La création d'un Groupement d'Intérêt Public
répond à la volonté de rassembler les différents
acteurs de la Justice et du Droit pour une action coordonnée
dans le domaine de la recherche.
Cette action passe par la définition d'unr programmation
scientifique cohérente avec les souhaits des différents
membres du groupement. Elle doit aussi se situer au centre des
préoccupations juridiques et judiciaires contemporaines.
Le GIP "Mission de Recherche Droit et Justice" veut
donc être un pont entre ces différents acteurs et
le monde de la recherche, Université et organismes de recherche
au premier rang desquels il faut compter le CNRS.
Puisse cette lettre d'information Recherche Droit et Justice créer
ce lien et participer à la valorisation des travaux scientifiques
intéréssant tous les acteurs concernés.
Bonne lecture.
Doyen
Guillaume DRAGO
Un partenariat pour la recherche
Le Goupement d'Intérêt Public "Mission de Recherche
Droit et Justice" a été créé
pour deux ans en février 1994 et reconduit pour quatre
années au terme de cette période initiale.
Il succède, avec des attributions élargies, au Conseil
de la Recherche mis en place au ministère de la Justice
en 1983.
Cette forme juridique prévue dans la loi d'orientation
et de programmation de la recherche de 1982 permet à des
par- tenaires de droit public et de droit privé de mettre
en commun les divers moyens humains, intellectuels, matériels
et financiers nécessaires à la production de travaux
scientifiques. C'est à un montage de ce type que le ministère
de la Justice et le C.N.R.S. ont eu recours lorsqu'ils ont souhaité,
en octobre 1993, réorganiser en l'élargissant le
dispositif de program- mation de la recherche sur le droit et
la justice.
L'objectif assigné à la Mission est défini
dans l'article 2 de ses statuts. Il est de "constituer un
potentiel de recherche mobilisable sur l'ensemble des questions
intéressant la justice quel que soit le champ disciplinaire
concerné". Animée par une équipe composée
de personnels mis à disposition par le Ministère
de la Justice et le CNRS, la Mission de Recherche exerce ses activités
sous le contrôle d'un Conseil d'Administration de quinze
membres représentant les organismes associés et
avec le concours d'un Conseil Scientifique. Trois grands secteurs
d'activité structurent son action : Programmation (définition
et mise en oeuvre d'une politique de recherche), Valorisation
(diffusion et promotion des résultats de recherche, documentation,
information) et Gestion (suivi scientifi- que, financier et administratif
des contrats).
Ouverture et pluralité
Dès sa création la Mission de Recherche Droit et
Justice a souhaité associer à son action les organismes
représentatifs des intérêts intellectuels
et professionnels des milieux juridiques et judiciaires. Dans
ce but les cinq organismes fondateurs du groupement (Ministère
de la Justice, CNRS, ENM, Conseil National des Barreaux et Conseil
Supérieur du Notariat) ont donc sollicité la participation
au GIP du Ministère de l'Enseignement Supérieur
et de la Recherche, de l'Association Française pour l'Histoire
de la Justice et de l'Institut des Hautes Etudes Judiciaires qui
participent par l'intermédiaire des représentants
qu'ils ont désignés aux délibérations
du Conseil d'Administration du GIP.
Des moyens d'action diversifiés
Les grands axes thématiques à partir desquels la
programmation pluriannuelle de la recherche est mise en place
sont définis par le Conseil Scientifique au terme d'une
consultation à laquelle la Chancellerie est étroitement
associée. Ce programme est ensuite arrété
par une décision du Conseil d'Administration. En aval les
projets de recherche sont adoptés soit par voie d'appel
d'offres soit par des procédures de gré à
gré avec des équipes ou des chercheurs individuels
sélectionnés en raison de leurs compétences
scientifiques particulières sur la question étudiée.
Des projets n'entrant pas strictement dans les axes définis,
en raison de leur nature ou des thèmes qu'ils concernent,
ont toutefois également vocation à être examinés
si leur qualité y invite.
Francis CAVARROC, 48 ans, magistrat, Directeur des Affaires Civiles et du Sceau au Ministère de la Justice a été désigné le 25 Octobre 1995 pour présider le Conseil d'Administration du GIP.
François TERRÉ, 66 ans, agrégé des facultés de droit, Professeur à l'Université Paris II - Assas, membre de l'Académie des Sciences Morales et Politiques, est Président du Conseil Scientifique du GIP. Guillaume DRAGO, 35 ans, agrégé des facultés de droit, Professeur à l'Université de Rennes I a été doyen de la Faculté de droit et des sciences politiques de Rennes. Il est Directeur du GIP depuis octobre 1994. Georges GARIOUD, 47 ans, juriste et sociologue, chercheur au CNRS, est secrétaire scientifique de la commission 36 (Sociologie Normes et Règles) du CNRS. Il est Directeur Adjoint du GIP depuis novembre 1994. Pierre DARBÉDA, 46 ans, magistrat (M.A.C.J.), ancien chef du bureau de la réglementation et de la méthodologie à la Direction de l'Administration Pénitentiaire a été nommé Directeur Adjoint du GIP en juillet 1996 |
Matériau à exploiter
L'Ecole Nationale de la Magistrature (contact : M. François
LEBUR, Maître de Conférences, 9 rue du Maréchal
Joffre 33080 BORDEAUX, Tél : 05.56.00.10.10, Fax : 05.56.00.10.99.)
dispose d'un corpus de 500 rapports concernant des dossiers de
surendettement portant sur les années 1990 à 1995.
Ce fonds a été établi par l'A.D.I.L. de Gironde
en collaboration avec le Tribunal d'Instance de Bordeaux et l'E.N.M.
Une exploitation de ce matériau de recherche peut être
envisagée soit sous forme d'une évaluation du travail
de mise en forme qui a déjà été effectué,
soit sous la forme d'une recherche examinant la teneur des décisions
rendues. Les équipes et les chercheurs qui seraient intéressés
par un tel projet sont invités à prendre contact
avec M. LEBUR.
Le ministère de la justice sur l'Internet
Depuis le 28 avril 1996 le ministère de la justice dispose sur le web de pages d'information auxquelles on accède à l'adresse suivante : http://www.justice.gouv.fr.
Ce service présente une dizaine de rubriques concernant
la structure du ministère, l'histoire judiciaire française,
le vocabulaire de la justice, les adresses
des juridictions, les " hiffres-clés de la justice
" et, pour les amateurs d'architecture, une visite guidée
de la Chancellerie, 13 place Vendôme.
Appels d'offres 95
La Mission de Recherche "Droit et Justice" a diffusé
deux appels d'offres en 1995. Le premier de ceux-ci portait sur
la codification, le second sur le coût de la justice. Parmi
les réponses obtenues les comités de sélection
des projets en ont respectivement retenu huit et deux..
Le programme "Codification" comprendra les recherches suivantes :
- le code de la propriété intellectuelle : étude critique et prospective (André Françon)
- la numérotation dans la codification et ses effets (Philippe Reigne)
- la modernisation de l'Etat : analyse des processus de codification du droit public (Jacqueline Domenach)
- Approche légistique et systémique de la codification (Danièle Bourcier)
- Codification et recodification du droit pénal en Europe au XIX° siècle (Renée Martinage)
- la codification : finalités et méthodes (Yves Chaput)
- Prodromes à la codification de Napoléon : les grandes ordonnances royales du XVI° au XVIII° siècle (Bernard Beignier)
- les impasses politiques et techniques
des processus de codification dans le champ familial : recherche
sur la période 1939-1994 (Michel Chauvière)
Le comité de programmation sur le "Coût de la justice" a, quant à lui, retenu les projets suivants :
- la prise en compte par le droit du coût économique du procès civil (Pascal Ancel et Christiane Beroujon)
- le coût de la résistance
à l'action en paiement (Andrée Brunet)
Une information plus complète sur ces différents
projets dont les dates de publication s'échelonnent entre
le printemps 97 et la fin de l'année 1998, sera donnée
dans la prochaine parution de Recherche Droit et Justice.
Deux nouveaux appels d'offres.
Deux nouveaux textes d'appels d'offres ont été diffusés par la Mission dans le courant du mois de février 1996. Le premier traitait de l'entrée dans la profession d'avocat et comportait deux volets : la formation au regard de son adaptation à l'évolution des pratiques et l'apprentissage au sein des cabinets.
Le texte diffusé soulignait l'intérêt porté aux travaux s'appuyant sur des données d'observation empiriques et sur l'approche comparative, européenne principalement.
Le second de ces appels d'offres concernait la justice et la jeunesse en difficulté. Ici encore deux problématiques étaient distinguées comme prioritaires : d'une part la fonction du droit et de la norme dans la protection judiciaire de la jeunesse, d'autre part la spécificité des institutions judiciaires de la P.J.J. quant à leur organisation, leurs pratiques et leurs fonctions.
Les projets retenus dans le cadre de ces deux opérations
seront présentés de façon plus détaillée
dans le prochain numéro de cette lettre.
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JUSTICE ET DROIT : LA QUÊTE POLITIQUE DE JOHN
RAWLS
Vingt cinq ans après la publication de son premier ouvrage,
"A THEORY OF JUSTICE", traduit en français en
1988 sous le titre Théorie de la Justice le professeur
américain John RAWLS est devenu une référence
quasi-obligatoire pour toute réflexion de philosophie politique
concernant le droit. L'une des caractéristiques les plus
remarquables de la pensée de Rawls est de se présenter
comme une matière en évolution, chaque nouvel écrit
se référant aux précédents, ce qui
est classique, mais aussi se proposant d'en modifier des éléments
substantiels, ce qui l'est moins, en tous cas dans la tradition
intellectuelle de l'ancien monde. La lecture de "Libéralisme
politique" qui vient d'être traduit en français
présuppose donc une familiarité avec les propositions
énoncées dans "Théorie de la justice"
dont une relecture éventuelle sera, en retour, éclairée
par les discussions engagées ou reprises dans cette récente
publication.
Le projet de RAWLS s'inscrit dans une démarche philosophique
inspirée par une préoccupation de politologue, la
recherche des fondements dans les mentalités, du consensus
qui permet aux règles de droit d'être acceptées
par l'ensemble des membres d'une communauté. On reconnaît
là une problématique récurrente dans l'histoire
des idées, traitée depuis ARISTOTE et régulièrement
réactivée depuis la théorie du contrat social
de ROUSSEAU. S'il partage cette préoccupation avec plusieurs
de ses contemporains (HART, RICOEUR, HABERMAS ou DWORKIN pour
ne citer que les plus connus), RAWLS situe l'originalité
de sa réflexion dans un souci de rechercher des universaux
fondateurs des droits de l'homme, c'est à dire de principes
supérieurs aux valeurs politiques, et de les comprendre
à partir d'hypothèses qui excluent tout présupposé
quant au caractère naturellement bon ou mauvais de l'homme
afin de les installer en position de principes régulateurs
de la répartition des libertés et des biens.
"Libéralisme politique" se propose de découvrir
"les conditions de possibilité d'une base publique
raisonnable de justification pour les questions politiques fondamentales",
base qui formerait le "socle d'un régime constitutionnel".
Ce projet est d'autant plus ardu qu'aux conditions posées
dans "Théorie de la Justice" en 1971 puis dans
"Justice et Démocratie" en 1993 (ce dernier ouvrage
se présentant comme un recueil raisonné d'articles
conçus entre 1978 et 1993), John RAWLS ajoute les contraintes
d'une prise en compte du caractère pluraliste de la société,
c'est à dire des logiques différentes voire contradictoires
qu'entraîne la diversité des positions des citoyens
quant au pouvoir, aux valeurs et à la richesse. Afin de
dépasser les inconciliables oppositions qui s'attachent
aux "doctrines compréhensives" ( pour reprendre
une catégorie intellectuelle par laquelle RAWLS désigne
les idéologies traditionnelles autour desquelles s'articulent
les éléments qui fondent les convictions philosophiques,
morales, religieuses et politiques des individus), ce qui est
proposé ici n'est pas d'ajouter un nouveau dogme à
ceux qui existent déjà, mais d'élaborer une
conception de la justice indépendante, une conception "politique"
et non pas "métaphysique", sur laquelle les citoyens
pourraient s'accorder sans devoir renoncer aux valeurs qui les
guident.
Dans sa préface à un ouvrage collectif consacré
à la pensée de RAWLS (*), François TERRÉ
saluait la fidélité de l'auteur aux méthodes
rigoureuses de la philosophie analytique anglo-saxonne et son
recours aux outils de la théorie des jeux et de la théorie
économique. Le nouveau livre de John RAWLS ne traduit aucun
renoncement à l'heureuse démarche suivie jusqu'alors.
Elle en illustre au contraire la grande fertilité en permettant
la production d'une pensée novatrice et stimulante dont
les développements alimentent la réflexion de tous
ceux qui, juristes, philosophes ou sociologues, l'approuvant ou
la contestant, la reconnaissent de fait comme l'un des pôles
majeurs de la recherche dans le champ de la justice.
libéralisme politique. Traduit de l'américain par
Catherine Audard. Paris, P.U.F., 1995 ; 464 pp. [258 Frs]
(*) Individu et justice sociale : autour de John Rawls. Paris,
Ed. du Seuil (coll. Points), 1988, 317 pages.
Le principe de l'unicité du patrimoine
selon lequel une personne ne peut avoir qu'un seul patrimoine,
a été énoncé par AUBRY et RAU au XIX°
siècle. Il constitue un élément fondateur
du système juridique français. S'il est largement
accepté par les juristes universitaires ce dogme est, en
revanche, assez fréquemment contesté par de nombreux
praticiens au nom du sens commun et des réalités
socio-économiques. La discussion qui s'est ouverte depuis
quelques années sur l'opportunité d'introduire dans
le droit positif un mécanisme de fiducie, c'est à
dire un transfert de propriété d'une masse de biens
à un tiers aux fins de gestion ou de garantie à
un tiers, illustre parfaitement la tentation du législateur
de relativiser une notion dont la pertinence sociologique est
discutable.
Pour mesurer les écarts qui se
sont établis en pratique entre les fondements du principe
et les situations concrètes auxquelles celui-ci se rapporte,
l'auteur a conduit et analysé une trentaine d'entretiens
avec des juristes d'affaires et des gestionnaires financiers.
Ses conclusions renforcent l'hypothèse du caractère
artificiel du principe d'unicité aux yeux des praticiens
et mettent en évidence la coexistence de deux notions complémentaires,
celle de la fiducie-gestion (fiducie du débiteur) et de
la fiducie-garantie (fiducie du créancier).
MOTS-CLES : DROIT CIVIL ; DROIT COMMERCIAL ; PATRIMOINE ; FIDUCIE
; PERSONNALITE JURIDIQUE ; SOCIOLOGIE JURIDIQUE
A partir d'une recherche de définition
portant sur les notions de standard et de norme appliquées
au domaine juridique, les auteurs se sont attachées à
"observer le statut réel des normes techniques, leur
processus d'élaboration, leurs liens avec l'ordre juridique
classique, et à réfléchir aux conséquences
des normes techniques sur le système juridique... le jeu
des acteurs économiques et le rôle de l'Etat".
Loin de demeurer sur un plan purement théorique, c'est
à un objet bien réel, EDI-JUSTICE (projet de normalisation
des échanges de données judiciaires dans le contentieux
civil et commercial afin de permettre un dialogue de système
à système) qu'ont été appliquées
les hypothèses issues de la première partie de ce
travail.
La méthodologie de cette recherche
met l'accent sur l'observation des enjeux de la normalisation
par rapport à plusieurs thèmes juridiques et ne
se borne pas à l'exposé de "considérations
générales et doctrinales" sur la nature et
les procédures d'élaboration des normes techniques.
Dans un bref chapitre de "conclusions provisoires",
les auteurs soulignent l'importance du contexte interactif qui
doit nécessairement accompagner la mise en place de tout
processus de normalisation. Elles affirment l'importance essentielle
de la mise en place des technologies de la communication dans
la réingénierie de l'administration en général
et de l'administration de la justice en particulier.
Les annexes de ce rapport de recherche
présentent les actes d'un séminaire sur "les
enjeux juridiques des normes techniques" qui s'est tenu en
avril 1995 à Paris.
MOTS-CLES : DROIT ; INFORMATIQUE ; COMMUNICATION ; NORME TECHNIQUE ; MANAGEMENT ; ADMINISTRATION ; EDI-JUSTICE
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