Année 1999


DEUXIEME PARTIE


ACTIVITES DES SECTEURS D'INSTRUCTION DES RECLAMATIONS


Les réclamations écrites adressées au Médiateur de la République sont reçues et examinées, au siège de la Médiature, par le "service d'orientation des réclamations" (SOR), qui détermine si un dossier est recevable et s'il entre dans le champ de compétence du Médiateur de la République.
Ce service répond, dans les huit jours, aux auteurs des réclamations qui ne remplissent pas ces critères.
- Si le dossier est irrecevable, le parlementaire qui l'a transmis est invité, selon les cas, à le faire compléter par le réclamant, ou à lui indiquer les démarches préalables qu'il aurait dû entreprendre avant de saisir le Médiateur de la République.
Dans le cas où l'irrecevabilité résulte du non-respect de la procédure légale de saisine, le réclamant qui a adressé son dossier directement au Médiateur de la République est invité à demander au parlementaire de son choix la transmission officielle de la réclamation.
Lorsque la réclamation se résume à une simple lettre, décrivant de façon insuffisamment précise les difficultés rencontrées, le réclamant est orienté vers le délégué départemental le plus proche de son domicile.
Celui-ci pourra le recevoir pour lui permettre d'expliciter sa demande et, pour vérifier s'il peut régler lui-même la difficulté. Si la situation ne s'y prête pas, il pourra l'aider à constituer un dossier en respectant la procédure légale de transmission par un parlementaire pour que l'affaire soit examinée au siège de la Médiature. A titre tout à fait exceptionnel, mais par souci d'efficacité, ces deux dernières procédures sont différées s'il s'agit de situations particulièrement urgentes ou dramatiques : les services du Médiateur de la République examinent immédiatement le dossier, tout en veillant à ce qu'il soit ultérieurement régularisé par une saisine parlementaire.
- Si le dossier se situe hors du champ de compétences du Médiateur de la République, le parlementaire qui l'a transmis, ou la personne qui s'est adressée directement à lui, reçoit une réponse motivée, qui explicite les raisons de l'incompétence, fournit des conseils et oriente l'intéressé vers les instances compétentes.
Par ailleurs, les réclamations recevables donnent lieu à un accusé de réception adressé au parlementaire et au réclamant, puis sont orientées vers le "secteur d'instruction" compétent de la Médiature.
Les secteurs d'instruction sont au nombre de cinq : un secteur "administration générale" (AGE), un secteur "agents publics/pensions" (AGP), un secteur "fiscal/finances" (FI), un secteur "justice/urbanisme" (JUS/URB), et un secteur "social" (SO).
Ces secteurs d'instruction, composés chacun d'un conseiller et de trois à six chargés de mission, instruisent les dossiers qui leur sont attribués.
Lorsqu'une réclamation lui paraît fondée (dysfonctionnement de l'administration ou atteinte à l'équité), le secteur concerné procède à un examen approfondi du dossier en liaison avec l'organisme mis en cause.
Si celui-ci accepte la solution suggérée par le secteur, le Médiateur de la République clôt le dossier et avertit le parlementaire qui a transmis la réclamation de l'heureux dénouement de l'affaire.
Dans le cas contraire, le Médiateur de la République peut faire des "recommandations" à l'administration concernée. A défaut de réponse satisfaisante dans le délai qu'il a fixé, il peut rendre publiques ces recommandations, notamment dans son rapport annuel.

LE SECTEUR ADMINISTRATION GENERALE

En 1999, le secteur administration générale (AGE) a reçu plus de 1400 dossiers.
Cette année a été marquée par un grand nombre de réclamations relatives, d'une part, à des refus de report d'incorporation au service national et, d'autre part, au séjour des ressortissants étrangers en France.
La loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national a introduit dans le code du service national l'article L. 5 bis A qui permet, sous certaines conditions, aux jeunes gens titulaires d'un contrat de travail de droit privé et bénéficiant d'un report d'incorporation en vertu des articles L. 5 (2°) ou L. 5 bis, d'obtenir un report supplémentaire. Ces nouvelles dispositions, dont les modalités d'application ont été précisées à l'article R. 9 du code, imposent aux jeunes gens intéressés de déposer leur demande dans des délais très précis. Si ces délais ne sont pas respectés, la commission administrative chargée de statuer sur ces demandes est tenue de les rejeter.
Plus de la moitié des réclamations instruites par le secteur AGE ont ainsi concerné des refus opposés pour non respect de ces délais. Le Médiateur de la République n'a pu donner de suite à ces dossiers, en raison de la compétence liée de l'administration. En revanche, ayant constaté, au début de l'année 1999, que les renseignements fournis par certains bureaux du service national sur les délais étaient imprécis, le Médiateur de la République en a averti le ministre de la Défense. Celui-ci a aussitôt donné des instructions pour qu'une meilleure information soit assurée.
Les réclamations parvenues à compter de l'été 1999 ne portant pratiquement plus sur des problèmes de cette nature, le Médiateur de la République en a conclu que les moyens mis en oeuvre avaient été efficaces et avaient permis une meilleure compréhension des nouvelles dispositions.
L'année écoulée a également été marquée par l'enregistrement d'un grand nombre de réclamations concernant des ressortissants étrangers. Cet important volume d'affaires s'explique par la saisine massive du Médiateur de la République par des "collectifs de sans papiers", tout particulièrement le 3ème collectif qui comprend près de 350 membres, pour la plupart d'origine chinoise. Ce phénomène n'est pas nouveau : déjà en 1997, le Médiateur de la République avait été saisi par les "sans papiers de Saint-Bernard", dont la situation avait été réglée notamment dans le cadre de la circulaire du 24 juin 1997, dite circulaire Chevènement, qui a mis en oeuvre une procédure de régularisation inspirée des propositions de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme.
L'examen des dossiers parvenus au cours de 1999 a mis en évidence des situations beaucoup plus délicates à instruire. En effet, il s'agissait principalement d'étrangers qui avaient demandé à être régularisés sur le fondement de la circulaire précitée, mais à qui un refus avait été opposé, souvent après réexamen de leur situation par le ministre de l'Intérieur dans le cadre d'un recours hiérarchique. Pour ces dossiers, l'intervention du Médiateur de la République a été rarement couronnée de succès : ils ont fait fréquemment l'objet d'une longue instruction par l'administration et les intéressés n'ont eu, le plus souvent, aucun élément nouveau à faire valoir.
Cependant, il est apparu dans certains cas que l'administration s'était crue tenue d'opposer un refus de régularisation dès lors que l'étranger concerné ne pouvait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour, alors qu'elle aurait pu le régulariser en vertu du pouvoir d'appréciation qu'elle détient. Ce comportement abusif avait déjà été dénoncé dans le rapport pour l'année 1997.

1. Présentation de quelques cas significatifs

Dommages de travaux publics – Indemnisation partielle

Réclamation n° 96-2959, transmise par M. Francis GALIZI, ancien député des Alpes-de-Haute-Provence et par M. Fernand TARDY, ancien sénateur des Alpes-de-Haute-Provence

Mmes R... et D... sont copropriétaires dans un immeuble situé à Digne-les-Bains, qui a été réhabilité en mars 1986 dans le cadre d'une opération communale. Le coût des travaux a été pris en charge pour 40 % par la ville de Digne, qui était maître d'ouvrage pour ces travaux, et pour 60 % par les propriétaires.
Dès le mois de mai 1986, Mme R... a alerté les services techniques municipaux pour signaler l'apparition de fissurations anormales sur l'une des façades de l'immeuble. Le directeur des services techniques a aussitôt reconnu que le résultat du ravalement ne correspondait pas à ce qui en est normalement attendu mais, malgré plusieurs engagements successifs des services municipaux, la Ville n'a pas fait procéder aux travaux de réfection nécessaires.
Il semble que, dans les mois qui ont suivi l'apparition du problème, la municipalité a envisagé de faire réaliser ces travaux dans le cadre d'une opération de réhabilitation d'un quartier voisin de celui où se situe l'immeuble des réclamantes. Mais ce projet aurait été abandonné, la mairie affirmant qu'il s'agissait d'un litige purement privé.
Lorsque le Médiateur de la République a été saisi de l'affaire en 1996, la situation était complètement bloquée.
Ce n'est qu'après plusieurs interventions du Médiateur de la République que la mairie a finalement proposé de prendre à sa charge 50 % des travaux à effectuer, les 50 % restants étant bien sûr à la charge des propriétaires. Compte tenu des éléments du dossier, le Médiateur de la République a estimé que cette solution apportait une issue convenable au litige, et les réclamantes ont été invitées à accepter les propositions de la mairie. Le Médiateur de la République a également demandé au maire de faire diligence pour l'exécution des travaux dès acceptation de la proposition par les réclamantes.
Dans cette affaire, l'intervention sur place de la déléguée départementale du Médiateur de la République a été particulièrement précieuse, car elle a permis aux services parisiens de bénéficier de nombreuses précisions concrètes que l'éloignement pouvait rendre difficiles à obtenir ; la déléguée a également mis à profit les liens qu'il lui était possible de nouer avec les différents services administratifs concernés, ce qui a favorisé l'assouplissement des points de vue en présence.

Concours - Refus d'inscription à titre dérogatoire

Réclamation n° 97-4695, transmise par M. Arthur PAECHT, député du Var

Les études de Mlle C..., élève en classe préparatoire aux écoles vétérinaires, ont été très perturbées en 1996 et 1997 à cause de graves problèmes de santé.
Atteinte d'une insuffisance rénale chronique nécessitant un traitement régulier par hémodialyse, Mlle C... a pu bénéficier d'une transplantation rénale en novembre 1996.
Dans ces circonstances, ses chances de réussite au concours étaient très réduites et Mlle C... a échoué aux épreuves à deux reprises en 1996 et 1997. Elle pensait toutefois avoir la possibilité de s'y présenter une troisième fois. En effet, l'arrêté du 24 février 1994 fixant les modalités des concours d'accès dans les écoles vétérinaires, ouverts aux élèves des classes préparatoires, permettait à la commission d'examen d'accorder une dérogation au nombre d'inscriptions, régulièrement prévu, dans la limite de deux fois.
Mlle C... avait donc effectué une demande de dérogation en avril 1997 pour pouvoir se présenter, en cas d'échec, au concours de la session 1998 et s'était inscrite à cet effet en classe préparatoire pour l'année scolaire 1997/1998.
Malheureusement elle a appris un mois après la rentrée scolaire, en octobre 1997, que sa demande de dérogation avait été rejetée. En effet, la réglementation, qui avait été modifiée par un arrêté du 31 juillet 1997 fixant les modalités des concours d'accès dans les écoles vétérinaires, ne prenait pas en compte les situations exceptionnelles telles que celle de Mlle C... Elle ne pouvait donc plus légalement se présenter au concours.
Très déçue par cette décision, qu'elle jugeait inéquitable, Mlle C... a sollicité l'intervention du Médiateur de la République.
Celui-ci a demandé au ministère de l'Agriculture et de la Pêche un réexamen bienveillant du dossier de Mlle C... Malheureusement, le directeur général de l'Enseignement et de la Recherche n'a pu accorder aucune dérogation à Mlle C... Malgré les circonstances de cette affaire, sa requête n'a pu être retenue par la commission, dans la mesure où la jeune fille s'était déjà présentée deux fois au concours.
Le Médiateur de la République a alors demandé au ministre chargé de l'Agriculture que la réglementation prenne plus particulièrement en compte le cas des étudiants qui connaissent de graves ennuis de santé. Sensible à cette situation, celui-ci a pris, le 3 août 1998, un nouvel arrêté complétant l'arrêté du 31 juillet 1997, qui permet aux candidats ayant un taux d'incapacité supérieur ou égal à 70 %, comme Mlle C..., de présenter quatre fois le concours.
Mlle C... a donc pu, en 1999, se présenter une troisième fois au concours d'accès dans les écoles vétérinaires auquel elle a été reçue à un rang très honorable.

Indemnisation d'un sinistre – Règlement global du litige

Réclamation n° 98-0857, transmise par M. François LESEIN, ancien sénateur de l'Aisne

Le 20 avril 1996, Mme P... a vu s'affaisser la chaussée devant l'habitation dont elle était propriétaire, dans une petite commune du nord de la France. Cet effondrement a entraîné la rupture totale d'une canalisation d'eau à fort débit, qui a provoqué de graves désordres dans l'immeuble.
Le maire de la commune a dû prendre sans délai un arrêté de péril imminent et Mme P... a été relogée en urgence dans un hôtel, à titre provisoire, aux frais de la commune. Par la suite, elle a dû se reloger par ses propres moyens et changer de lieux d'habitation à diverses reprises. Disposant de très peu de ressources et voyant ses conditions de vie se dégrader rapidement, Mme P... souhaitait qu'une solution soit apportée le plus rapidement possible à cette situation.
Mais la commune, responsable de la voirie, le district chargé de la distribution de l'eau ainsi que leurs assureurs estimaient que l'indemnisation de Mme P... ne leur incombait pas, invoquant l'existence d'anciens ouvrages militaires à l'origine des mouvements du sous-sol. Aucune perspective d'accord amiable ne se dessinant, Mme P... a été amenée à déposer un recours devant le tribunal administratif territorialement compétent.
A la lecture du rapport établi par l'expert commis par le tribunal, le droit à indemnisation de Mme P... ne faisait aucun doute en raison du régime de responsabilité applicable en l'espèce. Cependant, il était à craindre que chacune des parties, en souhaitant épuiser toutes ses voies de recours, ne retarde considérablement l'aboutissement des procédures.
Aussi, Mme P... a sollicité l'intervention du Médiateur de la République pour éviter d'avoir à subir de trop longs délais.
Après une analyse du rapport d'expertise, ainsi que des diverses conclusions et observations contradictoires des parties, le Médiateur de la République a recherché et obtenu l'accord formel de chacun des intervenants pour parvenir à un règlement amiable du litige. Il les a alors tous réunis afin de déterminer de façon précise leurs engagements respectifs.
A l'issue de cette réunion, un protocole d'accord a été conclu. Les assureurs du district et de la commune se sont engagés à régler solidairement à la fois l'indemnité correspondant à la valeur de l'immeuble au jour du sinistre et celle relative à la perte de jouissance de l'immeuble, selon l'estimation des services des Domaines.
Les assureurs de la commune, du district et de l'immeuble de Mme P... ont, en outre, accepté de prendre à leur charge, chacun pour le tiers, le montant des frais d'expertise.
Pour sa part, la commune a donné son accord pour acquérir le terrain nu sur lequel était édifié l'immeuble sinistré, au prix fixé par les Domaines. Quant à Mme P..., elle a pris l'engagement de faire démolir l'immeuble sinistré et évacuer les gravats afin de permettre la reprise du terrain nu par la commune.
Ce protocole a été signé le 13 avril 1999 en présence du Médiateur de la République qui s'est, par la suite, assuré de sa mise en oeuvre. Grâce à son intervention, Mme P... a pu être indemnisée et le différend a pu être réglé dans sa globalité.

Séjour des étrangers en France – Régularisation d'un conjoint

Réclamation n° 98-2340, transmise par M. Bernard PONS, député de Paris

De nationalité ukrainienne, Mme S... est entrée en France en 1996 sous couvert d'un visa de court séjour et a aussitôt sollicité le statut de réfugié. Sa demande a été rejetée, en dernier ressort, par la Commission des recours des réfugiés le 12 janvier 1998, ce qui a conduit le préfet à prendre à son égard une décision de refus de séjour, assortie d'une invitation à quitter le territoire le 4 mars 1998.
Contestant cette décision, l'intéressée a cherché à faire prendre en compte sa situation personnelle.
Elle a indiqué qu'elle s'était mariée en 1993 en Hongrie, avec un ressortissant de ce pays, titulaire en France d'une carte de résident et que celui-ci s'était engagé à la prendre totalement en charge. Elle a alors demandé, par l'intermédiaire de ses avocats, la délivrance d'un titre de séjour "visiteur" ou une admission exceptionnelle au séjour dans le cadre d'un regroupement familial à partir de la France. En effet, son mari n'avait pas sollicité jusque-là un regroupement familial en sa faveur, Mme S... n'ayant pas souhaité quitter l'Ukraine afin d'y poursuivre ses activités professionnelles.
C'est dans ces conditions que Mme S... a saisi le Médiateur de la République. Celui-ci est alors intervenu auprès de l'administration compétente, en faisant valoir que les intéressés avaient effectivement une vie commune en France depuis l'été 1996, et afin d'obtenir que, pour des raisons de sécurité, Mme S... ne soit pas contrainte de retourner en Ukraine dans l'hypothèse où son mari introduirait une procédure de regroupement familial.
Le préfet a alors réservé sa décision, dans l'attente de celle du ministre de l'Intérieur sur la demande d'asile territorial que l'intéressée avait été autorisée à déposer en août 1998. Celle-ci ayant été rejetée, le préfet a accepté de reconsidérer la situation administrative de Mme S... et lui a délivré un titre de séjour "vie privée et familiale", compte tenu de ses liens familiaux en France.

Facturation téléphonique – Prise en compte d'une situation humainement difficile

Réclamation n° 98-3412, transmise par M. André VALLINI, député de l'Isère

Mme G... a été condamnée, en premier ressort puis en appel, à régler à France Télécom deux factures correspondant respectivement à des sommes d'un montant d'environ 38 400 F et 104 000 F.
Elle a alors sollicité l'intervention du Médiateur de la République car, même si elle admettait être juridiquement responsable de sa ligne vis-à-vis de France Télécom, elle estimait injuste de devoir s'acquitter de factures dont le montant élevé résultait des agissements de son frère, elle-même étant démunie des moyens de régler de telles sommes.
En effet, Mme G... vit avec une pension d'invalidité ; elle a quatre enfants encore à sa charge et un autre, de 25 ans, qui est handicapé. Profitant de son état de santé défaillant et de son séjour à l'hôpital, son frère s'était installé chez elle et avait fait usage de son téléphone à des fins professionnelles. Condamné pour escroquerie, il est parti à l'étranger et demeure introuvable, laissant ses factures impayées. Mme G... se voyait donc menacée de devoir vendre sa maison pour régler les factures litigieuses.
Sans remettre en cause la décision du juge, le Médiateur de la République a fait valoir à la société France Télécom qu'elle disposait désormais des moyens techniques nécessaires pour surveiller les consommations de ses clients et qu'elle aurait pu interrompre les lignes ou en limiter l'usage avant que les factures n'atteignent de tels montants.
France Télécom a accepté de prendre en compte ces arguments et, afin de mettre un terme à ce pénible litige au regard d'une situation humaine difficile, a décidé d'annuler la facture de 104 000 F.

Délivrance d'un diplôme – Procédure irrégulière

Réclamation n° 98-3700, transmise par Mme Marisol TOURAINE-REVEYRAND, député d'Indre-et-Loire

A la fin de sa scolarité dans un institut universitaire de technologie, M. R... a obtenu une moyenne légèrement supérieure à dix. Selon l'arrêté ministériel du 20 avril 1994 relatif au diplôme universitaire de technologie, cette moyenne lui permettait de se voir délivrer son diplôme. Cependant, les professeurs, membres du jury d'admission, qui avaient suivi sa scolarité, ont transmis un avis défavorable au président de l'université, car ils considéraient que le niveau de M. R... était insuffisant.
Estimant à juste titre que le jury avait commis une irrégularité en ne se conformant pas aux dispositions de l'arrêté précité, le président de l'université a décidé de passer outre la proposition du jury et de délivrer ce diplôme à M. R...
Les professeurs ont alors contesté cette décision devant le tribunal administratif, qui l'a annulée, le 9 juillet 1998, sans se prononcer sur le fond. Les juges ont, en effet, considéré que le président de l'université aurait dû provoquer une nouvelle délibération du jury avant de prendre sa décision.
Pendant la durée de cette procédure, M. R... ne disposait que d'une attestation provisoire de DUT et il risquait de perdre l'emploi qu'il venait de trouver s'il n'obtenait pas son diplôme rapidement. Il a donc saisi le Médiateur de la République.
Celui-ci a demandé au président de l'université de bien vouloir réunir le jury, dans les meilleurs délais, afin de rectifier l'erreur et de régulariser ainsi la procédure d'attribution du diplôme.
Ces démarches ont été accomplies et M. R... a ainsi pu conserver son emploi.

Notification d'une décision – Envoi incomplet

Réclamation n° 98-5218, transmise par M. Claude EVIN, député de la Loire-Atlantique, ancien ministre

A la suite d'un contentieux relatif à des opérations de remembrement, la commission nationale d'aménagement foncier a statué sur la situation de Mme G... par une décision du 10 juin 1998.
Cette décision devait être communiquée à l'intéressée par un courrier recommandé, avec demande d'avis de réception, qui lui a été adressé le 25 septembre 1998.
Selon les déclarations de Mme G..., le pli qu'elle a alors reçu ne contenait que la lettre précisant les délais et voies de recours, la décision n'ayant pas été jointe.
Pensant qu'il s'agissait d'une simple erreur de secrétariat, Mme G... a retourné l'avis de réception et a réclamé un exemplaire de la décision oubliée.
Considérant qu'une telle omission était impossible et, sur la foi de l'avis de réception dûment retourné, la commission incriminée a refusé d'envoyer un nouvel exemplaire de la décision. Mme G... se voyait ainsi privée de toute possibilité d'exercer ses droits de recours contre cette décision.
Elle a donc saisi le Médiateur de la République qui a demandé au président de la commission nationale d'aménagement foncier d'adresser à nouveau à Mme G... la décision la concernant. Cependant, arguant du fait que l'intéressée avait signé l'accusé de réception, cet organisme a persisté dans son refus.
Le Médiateur de la République a donc repris ses diligences en soulignant que Mme G... avait rapidement écrit à la commission pour signaler le caractère incomplet de l'envoi et en faisant valoir que l'intéressée ne pouvait tirer aucun avantage à affirmer, de mauvaise foi, que la décision en cause n'était pas jointe. A la suite de cette intervention, le président de la commission a finalement donné satisfaction à Mme G... en lui adressant la décision du 10 juin 1998 le 8 décembre suivant.

Interruption d'études – Réintégration difficile

Réclamation n° 98-5227, transmise par M. Bruno LE ROUX, député de Seine-Saint-Denis

M. A... a interrompu ses études d'infirmier en 1995, pour des raisons familiales et financières. Il a ultérieurement souhaité reprendre et terminer la dernière année d'études le séparant du diplôme d'infirmier, cette réintégration en troisième année lui permettant de ne pas perdre le bénéfice de deux années d'études difficiles. Cependant, il ne parvenait pas à trouver un centre de formation susceptible de l'accueillir malgré des appréciations de stage très convenables.
Il a donc saisi le Médiateur de la République qui est intervenu auprès de plusieurs centres de formation au sein desquels M. A... aurait pu poursuivre ses études. Un institut de formation en soins infirmiers a finalement décidé, après un refus initial, d'accorder à M. A... la possibilité d'intégrer la promotion de troisième année à la rentrée du 11 octobre 1999.

Formation – Difficultés d'homologation des diplômes délivrés dans les autres Etats membres de l'Union européenne

Réclamation n° 99-0411, transmise par Mme Claudine LEDOUX, députée des Ardennes
Et Réclamation n° 99-0171, transmise par M. Jean-Luc WARSMANN, député des Ardennes

Les étudiants français en orthophonie ayant effectué leur formation en Belgique peuvent, en vertu des directives européennes de 1988 et 1992 relatives au système général de reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur, obtenir une homologation de leur diplôme afin d'exercer leur profession en France.
Jusqu'à présent, la validation de ce diplôme européen obtenu en Belgique était presque systématique.
Mais, lors de ses sessions d'octobre et de décembre 1998, la commission française des orthophonistes du conseil supérieur des professions paramédicales a estimé que la formation de ces diplômés était substantiellement différente de la formation française et, après un examen individuel, a imposé des mesures compensatoires pour la majorité des dossiers présentés. L'homologation des diplômes a donc été subordonnée à la réussite des intéressés à
une épreuve d'aptitude ou à l'accomplissement d'un stage d'adaptation.
Or, les jeunes diplômés qui, pour beaucoup d'entre eux, avaient trouvé un emploi mais ne pouvaient l'exercer avant d'obtenir l'autorisation du ministère chargé de la Santé, ont été confrontés à certaines difficultés pour effectuer ces mesures compensatoires. Les établissements qui étaient prêts à les accueillir ne pouvaient accepter leur candidature, faute de place ou parce qu'ils n'étaient pas agréés par la direction régionale des affaires sanitaires et sociales. De plus, ces jeunes diplômés n'avaient plus le statut d'étudiants qui leur aurait permis de suivre un stage. La durée de ces stages complémentaires leur paraissait enfin excessive, compte tenu de l'année supplémentaire que comportent les études théoriques en Belgique et des expériences professionnelles dont certains pouvaient déjà se prévaloir.
Des diplômés ont donc saisi le Médiateur de la République afin que leur cas soit réexaminé.
Celui-ci est intervenu auprès du ministre chargé de la Santé qui a accepté de diminuer la durée des stages de manière significative.
De plus, afin de faciliter l'accomplissement rapide de ces mesures compensatoires, le nombre des régions au sein desquelles elles peuvent désormais être réalisées, a été récemment augmenté. Le ministre de l'Education nationale, de la Recherche et de la Technologie a également été saisi pour appeler l'attention des responsables des instituts de formation en orthophonie sur l'obligation, en application du droit communautaire, d'accueillir favorablement les demandes des candidats dans les meilleurs délais, permettant ainsi aux stagiaires d'obtenir au plus vite l'homologation de leur diplôme.

Service national – Report d'incorporation

Réclamation n° 99-2873, transmise par M. Pierre LEQUILLER, député des Yvelines

M. M... s'est vu refuser le report d'incorporation au service national qu'il avait sollicité au titre de l'article L. 5 bis A du code du service national par la commission régionale de dispense. Il était donc appelé sous les drapeaux en juin 1999.
Il est apparu que son incorporation aurait eu non seulement pour effet de compromettre son insertion professionnelle mais aussi de faire perdre son travail à sa concubine.
A la suite de l'intervention du Médiateur de la République, M. M... a été placé en appel décalé. Cela lui a permis de constituer un dossier de demande de dispense du service national actif conformément à l'article L. 32 du code du service national, ce qui était plus approprié compte tenu de la particularité de sa situation. Cette dispense lui a été accordée fin septembre 1999.

2. Thème de réflexion : les agriculteurs

Selon les chiffres publiés par le ministère de l'Agriculture et de la Pêche, l'agriculture occupe aujourd'hui 33 millions d'hectares sur les 55 millions du territoire métropolitain français. La répartition du territoire agricole entre les terres arables (61 %), les superficies toujours en herbe (35 %) et les cultures permanentes (4 %) ne se modifie que très lentement, même si, depuis le milieu des années soixante, les cultures fourragères connaissent une diminution continue de leurs surfaces au profit des grandes cultures. La réforme de la politique agricole commune (PAC) de 1992 a cependant modifié la composition des terres arables, avec une régression des surfaces en céréales, oléagineux et protéagineux. Dans le même temps, les surfaces en jachère ont progressé.
Par ailleurs, toujours selon les mêmes sources, à la fin de 1997, on dénombrait 679 800 exploitations agricoles, soit une diminution de 46 % par rapport à l'année 1979. Cette diminution est particulièrement sensible pour les exploitations individuelles, alors que le nombre des sociétés agricoles, comme les groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC), est en progression constante.
Quel que soit le mode d'exploitation choisi par l'agriculteur, celui-ci est soumis à un contexte extrêmement réglementé et subit de ce fait, indépendamment de toute considération économique, de fortes contraintes dans l'exercice de son activité.
En effet, qu'il s'agisse du contrôle ou de l'orientation des productions, notamment dans le cadre de la PAC, ou des interventions sur les structures des exploitations, le monde agricole est largement encadré par l'administration et les décisions que celle-ci est amenée à prendre peuvent être source de litiges.
Si l'on exclut les questions relatives à leur protection sociale ainsi que celles concernant la fiscalité, les réclamations présentées au Médiateur de la République par les agriculteurs portent sur deux questions principales : les aides à l'agriculture productive et les interventions sur les structures des exploitations. Près de 300 réclamations mettant en cause des décisions administratives prises dans ces domaines ont été soumises à la Médiature entre le 1er janvier 1994 et le 31 juillet 1999.

A. Les aides à l'agriculture productive

En 1997, le montant des aides à l'agriculture productive a atteint 73 milliards de francs, sur un total de plus de 169 milliards de concours publics, nationaux et européens, bénéficiant à l'agriculture.
Ces aides sont consacrées en grande partie au soutien et à l'orientation des productions (plus de 60 milliards) et consistent, par exemple, en des primes versées à la tête de bétail en élevage ou en des primes à l'hectare de grandes cultures. Ces concours visent également à la maîtrise de l'offre (notamment par le gel des terres, la réduction des quotas laitiers ou l'arrachage de vignes ou de vergers), à faciliter l'installation ou la modernisation des exploitations et à indemniser les pertes liées aux calamités agricoles.
Quelle que soit l'aide envisagée, son octroi est tout d'abord subordonné aux conditions dans lesquelles l'exploitant exerce son activité.

a. Les conditions d'exercice de l'activité

Pour bénéficier de certaines subventions destinées à l'agriculture, le demandeur doit consacrer une part importante de ses activités professionnelles à son exploitation. C'est ce qu'illustre la réclamation n° 95-2790, transmise par M. Joël SARLOT, député de la Vendée.
Mme D... avait obtenu en mai 1990 le bénéfice de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs (DJA). Lors du deuxième versement de celle-ci, la direction départementale de l'Agriculture et de la Forêt (DDAF) a constaté que l'intéressée occupait, en plus de son activité agricole, un emploi salarié ne permettant plus de la considérer comme agricultrice à titre principal.
La DDAF l'a donc déchue de ses droits.
Contestant cette décision, Mme D... a sollicité l'intervention du Médiateur de la République, qui s'est rapproché de la DDAF et du ministère de l'Agriculture.
La situation de la réclamante relevait des dispositions du décret n° 88-176 du 23 février 1988, qui prévoit, en son article 3, que "le jeune agriculteur, candidat aux aides mentionnées à l'article 1er, doit en outre s'engager à exercer dans un délai d'un an (ou de cinq ans au maximum en cas de cultures pérennes) et pendant dix ans, la profession d'agriculteur à titre principal en qualité de chef d'exploitation sur un fonds répondant aux conditions fixées par le présent décret. Est considéré comme agriculteur à titre principal l'exploitant qui consacre à son activité agricole plus de 50 % de son temps de travail et en retire au moins 50 % de ses revenus."
En effet, si rien n'interdit à l'exploitant d'exercer une activité salariée extérieure, celui-ci doit néanmoins consacrer plus de 50 % de son temps de travail à l'activité agricole. Il doit, en outre, pouvoir être considéré comme une unité de travail déterminée selon les conditions fixées par le règlement CEE n° 449/82 du 15 février 1982, c'est-à-dire consacrer 2 300 heures par an aux travaux agricoles.
Or, en l'espèce, Mme D... ne consacrait pas à cette activité professionnelle plus d'un mi-temps. Par conséquent, le Médiateur de la République a estimé qu'aucun dysfonctionnement n'était imputable à l'administration.
Si le temps consacré à l'exploitation revêt un caractère déterminant pour bénéficier de certaines aides, la qualification professionnelle peut également être un critère d'attribution. La non-qualification entraîne d'importantes conséquences, ainsi que le montre le dossier n° 95-1814, transmis par M. Alain MARLEIX, député du Cantal.
M. A... se plaignait de ne pas avoir perçu une aide financière dénommée "prime au cédant".
Après avoir été informé d'un avis favorable rendu par la commission départementale des structures agricoles en vue de la distribution d'une prime, le réclamant a cédé son exploitation par bail à ferme à Mme B... Or, en dépit de cette cession, l'aide ne lui a pas été versée et l'intéressé a affirmé que ses démarches ultérieures auprès des services compétents n'avaient pas abouti.
Sollicité par M. A..., le Médiateur de la République a estimé que la position définitive prise par l'administration ne pouvait être remise en cause. En effet, le bénéfice de la prime au cédant est subordonné à deux conditions tenant tant au cédant qu'au cessionnaire. Le cessionnaire doit remplir les conditions de qualification nécessaires pour pouvoir prétendre aux aides relatives à l'installation. Or, Mme B... ne justifiant pas de cette qualification, les conditions de l'attribution de l'aide n'étaient pas réunies au moment de la cession.
Cependant, les investigations auxquelles a procédé le Médiateur de la République ont révélé que M. A... pouvait se voir accorder l'aide demandée, sous réserve que Mme B... acquière, dans de brefs délais, la capacité professionnelle requise.
Malheureusement, Mme B... n'a pas satisfait à cette condition. Par conséquent, aucune décision d'attribution de prime en faveur de M. A... n'a pu intervenir par la suite, faute de qualification de la cessionnaire.
Dans certains cas, ce sont les conditions dans lesquelles la production est organisée qui déterminent le droit à versement de subventions, comme l'illustre la réclamation n° 96-4035 transmise par M. Georges DESSAIGNE, ancien sénateur de la Mayenne.
M. et Mme R... étaient en litige avec la DDAF à la suite du refus de transfert de références laitières qui leur avait été opposé par la préfecture de leur département.
Saisi, le Médiateur de la République a étudié la situation des réclamants. Leur demande de transfert de références laitières avait reçu, dans un premier temps, un avis favorable de principe de la part de la commission mixte départementale.
Mais, les contrôles effectués ultérieurement par la DDAF et l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers (ONILAIT) ont démontré que M. R... n'avait pas lui-même livré le lait de son exploitation mais qu'il y avait mutualisation avec la production d'un autre agriculteur par l'utilisation d'un seul réservoir.
Or ce comportement constitue un détournement de la réglementation sur les quotas laitiers. En effet, le transfert de références laitières ne peut se faire qu'entre producteurs. La notion de producteur de lait est définie à l'article 12.c du règlement 857/84 du Conseil européen du 31 mars 1984, qui dispose que le producteur est "l'exploitant agricole, personne physique ou morale ou groupement de personnes physiques ou morales dont l'exploitation est située sur le territoire géographique de l'Union européenne, qui vend du lait ou d'autres produits laitiers directement au consommateur et/ou qui livre à l'acheteur". En raison de cette définition, confirmée par la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, le producteur doit livrer directement son lait. Dès lors, l'organisation de la collecte de lait entre deux producteurs par la passation d'un contrat de prestation de services constitue un détournement de la réglementation communautaire.
M. R..., n'ayant pas livré directement, ne pouvait donc être considéré comme un producteur de lait ; de plus, Mme R..., continuant l'activité sur l'exploitation de son mari mais n'ayant pas repris personnellement l'activité laitière dans les délais imposés par la réglementation, ne pouvait être reconnue comme titulaire de références laitières.
En l'espèce, le ministère chargé de l'Agriculture a fait preuve de vigilance quant à la qualification de producteur de lait. De plus, les agriculteurs eux-mêmes condamnent de tels agissements car ils considèrent qu'ils desservent les intérêts de la profession.
Considérant qu'aucun dysfonctionnement ne pouvait être reproché à l'administration, le Médiateur de la République a procédé à la clôture du dossier.
Par ailleurs, en vertu de la législation en vigueur, le versement de subventions agricoles ne peut se cumuler avec la perception de pensions. Cette question du non-cumul est source de différends qui ont été soumis au Médiateur de la République, comme le montre le dossier n° 95-1596 transmis par M. Alain DUFAUT, sénateur de Vaucluse.
M. G... a obtenu, par décision préfectorale du 31 mai 1991, une aide au retrait des terres arables pour une partie de son exploitation agricole. Or, malgré un contrôle effectué en septembre 1993, attestant que les terres avaient été retirées de la production et entretenues conformément aux engagements souscrits, le ministère chargé de l'Agriculture a décidé, en décembre 1993, de résilier d'office le contrat à compter du soixantième anniversaire de M. G...
Contestant cette décision, le réclamant a souhaité l'intervention du Médiateur de la République.
Le retrait des terres arables est régi par le décret n° 88-1049 du 18 novembre 1988 pris en application du règlement CEE n° 1272/88 de la Commission du 29 avril 1988. L'article 1er dudit décret dispose que peuvent présenter une demande "les producteurs qui ne bénéficient pas d'un avantage servi par un régime de base obligatoire d'assurance vieillesse à la date de dépôt du dossier".
Dès lors, compte tenu du cumul, réglementairement impossible, de l'aide au retrait des terres arables avec la pension militaire de retraite que percevait M. G..., le ministère chargé de l'Agriculture a prononcé la résiliation du contrat à compter du soixantième anniversaire de l'intéressé : pensionné militaire au moment de la demande initiale, M. G... n'était donc pas éligible à l'aide au retrait des terres arables.
La non-déclaration par le réclamant de sa pension militaire de retraite aurait dû être assimilée à une fausse déclaration et entraîner la répétition de l'indu mais le ministère, prenant en considération les circonstances de l'affaire ainsi que l'intervention du Médiateur de la République, a renoncé à exiger le remboursement des sommes versées.
Il arrive que l'administration aille au-delà des textes dans l'appréciation de certains droits et exige que les intéressés remplissent des conditions non prévues par la législation ou la réglementation en vigueur.
Face à de telles situations, l'intervention du Médiateur de la République est particulièrement ferme, comme ce fut le cas dans le dossier n° 96- 1765 transmis par M. René GARREC, sénateur du Calvados.
M. M..., qui exerçait une activité professionnelle salariée, avait en outre une activité agricole au titre de laquelle il cotisait régulièrement à la Mutualité sociale agricole (MSA).
Des sangliers ayant causé des dégâts à certaines des parcelles qu'il exploitait en prairies, il a sollicité, en 1995, une indemnisation de la commission "dégâts de gibier", placée sous l'égide de l'Office national de la chasse (ONC). Un refus lui a été opposé au motif qu'il n'était que "cotisant solidaire" à la MSA et ne pouvait être considéré comme "exploitant".
Cette position résultait d'une décision du 10 mars 1994 de la commission nationale d'appel, composée de représentants de l'ONC et des syndicats agricoles. Cette directive interne excluait notamment les agriculteurs retraités ou ceux exerçant une activité professionnelle, comme M. M..., qui, bien que possédant le statut d'ayant droit à la MSA, n'étaient pas reconnus comme exploitants.
M. M..., s'estimant lésé, a sollicité le Médiateur de la République qui est intervenu auprès du ministère de l'Environnement en faisant valoir que la discrimination établie à l'encontre des "cotisants solidaires" ne résultait d'aucun texte.
En effet, les articles L. 226-1 et suivants du code rural, fondement législatif du dispositif d'indemnisation, ne mentionnent pas la qualité professionnelle de la victime des dégâts de gibier et ne comportent pas de restrictions particulières quant aux bénéficiaires de l'indemnisation. Cette analyse a été confortée par la jurisprudence de la Cour de cassation ( voir arrêt Pailhes du 25 juin 1998).
Par ailleurs, le Médiateur de la République a relevé que la décision de mars 1994 précitée rappelait que "les indemnisations ne peuvent être prises en compte qu'après s'être assuré que les parcelles qui ont subi des dégâts sont bien déclarées à la MSA".
Or, il n'était pas contesté que les parcelles en cause remplissaient ces conditions.
Après de multiples interventions du Médiateur de la République rappelant les textes applicables, le directeur de l'ONC a finalement donné instruction à ses services de régler à M. M... l'indemnité qui lui revenait de droit. Ce paiement est enfin intervenu en mai 1999.

b. Un régime déclaratif

L'attribution de subventions aux agriculteurs français s'effectue selon de nombreuses procédures qui diffèrent en fonction de l'aide sollicitée.
Néanmoins, elles reposent toutes sur un régime déclaratif : tout agriculteur désireux d'obtenir une aide agricole doit effectuer une déclaration auprès des services du ministère de l'Agriculture et de la Pêche.
Les formulaires que remplissent les agriculteurs à cette occasion sont parfois complexes. Ils doivent toutefois être renseignés avec minutie, car les choix opérés à ce moment-là conditionnent le versement des aides qui peuvent être attribuées.
C'est ce qu'illustrent les dossiers n° 94-5290, n° 94-5292 et n° 94-5293 présentés conjointement au Médiateur de la République par M. Georges TREILLE, ancien sénateur des Deux-Sèvres.
Dans le cadre des déclarations des superficies agricoles exploitées ou gelées et des demandes d'aides aux cultures arables pour 1993, MM. R..., P... et S..., agriculteurs, ont mal complété les formulaires destinés à la DDAF.
Il est vrai que le formulaire de 1993 pouvait prêter à confusion dans la mesure où la case "surfaces non aidées", qui regroupe les "surfaces fourragères" et les "autres surfaces", n'était pas subdivisée.
Ces agriculteurs ont ainsi, par erreur, déclaré leur surface de maïs destiné à l'ensilage à la rubrique "maïs" et ont coché la case "aide non demandée".
Le Médiateur de la République a saisi le directeur départemental de l'Agriculture et de la Forêt puis le ministre chargé de l'Agriculture pour que soit réexaminée la possibilité d'attribuer à ces trois agriculteurs les primes qu'ils sollicitaient.
Cependant, satisfaction n'a pu leur être apportée.
En effet, au moment de remplir leur formulaire d'aides aux cultures arables, les agriculteurs sont invités à choisir entre l'octroi d'aides aux cultures et l'allocation de primes animales, en fonction du nombre d'unités de gros bétail qu'ils possèdent par hectare de surface fourragère.
Dans le cas des cultures aidées, dont relève par exemple le maïs, la totalité des surfaces ainsi exploitées est retenue pour le calcul des droits versés à ce titre aux agriculteurs. Cependant, les parcelles pour lesquelles une aide est demandée ne sont pas prises en compte par ailleurs dans le calcul des superficies fourragères, dont la déclaration détermine le versement des aides au cheptel.
S'ils choisissent le bénéfice des primes animales, les exploitants s'assurent d'abord de percevoir la totalité des primes auxquelles ils peuvent prétendre en matière de productions animales et sollicitent éventuellement des primes pour les cultures.
Ce choix n'appartient qu'au seul exploitant, qui doit être en mesure de déterminer l'option la plus avantageuse pour lui. Il n'est pas possible à l'administration d'apprécier l'opportunité de ce choix lors du traitement des dossiers, dans la mesure où la déclaration de primes aux cultures arables est bien antérieure au dépôt des demandes de primes animales.
Certains exploitants découvrent, en fin de campagne, qu'en fonction du nombre de primes animales qu'ils ont sollicitées, leur intérêt aurait été d'augmenter leur surface agricole aidée. Il ne s'agit plus là d'une erreur, mais simplement d'un mauvais choix initial que l'administration ne peut corriger.
A la réception des déclarations de surfaces, la DDAF envoie aux exploitants un état récapitulatif de leur déclaration qui détaille précisément les données enregistrées, à partir desquelles leurs droits seront calculés. Les exploitants sont invités, à cette occasion, à vérifier le montant des aides qui leur sera alloué et à informer, sous dix jours, l'administration de toute erreur de leur part. Il est apparu que les réclamants n'avaient pas accompli cette démarche, ce qui les a privés de l'octroi d'une partie de leurs subventions agricoles.
Les demandes de subventions des agriculteurs doivent, en outre, être déposées dans des délais très stricts. Afin d'éviter tout litige, le formulaire de déclaration et la notice explicative envoyés aux agriculteurs mentionnent clairement : "Votre déclaration doit parvenir à la DDAF du siège de votre exploitation au plus tard le 30 avril (c'est la date de réception à la DDAF qui est prise en compte). En cas de retard, le montant des paiements compensatoires aux surfaces et au cheptel est réduit de 1 % par jour ouvrable de retard. Si ce retard excède 25 jours calendaires, vous ne pourrez bénéficier d'aucun paiement compensatoire pour les cultures arables et aucune surface fourragère ne pourra être prise en compte pour les primes bovines et les indemnités compensatoires aux handicaps naturels". L'envoi par lettre recommandée avec avis de réception est conseillé pour éviter toute déconvenue. La date du 30 avril résulte d'une décision 96/169 du 14 février 1996 par laquelle la Commission européenne a autorisé la République française à fixer cette date limite ; il s'agit d'une date limite stricte à laquelle il est impossible de déroger (sauf cas de force majeure, comme il sera vu plus loin) quelle que soit la raison invoquée, comme l'illustre la réclamation n° 98-1132 transmise par M. Yvon MONTANE, député du Gers.
Mme D..., agricultrice, âgée de plus de 70 ans et rencontrant de graves problèmes de santé attestés par un certificat médical, a déposé tardivement sa déclaration de surfaces de 1996. Elle a ainsi été privée du paiement compensatoire aux cultures arables pour l'année concernée, ce qui a mis son exploitation dans une situation critique.
Saisi du dossier de l'intéressée, le Médiateur de la République n'a pu lui venir en aide : la réglementation communautaire prévoit une date limite de dépôt des dossiers fixée au 30 avril, alors que celui de Mme D... a été réceptionné à la fin du mois d'octobre 1996 par la DDAF, soit largement après le délai maximal de 25 jours au-delà duquel le dossier est en tout état de cause irrecevable. Les dispositions européennes sont d'autant plus strictes d'application qu'elles ont pour objet de permettre une instruction, un contrôle des demandes et un paiement des primes dans les délais autorisés.
Sans être mésestimés, les problèmes de santé et l'âge avancé de la réclamante ne pouvaient malheureusement pas constituer une raison qui permette à Mme D... d'obtenir le versement des aides compensatoires qu'elle réclamait.
En revanche, comme il a été signalé plus haut, le règlement n° 746/96 de la Commission européenne du 24 avril 1996, portant modalités d'application du règlement n° 2078/92 du Conseil, permet aux Etats membres d'admettre que les déclarations soient déposées en dehors des délais prescrits en cas de force majeure. L'article 12 de ce règlement énumère six circonstances qui peuvent être regardées comme constitutives d'un cas de force majeure. Mais, là encore, l'appréciation de l'administration s'effectue avec rigueur, comme l'illustre la réclamation n° 98-4913 transmise par M. Raymond SOUCARET, sénateur de Lot-et-Garonne.
Mme S..., agricultrice, n'a pas pu déposer à temps sa déclaration de surfaces pour l'année 1998 en raison de graves problèmes familiaux. En effet, son mari, qui s'occupait seul de toutes les démarches administratives est décédé en mai 1998, après avoir perdu auparavant les capacités de s'exprimer. Mme S... n'a pas pu communiquer avec lui avant son décès et ce n'est que plus tard qu'elle s'est aperçue de l'oubli du dépôt de la déclaration. Or, le décès de l'exploitant constitue un des cas de force majeure énumérés à l'article 12 du règlement n° 746/96, et c'est précisément le décès du mari de Mme S... qui a entraîné le retard dans les demandes. Cependant, l'administration faisait valoir à Mme S... que rien ne faisait obstacle à ce que le dossier soit déposé dans les délais par toute personne susceptible de suppléer à l'indisponibilité de son mari. C'est pour ce motif qu'elle s'est vu refuser le bénéfice des aides compensatoires prévues au titre de la PAC.
Après avoir épuisé toutes les voies de recours administratifs, l'intéressée a saisi le Médiateur de la République qui s'est rapproché des services du ministère de l'Agriculture et de la Pêche afin qu'ils reconnaissent à Mme S... le cas de la force majeure et qu'ils considèrent la déclaration de surfaces de l'intéressée comme recevable. En effet, les cultures réalisées sur son exploitation pendant l'année en cause étaient éligibles aux aides compensatoires et la perception de ces subventions était indispensable à la survie de son exploitation.
L'administration a procédé à un nouvel examen du dossier de Mme S... et il est apparu qu'elle était gérante de l'exploitation familiale.
Par conséquent, il n'a pas été juridiquement possible de reconnaître que la situation relevait de la force majeure.
Estimant que la réglementation n'est pas satisfaisante, le Médiateur de la République envisage actuellement une proposition de réforme afin que soient étendus les domaines d'application de la force majeure à la dépossession de terrains consécutive à leur cession.

c. Des contrôles rigoureux

Dans le souci d'éviter toute démarche frauduleuse, la demande de l'agriculteur fait l'objet d'une vérification minutieuse de la part des services de l'Etat, le plus souvent les directions départementales. Les demandes présentées sont également soumises à différents contrôles accomplis par des organismes nationaux comme le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA), l'ONILAIT, l'Office national interprofessionnel des céréales (ONIC), voire par des structures au niveau européen depuis la mise en oeuvre de la politique agricole commune, tel le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA).
La déclaration de surfaces remise aux agriculteurs s'accompagne d'une notice qui appelle leur attention sur la nécessaire rigueur que doit revêtir leur déclaration ; elle reprend notamment le barème des pénalités éventuellement applicables afin que le caractère dissuasif de celles-ci soit pleinement perçu par les intéressés. En effet, le strict contrôle des subventions communautaires à l'agriculture correspond à la volonté affichée des Etats membres de l'Union européenne de limiter les irrégularités et de maîtriser les dépenses publiques. Le ministère chargé de l'Agriculture est donc tenu à une application rigoureuse des règlements communautaires car, dans le cas contraire, la responsabilité financière de l'Etat vis-à-vis de l'Union européenne se trouverait engagée. Dans un tel contexte, l'action du Médiateur de la République ne peut être que limitée, comme l'illustre le dossier n° 95-1859 transmis par M. Jean-Louis BERNARD, député du Loiret.
Le 15 avril 1994, M. R... a sollicité l'aide compensatoire de terres arables prévue par le règlement CEE n° 1765/92 du 30 juin 1992. A cette occasion, il a déclaré une surface de 15,92 hectares de colza. A l'issue d'un contrôle effectué le 4 juillet 1994, les services de l'ONIC ont estimé que certaines parcelles n'étaient pas éligibles, ce qui a eu une incidence défavorable sur le montant des primes que M. R... espérait percevoir.
Saisi par M. R..., le Médiateur de la République est intervenu auprès du directeur départemental de l'Agriculture et de la Forêt, puis du ministre chargé de l'Agriculture, pour que lui soient précisés les critères sur lesquels s'était appuyé l'ONIC pour écarter certaines parcelles.
Pour être éligible, la culture doit être semée sur la totalité de la parcelle pour laquelle l'aide compensatoire est demandée, et conformément aux normes usuelles dans le département : une densité trop faible de semis rend donc une culture inéligible.
De plus, les cultures oléo-protéagineuses, comme le colza, doivent être entretenues au moins jusqu'au début de la floraison dans des conditions locales de croissance normale. Ces dispositions avaient fait l'objet de circulaires ministérielles largement diffusées par voie de presse professionnelle ou régionale.
Il n'appartient pas au Médiateur de la République de remettre en cause les appréciations techniques faites par les services agricoles sur les "normes usuelles de culture dans le département" ni sur les "conditions locales de croissance normale".
Cependant, il est apparu, que sur les 7,96 hectares déclarés en colza sur un des îlots, 65 ares étaient en sol nu, anomalie que l'intéressé a lui-même reconnue.
Le Médiateur de la République a donc estimé qu'aucun dysfonctionnement ne pouvait être reproché aux services compétents qui ont correctement appliqué les textes communautaires pour l'évaluation du champ "primable".
A l'occasion des contrôles qu'elle exerce, l'administration est conduite à qualifier les anomalies qu'elle décèle dans les déclarations et cette qualification a une incidence non négligeable pour l'agriculteur en cause. Aussi convient-il de distinguer la "fausse déclaration faite délibérément" de la "fausse déclaration faite par négligence grave". Cette distinction fut l'objet de la réclamation n° 98-3675 présentée par M. Marc DOLEZ, député du Nord.
M. L..., agriculteur, contestait la décision préfectorale du 21 novembre 1997 prise à son encontre, qui qualifiait de "fausse déclaration faite par négligence grave" les écarts constatés lors du contrôle effectué sur son exploitation agricole à la suite de sa demande de paiement compensatoire aux cultures et de sa déclaration des surfaces fourragères 1997. Dans son recours hiérarchique auprès des services ministériels, M. L... avançait des arguments mettant en évidence que le point de départ des différences constatées lors du contrôle de son exploitation reposait sur une inversion de parcelles : il confirmait qu'il s'agissait d'une erreur de sa part, mais s'insurgeait contre la qualification de faute grave qui entraînait des pénalités importantes mettant son exploitation et sa famille en grande difficulté.
N'ayant pas obtenu de suite favorable à son recours hiérarchique, M. L... a saisi le Médiateur de la République, qui s'est rapproché des services du ministère de l'Agriculture et de la Pêche. Si la déclaration inexacte de M. L... a été qualifiée de "fausse déclaration faite par négligence grave," les services compétents ont informé le Médiateur de la République que cette qualification, retenue dans la décision préfectorale de novembre 1997, ne mettait pas en doute la bonne foi de cet exploitant.
Dans la négative, elle aurait été qualifiée de "fausse déclaration faite délibérément" avec les pénalités encore plus lourdes qui en découlaient, c'est-à-dire l'exclusion de tout régime d'aide agricole au titre de l'année civile suivant la déclaration erronée, pour une superficie égale à celle pour laquelle sa demande d'aides a été refusée l'année en cours. C'est pour cette raison que la réclamation de M. L... n'a pu recevoir de suite favorable et que l'intéressé a été privé d'aides compensatoires aux surfaces cultivées pour l'année 1997.

d. Le remboursement de trop-perçus

Le Médiateur de la République est également saisi par des agriculteurs auxquels l'administration réclame le remboursement d'aides agricoles versées à tort, mais ce remboursement peut engendrer des difficultés. Si la demande de remboursement est fondée, la seule possibilité d'intervention qui s'offre au Médiateur de la République consiste à essayer d'obtenir des délais de paiement et des mensualités compatibles avec les possibilités financières de l'intéressé.
En effet, en application des règlements CEE n° 3508/92 du Conseil en date du 27 novembre 1992 et n° 3887/92 de la Commission en date du 23 décembre 1992 établissant un système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires, les Etats membres sont tenus de procéder à la récupération des sommes indûment versées. Cette situation est illustrée par la réclamation n° 97-3618, transmise par M. Bernard CHARLES, député du Lot.
N'ayant pas respecté les conditions de ces règlements, M. C... a été déchu de ses droits et condamné à rembourser les primes indues sur les aides compensatoires aux surfaces des récoltes 1994 et 1995. Il a demandé au directeur général de l'ONIC et au président-directeur général de la société interprofessionnelle des oléagineux, protéagineux et cultures textiles (SIDO) la remise gracieuse des sommes dues qui s'élevaient à 276 863,88 F. Si ses demandes ont été rejetées, M. C... s'est cependant vu proposer un plan de règlement de sa dette par versements mensuels de 11 500 F pendant deux ans.
Estimant ne pouvoir faire face à cette obligation, M. C... a sollicité l'intervention du Médiateur de la République afin d'obtenir un échéancier de paiement plus raisonnable.
A la suite des démarches entreprises par le Médiateur de la République, M. C... s'est vu proposer, par les dirigeants de l'ONIC et de la SIDO un remboursement de sa dette sur une durée de quatre ans avec des versements mensuels adaptés à sa situation financière.
En revanche, il est arrivé qu'une demande de reversement de la somme perçue soit annulée grâce à l'intervention du Médiateur de la République, l'administration acceptant de reconnaître son erreur, comme l'illustre la réclamation n° 96-2335 transmise par M. Michel VUIBERT, ancien député des Ardennes.
M. T... a présenté une demande d'aide à la cessation d'activité laitière le 7 juillet 1988. Cette aide lui a été accordée par une décision préfectorale en date du 18 octobre suivant. Or, entre la date de sa demande et celle de la décision préfectorale, M. T... a pris sa retraite le 1er octobre 1988.
Estimant qu'il ne pouvait cumuler cette aide avec sa pension de retraite, le CNASEA lui a demandé de reverser le montant de l'aide perçue, soit un total de 26 985,60 F. M. T... a alors présenté une demande de remise gracieuse, mais la commission des recours du CNASEA n'a pas réservé une suite favorable à sa requête. C'est ainsi qu'il a sollicité l'aide du Médiateur de la République.
Celui-ci s'est rapproché du ministre chargé de l'Agriculture en faisant valoir que si la décision préfectorale avait été prise avant le 1er octobre 1988, M. T... aurait bénéficié de son indemnité annuelle de 8 995,20 F pendant sept ans. En effet, la retraite agricole intervenant après la décision d'octroi de l'aide est, en ce cas, cumulable avec celle-ci. L'article 15 du décret n° 87-278 du 21 avril 1987 indique toutefois qu'en cas de cumul éventuel de cette aide avec une pension de retraite, la partie de l'aide excédant 12 000 F doit être réduite de 30 %. Mais, en l'espèce, le montant de l'aide de M. T... était inférieur à ce seuil.
Sensible à ces arguments, et admettant que M. T... n'était en rien responsable des délais de l'administration pour lui accorder l'aide sollicitée, le ministre a demandé au CNASEA d'abandonner la procédure de recouvrement engagée à l'encontre de l'intéressé.

B. Les interventions sur les structures d'exploitation

L'article L. 111-1 du code rural précise que l'aménagement et le développement économique de l'espace rural constituent une priorité essentielle de l'aménagement du territoire. A cet effet, de nombreuses actions administratives peuvent intervenir en matière d'aménagement rural. Dans ce domaine, le Médiateur de la République est principalement saisi de réclamations relatives au remembrement et aux décisions des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER). Il a eu également à connaître de litiges relatifs aux aides au regroupement d'exploitations.

a. Le remembrement

Parmi les modes d'aménagement foncier, le remembrement est sans aucun doute le plus utilisé. L'article L. 123-1 du code rural précise qu'il s'applique aux propriétés rurales non bâties et se fait au moyen d'une nouvelle distribution des parcelles morcelées et dispersées. Il a principalement pour but de constituer des exploitations agricoles d'un seul tenant ou à grandes parcelles bien groupées afin d'améliorer l'exploitation des biens qui y sont soumis, ainsi que l'aménagement rural du périmètre dans lequel il est mis en oeuvre. Depuis l'origine, le remembrement a affecté environ 13 millions d'hectares, soit plus de 40 % de la surface agricole utile du territoire national, selon les données du ministère de l'Agriculture et de la Pêche publiées en 1999.
Les possibilités d'intervention du Médiateur de la République en la matière sont particulièrement limitées. En effet, les opérations d'aménagement foncier sont conduites par des commissions d'aménagement foncier dont le fonctionnement répond à des règles strictes de procédure prévues aux articles L. 121-2 à L. 121-12 du code rural. Le Médiateur de la République ne peut remettre en cause ou apprécier la pertinence des choix opérés par les commissions départementales d'aménagement foncier, seules habilitées, sous le contrôle du juge administratif, à procéder à la répartition des terres.
Cette procédure rend difficile toute tentative de médiation en équité. De plus, une intervention du Médiateur de la République pourrait être de nature à remettre en cause les droits de propriété des tiers.
Or, les décisions de la commission départementale d'aménagement foncier entraînent, après affichage en mairie de l'arrêté préfectoral, un transfert de propriété des nouvelles parcelles de même qu'un report sur celles-ci des droits portant sur les anciennes parcelles.
Ainsi, le Médiateur de la République n'a pu utilement soutenir les quelques réclamations qui lui ont été soumises tendant à remettre en cause le bien fondé d'opérations de remembrement.
Par ailleurs, après l'adoption définitive du plan de remembrement, lorsqu'un propriétaire ou un titulaire de droits réels a été évincé du remembrement par erreur, il dispose, en application de l'article L. 123-16 du code rural, d'un délai de cinq ans, à partir de la date d'affichage en mairie de l'arrêté préfectoral fixant le plan définitif du remembrement, pour saisir la commission départementale afin de lui demander la rectification des documents de remembrement. Ce délai de cinq ans, lié au problème du droit de propriété, est la source de quelques litiges, comme l'illustre le dossier n° 94-4565 transmis par M. Jean-Charles CAVAILLÉ, député du Morbihan.
M. A... avait acheté en 1963 une maison d'habitation sur le territoire d'une commune rurale. En 1990, souhaitant faire établir un acte de donation en faveur de l'un de ses enfants, M. A... sollicita, par l'intermédiaire de son notaire, un document d'arpentage. Le géomètre expert découvrit à cette occasion que, à la suite du procès-verbal de remembrement arrêté en 1976, la parcelle cadastrée figurait au nom de M. R... : consultée, la DDAF a reconnu l'existence d'une erreur matérielle, ce qui fut confirmé par l'association foncière de remembrement de la commune.
Néanmoins, M. R..., bien qu'il n'ait jamais auparavant tenté de faire valoir son titre de propriété, refusa de reconnaître l'erreur et s'opposa à tout arrangement amiable.
Face à cette situation, M. A... a sollicité l'intervention du Médiateur de la République.
La situation de M. A... résultait d'un dysfonctionnement évident et reconnu des services chargés, en 1976, des opérations de remembrement sur la commune de R... Néanmoins, une rectification des documents du remembrement était devenue impossible puisque celle-ci ne peut intervenir que pendant une période de cinq ans à compter de l'affichage en mairie. L'erreur est regrettable car le réclamant n'était pas juridiquement propriétaire d'un bien acquis légalement et dont il avait usé pendant près de trente ans.
Néanmoins, le transfert de propriété, même entaché d'erreur manifeste, étant devenu définitif, seule une action en justice pourrait permettre à M. A... de retrouver la pleine possession de son bien. Toutefois, l'administration ayant reconnu spontanément son erreur, le Médiateur de la République a invité le réclamant à déposer auprès du ministre chargé de l'Agriculture une demande d'indemnisation.
Dans son rapport pour l'année 1993, le Médiateur de la République a souligné l'importance qui s'attache à une information la plus complète possible des propriétaires visés par les opérations de remembrement, en raison des conséquences radicales qu'elles induisent quant au droit de propriété.

b. Les SAFER

Instituées par la loi d'orientation agricole n° 60-808 du 5 août 1960 et actuellement codifiées aux articles L. 141-1 et suivants du code rural, les SAFER sont des sociétés, dans la plupart des cas régionales, constituées sous la forme de sociétés anonymes sans but lucratif et dont font partie les principaux organismes et organisations professionnels des départements concernés ou encore le CNASEA. Elles ont pour objet principal d'acquérir des terres, des exploitations agricoles ou forestières en vue de les revendre, le cas échéant, après aménagement afin d'accroître la superficie de certaines exploitations, de faciliter la mise en culture du sol ainsi que l'installation ou le maintien d'agriculteurs.
Pour leur permettre de remplir les missions qui leur sont confiées, un droit de préemption leur a été reconnu. Ayant connaissance de toutes les mutations de biens ruraux dans le ressort de leurs circonscriptions, elles peuvent se porter acquéreurs prioritaires des biens agricoles ou forestiers mis librement en vente sur le marché chaque fois qu'il leur paraît possible de réaliser un meilleur aménagement foncier.
Cependant, le droit de préemption accordé aux SAFER ne revêt pas un caractère obligatoire. En effet, la SAFER reste toujours entièrement libre de l'exercer ou non et elle peut s'abstenir de faire jouer cette prérogative, comme l'illustre le dossier n° 96-1966 transmis par M. Michel HANNOUN, ancien député de l'Isère.
M. R... se plaignait que la SAFER n'ait pas exercé son droit de préemption lors de la vente de deux parcelles contiguës à son exploitation et dont l'acquisition lui aurait permis de développer son activité avicole par la création d'un second poulailler.
Ses différentes démarches auprès de la SAFER et du ministère chargé de l'Agriculture n'ayant pas abouti, M. R... a sollicité l'intervention du Médiateur de la République.
L'instruction du dossier a révélé que la vente des parcelles s'était déroulée dans le respect des procédures en vigueur : conformément au code rural, le notaire chargé de la vente a informé la SAFER en septembre 1994. Celle-ci n'ayant pas exercé son droit de préemption dans le délai de deux mois qui lui était imparti, le notaire a pu procéder à la vente des deux parcelles. Dès lors, la responsabilité de la SAFER ne pouvait être recherchée et aucune action contentieuse n'étant susceptible d'aboutir sur ce fondement, seul un accord amiable avec les autres propriétaires pouvait être envisagé.
Le Médiateur de la République estime qu'il ne lui appartient d'apprécier ni le bien-fondé, ni l'opportunité des choix opérés par les SAFER dans le cadre de l'exercice de leur droit de préemption. Il vérifie cependant que les biens concernés sont compris dans la zone d'action de la SAFER et qu'ils peuvent faire l'objet d'une préemption. Dès lors qu'elle est régulièrement mise en oeuvre, la procédure du droit de préemption exclut toute tentative de médiation en équité. En effet, une telle intervention serait susceptible de remettre en cause les droits de propriété des parties en présence.
C'est ainsi que le Médiateur de la République n'a pu que rejeter la réclamation de M. D... qui contestait la décision d'une SAFER d'exercer son droit de préemption dans le cadre de la vente de la propriété des consorts A... En effet, cette propriété, incluse dans la zone d'action de la SAFER, pouvait faire l'objet d'une préemption (réclamation n° 98-0215 transmise par M. François LESEIN, ancien sénateur de l'Aisne).
Les SAFER n'ont pas vocation à conserver les terres qu'elles acquièrent. Elles doivent, en effet, les rétrocéder.
Cette rétrocession doit intervenir dans un délai de cinq ans (ou dix ans maximum dans les communes en remembrement ou lorsqu'une décision ministérielle le prévoit) ; elle répond à de nombreuses exigences formelles tenant au choix du rétrocessionnaire qui doit être un agriculteur exproprié, un jeune agriculteur ou un agriculteur privé d'exploitation à la suite d'un partage par exemple.
Le candidat doit être capable d'assurer la gestion et la mise en valeur du bien agricole rétrocédé et l'acquéreur de ce bien a l'obligation de respecter un cahier des charges proposé par la SAFER qui impose généralement de ne pas morceler l'exploitation acquise et de lui conserver une destination agricole ou forestière.
Cette rétrocession peut être source de litiges, ainsi que l'illustre le dossier n° 96-4052 transmis par M. Jean GAUBERT, député des Côtes-d'Armor.
Une propriété, constituée d'un bâtiment d'habitation et de 25 ares de terres, avait été acquise par la société bretonne d'aménagement foncier (SBAFER) dans l'exercice de son droit de préemption assorti d'une action en révision du prix.
M. P... était intervenu auprès de la SBAFER pour qu'elle exerce son droit de préemption en indiquant que ces bâtiments permettraient l'installation de son fils dans l'environnement immédiat du siège de sa propre exploitation.
Deux promesses d'achat avaient été successivement signées en juillet et octobre 1992 entre la SBAFER et M. P..., et celui-ci avait effectué un dépôt de garantie.
Alors que tous les éléments étaient réunis, M. P... a fait savoir à la SBAFER qu'il n'entendait plus procéder à la régularisation de l'acte authentique, estimant que la propriété ne se trouvait plus dans le même état que celui dans lequel elle était à la date de la promesse d'achat. Dès lors, la SBAFER a estimé qu'elle était en droit d'engager des poursuites judiciaires contre M. P... visant à obtenir la validation de la promesse d'achat régulièrement acceptée. Celui-ci a donc sollicité l'aide du Médiateur de la République.
Le conseil d'administration de la SBAFER, prenant en compte les arguments du Médiateur de la République relatifs à la situation de M. P..., a accepté de délier ce dernier de ses engagements et de lui restituer une partie de son dépôt de garantie.

c. Les aides aux regroupements d'exploitations

A la suite de la directive européenne n° 159/72 en date du 17 avril 1972, le décret n° 74-129 du 20 février 1974 a institué une aide afin d'encourager les agriculteurs à constituer certains groupements, sociétés et autres structures collectives.
Ce dispositif a été repris en partie par le règlement n° 797/85 du Conseil des communautés européennes, en date du 12 mars 1985, concernant l'amélioration de l'efficacité des structures agricoles.
Dans le même but, l'article 30 du décret n° 85-1144 du 30 octobre 1985, codifié par le décret n° 96-205 du 15 mars 1996 sous l'article R. 343-33 du code rural, a institué au niveau national une aide destinée à alléger les charges de constitution et de première gestion pour regrouper les structures agricoles.
Il est apparu ultérieurement que l'objet de cette aide ancienne, en particulier pour certains types de groupements tels que les GAEC, ne jouait plus le rôle incitatif qu'elle avait eu à l'origine.
L'article 2 du décret n° 97-117 du 10 février 1997 a donc supprimé cette aide pour les GAEC et prévu à l'article 3 de ce texte que ces modifications s'appliquaient à toutes les demandes d'aide déposées après le 31 décembre 1996.
La suppression justifiée de cette aide a été cependant à l'origine de difficultés dont le Médiateur de la République a parfois eu à connaître, comme ce fut le cas lors de l'examen de la réclamation n° 98-3111 transmise par M. Paul GIROD, sénateur de l'Aisne.
MM. B... avaient sollicité en novembre 1996 le bénéfice de cette aide. Ils y avaient droit compte tenu de la réglementation applicable à l'époque.
En effet, aux termes de l'article 3 du décret de 1997 précité, la suppression de l'aide aux GAEC s'appliquait à toutes les demandes déposées après le 31 décembre 1996.
A titre transitoire, une circulaire DEPSE/ SDEEA/N° 7008, en date du 13 février 1997, avait prévu que les demandes d'aide déposées avant le 31 décembre 1996 pourraient être prises en compte mais à condition que le GAEC concerné ait lui-même fait l'objet d'une reconnaissance, par le comité d'agrément, avant cette date. Or, à cette date, le GAEC n'était pas agréé. En effet, le comité d'agrément n'avait pu se réunir, pour des raisons conjoncturelles, que dans les premiers jours de janvier. Toutefois, compte tenu de ces circonstances très particulières, il avait paru possible au directeur départemental de l'Agriculture de déroger à la circulaire.
Mais cette solution s'est heurtée au refus de l'agent comptable du centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) qui ne pouvait engager une telle dépense car elle ne remplissait pas les conditions prévues par les textes. Les représentants du GAEC ont donc sollicité l'intervention du Médiateur de la République.
Lors de l'instruction du dossier, il est apparu que la suppression de cette aide le 31 décembre 1996 avait été rétroactive puisqu'elle résultait d'un décret en date du 10 février 1997. La légalité d'une telle disposition était donc contestable.
Le Médiateur de la République a considéré que le refus opposé au GAEC était anormal dans la mesure où le caractère tardif de sa demande tenait à des motifs purement administratifs qui lui étaient extérieurs.
Mais il était très difficile d'apporter une solution de médiation à cette affaire dans la mesure où, depuis de nombreux mois, la ligne budgétaire alimentant cette aide avait été supprimée. Le Médiateur de la République a donc dû intervenir à plusieurs reprises auprès du ministre chargé de l'Agriculture pour lui faire part de ses observations.
Ce dernier a finalement demandé au CNASEA, organisme payeur, de verser au GAEC, à titre exceptionnel, l'aide de démarrage qu'il avait sollicitée, ce qui fut effectué.

LE SECTEUR AGENTS PUBLICS / PENSIONS

En application de l'article 8 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 modifiée, instituant le Médiateur de la République, le secteur Agents Publics/Pensions n'instruit que les réclamations d'agents publics ayant cessé leurs fonctions ou celles ne mettant pas
en jeu l'exercice du pouvoir hiérarchique de l'administration.
En 1999, le secteur a traité plus de cinq cent réclamations portant essentiellement sur les pensions de retraite et d'invalidité et sur l'attribution d'allocations de chômage aux agents en situation de perte d'emploi.
S'agissant des pensions de retraite, la majorité des litiges concerne les services pris en compte pour la constitution du droit à une pension du régime spécial, les règles de non cumul avec une pension relevant d'un autre régime de retraite pour des périodes d'activité similaires et les droits à pension de réversion du conjoint survivant et des enfants orphelins au décès du retraité.
En ce qui concerne les pensions d'invalidité, les contestations portent généralement sur les refus opposés aux demandes qui en sont faites et sur le taux retenu par les experts médicaux.
S'agissant des allocations pour perte d'emploi, une augmentation très sensible des réclamations a été constatée cette année. Ces réclamations proviennent, pour la plupart, des agents publics relevant de la fonction publique territoriale et hospitalière.
Les différends pour le règlement desquels le Médiateur de la République est le plus sollicité, portent sur la durée d'indemnisation accordée aux agents, l'ouverture des droits et la détermination de l'employeur auquel incombe le paiement du revenu de remplacement.
Les demandes d'allocation de "formation reclassement", très souvent rejetées, sont également à l'origine d'un nombre important de litiges.
Les résultats des médiations effectuées, en 1999, sont stables par rapport à l'année antérieure. En effet, tous domaines d'intervention confondus, les intéressés obtiennent satisfaction dans un tiers des cas, les deux tiers restants correspondant à une solution partielle du problème posé, à de simples informations données aux requérants ou à des demandes dépourvues de fondement.

1. Présentation de quelques cas significatifs

Accidents du travail – Lenteur excessive de l'instruction d'un dossier

Réclamation n° 97-4958, transmise par M. Jacques BASCOU, député de l'Aude

Le 2 septembre 1996, M. C..., ancien brigadier-chef, a été admis à la retraite d'office avec une pension civile de l'Etat rémunérant une carrière complète.
Cependant, ayant été victime, les 7 décembre 1990 et 31 janvier 1991, de deux accidents reconnus imputables au service, M. C... souhaitait également bénéficier d'une allocation temporaire d'invalidité.
Or, six ans après les faits, l'instruction du dossier médical de l'intéressé par le Secrétariat général pour l'administration de la Police était toujours en cours, certains éléments de preuve et des rapports complémentaires d'expertise semblant faire défaut ou avoir été égarés.
M. C..., estimant subir les conséquences inéquitables d'un dysfonctionnement, a sollicité l'intervention du Médiateur de la République.
Il est apparu que deux médecins avaient signalé l'inaptitude définitive de M. C.... Or, l'allocation temporaire d'invalidité est versée aux agents qui, après une maladie ou un accident imputable au service, restent aptes à exercer leurs fonctions malgré leur
infirmité.
A la suite de l'intervention du Médiateur de la République, le ministère de l'Intérieur a demandé que des spécialistes agréés se prononcent sur l'aptitude de M. C... au vu de l'ensemble du dossier médical complexe de l'intéressé.
Après expertise reconnaissant son aptitude, une allocation temporaire d'invalidité a rapidement été accordée à M. C... à titre de régularisation.

Accident du travail – Refus de prise en charge

Réclamation n° 98-1356, transmise par M. Alain CLARY, député du Gard

M. L..., chef de secteur à la SNCF, a été victime d'une agression le 21 mai 1997, alors qu'il se rendait, en voiture, de son domicile à son lieu de travail.
Après s'être arrêté en cours de trajet pour acheter du carburant, il a été agressé par trois individus qui l'ont gravement blessé.
Cet accident, bien que survenu sur le trajet du domicile au lieu de travail, n'a pas été pris en charge par la caisse de prévoyance de la SNCF au titre de la législation sur les accidents du travail, au motif qu'il y avait eu interruption du trajet. Une jurisprudence constante établit, en effet, qu'un accident survenu pendant une interruption de trajet ne peut être pris en charge, quel qu'en soit le motif.
S'estimant lésé de ne pouvoir obtenir réparation malgré ses réclamations, M. L... a souhaité le soutien du Médiateur de la République. Celui-ci a demandé à la SNCF de bien vouloir réexaminer sa demande avec attention, une appréciation moins stricte des circonstances dans lesquelles les faits s'étaient produits pouvant permettre la prise en charge du dommage corporel subi par la victime.
En effet, si M. L... a dû interrompre son parcours pour prendre du carburant, c'est parce qu'il s'agissait d'un acte indispensable à l'utilisation de son véhicule dont l'usage se justifiait par l'incommodité des horaires professionnels de l'intéressé et non par son intérêt personnel.
En réponse au Médiateur de la République, le conseil d'administration de la caisse de prévoyance de la SNCF a admis le bien fondé de la demande de M. L..., et l'a indemnisé.

Retraite complémentaire – Erreur de l'Inspection académique

Réclamation n° 98-1536, transmise par M. Marcel LESBROS, sénateur des Hautes-Alpes

M. M..., cadre retraité de l'enseignement privé, a été victime d'une erreur du ministère de l'Education nationale qui n'a pas déclaré ses traitements antérieurs à l'année 1987 à sa caisse de retraite complémentaire.
La Caisse générale de retraite des cadres par répartition (CGRCR) a ensuite refusé de régulariser le montant de la retraite complémentaire de l'intéressé, le ministère de l'Education nationale ayant opposé les règles de la prescription quadriennale.
Souhaitant bénéficier d'une retraite en rapport avec les cotisations qu'il avait effectivement versées, M. M... a saisi le Médiateur de la République en faisant valoir qu'il n'avait été informé que très tardivement de l'absence de déclaration de ses traitements par le ministère de l'Education nationale.
Le Médiateur de la République a demandé aux services de ce ministère de bien vouloir réexaminer le dossier de M. M... avec attention et de lever la prescription quadriennale dans l'hypothèse où le dysfonctionnement administratif serait confirmé.
A la suite de cette intervention, les services compétents ont fait connaître au Médiateur de la République qu'il y avait bien eu dysfonctionnement de l'administration et que la prescription quadriennale n'avait pas lieu d'être opposée à M. M... En conséquence, en accord avec la Trésorerie générale et la CGRCR, des points de retraite complémentaire ont été attribués à M. M...

Calcul de retraite – Méconnaissance de la réglementation

Réclamation n° 98-1965, transmise par M. Alain COUSIN, député de la Manche

Mme S..., agent public proche de l'âge de la retraite, a été placée en cessation progressive d'activité, à compter du 1er juillet 1996.
Promue rédactrice stagiaire, le 1er avril 1997, Mme S... a été titularisée, après six mois de stage, à compter du 1er octobre 1997.
A compter de cette même date, elle a souhaité être placée en congé de fin d'activité pour que le bénéfice de sa titularisation soit pris en compte dans le calcul de sa pension de retraite.
Cependant, en février 1998, Mme S... a été informée que, pour être titularisée, elle aurait dû, en application des dispositions du décret n° 82-722 du 16 août 1982, effectuer un stage d'un an et non de six mois.
L'article 2 dudit décret prévoit, en effet, que "la durée du stage des agents stagiaires autorisés à travailler à temps partiel est augmentée pour tenir compte à due proportion du rapport existant entre la durée hebdomadaire du service effectué et la durée résultant des obligations hebdomadaires de service fixées pour les agents travaillant à temps plein".
Se fondant sur ce texte, la Caisse des dépôts et consignations a refusé de prendre en compte, pour le calcul de la pension, l'avancement qui avait été accordé par erreur, à l'occasion de la titularisation de l'intéressée. Celle-ci s'est alors tournée vers le Médiateur de la République.
Les difficultés rencontrées par Mme S... résultant manifestement d'un dysfonctionnement des services gestionnaires, qui n'ont pas su apprécier correctement l'ensemble de sa situation en temps voulu, le Médiateur de la République est intervenu en équité pour obtenir rétroactivement la régularisation de la situation administrative de Mme S...
Sensible à l'argumentation développée par le Médiateur de la République, l'autorité administrative compétente a signé un arrêté notifiant que le congé de fin d'activité de Mme S... prenait effet à compter du 1er avril 1998 et non du 1er octobre 1997, afin que celle-ci puisse, pour le calcul de sa retraite, garder le bénéfice de sa titularisation au grade de rédacteur.

Mort accidentelle – Refus d'imputabilité au service

Réclamation n° 98-2329, transmise par M. Jean-Claude GUIBAL, député des Alpes-Maritimes

M. F..., consul de France, a fait une chute sur la voie publique alors qu'il effectuait, à pied, le trajet de son domicile à l'Ambassade de France où il était en fonction. Transporté d'urgence à l'hôpital, il est décédé huit jours plus tard.
Malgré ces circonstances, le ministère des Affaires étrangères a refusé de reconnaître l'imputabilité au service du décès de M. F..., en raison du passé cardiaque de ce dernier.
Désemparée, la veuve de M. F... s'est alors adressée au Médiateur de la République. Celui-ci a indiqué au ministère que le diagnostic effectué à l'hôpital faisait état d'un hématome intracérébral gauche et d'absence de sang dans les ventricules cardiaques, ce qui éliminait l'hypothèse d'une rupture d'anévrisme.
On pouvait donc raisonnablement penser que M. F... était décédé d'un traumatisme crânien, consécutif à sa chute et non d'un accident cardiaque.
Admettant que les arguments ainsi développés par le Médiateur de la République pouvaient justifier l'imputabilité au service du décès de M. F..., le ministre des Affaires étrangères a bien voulu, "par souci d'équité", rouvrir le dossier et le soumettre à l'accord du ministère du Budget. Ce dernier a alors accepté de réviser la pension de réversion de Mme F..., afin de l'assortir d'une rente viagère d'invalidité au taux de 100 %.

Période d'insoumission à l'armée allemande – Reconstitution de carrière incomplète

Réclamation n° 98-2909, transmise par M. Gilbert MEYER, député du Haut-Rhin

M. M..., qui a fait carrière au sein du cadre national des préfectures, a sollicité le réexamen de sa situation administrative et la révision de sa pension de retraite, afin que soit prise en compte une période de quatre années d'insoumission à l'armée allemande.
Le ministère de l'Intérieur a refusé de faire droit à la demande de M. M..., au motif que, selon une jurisprudence du Conseil d'Etat (ministre du Budget c/M. Jaegert - 12 juillet 1995), un fonctionnaire ne peut, pour demander la révision de la pension qui lui a été concédée, se prévaloir de droits reconnus postérieurement à la date de son admission à la retraite.
D'un premier examen du dossier de M. M... il ressortait, en effet, que l'intéressé s'était vu reconnaître, le 2 février 1988, la qualité de "réfractaire à l'annexion de fait", c'est-à-dire postérieurement à sa radiation des cadres, intervenue le 15 août 1986.
Cependant, sûr de son bon droit, M. M... a sollicité l'aide du Médiateur de la République, à qui il a adressé un dossier très complet.
Au regard des nouveaux éléments ainsi transmis par le Médiateur de la République, l'administration a effectué un second examen de la situation de M. M... Il en est ressorti que le document que l'intéressé s'était vu délivrer le 2 février 1988 était un "certificat d'insoumission à l'armée allemande" et non un titre de patriote réfractaire à l'annexion de fait. Il s'est avéré que ce titre avait déjà été délivré à M. M..., le 27 juin 1986, donc antérieurement à sa radiation des cadres, intervenue le 15 août 1986. Par conséquent, la jurisprudence précitée n'avait plus lieu de s'appliquer.
Conformément à l'article L. 103 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et à l'article 11 de la loi du 22 août 1950 établissant le statut du réfractaire, "la période durant laquelle le réfractaire aura dû vivre hors-la-loi est considérée comme service militaire actif ". En outre, en application des dispositions de l'article L. 63 du code du service national, le temps de service national actif est pris en compte pour la retraite dans la fonction publique.
La période du 15 décembre 1940 au 8 décembre 1944 durant laquelle la qualité de réfractaire a été reconnue à M. M... a pu, par conséquent, être comptabilisée pour ses droits à la retraite.

2. Thème de réflexion : la perte d'emploi des agents publics

L'article 8 de la loi du 3 janvier 1973 modifiée instituant le Médiateur de la République précise que "les différends qui peuvent s'élever entre les administrations et organismes visés à l'article premier et leurs, agents ne peuvent faire l'objet de réclamations auprès du Médiateur de la République. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables à ces agents après la cessation de leurs fonctions". En application de cet article, le Médiateur de la République n'a donc pas compétence pour intervenir dans les litiges concernant le déroulement de la carrière et la gestion des emplois des agents publics.
En effet, le législateur a estimé que les agents en activité avaient les moyens de faire valoir leurs droits, tant par la voie des recours administratifs ou contentieux, que par l'intermédiaire des instances paritaires de représentation du personnel. De plus, il a souhaité protéger l'exercice du pouvoir hiérarchique de l'administration.
Cependant, le champ d'action du Médiateur de la République n'est plus limité si les agents publics ne sont plus en fonction, ce qui est le cas lors de la perte d'emploi.
Néanmoins, s'agissant des circonstances de cette perte d'emploi (A), le Médiateur de la République s'assure exclusivement que les procédures ont bien été respectées, sans pouvoir s'immiscer dans l'exercice des prérogatives de l'employeur. Toutefois, il peut être conduit, par le biais du contrôle formel, à proposer la réintégration de l'agent.
Lorsque la perte d'emploi est effective, à l'issue d'une procédure régulière, le Médiateur de la République est fréquemment saisi de litiges survenant à l'occasion d'une demande d'allocation de chômage, formulée par un agent.
En la matière, il examine si les conditions d'ouverture des droits à indemnisation sont réunies et il intervient lorsqu'aucun employeur ne s'estime responsable de la prise en charge des prestations (B).
Il apprécie également les modalités de cette indemnisation, notamment pour l'attribution de l'allocation de formation reclassement (C).
Dans ce domaine, il a pu constater une augmentation sensible des réclamations qui s'explique principalement par deux facteurs. D'une part, les modalités d'indemnisation de la perte d'emploi dans le secteur public résultent d'une transposition du régime de l'assurance chômage du secteur privé ; les règles en sont souvent méconnues ou mal interprétées. D'autre part, il existe des différences importantes entre la fonction publique de l'Etat, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière qui impliquent une nécessaire harmonisation des textes.

A. L'appréciation des circonstances de la perte d'emploi

L'appréciation des circonstances de la perte d'emploi par le Médiateur de la République est limitée par l'article 8 de la loi de 1973 modifiée ayant institué sa fonction. Cependant, son intervention s'avère utile pour veiller au respect des procédures et, en application de l'article 11 de la loi précitée, pour faire exécuter les décisions de justice rendues en faveur des agents.
Son action permet alors d'obtenir la réintégration des agents publics irrégulièrement évincés, notamment dans les cas de révocation, de licenciement pour insuffisance professionnelle, d'abandon de poste ou à l'issue d'une mise en disponibilité.

a. La révocation

La révocation est la sanction disciplinaire la plus grave prononcée à l'égard des seuls agents publics titulaires. La mesure équivalente pour les agents publics non titulaires se traduit par le licenciement pour faute.
La décision est prise par l'autorité investie du pouvoir de nomination, après observation de la procédure disciplinaire, qui permet de garantir les droits de la personne révoquée. Dans ce cas particulier de cessation de fonctions, l'agent privé d'emploi ne peut prétendre à aucune indemnisation.
En matière de révocation, le Médiateur de la République est généralement sollicité pour faire appliquer une décision de justice rendue en faveur de l'agent irrégulièrement exclu de la fonction publique. Ainsi, il doit veiller à ce que l'administration tire, dans les meilleurs délais, toutes les conséquences de la décision, à savoir la réintégration du requérant à la date d'effet de l'acte annulé, la reconstitution de sa carrière et l'indemnisation du préjudice subi.

La réclamation n° 98-4479, transmise par M. Marc REYMANN, député du Bas-Rhin, en est un exemple significatif.

M. H..., adjoint administratif d'un Office public d'habitation à loyer modéré (OPHLM), a été révoqué de son emploi.
Estimant cette sanction illégale, il a formé un recours devant le Tribunal administratif contre la décision de l'OPHLM et a obtenu un jugement impliquant sa réintégration dans ses anciennes fonctions. Néanmoins, l'OPHLM n'a pas exécuté le jugement et M. H..., a alors fait appel au Médiateur de la République.
Après plusieurs refus de l'OPHLM d'exécuter la décision de justice précitée, le Médiateur de la République a décidé de mettre en oeuvre la procédure d'injonction prévue à l'article 11 de la loi de 1973.
A la suite de son intervention, l'OPHLM a finalement réintégré M. H... et lui a versé une indemnité réparant le préjudice qu'il avait subi.

b. Le licenciement

Le licenciement concerne principalement les agents publics non titulaires. Il peut être prononcé pour faute, pour inaptitude physique, pour suppression d'emploi ou pour insuffisance professionnelle.
Pour les agents publics titulaires, le licenciement pour suppression d'emploi est normalement exclu en raison du principe de séparation du grade et de l'emploi. Dans l'hypothèse de suppression d'emploi, le fonctionnaire est, en effet, affecté sur un autre poste.
S'agissant du licenciement pour inaptitude physique, ce cas de cessation des fonctions n'est prévu ni dans la fonction publique territoriale, ni dans la fonction publique hospitalière. Les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers qui, à l'issue de leurs droits statutaires à congés de maladie, sont déclarés inaptes à reprendre leurs fonctions, sont reclassés, ou mis en disponibilité, ou admis à la retraite après avis des commissions de réforme. Les fonctionnaires de l'Etat peuvent, quant à eux, être radiés des cadres pour inaptitude définitive, s'ils n'ont pas un droit à pension.
En revanche, le licenciement pour insuffisance professionnelle concerne tous les agents publics titulaires ou non titulaires. C'est dans ce cas de licenciement que le Médiateur de la République intervient le plus souvent.
L'insuffisance professionnelle résulte d'une incompétence caractérisée au service : l'agent ne répond pas aux attentes légitimes de son employeur compte tenu de son grade, de son emploi et de ses titres. Il est alors soit admis à faire valoir ses droits à la retraite, s'il remplit les conditions, soit licencié dans l'intérêt du service.
Les agents publics non titulaires ne bénéficient d'aucune proposition de reclassement avant leur licenciement pour insuffisance professionnelle.
Pour les titulaires, même si cela n'est pas une obligation, il est convenu que l'administration doit s'efforcer de les affecter à un autre poste, avant de procéder au licenciement.
En la matière, le Médiateur de la République vérifie que la procédure garantissant les droits de l'agent a été respectée et, pour les titulaires, il s'assure également que la recherche de solutions de reclassement par l'administration a bien été effectuée.
Telle a été l'instruction de la réclamation n° 98-1038, transmise par M. Gilles de ROBIEN, député de la Somme.
M. G..., instituteur, a été licencié pour inaptitude à l'enseignement à la suite de plusieurs rapports de l'Inspection académique et après consultation de la commission administrative paritaire compétente.
M. G... s'est plaint de ne pas avoir été reclassé au sein des services du ministère de l'Education nationale. C'est dans ce contexte qu'il a fait appel au Médiateur de la République.
Celui-ci est intervenu auprès de l'administration pour connaître les possibilités de reclassement qui seraient susceptibles d'être offertes à M. G....
A la suite de cette demande, l'Inspection académique a confirmé qu'il était impossible de le reclasser dans son corps d'origine ou dans un autre corps administratif.
Le Médiateur de la République a alors expliqué à M. G... que, si son intervention avait conduit l'administration à rechercher une solution, celle-ci n'était cependant pas tenue à une obligation de résultat, conformément à la circulaire du ministère de la Fonction publique du 7 février 1985.

c. L'abandon de poste

L'employeur qui constate une absence non autorisée de l'agent, qu'il soit titulaire ou non, doit le mettre en demeure de reprendre son poste, sous peine d'éviction. A défaut de motif valable ou de reprise des fonctions, l'intéressé est considéré comme voulant rompre le lien avec le service.
En radiant l'agent des cadres, l'employeur se borne à constater une situation de fait et cette éviction n'est donc pas considérée comme une sanction disciplinaire.
Le Médiateur de la République s'attache alors à examiner les circonstances qui ont empêché le requérant de rejoindre son poste.

La réclamation n° 98-1444, transmise par M. Jean-Paul CHANTEGUET, député de l'Indre, illustre cette démarche.

M. V..., gardien de la paix, était en congé de maladie ordinaire depuis septembre 1993. Il a été cependant radié des cadres de la police le 5 juillet 1994. L'administration a en effet considéré qu'il avait volontairement abandonné son poste puisqu'il ne s'était pas rendu aux convocations du médecin expert, chargé d'apprécier l'évolution de son état de santé.
Or, l'intéressé a soutenu n'avoir pas reçu ces convocations. Il s'est alors adressé au Médiateur de la République pour obtenir sa réintégration et le paiement de ses arriérés de traitement.
Grâce à l'intervention du Médiateur de la République, qui a fait valoir la bonne foi du requérant, M. V... a pu obtenir sa réintégration, le 15 avril 1998, et le versement d'une indemnité de 421 731 F, représentative de ses arriérés de traitement pour la période du 5 juillet 1994 au 15 avril 1998.

d. La non-réintégration après une mise en disponibilité

La disponibilité est la position de l'agent public titulaire qui, placé hors de son administration d'origine, cesse de bénéficier de son traitement et de ses droits à l'avancement et à la retraite.
Accordée le plus souvent sur demande de l'agent, elle peut aussi résulter de l'initiative de l'administration, elle est alors dite "d'office".
La mise en disponibilité d'office peut être prononcée lorsque le fonctionnaire n'est pas en état de reprendre son service à expiration de ses droits statutaires à congé pour maladie, ou faute de poste vacant au retour de l'agent placé en disponibilité sur sa demande. La mise en disponibilité n'est pas dépourvue de risques car la réintégration dans le service obéit à des règles précises qui peuvent soulever des difficultés.
Ces règles disposent ainsi que l'agent doit solliciter sa réintégration au moins deux mois avant l'expiration de la période en cours. S'il ne respecte pas les délais ou s'il refuse plus de trois postes proposés, il peut être considéré comme ayant rompu tout lien avec l'administration et perdre, en conséquence, sa qualité d'agent public.
Dans ce domaine, le Médiateur de la République reçoit de nombreuses réclamations d'agents qui ne sont pas réintégrés dans leur poste et demeurent, de ce fait, en disponibilité d'office.

Tel est le cas n° 97-4174, transmis par M. Laurent FABIUS, député de la Seine-Maritime, président de l'Assemblée nationale, ancien Premier ministre.

Ouvrier titulaire travaillant dans une maison de retraite, M. C... n'avait pas été réintégré dans son emploi au terme d'un congé pour maladie, malgré l'avis favorable de la Commission de réforme départementale, qui l'avait jugé apte à reprendre une activité professionnelle. Le directeur de la maison de retraite avait de surcroît suspendu M. C... en demandant à la Commission paritaire de statuer sur sa radiation des cadres.
Or, cette Commission s'était prononcée pour sa réintégration. Néanmoins, la Direction de l'établissement a placé l'intéressé en disponibilité d'office.
Ayant saisi le Tribunal administratif, M. C... a obtenu l'annulation de cette décision.
Cependant, l'établissement l'a exclu temporairement pour une durée de deux ans et a refusé de régler les traitements qui lui étaient dus, en application de la décision de justice.
Par un nouveau jugement, la maison de retraite a été mise en demeure de réintégrer M. C..., sous astreinte de 1 000 francs par jour et de lui verser une indemnité réparatrice du préjudice subi. Le directeur de l'établissement de retraite ayant fait appel de cette décision, M. C..., confronté à de graves difficultés matérielles, après plusieurs années de procédure, a sollicité l'intervention du Médiateur de la République.
Les démarches de celui-ci ont permis de mettre un terme à ce conflit. M. C... a ainsi obtenu sa réintégration et le versement de ses traitements.

Une autre réclamation n° 95-3561 a été transmise au Médiateur de la République par M. Yves GUÉNA, ancien sénateur de la Dordogne, ancien ministre.

Mme B..., agent communal, a été détachée dans une préfecture pour raisons familiales.
A l'issue de son détachement, elle a été placée en disponibilité d'office pendant deux ans, n'ayant pu obtenir sa réintégration bien que des postes aient été déclarés vacants.
Mme B... a alors sollicité l'intervention du Médiateur de la République qui a rappelé à son
employeur que la réintégration de l'agent mis en disponibilité est de droit dès lors qu'une vacance de poste existe.
Mme B... a donc été réintégrée dans les effectifs de la mairie.

B. L'ouverture des droits à indemnisation

L'action du Médiateur de la République est ici déterminante. En effet, l'agent public est réputé avoir cessé ses fonctions dans des conditions régulières et la compétence du Médiateur de la République n'est plus limitée par l'article 8 de la loi de 1973.
Sa démarche consiste à apprécier si les agents privés d'emploi ont droit à des indemnités de licenciement et à des allocations de chômage. Il intervient également pour la détermination de l'employeur auquel incombe la charge de l'indemnisation. Ce dernier point fait l'objet de nombreuses requêtes d'agents non titulaires qui ne parviennent pas à obtenir la prise en charge de leur revenu de remplacement, après des emplois successifs dans le secteur public et privé.

a. Le droit à une indemnité de licenciement

Les agents publics titulaires, licenciés pour motifs non disciplinaires, peuvent prétendre au versement d'une indemnité de licenciement, dans le cas de licenciement pour insuffisance professionnelle, dès lors qu'ils ne sont pas reclassés, ni ne satisfont aux conditions pour être admis à la retraite.
Les agents publics non titulaires, licenciés pour motifs non disciplinaires, qui ont occupé un emploi permanent et ont été recrutés par contrat à durée indéterminée ou licenciés avant le terme de leur contrat à durée déterminée, ont également droit à une indemnité de licenciement. Cependant, cette indemnité est réduite de moitié lorsqu'ils sont licenciés pour insuffisance professionnelle, alors qu'elle est toujours versée à taux plein aux agents titulaires.
A la charge de l'employeur, l'indemnité de licenciement dépend de la rémunération de l'agent et de l'ancienneté des services accomplis. Elle est égale à la dernière rémunération nette perçue au cours du mois civil précédant le licenciement.
Les agents privés d'emploi rencontrent souvent des difficultés pour obtenir une indemnité de licenciement et sollicitent alors l'intervention du Médiateur de la République. Pour les agents non titulaires, celui-ci a, par ailleurs, proposé d'élargir le droit à une indemnité à tous les cas de licenciement pour inaptitude physique, qu'elle soit ou non d'origine professionnelle.

a.1. L'obtention d'une indemnité de licenciement

Trop nombreux sont encore les employeurs qui refusent de verser des indemnités de licenciement auxquelles peuvent légitimement prétendre les agents privés d'emploi.
A ce titre, le Médiateur de la République est fréquemment sollicité en matière d'exécution d'une décision de justice, qui ordonne le versement d'une indemnité de licenciement, comme l'illustre la réclamation n° 97-2498, adressée par M. Claude BARTOLONE, ancien député de la Seine-Saint-Denis.
Par jugement du Tribunal administratif de Paris, Mme. B... a obtenu l'annulation de la décision du directeur général des impôts qui lui refusait le bénéfice d'une indemnité de licenciement.
L'intéressée a alors contesté, en vain, le décompte effectué par l'administration fiscale en exécution du jugement. En effet, elle estimait qu'on aurait dû lui verser, en complément de l'indemnité de licenciement, deux mois de salaire au titre du délai de préavis qui n'avait pas été respecté.
Elle a donc fait appel au Médiateur de la République, qui a saisi les services du Secrétariat d'Etat au Budget.
A la suite de cette intervention, Mme. B... a obtenu le versement de l'intégralité des sommes dues, soit 25 631 F, ainsi que 7 048 F au titre des intérêts de retard.

a.2. L'extension des cas permettant aux agents non titulaires de bénéficier de l'indemnité de licenciement pour inaptitude physique

En matière d'inaptitude physique, les agents non titulaires ne bénéficient pas des mêmes garanties que les agents titulaires et peuvent être licenciés dès épuisement de leurs droits à congé maladie.
Jusqu'en 1998, le licenciement pour inaptitude physique des agents non titulaires ne donnait lieu au versement d'une indemnité que si l'inaptitude résultait d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle contractée en service.
Le Médiateur de la République a été saisi à plusieurs reprises par des agents non titulaires pénalisés par cette limitation au versement d'une indemnité de licenciement.
Estimant la situation inéquitable par rapport aux salariés du secteur privé, qui bénéficiaient de cette indemnité sans restriction en cas de licenciement pour inaptitude physique, le Médiateur de la République a alors proposé une réforme de la réglementation.
Cette proposition de réforme a abouti, dans un premier temps, à une modification de la réglementation pour les seuls agents non titulaires de l'Etat.
Ainsi, ces derniers, depuis le décret n° 98-158 du 11 mars 1998, peuvent prétendre au versement de l'indemnité quelle que soit l'origine de l'inaptitude physique.
Ultérieurement, cette mesure a été étendue aux agents non titulaires de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique territoriale, par les décrets n° 98-725 du 17 août 1998 et n° 98-1106 du 8 décembre 1998.

b. Le droit à des allocations de chômage

A l'exception des agents titulaires de l'Etat, les agents publics ont droit à des allocations de chômage et cela dans les mêmes conditions que les salariés du secteur privé, en application de l'article L. 351-12 du code du travail.
En règle générale, l'employeur assume directement la charge de l'indemnisation du chômage de ses agents (système de l'auto-assurance). Néanmoins, les collectivités publiques, autres que l'Etat et ses établissements publics administratifs, peuvent adhérer par contrat au régime de l'assurance chômage, l'indemnisation étant alors à la charge des ASSEDIC.
Seuls les agents ayant perdu involontairement leur emploi peuvent prétendre au versement d'allocations de chômage et l'ouverture de ce droit est subordonnée à des conditions d'âge, d'aptitude physique, de recherche d'emploi, d'inscription comme demandeur d'emploi et à des conditions de durées d'activité dénommées périodes d'affiliation.
Le Médiateur de la République est principalement appelé à examiner si les agents en cause ont involontairement perdu leur emploi et s'ils disposent d'une période d'affiliation suffisante.

b.1. La notion de perte involontaire d'emploi

La perte involontaire d'emploi résulte d'un licenciement, d'une démission considérée comme légitime ou, pour les agents non titulaires, d'une fin de contrat à durée déterminée. Des difficultés apparaissent fréquemment dans les deux derniers cas énoncés.

> La démission pour motif légitime

De manière générale, la démission, qui résulte de la seule initiative de l'intéressé, n'ouvre pas droit au bénéfice d'allocations de chômage. Néanmoins, si elle est justifiée par un motif légitime, elle est assimilée à une perte involontaire d'emploi.
Tel est le cas lorsqu'elle intervient du fait d'un changement de résidence consécutif à un mariage ou si l'agent suit son conjoint qui change de lieu de résidence pour exercer un nouvel emploi.
Le premier cas de démission pour motif légitime (changement de résidence à la suite d'un mariage) a fait l'objet de nombreuses interventions de la part du Médiateur de la République. Il est illustré par la réclamation n° 95-1862, transmise par M. Gérard SAUMADE, député de l'Hérault.
Mme. M..., employée de mairie depuis plus de cinq ans, a démissionné de son emploi afin de rejoindre son futur époux dans un autre département.
Son mariage a été célébré dans les deux mois suivant la date de sa démission.
Toutefois, son employeur a refusé de prendre en charge ses allocations de chômage au motif qu'elle n'avait pas indiqué les raisons de son départ dans la lettre de démission. Nonobstant le fait qu'elle ait engagé une action en justice, Mme M... a demandé l'aide du Médiateur de la République.
Celui-ci a alors rappelé à la collectivité les dispositions en faveur de Mme M..., qui reconnaissent la légitimité du départ volontaire d'un agent dès lors qu'il est justifié par un futur mariage et que moins de deux mois s'écoulent entre la date de la fin de l'emploi et celle de la cérémonie.
La collectivité ayant maintenu sa décision de refus, le Médiateur de la République a alors demandé au préfet l'inscription d'office, au budget de la commune, de la dépense concernant les allocations de chômage de Mme M..., ce que le préfet a accepté. C'est ainsi que celle-ci a obtenu ses indemnités de chômage et le remboursement des frais afférents aux démarches qu'elle avait effectuées.
Le second cas de démission considérée comme légitime (démission pour suivre son conjoint exerçant un nouvel emploi) a fait l'objet de la réclamation n° 96-2322 transmise par M. Gérard LARRAT, ancien député de l'Aude.
Mme S..., qui exerçait les fonctions de surveillante intérimaire dans une maison d'arrêt, a été contrainte de démissionner de ses fonctions en raison de la mutation de son conjoint.
L'intéressée s'est alors inscrite à l'ANPE.
Toutefois, elle a rencontré des difficultés pour obtenir de son dernier employeur, le ministère de la Justice, des allocations de chômage.
C'est la raison qui l'a conduite à s'adresser au Médiateur de la République.
Celui-ci a obtenu des services du ministère de la Justice qu'ils régularisent la situation de Mme S... en lui versant les allocations de chômage auxquelles elle avait droit.

> La fin d'un contrat à durée déterminée

Les agents non titulaires de la fonction publique, recrutés sur contrat à durée déterminée, ont droit, à l'issue de ce dernier, aux allocations de chômage.
Cependant, lorsque l'agent décline une offre de renouvellement de son contrat, l'employeur considère souvent qu'il lui appartient d'apprécier le caractère légitime ou non du refus de l'agent, et donc d'accorder ou de refuser le bénéfice du revenu de remplacement.
Le Médiateur de la République a été souvent confronté à cette situation, évoquée par la réclamation n° 94-3943, transmise par M. Marc REYMANN, député du Bas-Rhin.
Mlle E..., employée comme vacataire dans une bibliothèque universitaire, par contrat à durée déterminée, a décliné l'offre de renouvellement de son dernier contrat à son expiration.
Elle s'est plainte au Médiateur de la République de ne pas obtenir le bénéfice des allocations de chômage. En effet, la bibliothèque universitaire s'était opposée à ce versement, estimant illégitime le refus d'emploi de l'intéressée.
Le Médiateur de la République est intervenu auprès du ministère de l'Education nationale, ministère de tutelle de la bibliothèque, pour lui rappeler qu'en application de l'article R. 351-33 du code du travail et de la circulaire interministérielle du 27 juin 1989, l'appréciation du caractère illégitime d'un refus de renouvellement de contrat ne relève pas de la compétence de l'employeur mais de celle du préfet, assisté des services départementaux du travail et de l'emploi.
Néanmoins, il convient de souligner qu'un arrêt du Conseil d'Etat (CE, 2 juin 1995, DENOZ) et de la Cour administrative d'appel de Paris (CAA Paris, 30 décembre 1996, VANNETZEL) a ultérieurement infirmé les dispositions précitées du code du travail et de la circulaire de 1989.

b.2. La durée d'affiliation

Un agent doit avoir travaillé quatre mois ou plus au cours d'une période de référence déterminée (8, 12 ou 24 mois) pour bénéficier de droits à allocation de chômage. La durée d'affiliation de l'agent conditionne la durée de son indemnisation.
Le Médiateur de la République intervient tant auprès de l'agent afin de l'informer des conditions d'affiliation exigées pour prétendre à des allocations de chômage qu'auprès de l'employeur public pour le versement de ces dernières.

La réclamation n° 98-5327, transmise par M. Bernard ACCOYER, député de Haute-Savoie, souligne le rôle du Médiateur de la République dans ce domaine.

Mlle G..., au chômage à partir du 28 février 1998, a demandé à la caisse d'allocations chômage des chambres de commerce et d'industrie de lui verser des allocations pour perte d'emploi, mais ses démarches n'ont pas abouti. En effet, l'organisme précité estimait que l'intéressée n'avait pas travaillé suffisamment longtemps auprès de la chambre de commerce et d'industrie de Haute-Savoie pour pouvoir prétendre à de telles allocations.
Contestant le refus de la caisse, Mlle G... a fait appel au Médiateur de la République.
Après un examen attentif du dossier, celui-ci a indiqué à la caisse que Mlle G... justifiait d'une durée d'affiliation suffisante. En effet, la période de référence à prendre en compte était celle du 30 juin 1997 au 28 février 1998, et Mlle G... avait travaillé au total 149 jours au cours de cette période. Elle justifiait donc de plus de 122 jours d'activité au cours des 8 derniers mois. Dans ces conditions, l'intéressée pouvait légitimement prétendre au versement d'allocations par la caisse d'allocations chômage des chambres de commerce et d'industrie.
L'intervention du Médiateur de la République a permis à Mlle G... d'obtenir satisfaction.

c. La détermination de l'employeur en charge des allocations

Le décret n° 93-634 du 27 mars 1993 portant modification des articles R. 351-20 et R. 351-21 du code du travail fixe les règles de coordination de l'indemnisation du chômage, en cas d'ouverture de droits consécutive à des activités exercées auprès d'employeurs relevant du secteur public ou du secteur privé. Il a ainsi introduit de nouvelles dispositions en ce qui concerne la détermination de l'organisme attributaire des allocations de chômage. Désormais, la charge de l'indemnisation de l'agent ayant involontairement perdu son emploi relève, non plus du dernier employeur, mais de celui auprès duquel l'intéressé a occupé le plus longtemps un emploi, à l'intérieur de la période de référence prise en compte.
Cette réglementation complexe fait parfois l'objet d'interprétations erronées ou d'interrogations de la part des employeurs du secteur public car il est souvent difficile de déterminer le débiteur gestionnaire du droit à l'allocation de chômage.
Cette situation a souvent conduit le Médiateur de la République à intervenir pour assurer le respect des droits de l'allocataire lorsqu'aucun employeur ne s'estime responsable du versement des allocations de chômage.

La réclamation n° 99-2368, transmise par M. Jean LAUNAY, député du Lot, en est un exemple caractéristique.

Mme G..., infirmière titulaire depuis 1984, dans un centre hospitalier universitaire relevant du secteur public, a obtenu une mise en disponibilité, du 25 octobre 1994 au 24 octobre 1997, pour suivre son conjoint muté pour raisons professionnelles.
Elle a ensuite été employée à mi-temps dans un autre centre hospitalier, relevant du secteur privé, du 1er mars au 6 décembre 1998. Son contrat arrivant à terme, elle s'est inscrite à l'ANPE, le 7 décembre 1998 et a demandé le bénéfice de l'allocation pour perte d'emploi.
Cependant, aucun de ses employeurs ne s'estimait en charge de l'allocation à laquelle elle pouvait prétendre.
Après l'examen de son dossier, le Médiateur de la République est intervenu auprès du centre hospitalier universitaire en lui indiquant qu'il lui appartenait d'indemniser l'intéressée, cette dernière ayant travaillé plus longtemps pour le secteur public que pour le secteur privé.
A la suite de cette intervention, Mme G... a pu obtenir l'attribution de 912 jours d'allocations de chômage.

C. Les modalités d'indemnisation du chômage

Les modalités d'indemnisation de l'agent public peuvent donner lieu à conflit avec son employeur. A ce titre, le Médiateur de la République est sollicité pour résoudre les difficultés liées tant au calcul des droits qu'au versement effectif des allocations. Par ailleurs, il est fréquemment saisi par d'anciens agents publics qui ne parviennent pas à obtenir la prise en charge d'une formation demandée dans le cadre de leur réinsertion professionnelle.

a. Le calcul des droits

L'indemnisation au titre de l'assurance chômage se traduit par le versement d'une "allocation unique dégressive" (AUD) journalière, dans les conditions prévues par la convention d'assurance-chômage et son règlement annexé.
L'AUD est constituée d'une partie fixe et d'une partie proportionnelle au salaire de référence. Son montant est fonction, d'une part, de l'âge de l'agent et, d'autre part, de la durée d'activité antérieure et des rémunérations perçues pendant une certaine période de référence.
Elle est versée à taux plein pendant une période qui varie selon la durée d'affiliation et l'âge de l'intéressé.
Elle est ensuite versée à un taux dégressif, selon un coefficient qui s'applique par tranches de six mois.
Le Médiateur de la République est saisi de nombreuses réclamations portant, notamment, sur la détermination du salaire de référence. Celui-ci est fixé en fonction des rémunérations versées au titre des douze derniers mois civils précédant le dernier jour de travail.
Le salaire journalier de référence est la moyenne journalière des rémunérations perçues par l'agent au cours de la période de référence retenue pour le calcul de la durée d'affiliation. Il sert à fixer le montant proportionnel de l'allocation journalière.
Doit être retenue pour le calcul de celui-ci la rémunération habituelle de l'agent, à l'exclusion des rémunérations exceptionnellement basses ou élevées.
Ainsi, les sommes qui ne trouvent pas leur contrepartie dans l'exécution normale du contrat de travail, notamment les indemnités liées à une rupture de contrat, ne sont pas prises en compte pour la détermination de ce salaire.
Le Médiateur de la République joue un rôle d'intermédiaire efficace entre l'employeur et l'agent pour résoudre les conflits portant sur les sommes à retenir au titre du salaire de référence.

Citons la réclamation n° 97-4030, transmise par M. Daniel CHEVALLIER, député des Hautes-Alpes.

M. A..., radié des cadres d'un organisme public, a été admis au bénéfice de l'AUD.
Il a contesté les modalités de calcul de son salaire de référence, estimant que les primes de sujétion, de risque et de mobilité qui lui avaient été versées en plus de son traitement auraient dû être prises en compte. L'employeur considérait, au contraire, que ces primes ne devaient pas l'être. M. A... a alors sollicité l'intervention du Médiateur de la République.
Celui-ci s'est référé aux termes du règlement annexé à la convention d'assurance-chômage du 1er janvier 1997, selon lesquels le salaire de référence est établi à partir des rémunérations ayant servi au calcul des contributions, au titre des 12 mois civils précédant le dernier jour de travail payé à l'intéressé et ne prend pas en compte les sommes non afférentes à cette période de référence.
Or, d'une part, les primes versées à M. A... ont servi au calcul des contributions dont il était redevable et, d'autre part, elles ont été versées dans le cadre de l'accomplissement normal du contrat de travail puisqu'elles figuraient dans le contrat initial et sur les bulletins de salaire.
Le Médiateur de la République a donc indiqué à l'ancien employeur de M. A... que ces primes devaient être incluses dans le calcul du salaire de référence.

b. Le versement des allocations

Les agents privés d'emploi, même lorsque leurs droits à des allocations chômage ne sont pas contestés, rencontrent parfois des difficultés pour obtenir des administrations le versement effectif de ces allocations, dans des délais raisonnables.

Cette situation est illustrée par la réclamation n° 97-0097, transmise par M. Bruno BOURG-BROC, député de la Marne.

Plusieurs agents contractuels d'un rectorat ont saisi le Médiateur de la République car ils ne percevaient pas leurs allocations de chômage, à la fin de leur contrat de travail, mais seulement après un différé de 4 mois.
Le Médiateur de la République est intervenu auprès de la Trésorerie générale pour accélérer le traitement des dossiers d'indemnisation et pour permettre aux intéressés d'obtenir un acompte.
Celle-ci a alors affecté du personnel supplémentaire pour l'instruction des dossiers, ce qui a permis de réduire le délai d'indemnisation de 4 à 2 mois. De plus, consciente des difficultés rencontrées par les agents du rectorat, la Trésorerie leur a accordé l'acompte demandé.

c. Le bénéfice de l'allocation de formation reclassement

L'attention du Médiateur de la République a été appelée sur la situation d'anciens agents publics qui ne parvenaient pas à obtenir la prise en charge par leur administration d'actions de formation.
Il a donc proposé que des dispositions soient prises, à la fois pour élargir le champ d'application de l'allocation de formation reclassement (AFR) aux agents publics, mais aussi pour en favoriser l'obtention.

c.1. L'extension du bénéfice de l'AFR

Depuis la convention du 6 juillet 1988 relative à l'assurance chômage, les salariés du secteur privé percevant des allocations de chômage, peuvent opter pour une formation leur permettant de retrouver plus facilement un emploi. Ils perçoivent alors une allocation de formation reclassement qui se substitue au versement de l'allocation unique dégressive.
Pour le secteur public, une circulaire du 29 août 1989 a ouvert aux agents non titulaires de l'Etat et à ceux de ses établissements publics administratifs, le bénéfice d'une allocation de formation qui est versée dans les mêmes conditions que l'AFR.
Par ailleurs, les collectivités locales et les établissements publics hospitaliers, qui ont adhéré par contrat au régime de l'assurance chômage, doivent accorder cette prestation à leurs agents, s'ils remplissent les conditions pour y prétendre.
Restent par conséquent exclus de ce dispositif les agents des organismes relevant des fonctions publiques territoriale et hospitalière qui ont opté pour l'auto-assurance en matière d'indemnisation du chômage, c'est-à-dire la très large majorité d'entre eux.
Cette exclusion, source d'iniquités, a entraîné de nombreuses réclamations adressées au Médiateur de la République. Celui-ci a alors proposé aux ministères concernés une réforme, permettant d'étendre le bénéfice de cette allocation à tous les anciens agents publics territoriaux et hospitaliers.
Les ministères étaient d'autant plus favorables à cette réforme que les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel s'étaient déjà prononcés pour une ouverture du droit à l'AFR à tous les agents publics au chômage, même lorsque leur dernier employeur relève du système de l'auto-assurance.
Cependant, un arrêt du Conseil d'Etat, en date du 12 mai 1999, a remis en cause cette jurisprudence, en considérant que seuls les employeurs ayant adhéré au régime de l'assurance chômage avaient l'obligation de verser cette prestation.
Dès lors, cette proposition de réforme ne peut plus être mise en oeuvre par voie de circulaire, comme cela était initialement prévu et une modification législative est désormais nécessaire. Le Gouvernement a fait savoir au Médiateur de la République qu'il envisageait d'intégrer une disposition en ce sens dans le cadre d'un projet de loi regroupant diverses mesures d'ordre social.

c.2. L'obtention de l'AFR

Pour pouvoir prétendre à une allocation de "formation reclassement", l'agent public privé d'emploi doit être bénéficiaire d'une allocation de chômage et avoir opté pour une action de formation au cours des 182 premiers jours d'indemnisation.
Par ailleurs, la formation accomplie doit être agréée par l'ANPE. Cet agrément est délivré sous condition de durée de la formation et d'adéquation de celle-ci avec les objectifs recherchés. Les agents les moins qualifiés et ceux qui ont besoin d'une requalification sont concernés en priorité par ces actions de formation.
Lorsque le droit au versement de l'allocation est reconnu, le montant de celle-ci est égal à celui de l'allocation de chômage versée la veille de l'entrée en formation et il est constant pendant toute la période de formation.
La complexité des modalités d'obtention de l'allocation de "formation reclassement" conduit le Médiateur de la République à jouer un rôle essentiel de conseiller, tant auprès des anciens agents publics que des administrations.

La réclamation n° 96-4995, transmise par M. Jean-Michel COUVE, député du Var, en témoigne.

A la suite de la perte de son emploi de maîtresse auxiliaire dans une académie, Mme A... a perçu des allocations de chômage à compter du 24 septembre 1994. Elle a ensuite demandé aux services du Rectorat, mais sans succès, une allocation de "formation reclassement" afin de préparer une maîtrise des sciences de l'éducation.
Ne comprenant pas le refus du Rectorat, elle a sollicité l'aide du Médiateur de la République, qui est intervenu auprès du ministre de l'Education nationale.
Celui-ci a expliqué sa décision de refus par le fait que cette formation, comme l'ensemble des formations conduisant à la délivrance de titres universitaires, n'était pas éligible au bénéfice de l'allocation de formation.
Le Médiateur de la République a alors fait valoir que Mme A... s'était également inscrite au Centre national de l'enseignement à distance (CNED) pour préparer le concours de recrutement de conseiller principal. Or, les formations dispensées par des organismes subventionnés par l'Etat, comme le CNED, ouvrent droit à l'allocation de "formation reclassement".
Le ministre de l'Education nationale a donc autorisé la prise en charge de l'allocation de formation au profit de Mme A... au titre de la formation que lui dispensait le CNED.
Le Médiateur de la République a constaté, au cours de cette année, une augmentation significative des réclamations d'agents publics relevant des collectivités territoriales et des établissements publics hospitaliers en matière d'allocation "formation reclassement".
Cette situation s'explique par le fait que les organismes relevant des fonctions publiques territoriale et hospitalière sont en majorité en système d'auto-assurance, c'est-à-dire, assument la charge directe de l'indemnisation. Or, une telle charge pèse lourdement sur le budget des petites communes et ne favorise pas la prise en charge de ces "formations-reclassement".
Il n'en demeure pas moins qu'une partie importante des agents publics est ainsi privée d'accès à la formation et est injustement pénalisée pour sa réinsertion professionnelle.
Aussi, la réforme proposée par le Médiateur de la République est-elle plus que jamais nécessaire car elle permettra de remédier à des situations particulièrement inéquitables, en ouvrant le bénéfice de l'allocation "formation reclassement" à tous les agents, quel que soit le système d'assurance retenu par leur employeur.

LE SECTEUR FISCAL / FINANCES

Le secteur Fiscal / Finances instruit les réclamations présentées par les administrés qui connaissent un différend avec l'administration, les collectivités publiques ou tout organisme investi d'une mission de service public en matière de fiscalité, de redevance de l'audiovisuel, d'indemnisation des Français d'outre-mer, de règlement des marchés publics.
La loi de 1973 instituant le Médiateur de la République est suffisamment souple pour que le champ de ces réclamations soit très vaste. Le Médiateur de la République peut ainsi être saisi dès que les démarches préalables nécessaires ont été effectuées. Pour ce qui concerne les dossiers fiscaux, les plus nombreux, il faut en principe que l'imposition contestée ait été mise en recouvrement.
Les réclamations fiscales constituent environ 80 % des affaires traitées par ce secteur. Elles portent sur tous les impôts d'Etat et des collectivités locales quels que soient, au moment de la demande, la phase de l'action de l'administration (assiette, contrôle, recouvrement) ou le stade de la contestation (réclamation devant l'administration, recours gracieux ou recours contentieux).
Sans établir une typologie de ces réclamations, au demeurant très diverses, mais dans lesquelles sont fréquemment mises en cause l'interprétation et la qualification juridiques des faits, il est toutefois possible de constater quelques évolutions. Ainsi, au cours de l'année écoulée, c'est la progression du nombre des affaires concernant la fiscalité du patrimoine en matière d'impôt sur le revenu ou de droit d'enregistrement, la fiscalité locale et le contrôle fiscal, qui a paru significative.
Dans ces domaines, la complexité de la réglementation mais aussi l'importance de ces impôts dans le budget des ménages et des entreprises peuvent justifier cette augmentation tout particulièrement lorsqu'il s'agit d'impôts locaux et de droits de succession.
Par ailleurs, depuis l'élargissement des compétences du Médiateur de la République issu de la loi en 1992, les réclamations présentées par les personnes morales, sociétés ou associations ne cessent d'augmenter notamment lorsqu'il s'agit de litiges liés au contrôle fiscal. Au cours de l'année 1999, près d'une affaire sur deux traitées par le secteur fiscal-finances émane d'une entreprise, individuelle ou en société, ou d'une association.
Ces dossiers, lourds et complexes, impliquent pour la plupart d'entre eux, un réexamen approfondi des procédures et des incidences fiscales résultant des contestations juridiques, matérielles et comptables opérées par l'administration au cours du contrôle.
La prise en charge de tels dossiers pèse sur l'action du Médiateur de la République en alourdissant notablement les délais d'instruction.
Cette situation est particulièrement sensible dans deux catégories d'affaires concernant :
- les mandataires automobiles, en proie à d'insurmontables difficultés d'application d'un régime de TVA dont les dispositions d'une extrême complexité peuvent se révéler incompréhensibles ;
- les associations assujetties aux impôts commerciaux à la suite d'un contrôle alors qu'elles considéraient, de bonne foi, leurs activités exonérées.
Pour tous ces litiges, ce n'est qu'à l'issue d'une longue instruction en liaison avec l'administration centrale des impôts que le Médiateur de la République a pu obtenir en 1999, une solution de compromis satisfaisante.

1. Présentation de quelques cas significatifs

Trop-versé - Intérêts moratoires

Réclamation n° 98-0576, transmise par M. François LESEIN, ancien sénateur de l'Aisne

M. P..., en sa qualité de propriétaire du fonds de commerce exploité par une SARL, avait été déclaré solidairement responsable du paiement d'impôts directs dus par cette société.
Chargé de recouvrer ces impôts, le Trésor public avait émis un avis à tiers détenteur auprès d'une entreprise redevable d'une indemnité d'éviction au profit de M. P... Ce recouvrement forcé avait donné lieu au paiement, par chèque, d'une somme de 350 000 F.
Or, en 1989, le tribunal administratif, saisi par M. P... sur la validité des impositions concernées, a prononcé leur décharge, et ce dégrèvement a conduit le Trésor public à constater, au compte de la SARL, un excédent de versement d'environ 350 000 F.
Toutefois, ce remboursement n'est intervenu qu'en 1995 et M. P... a estimé avoir subi un préjudice financier en raison du long retard apporté par l'administration à la restitution du trop-versé, au demeurant important.
Compte tenu de ces circonstances, le Médiateur de la République est intervenu auprès du Trésor public, qui a admis le bien-fondé de la requête de M. P...
Des intérêts moratoires d'environ 280 000 F lui ont donc été alloués pour le dédommager du remboursement tardif de l'excédent de versement constaté à son profit.

Exonération des plus-values de cession de valeurs mobilières – Réinvestissement du produit de la cession

Réclamation n° 98-1312, transmise par Mme Catherine PICARD, député de l'Eure M. et Mme T... avaient cédé des SICAV monétaires en vue d'acquérir un appartement destiné à l'habitation.

Cette opération était motivée par la volonté des requérants de bénéficier des dispositions fiscales qui prévoyaient une exonération de la taxation des plus-values de cession de valeurs mobilières lorsque le produit de la cession était utilisé dans le délai de deux mois pour l'acquisition d'un immeuble situé en France et affecté exclusivement à l'habitation.
Les requérants satisfaisaient à toutes les conditions de fond pour bénéficier de cette mesure. Toutefois, en toute bonne foi, ils n'avaient pas fait figurer le montant de la plus-value sur leur déclaration de revenus, ni demandé expressément son exonération sur l'imprimé prévu à cet effet. En conséquence, à la suite d'un contrôle fiscal, un complément d'imposition leur avait été notifié.
M. et Mme T... contestaient le bien-fondé de cette mesure.
Le Médiateur de la République est intervenu auprès de l'administration fiscale qui, à titre exceptionnel, et bien que le formalisme prévu par la réglementation n'ait pas été respecté, a procédé au dégrèvement de l'imposition en cause.

Concubins - Quotient familial

Réclamation n° 98-1646, transmise par M. Bernard PERRUT, député du Rhône

Lors de sa déclaration de revenus, M. A... avait considéré la fille de sa concubine, Mme D..., comme étant à sa charge. Mme D..., dont les revenus étaient très modestes, ne percevait pas de pension alimentaire de son ex-mari. C'était donc M. A... qui subvenait effectivement aux besoins matériels de l'enfant.
A la suite d'un contrôle fiscal, le nombre de parts ayant servi au calcul des impôts sur le revenu de M. A... avait été remis en cause et l'intéressé avait fait l'objet d'impositions complémentaires pour un montant d'environ 15 000 F. En effet, la doctrine administrative interprète de manière stricte les dispositions du code général des impôts et considère que seuls les enfants mineurs recueillis au foyer du contribuable et dont celui-ci a la charge effective et exclusive peuvent être considérés comme enfants à charge. Cette dernière condition implique que le contribuable pourvoie seul à la satisfaction de tous les besoins de l'enfant au point de vue matériel, intellectuel et moral. Or, au cas particulier, Mme D... ayant conservé l'autorité parentale, cette triple condition n'était pas satisfaite.
Se trouvant dans une situation financière très difficile, M. A... avait contesté le bien-fondé de cette interprétation.
Le Médiateur de la République est intervenu auprès de l'administration fiscale qui, compte tenu des circonstances invoquées et des difficultés financières de l'intéressé, a prononcé la remise totale des impositions en cause.

Impôt sur les sociétés - Report de déficits

Réclamation n° 98-1708, transmise par M. François LAMY, député de l'Essonne

M. B..., gérant d'une entreprise, disposait d'une créance sur le Trésor d'un montant de 80 357 F, correspondant à un excédent d'impôt sur les sociétés constaté à la suite de la souscription de l'option fiscale permettant l'imputation des déficits sur les exercices antérieurs.
Or, le service des impôts considérait qu'il ne pouvait prendre en compte cet excédent d'impôt, au motif que l'option pour le report en arrière des déficits n'avait pas été exercée sur la déclaration dont le modèle a été fixé par l'administration, mais sur papier libre.
La société se trouvait, par conséquent, placée dans un situation financière délicate, étant précisé qu'elle comptait affecter ce remboursement d'impôt sur les sociétés au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle était, par ailleurs, redevable.
Le Médiateur de la République a fait valoir auprès de l'administration que cette irrégularité formelle ne devait pas comporter de si lourdes conséquences, dès lors que les différents documents établis par le contribuable en temps utile exprimaient clairement sa volonté, se rapprochaient, dans leur présentation, des formulaires officiels, et comportaient tous les éléments nécessaires au contrôle du report des déficits.
L'administration fiscale a, sur la base de ces observations, accepté à titre exceptionnel, de restituer l'impôt sur les sociétés correspondant à l'entreprise.

Taxe foncière sur les propriétés bâties - Exonération

Réclamation n° 98-5147, transmise par M. Jean-Jacques ROBERT, sénateur de l'Essonne

M. T..., propriétaire d'une maison devenue inhabitable en raison de son état de délabrement, se plaignait de n'avoir pu obtenir une exonération totale de taxe foncière sur les propriétés bâties. Le service des impôts avait seulement consenti à minorer la valeur locative du bien concerné, pour tenir compte de son mauvais état d'entretien.
Or, le dossier communiqué au Médiateur de la République attestait sans ambiguïté, photos à l'appui, de l'état de ruine de la propriété, qui en interdisait toute occupation. Le Médiateur de la République a, par conséquent, plaidé auprès de l'administration fiscale en faveur d'une exonération totale de taxe foncière sur les propriétés bâties, ainsi d'ailleurs que le Conseil d'Etat l'avait décidé dans des circonstances similaires.
L'administration a accepté d'exclure cette propriété du champ d'application de la taxe, après avoir constaté que les détériorations effectivement subies par le gros oeuvre ainsi que par les couvertures intérieures et extérieures de ces constructions permettaient de considérer que le clos et le couvert n'existaient plus. Elle a, dès lors, procédé aux dégrèvements correspondants, au titre des années 1996 à 1998, pour un montant global proche de 60 000 F.
Cette propriété ne relève, désormais, que de la taxe foncière sur les propriétés non bâties.

2. Thème de réflexion : mobilité et fiscalité

La mobilité des personnes est un phénomène de société permanent. Elle s'est toutefois développée sous les effets conjugués de récentes évolutions politiques, sociales et culturelles.
Liée au libre exercice du droit fondamental d'aller et de venir ainsi qu'à la multiplication des échanges économiques et commerciaux, la mobilité est devenue un élément de la vie quotidienne. Parfois imposée par des contraintes professionnelles, elle est aussi, de plus en plus souvent, l'expression de convenances personnelles.
Les conséquences de cette situation nouvelle se traduisent essentiellement par des déplacements et des changements de domicile, que ce soit à l'intérieur des frontières nationales ou à l'étranger.
Ces mouvements de population, objet de nombreuses études dans les domaines les plus variés et par ailleurs largement évoqués par les médias, comportent individuellement, pour les personnes concernées, des incidences fiscales importantes mais trop souvent méconnues.
Pourtant, la mobilité fait l'objet d'une réglementation fiscale abondante et précise, quoique complexe, qui a pour ambition de couvrir l'ensemble des situations de déplacement et d'expatriation et de prévoir un régime fiscal permettant soit de prendre en compte les frais inhérents à ces déplacements, soit d'éviter des doubles impositions pour les expatriés.
C'est dans ce contexte que le Médiateur de la République est amené à connaître de nombreuses réclamations fiscales, liées à la mobilité tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de nos frontières

A. Mobilité à l'intérieur du territoire français

a. Mobilité professionnelle

La mobilité des salariés peut induire des dépenses professionnelles plus ou moins importantes, selon l'éloignement du domicile par rapport au lieu de travail. Elle peut même conduire à engager des frais de double résidence lorsque cet éloignement ne permet pas un aller-retour quotidien.

a.1. Frais réels de transport domicile - lieu de travail

La déduction forfaitaire de 10 % pour frais réels professionnels prévue à l'article 83.3 du code général des impôts applicable pour le calcul de l'impôt sur le revenu, à tous les revenus taxés suivant les règles relatives aux traitements et salaires, ne permet pas, en règle générale, de couvrir des dépenses liées à un important éloignement du lieu de travail par rapport au domicile.
Ces dépenses concernent le plus souvent des frais de déplacement du domicile au lieu de travail.
Le salarié qui les supporte peut alors opter pour leur déduction au titre des frais réels professionnels. Ceci implique que les deux systèmes, déduction forfaitaire de 10 % et déduction des frais réels professionnels, soient exclusifs l'un de l'autre, l'option pour la déduction des frais réels impliquant le renoncement au bénéfice de la déduction forfaitaire de 10 %, mais aussi aux déductions forfaitaires supplémentaires accordées à certaines professions limitativement désignées.
Il s'agit là d'un avantage certain dans la mesure où les personnes concernées vont pouvoir, par le biais de l'impôt, atténuer sensiblement la charge financière plus importante qu'elles subissent par rapport aux salariés dont le lieu de travail est proche de leur domicile.
Toutefois, une telle facilité offerte au contribuable ne doit pas constituer, par une interprétation laxiste, un moyen "d'évasion fiscale" qui permettrait abusivement d'échapper, en partie ou en totalité, à l'impôt, par la déclaration de frais réels non justifiés.
C'est la raison pour laquelle, contrairement à la déduction forfaitaire de 10 % systématiquement accordée sans justification puisque les frais auxquels elle correspond sont supposés toujours exister, la déduction des frais de transport domicile – travail doit être impérativement justifiée aussi bien sur le caractère professionnel de la dépense que sur son montant.
Des obligations particulières pèsent, par conséquent, sur les contribuables amenés dans leur vie professionnelle à connaître une situation de mobilité, et l'administration fiscale veille particulièrement au caractère probant de ces justifications afin d'éviter tout abus.
Lorsque la distance se trouve en-deçà de 40 kilomètres, la déduction des frais de transport domicile - travail est admise sans considération des motifs de l'éloignement. En revanche, dans le cas de distances supérieures, la prise en compte complète des frais de transport est prévue par la loi si cet éloignement répond à des circonstances particulières, notamment liées à l'emploi. Dans le cas contraire, la déduction afférente aux 40 premiers kilomètres est automatiquement admise.
Cette disposition traduit l'adaptation de la réglementation fiscale à l'évolution des conditions de vie et d'emploi qui ne permet pas d'exiger d'un salarié qu'il réside à proximité de son lieu de travail.
Compte tenu de la diversité des situations, il a été considéré qu'il ne saurait être envisagé de définir avec précision la notion de "motifs d'ordre privé" qui ne peuvent, en principe, donner à ces déplacements un caractère professionnel.
En revanche, dans tous les cas, les contribuables qui demandent la déduction des frais réels professionnels, demeurent tenus de justifier du montant des frais engagés.
Les circonstances de fait qui conduisent le contribuable à résider ou à maintenir sa résidence en un lieu éloigné de celui où se situe son activité professionnelle sont appréciées globalement par le service des impôts, qui est tenu d'effectuer un examen attentif et circonstancié pour qualifier la distance séparant le domicile du lieu de travail. Il prendra en compte, en particulier, les éléments de fait présentés par le contribuable et liés directement aux conditions d'exercice de son activité professionnelle ainsi que, le cas échéant, aux contraintes familiales et sociales.
Aussi, l'administration et le juge administratif admettent-ils que des circonstances particulières puissent justifier une distance supérieure à 40 kilomètres pour tenir compte, par exemple, de l'étendue et de la configuration de l'agglomération où se trouvent le domicile et le lieu de travail, ainsi que des conditions de logement et des sujétions personnelles et familiales. A cet égard, peuvent notamment justifier le choix d'une résidence éloignée des raisons de santé, des problèmes de scolarisation des enfants, l'absence d'établissement scolaire près du lieu de travail, l'exercice d'une profession par le conjoint, les conséquences d'un changement d'emploi et la précarité de celui-ci.
Les contribuables peuvent également faire valoir l'évolution des comportements sociaux et des conditions d'emploi, notamment les difficultés économiques du bassin d'emploi dans lesquels ils se trouvent, qui les ont conduits à rechercher un emploi dans une région plus prometteuse, mais éloignée de chez eux.
Outre la difficulté à trouver un emploi à proximité du domicile, sont aussi prises en compte les situations de licenciement, de précarité, et bien entendu, de mobilité.
La précarité peut ainsi résulter des difficultés économiques de l'entreprise qui emploie le salarié, d'un manque de qualification ou de la nature même de l'emploi. Cet emploi peut également être mobile par nature, avec des lieux d'exercice différents et éloignés, ou résulter d'une mutation consécutive à une promotion, un déménagement de l'entreprise, ou encore de tout autre motif professionnel indépendant de la volonté du salarié.
Il va de soi que dans de telles circonstances, le dépassement de la limite de 40 kilomètres est justifié et la déduction complète des frais réels de transport ne pose pas de difficultés particulières.
Conformément aux instructions qu'elle reçoit, l'administration apprécie en général ces motifs avec largeur de vue.
L'appréciation des circonstances de fait peut parfois s'avérer délicate. Deux réclamations adressées au Médiateur de la République en témoignent :

Réclamation n° 94-0985, transmise par M. Christian BERGELIN, député de la Haute-Saône, ancien ministre.

Mme F..., habitante de Vesoul, avait été contrainte, en raison de la fermeture du magasin qui l'employait dans cette ville, d'accepter un emploi à Besançon, distant de 50 kilomètres, dans l'attente de retrouver une activité plus proche de son domicile.
Cependant, le service des impôts avait remis en cause la déduction des frais professionnels, dans la mesure où la contribuable n'avait pas suffisamment justifié de sa situation.
Les précisions et justifications nécessaires ont cependant pu être fournies à l'appui de l'intervention du Médiateur de la République auprès du directeur des services fiscaux compétent, qui a prononcé l'abandon des redressements notifiés à Mme F...

Réclamation n° 98-0822, transmise par M. Jacques LE NAY, député du Morbihan.

M. P... entendait également bénéficier de la déduction de ses frais réels professionnels, l'entreprise qui l'avait recruté en qualité d'ingénieur étant implantée à 160 kilomètres de son domicile.
L'administration avait refusé de reconnaître le caractère déductible de ces frais, dès lors que le maintien du domicile à une distance si éloignée du lieu de travail relevait de pures convenances personnelles. En effet, le requérant qui disposait d'un emploi stable, à durée indéterminée, avait acquis un logement dans la ville où se situait son lieu de travail ; en outre son épouse et sa fille n'étaient retenues dans le département de résidence par aucun motif particulier. Mme P... était fonctionnaire et n'avait pas sollicité sa mutation dans les années qui avaient suivi l'embauche de son époux.
Or, ce dernier considérait que son emploi était précaire en raison de la situation du marché dans son secteur d'activité et des restructurations projetées.
Il ne pouvait cependant être raisonnablement considéré qu'il occupait un emploi précaire, alors qu'il bénéficiait, depuis plusieurs années, d'un contrat à durée indéterminée. Dans de telles situations, la doctrine et la jurisprudence administratives réfutent tout caractère précaire à l'emploi.
C'est pourquoi, le Médiateur de la République n'a pas été en mesure de soutenir la réclamation de M. P...
Au surplus, dans les situations où le caractère normal de l'éloignement est admis, le salarié doit être à même, à l'issue d'un délai raisonnable de deux ans, de démontrer qu'il a accompli toutes les diligences nécessaires pour rapprocher son domicile de son lieu de travail.
Sont par ailleurs considérées comme des préoccupations de pures convenances personnelles les écarts de coût de logement, les difficultés rencontrées pour revendre une maison, les inconvénients non établis d'un changement de région pour la scolarité des enfants, ainsi que les considérations relatives à la qualité de vie. Les écarts de coût de logement ne constituent d'ailleurs pas une justification pertinente dès lors que, bien souvent, l'éloignement entraîne des coûts de transport particulièrement élevés.

Les problèmes de santé sont également fréquemment invoqués pour justifier une installation ou le maintien dans une résidence éloignée du lieu de travail, ainsi que l'illustre la réclamation n° 97-3391, transmise par M. François LESEIN, ancien sénateur de l'Aisne.

M. C... travaillait en Seine-et-Marne et avait transporté sa résidence dans un département voisin, à 70 kilomètres de son lieu de travail, alors qu'il habitait auparavant à proximité.
Il invoquait l'état de santé de sa fille, produisait des certificats médicaux attestant de la nécessité d'une installation en "milieu rural" et faisait état des écarts de coût de logement pour justifier son départ.
Mais le service des impôts avait remis en cause le bien-fondé de la déduction des frais réels. Les écarts de coût de logement relevaient de pures convenances personnelles et la prescription médicale indiquant "la nécessité d'installation en milieu rural" ne justifiait pas un éloignement si important.
Le Médiateur de la République ne pouvait appuyer une telle requête, la doctrine et la jurisprudence exigeant, en ce qui concerne les motifs tenant à l'état de santé du salarié et de ses proches, des justifications très précises et circonstanciées sur l'obligation qui est faite à la personne concernée de s'installer dans une résidence éloignée.
Tel est le cas par exemple lorsqu'en l'absence de centre de soins adapté, la personne concernée doit être suivie médicalement dans un établissement spécialisé situé dans une autre région, ou lorsque l'état de santé d'un conjoint ou d'un enfant nécessite une surveillance constante qui justifie sa prise en charge par la cellule familiale, éloignée du lieu de travail du contribuable.
En l'absence d'une aide familiale extérieure, cet éloignement doit être compatible avec le temps de présence effective de l'autre époux ou des parents nécessité par l'état de santé invoqué.
Les certificats médicaux produits par M. C... étaient non seulement très imprécis, mais se rapportaient, en outre, à des périodes qui n'étaient pas concernées par les redressements.
Ainsi, le Médiateur de la République n'a-t-il pu utilement relayer sa réclamation.
La mobilité résulte également de l'exercice d'activités professionnelles de deux époux ou concubins dans deux villes différentes, qui les conduit à demeurer dans une troisième ville.
Ils peuvent ainsi déduire intégralement leurs frais de transport lorsque la distance domicile - travail n'excède pas, au moins pour l'un des deux conjoints ou concubins, la limite légale de 40 kilomètres. Dans le cas contraire, la déduction est autorisée pour chacun des conjoints à hauteur des 40 premiers kilomètres.
La déduction peut cependant être totale dans le cas où un motif autre que la situation professionnelle d'un des conjoints peut être invoqué. Il peut s'agir de considérations liées à l'état de santé, la scolarisation, aux fonctions électives ou aux responsabilités socioprofessionnelles.
Il convient de préciser que, sous réserve des évolutions qui pourraient être induites par l'application de la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité, l'administration fiscale analyse le concubinage comme une situation de fait. Le salarié qui fait état de la situation professionnelle ou personnelle de son concubin doit établir l'existence simultanée des critères de stabilité et de continuité de ses relations pour justifier un éloignement supérieur à 40 kilomètres entre son domicile et son lieu de travail. L'alignement des couples concubins par rapport aux couples mariés est donc total à cet égard, étant précisé que la jurisprudence refuse de reconnaître le caractère professionnel des frais de transport lorsque la communauté de vie des concubins étant trop récente, l'intéressé ne pouvait être regardé comme vivant en concubinage de manière stable et continue au 1er janvier de l'année d'imposition.
Tous ces critères, et les exemples qui les accompagnent, montrent bien que l'administration et le juge sont particulièrement attentifs à la situation des personnes confrontées à des problèmes de mobilité et que le dispositif fiscal est réactualisé pour suivre l'évolution des modes de vie.
Cette adaptation se fait néanmoins avec le souci constant d'éviter de favoriser les abus. Il est vrai que dans quelques cas dont a eu à connaître le Médiateur de la République, l'analyse des circonstances et des faits permettaient de considérer que les allégations du contribuable n'étaient pas fondées, ce qui justifie pleinement les conditions qui sont attachées à la déduction des frais réels professionnels.

Réclamation n° 97-0766, transmise par Mme Evelyne GUILHEM, ancienne députée de la Haute-Vienne.

Un contribuable, qui se domiciliait en province, avait déduit de ses revenus des frais de transport tout à fait exorbitants, alors qu'il résidait en réalité à 25 kilomètres de son lieu de travail. Le service des impôts avait donc limité les frais réels de transport, à cette distance.
Le requérant a donc sollicité le Médiateur de la République pour obtenir un droit à déduction supplémentaire au titre des frais journaliers de transport et de repas, sans apporter la preuve des dépenses qu'il avait engagées. Il soutenait qu'il lui était impossible de se loger en région parisienne, sans autres explications, alors que l'administration fiscale disposait d'une attestation de l'employeur confirmant que le domicile était fixé à 25 kilomètres de son lieu de travail, dans un logement occupé par son frère.
Or, le requérant soutenait qu'il résidait à 500 kilomètres du lieu de travail au cours des années concernées par les redressements et parcourait ainsi journellement 1 000 kilomètres aller-retour.
Son salaire n'aurait pas suffi à payer les seuls frais de transport et les temps de trajet ne lui auraient pas permis d'exercer son activité salariée. Cette demande est ainsi apparue comme dénuée de fondement, en l'absence de tout justificatif.
Etablir le caractère professionnel des dépenses engagées ne suffit donc pas : encore faut-il justifier du montant des frais réels dont la déduction est demandée.
Cette obligation de justification peut être satisfaite par tous moyens de preuve. Les conditions dans lesquelles les personnes qui exposent des frais étant extrêmement diverses, il n'est pas possible de dresser une liste limitative des pièces justificatives de la réalité des dépenses et de leur caractère professionnel.
Cependant, si une certaine souplesse est admise dans l'appréciation des justifications produites, celles-ci doivent être d'autant plus précises que le montant des dépenses dont la déduction est demandée est élevé. Ainsi, le Conseil d'Etat a jugé qu'un salarié ne peut se borner à produire un état sommaire de ses frais ou un calcul forfaitaire et théorique de ceux-ci non assorti au moins partiellement, de documents justificatifs.
Ces justifications s'avèrent d'autant plus nécessaires que de nombreuses anomalies sont relevées dans les réclamations qui sont présentées au Médiateur de la République : utilisation d'un véhicule qui n'appartient pas à l'intéressé, déduction de deux allers-retours par jour en l'absence de circonstances particulières, défaut de précision des itinéraires, kilométrages surévalués, existence de moyens de transport alternatifs...
Dans la plupart des cas, cependant, le contribuable apparaît de bonne foi, et les difficultés qu'il rencontre avec le service des impôts peuvent être surmontées après constitution d'un dossier comportant des pièces justificatives suffisantes, ainsi que le démontre la réclamation n° 97-0125, transmise par M. Alain GEST, ancien député de la Somme.
Tel a été, par exemple, le cas de M. R..., qui n'avait pu, en l'absence de justifications au regard de la propriété du véhicule, de son utilisation professionnelle effective et du kilométrage parcouru, obtenir la prise en compte des frais réels professionnels.
L'administration a, en effet, accepté d'abandonner les redressements après que le contribuable ayant sollicité l'intervention du Médiateur de la République, ait retrouvé et produit un nombre suffisant de justificatifs.
Ainsi, les salariés astreints à une mobilité professionnelle journalière sont tenus, compte tenu des avantages qui leur sont accordés en matière de déduction de frais réels, à des justifications précises, ces obligations n'étant que la juste contrepartie du régime particulier dont ils bénéficient.
A défaut de telles justifications, qui doivent être présentées à l'administration sur sa demande, dans le cadre des pouvoirs de contrôle dont elle dispose, la déduction au titre des frais professionnels est limitée à la déduction forfaitaire de 10 %.

a.2. Frais de double résidence

Des considérations inhérentes à l'emploi ou à la carrière peuvent amener le salarié à quitter le domicile familial pour une période plus ou moins longue, afin d'exercer son activité dans une région éloignée qui ne lui permet pas de réintégrer son foyer tous les jours.
Il va ainsi être amené à occuper un deuxième logement à proximité de son lieu de travail et ne regagnera son foyer qu'à des intervalles plus ou moins rapprochés.
En qualité de contribuable, il pourra prétendre à la déduction des frais de double résidence, qui visent essentiellement les frais supplémentaires de logement, de nourriture ou de voyage effectivement supportés. Les frais supplémentaires de repas, à midi et le soir, peuvent être pris en compte lorsqu'il est établi que les conditions d'exercice de l'activité et celles de l'installation dans la commune de résidence obligent à prendre, midi et soir, les repas au restaurant.
Le plus souvent, de tels frais sont exposés lorsque des époux exercent chacun une activité professionnelle en des lieux éloignés.
Il convient cependant que la double résidence soit imposée par les conditions mêmes de l'emploi de l'un ou l'autre des époux, et que les diligences faites par les intéressés pour rapprocher les lieux de leurs activités et rendre possible le regroupement de la famille soient restées vaines pour des raisons indépendantes de leur volonté. Les dépenses de double résidence ont alors le caractère de frais professionnels. Cette règle est appliquée sans restriction, qu'il s'agisse de salariés du secteur privé ou du secteur public et que le changement du lieu de travail de l'un des conjoints résulte d'un avancement professionnel ou de tout autre motif indépendant de sa volonté.
Le point de savoir si ces conditions sont réunies ne peut s'apprécier qu'en considération des circonstances de fait propres à chaque affaire.
La double résidence peut ainsi, par exemple, résulter de la précarité de l'emploi occupé ou de l'accomplissement de stages professionnels de longue durée, qui ne peuvent conduire à l'établissement du domicile au lieu d'exercice de l'activité.
En revanche, les personnes qui sont mutées dans un emploi stable doivent effectuer toutes diligences pour trouver un logement, les séjours à l'hôtel devant, sauf circonstances particulières, être provisoires.
En tout état de cause, le maintien de la résidence à l'ancien domicile ne permet pas de déduire les frais de transport et de séjour dans la ville du lieu d'exercice de l'activité.
Outre le travail du conjoint, les frais de double résidence peuvent être admis par la prise en considération d'éléments familiaux dûment justifiés, telle que l'obligation d'une épouse de demeurer auprès de ses parents âgés et invalides, pour lesquels l'assistance d'une tierce personne était indispensable et qui ne pouvaient déménager. Mais il convient de signaler que les circonstances du cas d'espèce sont exceptionnelles.
C'est ainsi qu'en sens contraire, le Conseil d'Etat a considéré que ne peuvent être pris en considération la nécessité pour l'épouse d'un contribuable de veiller sur la santé de sa grand-mère et l'acquisition ultérieure, par l'intéressé, du logement où il est domicilié.
Ainsi, comme en matière de frais réels de transport, les dépenses de double résidence doivent résulter, pour être déductibles, non pas de convenances personnelles, mais de raisons indépendantes de la volonté du contribuable. Le cas suivant illustre cette exigence.

Réclamation n° 97-1245, transmise par M. Louis GUEDON, député de la Vendée.

M. H... avait fait l'objet d'un redressement au titre de la remise en cause de la déduction des frais de double résidence.
Il avait transféré son domicile en Vendée, dans la perspective lointaine de sa retraite, alors qu'il exerçait son activité professionnelle à Toulouse.
Son épouse, en retraite, n'exerçait aucune activité professionnelle en Vendée, si bien que ce transfert de domicile résultait de pures convenances personnelles.
En fait, il n'était pas établi que l'intéressé avait cherché à s'implanter, professionnellement, en Vendée, et qu'il y avait trouvé l'emploi souhaité, dans l'attente de sa retraite.
Dans ce domaine, les cas de dysfonctionnement relevés par le Médiateur de la République sont peu nombreux et la majorité des réclamations qui sont présentées traduit plutôt une méconnaissance, par le contribuable, des règles et conditions qui s'attachent à l'octroi de la déduction.

Réclamation n° 95-2657, transmise par M. Michel PELCHAT, sénateur de l'Essonne.

Mme R..., mutée en région toulousaine, avait quitté le domicile familial, dans l'Essonne, pour s'installer à Toulouse. Sur la foi d'informations erronées, le couple avait établi des déclarations de revenus distinctes, estimant qu'il devait être imposé séparément.
Or, la mutation professionnelle de l'un des époux ne justifie pas une imposition séparée, laquelle n'est prévue que dans les hypothèses limitativement énumérées par la loi. Les intéressés avaient par conséquent, fait l'objet de redressements, qu'ils contestaient.
Si le Médiateur de la République ne pouvait, dans cette affaire, obtenir qu'il soit dérogé aux règles générales d'imposition du foyer fiscal, il est néanmoins intervenu auprès de l'administration concernée pour que les frais réels de double résidence et de transport, dûment justifiés, puissent être pris en compte pour l'imposition de Mme R...
C'est ainsi que la requérante a pu bénéficier des dégrèvements correspondants, mais aussi d'une importante diminution des pénalités mises à sa charge.
Ainsi, qu'elle débouche sur l'engagement de frais réels de transport ou de double résidence, la mobilité entraîne des obligations particulières de justifications pour le contribuable qui souhaite bénéficier des déductions correspondantes. Cette nécessité de justifications est d'autant plus grande que l'administration est conduite à contrôler de façon rigoureuse, pour éviter une rupture d'égalité entre citoyens, le respect des conditions très précises fixées par la loi et la jurisprudence.
Il convient d'ajouter que, s'agissant d'une matière évolutive, le caractère déductible des frais réels ne peut s'apprécier qu'à la lumière de nombreuses circonstances de fait.
C'est pourquoi l'action du Médiateur de la République s'attache, dans ce domaine, à l'examen au cas par cas des nombreux dossiers qui lui sont soumis, et aboutit, lorsqu'il s'avère que la réclamation n'est pas justifiée, à un travail d'explication en direction du requérant.
Des améliorations peuvent être également apportées à cette réglementation par la voie des propositions de réforme. C'est ainsi qu'à la demande du Médiateur de la République (proposition 97-R004), l'administration a établi et publié, par analogie au barème forfaitaire existant pour les automobiles, une évaluation des frais réels selon un barème kilométrique pour les vélomoteurs, scooters et motocyclettes.
La publication de ce barème, applicable pour la première fois aux revenus de l'année 1997, permet aux utilisateurs de deux-roues de disposer d'une méthode de calcul pratique pour évaluer les frais engagés, jusqu'ici réservée aux automobiles.
D'une manière plus générale, consciente de la forte incompréhension des contribuables pour une réglementation nécessairement complexe qui se traduit par l'émergence d'un lourd contentieux, l'administration a été conduite à publier au début de l'année 1999, une importante instruction sur les frais réels, pour éviter notamment que des positions différentes, voire opposées, soient prises par ses services dans des situations individuelles identiques ou similaires.
La clarification et la simplification du régime des frais réels sont ainsi apparues nécessaires à l'administration, d'autant plus que la baisse progressive du plafond des déductions forfaitaires supplémentaires va conduire un certain nombre de bénéficiaires à opter pour la déduction des frais réels.

b. Changement de domicile

Les motivations d'un changement de résidence sont nombreuses et ne se limitent pas à des motifs professionnels.
Un déménagement constitue ainsi l'occasion d'effectuer des formalités auprès de l'administration fiscale et du Trésor public.

b.1. Etablissement de l'impôt sur le revenu

Si le choix du lieu de résidence est sans influence sur le montant de l'impôt (sauf installation en métropole en provenance d'un département d'outre-mer et vice versa, compte tenu des règles particulières de calcul prévues en faveur des DOM), il faut savoir que le choix du lieu d'imposition n'appartient pas au contribuable.
En effet, sauf dispositions particulières applicables notamment aux non-résidents, l'impôt sur le revenu est établi au lieu de la résidence du contribuable et, en cas de pluralité de résidences en France, au lieu du principal établissement. Autrement dit, les déclarations de revenus doivent impérativement être adressées au centre des impôts du lieu de la résidence principale, et il n'est pas possible, par exemple, pour un enfant majeur qui a fixé sa résidence principale à l'occasion de ses études ou de l'exercice d'une activité professionnelle, dans une localité distincte de celle de ses parents, de choisir le service des impôts du lieu de la résidence de ses parents pour l'établissement de l'impôt.
La date à retenir pour apprécier le lieu d'imposition est le 31 décembre de l'année de perception des revenus. En cas de changement de résidence, les cotisations dont le contribuable est redevable pour l'année en cours sont établies au lieu d'imposition correspondant à la nouvelle situation. Celles correspondant aux années antérieures sont établies au lieu de l'ancienne résidence, en application du principe général, mais elles peuvent cependant également être établies auprès du centre des impôts de la nouvelle résidence.
Toutefois, des dispositions spéciales sont prévues pour certaines catégories de personnes, par exemple en fonction des caractéristiques de l'activité exercée. C'est ainsi, par exemple, que les officiers de marine et marins peuvent être taxés, à défaut de résidence sur le territoire français, soit dans la commune où le navire a son port d'attache, s'ils font partie de la marine nationale, soit dans la commune où le bateau a son port d'armement, s'il s'agit de la marine marchande. Le port d'armement doit être retenu comme lieu d'imposition même si le rôle de l'équipage est déposé dans un port étranger.
Quant aux forains sans résidence ou domicile fixe en France depuis plus de six mois, ils doivent accomplir leurs obligations fiscales auprès du service des impôts dont relève la commune de rattachement fixée par leur livret de circulation.

b.2. Paiement de l'impôt sur le revenu

En cas de changement d'adresse, le paiement de l'impôt sur le revenu doit être effectué auprès du Trésor public selon les modalités suivantes.
L'acompte doit être versé au trésorier qui détient les rôles de l'année précédente. Ainsi, les acomptes provisionnels doivent être versés au trésorier de l'ancien domicile. Le contribuable devra, après l'émission du rôle, justifier auprès du trésorier du nouveau domicile des versements précédemment effectués.
Pour éviter toute contestation ultérieure, il est utile, dans tous les cas, d'informer par courrier le centre des Impôts et la Trésorerie de l'ancien domicile du déménagement, même si un ordre de réexpédition définitif du courrier a été donné à La Poste.
En cas de mensualisation, le contrat souscrit reste valable. Les prélèvements continuent à être effectués par la Trésorerie de l'ancien domicile, y compris au cours de l'année suivant le déménagement. C'est pourquoi cette Trésorerie doit être tenue informée de tout changement d'adresse et de domiciliation bancaire.
Si la déclaration de revenus préidentifiée est utilisée, les prélèvements sont automatiquement déduits de l'impôt émis dans la Trésorerie du nouveau domicile. Si tel n'est pas le cas (déménagement hors de la circonscription informatique d'origine), l'avis d'imposition ne tiendra pas compte des prélèvements effectués. Un avis de situation, adressé environ un mois après la réponse à une demande de renseignements, indique les dates et montants des prélèvements restant à opérer pour solder l'impôt.
L'utilisation d'une déclaration préidentifiée permet, par conséquent, d'obtenir un transfert et un rattachement automatiques.

b.3.Taxe d'habitation

L'année du déménagement, lorsque le contribuable occupe un nouveau logement au 1er janvier de l'année d'imposition sans avoir libéré l'ancien, il peut s'exposer à devoir payer, au titre de l'année concernée, deux taxes d'habitation, cette imposition étant établie pour l'année entière d'après les faits existants au 1er janvier de l'année d'imposition, quelle que soit la durée effective de l'occupation et même si le local n'a pas été effectivement occupé.
Cependant, il est précisé que, pour être passible de la taxe d'habitation, un local doit être pourvu d'un ameublement suffisant pour en permettre l'habitation.
Ne sont donc pas soumis à cette taxe les locaux destinés à l'habitation lorsqu'ils sont inoccupés et vides de meubles, ainsi que les locaux à usage de dépôt de meubles, non utilisables pour l'habitation.
Il importe par conséquent de disposer de tous moyens de preuve susceptibles d'établir le caractère non habitable de l'un des deux logements, au 1er janvier de l'année d'imposition, et il est conseillé d'informer préalablement le centre des impôts foncier territorialement compétent de la vacance de ces locaux à la date du 1er janvier, pour en permettre le contrôle éventuel et éviter ainsi toute contestation ultérieure.

B. Mobilité à l'extérieur des frontières

L'expatriation, qui concerne un nombre croissant de personnes, comporte d'importantes conséquences au plan fiscal.
La diversité des situations rencontrées a conduit progressivement à la mise en oeuvre d'une réglementation complexe qui nécessite, de la part du candidat à la mobilité hors de nos frontières, un important effort d'information, sans lequel il pourrait être confronté, à terme, à une double imposition.
Ce risque est cependant limité par les conventions internationales bilatérales signées par la France qui ont pour objet d'éviter les doubles impositions résultant de la superposition de deux législations nationales au détriment de la même personne ou du même bien.
Les conventions fiscales internationales, qui revêtent le caractère de traités, ont, dès leur publication, une autorité supérieure à la loi interne, et permettent ainsi de faire échec à ces situations de double imposition résultant de l'application de dispositions nationales.
Le mécanisme d'imposition pour le revenu des expatriés applicable en France fait la distinction entre les personnes qui bénéficient de revenus de source française et celles qui, bien que n'ayant pas de tels revenus, disposent d'une ou plusieurs habitations en France.
Des dispositions particulières sont prévues par ailleurs en ce qui concerne les agents de l'Etat en service à l'étranger, les salariés du secteur privé détachés à l'étranger, ou encore les travailleurs frontaliers.

a. Dispositif national d'imposition des non domiciliés

A titre liminaire, il convient de définir la notion de domicile fiscal, qui est fondamentale dès lors que le régime d'imposition applicable aux français ou aux étrangers se détermine en fonction de la conservation ou non de ce domicile fiscal en France.
C'est ainsi que les personnes dont le domicile fiscal est situé en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer de Guyane, Réunion, Martinique et Guadeloupe, îles de Saint-Martin et Saint-Barthélémy incluses, sont passibles de l'impôt sur le revenu à raison de l'intégralité de leurs revenus de toutes origines. Il s'agit là d'une obligation fiscale générale, quelles que soient la nationalité et l'origine française ou étrangère des revenus, qui s'exerce en tous points du territoire français.
Ce principe, lorsqu'il est méconnu, peut être à l'origine de bien des désillusions.

Réclamation n° 97-3122, transmise par M. Paul QUILES, député du Tarn, ancien ministre.

M. et Mme C..., retraités, se sont installés dans l'île de Saint-Barthélémy, dépendance de la Guadeloupe, et n'ont déposé aucune déclaration de revenus, estimant que le statut de l'île permettait à ses habitants d'échapper à l'impôt sur le revenu. Cette attitude leur a valu de se voir notifier des redressements fiscaux.
M. et Mme C... ont alors saisi le Médiateur de la République, en faisant valoir que leur position était confortée par les autorités municipales, par des articles de journaux locaux et un très ancien document d'informations municipales. Or, l'étude effectuée a permis de conclure que les contribuables de Saint-Barthélémy étaient, aux termes de la doctrine et de la jurisprudence, imposables tant à l'impôt sur le revenu qu'aux autres impôts directs nationaux.
Ce territoire avait effectivement bénéficié dans le passé, après le traité de 1877 de rétrocession de l'île par la Suède à la France, d'une absence de mise en recouvrement de l'impôt. Mais celle-ci ne s'appuyait que sur des tolérances de fait dont avaient, à une époque, bénéficié les habitants. Le Gouvernement n'ayant pas en outre, manifesté l'intention d'instituer un régime spécial d'exonération d'impôts en faveur des habitants de Saint-Barthélémy, la requête de M. et Mme C... n'a pu donner lieu à intervention.
En effet, il n'entre pas dans les attributions du Médiateur de la République d'oeuvrer en faveur de la reconnaissance, au profit de groupes de personnes ou de collectivités, d'avantages fiscaux ou d'exonérations fiscales qui, en l'état actuel de la législation, ne trouvent pas de justifications, ou d'apporter sa caution à des actions poursuivant un tel objectif.
Le domicile fiscal est, en règle générale, considéré comme situé en France lorsque la personne concernée se trouve dans l'un des quatre cas suivants :
- elle possède son foyer en France (notion d'implantation familiale) ;
- elle a son lieu de séjour principal en France (séjour supérieur à 183 jours, soit six mois, au cours d'une même année) ;
- elle exerce une activité professionnelle en France (hors activités accessoires) ;
- elle a le centre de ses intérêts économiques en France (lieu des principaux investissements, ou siège des affaires, ou encore centre des activités professionnelles génératrices des principaux revenus).
Le cas suivant reflète le caractère nécessairement rigoureux de la notion de domicile fiscal

Réclamation n° 96-3300, transmise par M. Bernard BOSSON, député de la Haute-Savoie, ancien ministre.

Au titre des trois années au cours desquelles il avait exercé une activité professionnelle à l'étranger, M. P... contestait le bien-fondé des modalités d'imposition sur le revenu retenues par le centre des impôts de son domicile métropolitain, ce service ayant conclu qu'il avait son domicile fiscal en France, où il disposait d'une résidence à caractère permanent.
Son épouse avait continué à résider en France et y percevait des revenus.
M. P... soutenait en revanche que son épouse avait séjourné en Afrique avec lui pendant une durée supérieure à celle au cours de laquelle elle aurait résidé sur le territoire français, et prétendait par conséquent être imposé selon les règles applicables aux non-résidents.
Le Médiateur de la République n'a pu, dans cette affaire, obtenir la modification de la position de l'administration, étant précisé notamment, que Mme P... avait, tout au long de la période concernée, soit travaillé et perçu des revenus en France, soit obtenu des indemnités ASSEDIC dans notre pays. Le domicile familial de M. P... se trouvait par conséquent en France pour l'ensemble de la période concernée, en application du critère relatif à l'implantation familiale.
En dehors de l'une de ces quatre situations et sauf dispositions particulières, le domicile fiscal n'est pas considéré comme étant situé en France, et les personnes concernées ne sont soumises qu'à une obligation fiscale restreinte. Elles sont passibles de l'impôt sur le revenu si elles ont des revenus de source française ou si elles disposent d'une habitation dans notre pays.

a.1. Personnes bénéficiant de revenus de source française

> Principes généraux

En l'absence de convention fiscale ou de disposition contraire dans une convention, les expatriés ou étrangers qui ont des revenus de source française sont imposables en France à raison de ces seuls revenus.
Il pourra s'agir des revenus d'immeubles sis en France, de valeurs mobilières françaises, d'exploitations sises en France, ou provenant d'activités professionnelles, salariées ou non, exercées en France, ou encore d'opérations à caractère lucratif. Sont également concernées les plus-values et salaires correspondant à des prestations artistiques ou sportives fournies ou utilisées en France.
Les pensions et rentes viagères de source française sont également imposables dans notre pays quel que soit le pays ou territoire où ont été rendus les services que la pension rémunère, ainsi que les produits d'inventeur ou de droit d'auteur, rémunérations de prestations matériellement fournies ou utilisées en France. Ces revenus sont considérés comme étant de source française dès lors que leur débiteur a son domicile en France ou est, s'il s'agit d'une personne morale, établi en France.

> Base d'imposition et calcul de l'impôt

La base d'imposition des revenus de source française des contribuables domiciliés hors de France ne comprend pas, bien entendu, les revenus pour lesquels le droit d'imposer a été retiré par une convention internationale ou ceux qui ont fait l'objet d'un prélèvement ou d'une retenue libératoire "à la source" de l'impôt sur le revenu.
Les revenus de source française sont déterminés selon les règles applicables aux revenus de même nature perçus par les personnes domiciliées en France. Ils sont ainsi retenus pour leur montant net et, comme pour les contribuables domiciliés en France, une imputation des déficits de source française est autorisée.
Aucune déduction au titre des charges du revenu global n'est en revanche possible, pour les contribuables domiciliés hors de France, leurs revenus taxés en France ne représentant qu'une partie de ceux dont ils disposent. Cette même raison explique qu'ils ne peuvent pas plus bénéficier de l'abattement en faveur des personnes âgées ou invalides de situation modeste.
Le calcul de l'impôt des non-résidents est effectué en appliquant le barème progressif et le système du quotient familial.
Cependant, lorsqu'il est établi et recouvré par voie de rôle, c'est-à-dire hors cas de retenue à la source, l'impôt ainsi obtenu ne peut être inférieur à 25 % du revenu net imposable, ou à 18 % pour les revenus ayant leur origine dans les départements d'outre-mer. Le non-résident peut toutefois obtenir la révision de ce taux s'il établit que le taux moyen qui résulterait de l'imposition en France de l'ensemble de ses revenus de source française et étrangère serait inférieur à ce taux minimum. Il obtiendrait ainsi que le taux minimum soit écarté au profit de ce taux moyen pour le calcul de l'impôt exigible sur les seuls revenus de source française ou sur les seuls revenus imposables en vertu de l'éventuelle convention. Enfin, l'imposition au taux de 25 ou 18 % qui n'excède pas 2 000 F n'est pas mise en recouvrement.
Il est précisé également qu'aucune réduction d'impôt n'est applicable. Seule celle relative aux intérêts d'emprunt afférents à l'habitation principale était encore accordée il y a environ trois ans. Mais elle a été récemment supprimée pour l'ensemble des contribuables.
Par ailleurs, les retenues à la source sont imputées sur l'impôt dû, lorsqu'elles ne sont pas libératoires de l'impôt sur le revenu.
Enfin, les contribuables domiciliés hors de France ne sont pas imposables à la contribution sociale généralisée et aux autres prélèvements à caractère social.

> Retenues à la source et prélèvements

Certains revenus de source française perçus par les non-résidents sont établis et recouvrés non par voie de rôle, mais par retenue à la source ou prélèvement, en vue d'éviter le risque de non-recouvrement. Le débiteur est tenu d'opérer, lors du versement des sommes, une retenue à la source et d'en verser le produit au Trésor.
Il s'agit de certains revenus non salariaux, des traitements, salaires, pensions et rentes viagères, dividendes et autres revenus distribués par des sociétés françaises, produits de placements à revenu fixe, plus-values de cession de certains droits sociaux et profits immobiliers à caractère professionnel ou non.
En matière de traitements, salaires, pensions et rentes viagères, la retenue à la source ne s'applique que dans la mesure où il n'existe pas de conventions internationales instituant un régime plus favorable.
C'est ainsi notamment que les conventions peuvent aboutir à retirer à la France le droit d'imposer certains revenus de source française.
Les taux de la retenue à la source sont fixés à 0 %, 15 % et 25 % pour les salaires, 10 % et 12 % pour les produits de placements, 25 % et 50 % pour les dividendes et revenus distribués, 33 1/3 % pour les autres revenus et 15 % pour ceux des artistes et sportifs. Certains de ces prélèvements sont libératoires de l'impôt sur le revenu, d'autres ne constituent qu'un simple acompte qui s'impute ensuite sur le montant de l'impôt établi et calculé par voie de rôle.
Par exemple, la retenue à la source n'est libératoire de l'impôt sur le revenu que pour la fraction des revenus considérés qui n'excède pas un certain seuil, soit 180 860 F pour 1999, au-delà duquel le taux de 25 % est applicable. Cette fraction n'est donc pas prise en compte pour le calcul de l'impôt sur le revenu et la partie correspondante de la retenue à la source n'est pas imputable. En revanche, la fraction imposable des revenus qui excède cette limite est prise en compte pour le calcul de l'impôt sur le revenu et la partie correspondante de la retenue à la source est imputable sur le montant de cet impôt.
A noter que la base imposable de la retenue est constituée par le montant net imposable, déterminé conformément aux règles applicables en matière d'impôt sur le revenu. Il en va de même des pensions et rentes viagères.
La retenue à la source inférieure à 50 F mensuels n'est pas opérée.
Qu'il s'agisse des salaires, pensions, revenus non salariaux ou autres, les règles édictées en matière de retenue à la source peuvent comporter des dérogations dont certaines résultent des conventions internationales sur les doubles impositions. Des conventions prévoient, en effet, soit une exonération d'impôt en France, soit l'application d'un taux réduit, soit encore la taxation de revenus qui, par application de la loi interne, étaient exonérés.
En outre, en matière de traitements et salaires, les missions temporaires effectuées en France par des salariés du secteur privé non résidents échappent à la retenue à la source lorsque le séjour n'excède pas, en règle générale, 183 jours, et que les rémunérations ne sont pas supportées par un établissement stable ou une base fixe que l'employeur aurait en France.
Les travailleurs frontaliers échappent également à la retenue à la source sur les salaires versés en France lorsqu'ils ont leur domicile fiscal dans certains pays limitrophes.

a.2. Personnes disposant d'une ou de plusieurs habitations en France

> Principes généraux

Les personnes de nationalité française ou étrangère qui n'ont pas leur domicile fiscal en France métropolitaine ou dans un département d'outre-mer, mais qui y disposent d'une ou plusieurs habitations, sont soumises, au titre de l'impôt sur le revenu, à une taxation forfaitaire minimale basée sur trois fois la valeur locative de cette ou de ces habitations.
Sont prises en compte toutes les habitations dont le contribuable a eu la disposition en France pendant tout ou partie de l'année, à quelque titre que ce soit, directement ou sous le couvert d'un tiers.
Le calcul de l'impôt est effectué par application du barème progressif et du système du quotient familial, sur une base forfaitaire égale à trois fois la valeur locative. Aucune réduction d'impôt n'est admise, mais les retenues à la source non libératoires peuvent être déduites comme en matière d'imposition des revenus de source française.
Une telle taxation forfaitaire, qui peut s'appliquer en l'absence de revenus de source française ou lorsque ces revenus sont inférieurs à la base d'imposition forfaitaire, a cependant une portée sensiblement réduite et compte de nombreuses exceptions.

> Exonération d'impôt

Certains contribuables peuvent dans certaines conditions bénéficier d'une exonération d'impôt.
En effet, la taxation forfaitaire ne s'applique pas aux contribuables dont les revenus de source française sont supérieurs à la base forfaitaire ainsi qu'aux français ou étrangers domiciliés dans l'un des nombreux pays ou territoires ayant conclu avec la France une convention relative aux doubles impositions.
Elle ne s'applique pas non plus aux contribuables de nationalité française et aux nationaux des pays ayant conclu avec la France un accord de réciprocité qui justifient être soumis, dans le pays où ils ont leur domicile fiscal, à un impôt personnel sur l'ensemble de leurs revenus, et si cet impôt est au moins égal aux deux tiers de celui qu'ils auraient à supporter en France sur la même base d'imposition.
Enfin, la taxation forfaitaire n'est pas mise en œuvre l'année du transfert du domicile fiscal hors de France et les deux années suivantes pour les contribuables de nationalité française dont le domicile fiscal était situé de manière continue en France pendant les quatre années précédant celle du transfert et qui s'expatrient à l'étranger pour des raisons professionnelles.
Cette dernière exonération, applicable à compter de l'imposition des revenus de 1994, n'est accordée que s'il est joint, à l'appui de la déclaration provisoire des revenus qui doit être produite dans les dix jours qui précèdent la demande de passeport ou dans les dix jours du départ en l'absence de demande de passeport, une note précisant l'adresse de l'habitation dont l'expatrié conserve la disposition en France, accompagnée de justifications établissant les motifs professionnels du transfert de domicile.
Une bonne information du candidat à la mobilité hors des frontières apparaît dès lors tout à fait indispensable.

b. Incidence des conventions internationales

b.1. Objet des conventions

La législation française ne prévoit pas de dispositions permettant d'éviter la double imposition.
Cette situation rend nécessaire la négociation de conventions fiscales internationales.
Celles-ci imposent des définitions communes, notamment celle de "résident", des règles relatives au droit d'imposer, pour chaque Etat contractant, par catégorie de revenu, et des méthodes pour éliminer les risques de double imposition. Elles prévoient également, pour la plupart d'entre elles, une clause d'assistance administrative réciproque destinée à permettre l'échange de renseignements, soit pour assurer une application cohérente des dispositions qu'elles édictent, soit pour la mise en oeuvre de la législation interne de chaque Etat, soit encore pour faciliter le recouvrement des créances fiscales.
Pour parvenir à la résolution des cas de double imposition, ou d'imposition non conforme à la convention, les conventions prévoient la mise en oeuvre d'une procédure amiable engagée entre Etats à la demande du contribuable.
Par ailleurs, la France a conclu des accords particuliers avec de nombreux pays ou organismes internationaux qui ne constituent pas des conventions fiscales générales.
Conformément à la primauté des conventions internationales sur le droit interne, les dispositions de la convention prévalent et les obligations fiscales des contribuables sont susceptibles d'être modifiées. Sauf exception, en règle générale, elles sont restreintes.
Un contribuable peut être assujetti à l'impôt dans deux Etats sur son revenu mondial par suite d'un conflit de double domicile : domicilié dans un Etat, il peut être imposé sur les revenus provenant d'un autre Etat par les deux Etats concernés. Il y a alors conflit entre l'Etat de la résidence et l'Etat de la source des revenus.
La notion de "résident d'un Etat contractant", qui se substitue à la notion de "domicile fiscal", va permettre d'éviter les doubles impositions résultant d'un conflit de double domicile fiscal et de déterminer les règles d'imposition applicables. Elle s'entend comme le lieu du foyer permanent d'habitation, mais peut résulter d'autres critères tels que le centre des intérêts vitaux, le lieu du principal séjour ou encore la nationalité.
Ainsi, une convention pourra avoir pour effet de conférer la qualité de non-résident à des contribuables qui, par application des critères mis en oeuvre en droit interne, seraient considérés comme domiciliés en France. Ces contribuables seront, par conséquent, imposés selon les règles prévues pour les non-domiciliés.
Une convention pourra également attribuer à la France le droit d'imposer certains revenus quel que soit le domicile du bénéficiaire, par exception au droit interne.
D'autres exceptions peuvent être prévues par les conventions en matière de rémunérations publiques ou de pensions et rentes publiques ou privées, l'imposition étant, selon le cas, confiée à l'Etat de la source, c'est-à-dire l'Etat de provenance des revenus, ou à l'Etat de résidence, ainsi que l'illustre l'exemple suivant.

Réclamation n° 93-2919, transmise par M. Alain RODET, député de la Haute-Vienne.

M. S..., coopérant militaire au Maroc, avait été imposé en France sur le revenu mondial selon la règle du taux effectif. Il avait cependant été soumis, par la suite, à taxation sur ses revenus de source française perçus à l'étranger par le centre des impôts du lieu de son domicile français, en application d'un avenant à la convention fiscale franco-marocaine publié tardivement.
Or, ses revenus de sources marocaine et française avaient été imposés au Maroc et, jusqu'alors, les revenus de source française perçus au Maroc et imposés dans ce pays étaient déclarés avec les revenus fonciers perçus en France, seuls ces derniers étant imposés par le Centre des impôts des fonctionnaires et agents hors de France.
En fait, l'avenant à la convention fiscale bilatérale franco-marocaine rendait imposables dans le seul Etat de la source, les rémunérations publiques autres que les pensions, indépendamment du lieu de résidence, et son caractère rétroactif paraissait conduire à une double imposition au Maroc et en France, contraire à la convention elle-même, dès lors que ces mêmes rémunérations avaient auparavant été imposées dans l'Etat de résidence, c'est-à-dire au Maroc.
Le Médiateur de la République est par conséquent intervenu en faveur de M. S... auprès des autorités françaises compétentes. Il est apparu que le contribuable devait, par voie de réclamation, demander aux autorités fiscales marocaines le remboursement des impôts perçus au Maroc sur les revenus de source française. L'administration fiscale française s'engageait par ailleurs à ne pas réclamer l'impôt exigible si, corrélativement, M. S... n'obtenait pas le remboursement de l'impôt marocain.
Indépendamment de ce recours, l'administration fiscale française acceptait de mettre en oeuvre la procédure d'assistance administrative entre les deux Etats, destinée à résoudre les cas de double imposition ou d'imposition non conforme à la convention, après présentation par le requérant de justificatifs de l'imposition au Maroc et du quitus fiscal.
L'intervention du Médiateur de la République a également permis de relever des irrégularités conduisant à une surimposition en France et de les corriger par voie de dégrèvement.
Enfin, pour tenir compte de la publication tardive de l'avenant à la convention, les intérêts de retard ont été annulés.
Une autre affaire significative peut venir illustrer les difficultés d'application des conventions.

Réclamations n° 94-0513 et 94-2177, transmises par M. Gérard GRIGNON, député de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Des marins-pêcheurs étaient embarqués sur un navire appartenant à une entreprise sise dans un territoire d'outre-mer (TOM).
Ils se plaignaient de ne pouvoir être autorisés à déclarer leurs revenus dans le TOM, alors même qu'un jugement du tribunal administratif de la collectivité territoriale avait tranché en faveur de l'imposition dans l'Archipel.
Pour imposer les marins en métropole, l'administration fiscale française se fondait sur la convention qui liait l'Etat et la collectivité territoriale, aux termes de laquelle les rémunérations perçues par un résident d'un territoire, au titre d'un emploi salarié à bord d'un navire, ne sont imposables que dans ce territoire.
Le tribunal administratif avait jugé en revanche que le domicile fiscal des intéressés était fixé sur l'Archipel dès lors que les navires sur lesquels ils exerçaient leurs fonctions étaient, bien qu'immatriculés en métropole, basés de façon constante et durable dans le TOM.
Les contribuables se trouvaient ainsi soumis à une double imposition.
Lors de l'examen de cette affaire, soumise au Médiateur, il est apparu que de nombreux problèmes de droit se posaient.
D'une part, la situation des contribuables concernés, dont les familles étaient établies en France, où elles disposaient d'une résidence principale, semblait pouvoir être réglée par la législation fiscale française et la convention. Aux termes des dispositions figurant dans ces textes, il apparaissait que les marins-pêcheurs avaient leur domicile fiscal en France.
D'autre part, la décision du tribunal administratif de ce territoire d'outre-mer pouvait être rapprochée d'une jurisprudence du Conseil d'Etat relative à un bâtiment de la marine nationale basé hors métropole ou hors DOM, dans un autre TOM, étant précisé cependant qu'il n'existait pas de convention qui liait à la France le territoire concerné par cette décision du Conseil d'Etat.
Au surplus, l'administration fiscale française ne s'estimait pas liée par le jugement du tribunal administratif intervenu en faveur de certains des requérants, dès lors qu'elle n'était pas partie à l'instance, le litige soumis aux juges opposant les marins et le président du Conseil général du territoire.
Cependant, il n'appartenait pas au Médiateur de la République de remettre en cause une décision de justice et il a été proposé à l'administration d'engager la procédure de concertation entre les autorités compétentes de la métropole et du territoire, prévue par la convention fiscale, pour mettre fin à la double imposition.
Le ministre du Budget a répondu favorablement à la demande formulée par le Médiateur et engagé des démarches pour faire aboutir cette procédure, par la voie d'un accord amiable. Dans cette perspective, le ministre a ordonné à ses services de ne pas appliquer de pénalités, et le recouvrement des impositions contestées a pu être suspendu sur requête des intéressés.
Les conventions prévoient, par ailleurs, des règles particulières pour chaque catégorie de revenus.
Ainsi, alors que les revenus de biens immobiliers pourront être taxés dans l'Etat de situation de l'immeuble, les traitements et salaires seront taxés, sauf exception, par l'Etat source, c'est-à-dire celui où est exercée l'activité. A l'inverse, les revenus non commerciaux pourront être imposés par l'Etat de résidence. Les gains en capital seront imposés par l'un ou l'autre Etat contractant en fonction de leur nature, soit au lieu de situation du bien, du siège ou de la base fixe de l'entreprise, soit dans l'Etat de résidence.
En outre, il convient de noter que la plupart des conventions fiscales comportent une clause d'égalité de traitement ou d'assimilation aux nationaux, en vertu du principe de non-discrimination. Ce principe interdit toute discrimination fiscale fondée sur la nationalité d'une personne physique ou morale et prévoit que, sous condition de réciprocité, les nationaux d'un Etat contractant ne peuvent pas, à situation égale, être traités moins favorablement dans l'autre Etat contractant que les propres nationaux de ce dernier Etat.
Cette règle n'interdit pas en revanche à un Etat de traiter différemment des résidents et des non-résidents.
L'exemple suivant en témoigne.

Réclamation n° 98-0814, transmise par M. François CORNUT-GENTILLE, député de la Haute-Marne.

M. et Mme D... avaient transporté leur résidence au Luxembourg, Mme D... travaillant dans ce pays en qualité de fonctionnaire d'une organisation internationale.
Son époux avait cependant conservé son emploi en France et s'était trouvé imposé à la source pour ses traitements d'origine française.
Le couple avait contesté le bien-fondé des modalités de l'imposition en France des traitements de source française, au motif qu'elles étaient incompatibles avec la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) relative au principe communautaire de l'égalité de traitement, lequel exigeait, selon eux, que la situation personnelle et familiale d'un non-résident soit prise en compte dans l'Etat d'emploi, de la même manière que les nationaux résidents, avec octroi des mêmes avantages fiscaux.
Le ménage n'était pas imposé au Luxembourg et le salaire de l'épouse était frappé d'un impôt prélevé par l'organisme international qui l'employait.
Le couple entendait bénéficier de réductions d'impôt ou de la déduction de charges au titre du revenu global, comme s'il était établi en France, pour le calcul de la retenue à la source sur les traitements perçus en France par M. D...
Or, la clause de non-discrimination s'applique à l'égard des nationaux d'un Etat contractant qui se trouvent dans la même situation que les nationaux de l'autre Etat, notamment au regard de la résidence.
Tel n'était pas le cas en l'espèce.
Au surplus, certaines conventions anciennes s'avèrent moins protectrices et ne comportent même pas l'énoncé de cette clause de non-discrimination, ce qui est le cas de la convention fiscale conclue avec le Luxembourg. Des conventions récentes dérogent quant à elles, au principe en légitimant des dispositions fiscales nationales discriminatoires.
La CJCE a jugé que le principe de non-discrimination s'appliquait non seulement à l'égard des ressortissants communautaires résidant dans l'Etat où ils travaillent, mais aussi à l'égard de ceux qui tiraient leur revenu, totalement ou presque exclusivement dans ce dernier Etat.
Dans la situation de M. et Mme D..., les revenus du foyer fiscal n'étant pas, pour une partie importante, d'origine française, le Médiateur de la République n'a pu utilement oeuvrer en leur faveur.
Il convient de préciser sur ce point qu'en France les ressortissants français et étrangers, résidents sur le territoire français, doivent être soumis au même régime fiscal, à situation égale (bénéfice du quotient familial, exonération des plus-values de cession de la résidence en France...), sauf réserve expresse dans la convention ou le protocole annexe.

b.2. Moyens d'éviter les doubles impositions

La France utilise deux méthodes alternativement ou de façon combinée.

> Exonération

La méthode de l'exonération comporte deux variantes (exonération totale ou avec progressivité).
La France a longtemps utilisé cette méthode avec progressivité pour tous les revenus provenant de l'autre Etat et qui, en vertu de la convention, sont imposables dans celui-ci, à l'exception cependant de ceux qui y sont assujettis à un impôt limité, des tantièmes,
jetons de présence et autres rémunérations versées aux administrateurs de sociétés, et des revenus des artistes et sportifs ou tirés de l'exercice d'une profession indépendante.
Hormis ces trois exceptions, l'application par la France de la méthode de l'exonération avec progressivité, dite "du taux effectif ", permet de maintenir la progressivité de l'impôt même lorsqu'une convention internationale retire à la France le droit d'imposer une fraction du revenu du contribuable.
Cette méthode consiste à tenir compte du montant des revenus imposés dans l'autre Etat pour la détermination du taux de l'impôt français, tout en les excluant de l'assiette de cet impôt. Ainsi, l'impôt est d'abord calculé sur le revenu global du contribuable, puis est réduit en proportion de la part des revenus exonérés en France par la convention.

> Imputation

Cette méthode, qui est utilisée dans les dernières conventions signées par la France, est applicable pour les résidents de France, aux revenus imposables dans l'Etat de résidence, en vertu de la convention, et qui sont également assujettis à un impôt limité dans l'autre Etat contractant.
Elle est également mise en oeuvre pour des revenus qui, pour des raisons diverses, se trouvent être imposables à la fois dans l'Etat source et dans l'Etat de résidence, sans limitation.
Un crédit d'impôt, égal au montant de l'impôt que l'Etat étranger a effectivement prélevé en application de la convention, peut être imputé, par les contribuables résidents de France, sur l'impôt français dans la base duquel les revenus déjà imposés à l'étranger ont été compris. Le crédit d'impôt imputable constitue lui-même un revenu imposable.
Des exceptions concernant la détermination du montant du crédit d'impôt sont prévues dans certains cas (crédit d'impôt égal à l'impôt français, décote africaine, crédits d'impôts forfaitaires).
Enfin, le montant de l'imputation est limité au montant de l'impôt français perçu sur le revenu auquel le crédit est attaché.
L'examen de ces dispositions permet de mesurer tout l'intérêt qui s'attache à une bonne connaissance, par le candidat à la mobilité internationale, des dispositions des conventions qui régissent les relations fiscales entre le pays de départ et le pays d'accueil et à la possession, au retour en France, de tous justificatifs quant aux impositions diverses acquittées dans le ou les pays où il aura séjourné.
Or, le Médiateur de la République est amené à constater que bien des doubles impositions pourraient être évitées si le contribuable avait pris, au préalable, toutes les précautions nécessaires pour disposer effectivement de ces justificatifs.

c. Situations particulières et difficultés d'application

Les dispositions générales de la loi française et les conventions ne règlent cependant pas toutes les situations des expatriés.
Des dispositions spécifiques régissent en effet, au regard de la loi française, certaines catégories d'expatriés, et des difficultés particulières peuvent naître de l'application des dispositions nationales aux personnes en mobilité.

c.1. Agents de l'Etat en service à l'étranger

Les agents qui exercent leurs fonctions ou sont chargés de mission dans un pays étranger sont considérés comme ayant leur domicile fiscal en France lorsqu'ils ne sont pas soumis, dans leur pays d'affectation, à un impôt personnel sur l'ensemble de leurs revenus.
Les intéressés sont, par conséquent, imposables en France sur la totalité de leurs revenus, mais seulement à concurrence des sommes qu'ils auraient perçues s'ils étaient restés en France.
Les suppléments liés à l'expatriation, tels que la prime d'éloignement et les indemnités destinées à couvrir des dépenses spéciales, sont exonérés.
Cependant, le fonctionnaire pourrait ne pas être soumis à ce régime d'imposition dans la seule hypothèse où il apporterait la preuve qu'il supporte effectivement à l'étranger un impôt personnel sur l'ensemble des éléments de sa rémunération qui seraient normalement taxables selon la législation française, ainsi que le montre le cas suivant.

Réclamation n° 94-1612, transmise par Mme Monique CERISIER-BEN GUIGA, sénateur des Français établis hors de France.

M. O..., professeur certifié au Lycée français de Hong-Kong, s'est trouvé être victime d'une double imposition à partir de la date à laquelle les autorités de ce territoire n'ont plus accepté l'inscription sur la liste consulaire de certains enseignants.
Il est ainsi devenu imposable à Hong Kong pour les revenus qu'il y percevait, alors même qu'il était également imposé en France en qualité d'agent de l'Etat en service à l'étranger.
En l'absence de convention fiscale entre les deux pays, l'administration fiscale, saisie du problème, a convenu que l'exonération de l'impôt sur le revenu en France pour les salaires perçus à Hong Kong serait de droit, sous réserve de la preuve de l'imposition de ces mêmes revenus, par les autorités du territoire.
Cependant, M. O... n'avait pu obtenir gain de cause que pour une partie de la période concernée.
L'intervention du Médiateur de la République a permis de rétablir M. O... dans la totalité de ses droits, pour l'ensemble de la période concernée, son épouse et lui-même ayant été considérés comme non-domiciliés en France. Ainsi, seuls leurs revenus de source française, perçus en France, ont été imposés au taux minimum de 25 %.
Les fonctionnaires qui exercent à l'étranger sont également considérés comme domiciliés en France lorsque, en application des critères relatifs au domicile fiscal définis par la loi interne, ils ont par exemple conservé leur foyer familial en France. Dans ces conditions, un fonctionnaire qui effectue des déplacements, en principe quotidiens, pour rejoindre le lieu d'exercice de son activité à l'étranger, ne bénéficiera pas de l'exonération des suppléments liés à l'expatriation qui lui auront éventuellement été versés.

c.2. Salariés détachés à l'étranger

Les salariés français envoyés en mission à l'étranger sont passibles de l'impôt sur le revenu en France sur l'ensemble de leurs revenus, y compris la rémunération de leur activité à l'étranger, lorsqu'ils ont conservé leur domicile fiscal en France.
Mais ils peuvent, en vertu de dispositions spéciales, être exonérés d'impôt en France, sur tout ou partie de leur rémunération, s'ils ont été envoyés à l'étranger ou dans les territoires d'outre-mer par un employeur établi en France.
En effet, le législateur a pour objectif de favoriser le détachement de salariés à l'étranger et d'y promouvoir l'exercice d'activités spécifiques.
Une exonération totale de la rémunération de l'activité à l'étranger est ainsi prévue lorsque celle-ci est soumise, dans l'Etat où s'exerce l'activité, à un impôt sur le revenu égal aux deux tiers de celui qu'elle supporterait en France.
Le même avantage est accordé lorsque la rémunération est versée en contrepartie de l'exercice à l'étranger de l'une des activités énoncées ci-après, pendant une durée supérieure à 183 jours au cours d'une période de douze mois consécutifs incluant divers congés, y compris certains congés pris en France :
- chantiers de construction (au sens de chantiers de tous travaux publics) ou de montage, installation, mise en route et exploitation d'ensembles industriels, prospection et ingénierie y afférentes ;
- prospection, recherche ou extraction de ressources naturelles, c'est-à-dire de produits du sol et du sous-sol ou de produits de la mer ;
- par tolérance administrative, prospection de la clientèle de certains attachés commerciaux, lorsqu'elle conditionne réellement l'implantation de sociétés françaises à l'étranger, et restauration des personnels d'un chantier de construction.

Ces limitations sont d'application stricte, ainsi qu'il est possible de le constater à l'examen des circonstances exceptionnelles évoquées dans une ancienne réclamation n° 92-3786.

M. B... se plaignait de n'avoir pu bénéficier de l'exonération d'impôt sur le revenu pendant la guerre du Golfe, période au cours de laquelle il avait travaillé en Irak et où il avait été retenu comme otage. Il totalisait 190 jours de présence à l'étranger, dont 128 en tant qu'otage. Ingénieur, il assurait le suivi de livraisons de matériels pour une société française.
Mais l'administration fiscale lui avait refusé le bénéfice de l'exonération au motif que s'il avait effectivement exercé une activité pendant plus de 183 jours à l'étranger, il ne pouvait néanmoins bénéficier de l'exonération, réservée aux activités de construction, montage, mise en route d'établissements industriels ou de prospection, recherche ou extraction de ressources naturelles.
L'exonération des primes d'éloignement et indemnités destinées à couvrir des dépenses spéciales lui avait toutefois été accordée.
Estimant que sa situation d'otage devait donner droit à un traitement fiscal plus favorable que celui réservé aux français résidant normalement à l'étranger, M. B... a saisi le Médiateur de la République.
Or, malgré une intervention en faveur de M. B..., aucune exonération supplémentaire n'a pu lui être accordée, dès lors que le législateur n'avait pas prévu une telle mesure et qu'une remise gracieuse ne pouvait se justifier que par une situation de gêne ou d'indigence, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. Une telle remise gracieuse n'aurait d'ailleurs pas eu pour effet de remédier a posteriori aux difficultés éprouvées.
Dès lors que M. B... n'exerçait pas l'une des activités susmentionnées ouvrant droit à exonération, le Médiateur de la République ne pouvait relever aucun dysfonctionnement, ni même une grave iniquité susceptible de lui permettre de poursuivre son action.
Dans l'hypothèse où l'exonération d'impôt est accordée, l'impôt dû en France sur les revenus autres que ceux exonérés est calculé selon la règle du taux effectif.
Lorsqu'aucune des exonérations totales ne peut être demandée, les revenus perçus à l'étranger ne sont cependant imposables en France que partiellement, à concurrence de la rémunération que le bénéficiaire aurait eue en France pour la même activité. Ainsi, la plupart des suppléments de rémunération retirés de l'exercice de la profession ne sont pas imposés dès lors que le contribuable peut établir le lien entre ces suppléments et sa mission à l'étranger.

c.3.Taxation des frontaliers et contributions sociales

Les personnes qui sont considérées comme fiscalement domiciliées en France en vertu de la législation nationale ou des conventions bilatérales internationales sont assujetties à la contribution sociale généralisée (CSG) et à la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). La domiciliation s'apprécie au moment de la perception du revenu.
La situation des frontaliers qui travaillent dans un pays limitrophe est toutefois particulière.
La CRDS frappe en effet les revenus d'activité ou de remplacement de source étrangère soumis en France à l'impôt sur le revenu. Selon l'administration française, il s'agit, tout comme la CSG, d'une contribution à caractère fiscal.
C'est pourquoi l'administration fiscale a prélevé la CRDS, mais également la CSG, sur les revenus d'activité ou de remplacement des travailleurs frontaliers fiscalement domiciliés en France.
Ces derniers ont cependant vivement contesté ce prélèvement, estimant que la CSG revêtait la nature d'une contribution sociale à laquelle ils ne devaient pas être assujettis, dès lors qu'ils ne relevaient que de la seule législation sociale du pays d'emploi. Aussi le Gouvernement a-t-il été amené, en raison de difficultés d'ordre pratique, à suspendre le recouvrement de la CSG dès 1994, dans l'attente de la définition de modalités d'assujettissement et de recouvrement appropriées.
Or, le 19 décembre 1997, la Commission européenne a annoncé son intention de saisir la Cour de justice des Communautés européennes sur la question de l'assujettissement à la CRDS des travailleurs frontaliers résidant en France. Elle a, en outre, menacé la France d'une seconde saisine portant sur la CSG.
La Commission considère en effet que l'assujettissement à la CRDS et à la CSG des travailleurs frontaliers domiciliés en France et travaillant dans un autre Etat membre est contraire au Règlement communautaire n° 1408/71, selon lequel les salariés travaillant
et résidant dans deux Etats membres différents relèvent de la seule législation de sécurité sociale du pays d'emploi.
Pour les autorités françaises, au contraire, ces contributions sont de nature fiscale et revêtent le caractère d'un impôt. Elles n'entrent pas dans le champ d'application du Règlement précité et doivent frapper indistinctement les revenus de source française ou étrangère des personnes domiciliées en France.
Le Médiateur de la République, saisi de nombreuses réclamations de frontaliers à ce titre, n'a pu oeuvrer utilement en faveur de ces derniers. En effet, seules les autorités juridictionnelles compétentes sont à même de trancher ce litige portant sur la nature juridique d'une cotisation.

d. Etablissement de l'impôt des non-résidents

d.1. Impôt sur le revenu

Le lieu d'imposition de tous les contribuables qui n'ont pas leur domicile fiscal en France, ainsi que des agents de l'Etat en service à l'étranger, est fixé au centre des impôts des non-résidents, 9, rue d'Uzès –75094 PARIS cedex 02.
Ce service reçoit chaque année une déclaration des revenus de ces contribuables (revenus de source française, valeur locative de l'habitation en France, rémunérations des fonctionnaires et agents de l'Etat en service à l'étranger, contribuables taxés en vertu d'une convention internationale...).

Réclamation n° 97-4206, transmise par M. Paul GIROD, sénateur de l'Aisne.

M. G..., pilote de ligne affecté en Polynésie française, établit sa résidence en Nouvelle-Calédonie après avoir résidé dans un département métropolitain.
Le service des impôts de l'ancienne résidence métropolitaine l'invite à souscrire sa déclaration des revenus de l'année du départ, mais M. G... explique qu'il n'a, au titre de cette année, perçu aucun revenu en France.
Après avoir envisagé de l'imposer sur ses revenus perçus hors de France, ce même centre des impôts notifie une imposition sur une base égale à trois fois la valeur locative des immeubles dont M. G... disposait à titre d'habitation en France, assortie d'une importante pénalité.
Le contribuable invoque son ignorance des dispositions particulières applicables aux non-résidents qui disposent de biens immeubles en France et se plaint d'un manque d'information de la part du service des impôts quant à ses réelles obligations, malgré de nombreux échanges de correspondances.
L'examen du dossier par le Médiateur de la République a permis de constater que si, en l'absence de revenus de source française, M. G... était effectivement imposable au titre des habitations possédées en France, les circonstances dans lesquelles la taxation était intervenue, s'avéraient critiquables.
En effet, le centre des impôts de l'ancienne résidence métropolitaine n'était pas territorialement compétent pour établir l'impôt, le lieu d'imposition des personnes n'ayant pas leur domicile fiscal en France étant fixé au centre des impôts des non-résidents, à Paris.
A la demande du Médiateur de la République, le directeur des services fiscaux concerné a tiré les conséquences de l'erreur commise par son service et a prononcé le dégrèvement total de l'imposition litigieuse au titre de l'année concernée.
En revanche, les contribuables qui, bien qu'exerçant une activité à l'étranger, ont conservé leur domicile fiscal en France, ne relèvent pas de ce centre des impôts spécialisé, mais de celui du lieu de leur foyer.
Des délais spéciaux sont accordés aux personnes domiciliées hors de France pour souscrire leurs déclarations. Ils varient en fonction du lieu du domicile et les dates limites s'échelonnent du 30 avril au 30 juin.
A moins qu'ils ne perçoivent que des pensions ou des revenus mobiliers de source française, les non-résidents sont, à la demande de l'administration, tenus de désigner un représentant fiscal en France pour recevoir les différentes communications relatives à l'impôt.
Des dispositions particulières régissent le transfert du domicile de l'étranger en France ou inversement.
Un expatrié de retour en France est soumis à l'impôt sur le revenu à compter du jour de l'établissement en France, pour les revenus qui y seront perçus.
Le contribuable qui, domicilié en France, transfère son domicile à l'étranger, est imposable sur les revenus perçus pendant l'année du départ jusqu'à la date de celui-ci et sur tous revenus acquis, même s'il n'en a pas eu la disposition antérieurement à son départ.
Les mêmes règles sont applicables en cas d'abandon de toute résidence en France.

d.2. Autres impositions La taxe d'habitation est applicable d'après les faits existants au 1er janvier de l'année d'imposition.

C'est ainsi que, dans l'hypothèse où l'expatriation intervient postérieurement à cette date, la taxe d'habitation est due pour l'année entière et, si le logement est conservé, la taxe est également due pour les années suivantes, sauf si le logement est maintenu vide de tous meubles et ne présente plus, par conséquent, un caractère habitable. Une demande d'exonération de taxe d'habitation pourra alors être présentée au centre des impôts fonciers territorialement compétent.
Il est précisé que les non-résidents perdent le bénéfice des abattements liés à la résidence principale sauf lorsque le logement continue à être habité à ce titre par un membre de la famille.
Les taxes foncières restent dues à raison des biens immeubles possédés en France, le lieu de résidence de leur propriétaire, en France ou à l'étranger, restant sans incidence.
Il en va de même pour l'impôt de solidarité sur la fortune, sous réserve de l'application des conventions internationales.
Les doubles impositions en la matière peuvent être évitées par l'application des mécanismes prévus en matière d'impôt sur le revenu, tels que la règle du "taux effectif " ou le crédit d'impôt octroyé par l'Etat de résidence.
La complexité de la réglementation fiscale applicable à la mobilité à l'intérieur du territoire ou à l'extérieur de nos frontières, dictée par le souci de tenir compte du plus grand nombre de situations de déplacement ou d'expatriation, implique une démarche du contribuable en matière d'information.
Or, une bonne information s'avère essentielle pour éviter les conséquences pénalisantes, au plan financier, d'omissions ou de choix de régimes fiscaux inappropriés à la situation individuelle du contribuable concerné.
C'est la raison pour laquelle le Médiateur de la République ne cesse d'encourager l'administration à développer les campagnes de communication et les contacts avec le public afin d'améliorer l'information de chacun, en particulier dans un domaine aussi sensible que celui de la fiscalité.

LE SECTEUR JUSTICE / URBANISME

Le "secteur Justice" examine les réclamations portant sur les litiges qui opposent une personne physique ou morale au service public de la justice. On entend par service public de la justice non seulement l'activité des trois composantes du ministère de la Justice (services judiciaires, administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse) mais aussi celle des professions qui participent à l'action de la justice telles que notaires, avocats, avoués, huissiers ou encore mandataires liquidateurs. Si le Médiateur de la République peut connaître du fonctionnement de ce service public, en revanche, il ne peut intervenir dans l'activité judiciaire proprement dite. A cet égard, en application de l'art. 11 de la loi du 3 janvier 1973, il a été admis que tout ce qui ne relevait pas de l'exercice de la fonction juridictionnelle était considéré comme service public de la justice et entrait donc dans le champ de compétence du Médiateur de la République.
Le Médiateur de la République est ainsi compétent pour tout ce qui relève des tâches administratives exercées par les membres des juridictions : nationalité, état civil, tutelle, aide juridictionnelle, etc... De même, il intervient en cas de dysfonctionnement du service public lorsqu'il existe à titre d'exemple des irrégularités dans les convocations des parties à un procès.
Saisi parfois en raison de la lenteur de la justice, le Médiateur de la République s'interdit d'intervenir en faveur du citoyen dont la réclamation lui a été adressée par l'intermédiaire d'un parlementaire au nom du principe constitutionnel d'égalité. En revanche, après des études statistiques effectuées par ses services, il lui est arrivé, à l'instar de son homologue espagnol, d'appeler ponctuellement l'attention de la ministre de la Justice sur la situation particulièrement inquiétante de telle ou telle juridiction et la nécessité d'envisager un renforcement de ses moyens au moment de l'affectation des magistrats et fonctionnaires du greffe nouvellement recrutés.
Pour instruire les réclamations traitées dans le secteur justice, le Médiateur de la République interroge dans un premier temps le service ou le professionnel concerné afin d'avoir une vision complète du dossier. Le cas échéant, il consulte par l'intermédiaire de son correspondant ministériel, l'inspecteur général des services judiciaires, les chefs des cours d'appel ou les autorités ordinales avant d'engager une médiation avec l'agent judiciaire du trésor ou la compagnie d'assurance du professionnel concerné notamment s'il s'agit d'avocats ou de notaires.
Beaucoup de dossiers adressés à la Médiature concernent des litiges qui opposent des personnes privées et ont donné lieu à des décisions de justice.
Le Médiateur de la République n'ayant pas compétence pour intervenir dans l'exercice de la fonction juridictionnelle, ces réclamations sont pour la plupart rejetées dès leur réception au secteur d'orientation des réclamations.
Le "secteur Urbanisme" traite essentiellement des questions de permis de construire, de lotissement, d'habitat, d'expropriation, de voirie, de protection de l'environnement et du patrimoine culturel.
Les réclamations adressées au Médiateur de la République dans ce domaine mettent aussi bien en cause les services de l'Etat (préfectures, directions départementales de l'équipement, directions régionales de l'environnement...), les collectivités locales (communes, départements, régions) ou les organismes investis d'une mission de service public (ouvrages publics, SNCF...).
Sur un plan général, les lois de décentralisation ont eu pour effet de stratifier une quantité de textes et diversifier les autorités compétentes, notamment pour ce qui concerne la délivrance des autorisations de construire (simples logements individuels, installations dites classées...), la prévention des risques naturels, la sauvegarde des sites, la répression des infractions... Selon le Conseil d'Etat, c'est le droit de l'urbanisme qui enregistrerait le gonflement normatif le plus important.
L'imbrication des normes locales et nationales est à l'origine d'une complexité juridique mal vécue par les particuliers, surtout lorsqu'elle porte atteinte à leur droit de propriété. C'est le cas lorsqu'une commune instaure des servitudes au nom de l'intérêt général, a fortiori si le code de l'urbanisme prévoit parallèlement que ces servitudes ne sont pas indemnisées.
C'est également le cas des modifications ou des révisions des plans d'occupation des sols ayant pour effet de différer pendant une très longue période l'instruction des demandes des certificats d'urbanisme ou de permis de construire.
L'examen des réclamations fait également apparaître une pression immobilière croissante sur les zones agricoles. Les communes rurales s'efforcent notamment de concilier le délicat équilibre entre la préservation des paysages ruraux et un développement maîtrisé de l'urbanisation.
Par ailleurs, les risques d'inondation ont donné lieu à une définition administrative des zones à risques dans les espaces urbains, ruraux et périurbains.
Celle-ci implique pour les communes et les administrés des sujétions qui, dans bien des cas, peuvent avoir pour conséquence de limiter leur droit à bâtir ou de le remettre en cause définitivement. Les affaires traitant de ce sujet à la Médiature ont permis d'ailleurs de constater que l'administration était favorable à une analyse des risques encourus au cas par cas.

1. Présentation de quelques cas significatifs

Assistance éducative – Interprétation erronnée des textes légaux

Réclamation n° 96-4620, transmise par Mme Emmanuelle BOUQUILLON, ancienne député de l'Aisne

M. et Mme F... se sont vu confier la garde de leurs trois neveux par le juge des enfants dans le cadre d'une procédure d'assistance éducative. En conséquence, selon l'application combinée de l'article 85 du code de la famille et de l'aide sociale et de l'article 375 du code civil, le département devait prendre en charge financièrement les frais d'entretien des enfants.
La loi ayant prévu que la fixation des tarifs applicables à la prise en charge des mineurs en danger confiés à des tiers dignes de confiance ou des membres de la famille relevait de la compétence du département, le conseil général a élaboré son propre barème (délibération du 15 juin 1993).
En l'espèce, ce barème a fixé un montant maximum d'allocation d'entretien (correspondant à l'indemnité d'entretien et d'habillement attribuée pour les enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance), dont sont déduits, le cas échéant, les prestations familiales perçues par le "gardien" pour chaque mineur accueilli et les pensions alimentaires acquittées par les parents. Il a également été prévu que cette allocation serait uniquement versée aux gardiens dont les ressources personnelles sont inférieures à un certain plafond (1,5 SMIC + 25 % par enfant accueilli).
Constatant que les ressources personnelles des époux F... étaient supérieures au plafond fixé, les services du conseil général ont refusé de leur verser l'allocation d'entretien.
Estimant cette décision illégale, M. et Mme F... ont alors sollicité l'aide du Médiateur de la République.
Ils ont, en parallèle, introduit un recours auprès du tribunal administratif.
S'agissant de l'élaboration du tarif, le Médiateur de la République estime raisonnable le principe de la prise en compte des prestations familiales perçues par les gardiens pour les enfants accueillis. En revanche, il considère contestable de subordonner l'attribution de l'allocation d'entretien aux ressources personnelles des intéressés. Une telle mesure peut avoir pour résultat, en effet, d'aboutir à une allocation d'entretien égale à zéro, ce qui reviendrait à décharger le conseil général de ses responsabilités financières à l'égard des enfants qui ont fait l'objet d'un placement judiciaire. En outre, la privation de toutes ressources complémentaires pour certaines familles d'accueil risquerait d'avoir un effet dissuasif et de se révéler défavorable à l'intérêt des enfants comme aux finances des collectivités publiques.
Le Médiateur de la République a donc rappelé au conseil général que, selon les textes en vigueur, le département ne peut s'exonérer des termes d'une décision de justice prise en matière d'assistance éducative. Le service compétent est tenu d'assurer la couverture financière de la mesure de placement, le financement par le département étant de droit sans autre condition que la production de la décision du juge.
A la suite des interventions du Médiateur de la République, l'assemblée départementale a décidé de modifier les modalités de calcul du montant de l'indemnité d'entretien allouée aux gardiens désignés par décision judiciaire, excluant du barème la prise en compte des ressources personnelles des familles d'accueil.
Le département a ensuite versé aux époux F... la somme de 51 363 F, représentant les indemnités dues pour les trois enfants depuis 1995. De leur côté, les époux F... se sont désistés du recours qu'ils avaient formé auprès du tribunal administratif.

Etat civil - Erreur matérielle

Réclamation n° 97-2847, transmise par M. Jean DELANEAU, sénateur d'Indre-et-Loire

Les registres d'état civil de la commune de C... ont été endommagés au cours de la Deuxième Guerre mondiale et ont dû être reconstitués par la suite.
Lors de cette reconstitution, le nom de Mme F... a été mal orthographié.
Sa fille, Mme A..., ayant demandé la rectification du nom de Mme F... sur les registres concernés, s'est vu opposer un refus de la part du Procureur de la République.
Elle a alors sollicité l'aide du Médiateur de la République qui, après avoir procédé aux vérifications adéquates, a obtenu sur réquisition du procureur de la République la rectification de l'erreur matérielle qui affectait l'état civil de Mme F...

Certificat d'urbanisme – Silence persistant de l'administration

Réclamation n° 98-2588, transmise par M. Bernard PERRUT, député du Rhône

Souhaitant diviser en deux lots un terrain cadastré, M. P... avait besoin d'obtenir des informations sur la constructibilité d'une des parcelles ainsi créées. Il a donc déposé une demande de certificat d'urbanisme.
Le 23 juin 1997, l'intéressé a reçu de la préfecture un accusé de réception pour le dépôt de sa demande, mais aucune décision ne lui a été notifiée par la suite, en dépit des lettres de rappel qu'il a envoyées les 30 décembre 1997 et 13 janvier 1998.
Considérant que son dossier avait dû être égaré, M. P... a procédé à une nouvelle demande en janvier 1998. Aucune décision claire ne lui ayant été notifiée, il a sollicité l'intervention du Médiateur de la République.
Les dispositions de l'article R. 410-9 du code de l'urbanisme prévoient que le certificat d'urbanisme doit être délivré dans un délai de deux mois à compter de la date figurant sur l'avis de réception postal.
En l'espèce, M. P... aurait dû obtenir un certificat d'urbanisme avant le 23 août 1997. Compte tenu du silence persistant de l'administration, l'intéressé devait considérer que sa demande avait été rejetée de manière implicite puisque, au regard du code précité, un silence de quatre mois vaut refus de délivrance du certificat d'urbanisme.
Le Médiateur de la République est intervenu auprès des autorités compétentes en leur indiquant qu'un recours de M. P... devant le tribunal administratif en vue d'obtenir l'annulation de cette décision implicite de rejet et le versement de dommages-intérêts, avait toutes les chances de prospérer dès lors qu'au regard des "modalités d'application du règlement national d'urbanisme" (MARNU), le terrain considéré était situé en zone urbaine, donc constructible.
A la suite de cette intervention, le préfet a rapidement délivré à M. P... un certificat d'urbanisme déclarant réalisables la division parcellaire envisagée ainsi que la construction d'une maison d'habitation sur un lot issu de la division.

Jugement d'expropriation –Retard d'exécution

Réclamation n° 98-3446, transmise par M. André ASCHIERI, député des Alpes-Maritimes

Par décision du 18 septembre 1996, le tribunal de grande instance de N... a transféré la propriété des époux P... à l'Etat (ministère de l'Equipement) et a fixé une indemnisation de 3 230 000 F. Cependant, un an plus tard, M. et Mme P... n'avaient toujours rien perçu. Ils ont donc sollicité l'intervention du Médiateur de la République.
L'administration du ministère de l'Equipement a répondu au Médiateur de la République que ce dossier était lié à un ensemble d'acquisitions foncières nécessaires à la réalisation d'une opération routière co-financée avec la Région, et que les négociations engagées à ce titre avec cette collectivité suscitaient des difficultés ayant pour conséquence de retarder l'indemnisation des réclamants qui ne pourraient être concrètement dédommagés avant le premier trimestre 1998.
En juin 1998, les époux P... ont appris que leur capital de 3 230 000 F ne serait mandaté qu'au premier trimestre 1999. Ce délai supplémentaire inattendu s'avérait d'autant plus préjudiciable qu'ils attendaient le versement de cette somme pour pouvoir acheter une nouvelle maison et monter un projet professionnel.
Le Médiateur de la République a donc entrepris de nouvelles démarches auprès du ministère de l'Equipement, en soulignant fermement le grave dysfonctionnement constitué par le non-respect, depuis deux ans, de l'autorité de la chose jugée, et en rappelant l'obligation faite à l'administration de réactualiser l'indemnité initiale avec des intérêts de retard. Le Médiateur de la République a également insisté sur la nécessité de prévoir une procédure palliative de règlement en vue d'une exécution financière du jugement dans les plus brefs délais.
En réponse, le ministère de l'Equipement, constatant que le contre temps était dû au refus du conseil régional de participer au financement de l'acquisition de la propriété de M. et Mme P..., s'est engagé à prendre lui-même immédiatement en charge la totalité de l'indemnité due aux intéressés.

Commune bailleresse – Obligations légales

Réclamation n° 98-3691, transmise par M. Alain CALMAT, député de la Seine Saint-Denis, ancien ministre

Dans le cadre d'une opération de restructuration urbaine, la commune de V... a acquis l'immeuble dans lequel est située la pharmacie de M. A...
Le 4 septembre 1992, le bail consenti à l'intéressé par les précédents propriétaires a été renouvelé par la commune pour une période de neuf ans.
Depuis lors, cet immeuble, entretenu au minimum par la collectivité locale, a fait l'objet de différentes procédures judiciaires diligentées par M. A..., en vue d'obtenir la reconnaissance par le juge de l'existence d'un état de péril imminent justifiant sa démolition.
Cependant, cet état n'a jamais été judiciairement constaté et la vétusté de la construction a conduit M. A... à solliciter de la commune le déplacement de son activité dans un autre local.
A la suite de cette demande, la commune a proposé à M. A... de lui verser une indemnité forfaitaire et définitive de 200 000 F et de mettre provisoirement à sa disposition d'autres locaux communaux, en attendant de le reloger dans le cadre d'une opération d'aménagement du centre ville. M. A... a refusé cette proposition, estimant qu'elle ne lui apportait pas de garanties suffisantes en ce qui concerne tant la qualité du local provisoire (nécessité d'une surface adéquate et d'une "réserve" permettant d'entreposer le stock de médicaments) que l'assurance de se voir effectivement proposer un nouveau local commercial dans l'opération ultérieure d'aménagement du centre ville.
M. A... a donc sollicité l'intervention du Médiateur de la République pour tenter de définir les termes d'un accord avec la commune bailleresse.
Au vu des dispositions des articles L. 314-1 et suivants du code de l'urbanisme, la personne publique qui a pris l'initiative de la réalisation d'une opération d'aménagement telle que la restructuration urbaine, ou qui bénéficie d'une expropriation, est tenue à un certain nombre d'obligations envers les occupants. En l'espèce, la qualité de bailleur de la commune avait pour effet d'accroître ces obligations, le code civil exigeant que le propriétaire d'un bien apporte à son locataire "des conditions d'habitabilité normales".
L'article L. 314-2 du même code précise que, lorsque l'éviction des occupants a un caractère définitif, il doit leur être fait au moins deux propositions portant sur des locaux satisfaisant aux normes d'habitabilité définies par application de l'article L. 322-1 du code de la construction et de l'habitation. Les intéressés bénéficient également, à leur demande, d'un droit de priorité pour l'attribution ou l'acquisition d'un local dans les immeubles compris dans l'opération, ou encore de parts ou d'actions d'une société immobilière donnant vocation à l'attribution, en propriété ou en jouissance, d'un tel local.
En outre, au regard des dispositions de l'article L. 314-5 du code de l'urbanisme, les commerçants ont priorité pour acquérir un local dans le périmètre d'une opération de rénovation urbaine. Cette priorité est renforcée pour les titulaires des baux les plus anciens.
Si les travaux d'aménagement ne nécessitent qu'une éviction momentanée du local, il doit être pourvu au relogement provisoire dans un local qui soit compatible avec les besoins, les ressources et l'activité antérieure des occupants, et qui satisfasse aux conditions de localisation prévues à l'article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948. Au-delà de trois ans, toute éviction est considérée comme définitive et donne droit à la mise en oeuvre des garanties prévues dans ces circonstances.
Enfin, selon l'article L. 314-6 du code de l'urbanisme, les occupants sont en droit d'obtenir une indemnité, notamment pour compenser "le préjudice causé par la réduction progressive des facteurs locaux de commercialité à l'intérieur de l'opération et résultant directement de celle-ci".
Le Médiateur de la République a donc rappelé à la commune que la proposition qu'elle ferait à M. A... devrait nécessairement être conforme à l'ensemble de ces exigences légales.
Le 13 avril 1999, le maire de V... a fait savoir au Médiateur de la République qu'à la suite de son intervention, une réunion avait eu lieu à la mairie en présence M. et Mme A..., accompagnés de leur conseil et de la déléguée du conseil régional de l'ordre des pharmaciens.
Lors de cette rencontre, la commune a fait état d'un nouveau projet consistant en la vente à une société d'aménagement des terrains initialement prévus dans le cadre du transfert provisoire de la pharmacie. A cet emplacement serait alors construit un petit immeuble, offrant notamment 200 à 250 m2 de surface commerciale en rez-de-chaussée.
La commune a ainsi proposé à M. A... que sa pharmacie soit transférée de façon définitive dans ces nouveaux locaux, une surface commerciale comprise entre 100 et 150 m2 pouvant être mise à sa disposition. M. A... a approuvé ce projet, réalisable dans un délai de 12 à 14 mois. Un protocole d'accord doit être rédigé pour donner un caractère officiel à cette solution transactionnelle.

Réseau public d'eaux usées - Absence de desserte

Réclamation n° 98-4626, transmise par M. Jean ROUGER, député de la Charente-Maritime

M. B... et Mme C... ont acheté un terrain sur la commune de R... pour y construire une maison
individuelle. Un certificat d'urbanisme leur a été délivré avec la mention d'une desserte et d'une capacité suffisante des équipements publics concernant l'eau potable, l'assainissement, l'électricité et la voirie. Un permis de construire leur a été accordé par arrêté municipal.
Or, il s'est avéré que la desserte de la parcelle des intéressés nécessitait une extension du réseau existant d'environ 70 mètres. La ville de R... a accepté de prendre à sa charge les frais correspondants à l'extension des réseaux d'adduction d'eau potable et d'alimentation électrique, mais elle a refusé de le faire pour le raccordement au réseau d'assainissement, considérant que c'est la communauté de communes qui est compétente pour la desserte du réseau d'eaux usées.
Sollicitée, la communauté de communes a refusé de prendre en charge cette dépense en raison de son coût élevé (86 600 F, contre un prix moyen habituel de 25 000 F), dû à une topographie particulièrement difficile dans un secteur isolé.
Estimant que le coût supplémentaire d'une desserte des eaux usées ne devait pas leur être imputé puisque les services municipaux avaient commis une erreur au moment de l'établissement du certificat d'urbanisme, M. B... et Mme C... ont sollicité l'intervention du Médiateur de la République.
Celui-ci est intervenu auprès du maire de R... et du président de la communauté de communes concernée en développant divers arguments : règles d'urbanisme en vigueur concernant les obligations communales en matière de viabilisation de certaines zones du plan d'occupation des sols, possibilité d'une solution technique intermédiaire entre l'extension de réseau (difficilement réalisable en raison de la topographie) et la réalisation d'un dispositif autonome (en l'espèce inadapté au sol), exonération de la participation financière des propriétaires au raccordement à l'égout.
A la suite de l'intervention du Médiateur de la République, les deux collectivités ont renforcé leur collaboration pour trouver une issue satisfaisante à cette affaire, en tenant compte des préoccupations de chacune des parties. En définitive, la communauté de communes a proposé d'assurer et de prendre en charge la fourniture et la pose d'un dispositif de refoulement permettant un raccordement au réseau existant, l'installation d'un système de pompage individuel restant à la charge des propriétaires sur leur partie privative.
En outre, elle a accepté d'exonérer M. B... et Mme C... de leur participation au raccordement à l'égout (PRE), qui se serait élevée à 6 000 F.

2. Thème de réflexion : notariat et sécurité juridique

7 600 notaires, assistés de 40 000 collaborateurs, dressent entre 4 millions et 4 millions et demi d'actes par an.
Les notaires, comme les avocats ou les huissiers, sont des auxiliaires de justice. Ayant acquis une charge publique, ce sont des officiers publics et ministériels. Leur fonction essentielle est de recevoir et d'élaborer les actes et les contrats auxquels leur intervention donne un caractère d'authenticité ayant la même force que celle attachée aux actes de l'autorité publique. L'autorité qui leur est déléguée par l'Etat se traduit par le pouvoir de détenir son sceau et de l'apposer sur les actes qu'ils reçoivent.
Pourtant, certains de ces actes notariés peuvent paraître contestables. Dans quelle mesure le Médiateur de la République est-il compétent pour intervenir dans des litiges de cette nature ? Quelles sont les obligations du notaire et celles de son client ? Comment faire en sorte que la relation établie entre eux garantisse la sécurité juridique des transactions ? Telles sont les questions qui ont conduit le secteur Justice et Urbanisme à engager une réflexion sur le notariat et la sécurité juridique.
C'est en raison de leur qualité d'officier ministériel que les notaires font l'objet d'un contrôle de la puissance publique et qu'en application de l'article 45 de la loi du 20 avril 1810, le procureur de la République exerce une surveillance de leur activité.
Si, dans un premier temps, le Médiateur de la République s'est attaché à vérifier que cette surveillance s'exerçait de manière satisfaisante, il a été rapidement amené à constater les limites tant pratiques que théoriques de cette approche.
En effet, pour être efficace, une action de médiation doit être rapide. L'objectif du Médiateur de la République est donc de nouer directement le dialogue avec les interlocuteurs capables de décider aussi bien sur le principe des responsabilités que sur le chiffrage d'une indemnisation. Or, l'obligation de surveillance des parquets ne répond pas à cette exigence.
En outre, conformément à l'article premier de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973, le Médiateur de la République ayant compétence pour recevoir les réclamations "concernant le fonctionnement des administrations de l'Etat, des collectivités publiques territoriales, des établissements publics et de tout organisme investi d'une mission de service public", la compétence du Médiateur de la République à intervenir auprès des notaires se justifie du seul fait qu'ils sont en charge d'un office public.
L'activité des notaires, en qualité d'officier public et ministériel, peut donc faire l'objet d'une intervention du Médiateur de la République, dès lors qu'elle relève du champ de contrôle de la puissance publique ou qu'elle s'inscrit directement dans l'accomplissement de leur mission de service public.
Toutefois, deux limites sont fixées par la loi de 1973 au champ de compétence du Médiateur de la République : l'interdiction d'intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction ou de remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle et l'interdiction de s'immiscer dans des litiges opposant des intérêts privés. Ainsi, les négociations immobilières et les activités de conseil détachées de l'élaboration d'un acte sont, par exemple, exclues du champ de compétence du Médiateur de la République .
Pour étudier l'activité particulière du Médiateur de la République, il a paru pertinent de limiter la réflexion relative à la sécurité juridique aux actes portant sur des biens immobiliers.
La première mission du notariat est d'assurer la sécurité juridique des transactions et des actes unilatéraux pour lesquels les notaires ont été requis.
Cette mission dépend autant de leur compétence juridique, qui n'est pas en cause, notamment en raison de l'effort très important de la profession en matière de formation continue, que du travail de pédagogie qu'ils effectuent en direction de leurs clients.
En effet, de très nombreuses personnes attendent, souvent avec impatience, les effets d'un acte, sans comprendre sa portée juridique réelle ou les précautions qu'il aurait été utile de prendre, lors de son élaboration, pour en assurer la pérennité. Cet effort pédagogique semble donc indispensable pour créer une véritable relation de confiance entre les notaires et leurs clients.
Les manquements à cette mission pédagogique sont source d'un très grand nombre de contentieux dans lesquels la responsabilité des notaires est recherchée.
Après avoir analysé l'efficacité technique et pratique des actes notariés (A), il a paru utile d'examiner les mécanismes de la mise en cause de la responsabilité professionnelle des notaires en cas d'éventuelle défaillance dans leur mission (B).

A. La sécurité juridique des actes notariés

La sécurité juridique de l'acte notarié résulte de la double particularité d'avoir force authentique et force exécutoire. Aussi revêt-il la même force qu'un jugement. Pour lui conférer cette force juridique, le notaire doit assurer à l'acte une efficacité à la fois technique (a) et pratique (b).

a. L'efficacité technique de l'acte

Afin de garantir l'efficacité juridique des actes, le notaire doit, préalablement à leur rédaction, procéder à certaines vérifications portant sur les personnes et sur les biens, au regard de leur situation passée et présente.
S'agissant des investigations relatives aux personnes physiques ou morales, le notaire vérifie leur identité et leur capacité juridique, notamment par l'examen d'extraits d'acte de naissance ou de mariage, du statut et de l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés...
Dans le cadre de mutations, les vérifications préalables à la rédaction d'actes visent en particulier la consistance du bien, l'existence de contraintes juridiques pesant sur celui-ci et la conformité de l'usage qui en sera fait avec la réglementation en vigueur.

a.1. Les investigations relatives à l'assiette du bien

Le notaire vérifie qu'il n'y a pas de contradiction entre la consistance du bien annoncée par le vendeur et les indications contenues dans son titre de propriété, y compris au regard d'actes de mutation antérieurs.
En raison de fréquentes imprécisions, préjudiciables aux particuliers, rencontrées à l'occasion de la détermination de la consistance d'un bien, le législateur a renforcé les garanties de transparence en chargeant les notaires d'un contrôle plus approfondi sur les éléments de ce bien. A cet égard, la loi "Carrez" n° 96-1107 du 18 décembre 1996 impose au notaire de mentionner la superficie exacte du bien dans l'avant-contrat et dans l'acte de vente.
Plus classiquement, le notaire doit recueillir des informations sur la désignation du bien auprès du service du cadastre et, par prudence, peut inciter le particulier à avoir recours à l'expertise d'un technicien (ex. géomètre-expert).
Par ailleurs, pour garantir la sécurité juridique d'une transaction sur un bien, il appartient au notaire de vérifier la validité du titre de propriété du vendeur, ainsi que celle de tous les actes antérieurs sur une période d'au moins trente ans. Il peut s'assurer, si cela s'avère nécessaire, de la collaboration de ses confrères.

Une négligence dans l'information recueillie est susceptible de motiver l'intervention du Médiateur de la République, comme l'illustre la réclamation n° 95-1824, transmise par M. Jacques GODFRAIN, député de l'Aveyron, ancien ministre.

Mme S... est l'unique héritière de son père décédé.
La succession se compose, notamment, de plusieurs parcelles cadastrées n° 202 à 205.
Pour procéder au règlement de la succession, Mme S... a produit au notaire le titre de propriété de son père. Cependant, dans l'acte translatif de propriété au profit de Mme S..., la parcelle de terrain cadastrée n° 203 a été omise par Me R....
Dans les indications qui ont été fournies à Mme S... par les services du cadastre, il est apparu que cette parcelle qui, par erreur, n'avait tout d'abord été attribuée à personne, était par la suite devenue la propriété de M. A... Ce dernier avait, alors, vendu le terrain à M. G... par l'intermédiaire d'un notaire, Me L...
Ayant eu connaissance de ces faits, Mme S... s'est adressée à Me R... pour être rétablie dans ses droits.
Un acte rectificatif, établissant que la parcelle de terrain n° 203 était, en réalité, la propriété de Mme S..., a été rédigée par ce notaire. Celui-ci a néanmoins réclamé des frais complémentaires à Mme S... au titre de cet acte. La réclamante a refusé de les acquitter, estimant qu'une erreur avait été commise à l'origine par Me R..., et a sollicité l'intervention du Médiateur de la République.
A l'issue des démarches accomplies par ce dernier, l'acte rectificatif a finalement été signé, sans frais pour Mme S..., qui se trouve ainsi définitivement rétablie dans ses droits sur la parcelle n° 203.
Dans cette affaire, la bonne volonté des parties, comme la faiblesse de l'enjeu (il s'agissait d'une petite parcelle de terrain d'une valeur estimée à 1 000 F environ), ont permis de régler l'affaire à l'amiable, sans engagement de la responsabilité du notaire.
Le notaire doit aussi s'assurer que le bien n'est pas inaliénable ou indisponible. Cette précaution est indispensable car il arrive qu'une personne devienne propriétaire d'un bien à la suite d'une donation contenant une clause d'inaliénabilité. Cette tâche s'avère parfois complexe, en particulier, lorsqu'il s'agit d'un terrain situé en limite du domaine public inaliénable et imprescriptible qui peut être source d'incertitude pour l'établissement d'un droit de propriété (ex. : terrains en bordure des rivages de la mer).
Par ailleurs, le notaire doit vérifier que le bien ne se situe pas dans une zone où la collectivité publique est bénéficiaire d'un droit de préemption. Si tel est le cas, il procédera à la levée de ce droit. A défaut, la validité de l'acte de vente s'en trouverait fragilisée et l'action du notaire pourrait être contestée par son client.
Si la sécurité juridique des actes notariés suppose des investigations s'attachant à l'assiette du bien, celles-ci s'étendent également à l'existence éventuelle de servitudes privées ou publiques.

a.2. La recherche des hypothèques et des servitudes

Le notaire doit interroger le service de la conservation des hypothèques pour savoir si un bien immobilier a été grevé d'hypothèques.

La réclamation n° 97-0409, transmise par Mme Cécile HELLE, députée de Vaucluse, montre que cette démarche est parfois négligée.

Suivant acte dressé par Me C..., les parents de Mme B... ont acquis un local d'habitation et un garage d'une société civile immobilière qui s'était engagée à obtenir la mainlevée des inscriptions hypothécaires dans le délai d'un an à compter de la vente.
Les parents de la requérante ont chargé le notaire de procéder à l'apurement de la situation hypothécaire. Cependant, quelques années plus tard, ils ont voulu vendre leur bien immobilier et ont appris, à cette occasion, que l'hypothèque subsistait toujours.
Après avoir entrepris, sans succès, diverses démarches auprès du notaire, ils ont finalement saisi le Médiateur de la République. Ce dernier a dû intervenir pour obtenir du tribunal de grande instance la purge hypothécaire à laquelle le notaire défaillant n'avait pas fait procéder dans le cadre de l'acquisition du bien.
Le notaire doit rechercher la trace de l'existence de servitudes privées et administratives grevant une parcelle de terrain.
Il vérifie, par exemple, la mention d'une servitude de passage au profit d'un fonds voisin dans les actes de propriété antérieurs. Une omission peut être lourde de conséquences pour un particulier et être source de conflits de voisinage, comme l'illustre la réclamation n° 98-2615, transmise par M. Jean-Yves LE DÉAUT, député de Meurthe-et-Moselle.
M. O... estimait être bénéficiaire d'un droit de passage sur la propriété de son voisin.
Ce dernier, contestant l'existence de ce droit, a décidé d'obstruer le passage, déposant d'énormes blocs de pierres sur l'emprise de cette possible servitude.
Le Médiateur de la République a été saisi et a démontré qu'une erreur avait été commise par le notaire au moment de la vente. La lecture des actes antérieurs a, en effet, permis de prouver qu'une servitude avait été officiellement établie, mais que son existence n'avait pas été transcrite dans le dernier acte.
La situation clarifiée, un accord a pu intervenir entre les particuliers et les actes notariés ont été modifiés en conséquence.
Saisies par le notaire, les administrations doivent porter à sa connaissance les servitudes d'ordre public qui peuvent grever un bien. Si une mutation porte sur un ensemble immobilier vendu en l'état, le notaire peut demander à la collectivité publique concernée de lui fournir, au regard du droit de l'urbanisme, une simple note de renseignements.
Cependant, ce document ne constituant pas une décision administrative, n'a qu'une valeur indicative et ne fait état que de certaines servitudes publiques sur le bien concerné. Ces limites doivent conduire le notaire, au titre de son devoir de conseil, à fournir l'exhaustivité des informations relatives au bien, notamment, au moyen d'un certificat d'urbanisme délivré par la collectivité.
Ce certificat garantit une meilleure sécurité à l'acte, permettant au particulier de conserver ses droits pendant un délai d'un an, même en cas de création de nouvelles servitudes.

a.3. La vérification de la destination du bien

La sécurité juridique des actes notariés suppose une connaissance préalable de la destination du bien, objet de la vente, au vu de son utilisation future et des autorisations de construire existantes. Le notaire doit donc s'assurer du caractère licite de l'usage de l'immeuble au moment de la vente et après réalisation de celle-ci, afin d'éviter une remise en cause des droits de l'acquéreur de bonne foi, comme le montre la réclamation n° 99-2286.
Mme L... a acheté à une société immobilière un appartement à usage d'habitation situé au premier étage d'un immeuble. L'acte de vente mentionnait bien une telle destination.
Elle a entrepris un certain nombre d'aménagements internes non soumis à obtention préalable d'un droit à construire au regard des dispositions des articles R. 421-1 et suivants du code de l'urbanisme.
Elle a alors reçu notification par le maire de la commune concernée d'un arrêté interruptif de travaux, au motif que les aménagements en cours de réalisation étaient illicites. Les services municipaux lui ont appris que, contrairement aux informations contenues dans l'acte de vente, l'immeuble était en fait un hôtel que le propriétaire précédent avait transformé en appartement sans droit à construire. Les travaux effectués ayant pour conséquence d'aggraver cette situation illicite, Mme L... était dans l'obligation d'interrompre le chantier.
Finalement, à la suite de l'intervention du Médiateur de la République, une solution administrative a pu être dégagée sans que soit mise en cause la responsabilité du notaire : un permis de construire a été délivré en régularisation à la société venderesse.
Un rappel systématique, par le notaire, de la nécessaire compatibilité entre l'usage d'un bien et la règle locale d'urbanisme, contribue à asseoir l'efficacité juridique de la transaction. Il en va ainsi de l'hypothèse de l'acquisition d'une parcelle inconstructible au plan d'occupation des sols d'une commune. Il peut s'agir, par exemple, du stationnement d'un "mobile-home" qui, une fois dépourvu de ses moyens de mobilité, nécessite un permis de construire en application du code de l'urbanisme.

LE SECTEUR SOCIAL

Comme les années précédentes, les réclamations concernant le domaine social restent les plus nombreuses parmi celles reçues par le Médiateur de la République (environ 30 % des dossiers).
En 1999, le secteur social a connu une augmentation sensible du nombre de dossiers reçus, reflet de la tendance enregistrée pour l'ensemble de la Médiature.
Si ces augmentations se répartissent entre les différents thèmes traités (sécurité sociale, assurance chômage, politiques de l'emploi, aide sociale et solidarité nationale), on note cependant une progression plus importante du nombre de réclamations touchant les prestations familiales au sens large.
Sur ce point, le Médiateur de la République continue à relever les difficultés persistantes engendrées par l'extrême complexité de la réglementation, notamment en ce qui concerne l'appréciation de la base ressources des allocataires.
Cette complexité résulte de la multiplicitié des règles applicables et de la forte réactivité du dispositif qui prévoit la prise en compte des fréquents changements de situation des allocataires tant sur le plan professionnel que familial.
C'est toujours dans le domaine des aides personnelles au logement que les réclamations traduisent le plus grand manque de lisibilité du dispositif et les incohérences auxquelles il peut conduire.
Les dossiers concernant l'assurance vieillesse sontégalement en progression ; ils restent les plusnombreux de la branche sécurité sociale.
Les différends portent majoritairement sur la validation des périodes par les caisses d'assurance vieillesse. Les assurés réclament une validation plus complète de leurs périodes d'activité et principalement de leurs années d'apprentissage pour pouvoir, notamment, accéder aux nouveaux dispositifs tels que l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE), l'allocation aux chômeurs âgés (ACA) et l'allocation spécifique d'attente (ASA).
Après avoir appelé l'attention de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, le Médiateur de la République a noté avec satisfaction la parution de la circulaire du 23 septembre 1999 offrant la possibilité aux anciens apprentis de régulariser leurs cotisations arriérées, et ainsi de valider leurs périodes d'apprentissage.
Par ailleurs, en ce qui concerne l'assurance chômage, le Médiateur de la République a été amené, au-delà du traitement des réclamations individuelles, à signaler à nouveau à l'UNEDIC le manque de lisibilité des notifications des décisions adressées aux demandeurs d'emploi. En effet, malgré les efforts entrepris, des améliorations demeurent indispensables pour faciliter la compréhension par les allocataires de leur situation exacte et répondre ainsi à une attente légitime de leur part.

1. Présentation de quelques cas significatifs

Accidents du travail successifs - Indemnisation

Réclamation n° 97-4775, transmise par M. Claude EVIN, député de la Loire-Atlantique, ancien ministre

M. L... a été victime de deux accidents du travail, en 1977 et en 1989, ayant chacun provoqué la cécité complète d'un oeil. La Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) lui a attribué, au titre du premier accident, une rente assortie d'un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 30 % et, pour le second, une rente correspondant à un taux d'IPP de 70 %. Or, du fait des règles applicables au calcul des rentes, M. L... a perçu une indemnisation inférieure à celle qu'il aurait obtenue s'il était devenu aveugle à la suite d'un seul et même accident du travail.
C'est cependant en vain que l'intéressé a saisi de sa contestation le tribunal du contentieux de l'incapacité, la Cour nationale de l'incapacité, et enfin la Cour de cassation. Ayant épuisé, après plusieurs années, toutes les voies de recours juridictionnels, M. L... a sollicité l'aide du Médiateur de la République.
Constatant les effets inéquitables induits par les modalités de calcul des rentes, et sensible à la situation du requérant, le Médiateur de la République est intervenu, dans un premier temps, auprès de la Caisse nationale d'assurance maladie, pour recueillir ses observations. L'organisme national a reconnu que ce dossier particulier mettait effectivement en lumière un des effets pervers de la réglementation et que M. L... se trouvait manifestement lésé.
Le Médiateur de la République est alors intervenu auprès de la caisse locale, par voie de recommandation en équité, pour qu'elle procède à un réexamen bienveillant de ce dossier permettant d'aboutir à quelques mois plus tard, après que la réglementation ait été modifiée. Malheureusement, sa fille venait de dépasser l'âge de référence de seize ans et la demande a de nouveau été rejetée. C'est dans ces conditions que Mme D... a sollicité l'aide du Médiateur de la République.
Celui-ci a noté que chacune des décisions de la CPAM était, au moment où elle a été prise, conforme à la réglementation en vigueur. Toutefois, constatant que le traitement orthodontique était sans conteste reconnu médicalement justifié et que les retards n'étaient aucunement imputables à la famille, il est intervenu à plusieurs reprises, et notamment par voie de recommandation en équité, auprès de la CPAM.
Après réexamen de ce dossier, la Caisse a accepté, à titre tout à fait exceptionnel, d'accéder à la demande du Médiateur de la République et de prendre en charge les soins en cause.

Pensions de réversion - Date d'effet

Réclamation n° 97-5454, transmise par M. Ladislas PONIATOWSKI, sénateur de l'Eure

Et Réclamation n° 98-0661, transmise par M. Jean-Claude MIGNON, député de la Seine-et-Marne

Mme Z... et Mme M..., toutes les deux veuves et âgées de plus de 85 ans, se sont plaintes d'avoir été privées pendant plusieurs mois de la pension de réversion à laquelle elles pouvaient prétendre, alors que le décès de leur mari respectif avait été signalé très rapidement à la Caisse d'assurance vieillesse.
Dans ces deux affaires, les intéressées, dont les droits de réversion avaient été liquidés en temps voulu par les Caisses de retraite complémentaire, se sont aperçues, lorsqu'elles se sont retrouvées sans couverture sociale, que leur pension de réversion du régime général de la sécurité sociale n'avait pas été liquidée.
En effet, la réglementation prévoit, qu'à compter du décès d'un assuré, son ayant droit bénéficie d'un maintien de droit aux prestations en nature de l'assurance maladie pendant une période de douze mois. Dans les cas d'espèce, Mme Z... et Mme M... ont présenté des demandes de remboursement à leur centre de sécurité sociale pour des soins dispensés plus d'un an après le décès de leur conjoint.
A cette occasion, elles ont appris que, n'étant pas bénéficiaires d'un avantage de base de réversion, elles ne pouvaient plus prétendre aux prestations de l'assurance maladie.
Aidées par leurs enfants, les intéressées ont alors immédiatement demandé la liquidation de leurs droits de réversion et ont pu, de ce fait, bénéficier à nouveau d'une couverture maladie. Pour sa part, et comme le prévoit la réglementation, la Caisse vieillesse a fixé le point de départ de chacune des pensions au premier jour du mois suivant la réception des demandes de liquidation.
C'est dans ces conditions que l'aide du Médiateur de la République a été sollicitée.
Mme M... se plaignait d'avoir perdu le bénéfice de 15 mensualités de pension de réversion. A l'appui de sa réclamation, elle produisait la copie d'un courrier justifiant qu'elle avait avisé, dans les quinze jours, la Caisse vieillesse du décès de son mari. Elle demandait dans ce même courrier "si elle pouvait prétendre à un capital décès ou à une pension de réversion", et remerciait l'organisme "de lui adresser les formulaires ou questionnaires en vue du recouvrement de droits éventuels".
En réponse, la Caisse l'informait à l'époque que le compte de paiement de son mari était définitivement arrêté et qu'elle ne pouvait pas prétendre à un capital décès. En revanche, aucune indication ne lui était apportée sur les formalités à accomplir en vue de la liquidation de ses droits de réversion en dépit de la demande expresse qu'elle avait exprimée.
Pour sa part, le fils de Mme Z... soulignait que sa mère avait perdu le bénéfice de 20 mensualités de pension de réversion. Etait jointe au dossier la copie d'un courrier prouvant qu'il avait adressé à la Caisse vieillesse, dans les six jours, l'acte de décès de son père, et qu'il avait demandé à cet organisme "de bien vouloir prendre toutes dispositions utiles". A réception de cette lettre, les services de la Caisse ont effectivement procédé à la clôture du compte retraite du défunt, mais aucune précision n'a été apportée par l'organisme sur les formalités à accomplir pour que la veuve puisse percevoir un avantage de réversion.
Estimant qu'un défaut d'information imputable à la Caisse d'assurance vieillesse, et donc qu'un dysfonctionnement, était à l'origine du préjudice subi par ces deux veuves, le Médiateur de la République a recommandé à l'organisme de procéder à un nouvel examen des droits à pension de réversion des intéressées.
S'agissant de Mme M..., reconnaissant que malgré sa demande expresse, aucune information sur ses droits de réversion ne lui avait été communiquée, la Caisse a immédiatement accepté d'accéder à la recommandation du Médiateur de la République.
Ainsi, la date d'effet de la pension de réversion a été modifiée pour être fixée au premier jour du mois suivant le décès de M. M... et les arrérages correspondants ont été versés à la veuve.
En revanche, le Médiateur de la République a dû intervenir à plusieurs reprises en faveur de Mme Z...
En effet, la Caisse vieillesse refusait de revoir le point de départ de la pension de réversion, arguant que le fils de Mme Z... n'avait pas demandé expressément, dans son courrier de l'époque, quels étaient les droits de sa mère. La caisse ajoutait que les imprimés réglementaires de demande de liquidation de pension n'étaient adressés aux intervenants autres que le conjoint survivant, que sur demande expresse.
Le Médiateur de la République a alors rappelé à l'organisme qu'il avait été informé très rapidement du décès de M. Z..., et qu'il aurait pu, à défaut d'adresser l'imprimé réglementaire à la veuve, transmettre au moins soit à cette veuve, soit à son fils, une notice d'information sur les droits de réversion.
Finalement, la Caisse vieillesse a accepté de suivre la recommandation du Médiateur de la République.
Le point de départ de la pension de réversion a été fixé au premier jour du mois suivant le décès de M. Z..., et le rappel correspondant a été réglé à la veuve.

Assurance chômage – Ouverture de droits

Réclamation n° 98-3235, transmise par M. Jacques REBILLARD, député de la Saône-et-Loire

Mme R... a perdu son emploi en décembre 1993, à la suite de la cessation d'activité de son employeur. En arrêt maladie à cette période, elle ne s'est pas inscrite comme demandeur d'emploi.
Son état de santé s'étant aggravé, Mme R... s'est vu attribuer une pension d'invalidité de première catégorie à compter d'août 1994. Ayant mal compris les informations qui lui ont été données par l'ASSEDIC, elle n'a effectué aucune démarche jusqu'au 15 septembre 1997, date à laquelle elle s'est inscrite comme demandeur d'emploi.
L'ASSEDIC a alors opposé un refus à sa demande d'allocations, au motif que la fin de son contrat de travail s'était produite plus de douze mois avant son inscription sur la liste des demandeurs d'emploi. A 57 ans, Mme R... s'est retrouvée avec sa seule pension d'invalidité pour vivre, soit environ 1 700 F par mois, après 35 années d'activité professionnelle ininterrompue. S'estimant lésée, elle a sollicité l'aide du Médiateur de la République.
Sensible à la situation de la requérante, le Médiateur de la République a demandé à l'organisme en cause de procéder au réexamen du dossier sur le plan de l'équité. Le Médiateur de la République a notamment souligné que Mme R... aurait effectivement dû s'inscrire comme demandeur d'emploi et faire valoir ses droits auprès du régime d'assurance chômage dès janvier 1994, mais qu'elle n'avait pas accompli ces démarches en temps utile par défaut d'information.
A la suite de cette intervention, l'ASSEDIC a pris l'attache de l'UNEDIC qui, eu égard aux circonstances de l'espèce, a donné un avis favorable à une mesure de dérogation exceptionnelle. Une ouverture de droits a donc été prononcée en faveur de Mme R... à compter de la date de son inscription en qualité de demandeur d'emploi.

Formation professionelle - Indemnisation

Réclamation n° 98-5360, transmise par M. Jean-Marc AYRAULT, député de la Loire-Atlantique

M. L..., demandeur d'emploi indemnisé au titre de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), a intégré, en septembre 1996, un stage de formation agréé par le conseil régional et ouvrant droit à une rémunération prise en charge par l'Etat.
La répartition de la formation en plusieurs modules sur une durée totale de 14 mois a créé de longues périodes où, en l'absence d'enseignement, la rémunération correspondante de M. L... a été suspendue.
Or, pendant ces périodes d'interruption, l'ASSEDIC, en accord avec la Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP), a refusé de rétablir l'intéressé dans ses droits à l'ASS, au motif que son statut de stagiaire de la formation professionnelle s'y opposait.
Se trouvant ainsi privé de toute ressource pendant plusieurs semaines, M. L... a été contraint de quitter prématurément le stage de formation dans lequel il s'était engagé. S'estimant lésé, l'intéressé a appelé l'attention du Médiateur de la République sur sa situation.
Constatant que, compte tenu de l'ancienneté du litige, il n'était malheureusement pas possible de permettre à M. L... de réintégrer son stage, le Médiateur de la République s'est attaché à régler favorablement le problème de son indemnisation.
Il a fait valoir qu'il y avait lieu, en l'espèce, de prendre en compte la qualité de demandeur d'emploi de M. L..., qui avait continué à actualiser sa situation, afin de le rétablir, entre deux modules, dans ses droits à l'ASS.
Après être intervenu en vain auprès de la DDTEFP, le Médiateur de la République a saisi les services concernés du ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Ces derniers, partageant l'analyse du Médiateur de la République, ont considéré qu'il était juridiquement fondé de régulariser la situation de l'intéressé, qui remplissait effectivement les conditions requises pour bénéficier de l'attribution de l'ASS pendant les périodes en cause.
Cette solution est d'ailleurs conforme à une récente jurisprudence du Conseil d'Etat.
M. L... a donc perçu le rappel de l'ASS dont il avait été privé à tort.

Cotisations sociales des non-salariés agricoles

Réclamation n° 99-0450, transmise par M. Jean-Charles CAVAILLE, député du Morbihan

En 1981, M. E... s'est installé en tant qu'aviculteur sous contrat avec un fournisseur d'aliments. Les répercussions de la crise sectorielle sur son exploitation l'ont obligé à cesser son activité pendant les années 1987 et 1988.
En 1989, M. E... a comptablement bénéficié d'une remise de dette, de la part de son partenaire, de l'ordre d'un demi million de francs pour la fourniture d'aliments durant les années 1984-1985-1986.
Cette remise s'est traduite par un "revenu exceptionnel" qui a produit des effets de hausse importante sur les montants des cotisations sociales dues au titre des années 1991 et 1992.
M. E... a contesté la prise en considération de ce "revenu exceptionnel" dans l'assiette de ses cotisations sociales. Sollicitée pour avis, la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) a reconnu la bonne application de la réglementation en vigueur. La caisse locale de MSA a alors émis une contrainte pour le surplus contesté des cotisations appelées. M. E... a fait opposition à cette contrainte devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS).
Parallèlement, M. E... a demandé l'aide du Médiateur de la République. Celui-ci a constaté que M. E... subissait les effets de la modification, en 1990, de la législation sociale agricole relative au basculement de l'assiette des cotisations sociales basée non plus sur le revenu cadastral, mais sur les revenus professionnels. Il a ainsi observé que s'il avait été accordé plus tôt, le "revenu exceptionnel" comptabilisé en 1989 et relatif à des créances de 1984 à 1986 aurait pu être inscrit sur un exercice antérieur à 1988. Ainsi, il n'aurait pas été pris en compte dans l'assiette triennale des cotisations.
Considérant les particularités du cas d'espèce ainsi que la déstabilisation de l'équilibre économique de l'exploitation, le Médiateur de la République a recommandé à la caisse locale de procéder au réexamen de ce dossier sur le plan de l'équité.
Accédant à cette recommandation, la commission de recours amiable a annulé le surplus des cotisations appelées.

Prestations familiales

Réclamation n° 99-1055, transmise par M. Jean-Jacques FILLEUL, député d'Indre-et-Loire

En 1996, Mlle B... a formulé une demande d'aide personnalisée au logement (APL) auprès de la Caisse d'allocations familiales (CAF). Elle avait indiqué à l'époque vivre en colocation avec M. Y...
Un droit à l'APL a donc été ouvert à Mlle B... à compter d'août 1996 pour un seul colocataire, M. Y... n'ayant déposé, pour sa part, aucune demande d'aide au logement.
Après avoir résidé dans un autre département de novembre 1997 à juin 1998 pour y suivre ses études, Mlle B... a déposé à son retour une nouvelle demande d'aide au logement, sur laquelle elle a indiqué, sur conseil de la CAF, vivre maritalement avec M. Y... depuis août 1996.
La caisse a alors régularisé les droits des intéressés depuis août 1996, ce qui s'est traduit par un rappel d'APL en leur faveur de l'ordre de 20 000 F.
Toutefois, la déclaration rétroactive de vie maritale a également généré des conséquences bien moins favorables.
En effet, les parents de M. Y..., qui percevaient des prestations familiales et une aide au logement, se sont vu réclamer par la CAF dont ils relèvent le remboursement d'un indu de plus de 54 000 F, au motif que leur fils ne pouvait plus être considéré à leur charge depuis août 1996 puisque ce dernier avait acquis rétroactivement la qualité d'allocataire du fait de son ouverture de droit à l'APL à compter de cette date.
La commission de recours amiable de la caisse a rejeté la demande de remise de dette des parents de M. Y... C'est dans ces conditions que l'aide du Médiateur de la République a été sollicitée.
Après être intervenu auprès des deux CAF concernées, celui-ci a obtenu qu'une issue plus satisfaisante soit apportée à cette affaire.
Il a tout d'abord été reconnu que Mlle B... et M. Y..., étudiants tous les deux, étaient en fait à la charge totale de leurs parents respectifs. En conséquence, la communauté d'intérêts financiers, qui est un des deux critères indispensables pour permettre d'établir l'existence d'une vie maritale (le second critère étant l'adresse commune), était exclue en l'espèce. Il a également été relevé que Mlle B... et M. Y..., dont la bonne foi n'était pas mise en cause, étaient tous les deux titulaires du bail et s'acquittaient chacun pour moitié du montant du loyer.
Les caisses ont, en conséquence, accepté de reprendre l'examen des dossiers en tenant compte de la seule situation de colocataire de Mlle B... et en faisant donc abstraction de la déclaration rétroactive de vie maritale. Mlle B... s'étant alors engagée à reverser à la CAF la somme de 20 000 F qu'elle avait perçue au titre du rappel d'APL, l'indu de prestations familiales de plus de 54 000 F, qui avait été notifié aux parents de M. Y..., a pu être annulé.

Handicapés - Placement à l'étranger

Réclamation n° 99-2065, transmise par M. Christian PONCELET, Président du Sénat, ancien ministre

En l'absence d'établissement adapté en France, la commission départementale de l'éducation spéciale puis la COTOREP ont orienté Mlle S... vers une institution spécialisée située en Allemagne. Ce centre n'est pas conventionné avec le régime de sécurité sociale français, mais un "arrangement" avait été trouvé par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) dont relevait Mlle S... à l'époque afin de permettre la prise en charge de ses frais de séjour au titre de l'assurance maladie.
Après que les parents de Mlle S... aient changé de domicile, la CPAM désormais compétente n'a pas accepté le maintien de la prise en charge intégrale.
Elle en a limité le montant au tarif forfaitaire prévu par la réglementation dans ce cas, très inférieur au prix de journée de l'établissement allemand.
Aucune solution satisfaisante n'étant proposée pour financer la différence en dépit des nombreuses démarches engagées par M. et Mme S..., l'établissement allemand leur a fait savoir qu'il envisageait d'exclure leur fille à la rentrée de septembre.
Le Médiateur de la République est intervenu en urgence auprès du ministère de l'Emploi et de la Solidarité afin de remédier à cette situation inacceptable.
Le dossier a été aussitôt réglé, les services ministériels compétents ayant accepté la prise en charge intégrale des frais de séjour à titre dérogatoire. En outre, l'institution allemande a été invitée à solliciter son conventionnement avec le régime français d'assurance maladie afin d'éviter tout problème à l'avenir.
Les difficultés rencontrées par M. et Mme S... s'expliquent par l'insuffisance notoire de la capacité des structures spécialisées pour l'accueil des personnes handicapées en France et par l'inadéquation des règles de l'assurance maladie avec cette réalité. C'est pourquoi, le Médiateur de la République entend proposer une modification des textes actuellement en vigueur, en vue de faire bénéficier les personnes handicapées de soins appropriés à leur état dans un autre pays de l'Union européenne si cela s'avère impossible en France.

Régime de solidarité – Allocation spécifique d'attente

Réclamation n° 99-2172, transmise par M. Didier MIGAUD, député de l'Isère

Mme D..., âgée de 59 ans et demandeur d'emploi de longue durée, percevait l'allocation chômeurs âgés (ACA) réservée aux personnes totalisant 160 trimestres validés au titre de l'assurance vieillesse.
Toutefois, elle en contestait le montant, égal au taux plein de l'allocation unique dégressive (AUD) qui lui avait été attribuée, en 1997, à l'issue de son dernier contrat emploi solidarité, soit 74,55 F par jour correspondant à environ 2 300 F par mois.
Elle demandait que le montant de l'ACA soit fixé sur la base de l'AUD dont elle avait bénéficié au moment de sa première admission à l'assurance chômage, en 1992, ce qui lui aurait procuré un revenu de remplacement bien supérieur. Ses démarches n'ayant pas abouti, elle a saisi le Médiateur de la République.
Celui-ci a constaté que l'ASSEDIC avait fait une application correcte des dispositions du règlement de l'assurance chômage. Toutefois, après une étude approfondie du dossier, il a proposé aux services concernés une solution permettant d'augmenter sensiblement le niveau d'indemnisation de Mme D..., solution qui n'avait pas été envisagée auparavant.
En effet, l'article L. 351-10 du code du travail, relatif à l'allocation de solidarité spécifique (ASS), dispose que les chômeurs âgés de plus de 50 ans peuvent opter pour la perception de cette allocation, sous réserve de satisfaire aux conditions d'activité antérieure et de ressources, ce qui semblait être le cas de Mme D...
Or, les bénéficiaires de l'ASS qui ont acquis 160 trimestres au titre de l'assurance vieillesse peuvent prétendre à l'allocation spécifique d'attente (ASA), instituée par la loi n° 98-285 du 17 avril 1998. Dans cette hypothèse, l'ASA venant s'ajouter à l'ASS, le revenu total de remplacement est alors supérieur à 5 000 F par mois.
Après vérification du dossier, l'ASSEDIC et la Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) ont pu rapidement mettre en oeuvre la solution préconisée par le Médiateur de la République. Ainsi, Mme D... a été admise, à titre rétroactif, au bénéfice de l'ASS majorée à compter du 11 mars 1997, puis de l'ASA pour la période du 1er juin 1998 au 31 mai 1999, date de la liquidation de sa pension de vieillesse.

2. Thèmes de réflexion

2.1. Mobilité et protection sociale

Ce thème, abordé dans le rapport 1998, conserve toute son actualité.
Géographique ou professionnelle, la mobilité de la population active est un facteur favorable à l'emploi. Encouragée par les politiques publiques nationales, la mobilité est aussi incitée par les traités de l'Union européenne.
Pour autant, les systèmes de protection sociale, conçus à une époque de plus grande stabilité économique, suivent ces évolutions avec peine, en dépit des efforts déployés par les organismes sociaux pour apporter les correctifs nécessaires.
De nouvelles réclamations relatives aux incidences de la mobilité sur la protection sociale ont été adressées au Médiateur de la République.
A titre d'exemples, voici quelques cas significatifs de difficultés susceptibles d'être rencontrées par ceux ou celles :
- qui se déplacent à l'intérieur de l'Europe (A) ;
- qui changent d'emploi (B) ;
- ou qui interrompent momentanément leur activité professionnelle pour se consacrer à leur vie familiale (C).

A. Mobilité géographique à l'intérieur de l'Europe

a. La libre circulation à l'intérieur de l'Union européenne

La libre circulation des personnes est l'un des principes fondamentaux de l'Union européenne. Même si les mouvements de population au sein de l'Union demeurent encore de faible envergure, les citoyens hésitent moins que par le passé à se déplacer par-delà les frontières. Pour ceux qui franchissent le pas, la préservation de leurs droits sociaux revêt une grande importance.
Depuis plusieurs dizaines d'années, les institutions européennes travaillent avec les Etats-membres pour garantir à ces citoyens une forme d'accompagnement social. Mais les règles édictées semblent encore insuffisamment appliquées et peu connues du public.

a.1. Application effective du règlement communautaire

Si la levée de la plupart des entraves à la libre circulation des personnes se réalise progressivement dans les textes, leur mise en oeuvre, en revanche, ne va pas de soi, comme l'illustre la réclamation n° 99-2840, transmise par M. Jean-Louis DUMONT, député de la Meuse.

Mme M-B... a démissionné de son emploi en janvier 1998 pour suivre son conjoint, muté en Angleterre pendant la durée d'un chantier.
Inscrite comme demandeur d'emploi le 10 mars 1998, elle a quitté la France le 31 mars suivant.
L'ASSEDIC lui a ouvert des droits à compter du 9 avril 1998, sans toutefois lui verser d'allocations de chômage puisqu'elle n'était plus inscrite comme demandeur d'emploi en France à cette date.
Or, en Grande-Bretagne, la Benefit Agency a refusé d'indemniser Mme M-B... au motif qu'elle n'était pas inscrite auprès d'un organisme anglais et que les allocations de chômage auxquelles elle pouvait prétendre devaient lui être versées en France.
Ne sachant plus vers quel organisme se tourner, Mme M-B... a sollicité l'aide du Médiateur de la République.
A la suite de l'intervention du Médiateur de la République, l'ASSEDIC a revu sa position et versé des indemnités pendant la courte période précédant le départ de l'intéressée en Grande-Bretagne.
L'ASSEDIC lui a également remis le formulaire réglementaire lui permettant de faire valoir ses droits auprès du régime d'assurance chômage anglais.
Depuis, Mme M-B..., ayant suivi son mari, muté sur un nouveau chantier en Espagne, a souhaité l'appui du Médiateur de la République pour effectuer ses nouvelles démarches. Afin de faciliter l'instruction du dossier, le Médiateur de la République a demandé à l'organisme français de liaison(Centre de sécurité sociale des travailleurs migrants) de prendre l'attache de la Benefit Agency. L'affaire est en cours.

a.2. L'information des citoyens sur leurs droits

Enjeu de la crédibilité de l'Union européenne, cette information s'avère d'autant plus utile que nombre de nos concitoyens pensent à tort que la construction de l'Europe sociale signifie la fusion des systèmes juridiques nationaux.

C'était le cas de M. G..., cité dans la réclamation n° 99-1564, transmise par M. Jean-Luc WARSMANN, député des Ardennes.

M. G... a travaillé en Belgique puis en France.
A l'issue d'une période de maladie, le régime français de sécurité sociale lui a attribué une pension d'invalidité.
Contestant le montant de l'avantage servi, calculé à partir des seuls salaires perçus en France, et en l'espèce moins élevés que les salaires belges, et s'estimant lésé, M. G... a saisi le Médiateur de la République.
Après avoir recueilli l'avis des services techniques compétents, le Médiateur de la République a constaté que la caisse de sécurité sociale avait fait une stricte application du règlement communautaire en calculant la pension à partir des salaires perçus dans le pays de résidence.
C'était également le cas de Mme K-B..., ayant donné lieu à la réclamation n° 99-3169, transmise par M. Jean RIGAUD, député du Rhône.
Mme K-B... a exercé une activité professionnelle en Allemagne. Venue s'installer en France, elle a sollicité le bénéfice de l'assurance chômage, mais l'ASSEDIC lui a opposé un refus en raison d'une durée d'assurance insuffisante en Allemagne pendant la période de référence (maternité).
Objectant que le congé maternité et le congé parental sont assimilés à des périodes d'emploi en France, l'intéressée a considéré que la décision de l'ASSEDIC était erronée.
Saisi de cette affaire, le Médiateur de la République a confirmé le bien-fondé de la position de l'ASSEDIC.
En effet, dans ce cas, le règlement communautaire prévoit la prise en charge du demandeur d'emploi dans le pays de résidence en fonction des périodes d'assurance attestées par le pays d'origine et déterminées selon sa propre législation.
Or, en Allemagne, les congés maternité et parentaux ne sont pas considérés comme des périodes d'emploi. M. G... et Mme K-B... ignoraient, semble-t-il, que les dispositions communautaires visent essentiellement la coordination des législations nationales
de sécurité sociale et d'assurance chômage, et non leur harmonisation. La coordination a pour objectif d'éviter au citoyen qui quitte son pays pour aller travailler ou vivre ailleurs dans l'Union, de perdre tout ou partie de ses droits sociaux.
Pour le reste, les Etats-membres continuent à déterminer librement leur régime de protection sociale(Les législations sociales des Etats de l'Union, qui reposent sur de fortes traditions directement plongées dans les cultures nationales, sont de fait très disparates).
Par ailleurs, une autre difficulté est à signaler pour les citoyens qui se déplacent : trouver l'information.

Réclamation n° 99-4973, transmise par M. Pierre BIARNES, sénateur des Français établis hors de France.

M. P..., retraité résidant en Italie, qui perçoit une pension de vieillesse servie par le régime français, cherche à se renseigner depuis 1996 sur la nature juridique des cotisations versées à ses caisses de retraite complémentaire (cet élément a une incidence directe sur le régime fiscal applicable à ses retraites). A ce jour, ses courriers sont demeurés lettre morte.
Le Médiateur de la République a saisi les services ministériels concernés.

b. En dehors de l'Union européenne : le cas de la Suisse

En Europe, les frontaliers qui se rendent dans un autre pays de l'Union européenne bénéficient de dispositions spécifiques adaptées à leur situation. Mais pour ceux qui travaillent en Suisse, des obstacles peuvent surgir.

M. P... en a fait l'expérience, comme en témoigne la réclamation n° 97-4048, transmise par M. Michel DREYFUS-SCHMIDT, sénateur du Territoire de Belfort.

L'intéressé, qui réside près de Belfort, a travaillé en France pendant de longues années, puis en Suisse à partir de 1990. En arrêt maladie de 1992 à 1995, il a perçu une "rente d'invalidité" versée par un organisme d'assurance suisse jusqu'en 1997.
En décembre 1996, à l'issue de sa convalescence, M. P... s'est inscrit comme demandeur d'emploi en France. Mais l'ASSEDIC lui a refusé le bénéfice de l'assurance chômage au motif qu'il ne s'était pas inscrit comme demandeur d'emploi dans les douze mois suivant la fin de son contrat de travail.
L'intéressé a contesté cette décision en faisant observer que ce délai d'un an peut être allongé des périodes durant lesquelles une pension d'invalidité (de 2ème ou 3ème catégorie) a été servie. Ses démarches étant restées sans suite, il a sollicité l'aide du Médiateur de la République.
Convaincu du bien-fondé de la réclamation de l'intéressé, le Médiateur a demandé à l'UNEDIC de revoir le dossier. Dans un premier temps, l'UNEDIC n'a pas fait suite à cette requête, estimant qu'elle n'est pas habilitée à transposer en droit français des situations sur lesquelles une institution de sécurité sociale étrangère s'est prononcée en application de sa propre législation.
Le Médiateur de la République s'est alors adressé au centre de sécurité sociale des travailleurs migrants pour savoir si, au vu des pièces médicales du dossier, il était possible de déterminer à quelle catégorie de pension française (Il en existe trois, différentes à raison de l'état de santé du bénéficiaire) correspondait la rente servie en Suisse à M. P... Après de longs échanges entre le centre, les services ministériels français et l'organisme suisse, le Médiateur a eu confirmation que la rente suisse versée à M. P... équivalait à une pension française de 2ème catégorie.
Dès lors, M. P... a pu être admis à l'assurance chômage en France.

B. Mobilité professionnelle

a. Exclusion de l'assurance chômage à l'issue d'un changement d'emploi

Les difficultés rencontrées par d'anciens chômeurs qui échouent dans un nouvelle activité non salariée ont été signalées dans le rapport de 1998. Or, celles-ci perdurent aujourd'hui, faute de solution générale proposée par les partenaires sociaux. Dans l'attente d'un réaménagement des textes, le Médiateur de la République a souhaité que des mesures individuelles puissent être envisagées.

Ainsi, comme l'illustre la réclamation n° 99-3611, transmise par M. Jean ROUGER, député de la Charente-Maritime, M. P... a pu être indemnisé par l'assurance chômage.

M. P... a exercé une activité salariée à partir de 1972. Licencié pour motif économique en 1995, il a aussitôt créé une entreprise en Belgique. Ce projet ayant échoué, il est revenu en France et a demandé l'attribution d'allocations de chômage. L'ASSEDIC lui a opposé un refus au motif que son inscription comme demandeur d'emploi avait été effectuée plus de douze mois après la fin de son contrat de travail.
Estimant cette exclusion inéquitable, le Médiateur de la République a recommandé à l'UNEDIC un réexamen particulier du dossier, en rappelant l'existence de nombreux cas similaires dus à l'inadaptation du règlement. Une suite favorable a été donnée à sa requête, l'UNEDIC ayant considéré que M. P... aurait été indemnisé s'il s'était inscrit comme demandeur d'emploi en 1995 après son licenciement.

b. Droits sociaux des chômeurs créateurs d'entreprise

b.1. Avec l'aide de l'Etat

Des chômeurs, créateurs d'entreprise, ayant bénéficié de l'aide de l'Etat (l'ACCRE)( ACCRE: Aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise), peuvent se heurter à des obstacles pour faire valoir leurs droits, tant le dispositif de protection sociale mis en place en leur faveur et remanié plusieurs fois est devenu complexe.
En principe, les chômeurs ayant obtenu l'ACCRE bénéficient, durant la première année de la création de leur entreprise, du maintien gratuit de leur couverture sociale et de l'exonération corrélative de cotisations dans le régime dont relève leur nouvelle activité. Or, dans la pratique, il arrive que les régimes parfois se "renvoient la balle" en raison d'une difficulté d'interprétation de cette règle.
Ainsi, Mme G... n'a pu encore se voir reconnaître ses droits à l'assurance maternité, d'après la réclamation n° 99-3874, transmise par M. Guy MENUT, député du Var.
Mme G... et son conjoint ont été chômeurs indemnisés jusqu'au 31 mars 1995. Avec l'aide de l'Etat, ils ont créé une entreprise (commerce de boulangerie-pâtisserie) en avril 1995, Mme G... ayant le statut de conjoint collaborateur.
Ayant accouché en août 1995, Mme G... a demandé sa prise en charge au titre de l'assurance maternité (prestations en espèces et indemnité de remplacement pour rémunérer l'employée recrutée pendant son absence).
Le régime des artisans-commerçants lui a opposé un refus, au motif que, ayant été exonérée de charges pendant un an, elle relevait de l'assurance maladie des salariés. Pour sa part, le régime des salariés a également rejeté sa demande, estimant qu'elle bénéficiait de la seule protection prévue pour les non-salariés.
Mme G... a engagé un recours auprès du tribunal des affaires de sécurité sociale en septembre 1996, toujours en instance. Elle a également souhaité l'intervention du Médiateur de la République.
Celui-ci a demandé aux services ministériels de déterminer le régime applicable en l'espèce et de donner les indications utiles à l'organisme compétent en vue d'une régularisation rapide des droits de l'intéressée. L'affaire est en cours.

b.2. Sans l'aide de l'Etat

Les anciens chômeurs créateurs d'entreprise sans aide de l'Etat ne semblent pas mieux protégés.

De nouveaux cas de personnes exclues de l'assurance maladie après plusieurs décennies de salariat ont été signalés au Médiateur, comme le montre la réclamation n° 98-0806, transmise par Mme Christine LAZERCHES, députée de l'Hérault.

Après une période de salariat de 1954 à 1981, M. H... a créé une entreprise qu'il a dirigée jusqu'en 1994. Ayant dû cesser cette activité devenue non rentable, il s'est lancé dans la création d'une nouvelle société en 1995, sans succès toutefois.
A l'issue d'une période de chômage non indemnisé, l'intéressé a repris un emploi salarié en octobre 1996. Atteint par une affection de longue durée, il a été en arrêt maladie à partir de mars 1997.
Mais M. H... n'a pu bénéficier des indemnités journalières de l'assurance maladie au-delà de 6 mois, ni d'une pension d'invalidité, parce qu'il ne remplissait pas les conditions réglementaires exigeant 800 heures de travail salarié au cours des 12 mois précédant la date de l'arrêt maladie, dont 200 heures dans les trois premiers mois.
Constatant l'inadéquation de cette règle en l'espèce, le Médiateur de la République a recommandé la mise en oeuvre d'une mesure dérogatoire au droit commun.
La Caisse de sécurité sociale n'a pas fait droit à sa requête, considérant que M. H... se trouve dans une situation analogue à celle de bien des assurés qui n'occupent que des emplois précaires successifs de faible durée, entrecoupés de périodes plus ou moins longues d'inactivité, ne permettant pas de justifier des conditions légales d'ouverture des droits aux prestations.
A cet égard, l'organisme national a indiqué au Médiateur que le problème posé par la réclamation de M. H..., lié à la précarisation de l'emploi, nécessitait une analyse en profondeur en vue de mieux prendre en compte le "passé cotisant" des assurés pour la reconnaissance de leur droit aux revenus de remplacement.
Le Médiateur de la République a saisi le ministère de l'Emploi et de la Solidarité d'une proposition de réforme 99-R005 dans le sens préconisé par la Caisse nationale.

c. Incidences de la mobilité en matière d'assurance vieillesse

De manière générale, le Médiateur de la République déplore le décalage persistant qui existe entre les principes du droit social, inspirés par une logique de stabilité, et la réalité des itinéraires parfois chaotiques vécus par les usagers.
Ainsi, à titre d'exemple en matière d'assurance vieillesse, M. D... (réclamation n° 99-0445, transmise par M. André VALLET, sénateur des Bouches-du-Rhône) s'est vu appliquer une règle inadaptée à son parcours professionnel, qui a emporté des conséquences financières inéquitables, non voulues par le législateur.
Ayant successivement exercé une activité salariée pendant 9 ans, puis non salariée pendant 35 ans, M. D... perçoit une pension de vieillesse servie par les deux régimes. Toutefois, il conteste le mode de calcul du salaire annuel moyen retenu par la caisse d'assurance vieillesse des salariés, pour la fixation de sa retraite.
M. D... a cotisé au régime vieillesse des salariés pendant neuf années pleines, ainsi que pendant un mois en 1949, un mois en 1950 et quinze jours en 1957. Considérant qu'il réunit douze années d'assurance, la caisse de retraite a calculé le salaire annuel moyen sur cette base.
Or, il s'avère que ce mode de calcul pénalise M. D... eu égard au très faible montant des salaires perçus pendant les trois dernières périodes considérées, qui ne représentent que deux mois et demi d'assurance.
Le Médiateur de la République a saisi les services ministériels en demandant la seule prise en compte des neuf années pleines de salariat. Il a fait remarquer que l'application automatique d'une règle de portée générale conçue pour des salariés ayant effectué toute leur carrière en cette qualité(Aux termes de l'article R. 351-29 du code de la sécurité sociale, le salaire annuel moyen est calculé sur la base des années civiles d'assurance dont la prise en considération est la plus avantageuse pour l'assuré (12 années pour ceux nés en 1935)) aboutissait en l'espèce, à la prise en considération de trois années qui pénalisaient gravement l'intéressé.
Malheureusement, sa recommandation n'a pas été accueillie favorablement, les services compétents s'en tenant à une stricte application des textes en vigueur.
Convaincu du bien-fondé de la réclamation de M. D..., pénalisé en raison d'un changement d'activité en cours de carrière, le Médiateur de la République envisage de poser le problème sur un plan général.

C. Interruption de l'activité professionnelle

Il serait anormal que des personnes qui cessent temporairement leur activité pour se consacrer à leur vie familiale subissent des tracasseries administratives lors de leur retour à la vie active.
C'est pourquoi, encouragée par les pouvoirs publics depuis quelques années(L'allocation parentale d'éducation (APE) est attribuée à la personne qui assure la charge de deux enfants ou plus et qui n'exerce plus d'activité professionnelle ou qui l'exerce à temps partiel), cette forme de "mobilité" au cours d'une carrière professionnelle mérite attention.
Là encore, en effet, en raison de la superposition des textes, la gestion des droits sociaux après le versement de l'allocation parentale d'éducation (APE) ou après le congé parental d'éducation (CPE) peut poser divers problèmes.
Plusieurs cas d'erreurs commises par des organismes de sécurité sociale ont ainsi été signalés au Médiateur de la République.

a. Accès aux droits sociaux après la perception de l'allocation parentale d'éducation

L'attribution d'indemnités journalières au titre de l'assurance maladie après la perception de l'APE obéit à des règles précises : le droit à ces prestations ne peut être retrouvé que si la reprise de travail intervient immédiatement à l'issue de cette perception.

La mauvaise application de ce texte a entraîné de graves déconvenues pour Mme M..., comme en témoigne la réclamation n° 98-3558, transmise par M. Pierre COHEN, député de la Haute-Garonne.

Mme M... a perçu l'APE de 1992 à 1994.
Demandeur d'emploi, elle a été indemnisée par l'assurance chômage puis a repris une activité salariée en mai 1995 durant quelques semaines.
De nouveau au chômage, l'intéressée a été en congé maladie à partir de juillet 1995.
La caisse de sécurité sociale lui a versé des indemnités journalières pendant trois ans, puis a reconnu son invalidité. Cependant, elle a refusé de lui attribuer une pension, les conditions administratives n'étant pas remplies.
En outre, la caisse s'est aperçue que les indemnités journalières avaient été versées à tort et en a réclamé le remboursement. Désemparée, Mme M... s'est adressée au Médiateur de la République.
Constatant l'erreur de droit commise lors de l'instruction du dossier, le Médiateur de la République a demandé à l'organisme de sécurité sociale d'accorder à Mme M... la remise du trop perçu. La caisse a refusé, préférant attendre le résultat de la procédure engagée auprès du Tribunal des affaires de sécurité sociale. (Saisie par l'intéressée en septembre 1998, cette juridiction n'a pas encore statué).

b. Accès aux droits sociaux après un congé parental d'éducation

Les salariés en CPE conservent leurs droits aux prestations en nature(Prestations en nature : remboursement des soins, des médicaments...) de l'assurance maladie pendant toute la durée de ce congé. Ceux qui reprennent le travail à l'issue d'un CPE retrouvent pendant douze mois les droits aux prestations en nature et en espèces de l'assurance maladie qui leur étaient ouverts avant le début du congé.
Il arrive cependant que ces dispositions ne soient pas appliquées, comme en témoigne la réclamation n° 99-1148, transmise par M. Jean-Pierre BALLI-GAND, député de l'Aisne.
Mme M... s'est ainsi vu refuser l'ouverture du droit à l'assurance maladie après un CPE, alors qu'elle avait repris son activité immédiatement à l'issue de ce congé.
Ses droits ont pu être rétablis à la suite de l'intervention du Médiateur de la République.
Le Médiateur de la République ayant signalé ces cas aux organismes nationaux, un rappel des dispositions réglementaires a été effectué au sein des caisses concernées par ces dysfonctionnements.

2.2. L'association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS)

La loi du 27 décembre 1973 a créé, au bénéfice des salariés, un mécanisme d'assurance contre l'insolvabilité des employeurs à la suite d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire. Il s'agit d'un mécanisme spécifique de garantie de créances nées d'un contrat de travail de droit privé, à la suite de l'ouverture d'une procédure collective régie par la loi du 25 janvier 1985, modifiée en 1994, relative aux entreprises en difficulté relevant du droit commercial.
Il n'est dès lors pas surprenant que des difficultés résultent de la combinaison des règles intéressant des ordres juridiques différents.
C'est ainsi que le Médiateur de la République est saisi d'un certain nombre de réclamations de salariés portant sur le fonctionnement de ce régime.
Parmi les réclamations qui lui sont transmises, les plus nombreuses ont, pendant plusieurs années, concerné les conditions d'application de la règle des plafonds de prise en charge. En signalant les conséquences injustes de la jurisprudence, le Médiateur de la République a notamment contribué à l'évolution récente de la Cour de cassation en la matière.
De la même façon, il s'implique dans les réflexions actuellement conduites dans le cadre de la préparation de l'avant projet de réforme de la loi du 25 janvier 1985 précitée.

A. Le dispositif

La mise en oeuvre de la garantie des créances salariales est confiée à un organisme investi d'une mission de service public : l'AGS, qui regroupe les organisations nationales interprofessionnelles d'employeurs.
L'AGS a signé avec l'UNEDIC une convention pour la gestion de ce régime qui était, au départ, intégralement assurée par les ASSEDIC (le GARP en région Ile-de-France).
Depuis septembre 1996, les ASSEDIC continuent à assurer le recouvrement des cotisations versées par les employeurs, alors que quatorze centres de gestion et d'étude de l'AGS (CGEA), sous l'autorité de six délégations régionales et d'une délégation nationale UNEDIC-AGS, spécialement créés à cet effet :
- mettent à disposition des mandataires de justice les fonds nécessaires au règlement des créances salariales ;
- assurent la défense en justice des intérêts du régime de garantie ;
- récupèrent les sommes versées à titre d'avance.

B. L'évolution de la jurisprudence

a. Les plafonds de garantie

En créant l'AGS, la loi a prévu que le régime de garantie des créances effectue des avances remboursables par l'entreprise elle-même dans le cadre d'un plan de continuation ou par le mandataire de justice qui réalise les actifs en cas de liquidation ou de plan de cession.
Cependant, le montant des sommes dues au salarié, porté sur le relevé des créances salariales adressé au CGEA, peut, dans certains cas, ne pas être garanti dans sa totalité. En effet, cette garantie est plafonnée par l'article L. 143-11-8 du code du travail, dans des limites fixées par l'article D. 143-2 du même code, en référence au plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions au régime d'assurance chômage.
Lorsque les créances résultent de dispositions législatives ou réglementaires ou des stipulations d'une convention collective, et sont nées d'un contrat de travail dont la date de conclusion est antérieure de plus de six mois à la décision prononçant le redressement judiciaire, le montant est fixé à treize fois le plafond.
Dans les autres cas, le montant est fixé à quatre fois le plafond. Institué deux ans après la création de l'AGS, le plafond 4 avait pour but de mettre fin à un certain nombre d'abus résultant de la conclusion de contrats de complaisance prévoyant des indemnités de rupture d'un montant élevé. Si l'intention était louable, le résultat de cette mesure a été souvent contesté.
La question de la détermination du plafond applicable est donc d'un intérêt capital pour les salariés.
En effet, le paiement de la partie qui ne sera pas réglée dans le cadre de l'AGS, parce qu'excédant le plafond, sera soumis à la réussite du plan de redressement ou au volume des répartitions résultant de la réalisation de l'actif, dans des conditions aléatoires en dépit des privilèges dont peuvent être assorties les créances salariales.
Dans ces conditions, l'option entre les deux plafonds ne saurait être indifférente, les montants respectifs des plafonds 4 et 13 s'élevant au 1er janvier 1999 à 231 520 F et 752 440 F.

a.1. La situation avant le 15 décembre 1998

L'interprétation par la Cour de cassation des dispositions réglementaires a été longtemps très restrictive.
Le plafond 13 ne s'appliquait que pour les salariés payés au minimum légal ou conventionnel. Un salaire librement débattu par les parties, résultant de stipulations contractuelles, relevait systématiquement du plafond 4. Cette jurisprudence conduisait, dans la pratique, à une généralisation du plafond 4, le plafond 13 étant devenu l'exception ; ceci vraisemblablement à l'inverse des intentions ayant présidé à leur création, le plafond 4 devant limiter les abus présumés exceptionnels.
Ainsi, pendant plusieurs années, le Médiateur de la République a été saisi de nombreuses réclamations, qui n'ont pu faire l'objet que de réponses explicatives, aucune erreur de droit n'ayant pu être relevée dans ces dossiers.
Cependant le Médiateur de la République a pu observer que ce cadre juridique aboutissait souvent à une situation injuste, au détriment, notamment, de cadres ou de salariés comptant une grande ancienneté dans l'entreprise et dont la rémunération était, même légèrement, supérieure au minimum conventionnel.
Ces catégories, par l'application du plafond 4, pouvaient ainsi percevoir une indemnisation d'un montant inférieur à celle dont bénéficiait un jeune salarié récemment embauché, auquel était appliqué le plafond 13, comme en attestent les cas suivants.

Réclamation n° 98-0362 transmise par M. Jacques GUYARD, député de l'Essonne, ancien ministre.

M. C... a été licencié le 20 février 1995 pour motif économique dans le cadre de la liquidation judiciaire de l'entreprise où il travaillait depuis 30 ans comme chef d'atelier.
Le montant total de ses créances s'élevait à 409066F, dont 271 322F pour la seule indemnité de licenciement, calculée selon le barème de la convention collective de la métallurgie.
Le GARP, alors en charge de la gestion de l'AGS, a fait application du plafond 4 et procédé à une avance limitée à 206 880 F.
Un jugement rendu en première instance dans un sens favorable à M. C... a été annulé par la cour d'appel de Paris, qui a confirmé la position du GARP au motif que la rémunération de l'intéressé avait été supérieure au salaire minimum conventionnel de sa catégorie.

Réclamation n° 97-3685 transmise par M. André BOREL, député de Vaucluse.

A la suite du licenciement de M. T..., la Société A... avait été condamnée, par jugement du conseil de prud'hommes en date du 17 septembre 1992, à verser à l'intéressé la somme de 552 400 F au titre de salaires et indemnités.
La liquidation judiciaire de cette entreprise ayant été prononcée, l'ASSEDIC, alors en charge de la gestion de l'AGS, a procédé à une avance d'un montant de 194 400 F, correspondant exactement au plafond 4.
Saisi de ce litige 5 ans après les faits, le Médiateur de la République est intervenu auprès du Centre de gestion et d'étude de l'AGS (CGEA) dorénavant compétent.
Le CGEA a fait valoir que la rémunération de M. T..., qui avait servi de base au calcul des indemnités allouées par le tribunal, avait été fixée indépendamment d'un salaire prévu par une convention collective et que cette situation commandait, en l'occurrence, l'application du plafond 4.
Dans ces deux dossiers, le Médiateur de la République n'a donc pu obtenir la révision du montant de la prise en charge des créances reconnues aux salariés.
C'est pourquoi, dès 1996, sensible à l'injustice de cette situation, il a appelé simultanément l'attention du ministère du Travail et des Affaires sociales et celle du Parquet de la Cour de cassation sur les conséquences très préjudiciables de cette jurisprudence.

a.2. La situation depuis le 15 décembre 1998

La Cour de cassation (chambre sociale) par un arrêt du 15 décembre 1998, a opéré un important revirement de jurisprudence sur les conditions d'application des plafonds 4 et 13, réparant l'injustice de l'interprétation antérieure.
Tant le conseiller référendaire à la Cour de cassation que l'avocat général dans ses conclusions ont, à cette occasion, évoqué et pris en considération les multiples réclamations dont le Médiateur de la République avait fait état auprès de la Cour suprême.
Il résulte de cet arrêt que, désormais, si les créances garanties doivent toujours trouver leur origine dans une loi, un règlement ou une convention collective, leur montant peut résulter du contrat de travail et donc dépasser le montant minimum déterminé par ces sources.
Tirant les conséquences de cette évolution, qui améliore considérablement la prise en charge des sommes dues aux salariés, la Délégation nationale UNEDIC-AGS a rédigé une directive organisant le traitement des nouvelles demandes, et les conditions de régularisation des situations ayant fait l'objet dans le passé d'une décision limitée au plafond 4.
Ainsi, au cours des huit premiers mois de l'année 1999, le Médiateur de la République a obtenu, dans six cas, le bénéfice de l'application du plafond 13, précédemment refusé.

Réclamation n° 98-4641 transmise par Mme Anne-Marie IDRAC, députée des Yvelines, ancienne ministre.

Le contrat de travail de M. L... a été rompu le 13 mars 1995 dans le cadre d'une convention de conversion à la suite de la mise en redressement judiciaire de la Société A..., dont la liquidation judiciaire a ensuite été prononcée.
Le GARP, alors en charge de la gestion de l'AGS, avait fait application de la règle du plafond 4, limitant le montant de son intervention à 159 757 F, alors que la créance salariale totale de M. L... s'élevait à plus de 300 000 F.
L'intéressé qui avait, depuis, sollicité l'application du plafond 13, sans résultat, a saisi le Médiateur de la République au cours de l'automne 1998.
Dès que l'arrêt du 15 décembre 1998 a été connu, le Médiateur de la République a demandé à la Délégation régionale AGS de réviser sa position sur la base des nouveaux principes récemment dégagés.
Après vérification des conditions déterminant son intervention, ce service a accepté de faire l'avance du solde des créances de M. L... régulièrement inscrites au passif de la Société, dans la limite du plafond 13 en vigueur en 1995, ce qui couvre la totalité des sommes qui lui restaient dues.
Pour autant, l'examen de cette instruction fait apparaître un certain nombre de dispositions limitatives dont tous les effets, à la date de rédaction du présent rapport, ne se sont pas encore fait sentir. A titre d'exemple cependant, il convient de noter que l'AGS a opposé la prescription quinquennale à une saisine du Médiateur, en l'appliquant de façon globale à l'ensemble des créances dont le paiement était réclamé, alors même que le remboursement de frais de déplacement semble, lui, soumis à la prescription trentenaire de droit commun.
Par ailleurs et sur un plan plus général, le Médiateur de la République s'interroge sur la position de l'UNEDIC-AGS concernant la détermination du plafond applicable à l'ensemble des créances.
En effet, tout en rappelant le principe de l'unicité du plafond, établi par l'arrêt de la Cour de cassation du 9 février 1994 sur la base de l'article L.143-11-8 du code du travail, l'UNEDIC-AGS considère que la solution dégagée par la Cour suprême prive désormais de tout effet la règle jurisprudentielle selon laquelle est appliqué à l'ensemble des créances le plafond concernant les créances dont le montant est le plus élevé.
Selon cette interprétation, la présence d'une seule créance relevant du plafond 4 suffirait à entraîner l'application de ce plafond à l'intégralité des sommes dues.
Cette situation risque donc de réduire fortement l'intervention de l'AGS dans certains cas, et de porter préjudice aux intérêts des salariés. Le Médiateur de la République portera dès lors une attention particulière au traitement des dossiers dont il sera éventuellement saisi.
Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour de cassation a également évolué dans le sens d'une amélioration de la protection des intérêts des salariés en étendant la prise en charge de l'AGS à des créances qui en étaient jusque-là exclues.

b. L'extension du champ de la garantie

L'article L. 143-11-1 du code du travail précise que l'AGS ne couvre que les créances nées de l'exécution du contrat de travail.
Ces dispositions étaient d'application stricte jusqu'à l'arrêt de la Cour de cassation (chambre sociale) du 16 mars 1999, aux termes duquel les dommages et intérêts dus aux salariés en raison de l'inexécution, par l'employeur, d'une obligation résultant du contrat de travail, sont garantis dans les conditions posées par l'article précité.
Le Médiateur de la République a invoqué cette jurisprudence pour régler le cas suivant.

Réclamation n° 99-2625.

Par jugement du 11 janvier 1999, opposable au CGEA, le conseil de prud'hommes avait alloué à M. F... une indemnité, d'un montant de 22 013 F, en compensation du manque à gagner causé par l'arrêt de l'activité d'un des secteurs de l'entreprise six mois avant la mise en liquidation judiciaire de la société.
Le Médiateur de la République, sur la base des nouveaux principes jurisprudentiels, a donc pu demander à l'AGS de réviser sa décision initiale de rejet. Il a fait valoir que l'employeur, en prenant l'initiative de supprimer un secteur d'activité, avait réduit la rémunération du salarié fixée par son contrat de travail, s'exonérant ainsi, de façon fautive, d'une partie de ses obligations.
Admettant la justesse de ce raisonnement, l'AGS a, finalement, accepté de procéder à l'avance de la créance.
En dehors de ces évolutions favorables de la jurisprudence, le Médiateur de la République a pu observer au cours de la période récente des progrès significatifs dans la mise en oeuvre de la garantie au bénéfice de certains salariés placés dans des situations particulières.

C. Les progrès enregistrés

a. Les salariés des entreprises européennes

Les principes de la mise en oeuvre de la garantie des créances salariales dans le cadre d'une procédure collective ont été posés par la directive n° 80-987/CEE du 20 octobre 1980, et confirmés par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes.
L'arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 20 janvier 1998, en a tiré toutes les conséquences, en reconnaissant clairement la compétence de l'institution de garantie des salaires "de l'Etat sur le territoire duquel (...) l'ouverture de la procédure de désintéressement collectif est décidée".
Le Médiateur de la République a été saisi de plusieurs réclamations de salariés éprouvant des difficultés à faire valoir leurs droits en raison de situations juridiques complexes.

Réclamation n° 99-0303.

M. B..., de nationalité allemande, employé comme agent commercial en Allemagne par la Société A..., entreprise française dont le siège était situé en région parisienne, avait été licencié le 21 novembre 1995 dans le cadre de la liquidation judiciaire de son employeur.
Il se plaignait de n'avoir perçu aucune des sommes qui lui étaient dues. Il se prévalait d'un jugement du conseil de prud'hommes qui avait reconnu l'existence de ses créances salariales et en avait fixé le montant.
Interrogée par le Médiateur de la République, la Délégation régionale de l'AGS a précisé qu'elle avait, dans un premier temps, interjeté appel de ce jugement, puis s'en était désistée, reconnaissant qu'en l'occurrence, il convenait de faire application de la jurisprudence précitée et d'exécuter la décision de justice.

Réclamations n° 98-3858 transmise par M. Jean-François CHOSSY, député de la Loire, et n° 98-4195, transmise par M. Jean-Louis BIANCO, député des Alpes-de-Haute-Provence, ancien ministre.

Plusieurs salariés occupés par un établissement, en France, dépendant d'une société dont le siège est situé au Luxembourg, avaient été licenciés pour motif économique dans le cadre de la liquidation judiciaire de cet établissement. Ils s'étaient vu refuser le paiement de la totalité des créances salariales.
L'AGS estimait, en l'espèce, que la procédure collective ouverte par le tribunal de commerce en France ne suffisait pas à lui imposer la prise en charge des créances. D'après elle, l'établissement considéré (bien qu'inscrit au registre du commerce et des sociétés) était dépourvu de la personnalité morale, ce qui lui enlevait tout statut juridique en droit français et rendait inapplicable la réglementation.
Le conseil de prud'hommes ayant été saisi de ce litige dans le cadre de plusieurs procédures individuelles, le Médiateur a estimé devoir surseoir à toute intervention dans l'attente des décisions de justice.
Dans une série de jugements, ce tribunal a reconnu que l'établissement, en France, de cette société luxembourgeoise, entrait bien dans le champ d'application de l'AGS et qu'en conséquence, ses anciens salariés devaient bénéficier de la garantie mise en oeuvre par ce régime.
L'AGS ayant décidé de ne pas interjeter appel, a finalement procédé au paiement effectif des sommes dues.
En conclusion, le Médiateur de la République a pu constater que l'intervention de l'AGS s'exerce maintenant pleinement en cas de procédure collective ouverte en France.
En revanche, la situation des salariés licenciés dans notre pays par des entreprises concernées par une procédure collective ouverte en Allemagne, en Italie ou en Irlande, par exemple, reste souvent sans solution, les cours suprêmes de ces pays n'ayant pas fait de la jurisprudence européenne la même interprétation que la Cour de cassation.

b. Les salariés sous contrats de travail particuliers

Dans le passé, l'AGS a manifesté son opposition à la prise en charge des créances salariales nées de la rupture de contrats initiative-emploi (CIE) à durée déterminée, considérant que la dénonciation de la convention liant, dans le cadre de ce dispositif, l'employeur à l'ANPE, rétroagissait sur l'existence même du contrat de travail correspondant.
Les tribunaux, saisis en première instance et en appel, ont, dans la majorité de leurs décisions, désavoué cette analyse. La Cour de cassation, devant laquelle plusieurs pourvois ont été formés, ne s'est pas prononcée à la date de rédaction du présent rapport.
En tout état de cause, la récente modification de la réglementation concernant le CIE est de nature à supprimer tout motif de contentieux à l'avenir, puisqu'elle a notamment repris deux conditions posées par l'AGS :
- signature de la convention avec l'ANPE avant la conclusion du contrat ;
- référence, dans le contrat de travail, à la convention ouvrant droit à l'aide.
En matière de contrats d'apprentissage, l'AGS intervient désormais lorsque la rupture résulte d'une résolution judiciaire sur saisine, par le mandataire-liquidateur, du conseil de prud'hommes. Cette exigence trouve sa source dans le régime particulier de ce contrat et, précisément, dans les dispositions de l'article L.117-17 du code du travail.
Pour autant, des difficultés subsistent lorsque, mal informés, les salariés n'ont pas sollicité en temps utile la mise en oeuvre de cette procédure particulière ou quand la rupture du contrat est intervenue dans d'autres circonstances, comme dans le cas suivant.

Réclamation n° 98-3317 transmise par M. Michel GREGOIRE, député de la Drôme.

L'employeur de M. D... avait été condamné, par jugement du conseil de prud'hommes en date du 20 juin 1996, à lui verser, notamment, un rappel de salaire de 5 649,12 F et des dommages-intérêts, pour rupture anticipée du contrat d'apprentissage, d'un montant de 68 279,61 F. L'entreprise ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire, le mandataire-liquidateur avait sollicité le CGEA pour le paiement de ces sommes.
Le CGEA a bien avancé le rappel de salaire mais a refusé la prise en charge des dommages-intérêts, considérant que le tribunal avait fait, à tort, application à un contrat d'apprentissage des dispositions concernant les contrats à durée déterminée.
Le Médiateur de la République est alors intervenu sur le plan de l'équité auprès de la Délégation UNEDIC-AGS. Cette dernière a accepté de prendre en considération le préjudice subi par M. D... et, bien que la rupture du contrat d'apprentissage n'ait pas résulté d'une résolution judiciaire, elle a soumis une proposition de règlement amiable à l'intéressé, qui l'a acceptée.
Ainsi, M. D... a obtenu, en réparation, la somme de 35 000 F représentant le montant de cette transaction.
Cependant, malgré les avancées exposées ci-dessus, le dispositif de l'AGS ne répond pas encore dans toutes les circonstances aux attentes légitimes des salariés.

D. Des réformes nécessaires

a. Les créances définitivement établies

L'un des principaux motifs de saisine du Médiateur de la République tient à la condition de mise en oeuvre de la garantie résultant de l'article L. 143-11-7 du code du travail, aux termes duquel l'AGS doit avancer les sommes correspondant à des "créances définitivement établies par décision de justice".
Cette règle se justifie par le souci d'équilibre financier de l'AGS, qui ne veut pas devoir solliciter auprès de salariés, éventuellement devenus insolvables, le remboursement de sommes versées en exécution d'un jugement qui se trouverait infirmé par la suite.
En conséquence, l'AGS refuse de procéder au règlement d'une créance dès lors qu'un recours, quel qu'il soit (appel, tierce opposition ou même pourvoi), est formé, par elle-même ou par le salarié qui estime insuffisantes les sommes allouées. L'AGS dispose, à cet égard, d'une prérogative exorbitante du droit commun.
En outre, aux termes d'une jurisprudence de la Cour de cassation, les sommes allouées aux salariés sont frappées par l'arrêt du cours des intérêts de retard prévu par l'article 55 de la loi du 25 janvier 1985 à l'égard de tous les créanciers de l'entreprise en difficulté, à l'exception des organismes prêteurs de fonds.
Sensible aux conséquences financières injustes pour les intéressés lorsqu'ils sont payés très tardivement, le Médiateur de la République a élaboré dès 1995 une proposition de réforme, soumise au ministère de la Justice et au ministère de l'Emploi et de la Solidarité, visant à étendre aux salariés le bénéfice de l'exception susvisée (proposition R. 95-014).
Si, pour des raisons d'opportunité, les ministères concernés n'ont pas, à l'époque, souhaité modifier la réglementation, ce problème a cependant continué d'être examiné dans le cadre des réflexions conduites sur les conditions générales d'intervention de l'AGS.
En effet, il s'avère qu'afin de garantir leurs droits, les salariés saisissent souvent le conseil de prud'hommes lorsqu'apparaissent les signes de la défaillance de leur entreprise, ou dès l'ouverture de la procédure, avant même la transmission, à l'AGS, du relevé des créances salariales établi par le représentant des créanciers. La conséquence de cette situation est un important retard dans le paiement des sommes dues, le mandataire de justice attendant l'issue du contentieux pour établir ce document.
Se fondant sur ce constat, le Médiateur de la République a donc de nouveau appelé l'attention du ministère de l'Emploi et de la Solidarité et du ministère de la Justice sur l'intérêt que présenterait, en la matière, une modification des dispositions du code du travail.
Ainsi, une réforme législative pourrait prévoir l'avance immédiate par l'AGS des créances non contestées (peu important les procédures en cours), le représentant des créanciers informant le salarié du montant des créances refusées et du motif de leur rejet.
C'est sur la base de ce document que le salarié aurait alors, s'il ne l'a pas déjà fait, la possibilité de saisir le tribunal d'une action en paiement du solde des sommes lui restant dues. Dans cette hypothèse, le volume des créances susceptibles d'être payées tardivement étant fortement réduit, le préjudice entraîné par l'arrêt du cours des intérêts s'en trouverait limité.

b. Les salariés des professions libérales

Pour que la garantie des salaires puisse être mise en oeuvre, il est nécessaire de constater que l'entreprise a fait l'objet d'une procédure de règlement ou de liquidation judiciaire. Le champ des procédures collectives, limité, à l'origine, aux sociétés commerciales, n'a cessé de s'étendre (artisans, agriculteurs, associations). Néanmoins, les personnes physiques exerçant une profession libérale à titre indépendant en sont encore exclues.
Il existe donc actuellement un vide juridique, qui a pour conséquence d'exclure injustement le personnel d'un grand nombre d'employeurs du bénéfice de l'AGS alors que ce régime a vocation à couvrir l'ensemble des travailleurs, sans exception. Les salariés concernés ne découvrent leur situation particulière au regard de la réglementation qu'au moment de leur licenciement, sans possibilité de recours.
Le Médiateur de la République a été récemment saisi de réclamations relatives à ce problème.

Réclamation n° 99-1116 transmise par M. Charles PASQUA, ancien sénateur des Hauts-de-Seine, ancien ministre d'Etat.

M. M... a été licencié en 1994 par M. C..., qui possédait un cabinet de conseil aux entreprises. En 1995, le conseil de prud'hommes a condamné son employeur à lui verser la somme de 98 500 F au titre de salaires impayés.
N'obtenant aucun paiement, M. M... a saisi le procureur de la République qui a déposé requête auprès du tribunal de commerce en demande de redressement judiciaire du cabinet de M. C..., insolvable. Ce dernier ayant exercé son activité en tant que profession libérale à titre indépendant, le tribunal de commerce s'est déclaré incompétent et le redressement judiciaire n'a pu être prononcé.
L'ASSEDIC, alors en charge de la gestion de l'AGS, constatant l'absence de procédure collective, a donc refusé de prendre en charge les créances de M. M...
Saisi de ce litige, le Médiateur de la République est intervenu auprès de la Délégation UNEDIC-AGS qui, en l'état actuel de la réglementation, a confirmé le rejet de la demande de l'intéressé.
Soucieux qu'une solution juridique soit rapidement trouvée à ce problème, le Médiateur de la République, sur un plan général, a signalé au ministère de la Justice l'importance particulière qu'il attache au projet de réforme de la loi du 25 janvier 1985, qui devrait permettre, en étendant le champ des procédures collectives aux professions libérales exerçant à titre indépendant, l'intégration de leur personnel dans le dispositif de droit commun de la garantie des créances des salariés.

c. Les salariés protégés

En application de l'article L. 143-11-1-3° du code du travail et en cas de liquidation, sont garanties, dans la limite d'un montant maximal correspondant à un mois et demi de travail, les sommes dues :
- au cours de la période d'observation ;
- durant les 15 jours suivant le jugement de liquidation (ou, à titre dérogatoire, durant le mois qui le suit pour les représentants des salariés prévus par la loi du 25 janvier 1985) ;
- et pendant le maintien provisoire de l'activité autorisée par ce jugement.
Or, la réglementation protectrice applicable à l'ensemble des représentants du personnel assujettit leur licenciement à l'autorisation préalable de l'inspection du travail.
L'application combinée de ces dispositions légales qui se révèlent, dans la pratique, incompatibles, ne manque pas de poser de grandes difficultés.
En effet, pour fonder sa prise en charge, l'AGS retient la date de la présentation de la demande formulée, au cours des périodes susvisées, par l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur selon les cas. Pour autant, et bien que l'autorisation de licenciement puisse intervenir plusieurs mois plus tard, le montant maximal de l'avance des créances salariales s'applique rigoureusement. En conséquence, alors que le contrat de travail n'a pas pu être rompu dans l'attente de la décision administrative, les rémunérations correspondantes, après la période de six semaines couvertes par l'AGS, ne sont pas garanties, mais inscrites au passif de la société.
L'attention du Médiateur de la République a été appelée sur cette situation paradoxale, dans laquelle l'application des dispositions visant à protéger les salariés investis d'un mandat représentatif contre le risque d'un licenciement discriminatoire les pénalise injustement.

Réclamation n° 98-2323.

Mlle A... et M. T..., délégués du personnel au sein d'une entreprise ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 20 juin 1996, avaient été licenciés le 7 février 1997, l'autorisation de l'inspecteur du travail, sollicitée dès le 5 juillet 1996, n'étant parvenue au mandataire-liquidateur que le 31 janvier 1997, soit sept mois après.
Ce délai était en l'occurrence justifié par le déroulement de la procédure collective visant l'entreprise.
Ses dirigeants avaient en effet interjeté appel contre l'ordonnance du tribunal de commerce prononçant la liquidation, dans l'espoir d'une reprise de la société qui lui aurait permis de se redresser. Cette solution n'a pu finalement se concrétiser.
La situation des requérants pendant toute cette période était d'autant plus préjudiciable qu'étant toujours salariés de l'entreprise, ils n'ont pu être admis au bénéfice de l'indemnisation chômage.
En tout état de cause, l'AGS ne leur a versé que l'équivalent d'un mois et demi de salaire, à compter du jugement de liquidation.
L'intervention du Médiateur de la République en faveur de Mlle A... et de M. T... n'a pu aboutir, aucune solution ne pouvant être mise en oeuvre en l'état actuel de la réglementation, applicable à l'ensemble des salariés protégés placés dans la même situation.
Il pourrait paraître à cet égard souhaitable que les conditions de licenciement des salariés protégés soient aménagées dans les cas de liquidation où, en tout état de cause, la poursuite de l'activité, donc des contrats de travail, semble exclue.
Il s'avère cependant que, dans un grand nombre de cas, un plan de cession des actifs après liquidation permet le maintien de l'exploitation de l'entreprise, et entraîne l'application, au bénéfice de tous les salariés, de l'article L. 122-12 du code du travail, aux termes duquel les contrats de travail se poursuivent avec le nouvel employeur. De ce fait, on voit bien l'intérêt du maintien de la décision administrative concernant le licenciement des salariés protégés, qui constitue une garantie contre des manoeuvres éventuelles visant à l'exclusion de la collectivité de travail de représentants du personnel.
L'orientation générale de l'avant-projet de réforme de la loi du 25 janvier 1985, préconisant que la cession s'inscrive dorénavant, de façon clairement privilégiée, dans le cadre du redressement, devrait, en ce sens, redéfinir les enjeux du débat.
En tout état de cause, le Médiateur de la République, estimant la situation actuelle difficilement acceptable, a demandé au ministère de l'Emploi et de la Solidarité de conduire une réflexion sur la possibilité d'assurer une rémunération aux salariés concernés.
Le Médiateur de la République constate, au cours de la période récente, une amélioration sensible des conditions d'intervention du régime de garantie des créances des salariés.
Pour autant, il reste particulièrement attentif aux difficultés qui subsistent et qui appellent des réponses d'ensemble, la priorité revenant à l'extension du champ de cette garantie à tous les salariés indépendamment du statut d'activité de leurs employeurs.




Retour au sommaire de l'année 1999
Retour au sommaire des rapports