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Délibération n° 02-017 du 21 mars 2002 portant adoption d'une recommandation relative à la collecte et au traitement d'informations nominatives lors d'opérations de recrutement

(Abroge et remplace la recommandation 85-44)

La Commission nationale de l'informatique et des libertés ;

Vu la convention du Conseil de l'Europe du 28 janvier 1981 pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel ;

Vu la Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;

Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés pris ensemble le décret d'application du 17 juillet 1978 : Vu l'article 9 du code civil ; Vu les articles 225-1 à 225-3 ; 226-1 et 226-16 à 226-24 du code pénal ;

Vu le code du travail, et notamment ses articles L.120-2, L 121-6 à L 121-8, L 122-45, 123-1, L. 311-4, L 432-2-1 et L. 412-2 ; Vu l'article L 11.6 du code de la route ;

Vu l'ordonnance n° 45-1030 du 24 mai 1945 relative au placement des travailleurs et au contrôle de l'emploi ;

Vu la recommandation n° 89 du Conseil de l'Europe du 18 janvier 1989 sur la protection des données à caractère personnel utilisées à des fins d'emploi ;

Vu la délibération de la Commission nationale de l'informatique et des libertés n° 81-94 du 21 juillet 1981 portant adoption d'une recommandation relative aux mesures générales de sécurité des systèmes informatiques ;

Vu la délibération de la Commission nationale de l'informatique et des libertés n° 85-044 du 15 octobre 1985 portant adoption d'une recommandation relative à la collecte et au traitement d'informations nominatives lors d'opérations de conseil en recrutement ;

Après avoir entendu Monsieur Hubert BOUCHET Vice Président Délégué, en son rapport et Madame Charlotte-Marie PITRAT, Commissaire du gouvernement, en ses observations.

La présente recommandation concerne la collecte et la gestion manuelle ou informatisée d'informations nominatives dans le cadre d'opérations de recrutement quelles soient réalisées au moyen de support électronique ou par le biais de connexion à distance. Elle abroge et remplace la précédente recommandation n° 85-044 du 15 octobre 1985.

Il convient d'entendre par opérations de recrutement, tout recrutement opéré par un intermédiaire choisi par un employeur afin de l'assister dans le choix d'une personne extérieure pour un poste à pourvoir, ainsi que tout recrutement opéré directement par un employeur partie prenante dans le choix d'une personne extérieure pour un poste à pourvoir.

Sur la nature des informations collectées relatives à la vie privée :

article 1er de la loi du 6 janvier 1978 : "L'informatique doit être au service de chaque citoyen. (…) Elle ne doit porter atteinte ni à l'identité humaine, ni aux droits de l'homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques". article 9 du code civil : "Chacun a droit au respect de sa vie privée". article L 120-2 du code du travail : "Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché." article L 121-6 du code du travail : "Les informations demandées sous quelque forme que ce soit, au candidat à un emploi ne peuvent avoir comme finalité que d'apprécier sa capacité à occuper l'emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles. Les informations doivent présenter un lien direct est nécessaire avec l'emploi proposé ou avec l'évaluation des aptitudes professionnelles. Le candidat à un emploi (...) est tenu d'y répondre de bonne foi."

Aussi, la Commission estime-t-elle que, de manière générale, la collecte des informations suivantes n'est pas conforme à ces dispositions légales, sauf cas particuliers justifiés par la nature très spécifique du poste à pourvoir ou, le cas échéant des règles en vigueur dans le pays étranger concerné par le poste: date d'entrée en France ; date de naturalisation ; modalités d'acquisition de la nationalité française ; nationalité d'origine ; numéros d'immatriculation ou d'affiliation aux régimes de sécurité sociale ; détail de la situation militaire : sous la fome "objecteur de conscience, ajourné, réformé, motifs d'exemption ou de réformation, arme, grade" ; adresse précédente ; entourage familial du candidat (nom, prénom, nationalité, profession et employeur du conjoint ainsi que nom, prénom, nationalité, profession, employeur, des parents, des beaux-parents, des frères et sœurs et des enfants) état de santé ; taille ; poids ; vue ; conditions de logement (propriétaire ou locataire); vie associative ; domiciliation bancaire ; emprunts souscrits.

Sur la collecte des informations :

1°) En application des dispositions de l'article 25 de la loi du 6 janvier 1978, la collecte de données, par tout moyen frauduleux, déloyal ou illicite est interdite.

En conséquence, serait contraire aux dispositions de cet article, l'utilisation d'annonces qui ne correspondrait pas à un poste à pourvoir, mais aurait pour seul objet de constituer un fichier de candidatures.

Constituerait de même une manœuvre déloyale, le fait, par une personne chargée du recrutement, de porter à la connaissance d'un employeur la candidature de l'un de ses salariés sans l'accord exprès de celui-ci.

La collecte de références auprès de l'environnement professionnel du candidat (supérieurs hiérarchiques, collègues, maîtres de stages, clients fournisseurs …) n'est pas contraire aux dispositions de l'article 25 de la loi du 6 janvier 1978 dès lors qu'elle n'est pas faite à l'insu du candidat. En revanche, la collecte du nom et de l'adresse de références personnelles aux fins de diligenter une enquête dite "de moralité" serait excessive et contraire à la loi.

2°) En application de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978 et de l'article 6 de la convention 108 du Conseil de l'Europe, il est interdit de collecter et de conserver, sauf accord exprès du candidat, des données nominatives qui, directement ou indirectement, font apparaître les origines raciales ou les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou les appartenances syndicales, les informations relatives à la santé ou à la vie sexuelle des personnes. L'accord exprès exigé par la loi qui doit être recueilli par écrit ne saurait, à lui seul, justifier la collecte de telles données si ces dernières sont dépourvues de lien direct et nécessaire avec l'emploi proposé. Aussi de telles informations ne peuvent-elles être collectées, sous réserve des interdictions légales, que lorsqu'elles sont justifiées par la spécificité du poste à pourvoir.

Sur l'information des personnes concernées :

1°) En application des articles 26, premier alinéa et 45, deuxième alinéa de la loi du 6 janvier 1978, toute personne a le droit de s'opposer, pour des raisons légitimes, à ce que des informations nominatives la concernant fassent l'objet d'un traitement.

2°) En application des dispositions de l'article 27 de la loi du 6 janvier 1978 les personnes auprès desquelles sont recueillies des informations nominatives doivent être informées :

du caractère obligatoire ou facultatif des réponses ; des conséquences à leur égard d'un défaut de réponse ; des personnes physiques ou morales destinataires des informations ; de l'existence d'un droit d'accès et de rectification.

Lorsque de telles informations sont recueillies par voie de questionnaires, ceux-ci doivent porter mention de ces prescriptions.

Il résulte en outre de l'article 10 de la directive 95-46 du 24 octobre 1995 que le candidat doit également être informé de l'identité du responsable du traitement ainsi que les finalités du traitement auquel les données sont destinées.

La Commission recommande en conséquence que :

les personnes chargées du recrutement prennent toutes les dispositions nécessaires pour informer le candidat, dans un délai raisonnable, de l'issue donnée à sa candidature, de la durée de conservation des informations le concernant ainsi que de la possibilité de demander la restitution ou la destruction de ces informations. les personnes dont les coordonnées sont enregistrées dans un fichier de candidats potentiels utilisé dans le cadre d'une activité par approche directe soient informées des dispositions de l'article 27 de la loi du 6 janvier 1978, au plus tard lors du premier contact. lorsque l'identité de l'employeur n'a pas été précisée lors de l'offre de poste, l'accord du candidat soit recueilli préalablement à la transmission des informations nominatives à cet employeur. dans le cas de collecte d'informations nominatives par le biais de connexions à distance, le candidat à l'emploi soit informé de la forme, nominative ou non, sous laquelle les informations le concernant seront éventuellement diffusées en ligne ou transmises aux employeurs. Le candidat doit également être préalablement informé de toute éventuelle cession d'informations avec d'autres organismes chargés de recrutement et être en mesure de s'y opposer. Les informations collectées ne peuvent être utilisées que pour la proposition d'emploi à l'exclusion de toute autre finalité, notamment de prospection commerciale.

3°) L'article L 121-7 du code du travail prescrit que "le candidat à un emploi est expressément informé, préalablement à leur mise en oeuvre, des méthodes et techniques d'aide au recrutement utilisées à son égard. (...) Les résultats obtenus doivent rester confidentiels. Les méthodes et techniques d'aide au recrutement ou d'évaluation des salariés et des candidats à un emploi doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie."

La Commission recommande que l'information concernant les méthodes d'aide au recrutement employées soit dispensée préalablement par écrit sous une forme individuelle ou collective.

Sur le droit d'accès et de rectification :

1°) En application des articles 34 et suivants, 45 de la loi du 6 janvier 1978, et L 121-7 du code du travail tout candidat peut obtenir communication des informations le concernant.

2°) En application de l'article 36, troisième alinéa de la loi du 6 janvier 1978, en cas de contestation portant sur l'exactitude des informations, la charge de la preuve incombe au service auprès duquel est exercé le droit d'accès sauf lorsqu'il est établi que les informations contestées ont été communiquées par la personne concernée ou avec son accord.

La Commission recommande en conséquence que tout candidat soit clairement informé des modalités d'exercice du droit d'accès et puisse obtenir sur sa demande toutes les informations le concernant y compris les résultats des analyses et des tests ou évaluations professionnelles éventuellement pratiqués.

Le droit d'accès s'applique aux informations collectées directement auprès du candidat, aux informations éventuellement collectées auprès de tiers ainsi qu'aux informations issues des méthodes et techniques d'aide au recrutement.

La Commission recommande que la communication des informations contenues dans la fiche du candidat soit effectuée par écrit, la communication des résultats des tests ou évaluations devant être faite par tout moyen approprié au regard de la nature de l'outil utilisé.

Sur la durée de conservation :

En application de l'article 28 de la loi du 6 janvier 1978, sauf dispositions législatives contraires, les informations ne doivent pas être conservées sous une forme nominative au-delà de la durée prévue à la déclaration, à moins que leur conservation ne soit autorisée par la Commission.

La Commission recommande que le candidat ayant fait l'objet d'une procédure de recrutement, que cette dernière ait abouti ou non, soit informé de la durée pendant laquelle les informations le concernant seront conservées et du droit dont il dispose d'en demander, à tout moment, la suppression. En tout état de cause, la durée de conservation des informations ne devrait pas excéder deux ans après le dernier contact avec la personne concernée.

Ces recommandations sont applicables quelle que soit la forme sous laquelle les informations relatives aux candidats sont conservées, qu'il s'agisse de traitements automatisés d'informations nominatives ou de fichiers manuels ou mécanographiques.

Sur la prohibition des profils automatiques :

1°) En application du deuxième alinéa de l'article 2 de la loi du 6 janvier 1978, aucune décision de sélection de candidature impliquant une appréciation sur un comportement humain ne peut avoir pour seul fondement un traitement informatisé donnant une définition du profil ou de la personnalité du candidat. Dès lors, une candidature ne saurait être exclue sur le seul fondement de méthodes et techniques automatisées d'aide au recrutement et doit faire l'objet d'une appréciation humaine.

La Commission recommande à ce titre que les outils d'évaluation automatisés à distance excluant toute appréciation humaine sur la candidature soient proscrits.

2°) En application de l'article 3 de la loi du 6 janvier 1978 tout candidat a le droit d'être informé des raisonnements utilisés dans les traitements automatisés d'aide à la sélection de candidatures.

Sur les formalités préalables à l'automatisation :

En application des articles 15 et 16 de la loi du 6 janvier 1978, les traitements automatisés d'informations nominatives effectués par les personnes chargées du recrutement doivent, préalablement à leur mise en oeuvre, faire l'objet respectivement d'une demande d'avis ou d'une déclaration ordinaire auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, l'omission de ces formalités préalables étant passible des sanctions prévues aux articles 226-16 à 226-24 du code pénal.

Sur les mesures de sécurité et de confidentialité :

En application des articles 29 et 45, de la loi du 6 janvier 1978 et L 121-7 du code du travail les personnes chargées du recrutement sont tenues de s'engager vis-à-vis des candidats à prendre toutes précautions utiles afin de préserver la sécurité et la confidentialité des informations, quels que soient les tests, méthodes ou techniques utilisées. Cette obligation de confidentialité s'oppose à ce que des tiers à la procédure de recrutement puissent avoir directement ou indirectement connaissance d'informations recueillies à l'occasion d'une procédure de recrutement, sauf accord préalable des intéressés. Elle n'est pas opposable aux candidats.

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