa conviction conduit alors à lui laisser le choix de déclarer une personne coupable, même si des doutes subsistent et il apparaît fort improbable, alors, que ce doute penche en faveur de l'accusé. La conviction relève d'un degré de subjectivité tel qu'on voit difficilement comment un juré pourrait prétendre rendre son jugement conformément à toutes les exigences requises par la loi, à savoir celle de statuer selon son intime conviction et celle de faire bénéficier de ses doutes à l'accusé. Que cela soit possible dans l'hypothèse où un juré n'arrive pas à se forger une intime conviction, certes, mais dans l'hypothèse où cette conviction existe, il n'est pas non plus exclu que le doute subsiste. Soit le juré penchera alors en faveur de sa conviction au risque de ne pas faire bénéficier de ses doutes à l'accusé, soit il décidera, en cas de doute sur sa culpabilité, de le déclarer non coupable, au risque, alors, d'aller à l'encontre de son intime conviction. On peut encore argumenter que ce n'est que dans l'hypothèse où la personne n'arrive pas à se forger une intime conviction que le doute apparaît alors raisonnable et peut être retenu. Mais est-il aussi simple de déterminer si ce doute vient du fait que la personne n'a pas d'intime conviction ?

Il semble que dans la majorité des cas ce soit la formule de l'intime conviction qui prévale, ce qui expliquerait que des décisions de Cour d'assises allant parfois à l'encontre d'éléments de preuves ayant soulevé des doutes évidents au cours d'un procès puissent être rendues. La formule utilisée dans le cadre de la procédure pénale de droit irlandais, ou d'autres pays de Common Law, semble, elle, moins ambiguë dans la mesure où elle met l'accent sur le seul doute qui pourrait exister, sans se préoccuper de l'intime conviction des jurés.

D'aucuns diront qu'il ne s'agit là que de jeux de mots et qu'en pratique le résultat est le même. Il ressort, en effet, d'études qui ont été faites sur le jury qu'en définitive, pour ce qui est de la procédure de Common Law, les jurés ne tiennent pas énormément compte des remarques qui leur sont faites quant à leurs doutes et statuent en définitive en fonction de leurs convictions, à l'image des jurés français. Cela explique sans doute moults critiques qui sont faites actuellement à l'encontre des jurés dans les pays de Common Law. Pour similaires que puissent être les résultats pratiques, il est cependant intéressant de soulever les différences textuelles qui existent entre les procédures française et anglaise. Car ce n'est que si l'on est en mesure de comprendre l'enjeu que représente un procès par jurés que l'on peut comprendre l'enjeu de la suppression d'un tel principe dans les procédures terroristes.

Qu'en est-il alors lorsque le jury est supprimé, pour être remplacé par des juges professionnels au sein de la Special Criminal Court ou la Cour d'assises spécialisée en France. Dans ces deux pays, la formule reste la même. Les juges de la Special Criminal Court, comme tous juges en matière criminelle, rendent leur décision "beyond the reasonable doubt" et le jury spécialisé, en France, comme tout magistrat du siège devra, en tenant compte des preuves qui lui sont présentées, statuer selon son intime conviction (Art.427 CPP).

Mais si les formules sont les mêmes, magistrats du siège et jurés ne réagissent pas de la même manière et il est fort probable alors qu'elles soient interprétées différemment. Un juge professionnel aborde un procès avec des connaissances juridiques que le juré n'a pas. Son expérience est alors susceptible d'attirer son attention sur les preuves en présence, ce qui est moins probable pour un juré. Aussi y a-t-il de fortes chances pour que la formule anglo-saxonne, qui exige qu'une décision soit rendue au-delà du doute raisonnable, trouve tout son sens lorsque des juges professionnels rendent leur décision, alors que la formule de l'intime conviction aura sans doute une influence moindre sur le magistrat qui statue. Ce dernier est beaucoup plus à même de juger si le ministère public a prouvé la culpabilité de l'accusé ou s'il existe un doute trop grand pour le condamner.

Dans les deux pays les résultats vont être les mêmes. Le jury populaire va rendre une décision plus spontanée et plus subjective que ne le feront des magistrats professionnels, influencés par leur expérience et connaissances juridiques. Et c'est de cette subjectivité populaire que les terroristes entendent tirer profit et c'est elle que les défenseurs du droit à être jugé par un jury populaire revendiquent. Aussi peut-on noter l'une des remarques faites par Michael Farrel dans son ouvrage The Apparatus of Repression:

"The importance of a jury trial is not always clear to the lay person but juries come to each case fresh, not case-hardened by years of listening to a catalogue of offences by the IRA or INLA. They are less likely to place implicit trust in the word of the police and more likely to sympathize with the defendant and give him/her the benefit of any doubt one of the cornerstones of our legal system." 32

Que le jury arrive avec un esprit neuf et qu'il soit moins influencé par les preuves rapportées par la police ou le juge d'instruction apparaît certain; quant à savoir s'il est susceptible de faire bénéficier l'accusé du doute, cela est moins sûr. Spécialement en matière de terrorisme, comme nous l'avons expliqué auparavant, les jurés peuvent aussi arriver avec une idée préconçue de culpabilité de l'accusé, malgré les doutes qui ont pu être soulevés pendant le procès. La preuve en est des décisions des Cours d'assises en France, qui, devant le déroulement d'un procès tendant à disculper le prévenu, rendent des condamnations sévères. Il n'est donc pas prouvé que le procès par jurés soit une garantie de clémence pour l'accusé. Des études statistiques en droit pénal ont d'ailleurs souvent conduit à la conclusion que le jury était plus sévère que les magistrats, selon le type d'affaire traitée.

Cependant, la question du droit à être jugé par ses pairs reprend toute sa valeur lorsque l'on considère le problème de l'indépendance des juges qui vont les remplacer. Si un magistrat de l'ordre judiciaire a plus de facilités pour apprécier les éléments de preuve qui lui sont soumis au cours d'un procès et est peut-être moins influencé par ses croyances, encore faut-il qu'il puisse exercer ses fonctions librement, ce qui, en matière de terrorisme, est loin d'être évident.

SECTION III - COMPOSITION DES TRIBUNAUX SPÉCIAUX ET DROIT D'APPEL

C'est l'article 39 de Offences Against the State Act qui prévoit la constitution de la Special Criminal Court en Irlande. Aussi est-il prévu que:

"Every Special Criminal Court established under this part of this act shall consist of such an uneven number (not being less than three)of members as the Government shall from time to time determine, and different numbers of members may be so fixed in respect of different Special Criminal Courts 33 ".

Cet article révèle donc une grande liberté laissée au gouvernement pour déterminer le nombre de juges en fonction des cours susceptibles d'être créées. La Special Criminal Court est en général établie pour connaître les affaires terroristes qui nécessitent des juges professionnels dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. On peut aussi remarquer que l'acte de 1939 exige au moins trois juges comme membres de cette cour. Cette disposition est assez surprenante car, en matière pénale, dans le système pénal irlandais et anglais en général, on ne connaît pas de formation collégiale de juges professionnels. Soit l'affaire est jugée par un jury, soit elle est jugée par un juge unique, qui connaît normalement des affaires que le jury ne peut connaître, à savoir minor offences, ou major offences quand l'accusé n'a pas choisi d'être traduit devant les jurés. Cette décision de collégialité relève d'une volonté de préserver une concertation pour les affaires traduites devant la cour spéciale; cela se comprend pour les affaires terroristes qui exigent d'être discutées et qui ne doivent pas relever de la décision arbitraire d'un seul juge. En revanche, cela semble surprenant pour les autres hypothèses où la Special Criminal Court peut connaître de tout autres affaires dénuées de lien avec les affaires terroristes et ce à partir du moment où le Director of Public Prosecution estime que les tribunaux ordinaires sont inadaptés pour en connaître (cf. chap. 2). On peut penser que dans ce cas la collégialité a pour but d'apporter une garantie supplémentaire à la personne traduite devant la juridiction spéciale et de permettre ainsi que cette juridiction soit mieux acceptée.

Cependant, la collégialité, dans une procédure pénale de Common Law, n'est peut-être pas toujours bien adaptée. Le rapport Diplock de 1972, rendu à propos de la situation en Irlande du Nord conseillait pour le jugement de terroristes la mise en place d'une juridiction à juge unique. D'une part, il estimait que les juges pouvant appartenir à cette juridiction devaient avoir l'expérience de ce type d'affaire et d'autre part que:

"Non-jury trials in civil actions are always conducted by a single judge alone. Our oral adversarial system of procedure is ill-adapted to the collegiate conduct of a trial of facts. In criminal proceedings in particular, immediate rulings on admissibility of evidence and other matters of procedure have constantly to be made by the single judge when sitting with the jury. It would gravely inconvenience the progress of the trial and disminish the value of oral examination and cross-examination if a plurality of judges had to consult together, albeit briefly, before each ruling was made. " 34

Il ne semble pas que la position de la Commission Diplock ait influencé le système existant en Irlande du sud puisque la Special Criminal Court continue à siéger avec trois juges, conformément à l'acte de 1939. Le rapport Diplock sert néanmoins de document de référence pour d'autres éléments. Bien que la règle qui régit cette cour dans la République d'Irlande ait été édictée avant la parution du rapport Diplock, on aurait pu supposer que les recommandations de ce dernier aient pu conduire à une modification de l'Acte. Il semble que l'Irlande du sud ait préféré conserver la collégialité au sein de la Special Criminal Court, quitte à diminuer l'importance des témoignages oraux qui lui sont présentés et à altérer le rythme du procès.

Il faut encore ajouter que la Special Criminal Court n'a pas toujours connu une formation de trois juges. Ainsi la première cour mise en place deux jours après le vote de l'acte de 1939 comportait-elle cinq officiers militaires de haut rang.

Le deuxième point de l'article 39 prévoit en outre que "chaque membre de la Cour Spéciale en matière criminelle sera nommé et révocable à souhait par le gouvernement." De plus, il est précisé que:

"No person shall be appointed to be a member of a Special Criminal Court unless he is a judge of the High Court or the Circuit Court, or a justice of a Circuit Court, or a barrister of not less than seven years standing, or a solicitor of not less than seven years standing, or an officer of the defence Forces not below the rank of commandant." 35

Cette dernière disposition n'est pas sans rappeler les dispositions de la loi de 1963 relative à la Cour de Sûreté de l'État en France, qui prévoyait que la juridiction composée d'un président (magistrat) et de deux assesseurs magistrats devait aussi compter deux officiers militaires ayant au moins le grade de commandant.

Ces dispositions font partie de celles qui furent les plus discutées dans les deux pays. La nécessité de mettre en place des juridictions d'exception en matière de terrorisme ne justifiant pas toujours la nécessité d'y insérer des juges appartenant à l'ordre militaire, ces juridictions étaient toujours perçues du fait de cette composition comme des juridictions arbitraires dépendantes de l'autorité de l'État. Ce fut le cas en France du fait de la présence obligatoire de deux officiers militaires au sein de la Cour de Sûreté de l'État, mais ce fut surtout le cas en Irlande lorsque la première Special Criminal Court n'était composée que d'officiers militaires. On voit mal, en effet, pourquoi le gouvernement irlandais s'était privé de composer une cour mixte avec l'éventail de choix que lui offrait l'article 39 de l'Acte de 1939, si ce n'est dans le souci de réprimer plus durement les accusés qui seraient traduits devant elle, en les soumettant à une discipline militaire.

Ce fut le cas, en 1941, pour Thomas MacCurtain, qui avait été déféré devant la Special Criminal Court par l'Attorney General en vertu de l'article 46.2 de l'Acte de 1939 (voir chap. préc.). Son recours fut cependant rejeté devant la High Court et la Supreme Court pour le motif que le fait qu'il ait été traduit devant une Cour composée de cinq militaires ne signifiait pas qu'il s'agissait d'une juridiction militaire au sens de l'article 38 de la Constitution.

En 1974, Mary Robinson, dans son ouvrage consacré à la Cour Criminelle Spéciale, évoquait dans ses recommandations la nécessité de modifier les dispositions de l'acte relatives à la composition de la Cour pour la réserver aux seuls membres du pouvoir judiciaire. Cette décision n'a pas, en elle même, été suivie puisque l'Acte de 1939 n'a pas été modifié sur ce point. Mais il semble que dans la pratique, celle-ci ait eu quelque influence dans la mesure où depuis 1972, date à laquelle fut publiée la décision gouvernementale de donner compétence à la Special Criminal Court, seuls des membres du pouvoir judiciaire ont été nommé juges de la Cour Spéciale, selon la possibilité offerte par l'article 39.

Comme le note le Comité Constitutionnel qui s'est réuni en 1996, dans son rapport, la Special Criminal Court "siège maintenant en public dans un tribunal et depuis plus récemment, se compose entièrement de membres du pouvoir judiciaire en exercice et qui opèrent de façon semblable aux tribunaux ordinaires."

Il semble donc que des progrès considérables aient été faits en Irlande au sujet de la composition des Cours d'exception. La Special Criminal Court se compose en général de trois juges, un de la High Court, un de la Circuit Court et un de District Court. Notons cependant que le risque d'une Cour militaire existe toujours dans la mesure où l'article 39 de l'Offences Against the State Act n'a pas été amendé, contrairement au souhait de Mary Robinson. En revanche, ce risque n'existe plus en France où la loi relative à la Cour de Sûreté de l'État a été abrogée en 1981. La nouvelle composition prévue par l'article 698-6 du code de procédure pénale ne prévoit que la présence de magistrats professionnels au sein de la Cour d'assises Spéciale (un président et six assesseurs). Ces juges sont choisis parmi les conseillers de la Cour d'Appel ou parmi les présidents ou vice-présidents ou juges du Tribunal de Grande Instance du lieu de la tenue des assises, en l'occurrence Paris. Le seul lien qui demeure en France de la Cour d'assises spécialisée avec la matière militaire réside dans la forme de composition de cette Cour, qui est la même (un président et six assesseurs) pour juger des infractions militaires en temps de paix.

Est-ce à dire que ces Cours spéciales dans les deux pays présentent maintenant toutes les garanties d'indépendance que l'on est en droit d'exiger d'une juridiction?

En France, les magistrats du siège sont inamovibles, ce qui en soi constitue une garantie d'indépendance par rapport au pouvoir exécutif. Or, dans la mesure où les magistrats de la Cour d'assises Spécialisé sont des magistrats de l'ordre judiciaire, ils bénéficient des mêmes garanties d'indépendance que les magistrats des tribunaux ordinaires, pour l'exercice de leurs fonctions en matière de terrorisme. Rappelons que l'inamovibilité des magistrats du siège est un principe constitutionnel (article 64-4e de la Constitution de 1958), de même que l'indépendance de l'autorité judiciaire, garantie par le Président de la République (art.64-1e). En outre, la Constitution prévoit que pour la nomination et la discipline des magistrats du siège, c'est le Conseil Supérieur de la magistrature qui intervient; le Conseil, constitué du Président de la République, du Ministre de la justice ainsi que de cinq magistrats du siège et un du Parquet, pour la formation compétente à l'égard des magistrats du siège, constitue une garantie supplémentairede l'indépendance du pouvoir judiciaire, pour ce qui est de la nomination et de l'avancement des magistrats.

En Irlande, la Constitution de 1937, elle, garantit l'indépendance des juges dans son article 35-2 à 5. Dès lors: "All judges shall be independent in the exercise of their judicial functions and subject only to this Constitution and the Law." Cet article prévoit encore que les juges ne peuvent être membres de l'une des chambres du Parlement ou tenir quelque fonction ou position de ce type ( Art. 35-3). Un juge de la Cour Suprême et de la High Court ne peut être révoqué que pour mauvais comportement ou incapacité et seulement par une résolution de la Chambre basse ou du Sénat appelant sa révocation (Art.34-4). De plus, les juges ne peuvent pas connaître de diminution de leur rémunération dans l'exercice de leurs fonctions (Art.34-5). Mais l'article 38-6 de la Constitution prévoit expressément que "the provisions of Articles 34 and 35 of this Constitution shall not apply to any court or tribunal set up under section 3 or section 4 of this Article". 36 Le gouvernement est donc entièrement libre de choisir discrétionnairement quel juge siégera à la Cour Criminelle Spéciale et quel autre n'y siégera pas, ces juges n'étant pas soumis aux règles applicables aux autres magistrats et ne présentant donc aucune garantie d'indépendance. Si l'on ajoute encore la quatrième disposition de l'article 39 de l'Acte, qui prévoit que la rémunération des juges qui participent à la Special Criminal Court est prise par le ministre des finances qui peut les rémunérer comme bon lui semble, selon différents taux, en fonction de la juridiction de droit commun à laquelle ils appartiennent, on ne peut pas dire que ces dispositions soient en elles-mêmes garantes d'un procès équitable. Comment assurer à la personne qui sera traduite devant cette cour que le jugement rendu le sera sans tenir compte des éventuels préjugés que des membres de l'Exécutif peuvent avoir à son égard? On comprend mieux dans de telles circonstances toutes les revendications qui soutiennent le rétablissement d'un jury populaire, même pour les crimes terroristes.

Le rapport sur la révision de la Constitution de 1996 a recommandé l'abrogation de l'article 38-6 de la Constitution afin de rendre les dispositions de la loi de 1939 inconstitutionnelles, et donc annulables. Cela témoigne d'une volonté de soumettre les juges de la Cour criminelle spéciale aux mêmes garanties d'indépendance que les autres magistrats: "A majority of the Review Group considers that Article 38.6 should be amended so as to remove the exemption of special courts from compliance with Article 34 and 35. This can be achieved by deleting ‘section 3 or' from Article 38.6". 37

En laissant une compétence aux magistrats du siège dont la nomination relève d'un mécanisme prévu par la loi, la législation française garantit à la Cour d'assises Spécialisée le même degré d'indépendance qu'à n'importe quelle autre juridiction professionnelle. En choisissant de ne pas renouveler la présence d'officiers militaires au sein de cette juridiction, la législation de 1986 a sur ce point évité un amalgame dangereux qui était à l'origine des principaux reproches faits à la Cour de Sûreté de l'État. En réalité, les terroristes qui comparaissent devant cette Cour bénéficient des mêmes règles de procédure s'appliquant à une Cour d'assises normale, à l'exception des règles relatives aux jurés, et sont jugés par des magistrats soumis au même régime que les autres magistrats de l'ordre judiciaire.

L'hypothèse de magistrats corrompus est certes toujours envisageable, mais il n'empêche que, d'un point de vue juridique, cette juridiction constitue une avancée considérable dans les garanties individuelles du prévenu. Car, si des progrès ont été faits dans la pratique de la Special Criminal Court, juridiquement, elle ne présente pas des garanties d'indépendance satisfaisantes et certains amendements aux textes de 1939 seraient bienvenus.

Le problème de l'indépendance des juges se trouve renforcé par le mode de contestation que l'on offre à l'accusé traduit devant une Cour Spéciale pour des activités terroristes. Aussi, en France, la Cour d'assises spécialisée, soumise aux règles procédurales de droit commun, dans un souci d'équité, va rendre des décisions qui ne seront pas susceptibles d'appel. Or, l'inexistence de l'appel en matière pénale pour les décisions de Cour d'assises se justifie essentiellement par le fait que la Cour se compose de jurés populaires sur la décision desquels un juge, au moins en ce qui concerne l'appréciation des faits, ne peut revenir.

Ce principe veut en définitive garantir la supériorité du jugement populaire rendu par une concertation du peuple sur une décision d'un juge ou de juges statuant de façon collégiale. La volonté du peuple est souveraine et ne peut être remise en question. À l'heure où l'on débat en France du point de savoir s'il faut établir une procédure d'appel pour les décisions de Cour d'assises, la question de l'appel après une décision rendue par la Cour d'assises de Paris en matière de terrorisme ne viendrait que renforcer les partisans d'un second degré de juridiction. En effet, comment concevoir que pour une décision rendue en matière pénale par un ou plusieurs juge, l'appel soit ouvert et qu'un nouveau procès soit possible, alors qu'il ne l'est pas lorsque sept juges statuent sur la culpabilité d'une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction terroriste? La collégialité constitue peut-être une garantie d'impartialité dans le jugement rendu, mais elle est insuffisante pour justifier l'absence d'appel qui ne serait pas superflu pour la juridiction qui nous concerne.

Cela révèle sans doute le souci du législateur de ne déroger en rien à la procédure de droit commun applicable aux Cours d'assises et de garantir un maximum d'égalité devant la justice à l'accusé. Mais qu'on le veuille ou non, le principe de la mise en place d'une juridiction d'exception pour les infractions terroristes déroge en lui même au principe de l'égalité devant la justice. Ne serait-il pas alors plus juste de rétablir un droit d'appel pour les décisions de la Cour d'assises spécialisée ? Car, même si l'on s'évertue à l'appeler Cour d'assises, cette juridiction d'exception fait échec, comme on l'a vu, à ce qui caractérise principalement cette juridiction de droit commun, à savoir le jury populaire. Le meilleur garde-fou ici reste encore la possibilité pour l'accusé d'être entendu en appel.

Bien qu'il y ait toujours l'option d'un pourvoi en cassation pour les décisions de Cour d'assises, il s'agit toujours de soulever un moyen de droit sur lequel la Cour va se prononcer sans juger à nouveau l'affaire au fond. Si l'hypothèse d'un pourvoi en cassation n'apparaît même plus satisfaisante pour les décisions rendues par un jury populaire, il semble qu'a fortiori cela soit insuffisant pour les jugements de magistrats professionnels.

Les décisions de la Special Criminal Court sont, elles, susceptibles d'appel. À l'image de la France, l'Irlande a conservé la procédure de droit commun pour ce qui est des voies de recours concernant ses décisions. Cependant, la notion d'appel en droit irlandais, ou appeal dans les pays de Common Law, mérite en général quelques observations. Contrairement à beaucoup d'idées reçues, cette procédure ne correspond pas exactement à la procédure d'appel en droit français, qui suppose la possibilité de rejuger une affaire dans son ensemble. L'appel en droit irlandais doit porter sur un point de droit et non sur les faits. Le champ de cette procédure est sans doute plus large que le pourvoi en cassation de la procédure française, mais l'appeal ne correspond pas à l'appel que l'on connaît dans l'Hexagone. Il faut obtenir un certificat de la juridiction qui a rendu le jugement contre lequel on entend faire appel (Special Criminal Court, en ce qui nous concerne) pour pouvoir contester cette décision ou auprès de la juridiction supérieure (High Court). Et lorsque l'on veut faire appel devant la Cour suprême, il faut détenir un certificat d'appel de la High Court. Il existe bien des possibilités de juger à nouveau une affaire en entier "hearing de novo", mais ces hypothèses sont assez rares, la plupart du temps l'appel porte sur un point de droit. Si les juridictions supérieures vont avoir un regard sur les faits, celui-ci sera limité. Cette différence peut néanmoins se comprendre dans la mesure où le droit pénal irlandais compte une intervention du jury populaire beaucoup plus fréquente, la règle générale étant le procès par jurés. On ne remet pas en cause la décision du peuple de la même façon que celle d'un juge comme on l'a vu au préalable.

Il ressort donc que la suppression du jury populaire en matière de terrorisme a des causes similaires en France et en Irlande. Si le poids des jurés et les formules procédurales divergent dans les deux pays, la suppression du jury populaire pose cependant le même problème, celui de l'indépendance des magistrats professionnels qui vont se subsituer au jury. La France a fait preuve de courage en 1986 en décidant de confier la tâche du jugement des terroristes à des magistrats du siège ordinaires. L'Irlande semble avoir conscience du problème que pose la Cour Criminelle Spéciale et devrait, à l'avenir, modifier les dispositions relatives à la nomination des juges au sein de cette Cour. Mais pour innaceptables qu'apparaissent ces juridictions, elles disposent cependant d'un élément positif dont la France, en la matière, semble avoir omis de se doter, à savoir, une procédure d'appel pour les décisions rendues par cette Cour.

CONCLUSION

L'étude comparative des juridictions spéciales française et irlandaise en matière de terrorisme, montre que de nombreux efforts ont été faits dans les deux pays pour améliorer ces juridictions et diminuer leur caractère exceptionnel. En France, cela se traduit par la mise en place d'un dispositif récent ayant déjà fait l'objet de plusieurs révisions lorsqu'elles s'avéraient nécessaires. La Cour d'assises spéciale pour les affaires terroristes est soumise au droit commun, à l'exception de sa composition. En Irlande, beaucoup de mesures ont déjà été prises pour améliorer la légalité et le fonctionnement de la Special Criminal Court; il s'agit souvent de pratiques, comme celle qui consiste à ne nommer que des juges professionnels au sein de cette Cour, ou la fixation de son siège dans un tribunal à Dublin, ou encore le suivi des règles de droit commun au sein de cette Cour.

L'évolution de ces juridictions dans les deux pays s'est faite à un rythme différent et de façon fort diverse, mais l'on constate que l'objectif à atteindre dans les deux pays est le même: arriver à réduire autant que possible le caractère exceptionnel de ces juridictions pour que le seul point qui les différencie des juridictions ordinaires soit l'absence d'un jury populaire. Cet objectif est louable car il témoigne d'une volonté d'assurer aux prévenus déférés devant ces juridictions un maximum des garanties individuelles que l'on est en droit d'attendre d'une juridiction de droit commun dans la limite d'une "bonne" administration ou d'une administration "effective" de la justice et du maintien de l'ordre public. La France semble avoir atteint cet objectif, même si quelques imperfections subsistent, comme l'absence d'un droit d'appel à la suite d'une décision rendue par la Cour d'assises spéciale. L'Irlande pourrait atteindre cet objectif rapidement si les recommandations faites par la commission constitutionnelle de 1996 sont suivies.

La question qui reste alors posée est celle de la valeur de la dérogation au droit à un procès par jurés dans les deux pays. Dans quelle mesure ce principe demeure-t-il acceptable? Quelles sont ses justifications en matière de terrorisme et quelles devraient être les limites? Il va de soi qu'une réflexion sur le rôle du jury populaire, beaucoup plus approfondie que l'amorce qui a été faite ici, s'impose.

Car, malgré tous les efforts qui sont faits au niveau juridictionnel dans le domaine du terrorisme, il ne faut pas perdre de vue que ces tribunaux, aussi garants des dispositions de droit commun s'efforcent-ils d'être, interviennent à la fin d'une chaîne judiciaire elle-même fortement dérogatoire du droit ordinaire. En ce sens, les juridictions constituent le théâtre où éclatent les abus, les erreurs ou les mesures arbitraires qui ont pu intervenir au cours d'une enquête, d'une arrestation ou d'un interrogatoire. De part leur position à la fin d'une chaîne judiciaire d'exception, ces juridictions constituent une proie facile. Or, il ne faut pas oublier que, pour le terrorisme, comme pour tout domaine en matière pénale, la phase décisive pour établir la culpabilité ou non d'un prévenu est bien souvent la phase préliminaire du procès pénal. Même dans un système juridique de Common Law, ce n'est que dans la mesure où la phase préliminaire a été conduite consciencieusement et en toute légalité que le procès pourra présenter une garantie d'équité. Dans quelle mesure un jury populaire est mieux à même de se détacher des éléments qui lui sont rapportés au cours du procès et d'en apprécier leur valeur, qu'un juge professionnel, cela fait encore partie des points qui restent à éclaircir.

Si l'option européenne n'entre pas directement dans le cercle des solutions souhaitées pour améliorer ces juridictions, elle a indirectement son importance. L'amorce d'une coopération policière qui s'est ouverte avec la Convention de Schengen en 1995, ainsi que la Convention de Dublin de Septembre 1996 relative à l'extradition entre les États membres de l'Union Européenne, devrait faciliter les poursuites en matière de terrorisme et contribuer à améliorer la phase préliminaire du procès. Mais la collaboration entre magistrats des différents pays d'Europe est peut-être à terme envisageable; comme l'expliquait Alain Marsaud dans un article consacré à l'abolition des frontières judiciaires en matière de terrorisme 38 : "l'Europe et les États qui la composent ne peuvent retarder plus longtemps la mise en oeuvre d'une véritable coopération judiciaire, susceptible d'aboutir à terme à une collaboration étroite des magistrats."

Il faut encore mentionner la voie politique qui, pour ce qui est du terrorisme, est incontournable. Si les juridictions interviennent sur le plan de la répression, l'option politique est toujours envisageable sur le plan de la prévention. À l'heure où ces lignes sont écrites, un deuxième cessez-le feu vient d'être proclamé par l'IRA, signant la reprise des négociations entre le gouvernement britannique et tous les partis politiques d'Irlande pour essayer de régler la question du statut du nord de l'île. La situation du nord étant à l'origine du terrorisme dans la République d'Irlande, l'activité de la Special Criminal Court en est donc fortement tributaire.

Ce n'est qu'en tenant compte de tous ces paramètres que le terrorisme peut être efficacement combattu, l'aspect juridictionnel ne répondant, lui, qu'à une partie du problème.


BIBLIOGRAPHIE

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