RECHERCHE

DROIT ET JUSTICE

Numéro 1 (Octobre 1996)

ISSN : 1280-1496

Editorial

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Editorial

La création d'un Groupement d'Intérêt Public répond à la volonté de rassembler les différents acteurs de la Justice et du Droit pour une action coordonnée dans le domaine de la recherche.

Cette action passe par la définition d'unr programmation scientifique cohérente avec les souhaits des différents membres du groupement. Elle doit aussi se situer au centre des préoccupations juridiques et judiciaires contemporaines. Le GIP "Mission de Recherche Droit et Justice" veut donc être un pont entre ces différents acteurs et le monde de la recherche, Université et organismes de recherche au premier rang desquels il faut compter le CNRS.

Puisse cette lettre d'information Recherche Droit et Justice créer ce lien et participer à la valorisation des travaux scientifiques intéréssant tous les acteurs concernés.

Bonne lecture.

                Doyen Guillaume DRAGO

Un partenariat pour la recherche

Le Goupement d'Intérêt Public "Mission de Recherche Droit et Justice" a été créé pour deux ans en février 1994 et reconduit pour quatre années au terme de cette période initiale.

Il succède, avec des attributions élargies, au Conseil de la Recherche mis en place au ministère de la Justice en 1983.

Cette forme juridique prévue dans la loi d'orientation et de programmation de la recherche de 1982 permet à des par- tenaires de droit public et de droit privé de mettre en commun les divers moyens humains, intellectuels, matériels et financiers nécessaires à la production de travaux scientifiques. C'est à un montage de ce type que le ministère de la Justice et le C.N.R.S. ont eu recours lorsqu'ils ont souhaité, en octobre 1993, réorganiser en l'élargissant le dispositif de program- mation de la recherche sur le droit et la justice.

L'objectif assigné à la Mission est défini dans l'article 2 de ses statuts. Il est de "constituer un potentiel de recherche mobilisable sur l'ensemble des questions intéressant la justice quel que soit le champ disciplinaire concerné". Animée par une équipe composée de personnels mis à disposition par le Ministère de la Justice et le CNRS, la Mission de Recherche exerce ses activités sous le contrôle d'un Conseil d'Administration de quinze membres représentant les organismes associés et avec le concours d'un Conseil Scientifique. Trois grands secteurs d'activité structurent son action : Programmation (définition et mise en oeuvre d'une politique de recherche), Valorisation (diffusion et promotion des résultats de recherche, documentation, information) et Gestion (suivi scientifi- que, financier et administratif des contrats).

Ouverture et pluralité

Dès sa création la Mission de Recherche Droit et Justice a souhaité associer à son action les organismes représentatifs des intérêts intellectuels et professionnels des milieux juridiques et judiciaires. Dans ce but les cinq organismes fondateurs du groupement (Ministère de la Justice, CNRS, ENM, Conseil National des Barreaux et Conseil Supérieur du Notariat) ont donc sollicité la participation au GIP du Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, de l'Association Française pour l'Histoire de la Justice et de l'Institut des Hautes Etudes Judiciaires qui participent par l'intermédiaire des représentants qu'ils ont désignés aux délibérations du Conseil d'Administration du GIP.

Des moyens d'action diversifiés

Les grands axes thématiques à partir desquels la programmation pluriannuelle de la recherche est mise en place sont définis par le Conseil Scientifique au terme d'une consultation à laquelle la Chancellerie est étroitement associée. Ce programme est ensuite arrété par une décision du Conseil d'Administration. En aval les projets de recherche sont adoptés soit par voie d'appel d'offres soit par des procédures de gré à gré avec des équipes ou des chercheurs individuels sélectionnés en raison de leurs compétences scientifiques particulières sur la question étudiée.

Des projets n'entrant pas strictement dans les axes définis, en raison de leur nature ou des thèmes qu'ils concernent, ont toutefois également vocation à être examinés si leur qualité y invite.

--Who's Who--

Francis CAVARROC, 48 ans, magistrat, Directeur des Affaires Civiles et du Sceau au Ministère de la Justice a été désigné le 25 Octobre 1995 pour présider le Conseil d'Administration du GIP.

François TERRÉ, 66 ans, agrégé des facultés de droit, Professeur à l'Université Paris II - Assas, membre de l'Académie des Sciences Morales et Politiques, est Président du Conseil Scientifique du GIP.

Guillaume DRAGO, 35 ans, agrégé des facultés de droit, Professeur à l'Université de Rennes I a été doyen de la Faculté de droit et des sciences politiques de Rennes. Il est Directeur du GIP depuis octobre 1994.

Georges GARIOUD, 47 ans, juriste et sociologue, chercheur au CNRS, est secrétaire scientifique de la commission 36 (Sociologie Normes et Règles) du CNRS. Il est Directeur Adjoint du GIP depuis novembre 1994.

Pierre DARBÉDA, 46 ans, magistrat (M.A.C.J.), ancien chef du bureau de la réglementation et de la méthodologie à la Direction de l'Administration Pénitentiaire a été nommé Directeur Adjoint du GIP en juillet 1996




INFORMATIONS SCIENTIFIQUES

Matériau à exploiter

L'Ecole Nationale de la Magistrature (contact : M. François LEBUR, Maître de Conférences, 9 rue du Maréchal Joffre 33080 BORDEAUX, Tél : 05.56.00.10.10, Fax : 05.56.00.10.99.) dispose d'un corpus de 500 rapports concernant des dossiers de surendettement portant sur les années 1990 à 1995. Ce fonds a été établi par l'A.D.I.L. de Gironde en collaboration avec le Tribunal d'Instance de Bordeaux et l'E.N.M. Une exploitation de ce matériau de recherche peut être envisagée soit sous forme d'une évaluation du travail de mise en forme qui a déjà été effectué, soit sous la forme d'une recherche examinant la teneur des décisions rendues. Les équipes et les chercheurs qui seraient intéressés par un tel projet sont invités à prendre contact avec M. LEBUR.

Le ministère de la justice sur l'Internet

Depuis le 28 avril 1996 le ministère de la justice dispose sur le web de pages d'information auxquelles on accède à l'adresse suivante : http://www.justice.gouv.fr.

Ce service présente une dizaine de rubriques concernant la structure du ministère, l'histoire judiciaire française, le vocabulaire de la justice, les     adresses des juridictions, les " hiffres-clés de la justice " et, pour les amateurs d'architecture, une visite guidée de la Chancellerie, 13 place Vendôme.

Appels d'offres 95

La Mission de Recherche "Droit et Justice" a diffusé deux appels d'offres en 1995. Le premier de ceux-ci portait sur la codification, le second sur le coût de la justice. Parmi les réponses obtenues les comités de sélection des projets en ont respectivement retenu huit et deux..

Le programme "Codification" comprendra les recherches suivantes :

    - le code de la propriété intellectuelle : étude critique et prospective (André Françon)

    - la numérotation dans la codification et ses effets (Philippe Reigne)

    - la modernisation de l'Etat : analyse des processus de codification du droit public     (Jacqueline Domenach)

    - Approche légistique et systémique de la codification (Danièle Bourcier)

    - Codification et recodification du droit pénal en Europe au XIX° siècle (Renée Martinage)

    - la codification : finalités et méthodes (Yves Chaput)

    - Prodromes à la codification de Napoléon : les grandes ordonnances royales du XVI° au XVIII° siècle (Bernard     Beignier)

    - les impasses politiques et techniques des processus de codification dans le champ familial : recherche sur la période 1939-1994 (Michel Chauvière)

Le comité de programmation sur le "Coût de la justice" a, quant à lui, retenu les projets suivants :

    - la prise en compte par le droit du coût économique du procès civil (Pascal Ancel et Christiane Beroujon)

    - le coût de la résistance à l'action en paiement (Andrée Brunet)

Une information plus complète sur ces différents projets dont les dates de publication s'échelonnent entre le printemps 97 et la fin de l'année 1998, sera donnée dans la prochaine parution de Recherche Droit et Justice.

Deux nouveaux appels d'offres.

Deux nouveaux textes d'appels d'offres ont été diffusés par la Mission dans le courant du mois de février 1996. Le premier traitait de l'entrée dans la profession d'avocat et comportait deux volets : la formation au regard de son adaptation à l'évolution des pratiques et l'apprentissage au sein des cabinets.

Le texte diffusé soulignait l'intérêt porté aux travaux s'appuyant sur des données d'observation empiriques et sur l'approche comparative, européenne principalement.

Le second de ces appels d'offres concernait la justice et la jeunesse en difficulté. Ici encore deux problématiques étaient distinguées comme prioritaires : d'une part la fonction du droit et de la norme dans la protection judiciaire de la jeunesse, d'autre part la spécificité des institutions judiciaires de la P.J.J. quant à leur organisation, leurs pratiques et leurs fonctions.

Les projets retenus dans le cadre de ces deux opérations seront présentés de façon plus détaillée dans le prochain numéro de cette lettre.


Toute information relative à la recherche dans le champ du droit et de la justice pourra être publiée dans le cadre de cette rubrique. S'adresser à Pierre GRELLEY Mission de Recherche Droit et Justice, 153 rue de Rome 75017 PARIS

( Tél : 01.44.01.89.03 ; Fax : 01.44.01.89.40).


BONNES FEUILLES

JUSTICE ET DROIT : LA QUÊTE POLITIQUE DE JOHN RAWLS

Vingt cinq ans après la publication de son premier ouvrage, "A THEORY OF JUSTICE", traduit en français en 1988 sous le titre Théorie de la Justice le professeur américain John RAWLS est devenu une référence quasi-obligatoire pour toute réflexion de philosophie politique concernant le droit. L'une des caractéristiques les plus remarquables de la pensée de Rawls est de se présenter comme une matière en évolution, chaque nouvel écrit se référant aux précédents, ce qui est classique, mais aussi se proposant d'en modifier des éléments substantiels, ce qui l'est moins, en tous cas dans la tradition intellectuelle de l'ancien monde. La lecture de "Libéralisme politique" qui vient d'être traduit en français présuppose donc une familiarité avec les propositions énoncées dans "Théorie de la justice" dont une relecture éventuelle sera, en retour, éclairée par les discussions engagées ou reprises dans cette récente publication.

Le projet de RAWLS s'inscrit dans une démarche philosophique inspirée par une préoccupation de politologue, la recherche des fondements dans les mentalités, du consensus qui permet aux règles de droit d'être acceptées par l'ensemble des membres d'une communauté. On reconnaît là une problématique récurrente dans l'histoire des idées, traitée depuis ARISTOTE et régulièrement réactivée depuis la théorie du contrat social de ROUSSEAU. S'il partage cette préoccupation avec plusieurs de ses contemporains (HART, RICOEUR, HABERMAS ou DWORKIN pour ne citer que les plus connus), RAWLS situe l'originalité de sa réflexion dans un souci de rechercher des universaux fondateurs des droits de l'homme, c'est à dire de principes supérieurs aux valeurs politiques, et de les comprendre à partir d'hypothèses qui excluent tout présupposé quant au caractère naturellement bon ou mauvais de l'homme afin de les installer en position de principes régulateurs de la répartition des libertés et des biens.

"Libéralisme politique" se propose de découvrir "les conditions de possibilité d'une base publique raisonnable de justification pour les questions politiques fondamentales", base qui formerait le "socle d'un régime constitutionnel". Ce projet est d'autant plus ardu qu'aux conditions posées dans "Théorie de la Justice" en 1971 puis dans "Justice et Démocratie" en 1993 (ce dernier ouvrage se présentant comme un recueil raisonné d'articles conçus entre 1978 et 1993), John RAWLS ajoute les contraintes d'une prise en compte du caractère pluraliste de la société, c'est à dire des logiques différentes voire contradictoires qu'entraîne la diversité des positions des citoyens quant au pouvoir, aux valeurs et à la richesse. Afin de dépasser les inconciliables oppositions qui s'attachent aux "doctrines compréhensives" ( pour reprendre une catégorie intellectuelle par laquelle RAWLS désigne les idéologies traditionnelles autour desquelles s'articulent les éléments qui fondent les convictions philosophiques, morales, religieuses et politiques des individus), ce qui est proposé ici n'est pas d'ajouter un nouveau dogme à ceux qui existent déjà, mais d'élaborer une conception de la justice indépendante, une conception "politique" et non pas "métaphysique", sur laquelle les citoyens pourraient s'accorder sans devoir renoncer aux valeurs qui les guident.

Dans sa préface à un ouvrage collectif consacré à la pensée de RAWLS (*), François TERRÉ saluait la fidélité de l'auteur aux méthodes rigoureuses de la philosophie analytique anglo-saxonne et son recours aux outils de la théorie des jeux et de la théorie économique. Le nouveau livre de John RAWLS ne traduit aucun renoncement à l'heureuse démarche suivie jusqu'alors. Elle en illustre au contraire la grande fertilité en permettant la production d'une pensée novatrice et stimulante dont les développements alimentent la réflexion de tous ceux qui, juristes, philosophes ou sociologues, l'approuvant ou la contestant, la reconnaissent de fait comme l'un des pôles majeurs de la recherche dans le champ de la justice.

libéralisme politique. Traduit de l'américain par Catherine Audard. Paris, P.U.F., 1995 ; 464 pp. [258 Frs]

(*) Individu et justice sociale : autour de John Rawls. Paris, Ed. du Seuil (coll. Points), 1988, 317 pages.



Recherches Récentes

FRISON-ROCHE Marie-Anne

Laboratoire de Sociologie juridique (C.N.R.S et Université Panthéon-Assas - Paris II)

Sociologie du patrimoine : la réalité de la règle de l'unicité du patrimoine.

Rapport remis à la Mission de Recherche Droit et Justice (Juillet 1995)

[123 p. + Annexes]

    Le principe de l'unicité du patrimoine selon lequel une personne ne peut avoir qu'un seul patrimoine, a été énoncé par AUBRY et RAU au XIX° siècle. Il constitue un élément fondateur du système juridique français. S'il est largement accepté par les juristes universitaires ce dogme est, en revanche, assez fréquemment contesté par de nombreux praticiens au nom du sens commun et des réalités socio-économiques. La discussion qui s'est ouverte depuis quelques années sur l'opportunité d'introduire dans le droit positif un mécanisme de fiducie, c'est à dire un transfert de propriété d'une masse de biens à un tiers aux fins de gestion ou de garantie à un tiers, illustre parfaitement la tentation du législateur de relativiser une notion dont la pertinence sociologique est discutable.

    Pour mesurer les écarts qui se sont établis en pratique entre les fondements du principe et les situations concrètes auxquelles celui-ci se rapporte, l'auteur a conduit et analysé une trentaine d'entretiens avec des juristes d'affaires et des gestionnaires financiers. Ses conclusions renforcent l'hypothèse du caractère artificiel du principe d'unicité aux yeux des praticiens et mettent en évidence la coexistence de deux notions complémentaires, celle de la fiducie-gestion (fiducie du débiteur) et de la fiducie-garantie (fiducie du créancier).

MOTS-CLES : DROIT CIVIL ; DROIT COMMERCIAL ; PATRIMOINE ; FIDUCIE ; PERSONNALITE JURIDIQUE ; SOCIOLOGIE JURIDIQUE

BOURCIER Danièle ; TAUZIAC Véronique

Informatique, Droit, Linguistique (C.N.R.S. et Université de Paris I)

Du standard technique à la norme juridique. Impacts et enjeux.

Rapport remis à la Mission de Recherche Droit et Justice

(Décembre 1995) [99 p. + Annexes]

    A partir d'une recherche de définition portant sur les notions de standard et de norme appliquées au domaine juridique, les auteurs se sont attachées à "observer le statut réel des normes techniques, leur processus d'élaboration, leurs liens avec l'ordre juridique classique, et à réfléchir aux conséquences des normes techniques sur le système juridique... le jeu des acteurs économiques et le rôle de l'Etat". Loin de demeurer sur un plan purement théorique, c'est à un objet bien réel, EDI-JUSTICE (projet de normalisation des échanges de données judiciaires dans le contentieux civil et commercial afin de permettre un dialogue de système à système) qu'ont été appliquées les hypothèses issues de la première partie de ce travail.

    La méthodologie de cette recherche met l'accent sur l'observation des enjeux de la normalisation par rapport à plusieurs thèmes juridiques et ne se borne pas à l'exposé de "considérations générales et doctrinales" sur la nature et les procédures d'élaboration des normes techniques. Dans un bref chapitre de "conclusions provisoires", les auteurs soulignent l'importance du contexte interactif qui doit nécessairement accompagner la mise en place de tout processus de normalisation. Elles affirment l'importance essentielle de la mise en place des technologies de la communication dans la réingénierie de l'administration en général et de l'administration de la justice en particulier.

    Les annexes de ce rapport de recherche présentent les actes d'un séminaire sur "les enjeux juridiques des normes techniques" qui s'est tenu en avril 1995 à Paris.

    MOTS-CLES : DROIT ; INFORMATIQUE ; COMMUNICATION ; NORME TECHNIQUE ; MANAGEMENT ; ADMINISTRATION ; EDI-JUSTICE


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Lettre N°2