Etude comparative franco-irlandaise des juridictions spéciales en matière de terrorisme
Fabienne VIRICEL



Notes (deuxième partie)





1 " Lorsque cette partie de l'acte est en vigueur, dès que le gouvernement est convaincu que les tribunaux ordinaires sont inaptes à garantir une administration effective de la justice et la préservation de l'ordre et de la paix publique en relation avec des infractions d'une classe ou sorte particulière ou de quelque acte particulier, le gouvernement peut par arrêté déclarer que ces infractions d'une classe ou sorte spécifique ou contenues dans un acte particulier seront des infractions annexes aux objectifs de cet acte".
2 Les infractions contenues dans la loi de 1861 relative aux dommages causés avec intention de nuire, Les infractions contenues dans la loi sur les substances explosives de 1883, les infractions contenues dans la loi sur les armes à feu de 1925 à 1971, et les infractions contre l'État contenues dans la loi de 1939.
3 Cf. J.P. MARGAINAUD, La qualification pénale des actes de terrorisme, Revue de Science Criminelle, janv-mars 1990.
4 "Dès qu'une personne amenée devant un juge de la District Court est poursuivie pour une infraction annexe, que ce juge a la possibilité de connaître sommairement, un tel juge pourra, si l'Attorney General le demande envoyer cette personne (en détention provisoire ou liberté provisoire) devant la Cour spéciale en matière Criminelle pour être jugé."
5 Infraction sommaire ou Summon offence: infraction minime qui donne lieu à une procédure sommaire ou simplifiée. Un simple policier ou greffier peut engager les poursuites, et cette infraction fait la plupart du temps l'objet d'un jugement par un juge unique.
6 "Dès qu'une personne est traduite devant un juge de District Court et poursuivie pour une infraction constituant une indictable offence et qu'un tel juge reçoit des informations en relation avec de telles poursuites et qu'il envoie cette personne pour être jugée sur le fondement de telles poursuites, ce juge devra (à moins que l'Attorney General n'en dispose autrement) envoyer une telle personne, en détention provisoire ou en liberté provisoire avec le consentement de l'Attorney General, devant la Cour criminelle spéciale pour être jugée."
7 Indictable offence: infraction qui encoure généralement une peine supérieure à cinq ans d'emprisonnement et est jugée par un jury. Elle correspond plus ou moins aux délits et aux crimes en droit français. La procédure de poursuite est plus compliquée et suppose l'intervention du Director of Public Prosecution agissant au nom de l'Attorney General.
8 "Dès qu'une personne est traduite devant un juge de District Court et poursuivie pour une infraction qui n'est pas une infraction annexe et dont il a compétence pour connaître sommairement, ce juge devra, si l'Attorney General le demande et certifie par écrit que les tribunaux ordinaires sont inadaptés pour garantir une administration effective de la justice ainsi que la préservation de l'ordre et de la paix publique pour le procès de cette personne poursuivie pour cette infraction, envoyer cette personne (se trouvant en prison ou en liberté provisoire) en jugement devant une Cour criminelle spéciale pour cette infraction."
9 "Dès qu'une personne est susceptible d'être poursuivie pour une infraction annexe, l'Attorney General peut s'il le juge opportun, décider que cette personne sera, au lieu d'être poursuivie pour une telle infraction devant un juge de District Court, être amenée devant la Cour criminelle spéciale et être poursuivie pour une telle infraction et, si une telle décision est prise, une telle personne pourra être amenée devant la Cour criminelle spéciale et poursuivie devant cette Cour et jugée devant une telle Cour pour une telle infraction.
Dès qu'une personne est susceptible d'être poursuivie pour une infraction qui n'est pas une infraction annexe, et que l'Attorney General certifie que les tribunaux sont, à son avis., inadéquats pour assurer l'administration effective de la justice ainsi que la préservation de l'ordre et de la paix publique, en relation avec le procès de cette personne pour une telle accusation, la précédente sous-section de ce paragraphe, devra être appliquée et produire effet comme si l'infraction pour laquelle la personne est poursuivie était une infraction annexe."
10 Re Mc Curtain, Irish Report, 1941, p.83.
11 "Le paragraphe 1 de la clause 3 stipule expressément que la question de savoir si les tribunaux ordinaires sont inaptes à assurer l'administration effective de la justice et le maintien de l'ordre et de la paix publique doit être déterminée de la manière prévue par l'Acte qui établit les cours spéciales. Le pouvoir législatif s'est vu laisser le choix de la méthode particulière pour régler ce problème, et de légiférer en conséquence de telle sorte que toutes les clauses soient en accord avec la Constitution. Cela suffit à rejeter l'affirmation selon laquelle la sous-section 2 de l'article 35 et la sous-section de l'article 46 sont contraires à la Constitution et non valides." in Mary ROBINSON, The Special Criminal Court, UCD, 1974.
12 Irish Report, 1970, p. 317.
13 "Quand un officier de police, ayant au moins le grade de commissaire en chef, en témoignant au cours d'une procédure relative à une infraction de la section 21 [de l'Acte de 1939], prétend qu'il pense que l'accusé appartenait, à un moment donné, à une organisation illégale, cette affirmation sera une preuve qu'il en était alors membre."
14 Cette décision n'est pas publiée; il ne s'agit là que de la communication d'un jugement de la Cour criminelle spéciale auquel j'ai pu assister.
15 Irish Report, 1962, p.1, in KELLY, G. HOGAN et G. WHYTE, The Irish Constitution, Butterworths 1994.
"À tort ou à raison, le droit à un procès par jurés a, depuis des siècles, été regardé par le peuple comme l'une des plus importantes garanties pour l'individu, une protection aussi contre le zèle d'un Exécutif enthousiaste ou la rigidité d'un pouvoir judiciaire ultra-conservateur."
16 "[...] toute personne devra être traduite devant un jury."
17 In KELLY, G. HOGAN et G. WHYTE, The Irish Constitution, ed. Butterworths 1994, p.657: "Je suis convaincu que l'attachement indissoluble à un procès par jurés, au droit après acquittement de plaider autrefois acquitté, était l'une des raisons principales pour lesquelles la Constitution de 1937 (comme celle de 1922) prévoyait le procès par jury comme le dispositif normal pour connaître des infractions les plus graves. Le souvenir ancré dans la mémoire de la race irlandaise des juges politiquement nommés et orientés par l'exécutif, de la suspension du jury populaire en période de révolte, auquel se substituaient des procès sommaires ou des détentions sans procès, des relaxes calculées découlant de telles détentions, des jurés achetés et parfois des juges ou poursuivants corrompus, a, depuis longtemps, implanté dans la conscience du peuple et donc dans l'esprit de ses représentants politiques, la conviction que le meilleur moyen d'éviter à un individu de souffrir une condamnation injustifiée pour une infraction était de lui permettre de se livrer à son pays[...] "
18 "[...]Il en est spécialement ainsi dans l'histoire de l'Irlande. Il semble clair que la Constitution de l'État irlandais entend préserver et étendre ce droit."
19 Normalement, toutes les infractions criminelles sont investies et poursuivies devant les District Court. Si l'infraction est mineure, la District Court en connaît sommairement, en d'autres termes un juge du district siégeant seul sans jury. Si l'infraction poursuivie n'est pas une infraction mineure (ou si l'accusé a une possibilité d'opter pour un procès avec jury) les documents importants (auxquels on se réfère comme livre des preuves) sont pris contre l'accusé et après examen judiciaire portant sur la suffisance des preuves pour envoyer l'accusé en procès, l'accusé est soit relaxé en cas contraire, ou s'il y a suffisamment de preuves, il ou elle est envoyé(e) pour un procès devant la Cour compétente, soit la Circuit Criminal Court, la Central Criminal Court ou plus rarement, la Special Criminal Court.
Report of the Constitution Review group, official publication , May 1996, p.203.
20 Michael FARRELL, The Appararus of Repression: Emergency legislation, A Field Day Pamphlet n° 11, 1986.
"Mais, comme les troubles au nord commençaient à se répercuter sur le sud, le décapant Ministre de la Justice, Des O'Malley, rétablit les Cours spéciales en matière criminelle, sans jury, en mai 1972, plus d'un an avant que les jurés ne soient abolis pour les affaires politiques ou terroristes au nord."
21 Diplock Report: Report of the Commission to consider legal procedures to deal with terrorist activities in Northern Ireland, London, December 1972.
22 "un juré impressionné est un mauvais juré même si sa sécurité et celle de sa famille ne sont pas en danger." Diplock Report, p. 17.
23 "le risque de condamnations perverses par des jurés partisans".
24 "En 1920 les Irlandais étaient un peuple en armes, engagé avec l'IRA qui elle-même était une armée de guerre hautement disciplinée" BOWDEN, Ireland: Decay of control revolt to Revolution, in TOWNSHNED, p. 343.
25 Diplock Report, 1972, chap. 5 mode of trial, §39.
26 Law Report, Appeal Cases, 1935, p. 462.
27 Ibid, p. 481.
"mais si le ministère public doit prouver la culpabilité du prisonnier, il n'existe pas une telle charge pour le prisonnier de prouver son innocence et il est suffisant pour lui de soulever un doute à propos de sa culpabilité; il n'est pas tenu de convaincre le jury de son innocence [...].
Si, à la fin et pendant toute la procédure, il existe un doute raisonnable tiré des preuves et témoignages donnés soit par le ministère public ou le prisonnier, pour établir si oui ou non le prisonnier a tiré sur la défunte avec une intention délibérée, le ministère public n'a pas éclairci le cas et le prisonnier est susceptible d'être acquitté."

28 Law Report, 1942, p.1.
"Si les jurés ont un doute raisonnable laissant croire que l'acte était non intentionnel, c'est-à-dire, un pur accident sans négligence criminelle, le verdict devrait être non coupable."
29 In Marcello T. MAESTRO, Voltaire et Beccaria as reformers of criminal law, Octayer Books, N.Y., 1972.
30 Rethinking adversariness in non jury criminal trials, American journal of criminal law, 1995.
"La nécessité de se forger une croyance subjective sur ce qu'il s'est passé est incompatible avec les règles de preuve qui excluent la preuve sur raisons généralisées sur lesquelles on ne peut compter et qui accorde un faible poids probant à des sortes de preuves particulières."
31 Sur la condamnation de J.M. Deperrois, voir Le Monde, mardi 27 mai 1997, p. 21.
32 Michael FARREL, The Apparatus of Repression - Emergency Legislation a Field Day Pamphlet n° 11, 1986, p. 21.
"L'importance du procès par jurés n'est pas toujours claire aux yeux des profanes, mais les jurés abordent chaque cas comme une nouveauté, sans être conditionnés par des années d'écoute d'un catalogue d'infractions commises par l'IRA ou l'INLA; ils sont moins susceptibles d'accorder une confiance aveugle aux témoignages de la police et plus enclins à sympathiser avec l'accusé et à lui donner le bénéfice du doute, s'il y a lieu - l'une des pierres angulaires de notre système juridique."
33 "Chaque Cour criminelle spéciale établie en vertu de cette partie de l'acte devra consister en un nombre impair de juges (pas moins de trois) que le gouvernement devra de temps à autre déterminer, et des nombres différents de membres peuvent être fixés selon les différentes cours criminelles spéciales."
34 Report of the Commission to consider legal procedure to deal with terrorist activities in Northern Ireland, 1972, p. 18 §39. "Les procès sans jury en matière civile sont toujours conduits par un juge unique. Notre système adversatif de procédure est mal adapté à la conduite collégiale d'un procès sur les faits. Dans la procédure criminelle, en particulier, des règles immédiates sur l'admissibilité des preuves et autres faits de procédure doivent constamment être établies par un juge unique qui siège avec le jury. Cela nuirait gravement à la progression du procès et diminuerait la valeur de l'interrogatoire oral et du contre-interrogatoire en tant que moyen d'établir la vérité, si plusieurs juges avaient à se concerter, même brièvement, avant que chaque règle ne soit établie."
35" Personne ne pourra être nommé membre d'une Cour criminelle spéciale à moins d'être un juge de la High Court ou de la Circuit Court, ou un juge de District Court, ou un avocat exerçant ses fonctions depuis sept ans ou un solicitor exerçant depuis sept ans, ou un officier de l'armée ayant au moins le grade de commandant."
36 "Les dispositions des articles 34 et 35 de cette Constitution ne seront pas applicables aux Cours ou tribunaux mis en place en vertu des sections 3 et 4 de cet article".
37 "Une majorité du groupe pour la révision [de la Constitution] considère que l'article 38.6 devrait être amendé de manière à en supprimer l'exception de conformité avec les articles 34 et 35 pour les Cours spéciales. Cela pourrait être fait en supprimant ‘section 3 ou de l'article 38-6". Report of the Constitution Review Group, May 1996, p. 199.
38 Le Figaro, 13 décembre 1996.