Le droit à l'information en matière d'environnement
Eric LIMARE



PREMIERE PARTIE





Introduction


En Alsace, 1600 habitants ont bu sans le savoir pendant des années de l'eau contaminée à l'arsenic avec la bénédiction des autorités sanitaires. Pourquoi ? Ils n'en avaient pas été informés. La mairie détenait l'information mais la peur d'affoler les habitants a justifié ce secret ZZZ .

Cette illustration montre à quel point l'information des citoyens en matière d'environnement revêt une importance capitale dans une société où le souci de protéger l'environnement représente pour 82% des européens un problème immédiat et urgent. ZZZ Cet exemple témoigne de la méconnaissance par la municipalité incriminée du droit à l'information en matière d'environnement dont dispose chaque citoyen. Nous analyserons ultérieurement les sources nationales, européennes et internationales de ce droit précité.

Désormais la plupart des dispositions constitutionnelles ou législatives prévoient à la charge de l'Etat l'obligation de protéger l'environnement ; ou bien le droit des citoyens à un environnement sain et propre. Il en résulte que chaque personne a le droit de voir son environnement protégé mais est aussi obligée de contribuer à sa protection. Le respect de ces obligations nécessite notamment l'information du public. Le droit à l'information en matière d'environnement est donc une réponse possible à un degré élevé de protection de l'environnement. Bien que notre étude se limite au droit à l'information il est nécessaire de souligner que l'éducation du public afin d'utiliser les informations reçues et la participation de ce même public à la prise de décisions en matière d'environnement sont les deux autres composantes de ce que l'on appelle les droits procéduraux à l'environnement.

1)Définitions

a) le droit à l'information


Mais que recouvre exactement le droit à l'information en matière d'environnement ? . Interprété de manière stricte le droit à l'information peut signifier la liberté de rechercher l'information. C'est ce que l'on appelle l'information passive. On qualifie ainsi l'attitude de l'administration qui ne fait que répondre à une demande d'information initiée par une personne extérieure. C'est en fait le droit dont dispose toute personne physique ou morale de demander des informations relatives à l'environnement auprès des autorités publiques concernées. Il peut s'agir par exemple du droit d'une association écologique de demander les conséquences sur l'environnement que produira la construction d'une autoroute. Dans ce cas les autorités publiques ont l'obligation de répondre à toute demande d'information (sauf dispositions légales prévoyant des exceptions au droit à l'information et justifiant ainsi, un refus de l'administration). L'autorité publique doit donc s'abstenir d'interférer avec les actions pour obtenir l'information qu'elle détient.

Mais selon une interprétation large le droit à l'information peut signifier un droit d'accès à l'information, voire un droit à recevoir l'information On parle alors d'information active par laquelle on décrit l'attitude de l'administration qui va de sa propre initiative informer le public sur l'environnement. Il s'agit donc du droit de tout citoyen de recevoir des informations sur son environnement sans avoir à effectuer de demandes ou de démarches préalables. Il peut s'agir par exemple du fait d'informer les automobilistes d'un pic de pollution en les invitant à utiliser les transports en commun, ou bien encore d'informer les vacanciers sur la qualité des eaux de baignades. Dans tous les cas l'information permet ainsi une meilleure sensibilisation du public sur les problèmes environnementaux et donc une possible amélioration dans l'application des règles édictées dans ce domaine.

b) La notion d'environnement


Conçue de façon restrictive, la notion d'environnement apparaît comme tout ce qui est "naturel". Dans une conception plus large, elle englobe les réalisations humaines et plus particulièrement le patrimoine culturel. Les sources et l'étendue du droit à l'environnement diffèrent également, selon que ce droit sera proclamé par un texte constitutionnel ou, à défaut, législatif.

Selon la Commission européenne, l'environnement est "l'ensemble des éléments qui forment dans la complexité de leurs relations les cadres, les milieux et les conditions de vie de l'homme dans la société" ZZZ . Mais cette définition n'est pas la seule puisque dans chacune de ses interventions en matière d'environnement la Communauté y donne à chaque fois une définition de l'environnement, notamment à travers les nombreuses directives qu'elle adopte dans ce domaine.

Il résulte donc que la notion d'environnement est très large et concerne l'environnement économique, social, culturel etc.

Avant tout autre développement sur les détails du droit à l'information en matière d'environnement, il nous semble nécessaire d'analyser la portée de la liberté d'information en Europe en tant que droit de l'homme. Il conviendra ensuite de s'attarder sur la récente reconnaissance du droit de l'homme à vivre dans un environnement sain.

2) Le droit à l'information à la lumière des droits de l'homme


Au niveau national, l'article 6 de la déclaration française des droits de l'homme de 1789 proclame la liberté d'information. Au plan européen l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme reconnaît le droit de toute personne à la liberté d'expression. "Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence des autorités publiques et sans considération de frontière". L'article 10 garantit donc, sous le terme générique de "liberté d'expression", la liberté d'opinion et la liberté d'information. Cette dernière est ainsi reconnue comme un droit fondamental de l'individu. La liberté d'information, en tant que partie de la liberté d'expression, est au centre du concept d'une société démocratique, pluraliste et respectueuse des droits de l'homme.

La liberté d'information énoncée par l'article 10 recouvre deux éléments constitutifs : la liberté de recevoir et la liberté de communiquer des informations et des idées. La liberté d'information, ainsi comprise, suppose donc pour être réalisée que soient garanties, mis à part la libre élaboration des messages, à la fois la libre circulation des supports de l'information et le libre accès aux moyens de communication, sous réserve des limites autorisées par la convention elle-même. L'article 10 n'énonce pas au titre des éléments constitutifs de la liberté d'information, la liberté de rechercher des informations et des idées. La Cour européenne des droits de l'homme a, de plus, refusé d'élargir la liberté de recevoir des informations au droit de rechercher des informations. Néanmoins le droit d'accès d'une personne aux informations personnelles la concernant est directement protégé par l'article 8 de la Convention, qui garantit le droit au respect de la vie privée et familiale.

3) Le droit de l'homme à vivre dans un environnement sain


Dans le cadre du Conseil de l'Europe, ni la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée en 1950, ni les protocoles ne reconnaissent le "droit de l'homme à l'environnement" en tant que tel.

Le droit de l'homme à l'environnement a été proclamé pour la première fois dans le principe 1 de la Déclaration de Stockholm du 16 juin 1972. Cette conférence s'est tenue en juin 1972 sur l'initiative de l'Assemblée générale des Nations Unies. L'objectif était de définir l'action à entreprendre en commun pour préserver et améliorer le domaine de l'environnement. Le premier principe affirme le droit fondamental de l'homme à la liberté, à l'égalité et à des conditions de vie satisfaisantes dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien-être. Le principe 1 ajoute également que l'homme a aussi le devoir de protéger et d'améliorer l'environnement.

Au plan régional, des engagements plus précis ont été pris. Par exemple la charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981 reconnaît un droit collectif à l'environnement. La consécration du droit de l'homme à l'environnement doit s'accompagner d'une extension du droit à l'information et du droit d'accès aux tribunaux.

L'homme se trouve à la fois créancier et débiteur d'un environnement sain. En tant que créancier c'est le droit d'exiger un environnement convenable. C'est souvent ainsi que les législations nationales décrivent ce droit de l'homme à l'environnement. Dans cette optique le droit peut être effectif par les interventions de l'administration chargée de la protection de l'environnement. En tant que débiteur l'homme est responsabilisé au travers de ses actes de la vie quotidienne en veillant à ce que ces actes n'aient pas de conséquences néfastes sur l‘environnement. Dans ce cas l'administration est chargée de préciser l'étendue des obligations incombant au public. Il convient désormais d'analyser comment un véritable politique de l'environnement s'est développée.

4) Le droit communautaire de l'environnement


Les traités originaires n'avaient pas mis en place une politique communautaire de l'environnement. La protection n'était en effet ni explicitement, ni implicitement citée par les traités. Avant que l'Acte Unique européen ne donne une base légale à la politique communautaire de l'environnement, la protection de l'environnement ne faisait donc l'objet d'aucune disposition législative ou autre au niveau communautaire.

Cependant, le Traité de Rome contenait certaines dispositions spécifiques relatives à certains aspects de la protection de l'environnement. Tout d'abord l'article 100 pouvait être invoqué lorsqu'il s'agissait de rapprocher des dispositions relatives aux produits intéressant l'environnement et plus généralement lorsqu'il s'agissait de dispositions des Etats membres ayant une incidence sur le fonctionnement du Marché commun. Mais c'est uniquement en fonction du Marché commun que l'article 100 permettait un rapprochement des dispositions divergentes en matière de protection du domaine de l'environnement, et non en fonction de considérations de portée vaste qui seraient essentiellement ou même exclusivement d'ordre écologique.

L'article 235 habilite la Communauté à entreprendre toute action, donc aussi un rapprochement des législations, qui apparaît nécessaire pour réaliser l'un des objectifs de la Communauté, sans que le Traité ait prévu les pouvoirs requis à cet effet. Ainsi s'est posé la question de savoir si l'article 235 du traité permettait un rapprochement des législations relatives à la protection du milieu, voire la création d'un droit de l'environnement par voie de règlements, qui dépasserait la cadre des harmonisations prévues par l'article 100. La politique de l'environnement était-elle, au sens juridique, un objectif de la Communauté ? . C'est la pratique politique qui en donna la réponse lors d'une déclaration du conseil le 22 novembre 1973 qui estimait qu'un développement harmonieux des activités économiques dans l'ensemble de la communauté et une expansion équilibrée ne pouvait plus se concevoir désormais sans une lutte efficace contre les pollutions et nuisances et que l'amélioration de la qualité de la vie et de la protection du milieu naturel figurait parmi les tâches essentielles de la Communauté.

Les premières directives relevant spécifiquement du droit de l'environnement ont été arrêtées par le Conseil sur la base des articles 100 et 235. L'inconvénient de baser la politique de l'environnement sur ces deux articles était qu'ils prévoyaient une procédure d'adoption à l'unanimité. Un développement totalement efficace d'une politique environnementale était donc menacé pour cette raison. L'Acte Unique européen donnera une base juridique à cette politique.

Avant même de parler de véritable "politique" de l'environnement insérée dans les Traités, la Communauté avait élaboré des "actions" dans le domaine de l'environnement.

Très tôt après l'entrée en vigueur des Traités de Rome, la Communauté a déployé de plus en plus d'activités en matière d'environnement. Certaines garanties pour la protection de l'homme et de l'environnement étaient devenues nécessaires du fait de la disparition des frontières économiques dans un premier temps. C'est ainsi que l'on peut estimer que la première directive en matière d'environnement fut adoptée en 1967 et était relative à la classification, l'étiquetage et l'emballage de substances dangereuses ZZZ . Ce sont les directives de 1970 sur le niveau d'émission sonore et les émissions dans l'air des véhicules à moteur ZZZ qui représentèrent la mise en oeuvre de véritables actions dans le domaine de l'environnement. Enfin, dans les même années la Commission déclarait pour la première fois que l'élaboration d'un programme d'action environnementale était nécessaire.

a. La Conférence de Stockholm sur l'environnement


Il faudra attendre la Conférence de Stockholm en 1972 pour définir dans le cadre des Nations Unies une action commune dans le domaine de la protection de l'environnement. Cette Conférence des Nations Unies sur l'environnement a notamment adopté une déclaration sur l'environnement formant un plan d'action pour protéger efficacement l'environnement.

Le premier principe de cette déclaration affirme le droit fondamental de l'homme à la liberté, à l'égalité et à des conditions de vie satisfaisantes dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien-être. Cette déclaration fait apparaître un concept fondamental qui rapproche la protection de l'environnement de celle des droits de l'homme. Les principes 2 à 7 donnent une définition très large de ce que recouvre l'environnement. La déclaration souligne que l'homme a une responsabilité particulière dans la sauvegarde de son patrimoine environnementale.

A côté des principes, la Déclaration mentionne aussi les instruments de la politique d'environnement : "la planification et la gestion par des institutions nationales, le recours à la science et à la technologie, l'échange d'informations et enfin l'enseignement et l'information en matière d'environnement (principes 18 à 20).

Le dernier groupe de principes (21 à 26) à un intérêt tout particulier, surtout le principe 21 qui déclare : "Conformément à la charte des Nations Unies et aux principes du droit international, les Etats ont le droit souverain d'exploiter leurs propres ressources selon leur politique d'environnement et ils ont le devoir de s'assurer que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommages à l'environnement dans d'autres Etats ou dans des régions ne relevant d'aucune juridiction nationale". Ce principe très important interdit donc l'utilisation dommageable du territoire et doit donc être interprété à la lumière de la souveraineté de chaque Etat sur ses ressources naturelles. Les Etats doivent donc coopérer pour améliorer et protéger l'environnement.

Enfin, un autre résultat de la Conférence de Stockholm est le "plan d'action pour l'environnement". Cet ensemble de résolutions vise l'évaluation de l'environnement, la gestion de l'environnement et les mesures de soutien. L'évaluation comporte l'analyse, la recherche, la surveillance et les échanges d'informations en matière d'environnement. Quant aux mesures de soutien elles concernent l'information et l'éducation du public ainsi que la formation de spécialistes en matière d'environnement.

La Conférence de Stockholm a sans aucun doute fortement influencé la politique commune de l'environnement menée par les communautés européennes. Cette politique se traduit par l'adoption de programmes d'action quant aux objectifs et principes communautaires à réaliser.

b. Les programmes d'action des Communautés européennes en matière d'environnement


Jusqu'alors, la compétence de la CEE en matière d'environnement n'était qu'implicite. Celle-ci a fait l'objet d'une déclaration interprétative des chefs d'Etats et de gouvernements réunis à Paris en juillet 1972 à propos de l'article 2 du Traité de Rome. En vertu de cette déclaration, l'objectif de l'expansion économique visé par la Communauté devait être compris comme incluant la nécessaire amélioration de la qualité de la vie. En conséquence, plusieurs programmes d'action de la Communauté européenne en matière d'environnement ont vu le jour.

Le premier programme d'action des communautés européennes a été adopté en 1973. Il établit les objectifs et les principes de la politique communautaire d'environnement, ainsi que les mesures concrètes pour réduire la contamination et la détérioration ainsi que l'amélioration de l'environnement. En ce qui concerne le sujet de notre étude il est important de souligner que dans la deuxième partie de ce programme le développement de l'information du public y est envisagé. Le troisième programme vise à améliorer et renforcer la formation et la sensibilisation du public en matière d'environnement, la diffusion et l'accessibilité des connaissances. Ce thème est repris par la quatrième programme d'action de 1987 qui insiste sur la nécessité de développer une politique d'information et d'éducation à l'environnement plus active. Enfin le cinquième programme d'action de 1993 insiste sur la mise en oeuvre et l'évaluation régulière de l'information du public.

Ces programmes en matière d'environnement que la Communauté a adopté jusqu'à présent ne font que fixer des directives politiques qui ont entraîné un grand nombre d'actes juridiques arrêtés par les institutions de la Communauté conformément à la procédure prévue de l'article 189. Mais ce droit se trouvait privé de base juridique même si les programmes d'action se sont régulièrement succédés comme nous venons d'en rendre compte.

Si la Communauté européenne a pris depuis de nombreuses années des mesures dans le domaine de l'environnement, ce n'est que depuis l'Acte Unique européen que la protection de ce domaine figure dans le traité CEE comme l'un des objectifs de la Communauté.

c. L'Acte Unique européen


L'Acte Unique européen donne donc enfin une base légale explicite à la politique communautaire de l'environnement. L'article 25 introduit un nouveau Titre VII sur "l'Environnement" dans la troisième partie du Traité CEE. Ce titre prévoit expressément l'élaboration et la mise en oeuvre d'une politique en la matière et énonce dans les articles 130 R à 130 T les objectifs et principes qui devraient guider une telle politique.

L'article 130 R commence par énumérer les objectifs de la politique communautaire de l'environnement ZZZ . Ces objectifs sont la préservation, la protection et l'amélioration de la qualité de l'environnement. Ces objectifs étaient déjà ceux qui prévalaient dans les différents programmes d'action adoptés auparavant par la Communauté. Ils ne constituent donc pas une innovation mais en les formulant d'une façon générale, l'article 130 R ouvre à la Communauté un champs d'action très vaste. Rappelons tout de même que la communauté est apte à agir dans le domaine de l'environnement tout en respectant le principe de subsidiarité, ZZZ le principe de coopération internationale et celui de la clause minimale ZZZ . Ce dernier principe signifie que les Etats membres peuvent adopter des mesures plus sévères que celles adoptées au niveau communautaire.

Enfin, l'article 130 R § 2 indique que "l'action de la Communauté en matière d'environnement est fondée sur les principes de l'action préventive, de la correction par priorité à la source des atteintes à l'environnement et du pollueur-payeur". Ces trois principes étaient déjà formulés dès le premier programme d'action. Le principe de prévention signifie qu'une action préventive doit empêcher l'arrivée d'éventuels événements polluants. Le principe de correction par priorité à la source des atteintes à l'environnement est susceptible de jouer un rôle très important notamment pour les atteintes transfrontalières. Enfin le principe économique du pollueur payeur est devenu un véritable principe juridique depuis son adoption par l'Acte Unique européen. Il est important de noter que ce dernier principe était abordé par tous les programmes d'action adoptés par la Communauté. Concrètement ce principe signifie que les coûts de la diminution des pollutions environnementales sont à supporter par celui qui a causé la pollution.

d. Le Traité de Maastricht


Le Traité de Maastricht complète, améliore et renforce les attributions de la Communauté en matière d'environnement. Le traité vise notamment la promotion d'une croissance durable et respectueuse de l'environnement. Il prévoit également une meilleure prise en compte des impératifs environnementaux dans les autres politiques de la Communauté. En effet, une croissance durable ne peut être assurée que si les autres politiques respectent le domaine de l'environnement.

La notion de croissance durable est abordée pour la première fois au niveau communautaire dans un traité. L'article 2 du Traité de Maastricht prévoit que "la communauté a pour mission, par l'établissement d'un marché commun, d'une union économique et monétaire et par la mise en oeuvre des politiques ou des actions visées aux articles 3 et 3A, de promouvoir (...) une croissance durable et non inflationniste respectant l'environnement (...)".

5) La reconnaissance internationale du droit à l'information en matière d'environnement


Le droit à l'information et le droit à un environnement suffisant pour assurer sa santé et son bien-être sont donc les deux libertés publiques qui guideront l'ensemble de notre étude. Les droits procéduraux à l'environnement bénéficient d'une reconnaissance tant au niveau international qu'au niveau européen. La déclaration de Rio sur l'environnement et le développement indique notamment dans son dixième principe que "la meilleure façon de traiter les questions d'environnement est d'assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient. Au niveau national, chaque individu doit avoir dûment accès aux informations relatives à l'environnement que détiennent les autorités publiques(...). Les Etats doivent faciliter et encourager la sensibilisation et la participation du public en mettant les informations à la disposition de celui-ci (...)." Cette reconnaissance s'est confirmée au niveau européen tout d'abord par un angle étroit à travers plusieurs directives concernant divers secteurs de l'environnement et prévoyant l'information et la participation du public. Mais c'est surtout la directive du Conseil des Communautés européennes (90/313/CEE) du 7 juin 1990 ZZZ concernant la liberté d'accès à l'information en matière d'environnement qui reconnaît pour l'ensemble de l'Union européenne les droits procéduraux à l'environnement. Récemment, la matière a été abordée dans sa totalité dans le cadre de la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe (CEE, NU). Depuis 1979 cet organe subsidiaire du Conseil économique et social des Nations Unies tient périodiquement des conférences paneuropéennes des ministres de l'environnement. L'avant dernière en date, réunie à Sofia en octobre 1995 avait adopté une déclaration sur l'accès à l'information et la participation du public au processus de décision dans le domaine de l'environnement, intitulée "directives" (guidelines). Ce texte a été transformé (avec certaines modifications) en une convention internationale lors de la dernière conférence qui s'est déroulé à Aarhus (Danemark) en juin 1998.

L'application de la directive européenne n'a pas présenté de difficultés particulières en France dans la mesure où la législation comprenait depuis 1978 une loi sur l'accès aux documents administratifs. Même si l'accès aux documents dans le domaine de l'environnement n'a pas fait l'objet d'une réglementation générale, la loi de 1978 et les nombreux textes environnementaux prévoyant une procédure d'information permettent d'affirmer que la France remplit correctement les exigences de la législation communautaire. Enfin la situation des institutions communautaires était quelque peu paradoxale dans la mesure où aucune procédure d'accès à leurs documents par le public n'existait lors de l'adoption de la directive qui, elle, ne concernait que les Etats membres. Le Code de conduite adopté en 1993 par le Conseil et la Commission est venu remédier à cette situation.

La comparaison des différentes législations nationales, communautaires et internationales sur le droit à l'information en matière d'environnement mettra en évidence que ce droit possède désormais une pleine reconnaissance sur tous les plans. Le développement sans cesse croissant de la prise de conscience de la nécessité de protéger l'environnement permettant de rectifier à l'avenir les lacunes et imprécisions observées dans certaines réglementations de ce droit.

PREMIERE PARTIE
LA DIMENSION COMMUNAUTAIRE ET INTERNATIONALE
DU DROIT A L'INFORMATION EN MATIERE D'ENVIRONNEMENT


La directive du 7 juin 1990 concernant la liberté d'accès à l'information a été adoptée sur la base de l'article 130S du Traité CEE. La directive énonce le principe selon lequel toute information relative à l'environnement disponible dans la Communauté doit être librement accessible au public, sauf exceptions prévues par la directive. Cette législation communautaire est qualifiée d'horizontale dans la mesure où elle ne concerne pas un secteur précis de l'environnement mais appartient au domaine de la politique générale menée en matière d'environnement. Il existe actuellement trois directives communautaires entrant dans le champs de la législation horizontale. Elles concernent la collecte et l'évaluation de l'information disponible sur l'environnement et à une plus grande échelle sur les activités de l'homme ayant un impact sur l'environnement.

La directive du 7 juin 1990 est entrée en vigueur le 31 décembre 1992 mais à cette date à peine la moitié des Etats membres avaient effectivement transposé la directive dans leur législation. Heureusement la situation s'est nettement améliorée au vue des rapports d'application envoyés par les Etats membres en 1996 où l'on peut affirmer que désormais le droit à l'information en matière d'environnement est effectivement présent dans l'ensemble de l'Union européenne. Il convient avant toute analyse au fond de la directive de retracer les origines de l'élaboration de la directive pour comprendre comment la Communauté européenne a été amenée à intervenir dans la création de ce droit spécifique à l'information en matière d'environnement. Ensuite l'analyse détaillée du contenu de la directive nous permettra de mettre en lumière les points nécessitant plus de précisions ainsi que les modifications qu'il semble opportun d'apporter pour améliorer cet instrument mis à la disposition des citoyens européens.

I- Les origines de la directive


La directive du 7 juin 1990 opère une séparation radicale avec la tradition du secret administratif qui avait cours dans la plupart des Etats membres. La consécration internationale de ce droit s'est fait progressivement comme nous avons pu le constater précédemment10 La directive harmonise ainsi un droit d'accès spécialement reconnu en matière d'environnement. Bien que plusieurs systèmes d'informations étaient déjà présents dans certaines directives européennes environnementales, la carence législative de certains Etats membres a amené la commission à réglementer la liberté d'accès à l'information en matière d'environnement par une approche globale. De plus le système d'accès à l'information en vigueur aux Etats-Unis depuis 1964 va s'avérer être une source d'inspiration importante pour les institutions communautaires à l'origine de la proposition de directive.

A- 1985-1990 : Genèse de la directive sur la liberté d'accès à l'information en matière d'environnement


L'origine de la directive est un projet de résolution ZZZ déposé par deux députés européens en 1985 invitant la Commission à présenter une proposition législative concernant la liberté d'accès à l'information en matière d'environnement. La commission chargée de l'environnement au Parlement européen élabora un rapport ZZZ faisant état de la législation existante dans ce domaine dans les Etats membres. Sur la base de ce rapport la Commission européenne présenta en 1988 une proposition de directive largement inspirée par le travail effectué par le parlement et s'inscrivant dans la lignée de l'engagement pris dans le 4éme programme d'action de la CEE selon lequel l'élaboration d'une "loi communautaire sur la liberté d'information en matière d'environnement" était prioritaire. Le lancement de l'année européenne de l'environnement (1987-1988) et l'accident du réacteur nucléaire de Tchernobyl en 1986 peuvent être considérés comme ayant considérablement influencé la proposition de directive faite par la Commission en 1988 ZZZ . A la lumière des avis du Parlement européen et du Comité Economique et Social, la commission modifia quelques points de la proposition de directive qui fût finalement adoptée le 7 juin 1990. Le Parlement européen, dans son avis, avait souhaité que "l'accès à l'information en matière d'environnement pour tout citoyen soit rendu possible par une action communautaire spécifique" Le texte de la directive a pour objet d'assurer la liberté d'accès à l'information en matière d'environnement détenue par les autorités publiques, ainsi que sa diffusion, et à fixer les conditions de base dans lesquelles cette information devrait être rendue accessible". Cette directive communautaire impose une réflexion nouvelle sur l'originalité du droit à l'information en matière d'environnement. En effet, aucun droit positif n'avait jamais admis ce droit spécifique avant cette date.

B- La publicité de l'information dans les Etats membres


Mais il serait faux de conclure à l'exclusivité d'une création européenne dans le domaine de la liberté d'accès à l'information en matière d'environnement. On peut tout d'abord déceler plusieurs antécédents dans la législation de certains Etats membres. Ainsi plusieurs Etats membres disposaient déjà bien avant la directive de 1990 d'une législation générale relative à l'accès à l'information qui néanmoins n'était pas spécifique au domaine de l'environnement. Cette législation générale existait seulement dans quatre Etats membres : le Danemark ZZZ , la France ZZZ , les Pays-Bas ZZZ et le Luxembourg ZZZ . Dans ces Etats tout citoyen bénéficie du droit d'accès à l'information. Mais leur législation présente en général certains inconvénients. En effet, dans la plupart des cas, il n'y a pas droit à l'information clairement défini et contraignant ; les exceptions ne sont pas définies de manière suffisamment précise, de sorte que beaucoup de choses peuvent être tenus secrètes sans aucune raison valable ; il n'est que rarement prévu de délai pour fournir l'information, le refus ne doit pas être justifié. etc.

En dehors de ces quatres Etats, les autres membres ne possédaient pas de législation générale relative à l'accès à l'information. En général la législation ne concernait que des cas de procédures administratives d'autorisation. Par exemple en Belgique, il existait un accès à l'information dans le cadre de certaines procédures administratives d'autorisation. Ces lacunes rencontrées dans la législation de certains Etats membres avant 1990 existaient également dans la Communauté européenne où la publicité de l'information était largement insuffisante. Bien que la directive du 7 juin 1990 n'oblige que les Etats membres nous analyserons comment les institutions communautaires ont suivi ce mouvement vers plus de transparence ZZZ .

Si le droit à l'information était déjà présent dans la législation de certains Etats membres, celui-ci pouvait également être observé de façon disparate dans plusieurs directives européennes réglementant le droit de l'environnement.

C- La publicité de l'information dans les directives antérieures à 1990


Avant toute analyse de la directive du 7 juin 1990, il est nécessaire d'aborder plusieurs directives antérieures qui prévoyaient déjà un système d'accès à l'information.

La directive 76/160 sur la qualité des eaux de baignade affirme que l'intérêt public pour l'environnement et pour l'amélioration de sa qualité augmente et que le public doit donc recevoir des informations objectives sur la qualité des eaux de baignade ZZZ . L'article 13 de cette directive exige que les Etats membres soumettent régulièrement à la Commission un rapport global sur les eaux de baignade et sur leurs caractéristiques les plus importantes. La Commission publie l'information après consentement préalable de l'Etat membre concerné. Cependant, la nécessité du consentement peut limiter la portée de l'information fournie en amoindrissant sa nature objective.

Concernant la pollution atmosphérique la directive 84/360 prévoit dans son article 9 que des demandes d'autorisation de mise en activité d'une installation polluant l'air, seront mises à la disposition du public informé conformément aux procédures prévues par le droit national.

La directive ZZZ "seveso" du Conseil du 24 juin 1982, concernant les risques d'accidents majeurs de certaines activités industrielles, prévoit à la charge des Etats membres l'obligation de garantir que l'information sur les mesures de sécurité et sur le comportement à adopter en cas d'accident est fournie d'une manière appropriée et sans qu'elles aient à le demander, aux personnes susceptibles d'être affectées par un accident majeur : les informations doivent être répétées et mises à jour à intervalles appropriés. Ces informations doivent également être mises à la disposition du public ZZZ . La directive a été amendée en 1988 pour renforcer les conditions de l'information.

La directive ZZZ 89/618/Euratom du 27 novembre 1989 précise que la population doit être informée régulièrement et sans qu'elle ait à en faire la demande, des mesures de protection sanitaire en cas d'urgence radiologique ZZZ .

La directive ZZZ 85/337/CEE du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics ou privés sur l'environnement est particulièrement importante en ce qui concerne le droit à l'information. La directive prévoit que le public est amené à jouer un certain rôle dans le cadre de grands projets d'implantation de centrales thermiques et autres installations de combustion, de centrales nucléaires etc. En effet, les Etats doivent assurer que l'entrepreneur du projet fournira l'information nécessaire pour l'évaluation des incidences du projet. Selon l'annexe III, l'information doit comprendre une description du projet, de son site, de sa conception, de ses dimensions, des caractéristiques principales des processus de production et l'estimation des types et des quantités prévisibles des résidus et des émissions. L'auteur du projet doit également indiquer les solutions de rechange possibles, les éléments de l'environnement susceptibles d'être affectés de manière importante par le projet et ses effets probables et décrire la méthode d'évaluation utilisée ainsi que les mesures envisagées pour prévenir, réduire et si possible arrêter tout effet nocif important sur l'environnement. L'article 6 prévoit que les Etats doivent rendre publiques toutes les demandes d'autorisation de projets publics ou privés qui pourraient affecter de manière importante l'environnement. Les Etats doivent également faire en sorte que les membres concernés du public disposent de la possibilité d'exprimer leur opinion avant l'approbation du projet. Selon les caractéristiques particulières des projets ou des sites, les Etats peuvent déterminer quel est le secteur public qui est concerné, décider du lieu où l'information peut être consultée et prescrire des méthodes particulières d'information (fiches, journaux ou affichages par exemple).

Suite à ces nombreux développements, l'opportunité d'une action communautaire générale sur le droit à l'information en matière d'environnement ne soulevait donc aucune contestation. L'exemple de la législation américaine allait alors dans une certaine mesure influencer à nouveau la Communauté européenne dans la reconnaissance de ce droit et en accélérer le processus d'adoption.

D- Une directive inspirée de la loi américaine sur la liberté d'information


Bien que les antécédents européens en la matière aient eut une certaine influence, la loi américaine sur la liberté d'information de 1966 allait sans aucun doute largement influencer l'établissement d'un droit similaire au sein de la Communauté européenne. La législation américaine part du principe que les documents dont disposent les pouvoirs publics sont accessibles à tout citoyen, sauf si les documents relèvent d'une des exceptions prévues par la loi. Les principaux points de cette législation concernent tout d'abord l'obligation de publicité active mise à la charge de tous les services publics. La loi prévoit également que les informations doivent être fournies sur demande, notamment les documents ayant joué un rôle au niveau de la prise de décision. Ce droit à l'information est prévu pour tout résident sans conditions de nationalité et tout refus doit être justifié.

Les exceptions prévues par la loi sont classiques au regard des législations nationales existantes dans les Etats membres européens. Ainsi la sécurité de l'Etat, la protection du secret industriel et commercial, la protection de la vie privée... justifient un refus de communication de l'information. Toutefois en 1974 la loi a été modifiée afin de limiter les possibilités de refus et d'accroître les pouvoirs de vérification des instances judiciaires concernant les raisons invoquées en cas de refus.

Les législations existantes en matière de liberté d'accès à l'information dans certains Etats membres (et même en dehors du continent européen) et ce même droit prévu dans plusieurs directives européennes ont ainsi montrer la nécessité d'élaborer une directive dont le but est de garantir à toute personne la liberté d'accès à l'information environnementale.

II : Le contenu de la directive


La directive 90/313/CEE garantit l'information du public à travers le principe de transparence de toute l'information. Le Conseil à régler ce droit d'accès à l'information en matière d'environnement par l'adoption d'une directive. Le choix pour cet instrument législatif montre que les règles ainsi énoncées ne constituent qu'un cadre général minimum que les Etats membres doivent respecter. L'article 89 du Traité de Rome dispose que la directive lie les Etats membres quant au résultat à atteindre tout en leur laissant le choix quant à la forme et aux moyens mis en oeuvre pour y parvenir. Si l'adoption d'une législation en matière de droit de l'information s'est faite sous la forme d'une directive, c'est à cause d'une législation déjà existante dans certains Etats membres sur l'accès à l'information. L'adoption d'une directive est justifiée par la nature même du droit énoncé qui fait partie du domaine des droits de l'homme. En effet l'adoption d'un instrument moins contraignant permet aux Etats membres d'adopter des mesures plus libérales et plus favorables que celles prévues dans la directive. La directive exige "seulement" l'établissement d'un niveau minimum d'accès à l'information en matière d'environnement. Il est regrettable qu'un grand nombre d'Etats membres aient transposé littéralement le contenu de la directive sans adopter de mesures plus favorables aux administrés.

La directive concerne principalement l'accès passif à l'information, c'est à dire l'obtention de l'information sur requête de toute personne physique ou morale. Seul l'article 7 de la directive concerne l'accès actif à l'information. Dans ce cas les autorités publiques doivent de leur propre initiative fournir l'information aux citoyens, sans aucune demande préalable de leur part.

Il est nécessaire de souligner que la directive ne contient que 10 articles, dont seulement 7 concernent expressément la liberté d'accès à l'information en matière d'environnement. La structure de la directive est assez vaste dans la mesure où celle-ci contient de nombreuses définitions élaborées dans des termes très larges. Ainsi la directive définie largement la notion d'information en matière d'environnement. Cela témoigne du souci de toucher au plus grand nombre possible d'informations détenues par l'administration. La large définition du terme d'autorité publique va dans le même sens. En effet cela tend à ce que le plus grand nombre d'autorités publiques ou d'organismes publics soient concernés par l'obligation de répondre à toute demande d'information. Enfin on peut noter la règle générale concernant les personnes pouvant avoir accès à l'information. En effet il n'est pas nécessaire de faire preuve d'un intérêt particulier pour obtenir l'information souhaitée.

Le caractère général du sens donné aux termes de la directive peut malheureusement aller à l'encontre des personnes titulaires du droit à l'information en ce qui concerne les multiples exceptions pouvant justifier un refus de donner l'information. Ainsi ces exceptions risquent (et cela se confirme souvent dans la pratique) d'anéantir plus ou moins le principe de transparence régissant l'ensemble de la directive.

Il convient tout d'abord d'analyser en détails le principe de transparence énoncé aux articles 1 et 3 de la directive. Enfin nous dénoncerons les trop nombreuses exceptions permettant aux autorités publiques de justifier leur refus à une demande d'information.

A- La transparence de toute l'information

1) le droit d'accès


L'article 3 est le coeur de la directive dans la mesure où il contient la règle générale selon laquelle "les Etats membres font en sorte que les autorités publiques soient tenues de mettre les informations relatives à l'environnement à la disposition de toute personne physique ou morale qui en fait la demande, sans que celle-ci soit obligée de faire valoir un intérêt". Cet article 3 contient également la majorité des exceptions au principe énoncé ci-dessus.

2) l'information couverte


La façon dont l'information en matière d'environnement est définie par la directive revêt une importance capitale dans la mesure où l'information ne sera pas considérée comme disponible si elle n'entre pas dans le domaine environnemental. Il apparaît que la directive adopte une définition matérielle des documents concernés par le droit d'accès. Cette définition est rendue nécessaire par le caractère restrictif du champ d'application du texte communautaire, qui ne concerne que l'environnement. De fait pour la directive, les documents communicables sont ceux qui, quel que soit leur support formel, ZZZ concernent "l'état des eaux, de l'air, du sol, de la faune, de la flore, des terres et des espaces naturels, ainsi que les activités (y compris celles qui sont à l'origine de nuisances telles que le bruit) ou les mesures les affectant ou susceptibles de les affecter et les activités ou les mesures destinées à les protéger, y compris les mesures administratives et les programmes de gestion de l'environnement". Cette définition large du domaine de l'environnement donne la possibilité d'une appréciation libérale des documents communicables sur le fondement de la directive. Il semble donc que l'ensemble des données sur l'environnement soit concerné par cette directive. Ainsi il parait presque impossible de trouver un domaine de l'environnement qui ne serait pas concerné par cette directive. Ceci se confirme par l'affirmation dans le sixième considérant de la directive qui aborde la liberté d'accès à l'information concernant "l'état de l'environnement, les activités ou mesures portant ou susceptibles de porter atteinte à l'environnement ainsi que celles visant à le protéger". Le seul domaine qui peut poser problème est celui de l'information relative à la santé publique. Doit-on considérer la santé comme appartenant au domaine de l'environnement ? Les liens étroits existant entre certains problèmes de santé publique et l'environnement est indéniable. Il suffit de prendre l'exemple des diverses maladies allergiques dues à la pollution urbaine. Nous pensons donc que la santé publique est concernée par les mesures de communication de l'information prévues dans la directive. Ce point devrait faire l'objet de précisions lors d'une prochaine modification de la directive. Il est évident qu'un système reconnaissant l'accès à toute information détenue par les autorités publiques permettrait d'éluder ce genre de problème d'interprétation ZZZ

La vaste définition de l'environnement adoptée par la directive nous amène à conclure que celle-ci ne se limite pas aux données concernant l'environnement communautaire mais concerne plus largement l'environnement mondial des citoyens. En effet les problèmes environnementaux non spécifiques à l'Union européenne semblent bien être concernés par la directive. Ainsi les informations concernant aussi bien la couche d'ozone que le climat ou les forêts tropicales entrent dans le champs d'application de la directive.

L'article 2 indique que la directive concerne toute information disponible auprès des autorités publiques. Il est intéressant de s'arrêter sur la portée que l'on peut donner au caractère disponible de l'information. En effet l'interprétation littérale du terme disponible semble donner un champs d'application plus large à la directive européenne. Quant aux articles 1 et 6, ils se réfèrent à l'information détenue par les autorités publiques, c'est à dire les informations en leur possession. Le terme "disponible" semble avoir une portée plus large. En effet cela pourrait aller jusqu'à obtenir de l'autorité publique une information qui n'est pas encore en sa possession mais que celle-ci pourrait se procurer auprès d'une entreprise dont l'activité aurait des conséquences sur l'environnement. Ainsi la directive donnerait la possibilité à toute personne physique ou morale d'"utiliser" l'autorité publique comme intermédiaire pour l'obtention d'informations en matière d'environnement. Voilà un deuxième point de la directive qui mériterait également plus de précisions dans l'avenir. En vertu du droit à l'information en matière d'environnement, toute personne pourrait ainsi ordonner à l'autorité publique d'effectuer une requête auprès d'une entreprise ou organisme. Il semble que la pratique du droit à l'information en matière d'environnement ne retienne pas cette conception trop large.

De la même manière la directive opte pour une définition vaste de ce que l'on entend par autorité publique. Mais cela pose de la même façon certains problèmes d'interprétation.

3) Les autorités publiques concernées


La directive s'applique principalement aux autorités publiques visées à l'article2b. Il s'agit de "toute administration publique au niveau national, régional ou local, ayant des responsabilités et étant en possession d'informations relatives à l'environnement, à l'exception des organismes agissant dans l'exercice de pouvoirs judiciaires ou législatifs".

Il est très important de remarquer qu'une nouvelle fois c'est une définition très large qui est adoptée. Tout d'abord le simple fait pour une autorité publique de ne pas avoir à titre principal de responsabilités en matière d'environnement n'écarte pas pour autant l'application de la directive. La combinaison de certaines responsabilités et de la possession d'informations environnementales implique automatiquement l'obligation de communiquer les informations. Responsabilité et possession de l'information sont des conditions cumulatives. La possession de l'information est primordiale pour que l'autorité soit concernée. Cette condition avait déjà été abordée dans l'article 2a qui traite en plus du caractère disponible de l'information ; cela montre l'importance que les rédacteurs ont voulu accorder à cette condition d'application du droit à l'information.

La directive ne vise pas seulement les administrations environnementales, mais aussi toutes les administrations ayant des responsabilités dans le domaine de l'environnement. Ainsi la seule dénomination d'une administration n'est pas décisive; ce qui importe est la question de savoir si elle dispose de responsabilités relatives à l'environnement telles que définies à l'article 2a. Par exemple la Commission estime que les autorités compétentes pour la construction des routes sont concernées car elles ont des responsabilités relatives à l'environnement. En effet les routes peuvent avoir un impact considérable sur la faune, la flore, le sol, l'eau, l'air le paysage et aussi le climat ZZZ . Certains problèmes peuvent apparaître lorsque l'autorité publique prétend qu'elle ne dispose d'aucune responsabilité dans le domaine de l'environnement. De ce fait l'autorité refusera tout accès à l'information détenue en matière d'environnement en indiquant qu'elle ne dispose d'aucune responsabilité dans le domaine de l'environnement mais plutôt dans celui du transport, de la construction... etc. La solution pourrait être que les Etats établissent des listes d'autorités publiques qu'ils estiment détenir des responsabilités en matière d'environnement, même si cette tâche peut présenter un risque d'arbitraire. Cela éviterait ainsi une remise en cause trop aisée par les autorités publiques de la liberté d'accès à l'information en matière d'environnement.

L'article 2a in fine précise que "les organismes agissant dans l'exercice de pouvoirs judiciaires ou législatifs" sont exclus du champ d'application de la directive. Il semble donc qu'en ce qui concerne l'administration de la justice ou du législateur l'exemption ne s'applique pas. Il serait souhaitable que la directive précise à l'avenir que cette exemption ne fonctionne qu'en cas d'exercice à titre principal de la fonction judiciaire ou législative. Sinon sous couvert d'une activité législative mineure (une commune par exemple), l'autorité publique pourrait invoquer à chaque fois cette exception pour justifier un refus de communiquer une information.

L'article 6 élargit le champ d'application aux organismes qui, sans être des administrations, disposent de responsabilités environnementales dérivées des autorités publiques. Ces organismes doivent avoir "des responsabilités publiques en matière d'environnement" et être "contrôlés par des autorités publiques". Cette disposition vise à ce que le droit d'accès à l'information ne soit pas affecté par une délégation des responsabilités de l'autorité publique vers d'autres instances. Les organismes visés peuvent être des instituts de recherche, des instituts environnementaux, des agences, etc. Cela pose le problème de la "privatisation" de certaines tâches de la fonction publique. Dans de nombreux pays certaines fonctions auparavant publiques sont désormais exécutées pars des organismes privatisés ou privés. Si ces organismes étaient considérés comme n'entrant pas dans le champ d'application de la directive, cela reviendrait à réduire considérablement la liberté d'accès à l'information à de nombreuses personnes. C'est pourquoi l'article 6 précise que l'information détenue par ces organismes doit être rendue disponible dans les mêmes conditions que celles prévues pour les autorités publiques aux articles 3, 4 et 5 de la directive. On peut regretter l'exigence faite par la directive d'un contrôle par l'autorité publique. En effet cela revient à priver certaines personnes de leur liberté d'accès à l'information du fait que l'organisme sollicité ne sera pas sous le contrôle d'une autorité publique. Cette disposition nous parait inutile en ce sens qu'elle limite ainsi le champ d'application de la directive. Le nombre de ces organismes ayant des responsabilités en matière d'environnement allant croissant il nous parait nécessaire de s'orienter vers une suppression de cette disposition contenue dans l'article 6. Cette condition limite la portée de la directive et va à l'encontre de l'objectif de celle-ci qui vise à assurer un accès à l'information au plus grand nombre possible de personnes.

Outre la définition des autorités publiques concernées la directive définit également les titulaires du droit à l'information en matière d'environnement.

4) les titulaires du droit d'accès à l'information


L'article 3 alinéa 1 indique que les informations relatives à l'environnement doivent être tenues à la "disposition de toute personne physique ou morale qui en fait la demande, sans que celle-ci soit obligée de faire valoir un intérêt". Il ressort de cette disposition qu'aucune forme juridique particulière de la personne n'est exigée. Toute association ou organisation non gouvernementale bénéficie dès lors d'un droit à l'information en matière d'environnement. Cette disposition marque une étape importante dans la relation avec les autorités publiques allant vers toujours plus de transparence.

De plus aucune différenciation n'est faite selon la provenance géographique du demandeur. C'est une approche très large ("toute personne") qui peut être interprétée comme visant à ne pas différencier les nationaux des étrangers résidents ou pas sur le territoire où la demande est effectuée. Une telle approche permet d'éviter ainsi bien des problèmes qui pourraient être liés à la citoyenneté ou à d'autres critères tenant à la nationalité. Toute personne bénéficie donc de ce fait d'un accès sans restriction à l'information. La personne n'a même pas besoin d'être ressortissante de l'Union européenne pour disposer librement de l'accès à l'information. Cette disposition revêt une importance capitale pour de nombreuses ONG qui de ce fait auront droit de s'informer librement sur l'environnement de pays frontaliers par exemple. Ces ONG pourront effectuer les démarches nécessaires directement auprès des autorités publiques nationales concernées afin d'obtenir une information plus fiable. Cela met fin au principe auquel de nombreux gouvernements étaient attachés et selon lequel les données communiquées par une puissance étrangère doivent par principe être considérées comme confidentielles. Désormais ces associations ou ONG peuvent en vertu de la directive se procurer l'information souhaitée directement auprès des autorités étrangères compétentes, sans les difficultés qu'elles pouvaient rencontrer auparavant en s'adressant aux autorités de leur pays. Cette disposition de la directive va donc dans le sens d'une plus grande rapidité et fiabilité de la communication de l'information et mérite donc d'être soulignée.

La disposition de l'article 3 précise que la personne n'est pas obligée de faire valoir un intérêt concernant sa demande d'information. Ce principe implique qu'une demande de renseignements n'a pas à préciser l'intérêt de l'information et suppose l'impossibilité d'exiger la "fin" à laquelle la communication d'informations est destinée ZZZ . Ainsi toute enquête visant à déterminer les raisons motivant la demande d'information pourrait être considérée comme abusive et illégale. De telles enquêtes ou la simple possibilité d'en effectuer irait à l'encontre de la philosophie générale de la directive. En effet cela reviendrait à décourager et dissuader les individus d'exercer leur droit d'accès à l'information. Comme nous l'avons précisé dans notre introduction, cela provoquerait la violation d'un droit de l'homme désormais en vigueur dans tous les pays de l'Union européenne.

Après avoir analysé la type d'information, les autorités publiques et les personnes concernées par la directive, il convient de s'attarder sur les quelques modalités pratiques d'accès à l'information prévues par la directive.

5) les modalités pratiques de l'accès à l'information

a) Le coût d'obtention de l'information


L'article 5 donne aux Etats membres la possibilité de percevoir une redevance pour l'accès à l'information. La seule exigence quant à la redevance étant qu'elle ne dépasse pas un montant raisonnable. La Commission dans sa proposition de directive ZZZ ainsi que le Parlement européen ZZZ et le comité économique et social dans leur avis donnaient plus de détails quant à la possibilité de percevoir une redevance. Ainsi la Commission indiquait que la consultation de l'information pouvait s'effectuer gratuitement sur place ou par délivrance de copies, aux frais du coût réel à la charge du demandeur. Quant au Parlement il était d'avis que les organisations non commerciales, les médias, les organisations scientifiques et les hommes de science ne devraient payer que "les frais de reproduction, les cents premières pages étant en tout cas gratuites". Enfin le Comité économique et social entendait par coûts réels les coûts administratifs matériels, sans réduction de la possibilité de percevoir des frais complémentaires ou des taxes. Aucun des ces amendements ou proposition n'a été retenu dans le texte définitif de la directive.

Il serait faux de croire que la question du montant de la redevance ne doit pas être considérée comme présentant peu d'importance. En effet si l'obtention de l'information ne peut se faire qu'à un coût élevé cela revient à restreindre l'exercice du droit à l'information. La question du coût de l'information demandée pourrait être utilisée comme un moyen indirect de refuser de communiquer l'information en pratiquant des prix abusifs. Dans les Etats membres la notion de montant raisonnable est interprétée dans le sens que la somme est plus ou moins équivalente à une somme que l'on doit payer pour une prestation de service administrative similaire.

b) Le délai de réponse de l'autorité publique


L'article 3.4 de la directive précise que "l'autorité publique répond à l'intéressé dans les meilleurs délais et au plus tard dans les deux mois". En pratique il s'avère difficile pour le demandeur de prouver que l'information n'a pas été fournie dans les meilleurs délais. Le délai de deux mois prévu par la directive peut sembler excessif en comparaison avec la législation existante dans de nombreux pays de l'Union européenne. En effet certains pays prévoient des délais de réponse plus courts. Cela s'explique par le fait que les demandes sont en règle générale réglées rapidement sans alourdir considérablement la charge de travail administratif à effectuer. De plus le développement du multimédia via la messagerie électronique permet de plus en plus un traitement quasiment instantané de la demande d'information. Nous reviendrons ultérieurement sur la nécessaire adaptation de la directive qui devra s'effectuer à la suite de l'accroissement du rôle du multimédia et de l'Internet dans la vie quotidienne des administrations et des citoyens.

c) La diffusion d'une information active


Rappelons que la directive du 7 juin 1990 concerne principalement l'information passive c'est à dire que les autorités publiques doivent tenir à dispositions des individus les informations en matière d'environnement qu'elle détienne et qui sont disponibles auprès de leurs services. Seul l'article 7 concerne l'information active en prévoyant que les Etats membres "prennent les mesures nécéssaires pour fournir au public des informations générales sur l'état de l'environnement", sans aucune demande préalable du public. Il s'agit là de faire peser sur les autorités un devoir d'information spontané, indépendant de toute sollicitation des administrés. Le droit communautaire impose donc aux Etats de mettre en oeuvre une véritable politique d'information en matière d'environnement. Ces informations peuvent être fournies par exemple au moyen de la publication périodique de rapports descriptifs sur l'état de l'environnement. La directive n'a pas retenu la proposition de la Commission de publier au moins tous les trois ans un rapport sur l'état de l'environnement. Il peut paraître regrettable que le Conseil n'ait pas suivi la proposition de la Commission sur ce point puiqu'il n'est pas spécifié dans la directive la périodicité à laquelle devraient être produits ces rapports. Ainsi rédigée cet article ressemble plus à une recommandation s'adressant à la bonne volonté des Etats. Cela montre surtout que la directive concerne essentiellement l'information passive et qu'elle ne prétend pas ainsi réglementer les nombreux aspects que recouvre l'information active par les autorités publiques. Une raison à cela est certainement due aux nombreuses procédures d'information active prévues dans les diverses directives environnementales adoptées avant 1990.

Notre analyse a montré toute l'étendue du droit à l'information en matière d'environnement. Mais la portée de ce droit n'est pas illimitée puisque la directive prévoit plusieurs exceptions et restrictions visant à protéger les différents intérêts publics ou privés pouvant être mis en cause. Ces exceptions doivent être réduites au minimum afin d'assurer le plus possible la publicité de l'information. Il convient donc de mettre en balance à chaque demande l'intérêt de la publicité et le préjudice qui pourrait en découler

B- Les limites à la transparence de l'information


C'est l'article 3 alinéa 2 de la directive qui prévoit la possibilité pour les Etats membres de prendre "des dispositions leur permettant d'opposer un refus à une demande d'information". Ensuite la directive énumère les différents cas justifiant ce refus. Il doit être préciser que cet article est une exception à la philosophie générale et au principe directeur de la directive qui prévoit la liberté d'accès à l'information en matière d'environnement. Les exceptions prévues sont si larges et nombreuses que l'on peut craindre qu'elles ne réduisent la portée du principe général d'accès à l'information. De plus ces exceptions offrent aux Etats membres des possibilités considérables de remise en cause de l'accès aux informations environnementales. Alors que l'ensemble de la directive est très favorable au demandeur en lui ouvrant largement les possibilités de s'informer, l'article 2 donne aux Etats trop de possibilités d'anéantir l'objet même de la directive. Néanmoins la directive à prévu de lutter contre ces possibles effets néfastes. En effet l'article 3 alinéa 4 précise que le refus de communiquer l'information doit être motivé dans tous les cas. Cette disposition permet ainsi un contrôle de l'autorité publique et diminue de ce fait le risque que nous dénoncions auparavant. De plus les Etats membres ont la possibilité de refuser l'accès à l'information, mais ne sont pas obligés de la faire. De ce fait l'approche du droit à l'information plus ou moins ouverte d'un Etat membre à l'autre aboutira à des divergences au sein de l'Union européenne.

L'article 3 alinéa 2 identifie sept grandes catégories d'informations qu'un Etat membre est autorisé à refuser de communiquer. Enfin l'article 3 alinéa 3 prévoit une autre catégorie d'éléments pouvant justifier un refus de communication. Il faut souligner que l'article 4 prévoit les différents aspects procéduraux liés à l'exercice du droit d'accès à l'information, en donnant un droit de recours judiciaire ou administratif à toute personne physique ou morale dans les cas de refus d'information ou d'information insatisfaisante.

Il faut souligner que pour l'ensemble de ces exceptions justifiant un refus de communication les Etats membres ne sont pas obligés de les prévoir dans leur législation. En effet l'article 3 précise bien que les Etats membres "puissent prendre des dispositions leur permettant d'opposer un refus à une demande d'information". Une telle disposition s'inscrit une nouvelle fois dans la philosophie générale de la directive visant à établir un droit d'accès à l'information environnementale aussi large que possible. Mais nous pouvons constater que finalement l'ensemble de ces exceptions est souvent pleinement utilisé par les Etats membres afin de préserver une plus grande liberté d'appréciation dans la communication des informations en matière d'environnement.

1) la confidentialité des délibérations des autorités publiques,
des relations internationales ou le secret de la défense nationale


La confidentialité des délibérations des autorités publiques est une fois de plus une disposition large et vaste qui nécessite de plus amples explications. En effet qu'entend t-on exactement par délibérations des autorités publiques ? Le terme de délibération vise l'ensemble des réflexions précédant la prise d'une décision. Cette notion est plus étroite que celle de processus décisionnel qui comprend en plus les données de base préparant la décision ainsi, que la pondération des différents éléments factuels. Sans aucun doute l'information concernant les délibérations des autorités publiques sur des questions environnementales telles qu'une licence ou une procédure d'évaluation de l'impact dur l'environnement ne sont pas concernées par cette limite. Les documents ayant joué un rôle dans la prise de décision et liés au domaine de l'environnement doivent bien entendu pouvoir être communiqués sur demande. Mais les délibérations d'une autorité publique prennent en compte également de nombreux autres faits qui nécessitent de rester confidentiels afin de préserver une certaine liberté dans la prise de décision finale.

La confidentialité des délibérations des autorités publiques est une cause logique de refus de communication de l'information. En effet les différents enjeux, intérêts privés ou publics en cause justifient qu'une personne extérieure ne puisse savoir pourquoi une autorité publique s'est prononcée dans une sens plutôt que dans un autre. Cela évite de ce fait toute pression future et peut garantir ainsi la qualité d'une prise de décision à l'abri de toute explication ultérieure quant aux raisons justifiant la décision. Bien sûr cela ne vise pas à exclure toute explication ultérieure de la décision aux administrés. Cela est nécessaire et de ce fait permet un certain contrôle de l'action de l'administration. Mais les délibérations d'une autorité publique prennent en compte également de nombreux autres faits qui nécessitent de rester confidentiels afin de préserver une certaine liberté dans la prise de décision finale.

Cette première exception concerne également les délibérations des relations internationales et le secret de la défense nationale. Le terme relations internationales peut notamment recouvrir des problèmes transfrontaliers de pollution ou tout autre problème environnemental pouvant avoir des conséquences importantes sur les relations entre deux Etats ou plus. Dans ce cas il est logique que le demandeur n'ait pas accès aux documents relatant les éventuelles négociations diplomatiques et qui sont de ce fait assez éloignées du domaine de l'environnement.

Enfin le secret de la défense nationale peut aussi justifier un refus de communication de l'information. Que recouvre exactement cette notion très large de défense nationale ? Le risque d'une telle disposition est de ne pas porter à la connaissance du public de nombreux problèmes environnementaux sous couvert du secret défense. Par exemple, le public pourrait-il avoir accès à des informations concernant les déchets toxiques ou nucléaires résultant d'activités militaires ? De même la communication d'informations sur les conséquences sur l'environnement de manoeuvres militaires dans un site protégé peut-elle être refusée sous couvert du secret de la défense nationale ? Ce point précis de la défense nationale mériterait plus de précisions et nous suggérons que les conséquences d'activités militaires effectuées en temps de paix et qui ne présente aucun danger quant à la divulgation de secrets militaires, puissent être communiquées au public à leur demande. Par exemple le transport militaire de déchets toxiques ne devrait pas s'effectuer sans que le public ne puisse être informé des éventuels dangers sur l'environnement que cela présente.

Au même titre que les relations internationales, la sécurité publique est un motif de refus de communiquer l'information. De la même façon on peut regrette la largeur de ce terme derrière lequel on ne sait pas exactement ce qu'il peut recouvrir précisément.

2) les affaires qui sont ou ont été pendantes devant une juridiction
ou qui font ou qui ont fait l'objet d'une enquête ou qui font l'objet d'une instruction préliminaire


La longueur de cette disposition montre que le droit communautaire adopte une conception très extensive de la procédure contentieuse. On peut qualifier cette définition de rigoureuse dans la mesure ou elle englobe l'ensemble de la procédure pré-contentieuse. En effet la disposition vise également les dossiers ayant fait l'objet d'une enquête ou d'une instruction préliminaire. Cette définition constitue une limite très importante au droit d'accès, notamment dans le domaine des pollutions qui donnent généralement lieu à une procédure contentieuse. A titre d'exemple on peut citer un avis de la CADA qui avait refusé la communication du dossier relatif à la catastrophe de l'Amoco Cadiz ZZZ .

A la lecture de cette exception on peut craindre une grande diminution du droit à l'information dont dispose le public en vertu de cette directive. Une lecture attentive de cet alinéa montre qu'il vise à protéger certains intérêts. En ce qui concerne les affaires qui sont ou ont été pendantes devant une juridiction il s'agit d'assurer une bonne administration de la justice en assurant un bon déroulement des procédures et enquêtes judiciaires. L'information peut également être refusée si elle porte sur une affaire ayant fait l'objet d'une enquête administrative ou disciplinaire. Dans tous les cas précédemment cités l'information ne pourrait jamais être fournie une fois le jugement ou les résultats de l'enquête établis. Il en résulte que l'information ne serait donc jamais communicable auprès du public. Telle n'a pas pu être l'intention du législateur communautaire d'étendre si largement les possibilités de refuser la communication d'une information. En effet rares sont les pollueurs qui n'aient pas été confronté à une simple enquête ou une procédure judiciaire. Il parait plus raisonnable d'interpréter ces dispositions comme visant à empêcher la divulgation d'informations pour des affaires en cours de jugement, à garantir le droit de toute personne à un procès équitable ou bien encore à protéger l'information détenue dans une enquête préliminaire et qui pourrait aboutir à des poursuites pénales ZZZ . Mais cela n'enlève rien à la trop grande souplesse de cette exception. Il apparaît même que si une autorité annonce son intention d'engager des poursuites au sujet d'un problème d'environnement donné, l'exemption est applicable ZZZ .

Il ressort également de cette disposition que le caractère formel de l'enquête doit être équivalent à celui d'une procédure judiciaire. Au même titre qu'un jugement l'enquête doit résoudre un conflit entre des intérêts divergents et se terminer par une décision formelle. L'enquête administrative ou disciplinaire qui n'aboutirait pas à une décision formalisée (au même titre qu'une procédure judiciaire) ne serait donc pas concernée par cette disposition. Ainsi l'information en matière d'environnement serait communicable au public sur leur demande. Cette interprétation défendue par certains auteurs, nous semble excessive. En effet seule une interprétation téléologique de la directive pourrait nous confirmer l'exactitude de cette interprétation. Dans sa proposition de directive la Commission n'avait envisagé que les procédures engagées devant les juridictions. La version finale de la directive est donc allée beaucoup plus loin en y incluant les enquêtes administratives ou disciplinaires.

Enfin la dernière phrase de l'alinéa 3 dispose que la demande d'information pourra être refusée si elle concerne une affaire faisant l'objet d'une instruction préliminaire. Il convient d'observer la différence majeure de cette disposition avec les précédentes. Ici seules les informations contenues dans une instruction préliminaire en cours ne pourront pas être obtenues. A contrario les informations classées dans une instruction préliminaire terminée pourront être communiquées. Ainsi cela permet de diminuer le risque de remise en cause du principe de transparence que nous dénoncions ci-dessus. En effet il sera donc possible d'avoir accès aux informations utilisées lors d'une instruction préliminaire à une procédure judiciaire; à condition bien sûr que ceci n'entrave pas les procédures en cours ni leur bon déroulement. Dans ces conditions une étude sur l'impact d'un projet sur l'environnement pourrait être communiquée alors même que ce projet ferait l'objet d'une procédure judiciaire. Sans entrave au bon déroulement de la justice une information concernant les parties du dossier liées à l'environnement semble donc possible.

3) le secret commercial et industriel, y compris la propriété intellectuelle


Il s'agit à nouveau d'une disposition très vaste qui risque de produire un effet contraire à la protection de la confidentialité des activités commerciales et industrielles visées par la directive.

Une fois de plus nous devons tout d'abord préciser le sens de la disposition, c'est à dire définir la notion de secret commercial et industriel. En l'absence d'une telle définition dans la directive l'exception de secret commercial et industriel risque de s'étendre à toute sorte d'informations commerciales ne présentant pas le caractère de sensibilité suffisant pour justifier la confidentialité et ainsi éviter toute divulgation aux concurrents. Par exemple il est évident que le public a un droit d'accès à l'information sur toute émission dans l'atmosphère ou décharge de déchets affectant l'environnement. Pourtant cette exception a été invoquée pour refuser l'accès à une information de ce genre.

Même si la notion de secret industriel et commercial est abordée dans plusieurs directives communautaires, aucune d'entre elles n'en donne de définition. A la lecture de ces textes on peut définir le secret industriel et commercial comme celui qu'une entreprise souhaite légitimement garder confidentiel, en vue notamment de protéger sa situation concurrentielle, son savoir technologique, ses méthodes de production, etc.Il est intéressant de noter qu'aux Etats-Unis le Freedom of Information Act de 1966 est surtout utilisé par des firmes privées désireuses d'obtenir des renseignements financiers et commerciaux sur les entreprises concurrentes. La nécessaire confidentialité de certaines informations détenues par les entreprises expliquent certainement pourquoi le législateur communautaire n'a pas apporté de précisions quant aux contours du secret industriel et commercial. Le secret commercial et industriel nécessite une protection indispensable mais l'exception prévue par la directive devrait être limitée aux informations qui en cas de divulgation affaibliraient de manière significative l'entreprise en bénéficiant à ses concurrents. Si le secret commercial est compris comme protégeant la moindre information affectant l'entreprise, alors cela reviendrait à refuser l'accès à de trop nombreuses informations en matière d'environnement. En outre l'entreprise concernée devrait de préférence préalablement indiquer que l'information concernée sera couverte par le secret commercial ou industriel lors de sa communication aux autorités publiques. Une telle pratique éviterait ainsi postérieurement toute interrogation quant à l'accessibilité de l'information par le public.

Lors du processus d'élaboration de la directive le Parlement européen ZZZ avait suggérer d'ajouter un article précisant que "les données concernant l'émission de substances dans l'environnement, même lorsqu'elles proviennent de sources particulières, ne peuvent en aucun cas être couvertes par le secret". Malheureusement le Conseil et la Commission n'ont pas retenu cet amendement. On peut s'interroger sur la nécessité que représente pour une entreprise le fait de couvrir de secret commercial ou industriel l'émission de substances dans l'environnement. En effet ces émissions quittent les entreprises de façon définitive sans qu'il soit possible de les récupérer. L'intérêt de l'entreprise de garder la mise en circulation confidentielle ne semble donc pas devoir être couvert par le secret commercial et industriel. Mais l'argument des entreprises amène à finalement garder le secret commercial ou industriel dans les cas d'émission de substance dans l'environnement. En effet la publication de la composition exacte des émissions permet de tirer des conclusions quant aux procédés secrets de fabrication et risque de ce fait d'affaiblir une entreprise par rapport à ses concurrents. A cet argument on peut objecter que le droit des brevets, des licences, de la propriété intellectuelle en général permet aux entreprises de se protéger efficacement contre leurs concurrents actuels ou potentiels. C'est pourquoi nous pensons que cette disposition de la directive permet une trop grande restriction du droit d'obtenir une information sur l'émission de substances par exemple.

Mais l'autre raison pour laquelle les entreprises souhaitent vivement couvrir de secret commercial ou industriel l'émission de substance peut être de vouloir préserver l'image de l'entreprise. En effet l'information du public sur l'émission de substances dans l'environnement par telle entreprise, peut à terme dégrader son image et ainsi affaiblir la position de l'entreprise sur le marché par rapport à ses concurrents. Il est vrai que l'image d'une entreprise qui pollue et qui de plus essaie de garder secret de tels actes peut largement nuire à la réputation de cette dernière.

4) la confidentialité des données et/ou des dossiers personnels


Cette disposition visant à protéger la vie privée et personnelle de l'individu s'applique bien sûr exclusivement aux personnes physiques et représente une justification classique de refus de communication de l'information. Cette exemption concerne pleinement le domaine des droits de l'homme et rejoint sur ce point l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme qui traite du respect de la vie privée. Cette exemption ne présente pas de particularité quant au domaine de l'environnement et aucunes difficultés quant à son application.

5) les données fournies par un tiers sans qu'il y soit juridiquement tenu


Cette exception qui n'apparaissait pas dans la proposition de la Commission vise à encourager la circulation des informations des acteurs de l'environnement vers les autorités publiques. La difficulté réside dans le fait de savoir si le tiers fournissant l'information a agit volontairement ou bien en vertu d'une obligation légale. Il peut également être difficile de différencier dans un même document les informations fournies volontairement des autres.

L'originalité de cette exception est de s'intéresser sur la manière dont l'information a été fournie aux autorités publiques plutôt que le contenu de celle-ci. On peut donc s'interroger sur l'utilité pratique de cette exception étant donné l'immense protection dont bénéficie les exceptions précédentes. De plus la majorité des informations en matière d'environnement remises aux autorités publiques se font volontairement et on pourrait donc en vertu de cette exception en refuser la communication au public. Cela reviendrait une fois de plus à trop restreindre le droit d'accès à l'information.

6) les données dont la divulgation aurait plutôt pour effet
de porter atteinte à l'environnement auquel elles se réfèrent


Cette disposition ne figurait pas dans la proposition de directive de la Commission en 1988 mais fut insérée par le Conseil. La clause vise à protéger l'environnement et concerne par exemple des situations où le lieu de vie de certaines espèces protégées devrait être communiqué mais un refus y serait opposé en vue d'éviter l'afflux de curieux ou de délinquants. L'intérêt en jeu est une meilleure protection de l'environnement. Cela concerne surtout des cas visant à protéger la faune et la flore. Cette disposition devra également être précisée, dans la mesure où elle semble laisser à l'administration la faculté d'apprécier l'usage fait par le demandeur du document sollicité. Moins courante dans les législations nationales que l'utilisation des informations à des fins commerciales, l'exception liée à l'utilisation des informations aux fins de dégradation de l'environnement était dictée par la spécificité de la directive et présente de ce fait une certaine originalité.

Bien que l'information demandée soit visée par l'une des sept exceptions prévues, l'alinéa 2 in fine envisage la possibilité d'une communication partielle de l'information "lorsqu'il est possible d'en retirer les mentions qui ont trait aux intérêts" visés par les différentes exceptions.

7) le refus de communiquer des données ou des documents inachevés ou de communications internes
ou lorsque la demande est manifestement abusive ou formulée d'une manière trop générale


A la différence des exceptions précédentes, celles prévues par l'article 3 alinéa 3 ne sont pas fondées sur des raisons se fonds mais sur des raisons de forme.

Une fois de plus c'est une rédaction très vaste des exceptions qui a été adoptée. Il est donc à nouveau possible d'en donner une interprétation large ou étroite.

Les deux premières exceptions concernent la forme du document à savoir les documents inachevés et les communications internes. En ce qui concerne les documents inachevés la difficulté est de savoir quand celui-ci sera considéré comme achevé. Les autorités publiques pourraient être tentées d'éviter l'accès du public aux documents en les considérant comme inachevés. En France la CADA défini le document inachevé comme les "ébauches, esquisses, les notes encore informelles, les comptes rendus d'échanges de vues ; ces ébauches ne méritent pas le nom de document car, par définition, leur forme est inachevée". ZZZ Ainsi l'avant-projet d'une loi visant à lutter contre la pollution atmosphérique qui est encore susceptible de modifications n'est pas communicable car inachevé.

La seconde exception traite de la notion de communication interne. Ici la difficulté concerne les documents externes issus de scientifiques ou bien des rapports de consultants qui seront qualifiés d'internes dès leur transmission aux autorités publiques. Faut-il entendre par communication interne les seuls documents émanant des services même de l'autorité publique ? .Il nous semble logique de considérer comme internes tous les documents à disposition de l'administration lui permettant d'agir dans le domaine de l'environnement. Mais cette interprétation pourrait se heurter avec l'exception précédemment étudiée concernant les documents fournis par un tiers sans qu'il y soit juridiquement tenu. Mais la pratique des Etats membres va dans le sens d'une interprétation extensive de la notion de communication interne.

Les deux dernières exceptions de l'alinéa 3 visent à sanctionner le comportement du demandeur à savoir une demande manifestement abusive ou formulée d'une manière trop générale. La notion de demande abusive peut être interprétée plus ou moins strictement et représente de ce fait un instrument supplémentaire à disposition de l'administration pour refuser la communication d'une information. Le but est d'éviter de répondre à une demande trop pesante et détournée de son but initial.

Enfin une demande formulée d'une manière trop générale peut être refusée. Ce sont les demandes qui ne permettent pas à l'autorité publique sollicitée de diriger précisément ses recherches vers l'information pouvant répondre à la requête.

A travers les nombreuses exceptions prévues par la directive il est manifeste que les autorités publiques bénéficient d'une position dominante quant au succès ou pas des suites données à la demande d'information. Nous proposons une baisse du nombre des exceptions qui trop nombreuses risquent de remettre en cause l'objectif même de la directive. Enfin ces exceptions nécessitent plus de précisions quant à leur contenu. Cela permettrait certainement une meilleure application de la directive par les Etats membres et un renforcement de la liberté d'accès à l'information du public.

Afin d'éviter les risques que nous venons de dénoncer l'article 4 prévoit qu'une "personne estimant que sa demande d'information a été abusivement rejetée ou négligée, ou qu'elle n'a pas reçu une réponse satisfaisante de la part de l'autorité publique, peut introduire un recours judiciaire ou administratif à l'encontre de la décision, conformément à l'ordre juridique national en la matière". En France le demandeur à qui l'administration oppose un refus doit saisir la CADA dont l'avis est un préalable indispensable à la saisine du juge administratif. Mais en cas de refus injustifié le juge administratif ne peut pas en aucun cas donner l'injonction à un service de communiquer un document à un administré. Ce n'est qu'en théorie qu'une astreinte peut être prononcée envers l'autorité publique pour un refus de communiquer l'information environnementale. En effet le Conseil d'Etat n'a jamais prononcé d'astreinte contre un service pour de tels motifs.

Mais l'existence de la CADA en France n'est pas une institution généralisée dans l'ensemble de l'Union européenne. Cela nous permet de souligner que la volonté d'offrir un recours aux demandeurs déboutés peut être atténuée par les frais élevés que nécessite une procédure judiciaire. En effet le coût élevé qu'implique une telle procédure risque de dissuader les justiciables de saisir la justice. De ce fait les dispositions de la directive n'arrivent pas à assurer un renforcement important de la position du public face à refus de communication. Le facteur temps affaiblit également la disposition de la directive. En effet la longueur des procédures dans l'ensemble de l'Union européenne est déterminant pour l'introduction d'une action en justice. Il est peu probable que le demandeur pourra attendre plusieurs années pour obtenir une simple information. La communication de l'information plusieurs années après une demande peut ne plus présenter aucun intérêt. Ce problème met en cause la longueur des procédures judiciaires au sein de l'Union européenne et n'est pas dû à une mauvaise rédaction de la directive. Pour une garantie effective du recours celui-ci devrait être abordable, rapide, transparent et indépendant pour finalement déboucher sur une décision liant l'autorité publique. Il appartient aux Etats membres de développer des commissions administratives pour le traitement particulier des litiges relatifs au refus de communication de l'information et qui répondent à ces critères L'exemple et l'expérience de la France et plus récemment du Portugal en ce domaine montre les avantages d'un tel système quant au coût et à la rapidité de la procédure.

C- L'avenir et l'influence internationale de la directive


Actuellement une proposition de modification de la directive n'est pas encore définitivement établie. Tout d'abord sur la base des rapports d'application par les Etats membres, la Commission à l'obligation de fournir un rapport au Parlement européen et au Conseil concernant toute proposition de révision de la directive. Selon l'article 8 de la directive les rapports d'application des Etats membres devaient être communiqués au plus tard le 31 décembre 1996. Du fait de nombreux retard dans la communication des rapports, la Commission n'avait toujours pas établit de rapport au mois de juillet 1998. On peut facilement prétendre que la Commission européenne attendait la ratification de la Convention internationale des Nations Unies sur l'accès à l'information, la participation du public et l'accès à la justice dans le domaine de l'environnement. Cette convention a été signée les 23 et 25 juin 1998 au Danemark lors de la quatrième conférence intergouvernementale de la Commission économique pour l'Europe des Nations Unies. Il parait donc raisonnable que la Commission soit désormais en mesure de proposer une modification de la directive pour 1999.

L'influence de la directive du 7 juin 1990 s'est poursuivie au-delà des frontières de l'Union européenne et donc à un niveau supérieur que celui des seuls Etats membres. En prévision de leur adhésion future de nombreux pays de l'Europe de l'Est mettent en place des législations concernant la liberté du public d'accéder aux informations en matière d'environnement. Pour les Etats membres la directive a eut pour effet d'opérer un véritable changement allant d'une politique du secret à celle d'une plus grande transparence de l'action des autorités publiques. La directive a donc amorcé en Europe un mouvement de changement d'attitude dans les relations entre administrés et administration. Les mécanismes nécessaires à ce changement sont désormais en place et permettent d'observer les bienfaits d'une telle évolution des mentalités.

La directive a également influencé les travaux des quatre conférences intergouvernementales pour l'environnement de la Commission économique des nations unies. Les trois premières conférences ont aboutit à l'adoption de "directives" (guidelines). Ces "guidelines" qui ne lient pas les participants concernent notamment la liberté d'accès àl'information en matière d'environnement. L'étude de ces guidelines nous permettra de mesurer l'évolution de cette liberté et la façon dont celle-ci est désormais appréhendée plus de huit ans après l'adoption de la directive européenne du 7 juin 1990. La dernière conférence en date est celle de juin 1998 qui s'est déroulé au Danemark et qui s'est achevée par l'adoption d'une Convention internationale des Nations Unies sur l'accès à l'information et la participation du public en matière d'environnement. Nous analyserons donc cette Convention qui va s'avérer être sans aucun doute une source d'inspiration importante en vue de l'élaboration d'un projet de modification de la directive.

III : L'EXTENSION INTERNATIONALE DU DROIT A L'INFORMATION EN MATIERE D'ENVIRONNEMENT

A- Les principes de Sofia adoptés en 1995


Récemment le droit à l'information en matière d'environnement a été abordé dans sa totalité dans le cadre de la Commission économique des Nations unies pour l'Europe (CEE.NU). Depuis 1979 cet organe subsidiaire du Conseil économique et social des Nations unies tient périodiquement des conférences paneuropéennes des ministres de l'environnement dans le cadre du processus "un environnement pour l'Europe". Ces conférences aboutissent à l'adoption de lignes directives (que nous dénommerons ci-après guidelines afin d'éviter toute confusion avec les directives européennes)). Lors de l'avant dernière conférence réunie à Sofia en 1995, les guidelines adoptées allaient sur de nombreux points au-delà des provisions de la directive européenne du 7 juin 1990. (A) La dernière conférence en date, réunie à Aarhus au Danemark entre les 23 et 25 juin 1998, a adopté une convention internationale sur le droit à l'information et la participation du public en matière d'environnement (B). Cette convention a permis pour la première fois aux Organisations Non Gouvernementales (ONG) de jouer un rôle très important dans la prise de décision finale. On peut toutefois regretter que sur de nombreux points la convention soit en retrait par rapport aux directives adoptées à Sofia en 1995. Le caractère non obligatoire de ces dernières explique sans aucun doute ce recul.

1) Le contenu des "guidelines" de Sofia


Le contexte paneuropéen du droit à l'information en matière d'environnement permet d'établir des règles marquant une progression indéniable par rapport à la directive européenne du 7 juin 1990. Nous aborderons donc l'ensemble des dispositions qui marquent une réelle évolution dans ce domaine. Ces progrès se traduisent par de plus amples détails donnés dans les dispositions qui permettent d'éclairer certains points obscurs de la directive. Mais nous verrons que le caractère non obligatoire pour les Etats de ces "guidelines" fut le facteur déterminant de ces améliorations.

Les principes sont présentés en quatre parties traitant de l'accès à l'information sur l'environnement, la participation du public, les procédures judiciaires et administratives et enfin les questions d'application des "guidelines" par les signataires. Préalablement la conférence rappelle les différentes considérations l'amenant à l'adoption de ces principes. Après l'étude des dispositions se rapprochant de celles de la directive de juin 1990 nous verrons que les critiques faites à l'encontre de certains points de la directive persistent à l'encontre des principes de Sofia adoptés en 1995.

a) Les similitudes avec la directive 90/313


Les principes couvrent la plupart des questions de l'accès à une information passive sur l'environnement. c'est à dire l'obligation des autorités publiques de répondre à toute demande d'information faite par le public. Cette partie des principes adoptés possède de nombreuses similitudes avec ceux adoptés dans la directive européenne du 7 juin 1990 sur la liberté d'accès à l'information en matière d'environnement. Parmi ces points communs nous pouvons citer les suivants :

- le principe d'un accès général à l'information en matière d'environnement pour toute personne à moins que la demande ne tombe dans la catégorie des exceptions. Cette disposition de l'article 3.1 de la directive est reprise avec plus de détails dans l'article 2 des guidelines de Sofia. Ce dernier précise que "toute personne physique ou morale devrait pouvoir accéder librement à l'information sur l'environnement à sa demande, conformément aux dispositions des présentes guidelines, sans considération de citoyenneté, de nationalité ou de domicile et sans avoir à justifier d'un intérêt juridique ou autre". L'interprétation de l'article 3.1 de la directive européenne nous avait amenés à la même conclusion. Mais ce principe de Sofia a le mérite d'éviter toute discussion sur ce point de la part d'Etats qui étaient hésitants à communiquer des informations à des non nationaux. Il faut espérer que ce point sera repris lors d'une future modification de la directive.

- l'adoption d'une définition large de l'information en matière d'environnement et des autorités chargées de la fournir. Ici on observe une complète similitude entre l'article 2 a de la directive et l'article 1 des "guidelines" issus de la conférence de Sofia. Cela recouvre "toute information relative à l'état de l'eau, de l'air, du sol, de la faune, de la flore, des terres et des sites naturels, aux activités ou mesures qui produisent ou risquent de produire des effets préjudiciables sur ces éléments, ainsi qu'aux activités ou mesures destinées à les protéger, y compris les mesures administratives et les programmes de gestion de l'environnement". En outre, l'accès à l'information sur l'environnement concerne l'information sous ses différentes formes, à savoir écrite, visuelle, sonore ou contenue dans des banques de données.

- Comme dans la directive 90/313 les "guidelines" de Sofia imposent non seulement aux autorités publiques aux niveaux national, régional et local de mettre les informations sur l'environnement à la disposition du public mais aussi aux organismes ayant des responsabilités publiques en matière d'environnement (Art 2 b de la directive et article 3 des guidelines). Toutefois il convient de souligner que la définition de la catégorie des organismes est quelque peu différente dans la directive 90/313. En effet, celle-ci précise deux conditions, à savoir qu'ils doivent non seulement avoir des responsabilités publiques en matière d'environnement mais aussi être contrôlés par des autorités publiques (Art 6) ; l'article "des "guidelines" se contentant d'exiger l'exercice de responsabilités publiques dans le domaine de l'environnement.

- l'exigence que dans chaque cas de refus de communication de l'information, l'intérêt public d'une divulgation soit pris en compte

- l'exigence d'un coût raisonnable pour toute demande de reproduction de l'information et du droit de consulter gratuitement l'information. Sur ce point l'article 8 de la conférence va un peu plus loin que l'article 5 de la directive en précisant que les informations pouvaient être gratuitement consultées sur place. Les deux prévoyant le montant raisonnable d'une éventuelle redevance pour la communication de l'information.

- l'exigence qu'en cas de disponibilité de l'information sous diverses formes, celle-ci soit fournie dans la forme spécifiée par le demandeur

- les hypothèses de refus à une demande d'accès à l'information prévues dans les "guidelines" de Sofia correspondent dans l'ensemble aux même exceptions envisagées par la directive 90/313. Les seules différences à relever concernent les cas de refus pour des raisons formelles. La directive prévoit quatre cas pour lesquels une demande d'information peut être rejetée : quand il s'agit de documents inachevés, de communications internes, lorsque la demande d'information est manifestement abusive ou est formulée d'une manière trop générale (Art3.3). L'article 6 des "guidelines" de Sofia n'envisage que le cas d'une demande d'information qui implique la communication de documents inachevés.

En plus, un progrès est notable puiqui'il est précisé que les motifs de refus doivent être interprétés de manière restrictive et en évaluant, dans chaque cas, si l'intérêt général est mieux servi par la divulgation de l'information ou par sa non-divulgation. Une balance des intérêts en jeu doit donc être effectuée dans chaque cas ZZZ . Cette disposition de l'article 6 est très importante. En cas de refus de communication de l'information le demandeur pourra à travers l'exercice de son recours prendre connaissance des intérêts en jeu ayant justifié la décision. Cette disposition va bien au-delà de l'exigence de motivation en cas de refus exigée par l'article 3.4 de la directive de 1990. L'autorité publique devra préciser les intérêts de la divulgation de l'information ou de sa non-divulgation.

Parmi les motifs possibles de refus figurent le secret des délibérations des pouvoirs publics, les informations concernant les relations internationales et la défense nationale, la sécurité publique etc.

En ce qui concerne l'exception justifiant un refus lorsque l'information a trait à des données par un tiers sans qu'il y soit juridiquement tenu (article 3.2 de la directive) l'article 6.f des principes précise que le tiers devra avoir expressément consenti à la divulgation de l'information. Cela représente une véritable amélioration vis à vis de la directive puisque l'autorité publique aura une marge plus restreinte pour l'appréciation de la communication de l'information. On peut tout de même regretter que cette disposition figure encore dans les "guidelines" de Sofia. Ayant dénoncé l'inutilité de cette disposition précédemment, il aurait été préférable de ne pas reprendre cette exception même si la situation s'est légèrement améliorée de par sa nouvelle formulation.

Les "guidelines" de Sofia abordent également l'information active des données sur l'environnement dans ses articles 10 à 12. Les Etats sont invités à publier régulièrement des informations sur l'état de l'environnement, notamment sous forme de rapports. L'article 11 précise que les Etats doivent faire connaître les principaux documents nationaux et internationaux existant dans le domaine de l'environnement, tels que les stratégies, les programmes et les plans d'action ainsi que les rapports d'activité concernant leur application.

Des principes très intéressants concernent les textes et activités internationaux. En effet les Etats devraient rendre publics dans leur langue nationale les documents nationaux et internationaux les plus importants concernant l'environnement, tels que les traités auxquels ils sont parties contractantes, des résolutions et des recommandations de conférences internationales. Il en est ainsi, en particulier, lorsque ces textes instituent des procédures assurant l'information ou la participation du public. Les Etats devraient mettre aussi au courant leur population de la possibilité d'adresser des communications à des organes internationaux concernant des cas où une disposition internationale relative à l'environnement n'est pas appliquée comme elle devrait l'être. Effectivement, il existe un nombre croissant de traités internationaux qui instituent, en droit ou en fait, des procédures permettant de recevoir des communications émanant d'individus ou d'associations et de les soumettre à un organe institué par eux pour la discussion, avec la possibilité, dans certains cas, d'adresser des recommandations à l'Etat concerné. De tels recours doivent être largement connus afin d'améliorer de façon importante l'information des individus en matière d'environnement.

Dans le cas où les mécanismes volontaires seraient inadéquats, les guidelines de Sofia prévoient l'obligation pour les Etats d'établir des systèmes obligatoires pour assurer auprès des autorités publiques un flux d'information sur les activités qui affectent de manière significative l'environnement. De plus les entités, dont les activités ont un impact négatif sur l'environnement devraient être encouragées à établir régulièrement des rapports au public sur l'impact de leurs activités sur l'environnement (article 14). Enfin les mécanismes volontaires assurant l'information du public, comme les écobilans ou les éco-étiquetage, devraient être encouragés en faveur des produits les plus respectueux de l'environnement (article 15). Les "guidelines" de Sofia vont sur ce sujet bien au-delà de la directive de 1990 qui n'aborde l'information active que dans un seul article. En effet l'article 7 ne prévoit que "les mesures nécessaires pour fournir au public des informations générales sur l'état de l'environnement au moyen, par exemple, de la publication périodique de rapports descriptifs". L'information active est donc beaucoup plus présente dans les "guidelines" de Sofia. Cela représente une évolution quant à la manière d'aborder le droit à l'information en matière d'environnement. Cinq ans séparent la directive des "guidelines" de Sofia qui officialisent cette évolution. Il est intéressant de constater la part de plus en plus importante de l'information active sur l'environnement dont peut bénéficier le public depuis quelques années. Cette information active vise à mieux sensibiliser l'opinion publique et tend à une meilleure protection de l'environnement.

L'exception générale concernant les informations détenues pars les autorités législatives est également reprise dans les "guidelines" de Sofia.

Certains de ces points sont parfois sensiblement en progrès par rapport à ceux édictés dans la directive de 1990. Mis à part le caractère non obligatoire de ces principes cela forme un premier indice quant aux orientations à suivre en vue de la future proposition de modification de la directive en 1999. Malheureusement de nombreuses autres dispositions des "guidelines" de Sofia ont fait l'objet de critiques ZZZ du fait qu'ils reprennent certaines lacunes de la directive de 1990 et n'offrent donc aucune évolution notable sur certains points.

b) Les lacunes des "guidelines" de Sofia


Les différentes exceptions pouvant justifier un refus de communication d'une information bénéficient de la même façon d'une définition trop large. L'exemple le plus pertinent est l'exception concernant les affaires qui sont ou ont été pendantes devant une juridiction ou qui font ou qui ont fait l'objet d'une enquête (y compris d'une enquête disciplinaire) ou qui font l'objet d'une instruction préliminaire. Cette exception prévue à l'article 3.2 de la directive européenne est reprise mot pour mot par l'article 6.c des "guidelines" de Sofia. Aucun progrès n'a été effectué pour remédier au risque d'un affaiblissement trop important de l'accès à l'information en matière d'environnement.

Les "guidelines" de Sofia ne font toujours pas de référence à la santé publique dans la définition des informations en matière d'environnement. La critique faite à l'égard de la directive européenne ZZZ sur ce point vaut également en ce qui concerne les "guidelines" de Sofia.

Le délai de réponse à la demande est à peine plus court dans les "guidelines" de Sofia (6 semaines) que dans la directive européenne (2 mois). De plus il n'est toujours pas précisé si c'est l'information qui doit être fournie dans ce délai oubien la réponse positive ou négative à la demande d'information.

De nombreuses critiques dénoncent l'échec dans le besoin de s'assurer que les autorités publiques seraient en possession d'informations environnementales adéquates. En effet le droit du public d'accéder à ces informations semble bien diminué si l'information n'est pas détenue par l'autorité appropriée. Il avait été demandé de ce fait lors des travaux préparatoires que les Etats puissent s'engager à établir des systèmes de délégations afin d'assurer une circulation aisée des informations sur l'environnement vers les autorités publiques concernées. Cette suggestion fut reprise dans l'article 4 de la conférence en précisant que cela s'applique lorsque les systèmes basés sur la communication volontaire des informations ne fonctionnent pas.

Les principes édictés lors de la conférence de Sofia en 1995 révèlent à la fois des progrès non négligeables mais font malheureusement preuve de certaines faiblesses. En comparaison avec d'autres législations (nationales ou internationales) existantes dans le domaine de l'accès du public à l'information en matière d'environnement, on peut toutefois souligner que ces principes offrent une protection importante et supérieure à celle en vigueur dans certains pays partis de la Commission économique des Nations unies pour l'Europe. Cela concerne surtout les pays de l'Europe de l'Est. De plus les organisations non gouvernementales ont reproché aux principes adoptés d'avoir manqué l'occasion d'établir de nouvelles règles d'importance démocratique dans le domaine de l'environnement. Néanmoins une stricte application de ces principes permettrait une évolution considérable du droit à l'information du public dans des pays où ces droits sont actuellement très limités.

2) L'application des principes édictés


La question de l'application de ces principes est primordiale, du fait du caractère non obligatoire de ces principes. Des sanctions légales pour non suivi des principes ne sont donc pas applicables. Mais l'originalité des principes édictés à Sofia est qu'ils prévoient l'élaboration de rapports sur leur application et d'éventuelles modifications au vu de ces rapports.

La question de leur application est prévue par la quatrième partie intitulée "application des principes". L'article 27 précisent que les Etats sont encouragés à adopter les stratégies nécessaires pour l'application des principes, résultant d'une large procédure consultative. Mais l'article 31 est le plus surprenant. Il invite les Etats à surveiller systématiquement la mise en oeuvre des principes et de faire un rapport sur l'application du texte à la Commission économique des Nations unies pour l'Europe dans un délai maximum de deux ans. Or, les principes de Sofia ne sont qu'un texte non obligatoire. Les assortir d'une procédure de contrôle sur leur mise en oeuvre est peu compatible avec leur nature juridique. Même si cette disposition va à l'encontre des principes de droit international cela ne peut être que source de progrès pour le droit de l'environnement.

Pour l'application effective des principes l'article 28 invite les Etats à établir des structures institutionnelles comme par exemple la désignation de personnes chargées de l'information du public, ou bien encore d'un ombudsman bénéficiant de responsabilités en matière d'environnement. Par la présence de personnes spécialement chargées de l'information, on espère ainsi un traitement plus rapide l'information. Quant à l'existence d'un médiateur chargé de cette question cela vise à éviter des procédures judiciaires trop longues et coûteuses.

La décision la plus importante de la conférence de Sofia fut de décider que les principes énoncés devraient faire l'objet d'une convention internationale. Les ONG avaient souligné les limites des principes du fait de leur caractère non obligatoire en indiquant que cela ne devait être que le premier pas vers des mesures obligatoires prenant la forme d'une convention. Un accord garantissant la participation effective des organisations environnementales pour participer à la préparation de cette convention avait été adopté. La convention élaborée concerne l'accès à l'information, la participation du public et l'accès à la justice en matière d'environnement. Après plusieurs sessions de négociations la convention fut adoptée lors de la dernière conférence qui s'est déroulé à Aarhus au Danemark les 23 et 25 juin 1998. Malheureusement nous verrons que la convention reste ambiguë sur de nombreux points que la directive de 1990 et les principes de Sofia de 1995 n'avaient pas parfaitement éclairés.

B- La convention des Nations unies de 1998


La décision prise à Sofia selon laquelle les "guidelines" adoptés devraient faire l'objet d'une convention internationale fut l'une des plus importantes décisions prises lors de cette conférence. La convention signée en juin dernier au Danemark est le premier instrument obligatoire de portée internationale concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement. La Convention vient donc pallier les limites pouvant exister dans l'application des "guidelines" de Sofia puisque ceux ci ne liaient pas juridiquement les parties ayant pris part à leur élaboration. Ces limites étaient dénoncées avec ferveur par les ONG mais également par le Parlement européen et de nombreux partis politiques écologiques européens.

De plus cette convention pourrait constituer un précédant très utile concernant l'accès à l'information en général. La Convention à laquelle a pris part la Commission européenne va permettre à cette dernière de proposer une modification de la directive du 7 juin 1990. Cette convention est source de progrès non seulement en matière d'environnement mais également en ce qui concerne plus largement le caractère démocratique du processus décisionnel des autorités publiques.

La convention prévoit autant l'accès aux informations sur lesquelles sont basés les choix des autorités responsables que la participation du public au processus de décision lui-même et, pour assurer ces droits, garantit au public et à ses représentants (y compris les organisations non gouvernementales) les procédures administratives et judiciaires. La convention précise que ces droits sont garantis sans distinction de nationalité, de citoyenneté ou de domicile. Il est important se souligner que cette convention est également ouverte à ratification pour les pays non-membres de la commission économique pour l'Europe des Nations unies. Cela montre l'extrême importance accordée aux droits définis qui visent à opérer un changement amorcé depuis quelques années vers plus de démocratie en général.

1) Quelques principes généraux de la Convention


L'article 3 de la convention indique un ensemble de principes s'appliquant aussi bien pour l'information que la participation du public en matière d'environnement.

Tout d'abord les autorités publiques concernées par l'obligation de répondre à toute demande d'information sont investies d'une mission supplémentaire consistant à préalablement informer et guider les personnes dans leur recherche d'information. Cette disposition invite donc les autorités publiques à établir une véritable politique de communication sur les possibilités d'information du public. L'information active en matière d'environnement possède donc désormais une étape préalable supplémentaire ZZZ . Les autorités publiques ont par ailleurs l'obligation de collecter et de diffuser l'information le plus largement possible y compris via le réseau Internet, par exemple ZZZ . La convention impose également l'élaboration et la publication de registres et inventaires des émissions et transferts de matières polluantes, à l'instar de ce qui se fait déjà au sein de l'union européenne dans un pays comme la Suède par exemple.

Les principes instaurés par la convention doivent être interprétés comme établissant des droits minimums et ne doivent pas s'opposer à l'établissement de règles plus favorables par les parties à la convention ZZZ .

L'accès du public à la justice en cas de refus de communication de l'information est prévu par l'article 9 de la convention. Mais la convention présente l'avantage de détailler les possibilités d'action du public. Alors que la directive européenne de 1990 et les "guidelines" de 1995 ne parlent que d'action judiciaire ou administrative, la convention de 1998 envisage expressément la possibilité d'agir devant une cour de justice ou tout autre corps indépendant et impartial prévu par la loi. L'article 9 prévoit également que toute personne pourra bénéficier d'une procédure de type "référé", peu coûteuse et offrant donc une grande rapidité. Enfin les décisions judiciaires ou administratives ainsi prises doivent lier les autorités chargées de fournir l'information. Afin que ces dispositions bénéficient d'une application efficace il est également prévu que le public sera informé des différents recours s'offrant à lui en cas de refus de communication de l'information environnementale.

2) L'information en matière d'environnement


La définition de l'information sur l'environnement donnée par l'article 2.3 de la convention est très large. En effet la convention couvre tous les domaines environnementaux tels que l'eau, l'air, le sol, les produits chimiques, la santé humaine, la planification de l'exploitation des sols, les conditions de vie etc. De plus la convention prend également en considération les analyses économiques et les évaluations utilisées dans le cadre du processus de décision pour les dossiers environnementaux. La convention est très détaillée et définit des exigences spécifiques en matière d'ouverture et de transparence. Son texte considère l'environnement au sens large, couvrant ainsi aussi bien la diversité biologique y compris les organismes génétiquement modifiés, que l'état de la santé humaine et les conditions de sécurité pour les conditions de vie, ou que l'état de l'environnement proprement dit (air, eau, terre).

Il faut souligner que pour la première fois la santé humaine est considérée comme appartenant au domaine de l'environnement. Ce point qui avait fait l'objet de nombreuses critiques car absent dans la directive 90/313 et des guidelines de Sofia trouve enfin une reconnaissance internationale. L'insertion de la santé humaine dans le domaine de l'environnement est le fruit de la participation active des organisations non gouvernementales à l'élaboration de la convention. ZZZ En effet les ONG ont participé comme de véritables Etats pour cette convention. C'est pourquoi celle-ci va beaucoup plus loin que la directive 90/313 ou que les guidelines de Sofia de 1995 sur de nombreux points. C'est l'une des premières convention internationale à laquelle les ONG ont bénéficié d'un tel poids dans la prise de décision. On ne peut que se réjouir de cette évolution et remarquer qu'une attitude inverse aurait été peu compatible avec le sujet même traité par la convention.

3) Les modalités d'accès à l'information


L'article 4.1 de la Convention reprend le principe selon lequel l'information doit être donnée dans la forme souhaitée par le demandeur à moins que la délivrance sous une autre forme soit plus appropriée pour l'autorité sollicitée ou que l'information soit déjà mise à disposition du public sous une autre forme.

L'information demandée doit être disponible auprès du demandeur au plus tard un mois après la demande. Cette disposition est en progrès par rapport aux "guidelines" de Sofia qui prévoyaient un délai de 6 semaines. L'adoption d'un tel délai montre la nécessaire actualisation de la directive qui prévoit un délai de deux mois. Les moyens de communications liés au multimédia rendent la disposition de la directive bien obsolète. En effet l'apparition de réseau d'information informatique comme Internet par exemple rendent la recherche et donc la délivrance de l'information très rapide voire instantanée.

La Convention reprend les motifs classiques de refus de communication de l'information. Sur ce point il est regrettable que la convention n'ait pas réussi à en diminuer le nombre afin d'accroître la portée du droit à l'information en matière d'environnement. Au contraire il semble que la convention reprenne l'ensemble des motifs de refus sans en éliminer certains que nous avions dénoncés auparavant. Sur ces différents motifs de refus, la Convention reprend ce qui avait été adopté lors de la conférence de Sofia ; à savoir que ces motifs doivent être interprétés de manière restrictive. Les "guidelines" de Sofia prévoyaient que cette interprétation restrictive devait se faire en "évaluant, dans chaque cas, si l'intérêt général est mieux servi par la divulgation de l'information ou par sa non-divulgation". Cette disposition n'a pas été complètement reprise par la convention. Cette dernière prévoit aussi que les motifs de refus doivent être interprétés de manière restrictive et en évaluant dans chaque cas si l'intérêt général est mieux servi par la divulgation de l'information. Mais la convention n'a pas reprit la fin de la disposition qui prenait également en compte le fait de savoir si l'intérêt général était mieux servi par la non-divulgation de l'information. Cette dernière disposition avait été adoptée lors de la conférence de Sofia sur l'insistance des Organisations Non Gouvernementales. En ne reprenant pas cet élément la convention opère un choix réduisant considérablement le rôle qu'avaient pu jouer les ONG dans l'adoption de cette disposition. Le fait de ne pas mentionner la prise en compte de la non-divulgation évite ainsi à toute autorité publique de chercher à établir les intérêts d'une non-divulgation. Cela revient de ce fait à diminuer les garanties que pouvait avoir le citoyen selon les "guidelines" adoptés à la conférence de Sofia. La non reprise de ce principe donne à la convention un caractère ambigu. En effet alors que certaines dispositions sont en progrès par rapport à la législation existante, d'autres n'offrent aucune évolution et ratent l'occasion de donner une dimension encore plus importante à l'application de la convention par les parties.

4) L'impact de la convention sur la législation européenne


Le texte de la convention à laquelle la Commission européenne a participé sur mandat du Conseil des ministres de l'Union va plus loin sur certains points que la directive communautaire actuellement en vigueur. Sur la base des rapports d'application au niveau national de la directive la Commission procède actuellement à une analyse de ces rapports en vue de la prochaine révision de la directive communautaire. Avec la signature de la convention internationale en juin dernier, la Commission possède désormais tous les éléments nécessaires pour toute proposition de révision de la directive. De ce fait la Commission peut désormais intégrer dans la proposition de révision les éléments nouveaux adoptés dans la convention de juin 1998. Cette proposition devrait normalement voir le jour au courant de l'année 1999. Il est à souhaiter que la Commission prenne en compte les évolutions résultant des principes dégagés lors de la conférence de Sofia et celle d'Aarhus en 1998.

La future directive devra également introduire dans sa définition de l'environnement le domaine de la santé publique. En effet les liens de plus en plus étroits entre certains problèmes d'environnement et la santé rendent nécessaire la prise en compte de cette dernière dans le domaine d'application de la directive. Enfin reconnue comme appartenant au domaine de l'environnement, il est difficilement imaginable que la directive ne reprenne pas cette nouvelle disposition inscrite dans la Convention.

Il nous semble indispensable que la Commission européenne renforce l'obligation d'information active des autorités publiques vis à vis du public. En effet il ressort des dernières évolutions en la matière que l'information active occupe une place de plus en plus importante dans la politique d'information sur l'environnement. Cette évolution est devenue perceptible par les citoyens eux-mêmes qui sont dorénavant informés quotidiennement de l'état de l'environnement comme la qualité de l'air par exemple et qui peut impliquer des mesures allant jusqu'à l'interdiction de circuler. L'information active est semble t-il en voie de devenir l'obligation principale des autorités publiques.


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