Année 1998


TROISIEME PARTIE


ACTIVITE DES SECTEURS D'INSTRUCTION DE LA MEDIATURE






Les réclamations écrites adressées au Médiateur de la République sont reçues et examinées, au siège de la Médiature, par le "service d'orientation des réclamations" (SOR), qui détermine si un dossier est recevable (saisine individuelle par une personne physique ou morale, transmission par un parlementaire, démarches préalables effectuées auprès de l'administration mise en cause), et s'il entre dans le champ de compétence du Médiateur (relations entre les administrés et l'administration).

Ce service répond, dans les huit jours, aux auteurs des réclamations qui ne remplissent pas ces critères.

- Si le dossier est irrecevable, le parlementaire qui l'a transmis est invité, selon les cas, à le faire compléter par le réclamant, ou à lui indiquer les démarches préalables qu'il aurait dû entreprendre avant de saisir le Médiateur.

Dans le cas où l'irrecevabilité résulte du non-respect de la procédure légale de saisine, le réclamant qui a adressé son dossier directement au Médiateur est invité à demander au parlementaire de son choix la transmission officielle de la réclamation. Lorsque la réclamation se résume à une simple lettre, décrivant de façon insuffisamment précise les difficultés rencontrées, le réclamant est orienté vers le délégué départemental le plus proche de son domicile, qui pourra le recevoir, lui permettre d'expliciter sa demande, envisager de régler lui-même la difficulté ou, si elle ne s'y prête pas, l'aider à constituer un dossier et à respecter la procédure légale de transmission par un parlementaire pour que l'affaire soit examinée au siège de la Médiature. A titre tout à fait exceptionnel, mais par souci d'efficacité, ces deux dernières procédures sont différées s'il s'agit de situations particulièrement urgentes ou dramatiques : les services du Médiateur examinent immédiatement le dossier, tout en vérifiant qu'il soit rapidement régularisé par une saisine parlementaire.

- Si le dossier se situe hors du champ de compétences du Médiateur, le parlementaire qui l'a transmis, ou la personne qui s'est adressée directement à lui, reçoit une réponse motivée, qui explicite les raisons de l'incompétence, fournit des conseils et oriente l'intéressé vers les instances (notamment de médiation) compétentes.

Pour leur part, les réclamations recevables donnent lieu à un accusé de réception adressé au parlementaire et au réclamant, puis sont orientées vers le "secteur d'instruction" compétent de la Médiature.

Les secteurs d'instruction sont au nombre de cinq : un secteur "administration générale" (AGE), un secteur "agents publics/pensions" (AGP), un secteur "fiscal" (FI), un secteur "justice/urbanisme" (JUS/URB), et un secteur "social" (SO).

Ces secteurs d'instruction, composés chacun d'un chargé de mission et de trois à six assistants, instruisent les dossiers qui leur sont attribués.

Lorsqu'une réclamation lui paraît fondée (dysfonctionnement de l'administration ou atteinte à l'équité), le secteur concerné procède à un examen approfondi du dossier et prend contact avec l'organisme en cause.

Si celui-ci accepte la solution suggérée, le Médiateur de la République clôt le dossier et avertit le parlementaire qui a transmis la réclamation de l'heureux dénouement de l'affaire.

Dans le cas contraire, le Médiateur de la République peut faire des "recommandations" à l'administration concernée. A défaut de réponse satisfaisante dans le délai qu'il a fixé, il peut rendre publiques ces recommandations, notamment dans son rapport annuel.


1.LE SECTEUR ADMINISTRATION GENERALE


Le secteur administration générale (AGE) traite les réclamations qui ne relèvent pas de la compétence des autres secteurs d'instruction de la Médiature.
De ce fait, il est en relation avec tous les services de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics nationaux et locaux, et, d'une manière générale, avec tous les organismes investis d'une mission de service public administratif ou industriel et commercial. Il a donc une compétence pluridisciplinaire.
Une des spécificités de ce secteur est qu'il a souvent à connaître de problèmes d'actualité qui ont pour origine, notamment, la mise en œuvre de réglementations nouvelles remettant en cause la situation des réclamants.
En 1998, le secteur administration générale de la Médiature a traité plus de 800 dossiers.
Même si ce nombre paraît peu important au regard de l'ensemble des actions des services publics, les dossiers reçus sont néanmoins le reflet des litiges mettant en cause l'administration.
Cette année encore, le secteur AGE a eu à traiter de réclamations qui, bien que présentées de manière individuelle, concernaient un ensemble de personnes confrontées aux mêmes problèmes (L'année 1997 avait été marquée par les réclamations présentées par les "sans-papiers de Saint-Bernard"). L'examen de ces réclamations présentait parfois un caractère d'urgence, compte tenu du respect impératif de calendriers préétablis.
Il s'agissait, notamment, de répondre au mécontentement de candidats devant se présenter, pour les uns, à un examen, et, pour les autres, à un concours, dont les épreuves devaient se passer à une date proche de celle de la saisine du Médiateur de la République.
Dans le premier cas, des dizaines d'étudiants pilotes de ligne n'auraient pu passer leur examen trimestriel de mars 1998 sans l'intervention du Médiateur.
Dans le second cas, le mécontentement des candidats aux concours d'accès aux écoles vétérinaires était beaucoup plus profond. Les intéressés mettaient en cause le système même d'organisation de ces concours.
Par ailleurs, l'examen des réclamations traitées par le secteur AGE a encore mis en évidence le problème de l'indemnisation de personnes ayant subi des préjudices du fait de l'action administrative.
Malgré les circulaires du 19 octobre 1990 du ministre délégué chargé du Budget et du 6 février 1995 du Premier ministre recommandant aux administrations de l'Etat de recourir plus largement à la voie transactionnelle, on peut constater que l'administration attend souvent d'être condamnée par le juge pour indemniser ses victimes, alors même que sa dette à leur encontre présente un caractère certain.
En effet, des préfectures, arguant du manque de temps et de moyens, laissent sans suite des demandes d'indemnisation, notamment en matière de refus de concours de la force publique. Pourtant, les propriétaires qui ont obtenu un jugement d'expulsion des occupants sans titre de leurs biens immobiliers, et qui voient ce jugement inexécuté faute de concours de la force publique, doivent être indemnisés.
Cette inertie de l'administration donne une mauvaise image du service public, porte un préjudice certain aux administrés, et encombre inutilement la juridiction administrative.
En outre, au cours de l'année 1998, plusieurs réclamations ont eu pour origine des difficultés auxquelles se sont heurtés certains administrés, notamment des associations, en raison de décisions annoncées prématurément ou de promesses non tenues, par exemple en matière de subventions.
Il a été constaté, à l'occasion de l'examen de ce type de réclamations, que l'administration avait pris des engagements sans vérifier si elle pouvait légalement les tenir. Les administrés destinataires de telles promesses ont ainsi parfois été mis dans des situations financières délicates.
Le Médiateur de la République a pu obtenir leur dédommagement en invoquant le principe de "confiance légitime", principe inspiré notamment du droit communautaire européen.
Dans un certain nombre de dossiers, enfin, les réclamants font état de renseignements qui leur ont été donnés soit par téléphone, soit au guichet, et qui se révèlent erronés. Ces personnes sont confrontées à d'insurmontables problèmes de preuves, alors que, souvent, ces renseignements sont à l'origine de leur prise de décision ou de leur défaut de réclamation dans les délais.


1.CAS SIGNIFICATIF


Mariage mixte

Réclamation n° 96-4312, transmise par M. Jean-Claude LEFORT, député du Val-de-Marne

De nationalité turque, M. S... est entré une première fois en France en février 1986. Il a sollicité le statut de réfugié, qui lui a été refusé en décembre 1987.
M. S... a alors déposé une seconde demande, puis a regagné la Turquie. Revenu en France en avril 1990, il a obtenu un récépissé de titre de séjour l'autorisant à travailler en qualité de demandeur du statut de réfugié. Il a été salarié jusqu'en janvier 1991, en tant que maçon.
Après un nouveau rejet de sa demande de statut de réfugié en octobre 1990, il a fait l'objet, en décembre 1990, d'une décision de refus de séjour, assortie d'une invitation à quitter la France. Un arrêté de reconduite à la frontière a été pris à son encontre, en janvier 1991, et a été exécuté au printemps 1991.
Quelque temps après, assuré de trouver du travail, M. S... est revenu en France, en février 1992, avec un visa touristique. Au mois d'octobre suivant, il a rencontré sa future épouse, de nationalité française.
Au début de l'année 1993, il est venu habiter avec celle-ci dans le logement dont elle était locataire. Le 15 avril 1995, après plus de deux années de concubinage notoire, les intéressés se sont mariés.
Souhaitant sortir de la clandestinité dans laquelle il se trouvait depuis trois ans, M. S... a choisi de repartir volontairement en Turquie, ce qu'il a fait en juin 1995.
Arrivé à Ankara, il a sollicité un visa d'établissement en qualité de conjoint de Français, qui lui a été refusé à plusieurs reprises. Ces décisions se fondaient sur l'avis défavorable de la préfecture concernée, qui estimait que M. S... s'était marié avec une ressortissante française dans le seul but d'obtenir un titre de séjour.
A partir de 1996, le Médiateur de la République est intervenu, à diverses reprises, auprès des ministres des Affaires étrangères et de l'Intérieur, en faisant valoir que :
- l'arrêté de reconduite à la frontière de 1991 avait été exécuté et que, si l'intéressé avait bien séjourné en France de manière irrégulière entre 1992 et 1995, il n'avait fait l'objet durant cette deuxième période, d'aucun arrêté de reconduite à la frontière, et que son départ volontaire de France, en 1995, avait été dûment constaté par la police de l'air et des frontières ;
- sa demande de visa ne devait pas être examinée par référence au passé, dès lors qu'il n'avait jamais troublé l'ordre public en France, mais en fonction de sa situation familiale actuelle.
La réalité du mariage de M. S... avec une Française, le 15 avril 1995, n'a été mise en cause à aucun moment, ni par la mairie du lieu où il a été célébré, ni par le ministère public, ni par les autorités préfectorales.
Par ailleurs, divers témoignages dignes de foi attestent que les intéressés avaient une vie commune dès le début de l'année 1993. De plus, le ministère de l'Intérieur ne soutenait pas qu'il s'agissait d'un mariage simulé dans le seul but de détourner la loi de son objet.
Il semble donc qu'il ait été tenu exclusivement compte du fait que M. S... était en situation irrégulière en France à la date de son mariage, ce qui ne constitue pas une preuve de la fraude.
Le Médiateur de la République a ainsi fait observer que l'on n'était pas fondé, en l'absence de preuves ou d'indices suffisants, à affirmer que ce mariage avait été contracté dans le but exclusif d'obtenir un titre de séjour.
Or, le refus de visa opposé à M. S... l'empêchait depuis plus de deux ans de rejoindre son épouse en France, et il n'était pas envisageable pour elle de quitter la France et de s'installer en Turquie. En revanche, M. S... était bien intégré en France : il parle convenablement notre langue, il avait travaillé en tant que maçon hautement qualifié jusqu'au début de l'année 1991, et ses qualités professionnelles avaient été très appréciées.
Du fait de difficultés financières, dues à une période de chômage de Mme S..., les intéressés ne s'étaient pas revus depuis le mois de juillet 1995, ce qui, au regard de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, constituait une atteinte grave au respect de leur vie familiale, dès lors qu'il n'existait aucune objection d'ordre public au retour en France de l'intéressé.
Sensible aux arguments du Médiateur de la République, le ministre de l'Intérieur a fait savoir au ministre des Affaires étrangères qu'il levait son opposition à la délivrance du visa. Le ministère des Affaires étrangères a aussitôt donné instruction au poste consulaire compétent de remettre son visa à l'intéressé.
Entré en France en décembre 1997, M. S... a immédiatement pris contact avec les services préfectoraux, qui lui ont délivré un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler, en attendant que soit établie sa carte de séjour. Il a aussitôt été embauché par l'un de ses anciens employeurs.

Loyers impayés - Ordre de reversement

Réclamation n° 97-1473, transmise par M. José ROSSI, député de la Corse-du-Sud

M. C..., mari séparé de Mme C-P..., occupait seul un logement en région parisienne, son épouse résidant définitivement en Corse avec ses enfants.
M. C... ne réglait plus ses loyers, et le propriétaire de son logement, qui avait obtenu un jugement d'expulsion, a demandé à l'Etat le concours de la force publique pour exécuter cette décision. l'Etat a refusé de prêter son concours et a donc dû indemniser le propriétaire. Ces indemnités étaient récupérables sur le locataire défaillant.
M. C... étant décédé sans laisser d'actif successoral, le remboursement des sommes réglées par l'Etat, d'un montant de 49 604 F, a été réclamé à son épouse.
Malheureusement, compte tenu de la règle de solidarité entre époux, et le divorce n'étant pas intervenu à l'époque des faits, Mme C-P... était juridiquement tenue de payer ces sommes.
Elle a alors sollicité l'intervention du Médiateur de la République en relevant qu'à l'époque elle n'avait pas signé le bail, qu'elle n'avait jamais logé dans cet appartement, qu'elle gérait sa vie administrative et familiale de façon totalement indépendante de son mari, et qu'elle avait, en outre, déposé une requête en divorce.
Compte tenu de ces circonstances, le Médiateur est intervenu en faveur de Mme C-P..., tant auprès du préfet que du trésorier-payeur général du département concerné.
Les services compétents ont été d'accord, dans la mesure où Mme C-P... formulerait une demande en remise, pour accueillir celle-ci favorablement, mettant ainsi fin aux difficultés de l'intéressée.

GDF - Responsabilité partagée

Réclamation n° 97-2938, transmise par M. Jean-Pierre VIAL, ancien sénateur de la Savoie

M. G... possède une maison alimentée en eau par une canalisation en béton qui passe sous un chemin communal.
En 1995, M. G... a constaté que de l'eau suintait sur ce chemin. Ayant appris qu'une entreprise, chargée par GDF des travaux de protection d'une canalisation de gaz, avait emprunté cette voie avec une pelle à chenilles de 17 tonnes, M. G... a imputé à GDF les dommages causés à la canalisation d'eau.
Le chef d'exploitation de GDF a fait valoir que la vétusté de la canalisation et le passage fréquent de lourds chargements de bois étaient probablement à l'origine de l'état du chemin. Il a donc décidé que GDF ne pouvait prendre à sa charge des travaux qui ne lui incombaient pas.
M. G... a alors sollicité l'intervention du Médiateur de la République. Celui-ci, relevant la concomitance entre les travaux effectués par GDF et les suintements traduisant l'existence du dommage souterrain, a saisi le président d'EDF-GDF
A la suite à cette intervention, le délégué aux relations avec les consommateurs d'EDF-GDF a admis que la cause précise des dommages était difficile à établir. Il a donc fait savoir au Médiateur de la République qu'une solution purement commerciale pouvait être proposée : les frais de remise en état seraient supportés par les deux parties, GDF prenant, pour sa part, la charge des travaux de terrassement.

SNCF - Indemnisation

Réclamation n° 97-4698, transmise par M. Bernard SEUX, député du Pas-de-Calais

Mme F... a effectué un voyage ferroviaire au cours duquel son véhicule automobile, également transporté, a été endommagé.
La SNCF a reconnu être à l'origine de certains des dommages, et a accepté de les rembourser.
Cependant, Mme F.. estimait que d'autres dégâts, plus importants, avaient été causés à son véhicule lors du transport.
Elle a donc adressé une demande d'indemnisation complémentaire au service clientèle de la SNCF, mais celle-ci a été rejetée car Mme F.. n'était pas en mesure de prouver l'origine des dégâts en question.
Le Médiateur de la République, saisi de ce dossier, a relevé que le procès-verbal dressé, avant le départ, par les services de la SNCF, ne mentionnait aucun des dégâts constatés à l'arrivée, ce qui laissait présumer qu'ils n'existaient pas à l'origine.
Dans ces conditions, le Médiateur est immédiatement intervenu auprès des services de la SNCF, qui ont finalement accepté de rembourser l'intégralité des frais de réparation du véhicule de Mme F...

Bourse d'études

Réclamation n° 97-5048, transmise par M. Dominique CAILLAUD, député de la Vendée

Mme N... avait demandé une bourse nationale d'études du second degré au profit d'un de ses enfants.
L'inspection d'Académie territorialement compétente a considéré que, les revenus de son mari devant être pris en compte pour l'appréciation des ressources de Mme N..., celle-ci ne pouvait avoir droit à cette aide.
Mme N... ne contestait pas ce raisonnement, mais prouvait qu'il était inapplicable à son cas. En effet, elle avait accompli envers son mari toutes les démarches pour que celui-ci respecte ses obligations alimentaires, mais en vain. Elle était donc en mesure d'établir que la réalité de sa situation financière lui permettait l'octroi de cette bourse.
Bien qu'elle ait fourni à l'administration l'ensemble des éléments de fait et de droit propres à justifier la réalité de ses ressources, celle-ci a maintenu sa position au motif que c'était par libre choix que Mme N... avait abandonné ses droits au profit de son mari.
Mme N... a donc sollicité l'intervention du Médiateur de la République.
Ce dernier a dû saisir le ministre de l'Education nationale, de la Recherche et de la Technologie, pour que la particularité de la situation de Mme N... soit enfin prise en compte. A la suite de cette intervention, l'inspecteur d'Académie a accordé à la fille de Mme N... une bourse de lycée de 10 parts, d'un montant de 2 520 F.

Dispense de service national

Réclamation n° 98-0659, transmise par M. Jacques HEUCLIN, député de Seine-et-Marne

Mme D... ayant deux enfants à charge, dont l'une vivait avec M. R..., avait connu une très longue période de chômage. Pour éviter de sombrer dans l'exclusion, elle avait créé un petit commerce de vente ambulant. La participation de M. R... était indispensable à cette activité, d'autant que l'état de santé de Mme D... l'empêchait désormais de travailler.
M. R... a donc demandé à être dispensé du service national, mais sa demande n'avait aucune chance d'aboutir, car l'intéressé ne remplissait pas les conditions légales pour bénéficier d'une telle mesure.
Conscient des conséquences financières dramatiques de son départ pour la famille entière, M. R... a saisi la commission régionale de dispense, qui a rejeté son recours, puis le tribunal administratif, également en vain. M. R... a donc été incorporé le 1er février 1998.
Il a alors saisi le Médiateur de la République. Ce dernier, sensible au risque d'exclusion de la famille lié au départ de M. R..., est intervenu auprès du ministre de la Défense afin d'obtenir la libération anticipée du jeune homme.
Cette solution a finalement été acceptée par le ministre, et M. R..., libéré en mai 1998, a pu de nouveau apporter son soutien à cette famille.

Examens - Pilotes de ligne

Réclamations nos 98-1060 et 98-1062, transmises par M. André VALLET, sénateur des Bouches-du-Rhône, et M. Christian KERT, député des Bouches-du-Rhône

Les étudiants pilotes de ligne de l'Ecole supérieure des métiers de l'aéronautique (ESMA), située à Montpellier, doivent passer un examen par trimestre, sanctionné par l'obtention d'un certificat.
A une quinzaine de jours de la session de mars 1998, des dizaines de convocations n'étaient toujours pas parvenues à leurs destinataires.
Dans l'impossibilité de se présenter aux examens sans leurs convocations, les étudiants concernés, après être intervenus, en vain, auprès de La Poste et du Service de la formation aéronautique et du contrôle technique (SFACT), chargé de l'organisation des examens, se sont tournés vers le Médiateur de la République.
Celui-ci a été saisi par télécopie le lundi 9 mars, alors que les épreuves devaient avoir lieu les 17 et 18 mars.
Etant intervenu dans l'urgence, notamment auprès de la direction générale de l'Aviation civile, le Médiateur de la République a réussi, en l'espace de trois jours, à régler le problème.
Il a d'abord cherché à situer à quel niveau, soit du SFACT, soit de La Poste, il y avait eu dysfonctionnement, mais les enquêtes effectuées par ces organismes n'ont pu aboutir.
Néanmoins, on ne pouvait pas contester le dysfonctionnement dont étaient victimes ces étudiants, même si la personne responsable n'avait pu être identifiée. Aussi le Médiateur de la République a-t-il demandé au SFACT de revenir sur sa position initiale de refus d'admettre les candidats qui ne pouvaient faire la preuve de l'envoi de leur demande d'inscription.
Une fois cette demande satisfaite, il a fallu s'assurer que tous les candidats concernés seraient informés et pourraient passer les épreuves. En effet, ces candidats n'avaient pas été pris en compte dans l'organisation de l'examen, et il convenait de veiller à ce que des moyens matériels supplémentaires soient mis en œuvre pour les accueillir.
Le Médiateur de la République a ainsi évité à des dizaines d'étudiants de perdre le bénéfice de trois mois d'études particulièrement contraignantes et onéreuses.

Concours - Ecoles vétérinaires

Près de 100 réclamations transmises par des députés et sénateurs de la France entière

Les modalités d'accès aux écoles vétérinaires avaient fait l'objet de modifications en 1994.
Le système mis en place, qui prévoyait un régime transitoire pour les concours de 1995, 1996 et 1997, était complexe et donnait régulièrement lieu à des contestations. Le ministre de l'Agriculture et de la Pêche a donc décidé de modifier ce système, par arrêté du 31 juillet 1997.
Toutefois, l'article 12 de cet arrêté prévoyait un nouveau régime transitoire pour les sessions de 1998 et de 1999, instituant, pour l'année 1998, trois concours distincts pour les élèves des classes préparatoires :
- le concours A pour les bacheliers de l'année antérieure ;
- le concours A1 pour les autres bacheliers qui ont suivi plus d'une année de préparation, mais qui ne se sont jamais présentés au concours ;
- le concours A2 pour les autres bacheliers qui s 1 y sont déjà présentés une fois.
Par ailleurs, l'arrêté du 6 février 1998, pris pour l'application de ce régime transitoire, a mis en place un système complexe de répartition des places offertes entre ces concours.
Les candidats au concours A2 se sont sentis lésés par ces modalités de répartition et s'en sont plaints auprès de l'administration, d'autant que cet arrêté n'avait été publié que deux jours avant la date limite des inscriptions. Mais leurs protestations furent vaines.
Leur mécontentement s'est amplifié lors de la publication de l'arrêté du 2 avril 1998 fixant le nombre de places offertes : ils ne se voyaient offrir que 115 places, soit la moitié de ce qu'ils auraient obtenu selon les modalités antérieures. Leur amertume était d'autant plus grande que ce concours était leur dernière chance.
C'est dans ce contexte que le Médiateur de la République a été saisi de très nombreuses réclamations de candidats au concours A2, début avril 1998, alors que les épreuves du concours devaient se dérouler les 5, 6 et 7 mai.
Le Médiateur est donc intervenu immédiatement auprès du ministre de l'Agriculture et de la Pêche, afin qu'une solution puisse être rapidement apportée.
Plusieurs voles ont été explorées.
La suppression des quotas de répartition des places pour les différents concours n'a pu être retenue, par souci de préserver des chances de succès homogènes, sans disparité, pour les candidats.
Une autre possibilité aurait consisté à modifier, au profit des candidats A2, la répartition des postes offerts. Toutefois, cette solution aurait été inéquitable pour les candidats aux concours A et A1, qui auraient vu diminuer le nombre des places qui leur étaient proposées.
Le Médiateur a alors suggéré la création de postes supplémentaires au seul bénéfice des candidats au concours A2. Cette voie ne posait aucun problème juridique : une jurisprudence constante du Conseil d'Etat reconnaît, en effet, la possibilité de modifier le nombre de places offertes jusqu'à la date des épreuves. En outre, cet ajout ne portait pas atteinte aux chances des candidats aux autres concours.
Cependant, cette solution, qui avait pour effet d'augmenter le nombre global de places offertes, se heurtait aux contraintes liées aux possibilités d'accueil des établissements. Elle fut néanmoins étudiée, et après consultation des directeurs des écoles, il est apparu qu'il était possible d'offrir 38 places supplémentaires pour le concours A2.
C'est ainsi qu'est intervenu l'arrêté du 22 avril 1998, portant à 153 le nombre de places offertes au concours A2. Cette mesure a permis que les épreuves se déroulent dans un climat plus serein.
Cependant l'affaire ne s'est pas arrêtée là.
Lors de sa délibération du 10 juillet 1998, le jury a considéré que les résultats des candidats aux concours A et AI étaient d'un niveau insuffisant, et n'a déclaré admis qu'un faible pourcentage de candidats. Il restait donc 88 places non pourvues.
Or, l'arrêté du 6 février 1998 interdisait le report sur un autre concours des places éventuellement non pourvues à l'un des concours.
Le jury, déplorant que toutes les places des concours A et AI n'aient pu être attribuées, a souhaité "qu'une mesure exceptionnelle puisse être prise par l'autorité ministérielle de manière à permettre, tout en préservant la règle du mérite, la réattribution de ces places".
C'est ainsi qu'est intervenu l'arrêté du 20 juillet 1998, immédiatement modifié par l'arrêté du 22 juillet, permettant, de fait, d'attribuer au profit des candidats du concours A2 les places non pourvues des autres concours.
Cette fois, ce fut au tour des candidats du concours A1 de protester avec véhémence, et de saisir le Médiateur de la République.
Soulignant le sentiment d'injustice que pouvaient ressentir les candidats, celui-ci s'est étonné auprès du ministre de l'Agriculture et de la Pêche que les modalités du concours aient pu être modifiées après le début des épreuves.
A la suite de plusieurs interventions, il est apparu que la meilleure solution possible était le vote par le Parlement d'une loi qui, d'une part, validerait les opérations des concours, et, d'autre part, admettrait tous les candidats ayant obtenu une note supérieure au seuil d'admission le plus bas, ce qui ne pouvait que satisfaire l'ensemble des candidats mécontents.
Le Médiateur de la République a donc demandé que le Gouvernement prenne l'initiative d'un texte en ce sens. Sa démarche a d'ailleurs rejoint celle de nombreux parlementaires, et cette loi a été votée le 22 décembre 1998.


2.LE MEDIATEUR DE LA REPUBLIQUE ET LES AUTOMOBILISTES


Entre le 1er janvier 1993 et le 31 août 1998, la Médiature a reçu plus de 250 réclamations présentées par des automobilistes.
Le présent texte a pour objet de répertorier les questions le plus fréquemment soulevées à l'occasion de l'examen de ces dossiers. Il ne s'agit donc pas d'une étude exhaustive des problèmes rencontrés par les automobilistes.
Seront d'abord exposées les questions relatives au permis de conduire (A), puis celles relatives à l'utilisation des véhicules (B).


A.Le permis de conduire


a. Les examens

En vertu de l'article R. 123 du code de la route, nul ne peut conduire un véhicule automobile s'il n'est porteur d'un permis de conduire en état de validité. Celui-ci est délivré par le préfet du département dans lequel les examens de passage du permis de conduire ont été subis.
Ces examens comportent une épreuve théorique d'admissibilité, suivie d'une épreuve pratique, qui se déroulent conformément aux dispositions de l'arrêté du 31 juillet 1975 fixant les conditions d'établissement, de délivrance et de validité des permis de conduire.
L'article 11 de cet arrêté précise, notamment, que les candidats qui ont obtenu un résultat favorable à l'épreuve théorique conservent le bénéfice de leur admissibilité pour cinq épreuves pratiques, à condition qu'un délai maximal de deux ans ne se soit pas écoulé depuis l'obtention de cette admissibilité.
Ce délai de deux ans peut difficilement faire l'objet de prorogation, comme le montre la réclamation n° 94-1336, transmise par M. Marc LE FUR, ancien député des Côtes-dArmor.
Mme B... a passé avec succès les épreuves théoriques du permis de conduire le 17 décembre 1990. Elle devait donc réussir l'épreuve pratique au plus tard le 16 décembre 1992.
Elle a passé une première fois cette épreuve le 26 décembre 1991, et une deuxième fois le 12 novembre 1992, sans succès.
Convoquée une troisième fois le 14 décembre 1992, elle n'a pas pu subir l'épreuve en raison de l'indisponibilité de l'examinateur. Le lendemain, elle a demandé à l'inspecteur chargé de l'organisation des examens de bien vouloir prolonger d'un mois la durée de validité de ses épreuves théoriques, mais ce dernier lui a opposé un refus, au motif que sa demande était irrecevable.
Le Médiateur de la République a estimé qu'il était équitable d'introduire, auprès de l'administration, une demande de dérogation en faveur de Mme B.... d'autant que celle-ci était allocataire du revenu minimum d'insertion.
Mais cette tentative de médiation n'a pu aboutir favorablement. L'administration s'est, en effet, retranchée derrière l'article 11 de l'arrêté de 1975 précité, et a fait valoir qu'elle n'accordait de dérogation que lorsque le candidat apportait la preuve qu'il était dans l'incapacité de subir l'épreuve pratique (en particulier pour des raisons médicales), ou lorsque le candidat avait passé cette épreuve à quatre reprises dans le délai de deux ans, et que sa dernière tentative n'avait pu avoir lieu dans ce délai en raison de l'indisponibilité de l'inspecteur.
Or, Mme B... ne remplissait aucune de ces deux conditions, bien qu'elle n'ait pas pu passer l'examen le 14 décembre 1992 du fait de l'absence de l'examinateur. En effet, elle avait attendu plus d'un an avant de se présenter pour la première fois à l'épreuve pratique, et plus de dix mois avant de subir l'épreuve une deuxième fois.
Cependant, si le Médiateur de la République n'a pu obtenir de dérogation en faveur de Mme B..., il est apparu, lors de l'instruction de cette affaire, que l'inspecteur qui avait opposé un refus à l'intéressée n'avait pas compétence pour se prononcer. En conséquence, une instruction a été adressée par l'administration à tous les responsables de la formation des conducteurs, afin de leur rappeler les dispositions réglementaires en vigueur.


b.L'échange du permis de conduire

L'article R. 123-1 du code de la route énumère les cas où le permis de conduire peut être délivré par équivalence, sans que les personnes concernées aient à subir les examens prévus à l'article R. 123.
Il s'agit des personnes qui ont obtenu soit :
- un permis à l'étranger, alors qu'elles y avaient leur domicile ;
- un permis délivré par l'autorité militaire pour la conduite des véhicules automobiles des armées ;
- un certificat d'aptitude professionnelle de conducteur routier, délivré par le ministre de l'Education nationale, un certificat de formation professionnelle ou un certificat de perfectionnement professionnel de conducteur routier, délivré par le ministre du Travail.
En ce qui concerne l'application de cet article, le Médiateur de la République est régulièrement saisi par des personnes souhaitant obtenir l'échange du permis qui leur a été délivré à l'étranger.

> La validité des permis de conduire étrangers

En vertu de l'arrêté du 6 février 1989 qui fixe les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés à l'étranger, un permis de conduire qui a été délivré régulièrement par un autre État, alors que le conducteur y avait son domicile, est valable sur le territoire français.
Cependant, cette validité prend fin à l'expiration d'un délai d'un an après l'établissement de la résidence habituelle en France. Pour un étranger, la date d'acquisition de cette résidence est celle de la délivrance du premier titre de séjour.
En raison de cette limitation dans le temps de la validité d'un permis de conduire national étranger, tout titulaire d'un tel permis doit obligatoirement, en application de l'article 7 de l'arrêté précité, demander l'échange de ce titre contre un permis français dans le délai d'un an précité.

La réclamation n° 94-0015, transmise par M. François LESEIN, ancien sénateur de l'Aisne, en est l'illustration.

M. D ..., de nationalité polonaise, est arrivé en France en avril 1990, et a obtenu son premier titre de séjour le 7 juin 1990. Il disposait donc d'un délai d'un an, à compter de cette date, pour solliciter l'échange de son permis. Or, il n'a présenté sa demande qu'au cours de l'année 1993, lorsqu'il a acquis la certitude qu'il allait se fixer définitivement en France avec sa famille.
Le préfet du département dans lequel il résidait lui a opposé un refus, au motif que le délai d'un an, fixé par l'article 7 de l'arrêté du 6 février 1989, était dépassé. Cette décision a été confirmée par le ministre chargé des Transports.
Pour essayer de venir en aide à M. D ..., le Médiateur de la République a vérifié si l'intéressé pouvait bénéficier des dispositions du 2e alinéa de l'article 7 précité, qui permettent de prolonger ce délai de la durée des séjours que le titulaire du permis aurait pu effectuer postérieurement à l'étranger, et qui pourraient s'analyser comme un changement de résidence. Mais les séjours hors de France de M. D... au cours des années 1991, 1992 et 1993 avaient eu une durée limitée, et ne permettaient pas de reporter Jusqu'en 1993 le délai qui avait expiré le 8 juin 1991.
Estimant qu'il ne pouvait reprocher à l'administration un quelconque dysfonctionnement dans l'application de la réglementation en vigueur, le Médiateur de la République a dû procéder à la clôture du dossier de M. D... sans pouvoir lui donner satisfaction.
Cette affaire a incité le Médiateur de la République à rappeler à l'administration la nécessité d'assurer l'information des personnes étrangères qui souhaitent s'installer en France.
Il avait déjà évoqué cette question, en 1987, à l'occasion de sa proposition de réforme TRP. 87-01, à la suite de laquelle toutes instructions avaient été transmises aux préfets, à l'initiative du ministre chargé des Transports, pour que des dépliants, regroupant l'ensemble des informations relatives à la reconnaissance et à l'échange des permis de conduire étrangers, soient systématiquement remis à tout ressortissant étranger qui sollicite un titre de séjour en France.

>L'authenticité des permis de conduire étrangers

Les autres problèmes dont le Médiateur de la République a eu à connaître, lors de l'examen des réclamations relatives aux échanges de permis étrangers, concernent la question de l'authenticité de ces permis.
L'article 12 de l'arrêté de 1989 précise qu'en cas de doute sur l'authenticité du titre à échanger, le préfet doit demander un certificat attestant sa légalité auprès des autorités qui l'ont délivré.
En attendant ce certificat, le préfet délivre au titulaire du permis étranger une attestation autorisant ce dernier à conduire, sous couvert de son titre, au-delà de la période d'un an précitée.
Toutefois, dès lors que la demande reste sans réponse à l'expiration d'un délai maximal de six mois, l'attestation en question ne peut plus être prolongée, et l'échange du permis de conduire étranger ne peut avoir lieu.
Ainsi, des titulaires d'un permis étranger peuvent être victimes de la lenteur ou de la négligence de l'administration du pays dans lequel ils ont obtenu leur titre. C'est ce qui est arrivé à M. P... (réclamation n° 94-2490, transmise par M. Gilles de ROBIEN, député de la Somme), qui n'a pu obtenir l'échange de son permis Cubain, aucune réponse n'ayant été apportée par l'administration cubaine.
Il peut arriver également que le certificat d'authentification parvienne à l'autorité préfectorale après l'expiration du délai de six mois mentionné à l'article 12, comme le montre la réclamation n° 94-3846, également transmise par M. Gilles de ROBIEN, député de la Somme.
M. S... a obtenu son permis de conduire au Maroc, en 1983. Ayant décidé de s'installer en France, il a sollicité, auprès du préfet du département où il avait sa résidence, la conversion de son permis. Cette autorité a donc décidé d'en vérifier l'authenticité auprès de l'administration marocaine, et a délivré à M. S..., le 15 janvier 1991, une attestation l'autorisant à conduire, sous couvert de son permis étranger, au-delà de la période normale d'un an.
Malheureusement pour M. S.... le certificat d'authenticité établi par les autorités marocaines est parvenu à la préfecture quelques semaines après l'expiration du délai de six mois précité, et le préfet a refusé de procéder à l'échange sollicité.
Ce n'est qu'après l'intervention du Médiateur de la République que l'échange a finalement pu avoir lieu, le 15 novembre 1995.
Les personnes qui n'ont pu obtenir l'échange de leur permis de conduire étranger doivent subir les examens prévus à l'article R. 123 du code de la route. Cependant, en application d'une circulaire du 13 mai 1991 du ministre chargé des Transports, elles ne sont pas tenues d'être en possession d'un livret d'apprentissage, ni de suivre vingt heures de formation, comme les autres candidats.

c. Les conditions médicales

En vertu de l'article R. 127 du code de la route, le permis de conduire les véhicules des catégories A et B (C'est-à-dire les motocyclettes, et les véhicules automobiles dont le poids total autorisé en charge n'excède pas 3 500 kilogrammes, et qui ne comportent pas plus de huit places assises, outre celle du conducteur) est délivré sans visite médicale préalable, sauf dans les cas prévus à l'article 4 de l'arrêté du 31 juillet 1975 précité, complété par l'arrêté du 4 octobre 1988 fixant, notamment, la liste des incapacités physiques incompatibles avec l'obtention ou le maintien du permis de conduire.
En revanche, le permis de conduire les véhicules des catégories A et B spécialement aménagés pour tenir compte du handicap du conducteur, ainsi que celui des catégories C, D et E (C'est-à-dire les véhicules dont le poids total autorisé en charge excède 3 500 kilogrammes ou qui transportent plus de huit personnes outre le conducteur, ainsi que les véhicules attelés d'une remorque excédant 750 kilogrammes), ne peuvent être délivrés ou renouvelés qu'à la suite d'une visite médicale favorable.
Lorsqu'une visite médicale est obligatoire, le permis de conduire est soit accordé sans limitation de durée, soit délivré selon une périodicité définie par l'article R. 127. Dans ce cas, la validité du permis ne peut être prorogée qu'au vu d'un certificat médical favorable.
Par ailleurs, le permis de conduire valable pour les véhicules de la catégorie B ne permet la conduite des taxis, ambulances, véhicules affectés au transport scolaire ou au transport public de personnes, que s'il est accompagné d'une attestation délivrée par le préfet, après vérification médicale de l'aptitude physique du titulaire du permis.
Dans ce contexte réglementaire, où les décisions de l'autorité préfectorale dépendent d'une appréciation à caractère médical, les possibilités d'intervention du Médiateur de la République sont particulièrement limitées. Il s'interdit, d'ailleurs, de remettre en cause un avis médical.
Ainsi, lors de l'examen des réclamations soulevant un problème d'ordre médical, le Médiateur de la République se borne, la plupart du temps, à vérifier que les procédures applicables ont été correctement mises en oeuvre, et à donner des renseignements sur celles-ci aux intéressés, comme en témoigne la réclamation n° 95-0581, transmise par Mme Marie-Fanny GOURNAY, ancienne députée du Nord.
M. M..., pour des raisons professionnelles, a sollicité l'obtention du permis de conduire de catégorie E. En vertu des dispositions précitées, il a dû subir un examen devant la commission médicale primaire de son lieu de résidence, qui l'a déclaré inapte à la conduite des véhicules, en raison d'une anomalie sur le plan sanguin (en fait, M. M.. suivait un traitement pour un léger diabète ayant des effets sur son bilan sanguin).
La commission médicale départementale, devant laquelle il a fait appel, a infirmé l'avis de la commission primaire. Cependant, si son permis de conduire lui a été restitué, la validité de celui-ci a été limitée à deux ans.
Estimant cette décision préjudiciable à sa carrière professionnelle, M. M... a sollicité l'intervention du Médiateur de la République.
Pour ce qui concerne la procédure à laquelle à été soumis M. M.... il est apparu que la décision prise par le préfet, après avis de la commission médicale départementale, a été notifiée tardivement à M. M... Toutefois, dès que la suspension de son permis de conduire a été annulée, le fichier national informatique a été immédiatement mis à jour (ce fichier, prévu par l'article L. 30 du code de la route, et créé par l'arrêté du 29 Juin 1992, est dénommé Système national des permis de conduire). Certes, le délai qui s'était écoulé entre la date à laquelle la commission départementale s'est prononcée favorablement sur l'aptitude de M. M..., le 5 décembre 1994, et la date à laquelle le préfet lui a notifié la décision prorogeant la validité de son permis de conduire, le 27 mars 1995, a pu être source de désagréments. Mais, dès le 30 décembre 1994, M. M.. s'est vu remettre une attestation, valable six mois, certifiant qu'il avait subi avec succès l'examen médical en vue de la validation de son permis de conduire. Ainsi, le Médiateur a estimé que le retard intervenu dans la notification de la décision ne pouvait être regardé comme constituant une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
Pour ce qui concerne la restriction de validité de son permis de conduire, le Médiateur a expliqué à M. M... que sa situation résultait de l'application de l'article R. 127 du code de la route, qui permet au préfet de limiter la validité du permis sollicité au vu des résultats de l'examen médical. Le Médiateur, considérant qu'il n'était pas habilité à porter une appréciation à caractère médical, n'a pu relever aucun dysfonctionnement dans la mise en oeuvre par le préfet de la procédure en question.
Par ailleurs, en application de l'article R. 128 du code de la route, le préfet peut prescrire un examen médical, postérieurement à la délivrance du permis, dans les cas où les informations en sa possession lui permettent d'estimer que l'état physique du titulaire peut être incompatible avec le maintien de son permis de conduire.
Cette situation est illustrée par la réclamation n° 95-0639, transmise par M. Jean-Paul BARETY, ancien député des Alpes-Maritimes.
M. M.... amputé au niveau de la cuisse droite, est bénéficiaire d'un macaron "grand invalide civil" (GIC), qui lui a été délivré, à titre définitif, à compter du 29 mars 1994.
Par lettre en date du 26 Juillet 1994, le préfet du département dans lequel il réside a invité M. M.. à se présenter devant les médecins de la commission médicale primaire chargée d'apprécier l'aptitude physique des conducteurs. A la suite de ce contrôle, un permis de conduire valable un an, à compter du 16 août 1994, lui a été délivré, et son ancien permis permanent lui a été retiré.
Souhaitant un rétablissement de son permis sans limitation de durée, M. M... a sollicité
l'intervention du Médiateur de la République.
Or, en l'espèce, aucun dysfonctionnement n'a été relevé dans la mise en oeuvre de la procédure instituée par l'article R. 128 du code de la route.
En effet, en vertu de ce texte, le préfet, ayant été informé de l'affection dont était atteint M. M..., pouvait soumettre ce dernier à un examen médical.
Par ailleurs, aux termes de l'arrêté du ministre chargé des Transports en date du 4 octobre 1988, l'amputation au niveau de la cuisse constitue l'une des affections susceptibles de donner lieu à la délivrance d'un permis de conduire de durée limitée.
De plus, la périodicité imposée à M. M.. (un an) était conforme aux dispositions de l'article 4 de l'arrêté du ministre chargé des Transports en date du 4 décembre 1984.
En outre, le fait qu'un macaron GIC avait été délivré à M. M... peu de temps auparavant ne faisait pas obstacle à ce que l'autorité administrative fit usage des dispositions susvisées.

d. Les erreurs matérielles affectant le permis de conduire ou son duplicata

Lors de l'établissement du titre attestant de l'obtention du permis de conduire, soit par examen, soit par échange, des erreurs matérielles peuvent affecter ce document. Dans ce domaine, les possibilités d'intervention du Médiateur de la République dépendent de la nature des erreurs commises.
Il peut s'agir d'erreurs portant sur les catégories de véhicules qu'est habilité à conduire le détenteur du permis, comme le montre la réclamation n° 97-4815, transmise par M. Dominique PAILLÉ, député des Deux-Sèvres.
A la suite d'une visite médicale subie par M. G... en décembre 1996, il est apparu que les catégories figurant sur son permis de conduire ne correspondaient pas à celles inscrites au fichier national des permis de conduire.
En effet, au regard des mentions figurant au fichier national, M. G... était autorisé à conduire des véhicules de catégories AT, AL, B, C, E (B), et E (C) limité à un poids total roulant autorisé (PTRA) de 12,5 tonnes. Or, sur son permis figuraient également la catégorie D et la catégorie E (C) non limité, qui correspondent respectivement aux transports en commun et à la conduite de véhicules super-lourds.
M. G... a donc été invité par le préfet de son département de résidence à restituer, aux fins de régularisation, son permis de conduire. M. G... a contesté cette décision, mais le Médiateur de la République, interrogé, lui a fait savoir qu'il ne pouvait intervenir utilement en sa faveur.
En effet, il ne pouvait être question de demander au préfet de délivrer à M. G... deux permis de conduire dont il n'était pas titulaire, puisqu'il n'avait Jamais passé l'examen du permis de la catégorie D et, au regard des textes applicables, n'avait pu obtenir par équivalence le permis de la catégorie E (C) non limité.
Le Médiateur de la République a donc mis en garde M. G... contre les risques qu'il prendrait, au regard de la législation sur les assurances, si, en dépit de la notification qu'il avait reçue, il conduisait des véhicules nécessitant les permis des catégories D ou E (C) non limité, et lui a conseillé de se soumettre aux épreuves des permis correspondants.
Néanmoins, le Médiateur de la République est intervenu auprès du préfet, afin que tout fût mis en oeuvre pour réduire les délais et simplifier les formalités administratives requises.
L'action du Médiateur de la République est plus facile lorsque les réclamants sont victimes de l'omission, sur leur permis, d'une catégorie dont ils sont effectivement titulaires.
Ce fut le cas pour M. H... (réclamation n° 96-4000, transmise par M. Arsène LUX, ancien député de la Meuse) : une catégorie avait été supprimée lors de la conversion de son permis militaire. Celle-ci a pu être rétablie après l'intervention du Médiateur de la République.
Le Médiateur de la République est également intervenu pour que les frais induits par de telles erreurs soient remboursés aux intéressés, comme en témoigne la réclamation n° 98-0989, transmise par M. Christian KERT, député des Bouches-du-Rhône.
Lors de l'établissement du permis de conduire de M. B... en 1968, il a été transcrit qu'il était né le 28 Janvier au lieu du 26.
M. B... ne s'était jamais aperçu de cette erreur, jusqu'à un contrôle de routine de la gendarmerie. En effectuant le contrôle, les gendarmes ont constaté des discordances de dates sur les différents documents produits par M. B..., et ont donc mis en doute son identité, ainsi que l'authenticité de son permis.
La situation s'est compliquée lorsque M. B... a présenté sa carte professionnelle pour prouver sa bonne foi. En effet, celle-ci mentionnait qu'il était né le 25...
L'affaire n'a pas eu de suites fâcheuses, mais pour éviter ce type de désagréments, M. B... a fait établir un nouveau permis de conduire.
Le Médiateur de la République est alors intervenu auprès du ministre de l'Intérieur pour demander le remboursement du timbre fiscal que M. B... a dû acquitter, en faisant valoir l'erreur initiale de l'administration.
Les personnes qui se sont fait voler leur permis de conduire, ou qui l'ont égaré, peuvent aisément en obtenir un duplicata, grâce à l'existence du fichier national précité. Cependant, il arrive que ce fichier comporte des mentions erronées, ou même que des personnes ayant réellement obtenu leur permis n'y figurent pas.
Dans de tels cas, en application d'une circulaire conjointe du ministre de l'Intérieur et du ministre chargé des Transports, en date du 19 mai 1980, l'administration vérifie, en utilisant un faisceau d'indices, si l'intéressé est effectivement titulaire du permis en cause.
Normalement, cette procédure ne pose pas de problème particulier, et, en invoquant cette circulaire, le Médiateur de la République permet fréquemment aux personnes qui se trouvent dans cette situation d'obtenir un duplicata. Tel fut le cas de M. B... (réclamation n° 97-4050, transmise par M. Alain DUFAUT, sénateur de Vaucluse).
Mais il peut arriver que le duplicata ne soit obtenu qu'à l'issue de longues démarches, comme le montrent les réclamations n° 97-5498 et n° 98-2005, transmises par M. Loïc BOUVARD, député du Morbihan.
Lors d'un voyage aux États-Unis en mars 1995, M. G... s'est fait voler un sac contenant, notamment, son permis de conduire. De retour en France, il a demandé au préfet de son lieu de résidence qu'un duplicata lui soit délivré.
Or, les recherches effectuées sur le fichier national se sont révélées infructueuses. Le préfet, estimant que les documents produits par M. G... ne constituaient pas un faisceau d'indices suffisant, lui a opposé un refus, et lui a conseillé de se présenter aux épreuves du permis de conduire.
Soutenant qu'il était titulaire de son permis depuis 1947, M. G... a refusé cette solution et a sollicité l'intervention du Médiateur de la République. Celui-ci a saisi le ministre de l'Intérieur, qui a fait procéder à une recherche dans le répertoire manuel du fichier national, démarche que n'avait pas effectuée le préfet en cause.
Cette recherche a permis de constater que M. G... avait effectivement obtenu son permis de conduire en 1947, et le fichier national a été modifié en ce sens. L'intéressé a donc été invité à se présenter à sa préfecture pour retirer son duplicata.
Cependant, le préfet a opposé un nouveau refus à M. G..., au motif que les mentions le concernant sur le fichier national étaient récentes, et résulteraient d'une manipulation...
Une nouvelle intervention du Médiateur auprès du ministre de l'Intérieur a donc été nécessaire, afin qu'il adresse un ordre écrit au préfet.
M. G... s'est vu finalement délivrer un duplicata le 23 juillet 1998, soit plus de trois ans après l'avoir sollicité.

e.La suspension du permis de conduire pour infraction

Certaines infractions au code de la route peuvent donner lieu à une suspension de permis de conduire, qui a pour effet d'en interdire l'usage pendant une période fixée.
Cette suspension est prononcée soit en vertu des articles L. 13 et L. 14 du code de la route, par le juge judiciaire (plus précisément par les cours et tribunaux statuant en matière correctionnelle ou de police), soit en vertu des articles L. 18 et L. 18-1 du même code, par le préfet.
En application de l'article L. 14 du code de la route, ainsi que des articles 131-6 et 131-16 du code pénal, la suspension, lorsqu'elle est prononcée par le juge, soit à titre de peine principale, soit à titre de peine complémentaire, peut faire l'objet d'un aménagement permettant de la limiter à la conduite en dehors de l'activité professionnelle.
Lorsqu'il est saisi d'une demande d'aménagement d'une mesure de suspension décidée par le juge, le Médiateur ne peut que décliner sa compétence, comme ce fut le cas lors de l'examen de la réclamation n° 95-0011, transmise par M. Claude MALHURET, ancien député de l'Allier, ancien ministre, puisqu'en vertu de l'article 11 de la loi du 3 janvier 1973 instituant ses fonctions, le Médiateur de la République ne peut remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle.
Par ailleurs, les mesures de suspension prononcées par le préfet ne peuvent pas non plus faire l'objet d'un aménagement. Le Médiateur de la République n'a donc aucune possibilité d'intervention dans ce domaine (réclamation n° 96-4900 transmise par M. Thierry CORNILLET, ancien député de la Drôme).
Dans un cas comme dans l'autre, le Médiateur ne peut que prodiguer des conseils et fournir des renseignements aux intéressés (réclamation n° 93-2376, transmise par M. Georges MESMIN, ancien député de Paris).
Les autres réclamations présentées au Médiateur de la République en matière de suspension concernent les problèmes d'imputation et de combinaison des mesures prononcées par le préfet et par le juge répressif. Là encore, le rôle du Médiateur consiste essentiellement à apporter des explications sur les dispositions applicables, comme en témoigne la réclamation n° 94-0974, transmise par M. Daniel POULOU, ancien député des Pyrénées-Atlantiques.
Ayant arrêté son camion sur la bande d'arrêt d'urgence d'une autoroute, M. L... a été contrôlé par les gendarmes, qui ont procédé au dépistage de son taux d'alcool. Celui-ci était tel que M. L... a fait l'objet d'une mesure de suspension provisoire immédiate de son permis de conduire, en vertu de l'article L. 18-1 du code de la route, pour une durée de quatre mois, expirant le 22 mars 1993.
Par ailleurs, par jugement du 7 janvier 1993, le tribunal de police territorialement compétent a condamné M. L... à une peine d'emprisonnement avec sursis, et à une peine complémentaire de suspension de permis d'une durée de dix-huit mois. Ce Jugement a été confirmé par la cour d'appel, dont l'arrêt a été notifié à M. L... le 2 août 1993.
L'intéressé, qui n'avait pas retiré son permis à la préfecture à l'expiration de la période de suspension administrative de quatre mois, pensait que la durée de suspension de dix-huit mois prononcée par le juge serait diminuée de la totalité de la période pendant laquelle son permis était resté à la préfecture.
Saisi par M. L.... le Médiateur de la République a dû lui rappeler les dispositions applicables dans un tel cas.
En vertu du 7e alinéa de l'article L. 18 du code de la route, si la durée de la mesure administrative de suspension de permis est effectivement imputée sur celle de la mesure prononcée par le juge Judiciaire, seule cette durée peut être décomptée.
En effet, en application des articles 549 et 506 du code de procédure pénale, l'appel des jugements des tribunaux de police a un caractère suspensif.
Par conséquent, la mesure de suspension judiciaire frappant M. L... n'est devenue effective que le jour où celui-ci a eu notification du jugement d'appel, soit le 2 août 1993, et non le jour du jugement de première instance (7 janvier 1993).
De ce fait, M. L... aurait pu récupérer son permis à l'issue de la période de suspension administrative, soit le 22 mars 1993, le jugement de suspension du tribunal de police n'étant pas exécutoire à cette date, en raison de la procédure d'appel en Cours.
Il aurait donc pu conduire entre le 22 mars et le 2 août 1993, date de notification du jugement d'appel.
En revanche, la période durant laquelle M. L... avait laissé son permis entre les mains de l'administration ne pouvait s'imputer sur la durée de suspension de dix-huit mois prononcée par le juge judiciaire.

f. Le permis à points

> La mise en place du permis à points

La loi n° 89-469 du 10 juillet 1989 a institué le permis à points. Le code de la route a, en conséquence, été modifié, notamment par l'ajout des articles L. 11 à L. 11 -7, pour intégrer ces nouvelles dispositions.
Ainsi, l'article L. 11 précise que le permis exigible pour la conduite des véhicules terrestres à moteur est affecté d'un certain nombre de points, qui est réduit de plein droit si le titulaire du permis a commis l'une des infractions visées à l'article L. 11 - 1.
Cette nouvelle mesure a donné lieu à quelques difficultés de compréhension relatives, notamment, à la nature du retrait de points et aux modalités de sa mise en oeuvre, cette dernière ayant été différée jusqu'au 1er juillet 1992.
La réclamation n° 94-2002, transmise par M. Frantz TAITTINGER, député des Hauts-de-Seine, montre bien ces difficultés.
Le 10 septembre 1992, M. D... a été verbalisé pour non-respect de la vitesse autorisée en agglomération. Dès le lendemain, il payait cette contravention. Le 14 octobre suivant, il était informé, par le service du fichier national des permis de conduire, que cette infraction entraînait la perte d'un point de son permis, et que ce retrait réduisait à dix son nombre total de points.
Cette décision a surpris M. D... à deux titres : d'une part, il pensait qu'il avait été mis fin aux poursuites par le règlement de sa contravention ; d'autre part, le décompte de points fait par les services du ministère de l'Intérieur lui paraissait erroné.
Aucune explication satisfaisante ne lui ayant été apportée sur ces deux questions, M. D... a sollicité l'intervention du Médiateur de la République.
S'agissant du retrait de points, et plus précisément de la nature de cette mesure, le Médiateur a informé M. D... qu'il ne s'agissait pas d'une sanction pénale, mais d'une mesure de police administrative, comme l'a précisé le Conseil d'Etat (arrêt du 3 février 1993, Hauser). En effet, le retrait de points n'est pas prononcé par le Juge judiciaire, comme le pensait M. D.... mais est appliqué automatiquement par l'autorité administrative, selon un barème réglementaire, lorsque la réalité d'une infraction est établie soit par le paiement d'une amende forfaitaire, soit par une condamnation prononcée par le Juge devenue définitive.
En ce qui concerne l'autre interrogation de M. D..., il faut savoir que, si le permis à points est entré en vigueur le 1er juillet 1992, le dispositif, au vu de l'expérience des premiers mois de sa mise en oeuvre, a subi plusieurs aménagements, qui sont entrés en application le 1er décembre 1992.
Ces aménagements concernaient essentiellement le doublement du capital de points et l'établissement d'un nouveau barème de retrait de points.
Ainsi, le nombre de points dont est affecté chaque permis a été porté de six à douze. En outre, il a été décidé que l'ancien barème de retrait de points serait appliqué pour les infractions commises entre le 1er juillet et le 30 novembre 1992, dont la réalité avait été établie avant le 1er décembre 1992, et que le nouveau barème s'appliquerait aux infractions commises avant ou après le 1er décembre 1992, mais dont la réalité a été établie après cette date.
La réalité de l'infraction commise par M. D... ayant été établie avant le 1er décembre 1992, par le paiement de l'amende forfaitaire le 11 septembre 1992, l'ancien barème lui a donc été appliqué, à juste titre, par l'administration, entraînant en l'espèce le retrait d'un point. Le capital de points de M. D... est ainsi passé à cinq et, au 1er décembre 1992, lorsque le nouveau dispositif a été appliqué à tous les conducteurs, ce capital a été doublé, et a donc été porté à dix points. Ainsi, le calcul fait par l'administration était conforme à la réglementation en vigueur.
Plusieurs réclamations présentées au Médiateur de la République à cette époque portaient sur ce même problème. Néanmoins, il ne lui a pas paru utile de proposer une réforme, s'agissant de difficultés temporaires liées à la mise en place d'un nouveau système.
Par ailleurs, l'appréciation par l'administration du fait générateur permettant le retrait de points a donné lieu à de nombreuses réclamations.
En effet, l'article L. 11 - 1 du code de la route dispose que le nombre de points affecté au permis de conduire est réduit, de plein droit, lorsqu'est établie la réalité d'une des infractions énumérées à ce même article. Il est ajouté que la réalité des infractions est établie par le paiement d'une amende forfaitaire, ou par une condamnation devenue définitive. Ainsi, le code de la route n'a prévu que deux faits générateurs d'un retrait de points. Or, l'administration estime que la réalité de l'infraction est également établie par la mise en recouvrement de l'amende forfaitaire majorée. Le Médiateur de la République a donc considéré qu'il y avait lieu d'engager une proposition de réforme (97-R022 du 8 août 1997) recommandant l'abrogation de la possibilité de retirer automatiquement des points du permis de conduire à défaut de paiement ou de requête dans un délai de trente jours après émission de titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée.

> La procédure de retrait des points

Lorsque tous les points ont été retirés, le permis perd sa validité, et, en vertu de l'article L. 11-5, l'intéressé reçoit de l'autorité administrative l'injonction de remettre son permis au préfet de son département de résidence ; il perd ainsi le droit de conduire un véhicule. Il ne peut solliciter un nouveau permis qu'à l'expiration d'un délai de six mois, à compter de la remise de son permis au préfet, et sous réserve qu'il soit reconnu apte après un examen médical et psychotechnique effectué à ses frais.
Par ailleurs, l'article L. 11-6 prévoit que le titulaire du permis en cause peut obtenir la reconstitution partielle de son nombre de points initial s'il se soumet à une formation spécifique, comprenant obligatoirement un programme de sensibilisation aux causes et aux conséquences des accidents de la route. Cependant, cette reconstitution partielle de points n'est réalisable que lorsque le permis est encore valide. Dès que le nombre de points devient nul, cette possibilité n'est plus offerte. Il est donc important que l'automobiliste ait une information complète et rapide relative au nombre de points dont son permis est doté.
Or, un nombre significatif de réclamations présentées au Médiateur de la République porte sur ce problème d'information et sur les conséquences qui peuvent en découler. M. Serge POIGNANT, député de la Loire-Atlantique, a appelé l'attention du Médiateur sur ce sujet (dossier n° 96-1867), en application du 3e alinéa de l'article 6 de la loi du 3 janvier 1973, qui permet aux membres du Parlement de le saisir, de leur propre chef, d'une question de sa compétence qui leur paraît mériter son intervention.
Normalement, le contrevenant est informé à tous les stades de la procédure de retrait de points.
- Tout d'abord, au moment où il commet l'infraction, il doit être informé, en application de l'article L. 11-3 du code de la route, de la perte de points qu'il est susceptible d'encourir. Dans son avis du 22 novembre 1995, le Conseil d'Etat a considéré qu'il s'agissait là d'une formalité substantielle, qui constitue une garantie essentielle donnée à l'auteur de l'infraction, et qui conditionne la régularité de la procédure suivie, et donc la légalité du retrait de points.
S'appuyant sur cet avis, le Médiateur peut plus facilement défendre la cause des personnes victimes d'une mauvaise information, comme le montre la réclamation n° 98-2623, transmise par M. Michel VERGNIER, député de la Creuse.
Lorsque M. C... a saisi le Médiateur de la République, il était sans emploi et venait d'obtenir une promesse d'embauche pour être employé en qualité de chauffeur-ambulancier. Or, à la suite de diverses infractions, M. C.. avait perdu la totalité des points de son permis.
Pour certaines de ces infractions, M. C... n'avait pas eu d'information préalable quant au nombre de points qu'il était susceptible de perdre, et il avait, de ce fait, été privé de la possibilité de suivre un stage lui permettant de reconstituer son capital de points.
Le Médiateur est intervenu auprès du ministre de l'Intérieur, en soulignant les conséquences sur la situation professionnelle de M. C... du défaut d'information préalable dont il avait été victime.
L'administration a admis que l'information prévue à l'article L. 11-3 précité n'avait pas été donnée à M. C... lors du relevé des deux infractions commises en mars et en mai 1997, et a restitué à ce dernier les points retirés du fait de ces infractions. Le permis de M. C... a ainsi retrouvé sa validité.
- Ensuite, postérieurement à l'infraction, lorsque le ministre de l'Intérieur a constaté que la réalité de celle-ci entraînait une perte de points, le nombre de points affecté au permis de l'auteur de l'infraction est réduit en conséquence. Le fichier national informatique du permis de conduire est alors saisi, et l'administré est informé.
En vertu de la jurisprudence du Conseil d'Etat, la perte de points n'est opposable à l'intéressé qu'à compter de cette information (Conseil d'Etat 16 octobre 1998, ministre de l'Intérieur, ministre de l'Aménagement du territoire, de l'Equipement et des Transports c/ Monsieur Jeandoux). Celle-ci est effectuée par la notification de la décision du ministre de l'Intérieur portant à la connaissance de l'automobiliste le nombre de points perdus.
Ainsi, le fichier national du permis de conduire centralise toutes les décisions définitives affectant le nombre de points de chaque permis. Néanmoins, il peut se produire des décalages dans le temps, entre le moment où la décision de retrait de points est devenue définitive et sa saisie dans le fichier informatique. Pendant cette période, l'information est inconnue du fichier, et les autorités compétentes ne sont pas en mesure de renseigner le détenteur du permis en cause.


B. L'utilisation des véhicules


Le Médiateur de la République est également saisi de réclamations mettant en évidence les problèmes liés à la mise en circulation des véhicules, ainsi que ceux auxquels les automobilistes peuvent être confrontés en utilisant leur véhicule.

a. La réception des véhicules à titre isolé

En application de l'article R. 106 du code de la route, tout véhicule automobile doit, avant sa mise en circulation, faire l'objet d'une réception par le service des Mines, destinée à constater que ces véhicules satisfont aux prescriptions techniques imposées aux constructeurs. La réception peut être effectuée soit par type de véhicule, sur demande du constructeur, soit à titre isolé, sur demande du propriétaire.
Cependant, depuis le 1er janvier 1998, la réception à titre isolé est supprimée en ce qui concerne les véhicules conformes à un type communautaire, immatriculés dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un Etat partie à l'accord instituant l'Espace économique européen. Dans ce cas, la formalité de la réception est remplacée par la délivrance d'une attestation d'identification.
Les réclamations présentées au Médiateur de la République en matière de réception de véhicules concernent uniquement les demandes à titre isolé, et sont principalement relatives à des véhicules acquis à l'étranger.
Dans ce genre de dossiers, où des impératifs de sécurité routière président à l'action de l'administration, le Médiateur intervient avec circonspection, comme le montre la réclamation n° 97-1550, transmise par M. Denis JACQUAT, député de la Moselle.
M. G... a acquis en Allemagne un véhicule d'occasion de marque Trabant, fabriqué en 1986 dans l'ex-République démocratique d'Allemagne (RDA).
Il s'est heurté à un refus de réception à titre isolé de la part de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) territorialement compétente.
Le Médiateur de la République est alors intervenu auprès du ministre chargé des Transports, afin de recueillir ses observations.
Il est apparu que les véhicules de la marque en cause ont été fabriqués selon des critères techniques et industriels très différents de ceux imposés aux constructeurs occidentaux et, en tout état de cause, non conformes à la réglementation tant française qu'européenne.
Lors de la réunification allemande, tous les véhicules immatriculés en ex-RDA ont néanmoins été considérés comme européens. Mais les autorités allemandes ont arrêté, dès qu'elles ont pu le faire, la fabrication de ces véhicules et ont engagé des programmes pour inciter à la destruction rapide des engins existants. Ceux-ci posaient en effet des problèmes en ce qui concerne tant la sécurité routière que la protection de l'environnement.
Aucun véhicule de marque Trabant n'a été réceptionné par type en France, et les autorités françaises ont décidé d'être très strictes dans leur refus de procéder à des réceptions à titre isolé de véhicules qui n'étaient pas conformes aux prescriptions du code de la route.
Compte tenu de ces arguments, le Médiateur a estimé ne pas devoir soutenir plus avant le dossier de M. G...
Même si le véhicule qu'ils ont acheté ne présente pas, a priori, de danger pour la sécurité routière, certains automobilistes se trouvent confrontés à des situations inextricables, comme ce fut le cas pour la réclamation n° 96-3896, transmise par M. Arnaud LEPERCQ, député de la Vienne, où seule l'action soutenue du Médiateur de la République a permis de trouver une issue favorable.
M. H... est revenu en France en septembre 1995, après avoir passé une longue période au Québec. Ayant acquis, peu de temps avant son départ du Canada, un véhicule neuf de marque japonaise, il l'a importé en France, et a demandé sa réception à titre isolé à la DRIRE territorialement compétente.
Celle-ci a procédé à l'examen du véhicule, et a constaté que divers éléments n'étaient pas homologués, en particulier les rétroviseurs, l'ensemble des feux avant et arrière, et les ceintures de sécurité.
Pour régulariser la situation de son véhicule, M. H... devait remplacer les dispositifs non conformes par des dispositifs homologués (par exemple pour les rétroviseurs). Pour le reste, il pouvait obtenir des dérogations, à condition de fournir des attestations du représentant du constructeur en France.
En outre, certains renseignements relatifs au véhicule, qui figurent normalement sur la plaque constructeur, étant inconnus, tels que le poids total autorisé en charge et la charge maximale autorisée sur l'essieu avant, il a été demandé à M. H... d'en obtenir communication.
Pour se conformer à la première demande, M. H... s'est rendu chez un garagiste, puis chez un concessionnaire de la marque du véhicule, mais ceux-ci ont refusé de procéder aux modifications, car ils considéraient ne pas pouvoir les effectuer de leur propre chef Ils ont conseillé à M. H... de se rapprocher du constructeur.
M. H... a donc contacté le représentant du constructeur japonais en France. Celui-ci, constatant l'absence de réception par type de ce véhicule en France, a établi, le 20 juin 1996, une attestation de non conformité.
M. H... se trouvait ainsi dans une situation sans issue : d'une part, la DRIRE, constatant qu'aucun changement n'était intervenu, ne pouvait que confirmer son refus de réceptionner ; d'autre part, rien n'imposait aux garagistes de procéder aux modifications du véhicule, d'autant qu'ils risquaient d'engager leur responsabilité en le faisant ; enfin, le constructeur ne pouvait fournir aucun renseignement.
M. H... a donc saisi le Médiateur de la République afin de débloquer cette situation. Celui-ci est intervenu à de multiples reprises auprès de la DRIRE, puis du ministre chargé des Transports.
Le véhicule étant récent, et des modèles identiques circulant dans des États où les règles de sécurité sont très strictes, la DRIRE a accepté, à titre exceptionnel, de réceptionner le véhicule de M. H... en mai 1998.

b. L'immatriculation des véhicules

> Les véhicules neufs

En vertu de l'article R. 110 du code de la route, tout propriétaire d'un véhicule automobile mis en circulation pour la première fois doit adresser au préfet du département de son domicile une déclaration de mise en circulation.
A la suite de cette déclaration, le préfet, après avoir vérifié que le dossier présenté comporte les documents exigés par l'arrêté du 5 novembre 1984 relatif à l'immatriculation des véhicules, délivre un certificat d'immatriculation dit "carte grise", qui indique le numéro d'immatriculation assigné au véhicule.
Très peu de réclamations relatives à la première immatriculation d'un véhicule ont été présentées au Médiateur de la République, et aucune ne relevait d'ailleurs de sa compétence. En effet, elles ne mettaient pas en cause le fonctionnement d'une administration, mais reflétaient les difficultés que peuvent rencontrer certains automobilistes lorsque le garagiste qui leur a vendu leur véhicule fait faillite avant que les formalités d'immatriculation ne soient achevées. Il s'agissait donc de litiges de droit privé. Néanmoins, le Médiateur a pu conseiller les intéressés pour compléter le dossier à présenter à la préfecture.

> Les véhicules d'occasion

La plupart des réclamations en matière d'immatriculation concernent les véhicules achetés d'occasion.
L'article R. 112 du code précise que, en cas de changement de propriétaire d'un véhicule déjà immatriculé, l'ancien propriétaire doit, dans les quinze jours suivant la mutation, adresser au préfet du département de son domicile une déclaration l'informant de cette mutation, et indiquant l'identité et le domicile déclarés par le nouveau propriétaire. L'article R. 113 ajoute que ce dernier doit faire établir, toujours dans un délai de quinze jours à compter de la mutation, un certificat d'immatriculation à son nom, et adresser, à cet effet, un certain nombre de documents au préfet du département de son domicile.
De nombreuses réclamations concernent, en réalité, des litiges de droit privé, qui ne peuvent donc être réglés par le Médiateur de la République. C'est, par exemple, le cas lorsque les intéressés ont été victimes d'escrocs, comme le montre la réclamation n° 96-0123, transmise par M. Jean-Claude LEMOINE, député de la Manche.
M. H... a acheté un véhicule d'occasion à un particulier, en novembre 1995. Dans le cadre de cette transaction, le vendeur lui a remis un certificat de non-gage, apparemment délivré en octobre 1995 par une préfecture de l'ouest de la France.
Le Jour même, M. H... a déposé une demande d'immatriculation du véhicule auprès de la préfecture de son lieu de résidence. Or, quelques jours plus tard, le préfet l'informait que son véhicule faisait l'objet d'une inscription de gage. Certes, celle-ci ne faisait pas obstacle à l'immatriculation, mais elle maintenait les droits du créancier sur le véhicule muté.
M. H... a donc déposé plainte pour escroquerie à l'encontre du vendeur. Néanmoins, il estimait avoir été victime d'un dysfonctionnement des services de la préfecture qui avaient délivré le certificat de non-gage, et a sollicité l'aide du Médiateur de la République.
Or, il est apparu que M. H... avait malheureusement été victime d'un escroc, qui lui avait fourni un certificat de non-gage falsifié n'émanant pas de la préfecture en question.
Il est à noter que, dans sa rédaction initiale, l'arrêté du 5 novembre 1984, relatif à l'immatriculation des véhicules, ne contraignait pas les services préfectoraux à avertir les acquéreurs de véhicules d'occasion de l'existence d'un gage lorsque la cession s'effectuait à l'intérieur d'un même département. Par conséquent, il appartenait à l'acheteur de se renseigner lui-même sur l'éventualité d'un tel gage.
Sensible aux risques de contentieux que pouvait générer cette réglementation, le Médiateur de la République a soumis au ministre de l'Intérieur et au ministre chargé des Transports une proposition de réforme (INT 92.01). Celle-ci a été satisfaite par l'arrêté du 18 mai 1994 modifiant l'arrêté de 1984, dont les dispositions ont généralisé l'exigence du certificat de non-gage et de non-opposition pour toutes les cessions de véhicules.

> Le fichier national des immatriculations

L'arrêté du 20 janvier 1994 du ministre de l'Intérieur a porté création du fichier national des immatriculations, qui est composé d'un fichier central et de fichiers départementaux. Les informations qu'il contient proviennent des renseignements recueillis dans les préfectures, notamment lors de l'établissement des cartes grises, ainsi que du fichier des véhicules volés. Ce fichier empêche informatiquement la nouvelle immatriculation d'un véhicule déclaré volé.
Mais, avant la mise en place du fichier, les services préfectoraux ne bénéficiaient d'aucun moyen de détecter les immatriculations frauduleuses, et des réclamations telles que la suivante (n° 96-2794) étaient alors transmises au Médiateur de la République.
M. G..., qui exploitait un garage, a acheté, en juin 1993, un véhicule d'occasion à M. R...
Lors de la transaction lui ont été remis la carte grise et un état de situation sans aucune mention particulière.
Conformément à l'article R. 112 du code de la route, M. G... a alors adressé une déclaration d'achat à la préfecture de son lieu de résidence, qui lui a retourné ce document après visa, sans observations.
M. G... a revendu ce véhicule en septembre 1993. Or, il s'est avéré qu'il s'agissait d'un véhicule volé, ce que M. G... n'avait eu aucun moyen de savoir. Ce véhicule, qui faisait l'objet d'une enquête de police, a donc été saisi entre les mains de l'acquéreur et restitué à l'assureur de la victime du vol.
M. G... a alors été condamné, par la cour d'appel territorialement compétente, à indemniser son client. Certes, l'arrêt de la cour condamnait M. R... (le vendeur initial) à garantir M. G... de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre, mais M. R... était insolvable.
M. G... a estimé que, s'il n'avait pas pu entrer en possession des documents administratifs du véhicule, ou si ceux-ci n'avaient pas donné une apparence de régularité à sa situation, il ne se serait pas porté acquéreur du véhicule vendu par M. R..., et n'aurait eu à souffrir d'aucun préjudice. Il a, par conséquent, considéré que l'administration était responsable de sa situation, et a demandé au Médiateur de la République d'intervenir en sa faveur.
Malheureusement cette action n'a pu aboutir favorablement, la responsabilité de l'administration n'étant pas en cause.
Il a été démontré que le véhicule en question, qui était initialement immatriculé à Paris, avait été immatriculé, après avoir été volé, avec un numéro de province régulièrement attribué à une moto. Ce numéro avait été mentionné de façon frauduleuse sur une carte grise, avec le numéro de série du véhicule litigieux. Puis celui-ci a été cédé, et une carte grise authentique a été établie dans une autre préfecture de province. Par la suite, le véhicule a fait de nouveau l'objet d'une immatriculation, cette fois dans un département de la région parisienne. C'est sous cette immatriculation que M. G... en a fait l'acquisition.
Or, à cette époque, rien ne permettait à l'administration de vérifier si le numéro de série mentionné sur la carte grise était celui d'un véhicule volé. Par ailleurs, l'administration n'a pas non plus pu vérifier si le numéro d'immatriculation figurant sur la carte grise falsifiée était attribué à un autre véhicule.
Compte tenu des moyens qui étaient à sa disposition avant 1994, l'administration ne pouvait être regardée comme responsable de telles situations. Sa responsabilité ne pouvait alors être engagée que si les documents qui lui étaient fournis présentaient des incohérences ou des signes évidents de falsification.
Désormais, grâce à la mise en place du fichier national des immatriculations, de telles situations ne devraient plus se produire.

c. Les aides à la reprise des véhicules anciens

En 1994 et 1995, des mesures ont été mises en oeuvre afin de renouveler le parc automobile. Elles ont consisté en l'octroi d'une aide financière à toute personne physique achetant un véhicule neuf, et faisant procéder simultanément à la destruction d'un véhicule ancien.
Ces dispositifs se sont d'abord traduits par le décret n° 94-137 du 17 février 1994, instituant une aide à la reprise des véhicules automobiles de plus de dix ans, puis par le décret n° 95-119 du 19 octobre 1995, instituant une aide similaire pour les véhicules de plus de huit ans.
Le Médiateur de la République n'a reçu que quelques réclamations relatives à ce type d'aides. Néanmoins, elles révèlent les difficultés qui peuvent apparaître lors de la mise en oeuvre de nouvelles dispositions réglementaires.
Il en est ainsi de la réclamation n° 96-4228, transmise par M. Gratien FERRARI, ancien député de la Savoie.
M. O... a passé commande, le 17 septembre 1995, d'un véhicule neuf, qui lui a été livré et facturé le 11 octobre 1995, avec reprise d'un véhicule datant de 1963.
Considérant pouvoir bénéficier de l'aide à la reprise des véhicules automobiles de plus de huit ans, instituée par le décret du 19 octobre 1995, M. O... a déposé une demande en ce sens auprès de la préfecture de son lieu de résidence.
Le préfet lui a opposé un refus, au motif que son véhicule avait été commandé avant le 1er octobre 1995, date d'entrée en vigueur de la mesure, et qu'en outre, le véhicule ancien ayant été détruit, il n'était plus possible de récupérer la "plaque constructeur", pièce qui doit impérativement figurer dans le dossier de demande d'aide.
Le Médiateur de la République est alors intervenu auprès du préfet concerné, puis du ministre chargé de l'Industrie, en faisant observer que l'article 2 du décret de 1995 disposait que les véhicules neufs devaient avoir été facturés à partir du 1er octobre 1995 et que, par conséquent, le fait que M. O... avait passé commande avant cette date ne saurait lui être opposé, dès lors que le véhicule avait été livré et facturé le 11 octobre 1995.
Par ailleurs, s'il était évident que M. O... ne pouvait fournir la plaque constructeur du véhicule ancien, puisque celui-ci avait été détruit, il apparaissait que M. O... était surtout victime du retard pris par l'administration dans la publication des textes régissant l'aide. Il semblait donc inéquitable de lui opposer la non-production d'une pièce dont il ignorait, au moment de la destruction du véhicule, qu'elle devrait être fournie ultérieurement. En effet, la reprise de ce véhicule avait eu lieu le jour de la livraison du véhicule neuf, soit le 11 octobre 1995, alors que le décret n'a été publié au journal officiel que le 20 octobre.
Convaincu de la bonne foi de M. O.... le ministre a finalement accepté de donner une suite favorable à sa demande.

d. Les problèmes de stationnement des personnes handicapées

La loi d'orientation en faveur des personnes handicapées a été promulguée le 30 juin 1975.
Son article 52 dispose : "Afin de faciliter les déplacements des handicapés, des dispositions sont prises par voie réglementaire pour adapter les services de transport collectif ou pour aménager progressivement les normes de construction des véhicules de transport collectif, ainsi que les conditions d'accès à ces véhicules, ou encore pour faciliter la création et le fonctionnement de services de transport spécialisés pour les handicapés ou, à défaut, l'utilisation des véhicules individuels."
Ainsi ce texte prévoyait que, pour faciliter le déplacement des personnes handicapées, l'accent devait être mis sur l'adaptation des transports en commun, l'utilisation de véhicules personnels n'étant envisagée qu'à titre subsidiaire.
Plus de vingt ans après l'entrée en vigueur de cette loi, force est de constater que peu de mesures ont été effectivement mises en oeuvre afin de permettre aux personnes handicapées d'utiliser les transports collectifs.
En ce qui concerne les mesures destinées à faciliter l'utilisation des véhicules individuels, le bilan n'est guère plus satisfaisant, même si des efforts ont été accomplis ces dernières années.
Le décret n° 90-1083 du 3 décembre 1990 prévoit les conditions dans lesquelles le macaron "grand invalide civil" (GIC) peut être attribué aux grands infirmes. L'article 3 de ce décret précise que ce macaron permet à son titulaire, ou à l'accompagnateur de la personne handicapée, d'utiliser, dans les parcs de stationnement automobile, des places qui leur sont réservées et qui sont spécialement aménagées. Ce macaron permet également de bénéficier de dispositions qui peuvent être prises en faveur des personnes handicapées par les autorités compétentes en matière de circulation et de stationnement.
En vertu du code général des collectivités territoriales, c'est le maire (ou, à Paris, le préfet de police) qui est compétent pour décider de l'aménagement de tels emplacements. Ceux-ci sont également accessibles aux personnes titulaires du macaron "grand invalide de guerre" (GIG).
Néanmoins, ces dispositions n'ont aucun caractère contraignant à l'égard du maire, puisqu'il est seulement prévu que ce dernier "peut" réserver des emplacements de stationnement aménagés aux titulaires des macarons GIC - GIG.
Dans la pratique, ces emplacements sont souvent en nombre insuffisant, et il peut arriver que des maires se montrent particulièrement réticents à en créer, comme l'illustre la réclamation n° 97-4696, transmise par M. Jean TIBERI, député de Paris, ancien ministre.
M. M... est handicapé à 100 % et ne peut se déplacer qu'en fauteuil roulant. Il est, de ce fait, obligé de se garer près de son lieu de travail et d'arriver à son bureau très tôt, afin de multiplier ses chances de trouver une place, dans la mesure où aucun emplacement de stationnement réservé aux personnes handicapées n'a été créé en surface dans le quartier.
L'intéressé, qui est titulaire du macaron GIC, a effectué de nombreuses démarches pour trouver une solution à ce problème. La préfecture de police de Paris lui a signalé que la création dans ce secteur d'une telle place était possible, mais qu'il convenait de recueillir l'avis du maire d'arrondissement, à qui incombe le financement des travaux d'aménagement.
Malheureusement, cette solution s'est heurtée au refus du maire de l'arrondissement concerné. Celui-ci se fondait sur le fait qu'existe, non loin de là, un parking souterrain utilisable par les personnes handicapées.
Or, cette solution ne pouvait pas convenir à M. M... en raison des différences de niveau qui se produisent au sol à la sortie de l'ascenseur du parking. De plus, son handicap est tel qu'il l'oblige à se garer dans la rue, afin de pouvoir solliciter laide des passants, notamment pour sortir son fauteuil roulant de sa voiture.
M. M... a donc sollicité l'aide du Médiateur de la République pour obtenir la création d'un emplacement réservé aux personnes handicapées à proximité de son lieu de travail.
Le Médiateur a estimé qu'un tel emplacement, même s'il ne conférait aucun droit au profit exclusif de M. M... était de nature à faciliter le stationnement de ce dernier, et il est intervenu en faveur de la mise en place de cette solution. Le maire d'arrondissement en cause, qui avait d'abord opposé un nouveau refus, a finalement accepté, devant l'insistance du Médiateur, la création de l'emplacement en question.
Par ailleurs, indépendamment des emplacements réservés qui peuvent être créés, une attitude tolérante est préconisée aux agents verbalisateurs pour favoriser le stationnement des personnes titulaires d'un macaron GIC ou GIG.
En effet, la circulaire du 3 décembre 1990, portant application du décret n° 90-1083 précité, précise que les agents de constatation des contraventions à la police de la circulation routière peuvent "apprécier, en considération des circonstances de temps et de lieu, et dès lors que la situation créée n'est pas de nature à gêner exagérément la circulation générale, ou à porter atteinte à la sécurité des autres usagers, s'il convient de faire preuve d'indulgence et de bienveillance".
Certes, ces tolérances ne s'analysent pas en termes de droits pour les intéressés. Néanmoins, au travers des réclamations présentées en la matière au Médiateur de la République, il apparaît que cette attitude d'indulgence et de bienveillance n'est pas toujours adoptée, comme le prouve la réclamation n° 98-4164, transmise par Mme Martine AURILLAC, députée de Paris.
M. U... est tétraplégique, invalide à 100 % et titulaire du macaron GIC. Il ne peut effectuer que de très courtes distances en fauteuil roulant, et rencontre d'énormes difficultés pour se garer près de son domicile.
Saisie de son dossier, la préfecture de police étudie actuellement la possibilité de créer un emplacement réservé.
En attendant, M. U... se voit souvent infliger des contraventions pour mauvais stationnement.
Le montant de celles-ci ayant atteint 28 000 F, M. U... a sollicité l'aide du Médiateur de la République.
Ce dernier est immédiatement intervenu auprès de l'officier du ministère public, qui a accepté de classer une partie des amendes sans suite.

e. Les procès-verbaux

Le Médiateur de la République est souvent saisi par des personnes qui contestent les procès-verbaux établis à leur encontre, en particulier pour des contraventions aux règles du stationnement.
L'article 11 de la loi du 3 janvier 1973 instituant ses fonctions interdit au Médiateur de la République d'intervenir dans le cours d'une procédure juridictionnelle ou de remettre en cause le bien-fondé d'une décision de justice.
Or, en matière de procès-verbaux, les procédures applicables aux amendes, les sanctions, et les voies et délais de recours sont prévus par le code de procédure pénale, et sont de nature juridictionnelle. Dans ces conditions, le Médiateur ne peut exercer sa compétence que de manière très limitée.
Par ailleurs, l'examen de ce type de dossiers met en évidence un problème récurrent, celui des conséquences du paiement volontaire de l'amende initiale dès le début de la procédure. En effet, si ce paiement éteint l'action publique, il vaut également reconnaissance de l'infraction, et le contrevenant, de ce fait, n'a plus la possibilité de contester la contravention.
Les réclamations dont le Médiateur est saisi au sujet des procès-verbaux traduisent, bien souvent, quatre situations distinctes.

> Les difficultés financières du contrevenant

Parfois le réclamant ne conteste ni la réalité des infractions qui lui sont reprochées, ni sa propre négligence. Il en est ainsi lorsque, ne respectant pas les règles de stationnement et ne payant pas les amendes, il devient débiteur de sommes très élevées qu'il est, bien souvent, dans l'impossibilité de régler.
Cette catégorie de réclamants saisit le Médiateur de la République lorsqu'elle fait l'objet de mesures d'exécution de la part du Trésor public, telles qu'une saisie-arrêt sur salaire, une saisie mobilière, un avis à tiers détenteur, ou une opposition administrative, qui peuvent parfois avoir des conséquences très pénalisantes pour les intéressés.
Bien souvent, ces personnes n'ont eu aucun contact antérieur avec le trésorier, qui, de surcroît, a dû effectuer des recherches pour pouvoir recouvrer sa créance.
Dès qu'il est saisi de ce type de problème, le Médiateur demande l'arrêt des poursuites, le temps d'instruire le dossier à son niveau.
Puis, systématiquement, il s'attache à rétablir le lien entre l'intéressé et l'administration, en engageant le réclamant à se présenter au bureau du comptable du Trésor afin de trouver une solution. Celle-ci peut être de deux ordres.
- La concrétisation d'un échéancier de règlement : le Médiateur indique au réclamant les informations à fournir au trésorier pour que celui-ci puisse prendre une telle mesure, qui est purement gracieuse ; parallèlement, il intervient auprès du comptable concerné pour appeler son attention sur le dossier.
- L'admission en non-valeur : cette procédure, prévue par le règlement de la comptabilité publique, permet au comptable d'être déchargé de sa responsabilité. Elle est applicable en cas d'insolvabilité du débiteur. Cette procédure est exceptionnelle et purement interne à l'administration. Bien souvent, les débiteurs concernés ne savent pas exprimer la réalité de leur situation sociale. Aussi, le Médiateur doit-il leur faire comprendre quels éléments d'information l'administration attend d'eux pour pouvoir prendre une telle mesure à leur égard, comme le montre la réclamation n° 97-2510, transmise par M. Pierre BERNARD, ancien député de la Seine-Saint-Denis.
Mlle B..., ayant eu de nombreux procès-verbaux, avait fait l'objet d'une opposition administrative effectuée par le percepteur, pour un montant de 16 304 F, sur son compte ouvert à la Caisse d'Epargne. Elle a alors envoyé un courrier au percepteur, indiquant que sa situation financière ne lui permettait pas de régler cette somme, mais qu'elle souhaitait parvenir à un accord avec lui.
Compte tenu de l'ancienneté des amendes et de leur nombre, le percepteur ne pouvait plus accepter un très long délai de règlement. Il a néanmoins proposé que Mlle B... paie en huit échéances.
Celle-ci, ayant à charge un enfant en bas âge et ne percevant pour tout revenu que l'allocation de parent isolé, ne pouvait faire face à un tel engagement.
Aussi a-t-elle sollicité l'intervention du Médiateur de la République.
Celui-ci a pris l'attache du percepteur pour qu'il reçoive Mlle B..., et a appelé son attention sur la situation d'insolvabilité de l'intéressée.
Le percepteur a accepté de procéder au réexamen des mesures à prendre à la lumière des éléments d'information mis en évidence par le Médiateur. Il s'est déclaré prêt, éventuellement, à mettre en oeuvre une admission en non-valeur, et Mlle B... a été invitée à se rendre en ses bureaux.

> Les circonstances de l'infraction

La deuxième catégorie de réclamations concerne des personnes qui ne nient pas non plus la réalité de l'infraction, mais qui considèrent qu'elle a été commise dans des circonstances très particulières, et contestent, en conséquence, l'établissement du procès-verbal qui en a résulté.
Dans ce cas, le Médiateur de la République intervient auprès du ministère public.
Il en est ainsi dans la réclamation n° 96-2970, transmise par M. Edouard LEVEAU, ancien député de la Seine-Maritime.
M. D..., demeurant en province, devait se présenter aux épreuves d'un concours administratif en région parisienne. En raison d'ennuis mécaniques, l'intéressé est arrivé sur les lieux du concours Juste avant l'heure de sa convocation : 9 h 15.
Le parc de stationnement affecté aux automobiles du centre d'examen étant fermé, en raison de l'application du plan de sécurité "Vigipirate", M. D... a dû garer son véhicule en urgence, afin de pouvoir se présenter à temps aux épreuves.
Son véhicule, étant mal stationné, a fait l'objet d'une contravention, à 9 h 17.
Compte tenu de ces circonstances très Particulières, M. D... n'a pas payé l'amende et a demandé qu'une mesure d'indulgence soit prise en sa faveur. Mais, n'ayant pas adressé sa réclamation dans les délais requis, une amende forfaitaire majorée lui a été appliquée.
M. D... a donc sollicité l'aide du Médiateur de la République. Celui-ci est alors intervenu auprès de l'officier du ministère public, qui a accepté de procéder à l'annulation de l'amende forfaitaire majorée.

> La contestation du procès-verbal

La troisième catégorie de réclamations concerne des personnes qui contestent avoir commis l'infraction. Ces personnes ont soit vendu leur véhicule et reçoivent des procès-verbaux après la vente, soit reçu un procès-verbal mentionnant leur numéro de plaque d'immatriculation, alors qu'elles peuvent établir que leur véhicule, contrairement aux mentions du procès-verbal, ne pouvait se trouver au lieu, à la date et à l'heure indiqués.
Dans de telles situations, le Médiateur intervient également auprès du ministère public, dans la mesure où des présomptions suffisamment solides peuvent étayer la thèse du réclamant.
C'est ce qu'illustre la réclamation n° 98-0751, transmise par M. Marc REYMANN, député du Bas-Rhin.
En janvier 1996, M. S... a vendu son véhicule à un particulier, à qui il a remis la carte grise barrée avec la mention "vendu" Cependant, il ne s'est pas assuré de l'identité de l'acquéreur. En outre, ce dernier n'a pas avisé la préfecture compétente de cette acquisition. Par conséquent, la mutation du véhicule n'a pu être prise en compte dans le fichier des cartes grises, et M. S... en est resté officiellement le propriétaire. De ce fait, il a eu à en subir les conséquences pendant de nombreux mois.
En effet, peu de temps après la vente, ce véhicule a été utilisé à des fins délictueuses. Le 2 février 1996, la brigade anticambriolage territorialement compétente a entendu M. S... à ce sujet. Lors de cet interrogatoire, ce dernier a pu apporter la preuve de la cession du véhicule. Les services de police savaient ainsi, dès cette date, que M. S... n'était pas responsable de l'utilisation du véhicule, n'en étant plus propriétaire.
Cependant, cette information ne pouvait, pour autant, être prise en compte dans le fichier des cartes grises, l'acquéreur étant inconnu. C'est donc en vain que M. S... a tenté de faire régulariser la situation de ce véhicule.
Or, l'acquéreur inconnu a commis plusieurs infractions au code de la route jusqu'en février 1997, date à laquelle le véhicule, retrouvé incendié, a été mis à la fourrière, puis détruit. La police n'a pas jugé utile d'informer M. S.... sachant depuis l'enquête de février 1996 qu'il n'en était plus propriétaire.
Cependant, le paiement des infractions précitées a été réclamé à M. S..., qui a sollicité l'aide du Médiateur de la République. Celui-ci est intervenu auprès de l'officier du ministère public près le tribunal de police compétent. Ce dernier, sensible aux circonstances très particulières de cette affaire mises en évidence par le Médiateur, a accepté de procéder à un classement sans suite.

> La méconnaissance des procédures pénales applicables

Enfin, la dernière catégorie de réclamations illustre la méconnaissance qu'ont les réclamants des procédures pénales applicables aux procès-verbaux, bien que les informations essentielles à ce sujet figurent sur les documents qui leur sont adressés.
Il faut reconnaître que l'existence de multiples délais, la présence de plusieurs intervenants, aussi bien au stade du paiement qu'à celui des réclamations, ne permettent pas aux réclamants de connaître précisément la situation dans laquelle ils se trouvent.
Le rôle du Médiateur de la République est alors de rechercher, d'une part, à quel stade de la procédure le réclamant se situe, et, d'autre part, à quel niveau il y a eu, le cas échéant, dysfonctionnement ou manque d'information. Selon les résultats de cette recherche, il intervient soit auprès du ministère public, soit auprès du comptable du Trésor, voire, exceptionnellement, auprès du ministre de l'Intérieur.
La réclamation n° 94-0105, transmise par M. Georges SARRE, député de Paris, ancien ministre, en est un exemple.
A la suite d'une infraction au code de la route commise en province, M. S... s'est vu infliger une amende d'un montant de 900 F.
Ayant égaré la carte sur laquelle le timbre-amende doit être apposé, M. S... a envoyé son paiement par chèque au chef du centre d'encaissement des amendes.
Ce dernier lui a retourné le chèque, en indiquant qu'il n'était pas possible d'exploiter son règlement (En vertu de deux arrêtés, en date respectivement du 20 juillet 1989 et du 6 mai 1994, le paiement par chèque est autorisé pour les infractions commises à Paris, dans les Hauts-de-Seine, en Seine-Saint-Denis et dans le Val-de-Marne. La proposition de réforme 97-R017 du 8 juillet 1997 vise à étendre à tout le territoire la faculté d'acquitter les amendes forfaitaires par chèque), et lui a conseillé de "conserver tout son dossier pour le contentieux ultérieur "...
M. S... a reçu, par la suite, un avis d'amende forfaitaire majorée, d'un montant de 2 500 F. Il a donc formulé une réclamation auprès de l'officier du ministère public, en lui transmettant l'intégralité de son dossier.
Ne sachant pas à qui régler le montant de son amende initiale, et ignorant auprès de quelle autorité demander l'annulation de son amende forfaitaire majorée, M. S... a sollicité l'aide du Médiateur de la République.
Celui-ci est intervenu immédiatement auprès de l'officier du ministère public, seul compétent pour annuler l'amende forfaitaire majorée, et l'amende en cause a fait l'objet d'une décision d'annulation.


C. Annexes


Les procédures pénales applicables à la suite de l'établissement d'un procès-verbal pour infraction aux règles de stationnement

a. L'amende forfaitaire (articles 259 et suivants du code de procédure pénale)

Lorsque le procès-verbal a été établi, l'automobiliste peut soit :
- payer immédiatement l'amende à l'agent verbalisateur, ou, dans un délai de trente jours, auprès du service indiqué sur l'avis de contravention (le paiement éteignant l'action publique, il n'est plus possible, ensuite, de contester le procès-verbal) ;
- formuler une requête auprès du service indiqué dans l'avis de contravention. Cette requête est transmise au ministère public, qui peut prendre l'une des options prévues au point c infra. Le délai pour formuler cette requête est de trente jours suivant la constatation de l'infraction. A défaut de paiement, une amende forfaitaire majorée est appliquée.

b. L'amende forfaitaire majorée (articles 529 et suivants du code de procédure pénale)

L'amende forfaitaire majorée est recouvrée au profit du Trésor public, en vertu d'un titre rendu exécutoire par le ministère public. Ce titre est exécuté comme un jugement de police.
L'automobiliste reçoit un avis l'invitant à payer, et doit alors :
- soit payer auprès du trésorier qui lui a envoyé l'avis ;
- soit former, auprès du ministère public, une réclamation motivée et accompagnée de l'avis, qui a pour effet d'annuler le titre exécutoire. Celui-ci peut prendre une des options prévues au point c infra.
Dans les deux hypothèses, le contrevenant dispose d'un délai maximal de trente jours, à compter de l'envoi de l'avis l'invitant à payer l'amende forfaitaire majorée.
S'il ne paie pas, ou ne réclame pas dans les formes et délais, le trésorier recouvre de manière forcée sa créance (saisie, etc...).

c. Intervention du ministère public (articles 529 et suivants du code de procédure pénale)

S'il est saisi d'une requête ou d'une réclamation, le ministère public peut :
- renoncer à l'exercice des poursuites ;
- constater l'irrecevabilité de la réclamation (l'article 155 de la loi du 4 janvier 1993 prévoit que le ministère public doit aviser l'intéressé de l'irrecevabilité, dès lors que sa réclamation n'est pas motivée ou n'est pas accompagnée de l'avis prévu au point b supra) ;
- recourir à la procédure d'ordonnance pénale (voir point d infra) ;
- saisir le tribunal de police (voir point e infra).

d. Procédure simplifiée d'ordonnance pénale (articles 524 et suivants du code de procédure pénale)

Le ministère public communique au juge du tribunal de police le dossier de poursuites et ses réquisitions. Le juge peut alors :
- soit estimer qu'un débat contradictoire est utile ou que des sanctions autres que l'amende devraient être appliquées, il renvoie alors le dossier au ministère public aux fins de poursuites dans les formes ordinaires (voir point e infra) ;
- soit statuer, sans débat préalable, par une ordonnance pénale prononçant la relaxe ou la condamnation à une amende. Le juge n'est pas tenu de motiver cette ordonnance ; celle-ci est notifiée au prévenu, et exécutée comme en matière de jugement de police. L'automobiliste dispose alors d'un délai de trente jours à compter de l'envoi, soit pour payer, soit pour former opposition à l'exécution de l'ordonnance pénale. Dans ce dernier cas, le comptable doit arrêter le recouvrement dès réception de l'avis d'opposition établi par le greffe. L'affaire est alors portée devant le tribunal de police (voir point e infra). A défaut de paiement ou d'opposition, l'amende et le droit fixe de procédure sont exigibles.

e. Le tribunal de police (articles 531 et suivants du code de procédure pénale

Le tribunal de police rend un jugement dans les formes ordinaires. S'agissant d'infractions aux règles du stationnement, ce jugement n'est pas susceptible d'appel.

Article R. 124 du code de la route

"Les différentes catégories de permis énoncées ci-dessous autorisent la conduite des véhicules suivants :
Catégorie A
Soit toutes les motocyclettes ;
soit seulement les motocyclettes légères ;
soit seulement les tricycles et quadricycles à moteur.
Catégorie B
Véhicules automobiles ayant un poids total autorisé en charge (PTAC) qui n'excède pas 3500 kilogrammes, affectés au transport de personnes et comportant, outre le siège du conducteur, huit places assises au maximum, ou affectés au transport de marchandises, ainsi que les véhicules qui peuvent être assimilés aux véhicules précédents et dont la liste est fixée par arrêtés du ministre chargé des Transports. Aux véhicules de cette catégorie peut être attelée une remorque dès lors qu'elle n'entraîne pas leur classement dans la catégorie E.
Catégorie C
Véhicules automobiles isolés autres que ceux de la catégorie D dont le poids total autorisé en charge (PTAC) excède 3500 kilogrammes.
Aux véhicules de cette catégorie peut être attelée une remorque dont le poids total autorisé en charge (PTAC) n'excède pas 750 kilogrammes.
Catégorie D
Véhicules automobiles affectés au transport de personnes comportant plus de huit places assises outre le siège du conducteur, ou transportant plus de huit personnes, non compris le conducteur.
Aux véhicules de cette catégorie peut être attelée une remorque dont le poids total autorisé en charge (PTAC) n'excède pas 750 kilogrammes.
Catégorie E
- E (B) Véhicules relevant de la catégorie B, attelés d'une remorque dont le poids total autorisé en charge (PTAC) excède 750 kilogrammes, lorsque le poids total autorisé en charge (PTAC) de la remorque est supérieur au poids à vide du véhicule tracteur ou lorsque le total des PTAC (véhicule tracteur plus remorque) est supérieur à 3500 kilogrammes.
- E (C) Ensemble de véhicules couplés dont le véhicule tracteur entre dans la catégorie C, attelé d'une remorque dont le poids total autorisé en charge (PTAC) excède 750 kilogrammes.
- E (D) Ensemble de véhicules couplés dont le véhicule tracteur entre dans la catégorie D, attelé d'une remorque dont le poids total autorisé en charge (PTAC) est supérieur à 750 kilogrammes.
Pour l'application des dispositions relatives aux catégories B et D, une place assise s'entend dune place normalement destinée à un adulte ; les enfants de moins de dix ans ne comptent pour une demi-personne que lorsque leur nombre n'excède pas dix.
Les catégories de permis A, B, C, D et E peuvent être délivrées aux personnes atteintes d'un handicap physique, nécessitant l'aménagement du véhicule, dans des conditions fixées par le ministre chargé des Transports."


2. LE SECTEUR AGENTS PUBLICS / PENSIONS


Il convient tout d'abord de rappeler que l'article 8 de la loi du 3 janvier 1973 indique que les différends entre les administrations et leurs agents ne peuvent faire l'objet de réclamations auprès du Médiateur de la République.
Cette exclusion vise à prévenir toute immixtion du Médiateur dans l'exercice des pouvoirs hiérarchique et disciplinaire de l'administration, les procédures existantes offrant de surcroît les garanties nécessaires aux plaignants (recours gracieux, hiérarchique et contentieux). Seront ainsi écartées les réclamations relatives au statut, à la rémunération ou au déroulement de la carrière des agents (notation, promotion, affectation, etc...).
La règle connaît toutefois deux aménagements.
- Selon le second alinéa de l'article 8 précité, introduit en 1976, le Médiateur peut agir lorsque les agents ne sont plus en fonction. En conséquence, le secteur agents publics/pensions (AGP) intervient essentiellement dans des litiges qui concernent le calcul des pensions ou le versement d'allocations de chômage.
- Par ailleurs, dans la pratique, et dans la logique de cet assouplissement apporté par le législateur, le Médiateur accepte de se saisir des différends relatifs à l'entrée en fonction, c'est-à-dire ceux qui sont liés au recrutement et aux concours.
En 1998, le secteur AGP a traité plus de 540 réclamations.
Environ deux tiers d'entre elles proviennent d'agents publics d'administrations d'Etat. Il s'agit de fonctionnaires des ministères appartenant soit à l'administration centrale, soit aux services extérieurs de l'Etat.
Pour le tiers restant, il s'agit d'agents des collectivités locales, des hôpitaux et des grandes entreprises publiques.
L'évaluation des résultats obtenus par le secteur AGP, à la suite des interventions du Médiateur de la République, montre que les intéressés obtiennent satisfaction dans un tiers des cas, et que leur demande est rejetée dans un autre tiers des cas, faute de fondement.
En ce qui concerne le tiers restant, le Médiateur de la République trouve une solution qui répond partiellement aux souhaits des réclamants, et leur explique pourquoi il n'était pas possible de satisfaire totalement leur demande.
Parmi les réclamations présentées au Médiateur de la République, trois catégories reviennent fréquemment :
1. Des réclamants se plaignent d'être mal informés de leurs droits par leurs services du personnel. Il arrive, par exemple, qu'il soit indiqué à un agent qu'il peut prendre sa retraite à taux plein à une date qui se révèle ensuite erronée, ce qui le prive d'une partie de ses droits à pension.
2. Des réclamants sont confrontés à l'obligation de rembourser un "trop-perçu" de traitement, de pension ou d'indemnité, parfois plusieurs années après les faits. Cela se révèle très difficile à supporter lorsque les situations familiales, professionnelles ou médicales sont délicates.
3. Des réclamants se voient opposer la prescription quadriennale, alors que l'administration a tardé à traiter leur dossier. Il s'agit, par exemple, d'un fonctionnaire qui réussit un concours ; l'administration met plus de quatre ans à établir l'arrêté qui le nomme dans son nouveau grade, et l'intéressé perd alors le bénéfice du rappel de traitement sur les années antérieures aux quatre dernières années.


1.CAS SIGNIFICATIF


Formation d'ouvriers d'Etat

Réclamation n° 96-4686, transmise par M. Jacques LE NAY, député du Morbihan

Alors qu'ils suivaient une formation pour devenir ouvriers d'Etat des arsenaux, six élèves avaient été sélectionnés sur leur mérite pour préparer le concours d'ingénieur de l'armement.
Après trois années de scolarité supérieure, ils ont échoué à ce concours. Le ministère de la Défense a alors refusé de leur reconnaître un statut identique à celui dont ont bénéficié leurs anciens camarades, moins méritants, mais devenus ouvriers d'Etat en suivant la filière initiale normale.
Les parents de ces élèves se sont mobilisés et ont sollicité l'intervention du Médiateur de la République.
Moins de deux mois plus tard, les six élèves concernés ont été recrutés, comme ouvriers d'Etat, dans un établissement de la direction des constructions navales.

Indemnité complémentaire de rémunération

Réclamation n° 97-1123, transmise par M. Jean DIEBOLD, ancien député de la Haute-Garonne

Technicien supérieur d'études et de fabrication, appartenant aux effectifs civils du ministère de la Défense, M. T... est intervenu auprès du Médiateur de la République pour demander l'exécution d'une décision de justice devenue définitive.
En effet, un arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Bordeaux semblait lui ouvrir droit, depuis sa promotion dans son grade, au versement d'une indemnité complémentaire à sa rémunération.
Or, si la direction d'origine de M. T... lui a bien versé cette indemnité jusqu'à son détachement dans un autre service du même ministère, le nouveau gestionnaire a considéré que les modifications apportées à la réglementation en matière d'indemnité ne justifiaient plus le maintien de cet avantage.
Le délai de réexamen des droits de M. T..., prescrit par la juridiction, étant écoulé depuis plus d'un an, le Médiateur de la République a demandé au ministère de la Défense de bien vouloir régulariser cette situation, dans un souci de cohérence et de respect de l'autorité de la chose jugée.
A la suite de l'intervention du Médiateur de la République, des instructions ont été données, trois mois plus tard, par les autorités compétentes, et ont permis de régulariser la situation de M. T...

Employé d'Ambassade - Droits à la retraite

Réclamation n° 97-2128, transmise par M. Bernard LECCIA, ancien député des Bouches-du-Rhône

M. T..., né au Liban, a acquis la nationalité française le 15 septembre 1971. Il était alors employé depuis dix ans par la mission archéologique de France au Liban, activité qu'il a poursuivie jusqu'en décembre 1980, date de la fermeture définitive de la mission à cause de la guerre civile.
Arrivé en France en 1985, M. T... s'est aperçu, à l'occasion de l'examen de ses droits auprès du régime de sécurité sociale, notamment en matière de retraite, qu'il n'avait jamais été déclaré comme salarié.
N'obtenant pas satisfaction malgré de nombreuses démarches, et s'estimant lésé, M. T... a souhaité l'intervention du Médiateur de la République.
Celui-ci a saisi le ministre des Affaires étrangères, qui a établi, le 4 mars 1998, un état authentique des services de M. T..., permettant ainsi la validation de tous les services accomplis par l'intéressé, du 1er avril 1965 au 30 juin 1976, auprès de la mission archéologique française au Liban.

Majoration de pension - Enfant recueilli

Réclamation n° 97-3511, transmise par M. Roger RINCHET, sénateur de la Savoie

Après avoir élevé six enfants, l'un d'eux étant un enfant recueilli, M. R... pensait bénéficier de la majoration de pension accordée aux titulaires ayant élevé au moins trois enfants. Le taux de la majoration de pension est fixé à 10 % de son montant pour les trois premiers enfants, et à 5 % par enfant au-delà du troisième.
Considérant qu'aucun justificatif n'apportait la preuve que M. R... avait bien élevé un enfant recueilli, la caisse de retraite dont il dépendait lui a refusé le bénéfice d'une majoration de pension à hauteur d'un sixième enfant.
A la suite de nombreuses démarches demeurées infructueuses, M. R... a finalement sollicité l'intervention du Médiateur de la République.
Le Médiateur, convaincu du bon droit de M. R... après un examen attentif de son dossier, a saisi le directeur de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL). En réponse, le directeur de la CNRACL lui a fait savoir que des mesures seraient effectivement prises, afin de procéder à la révision de la pension servie à M. R... dans un sens plus favorable pour celui-ci.

Artiste lyrique - Rupture de contrats

Réclamation n° 97-3663, transmise par M. Maurice JANETTI, député du Var

Le 25 avril 1983, M. S... artiste lyrique, avait conclu un contrat avec un directeur d'opéra, qui l'engageait pour deux des spectacles de la saison lyrique 1984-1985.
Le 21 février 1984, invoquant des difficultés budgétaires, le syndicat intercommunal a avisé M. S... de la suppression du premier spectacle, en lui précisant qu'il serait fait appel à lui pour le deuxième spectacle.
Au mois d'août de la même année, M. S... a demandé au directeur nouvellement nommé de l'opéra en question de lui faire connaître ses véritables intentions, tout en lui faisant part du préjudice subi pour avoir dû refuser d'autres contrats pendant les périodes retenues.
N'obtenant pas de réponse, et apprenant par ailleurs que des représentations du deuxième spectacle avaient été données avec un autre artiste, M. S..., en vue d'obtenir réparation, a présenté une requête devant le tribunal administratif de L...
Ce n'est que cinq ans plus tard, le 4 août 1989, que cette juridiction a rendu une décision par laquelle elle se déclarait incompétente pour connaître de ce litige.
Dépité, M. S... a alors saisi le conseil de prud'hommes de L... qui, par jugement rendu le 22 mars 1990, a condamné le syndicat intercommunal précité à payer à M. S... la somme de 230 000 F avec intérêts de droit.
Bien que la cour d'appel de D... ait partiellement réformé cette décision, par arrêt rendu le 27 septembre 1991, elle a néanmoins condamné le syndicat à payer à M. S... une somme globale de 150 000 F.
Sur le pourvoi en cassation qui a suivi, formé par l'opéra à l'encontre de cet arrêt, la Cour de cassation " a renvoyé au Tribunal des conflits sur la question de compétence". Celui-ci, considérant, dans sa séance du 12 mai 1997, que la juridiction administrative était compétente pour connaître du litige, a annulé le jugement du tribunal administratif de L... en date du 4 août 1989, et a renvoyé cause et parties devant ce même tribunal.
C'est ainsi que, au terme de treize années d'une longue et pénible procédure, le syndicat intercommunal a réclamé à M. S... la restitution des sommes versées en exécution du jugement du 22 mars 1990. Profondément déçu par cette décision, M. S... s'est alors adressé au Médiateur de la République pour solliciter son intervention.
Le Médiateur de la République, après avoir saisi le président du syndicat intercommunal, a fait savoir à M. S... que les villes composant ce syndicat avaient accepté de lui laisser le bénéfice des sommes qui lui avaient été allouées par le conseil de prud'hommes de L... le 22 mars 1990, et que, en conséquence, le titre de recettes qui avait été émis serait annulé lors de la prochaine délibération du comité syndical. Évidemment, dans le même temps, le trésorier principal de L..., chargé du recouvrement, était prié d'arrêter la poursuite du recouvrement du titre de recettes.

Concours de l'Ecole nationale de la marine marchande

Réclamation n° 97-4749, transmise par M. Paul QUILES, député du Tarn, ancien ministre

L'attention du Médiateur de la République a été appelée sur la réclamation de M. M.... qu'un litige opposait au ministère de l'Equipement, des Transports et du Logement.
Reçu au concours d'entrée à l'Ecole nationale de la marine marchande, M. M... avait été déclaré "inapte" pour insuffisance de son acuité visuelle. Voulant absolument intégrer l'Ecole, sous réserve de faire corriger sa myopie par un spécialiste, il a fait appel au Médiateur de la République.
A la suite de l'intervention de celui-ci auprès du ministre concerné, un avis favorable a été donné à la requête de M. M... Toutefois, si l'intéressé conserve ainsi le bénéfice de son concours, son intégration définitive dépend d'un nouveau contrôle médical, qui devra être effectué après correction de sa myopie, pour vérifier que son acuité visuelle est suffisante.



2.LE MEDIATEUR DE LA REPUBLIQUE ET LES ANCIENS COMBATTANTS


La loi du 12 décembre 1952 détermine le cadre des interventions de l'Etat en faveur des anciens combattants et victimes de guerre : "La République française, reconnaissante envers les anciens combattants et victimes de la guerre qui ont assuré le salut de la patrie, s'incline devant eux et devant leurs familles. Elle proclame et détermine, conformément aux dispositions du présent code, le droit à réparation due :
1. aux militaires des armées de terre, de mer et de l'air, aux membres des forces françaises de l'intérieur, aux membres de la Résistance, aux déportés et internés politiques, et aux réfractaires affectés d'infirmités résultant de la guerre ;
2. aux veuves, aux orphelins et aux ascendants de ceux qui sont morts pour la France."
Chaque année, les réclamations qui parviennent au Médiateur de la République reflètent les divers éléments de ce droit à réparation. Bien sûr, la nature de ces réclamations tient compte de l'Histoire. Ainsi, les requêtes des anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale sont de moins en moins nombreuses. En revanche, beaucoup de dossiers provenant d'anciens combattants d'Afrique du Nord parviennent encore au Médiateur de la République.
La législation relative au droit à réparation des anciens combattants, très spécifique, se caractérise par son évolution constante. Elle a su s'assouplir en fonction du changement de nature des conflits : reconnaissance des faits de résistance pendant la Deuxième Guerre mondiale, prise en compte de certaines formes de combats pour les combattants d'Afrique du Nord, par exemple.
Les réformes législatives qui sont intervenues, notamment dans les années 1990, témoignent d'une volonté réelle du législateur de s'adapter à la réalité des services rendus à la patrie par les combattants.
Cette évolution législative permet une application personnalisée des textes, dans un esprit de bienveillance, voire d'équité, proche de celui dans lequel agit le Médiateur de la République.
Les réclamations récentes adressées au Médiateur de la République concernent essentiellement la délivrance de la carte du combattant, le titre de reconnaissance de la Nation, les pensions militaires d'invalidité, et les emplois réservés.


A. La carte du combattant


Parmi les réclamations adressées au Médiateur de la République, les plus nombreuses concernent la délivrance de la carte du combattant, et les avantages qui en découlent en matière de retraite.

a. La délivrance de la carte du combattant

La législation existante, dont bénéficient tous les anciens combattants, respecte le principe de l'égalité des droits entre les différentes générations du feu, quel que soit le conflit considéré.
Pour obtenir la carte du combattant, selon la règle générale - art. R. 224 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (PMIVG) -, il faut avoir servi pendant quatre-vingt-dix jours dans une unité qualifiée de "combattante" par le ministre de la Défense, sauf si le combat a été interrompu par un cas de force majeure (blessure, maladie ou capture par l'adversaire). Une procédure individuelle d'attribution de cette carte, prévue à l'article R. 227 du code précité, permet aux intéressés de faire valoir leur mérite personnel et leurs services exceptionnels, en présentant un recours gracieux si leur demande initiale a été écartée.
Des bonifications particulières ont été créées en faveur des combattants d'Afrique du Nord pour certaines formations reconnues combattantes par le ministère de la Défense. Elles sont attribuées aux militaires ayant appartenu à des unités engagées dans des combats particulièrement difficiles, dont témoignent les archives, notamment les "journaux des marches et opérations".
En outre, l'engagement militaire, et certains mérites exceptionnels officiellement reconnus (citation individuelle homologuée, par exemple), autorisent également l'attribution de bonifications de cette nature.
Depuis 1993, les conditions d'attribution ont encore été modifiées dans le sens d'une plus grande souplesse. La loi no 93-7 du 4 janvier 1993, relative aux conditions d'attribution de la carte du combattant, a ainsi pour principal objet d'adapter la législation à des situations que la France peut éventuellement rencontrer. Ainsi, les militaires des forces armées françaises et les personnes civiles possédant la nationalité française à la date de présentation de leur demande qui, en vertu des décisions des autorités françaises, ont participé, au sein d'unités françaises ou alliées ou bien de forces internationales soit à des conflits armés, soit à des opérations ou à des missions menées conformément aux obligations et aux engagements internationaux de la France, ont désormais la possibilité d'obtenir la carte du combattant.
Les dispositions de ce texte ont été précisées par le décret no 93-1079 du 14 septembre 1993, qui prévoit que les listes des unités combattantes des armées de terre, de mer et de l'air, de la gendarmerie, des services communs et des personnes civiles assimilées, sont établies par arrêté du ministre de la Défense.
L'arrêté du 12 janvier 1994 fixe la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant au titre de l'article L. 253 ter du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.
L'arrêté du 15 juillet 1994 fixe les bonifications à prendre en considération pour l'attribution de la carte du combattant au titre de l'article L. 253.
En outre, le décret du 14 septembre 1993 ouvre droit à la carte du combattant aux militaires de la campagne de France de mai-juin 1940, qui ont servi dans des unités ayant réussi à contenir ou à repousser l'offensive ennemie, même s'ils ne réunissent pas quatre-vingt-dix jours de présence en unité combattante. Il s'agit, par exemple, de l'Armée des Alpes, des unités des secteurs de Dunkerque, des Flandres, de la ligne Maginot ou bien des Vosges.
Les lieux et dates de ces opérations, et la désignation des nombreuses unités qui y ont participé, sont déterminés par arrêtés du ministre de la Défense au 1er juillet 1995, deux arrêtés intéressant les opérations menées sur le front des Alpes, et 12 arrêtés concernant les opérations menées sur la ligne Maginot, ont été publiés au bulletin officiel des armées.

b. La délivrance de la carte du combattant au titre des opérations en Afrique du Nord

Les associations d'anciens combattants d'Afrique du Nord demandaient, depuis plusieurs années, que les conditions d'attribution de la carte du combattant soient encore assouplies, afin qu'elles puissent mieux prendre en compte leur situation spécifique.
C'est pourquoi les nouvelles conditions d'attribution tiennent compte du temps de service accompli en Afrique du Nord, afin de conserver à la carte du combattant sa valeur et sa signification profonde. Ces mesures contribuent également à rétablir une plus grande égalité de traitement entre les différentes générations du feu.
L'arrêté du 30 mars 1994 a précisé ce nouveau principe. Il consiste à attribuer à tous les anciens combattants qui ont participé aux opérations d'Afrique du Nord une majoration de points (Les anciens d'Afrique du Nord peuvent obtenir la carte du combattant s'ils totalisent 30 points. Ces points sont, notamment, attribués en fonction de la participation de l'intéressé à des actions de combat) en fonction du temps de service accompli.
Par ailleurs, une mesure d'assouplissement des conditions d'attribution de la carte du combattant en faveur des militaires ayant servi en Afrique du Nord a été décidée par arrêté du 14 mai 1997. Cet aménagement consiste à attribuer aux personnels militaires et civils ayant stationné en Afrique du Nord, entre les dates prévues par le décret du 11 février 1975, un quota de 12 points pour la possession du titre de reconnaissance de la Nation au titre de l'Afrique du Nord, et de 6 points pour celle de la médaille commémorative des opérations de maintien de l'ordre en Afrique du Nord.
De plus, l'article 108 de la loi de finances pour 1998 prend en compte la nature différente des conflits et, notamment, des méthodes de combat. Il a semblé nécessaire d'assimiler à la participation personnelle à une action de feu ou de combat, une présence de dix-huit mois en Algérie. Cette assimilation se justifie par l'exposition prolongée à un risque permanent, dû à l'insécurité provoquée par la guérilla, et faisant se succéder combats et attentats dans des endroits et à des moments imprévisibles. Tous les militaires présents en Algérie ont bénéficié de l'effet de cette mesure.
Ce raisonnement a été jugé plus difficile à suivre pour les conflits qui se sont déroulés en Tunisie et au Maroc. Dans ces conditions, pour l'attribution de la carte du combattant, les militaires ayant servi dans ces deux pays demeurent tributaires des dispositions antérieurement en vigueur.
Toutefois, la circulaire n° 741 du 25 janvier 1998, prévue pour l'application de l'article 108 précité, a précisé que les anciens combattants d'Afrique du Nord qui ne remplissent pas la condition de dix-huit mois de présence en Algérie, mais qui peuvent se prévaloir d'une continuité de dix-huit mois entre le Maroc ou la Tunisie, et l'Algérie, s'ils y ont été transférés en unité constituée, verraient leur dossier soumis à l'examen de la Commission nationale de la carte du combattant.
Parmi les nombreuses réclamations soumises au Médiateur de la République concernant la carte du combattant, les exemples suivants sont significatifs.

Réclamation n° 97-0883.

M. A.... ressortissant algérien, ancien combattant de la guerre d'Algérie, n'a reçu aucune réponse concernant le renouvellement de sa carte du combattant.
Inquiet de ce silence, M. A... s'est alors adressé au Médiateur de la République.
Après examen du dossier, le Médiateur a saisi le secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants.
Bien que l'envoi de la carte du combattant aux ressortissants algériens soit subordonné à la production d'une pièce d'identité, l'Office national des anciens combattants (ONAC), service compétent depuis mars 1994, a considéré que l'intervention du Médiateur valait demande renouvelée, et a donné les instructions nécessaires pour qu'une nouvelle carte du combattant soit adressée à M. A...

Réclamation n° 96-3721, transmise par M. Hubert FALCO, sénateur du Var.

M. M... retraité de la Police nationale, détenteur du titre de reconnaissance de la Nation, se plaignait du rejet opposé à sa demande de carte du combattant, au motif que l'examen de sa situation ne permettait de lui attribuer que 26 points au lieu des 30 points exigés par le code des pensions civiles et militaires de retraite.
M. M.. contestait cette situation, car il estimait qu'il devait se voir accorder les 30 points exigés en raison des services exceptionnels qu'il avait rendus en Algérie de 1954 à 1962. A l'appui de sa requête, il faisait valoir de nombreux témoignages attestant de ses services.
Sensible à la situation de l'intéressé, le Médiateur de la République est intervenu en sa faveur auprès du ministre délégué aux Anciens Combattants et Victimes de guerre.
En réponse, le ministre a fait savoir au Médiateur de la République que, compte tenu de la production par l'intéressé d'une nouvelle attestation qui ne figurait pas au dossier initial, sa demande avait été réexaminée favorablement par la Commission nationale de la carte du combattant.

Réclamation n° 93-5096, transmise par M. Jacques PELISSARD, député du jura.

M. M.. se plaignait des difficultés qu'il rencontrait pour obtenir la carte du combattant au titre du second conflit mondial.
Le réclamant demandait une dérogation à la règle des quatre-vingt-dix Jours de présence en unité combattante, en raison de deux évasions pour lesquelles il produisait des attestations.
Le Médiateur de la République est intervenu auprès du ministère des Anciens Combattants et Victimes de guerre en demandant un réexamen bienveillant, selon la procédure individuelle prévue à l'article R. 227 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Cette procédure permet l'examen des demandes d'anciens militaires, qui, ne répondant pas aux conditions générales, peuvent se prévaloir de circonstances particulières.
M. M.. a ainsi obtenu la carte du combattant.

c. Les cas particuliers

1. Les Français ayant servi dans une armée alliée peuvent obtenir la carte du combattant, sous réserve de justifier leur participation à des opérations de guerre dans des conditions semblables à celles qui sont exigées des militaires ayant servi dans les armées françaises.
Le Médiateur de la République est intervenu à plusieurs reprises en faveur de dossiers relatifs à cette situation, tel celui faisant l'objet de la réclamation no 95-3245, transmise par M. Bernard COULON, ancien député de l'Allier.
M. T..., né le 27 avril 1912, se plaignait des difficultés qu'il rencontrait pour obtenir la carte du combattant au titre de la guerre de 1939-1945.
Il faisait tout particulièrement valoir, à l'appui de sa requête, que des documents démontraient qu'il avait combattu dans l'armée polonaise, et qu'il avait été blessé après avoir pris de nombreux risques durant cette période. Il affirmait avoir participé à la Résistance, en Pologne, en détruisant certains ouvrages, et en livrant des armes aux résistants polonais.
Après avoir procédé à un examen attentif de ce dossier, le Médiateur de la République est intervenu auprès du ministre délégué aux Anciens Combattants et Victimes de guerre, et lui a transmis les éléments du dossier plaidant en faveur de la requête de M. T... Ainsi, la Commission nationale de la carte du combattant a reconnu à M. T... la qualité de combattant.

2. Les titulaires de la carte du combattant volontaire de la Résistance (CVR) ont droit d'office à la carte du combattant. Le Médiateur de la République intervient encore très souvent pour obtenir l'application effective de cette règle, comme l'illustre le cas suivant.

Réclamation n° 97-2536, transmise par M. Jean-Louis MASSON, ancien député de la Moselle.

M. P..., ancien combattant de la Résistance, se plaignait de ne pas avoir reçu de réponse à sa demande de carte du combattant au titre de la Résistance.
Après examen du dossier, le Médiateur de la République est intervenu en sa faveur auprès du secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants.
La demande de l'intéressé a reçu un avis favorable des commissions nationales compétentes, et la carte réclamée par M. P... lui a été délivrée dans des délais très brefs.

3. Les anciens prisonniers de guerre peuvent obtenir la carte du combattant après quatre-vingt-dix jours de captivité dans un camp en territoire ennemi. Ces situations sont examinées individuellement dans le cadre de la procédure prévue à l'article R. 227 précité.

d. La retraite du combattant

La retraite du combattant est versée aux titulaires de la carte du combattant.
La nature de cette retraite et ses conditions d'attribution sont particulières. Il ne s'agit pas d'une retraite professionnelle, mais d'une récompense militaire, non imposable et non assujettie à la contribution sociale généralisée (CSG). Elle témoigne de la reconnaissance nationale. Elle est versée à titre strictement personnel, et n'est donc pas réversible en cas de décès. Ses conditions d'attribution et son paiement sont indépendants de la retraite professionnelle, et, notamment, de l'âge d'ouverture des droits à cette retraite.
En l'état actuel des textes, elle est versée à partir de l'âge de 65 ans. Une anticipation est possible à partir de 60 ans, à la condition d'être titulaire d'une pension servie au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, d'un taux au moins égal à 50 %, et de bénéficier, en outre, d'une prestation à caractère social.
La situation des ressortissants algériens ayant combattu dans l'armée française pose parfois problème. En effet, la Paierie générale auprès de l'ambassade de France à Alger a dû suspendre des retraites d'anciens combattants payées par l'Etat français à des ressortissants algériens, dans l'attente de justificatifs.

La réclamation n° 96-1536 en est un exemple significatif.

A 97 ans, M. B... ne comprenait pas l'interruption brutale de sa pension.
S'estimant victime d'une erreur ou d'un oubli, M. B... a souhaité l'aide directe du Médiateur de la République. A la demande de celui-ci, les services comptables du Trésor public, après vérification, ont régularisé les cinq années d'arriérés de retraite dus à M. B..., et mandaté leur homologue algérien le plus proche du domicile de M. B.... pour aider celui-ci à accomplir les formalités nécessaires en vue des règlements ultérieurs.


B. Le titre de reconnaissance de la Nation


L'article 77 de la loi n° 67-1114 du 21 décembre 1967 a créé le titre de reconnaissance de la Nation pour les militaires de tous grades et de toutes armes ayant pris part aux opérations d'Afrique du Nord.
Ce titre honorifique permet à ses détenteurs de bénéficier de l'assistance morale et matérielle de l'ONAC. Concrètement, il s'agit d'aide aux démarches, voire d'aide sociale (notamment sous forme de prêts).
L'article 1er de la loi n° 93-7 du 4 janvier 1993, relative aux conditions d'attribution de la carte du combattant, a étendu le bénéfice du titre de reconnaissance de la Nation aux personnes civiles de nationalité française relevant des opérations en Afrique du Nord, et aux personnes militaires et civiles ayant participé à d'autres conflits (Deuxième Guerre mondiale, guerre d'Indochine).
Le décret n° 93-1117 du 16 septembre 1993 a précisé les conditions d'application de ce texte.
L'arrêté interministériel du 8 septembre 1994 fixe la liste des formations auxquelles doivent avoir appartenu les policiers ayant servi en Afrique du Nord, entre 1952 et 1962, pour pouvoir prétendre au titre de reconnaissance de la Nation.
Le Médiateur de la République est intervenu à maintes reprises pour que des requérants obtiennent ce titre, notamment lorsque leur est refusée l'attribution de la carte du combattant.
Les deux exemples suivants en sont l'illustration.

Réclamation n° 96-0411, transmise par M. Michel HANNOUN, ancien député de l'Isère.

M. C..., ancien combattant, se plaignait du rejet opposé à sa demande de carte du combattant.
En dépit d'une nouvelle étude de son dossier, à la demande du Médiateur de la République, par le ministre des Anciens Combattants et Victimes de guerre, la qualité de combattant n'a pu lui être reconnue.
En effet, bien que l'intéressé ait servi en France au "dépôt d'artillerie coloniale", il ne justifiait d'aucun jour de présence en unité combattante, alors que le minimum requis par l'article R. 224 C du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre est de quatre-vingt-dix jours.
Par ailleurs, l'intéressé n'était pas titulaire d'une citation individuelle homologuée et ne pouvait se prévaloir de la qualité de prisonnier de guerre. Il ne remplissait donc pas les conditions pour voir sa demande réexaminée.
En revanche, l'intervention du Médiateur de la République a permis au réclamant d'obtenir le titre de reconnaissance de la Nation, en application du décret du 16 septembre 1993.

Réclamation n° 97-0450.

Pour obtenir la carte du combattant au titre de la Deuxième Guerre mondiale, M. D..., ressortissant algérien et ancien combattant de l'armée française, se heurtait à des difficultés.
Il a donc sollicité l'intervention du Médiateur de la République pour un réexamen bienveillant de sa situation auprès du secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants.
Il est apparu que l'intéressé n'avait pas effectué un seul jour de présence en unité combattante.
Par ailleurs, M. D... n'étant pas titulaire d'une citation individuelle homologuée, et ne pouvant se prévaloir de la qualité de prisonnier de guerre, il ne remplissait aucune des conditions nécessaires pour voir sa requête examinée au titre des articles R. 224 bis et R. 227 du code des pensions militaires d'invalidité. Dès lors, une carte du combattant n'a pu lui être délivrée.
Cependant, le réclamant a pu présenter une demande de titre de reconnaissance de la Nation, titre pour lequel il remplissait les conditions.



C. Les pensions militaires d'invalidité


Les pensions militaires d'invalidité, dans la conception du législateur, constituent le paiement d'une dette de reconnaissance de la Nation envers ceux qui ont lutté pour la défense de la patrie ou ont été victimes de cette lutte.
En vertu de l'article 2 de la loi du 2 septembre 1941, relative aux droits à pension des invalides, ouvrent droit à pension :
- les infirmités résultant de blessures de guerre ou bien d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ;
- les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ;
- l'aggravation d'infirmités par le fait ou à l'occasion du service.
Cette réglementation complexe du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre a institué le principe d'une réparation, qui prévoit des modalités de calcul de l'indemnisation principalement fondées sur le taux d'invalidité et le grade. Cette réparation présente un caractère forfaitaire.
Au-delà de cette rigueur juridique, et compte tenu des cas dont il est saisi en matière de pensions militaires d'invalidité, trois questions se sont posées très concrètement au Médiateur de la République au cours de ces dernières années :
- la notion d'imputabilité au service ;
- les expertises médicales ;
- l'allocation provisoire d'attente.

a. L'imputabilité au service

> Principes et conditions générales

L'imputabilité est la reconnaissance de la responsabilité de l'autorité militaire, lorsque l'accident ou la maladie est en relation directe avec l'exécution du service.
Parce qu'il est important que soient déterminées précisément les causes de l'accident ou de la maladie, l'autorité militaire établit, à cet effet, un rapport détaillé des faits, dit "rapport circonstancié", et fait figurer l'événement sur un registre, dit "registre des constatations" Sur ce dernier document figurent également des renseignements d'ordre médical: diagnostic du médecin, billets de consultation hospitalière, séjour à l'infirmerie ou à l'hôpital. Une copie de ces pièces est remise au militaire accidenté ou malade.
Cette relation des faits par l'armée, qui confère un caractère officiel à l'événement, permet, si l'intéressé a égaré les justificatifs, de retrouver trace des circonstances justifiant la reconnaissance de l'imputabilité au service, ou éliminant tout lien avec celui-ci.
L'absence ou l'imprécision de ces constatations est à l'origine de nombreux problèmes, notamment lorsque les réclamants souffrent, plus tard, de séquelles difficiles à imputer au service.
Il apparaît donc primordial que la constatation initiale soit faite et conservée en mémoire.
Il convient, par ailleurs, de souligner l'importance de la relation qu'il y a lieu d'établir entre l'affection et les circonstances de son apparition, puis, ultérieurement, la preuve du suivi médical dont elle a fait l'objet. L'administration, tout comme les instances judiciaires, détient le droit de s'y référer.
En matière d'imputabilité au service, les deux notions fondamentales qui la déterminent doivent être appréciées de façon judicieuse. Il s'agit de la preuve et de la présomption d'imputabilité.
Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, le militaire doit prouver que ses infirmités résultent soit de blessures de guerre, soit d'accidents survenus par le fait ou à l'occasion du service, ou encore de maladies contractées dans les mêmes conditions.
De même, l'aggravation, prouvée par le fait ou à l'occasion du service, de maladies extérieures ou concomitantes, ouvre droit à pension. Ce n'est que si la preuve ne peut être apportée, et que la preuve contraire ne puisse pas l'être non plus, que joue éventuellement la présomption.

> La preuve d'imputabilité

La preuve doit être recherchée en priorité. Si la charge de la preuve incombe au demandeur, l'administration doit cependant procéder à des enquêtes pour aider le requérant dans ses démarches de recherche de documents.
Ainsi, un dossier peut être rejeté soit parce que l'intéressé n'apporte pas la preuve qui lui incombe, soit parce que la preuve contraire est apportée par un fait détachable du service ou un avis médical.
L'infirmité doit, en effet, avoir été contractée pendant l'accomplissement du service, c'est-à-dire aux temps et lieux de service. Par exemple, le militaire en permission ou en quartier libre, hormis les cas d'accident de trajet, est exclu de cette jurisprudence.
La marge d'intervention du Médiateur de la République est souvent limitée par le manque de preuves fournies par le réclamant, comme le montre le cas suivant.

Réclamation n° 97-5735, transmise par Mme Paulette GUINCHARD-KUNSTLER, députée du Doubs.

Pendant son service militaire, M. P... a été victime d'un accident de la circulation qui lui a laissé des séquelles importantes.
Il lui a cependant été impossible d'obtenir une pension militaire d'invalidité.
En effet, malgré l'intervention du Médiateur de la République, les services du secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants ont considéré que l'accident était survenu en dehors du service, pendant un quartier libre. Le Médiateur de la République, après un réexamen attentif du dossier, n'a pas pu contester la décision du ministère.
La preuve est souvent double : il faut établir non seulement qu'il y a eu fait de service, mais encore que le fait de service est à l'origine de l'affection en cause. Si la demande de pension est éloignée dans le temps par rapport au service, il faut démontrer non seulement que l'affection initiale est imputable au service, mais aussi qu'il y a une conséquence médicale directe entre l'affection initiale et celle qui est invoquée.
Quand le service a seulement déclenché, favorisé, précipité ou manifesté l'évolution d'une maladie antérieure, les infirmités conséquentes n'ouvrent pas droit à pension.

La réclamation n° 94-0143, transmise par M. Jean-Michel FERRAND, député de Vaucluse, illustre ce problème.

M. D... a présenté, au cours de son service militaire, des complications neurologiques, à la suite des premières vaccinations subies après son incorporation. Malgré ces manifestations, il a subi, un mois plus tard, les deuxièmes injections de vaccins, qui ont aggravé les signes cliniques.
Hospitalisé à plusieurs reprises, puis libéré pour réforme, M. D... se plaignait de ne pouvoir obtenir la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'affection invalidante, au motif qu'il n'apportait pas la preuve irréfutable établissant un lien de cause à effet direct, certain et déterminant, entre l'affection et le service.
L'affection dont souffrait l'intéressé était survenue moins de quatre-vingt-dix jours après son incorporation. Dès lors, on lui opposait que, selon la réglementation, sa maladie ne relevait pas de la présomption d'imputabilité, mais du régime de la preuve (article. L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre).
Le ministre de la Défense faisait valoir, en outre, les difficultés de diagnostic pour privilégier l'hypothèse d'une maladie héréditaire.
Suite à une recommandation du Médiateur de la République fondée sur l'équité, et appuyée par le rapport d'un médecin général, inspecteur technique dans les Armées, concluant au rattachement de la maladie aux vaccinations, le ministre des Anciens Combattants et Victimes de guerre a indiqué qu'il ne serait pas opposé à la reconnaissance d'un droit à pension, sous réserve de l'accord du ministre du Budget.
A titre tout à fait exceptionnel et bienveillant, le ministre du Budget a accepté de faire droit à la demande de pension de l'intéressé, compte tenu de la très forte vraisemblance du lien de cause à effet entre l'affection de M. D... et les vaccinations subies lors de son incorporation.
Il faut également noter que, pour certaines affections, la preuve peut être apportée par la nature de la maladie elle-même. C'est le cas, par exemple, de la tuberculose, imputable aux fatigues et obligations du service.
L'exemple suivant montre que, même après une enquête approfondie, certaines requêtes ne peuvent pas aboutir.

Réclamation n° 97-4137, transmise par M. Philippe NAUCHE, député de la Corrèze.

M. B... avait demandé une pension pour des troubles dus à une "psychonévrose de guerre" Le secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants refusait la reconnaissance d'une imputabilité au service de cet état dépressif névrotique, par défaut de preuve et de présomption.
Le Médiateur de la République est intervenu auprès du ministre de la Défense et du secrétaire d'Etat aux Anciens Combattants, afin de faire procéder à de nouvelles enquêtes, destinées à établir la présence effective de M. B... lors d'embuscades ainsi que le constat des troubles invoqués pendant les services accomplis en Afrique du Nord de 1957 à 1959.
Les ministres ont fait savoir au Médiateur de la République que la présence de l'intéressé lors d'événements traumatisants n'avait pu être établie. Ainsi, la preuve d'une infirmité imputable au service n'étant pas faite, M. B... n'a eu droit à aucune indemnisation.
Dans le cas suivant, l'homologation d'une blessure de guerre aux lieu et place d'une blessure en service s'est heurtée à un refus de l'administration, mais a été reconnue par le Conseil d'Etat. Cependant, l'arrêt du Conseil d'Etat n'a pas été appliqué avant l'intervention du Médiateur de la République.

Réclamation n° 97-5568, transmise par M. Jean ARTHUIS, sénateur de la Mayenne, ancien ministre.

M. B..., blessé en Algérie, a obtenu du Conseil d'Etat l'homologation d'une blessure considérée "blessure en service" en "blessure de guerre" Or, le service des pensions des Armées n'a pas pris en compte la décision du Conseil d'Etat dans le calcul de la pension d'invalidité de l'intéressé. Ce service considérait que l'homologation ne s'appliquait qu'au domaine de "l'avancement" et à celui des "distinctions honorifiques", et non aux "droits à pension".
A la suite d'une étude attentive, le Médiateur de la République a considéré qu'il s'agissait d'une interprétation restrictive de la décision du Conseil d'Etat.
Le Médiateur a donc appelé l'attention du ministre de la Défense, qui a soumis le dossier au service des pensions des Armées. Ce service a alors notifié une nouvelle fiche descriptive des infirmités, comportant la mention "blessure de guerre".
En aucun cas, la preuve ne peut se fonder sur des hypothèses, des vraisemblances ou des probabilités. Néanmoins, en l'absence de preuve, un faisceau de présomptions peut être assimilé à une preuve. Des présomptions graves et concordantes peuvent également justifier le rattachement d'une infirmité par relation médicale.

> La présomption d'imputabilité

Dans les situations pour lesquelles ne peuvent être apportées ni la preuve d'imputabilité ni la preuve contraire, un constat effectué dans la limite de certains délais permet parfois la reconnaissance de l'imputabilité.
Depuis la loi n° 55-356 du 3 avril 1955, le champ d'application de la présomption d'imputabilité s'étend aux appelés et aux militaires dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre.
On relève, cependant, que les lois régissant le bénéfice de la présomption n'ont pas de portée rétroactive. Ce qui signifie que le régime applicable aux postulants est celui en vigueur à la date des faits générateurs, et non à la date de la demande de pension.
En outre, l'exigence d'une filiation médicale est une nécessité. Cette filiation, qui doit établir l'identité entre l'affection actuelle et celle qui est constatée en service, repose, le plus souvent, sur une continuité de soins.
Pour être pris en considération, les certificats apportant la preuve de la continuité de soins, s'ils sont établis postérieurement, en général à l'occasion de la demande de pension, doivent être corroborés par des pièces contemporaines des soins.
Dans tous les cas, l'administration saisie par le Médiateur de la République entreprend des recherches pour essayer de régler au mieux ces situations.

Réclamation n° 97-5119, transmise par M. Gérard LARCHER, sénateur des Yvelines.

M. X... a contracté un "lupus érythémateux systémique", décelé et traité à l'hôpital d'instruction des Armées de Versailles. Une demande de pension formulée par l'intéressé a été rejetée, le taux d'incapacité retenu (10 %) étant inférieur au taux indemnisable (30 %).
Or, l'affection dont souffre l'intéressé constitue un handicap très sérieux, nécessitant des soins constants et une hygiène de vie contraignante, et rendant difficile la possibilité de trouver un emploi compatible avec sa maladie. En outre, les frais de traitement, en particulier la nécessité d'une protection permanente contre le soleil, ne sont pas remboursables.
A la suite de l'intervention du Médiateur de la République, le taux d'incapacité du réclamant a été fixé à 30 %. Un constat provisoire de ses droits à pension a pu ainsi être établi par le secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants, et être approuvé par la commission consultative médicale.

b. Les expertises médicales

Au vu des dossiers transmis au Médiateur de la République, l'expertise médicale présente deux difficultés, qui ne sont pas propres aux ministères des Anciens Combattants et de la Défense, mais qui méritent d'être signalées : les réclamants mettent en cause, d'une part, la compétence des experts et, d'autre part, leur neutralité.

> La compétence des experts médicaux

Les patients se plaignent souvent d'avoir été mal examinés. Selon eux, l'expert ne posséderait pas toujours les compétences requises. Ils considèrent, par exemple, qu'un médecin généraliste est inapte à expertiser une affection d'ordre psychiatrique. Le patient estime souvent que l'examen pratiqué est trop superficiel, trop rapide. Il a l'impression que son dossier n'a pas été suffisamment étudié et que l'on préjuge de son état de santé. L'intervention du Médiateur de la République, qui peut entraîner une nouvelle expertise médicale, permet parfois de rassurer l'intéressé.

La réclamation n° 98-2678, transmise par Mme Nicole CATALA, députée de Paris, ancienne ministre, en témoigne.

M. M..., atteint d'une "colopathie postamibienne", contractée en Algérie, a sollicité une pension d'invalidité auprès du secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants.
Cette demande de pension pour séquelles a été doublement rejetée : d'une part, parce qu'aucune preuve d'une infirmité imputable au service n'avait été apportée ; d'autre part, par forclusion.
Contestant cette décision de rejet, M. M... a sollicité l'intervention du Médiateur de la République.
Celui-ci a pu confirmer, après enquêtes et nouvelles expertises médicales, que le rejet de l'imputabilité au service par le secrétaire d'Etat aux Anciens Combattants était intervenu dans le respect des règlements et des conclusions médicales.

> La neutralité des experts médicaux

Les réclamants mettent souvent en cause la neutralité des experts médicaux. Ils estiment parfois que l'expert défend l'administration et non l'administré. Il en résulte un sentiment de scepticisme, voire d'injustice, aboutissant à une mise en cause de l'administration.
Une conséquence de la mise en cause de la neutralité des experts médicaux est la multiplication de recours contentieux.
La complexité de la législation rend souvent très difficile, pour les réclamants, la compréhension du fonctionnement de l'administration en général, et des procédures d'expertise en particulier.
Il arrive que les médecins experts eux-mêmes ne puissent pas se prononcer sur le lien avec le service de la pathologie ou de ses éventuelles séquelles. Ils n'expliquent pas non plus toujours les raisons d'un rejet ou du taux d'invalidité proposé.
D'après les réclamations qui parviennent au Médiateur de la République, les médecins minimiseraient les affections des patients pour éviter d'indemniser les incapacités aux taux que ceux-ci souhaiteraient.

>Les perspectives d'amélioration

Les experts médicaux sont actuellement désignés par l'administration. De nouvelles orientations mériteraient d'être étudiées.
- Le choix des experts pourrait se faire sur une liste dont la composition serait établie par une autorité neutre à déterminer : Conseil de l'Ordre, tribunal d'instance, etc... (ce choix serait valable pour tous les organismes relevant de l'Etat).
- Le choix des experts devrait porter sur des critères tels que les fonctions exercées, les spécialisations, etc...
- Les experts choisis ne devraient pas avoir, ou avoir eu, un lien d'appartenance à l'administration qui concerne l'intéressé.
- Tout expert retenu devrait être explicitement informé des exigences des missions qui lui seront confiées, et, notamment, de l'aspect humain, trop souvent négligé durant l'expertise.

c. L'allocation provisoire d'attente

>L'attribution de l'allocation provisoire d'attente

Au terme des articles L. 7 et L. 8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, les pensions sont concédées à titre temporaire ou à titre définitif. A la pension principale, fondée sur le taux d'invalidité, peuvent s'ajouter, éventuellement, des accessoires de pension, tels que les allocations aux grands invalides de guerre, les allocations aux grands mutilés, ainsi que la majoration pour tierce personne.
L'allocation provisoire d'attente représente l'indemnité versée à l'ancien combattant, à sa demande, à la suite d'une décision de justice favorable, pour lui permettre de faire face à la situation nouvelle créée par son handicap, en attendant l'établissement définitif de son dossier de pension. Elle est attribuée sans restriction, même si l'administration envisage de faire appel pour la contester. Le bénéficiaire signe, dès lors, une reconnaissance d'avoir à rembourser le trop-perçu dans l'éventualité d'une décision judiciaire confirmant le rejet opposé par l'administration. A contrario, aucun problème ne se pose si la cour d'appel, voire la Cour de cassation, confirme le jugement initial.

>Les difficultés rencontrées

Des problèmes surviennent lorsque les juridictions d'appel infirment le jugement du tribunal de première instance. L'administration reste, alors, en droit de réclamer le remboursement des sommes indûment perçues. On note, en observant les dossiers transmis au Médiateur de la République, qu'en général cette somme demandée affecte des personnes qui disposent de revenus modestes, et pour lesquelles le recouvrement de ce trop-perçu constitue une charge difficilement supportable.
Certes, les bénéficiaires de l'allocation provisoire d'attente peuvent effectuer une requête tendant à la remise gracieuse et à l'effacement de leur dette. Cependant, compte tenu du fait que les remises gracieuses ne sont attribuées aux intéressés qu'avec parcimonie, il conviendrait que ces derniers soient mieux informés du remboursement éventuel qu'ils devraient effectuer à l'administration en cas de jugement ultérieur défavorable.

La réclamation n° 95-2642, transmise par M. Jean-Pierre PONT, ancien député du Pas-de-Calais, illustre ces difficultés.

M. P... souhaitait être dispensé du reversement au Trésor d'un trop-perçu sur pension. Le Médiateur a saisi de ce dossier le ministre chargé du Budget. En réponse, celui-ci a fait savoir que cette somme, qui s'élevait à 149 554 F, représentait le montant des arrérages trop payés à la suite de la mise en paiement, sur décision de justice, de sa pension militaire d'invalidité, à un taux inférieur à celui des allocations provisoires d'attente.
Ainsi qu'il est de règle en la matière, lors de sa demande d'exécution de l'arrêt de la cour régionale de R... , M. P... s'était engagé, par courrier, à rembourser les sommes qui apparaîtraient comme indûment perçues dans le cas où la décision de justice lui serait défavorable.
En conséquence, le trésorier-payeur général concerné, agissant dans la limite de ses compétences, n'a pas souhaité réserver une suite favorable à la requête et a rejeté la demande de remise de dette de M. P...
En conclusion, le ministre a précisé toutefois que le trésorier-payeur général était disposé à examiner avec bienveillance un calendrier de recouvrement compatible avec la situation financière de M. P...


D. Les emplois réservés


Les lois des 31 mars 1923, 26 avril et 18 juillet 1924 (textes intégrés dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre) ont mis en place un système d'emplois réservés, destiné à faciliter l'accès aux emplois publics des mutilés, veuves de guerre et anciens militaires.
La loi du 23 novembre 1957 et la loi d'orientation du 30 juin 1975 ont étendu le bénéfice de ces emplois aux personnes civiles, reconnues travailleurs handicapés par les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP).
Les insuffisances de ces différents textes ont été corrigées par la loi n° 87-517 du 10 juillet 1987, complétée par les lois n° 87-565 du 22 juillet 1987 et n° 87-1131 du 31 décembre 1987, qui élargit le champ d'application de la législation sur les emplois réservés.
La réforme de 1990 (trois décrets du 8 novembre 1990) a eu comme objectif une réduction des délais d'attente entre la date d'admission aux emplois réservés et le recrutement effectif dans ces emplois.
Cependant, le dispositif de reclassement professionnel des victimes de guerre, des anciens militaires et des travailleurs handicapés, montre encore aujourd'hui des imperfections dans sa mise en oeuvre, notamment dans la phase d'accès à l'emploi. La procédure est dérogatoire au mode normal de recrutement de la fonction publique, en ce qui concerne tant l'accès que les conditions d'aptitude physique et professionnelle.
Le Médiateur de la République est régulièrement saisi des difficultés que rencontrent les personnes confrontées à cette procédure.

a. Les voies d'accès

Selon le code du travail, est considérée comme travailleur handicapé la personne qui se trouve dans l'impossibilité de conserver ou d'obtenir un emploi, par suite d'une insuffisance ou d'une diminution de ses capacités physiques ou mentales.
La loi du 10 juillet 1987 impose à l'ensemble des employeurs du secteur privé et du secteur public une obligation d'emploi au bénéfice des travailleurs handicapés, dans la limite de 6 % de l'effectif total des salariés ou agents publics.
S'agissant des organismes publics, trois voies sont ouvertes aux candidats à un emploi réservé pour satisfaire à cette obligation : la voie du concours, selon les modalités de droit commun, avec la possibilité d'aménagement des épreuves ; le recrutement contractuel, qui, depuis 1995, concerne toutes les catégories d'agents publics ; la vole des examens professionnels d'accès aux emplois réservés.
L'attention du Médiateur de la République est parfois appelée sur cette dernière modalité d'accès, en raison des délais de nomination d'un handicapé inscrit sur la liste générale de classement aux emplois réservés.
Lorsqu'une vacance de poste est constatée au sein d'un organisme public, le bureau des emplois réservés du ministère chargé des Anciens Combattants transmet le dossier du candidat à l'administration concernée, et en informe simultanément l'intéressé, qui dispose d'un délai d'un mois pour faire part de son refus ou de son acceptation. A compter de la réception de l'acceptation du candidat, l'administration d'accueil procède à la nomination de l'intéressé dans un délai de deux mois. Dans les faits, ce délai est rarement respecté.
Il s'avère parfois que les dossiers des candidats désignés ne sont pas transmis à temps pour qu'ils puissent être nommés. Deux réclamations adressées simultanément au Médiateur de la République illustrent ce problème.

Réclamations n° 97-2400 et n° 97-2451, transmises par M. Jean-Baptiste MOTRONI, ancien sénateur de la Haute-Corse.

MM. C... et L... étaient lauréats d'un examen organisé par le secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants, dans le cadre de la législation sur les emplois réservés. Ils souhaitaient être nommés agents de recouvrement du Trésor en Haute-Corse.
Le secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants avait effectivement désigné les intéressés, mais leurs dossiers n'avaient pas été communiqués dans les délais demandés par la direction de la comptabilité publique pour qu'ils puissent être nommés.
Le Médiateur de la République est alors intervenu auprès du secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants, et auprès du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, qui ont accepté de nommer les intéressés en tant qu'agents de recouvrement stagiaires, au titre des emplois réservés, au 1er mars 1998.

b. Les conditions d'aptitude physique et professionnelle

Les candidats doivent remplir des conditions d'aptitude physique et professionnelle.

> L'aptitude physique

L'article 27 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, relative aux dispositions statutaires de la fonction publique de l'Etat, fixe une condition générale préalable au recrutement : la personne handicapée candidate doit avoir été reconnue travailleur handicapé par la COTOREP, et son handicap doit avoir été jugé compatible, par cette commission, avec le ou les emplois postulés.
L'administration concernée se soumet à l'avis de la COTOREP, sous réserve des conditions d'aptitude physique particulière exigées pour l'exercice de la fonction. A défaut d'avis de la COTOREP sur les dossiers des candidats handicapés, l'administration les rejette systématiquement.
L'appréciation de l'aptitude physique dépend du degré d'invalidité constaté. Elle permet d'octroyer à l'intéressé un poste qui soit compatible avec ses problèmes physiques. C'est la raison pour laquelle le délai d'attente est souvent beaucoup plus long que celui qui est stipulé dans les textes.
Dans la plupart des cas transmis au Médiateur de la République, l'administration essaie de tenir compte au mieux des desiderata du candidat, comme en témoigne l'exemple suivant.

Réclamation n° 97-4143, transmise par M. Patrick MALAVIEILLE, député du Gard.

M. Q... avait demandé un emploi réservé en raison de son degré d'invalidité, et n'avait pas obtenu satisfaction.
Plus précisément, M. Q..., reçu au grade de préposé à La Poste, se plaignait de ne pas avoir obtenu sa nomination dans les départements du Gard ou de la Lozère, c'est-à-dire dans un bureau proche de son domicile, compte tenu de son invalidité.
Après avoir procédé à un examen attentif du dossier, le Médiateur de la République a saisi le secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants, et le président de La Poste.
La direction de La Poste du Gard a fait savoir au Médiateur que, dès qu'un poste compatible avec les difficultés physiques de M. Q... se libérerait-il lui serait proposé.
Quant à la nomination de l'intéressé dans le département de la Lozère, il a été indiqué au réclamant qu'il était nécessaire qu'il prît contact avec le service compétent, pour constituer un dossier de candidature et étudier les diverses possibilités d'emploi au regard des besoins de La Poste et des problèmes médicaux de M. Q...

> L'aptitude professionnelle

Aucun diplôme n'est, en principe, exigé des candidats qui doivent passer des examens. Les emplois sont répartis en différentes catégories, correspondant au niveau Bac, BEPC, CEP, ou connaissances élémentaires.
Lorsqu'une vacance de poste lui est signalée, le bureau des emplois réservés du ministère chargé des Anciens Combattants transmet à l'administration concernée le dossier du candidat classé en tête de la liste correspondant à l'emploi, au département et à la catégorie de ressortissant.
Cependant, on constate un certain dysfonctionnement dans cette nomenclature. De nombreux candidats handicapés sont en effet inscrits en vain sur la liste des emplois réservés.

c. Les difficultés pratiques d'accès à un emploi

Ces difficultés tiennent au fait qu'il n'y a pas d'adéquation concrète entre la répartition géographique des offres et celle des demandes d'emplois.
Il ressort de l'examen attentif des réclamations soumises au Médiateur de la République que le dispositif législatif ne permet pas, de fait, de répondre à la totalité des demandes.
On constate que la moitié des offres d'emplois réservés se trouve à Paris et en région parisienne.
Ainsi, de nombreux candidats qui demandent un emploi dans leur région d'origine sont obligés d'abandonner leur choix, et d'étendre leur candidature à tous les départements pour espérer obtenir un emploi. Cela crée évidemment des difficultés supplémentaires, notamment d'ordre financier ou familial.

La réclamation n° 97-2724, transmise par M. Charles GINESY, sénateur des Alpes-Maritimes, en est l'illustration.

Mlle M... reçue au concours d'agent administratif en mai 1989 au titre des emplois réservés, s'est plainte de n'avoir eu aucune proposition de poste, malgré ses nombreuses démarches.
Le Médiateur de la République, après examen attentif de son dossier, a saisi le secrétaire d'Etat aux Anciens Combattants.
En réponse, le secrétaire d'Etat a fait savoir au Médiateur que l'intervenante avait limité sa candidature au département de la Haute-Corse. Or, aucun poste de cette nature dans ce département n'avait été proposé depuis son classement.
Le bureau des emplois réservés l'a informée de la nécessité d'étendre sa candidature à tous les départements, ce qu'elle a fait. En conséquence, elle a été désignée au poste d'agent administratif au ministère de la justice, à Paris.
L'intéressée a d'abord accepté cette proposition, en avril 1997, puis l'a refusée en août 1997. Elle a donc été reclassée sur la liste du département de la Haute-Corse, dans l'attente d'une nouvelle proposition de poste.

d. Le problème des délais de recevabilité

Il ressort, de la plupart des réclamations soumises au Médiateur de la République, que les réclamants n'ont pas obtenu un emploi réservé, soit parce que leur dossier était parvenu à l'administration concernée après la date de clôture des candidatures, ce qui rendait caduque leur nomination, soit parce que l'un des éléments exigés manquait dans leur dossier pour qu'il puisse être procédé à leur nomination.

Cette seconde situation est illustrée par la réclamation n° 97-2341, transmise par M. Jean-Louis MASSON, ancien député de la Moselle.

M. S..., ayant reçu de l'administration une proposition d'emploi réservé au poste d'agent de recouvrement du Trésor, a quitté son emploi précédent. Son embauche a ensuite été refusée, au motif que son dossier n'était pas complet à la date de clôture des candidatures.
Contestant le refus opposé à sa demande, M. S... a sollicité l'intervention du Médiateur de la République.
Après avoir procédé à l'examen attentif du dossier, le Médiateur de la République a saisi le secrétaire d'Etat aux Anciens Combattants.
Celui-ci a fait savoir au Médiateur que le dossier de M. S... avait été déclaré irrecevable par le ministère du Budget, malgré de nombreuses interventions. Néanmoins, des vacances de postes déclarées par le ministère de l'Education nationale ont permis de proposer à l'intéressé un poste d'adjoint administratif à l'académie de Nancy-Metz, poste qu'il a d'ailleurs accepté. M. S... a pris ses fonctions le 1er septembre 1997.
Par ailleurs, il apparaît que les services en charge de délivrer les éléments du dossier ne traitent pas toujours les demandes dans le délai qui leur est imparti. Dans de tels cas, le Médiateur de la République intervient auprès du secrétaire d'Etat aux Anciens Combattants pour essayer de remédier à cette situation, qui porte préjudice aux candidats.

C'est ce que montre la réclamation n° 97-2540, transmise par M. Louis-Ferdinand de ROCCASERRA, sénateur de la Corse-du-Sud.

M. S... n'a pas obtenu de poste d'agent de recouvrement du Trésor, au titre des emplois réservés, au motif que l'extrait de son casier judiciaire était, du fait de l'administration, parvenu tardivement, ce qui rendait sa nomination caduque.
Sollicité, le Médiateur de la République est intervenu en faveur de M. S... auprès du secrétaire d'Etat aux Anciens Combattants.
Celui-ci a fait savoir au Médiateur de la République que le bureau des emplois réservés n'avait pu instruire ce dossier, car il n'avait pas reçu à temps l'extrait du casier Judiciaire nécessaire à la présentation de la candidature du réclamant. Après l'intervention du Médiateur de la République, soucieux de remédier à cette situation, le bureau des emplois réservés a proposé à l'intéressé un poste d'adjoint administratif.
L'ensemble des réclamations examinées par le Médiateur de la République montre les difficultés auxquelles fait face le secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants pour que les handicapés bénéficient effectivement d'un emploi réservé.
Au problème quantitatif, lié à l'insuffisance de l'offre par rapport à la demande d'emplois réservés, s'ajoute une inadéquation géographique et qualitative. Ainsi, le manque de formation de certains candidats handicapés pour les postes qui leur sont proposés constitue souvent un obstacle à leur recrutement. Des actions de formation devraient donc être mises en place.
De plus, le Médiateur de la République a observé, dans les réclamations qui lui sont soumises, que le secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants était souvent dans l'incapacité d'octroyer un emploi réservé à un travailleur handicapé, alors même qu'un poste était vacant, en raison de l'incompatibilité de son handicap physique avec le poste proposé. C'est pourquoi les délais d'attente sont beaucoup plus longs que ceux qui sont prévus par les textes.
Aux délais d'attente s'ajoutent les délais de recevabilité et de nomination. En dépit des efforts du bureau des emplois réservés pour donner satisfaction au travailleur handicapé, le Médiateur de la République a constaté que, parfois, le dossier de candidature parvenait à l'administration concernée après la date de clôture.
Quant aux délais de nomination, l'administration manque parfois à son obligation de diligence pour désigner un handicapé au poste vacant, même si le secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants fait de nombreux efforts pour compenser les imperfections du dispositif.
Il est apparu nécessaire au Médiateur de la République de mieux prendre en compte les aptitudes professionnelles et physiques des réclamants. Il serait également nécessaire d'adapter des postes de travail à la nature des handicaps. Il conviendrait aussi d'améliorer la qualité des formations en les personnalisant. Pour se faire, il serait souhaitable d'encourager la mobilité géographique des candidats pour faciliter leur recrutement.
Pour ces diverses raisons, le Médiateur de la République, en liaison avec le secrétaire d'Etat aux Anciens Combattants, a récemment proposé une réforme (98-R009) allant dans le sens d'une plus grande efficacité du dispositif. Cette proposition de réforme a notamment pour objet :
- la révision régulière de la nomenclature des emplois réservés, afin de supprimer les emplois pour lesquels on ne recrute plus ;
- l'augmentation du nombre des centres de formation, en les répartissant judicieusement sur le territoire ;
- la mise en place d'une obligation d'adaptation des postes de travail à la nature du handicap, à la charge de l'administration ;
- l'extension de la législation des emplois réservés à la fonction publique territoriale et hospitalière, par la mise en place de "correspondants handicapés" dans les collectivités locales.
Le Médiateur de la République se réjouit du développement actuel de cette réflexion, conduite en partenariat avec les administrations concernées.
En 1998, le budget du secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants a permis de servir une pension militaire d'invalidité à 560 000 personnes : invalides de guerre, veuves, orphelins, et ascendants. Il a permis également de verser la retraite du combattant à 900 000 personnes.
Le montant global de ces crédits s'est élevé à 21 milliards de francs.
Ces chiffres témoignent de l'attention que les gouvernements successifs portent à ceux qui ont combattu pour la France.
Cependant, les réclamations présentées au Médiateur de la République dans ce domaine demeurent nombreuses.
Les interventions du Médiateur de la République donnent lieu, de la part du secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants, à un réexamen approfondi des dossiers, au fond et sur la forme, dans des délais rapides.
Lorsqu'elles ne sont pas positives, les réponses adressées au Médiateur de la République sont argumentées et permettent d'informer le réclamant des raisons pour lesquelles, même en équité, il ne peut lui être donné satisfaction.
La réglementation relative aux anciens combattants et victimes de guerre a évolué dans le sens d'une plus grande souplesse, facilitant ainsi la compréhension entre les services du Médiateur de la République et ceux du ministère chargé des Anciens Combattants.


3.LE SECTEUR FISCAL


Le secteur fiscal-finance de la Médiature a en charge l'instruction des dossiers de réclamations individuelles portant sur :
- les litiges relatifs à toute question fiscale ;
- les contestations concernant le règlement des marchés publics passés avec l'Etat, les collectivités publiques, ou tout organisme investi d'une mission de service public ;
- les différends ayant trait à l'assiette et au recouvrement de la redevance de l'audiovisuel ;
- les demandes d'indemnisation des Français d'outre-mer.
Les dossiers fiscaux représentent 80 % environ de l'ensemble de ces réclamations individuelles. Ils concernent tous les impôts d'Etat et des collectivités locales, quelle que soit la phase de l'action de l'administration (assiette, contrôle, recouvrement) ou le stade de la procédure d'imposition (réclamation devant l'administration, recours gracieux ou recours contentieux).
Plus de 40 % des réclamations individuelles reçues en matière fiscale et de marchés publics émanent d'entreprises, individuelles ou en société, et d'associations. Cette proportion a tendance à s'accroître.
Le nombre global de réclamations individuelles traitées par le secteur fiscal-finance est en progression constante, sur longue période, même si, en 1998, il est resté stable par rapport à 1997, année où il avait toutefois fortement augmenté (plus de 50 % par rapport à 1996).
Il convient aussi de noter la grande diversité des litiges, à la fois dans leur nature et dans leurs enjeux pécuniaire, économique et social, ainsi que le nombre croissant de réclamations où sont mises en cause la qualification juridique des faits et l'interprétation des textes, domaines qui appartiennent également à la compétence du juge.


1.CAS SIGNIFICATIF


Privilège spécial du Trésor

Réclamation n° 97-0416, transmise par M. Jean-Pierre CAVE, ancien député du Tarn-et-Garonne

M. P... a acheté un immeuble en 1991, qu'il a ensuite donné en location. Or, l'ancien propriétaire restait redevable des taxes foncières des années 1988 à 1991 afférentes à cet immeuble.
Le comptable public, mettant en oeuvre le privilège spécial du Trésor prévu par l'article 1920-2 du code général des impôts, a alors poursuivi le recouvrement de la totalité des sommes dues par voie d'avis à tiers détenteur, en saisissant les loyers versés à M. P...
Ce dernier estimait particulièrement injuste d'avoir ainsi à régler des impositions qui ne le concernaient pas.
Le Médiateur de la République, saisi de ce litige, n'a pu contester le bien-fondé juridique du privilège du Trésor, mais a constaté que l'administration avait fait une application erronée de ce principe.
L'exercice de ce privilège est, en effet, limité au recouvrement des taxes foncières dues au titre de l'année courante et de l'année échue, soit, au cas particulier, 1990 et 1991.
Le trésorier-payeur général a donc accepté de réexaminer le dossier de M. P... et a fait procéder au remboursement des impositions prélevées à tort pour les années 1988 et 1989, ainsi que de l'intégralité des majorations et des frais de poursuites appliqués aux quatre années et déjà recouvrées, et, enfin, au versement d'intérêts moratoires, soit au total 18 824 F.

Médiation fiscale

Réclamation n° 97-2817, transmise par M. Serge MATHIEU, sénateur du Rhône

M. G..., agriculteur, contestait le bien-fondé d'un redressement ayant remis en cause le régime d'imposition forfaitaire sous lequel il était initialement placé, pour avoir dépassé la limite du chiffre d'affaires autorisé au cours des années vérifiées.
M. G..., qui avait introduit un recours auprès du tribunal administratif compétent, s'était vu débouter par un jugement rendu plus de dix ans après.
Convaincu de son bon droit, le requérant avait fait appel de ce jugement devant la cour administrative d'appel, et avait parallèlement sollicité l'intervention du Médiateur de la République pour tenter de parvenir à un règlement de son litige par des voies amiables.
A la suite de cette intervention, l'examen des circonstances propres à cette affaire a mis en évidence que M. G... avait fait l'objet d'un traitement fiscal relativement sévère, aggravé par les lenteurs de la justice administrative, qui avait conduit à mettre à sa charge un montant d'intérêts moratoires équivalent au principal de l'impôt réclamé.
Cela a donné lieu à une intervention de l'administration fiscale pour tenter d'obtenir un réexamen de l'affaire dans le sens d'une plus grande équité, malgré le jugement rendu par le tribunal administratif, mais sous réserve d'un désistement de la part de M. G... de son action devant la cour administrative d'appel.
Cette condition ayant été admise par le réclamant, l'administration fiscale a accepté de renouer le dialogue et a élaboré une proposition de transaction entérinée par M. G...
Dans cette affaire, il convient de signaler l'attitude tout à fait constructive des services fiscaux, qui se sont inspirés des directives données aux administrations par les Premiers ministres successifs, afin de substituer, lorsque cela s'avère possible, une logique transactionnelle à une logique conflictuelle.

Déduction fiscale - Force majeure

Réclamation n° 97-4039, transmise par M. Bernard BIRSINGER, député de la Seine-Saint-Denis

M. B... a acheté, pour le louer, un logement dans une résidence de tourisme classée. Cet achat lui ouvrait droit à la déduction de la totalité de la TVA réglée lors de l'acquisition, à condition que le bien soit loué pendant neuf ans. Il a ainsi déduit un montant de 77 216 F.
Or, la société gestionnaire de la résidence ayant été mise en liquidation judiciaire avant le délai de neuf ans, la location s'est arrêtée. Le service des impôts a alors remis en cause la totalité de la déduction de TVA qui avait été accordée à M. B...
L'intéressé, considérant que l'interruption du contrat de bail était liée à la liquidation judiciaire de la société gestionnaire, a souhaité l'intervention du Médiateur de la République. Celui-ci, constatant qu'il s'agissait bien d'un cas de force majeure, a demandé à l'administration fiscale de limiter le reversement au prorata du temps de non-location.
En réponse, l'administration fiscale a indiqué au Médiateur qu'elle se rangeait à son argument. Elle a donc accepté de ne pas remettre en cause toute la TVA déduite, mais de procéder à une régularisation par dixièmes. Un dégrèvement a pu ainsi être prononcé en faveur de M. B...

Aides fiscales - Entreprises nouvelles

Réclamation n° 97-4400, transmise par M. Laurent FABIUS, député de la Seine-Maritime, président de l'Assemblée nationale, ancien Premier ministre

La SARL T... société mère d'un groupe d'entreprises, souhaitait obtenir le bénéfice des exonérations fiscales prévues en faveur des entreprises nouvelles. Or, le service des impôts refusait d'accorder les aides fiscales en question à la société T... en raison de la composition et de l'organisation de la gestion du holding.
L'administration fiscale avait, en effet, considéré, lors de la vérification de comptabilité de la société T..., que son associé gérant était également le gérant d'une filiale dont il détenait la majorité du capital.
Les services fiscaux fondaient leur argumentation sur le fait que le législateur avait souhaité placer hors du champ d'application du dispositif d'aide aux entreprises nouvelles les entreprises constituées sous forme de société, dont le capital est détenu, directement ou indirectement, pour plus de 50 % par d'autres sociétés.
L'entreprise T... contestait, en vain, le bien-fondé de la position de l'administration, soutenant qu'elle possédait en réalité, directement ou indirectement, moins de la moitié du capital de sa filiale.
Saisi de ce dossier, le Médiateur a recalculé les taux de participations croisées dans le groupe, et a pu établir que la SARL T... n'était détenue par les autres sociétés qu'à hauteur de 50 % de son capital.
La preuve étant ainsi faite que la société T... était éligible au régime d'aides fiscales aux entreprises nouvelles, l'administration a abandonné les redressements envisagés. Redevance audiovisuelle (Etudiant)

Réclamation n° 97-5184, transmise par M. Rémy HERMENT, sénateur de la Meuse

M. B... se plaignait d'être poursuivi en paiement d'une redevance audiovisuelle relative à l'année 1997, concernant le poste détenu par son fils dans son logement d'étudiant en 1995 et 1996.
Le réclamant affirmait que, dès juillet 1996, il avait signalé, par courrier au service de la redevance, le déménagement de son fils, revenu habiter chez lui, et avait donc demandé la résiliation de son compte.
Le service de la redevance n'avait pas reçu ce courrier et avait considéré qu'une demande présentée ultérieurement par M. B... était hors délai. La cotisation de 1997 avait donc été maintenue.
Le Médiateur de la République, saisi de ce dossier, a transmis le justificatif de cessation du bail du fils de M. B... au chef du centre régional, qui a accepté de dégrever cette redevance.

Assurance vie - Droits de succession

Réclamation n° 97-5283, transmise par M. Guy TEISSIER, député des Bouches-du-Rhône

Bénéficiaire d'un contrat d'assurance vie, M. F... n'avait reçu, au décès du souscripteur, qu'une partie des sommes initialement versées, en raison d'une mauvaise performance de placement.
Ces primes étaient taxables aux droits de mutation par décès, dès lors qu'elles avaient été versées après le 70e anniversaire de l'assuré.
Mais, pour le calcul des droits de succession, le service des impôts avait retenu, comme assiette taxable, l'ensemble des primes versées par le souscripteur et non le montant effectif des sommes perçues par M. F...
L'administration s'appuyait sur des instructions en vigueur, aux termes desquelles la taxation n'était limitée aux capitaux versés que dans le cas de contrats souscrits en unités de compte ou de rachats partiels et avances, conditions qui, selon elle, n'étaient pas réunies.
Ce mode de calcul, appliqué à M. F..., ajouté à une taxation de 60 %, aboutissait à le priver, en quasi-totalité, des sommes reçues.
Or, ce contribuable n'avait pu, malgré plusieurs réclamations, apporter la preuve qu'il réunissait les conditions requises pour le bénéfice de la taxation limitée, les documents dont il disposait ne permettant pas de déterminer la nature exacte et les conditions de fonctionnement du contrat souscrit en sa faveur.
Pour aider M. F... à régler son problème, le Médiateur de la République l'a invité à se procurer, auprès de la compagnie d'assurances concernée, une attestation précisant de manière détaillée les caractéristiques du contrat.
L'obtention de ce document a permis au Médiateur d'intervenir auprès de l'administration fiscale, qui a admis le bien-fondé de la requête et prononcé un dégrèvement d'impôt de près de 12 000 F.


2. Le Médiateur de la République et le pouvoir de contrôle de l'administration fiscale


Dans le domaine du contrôle fiscal, les réclamations reçues par le Médiateur de la République comportent des motivations nombreuses, multiformes et complexes : difficultés relationnelles avec l'administration, divergences d'appréciation sur la qualification juridique des faits, interprétations juridiques contradictoires, par exemple sur la valeur probante des éléments présentés ou sur le respect des garanties offertes au contribuable contrôlé.
Ainsi se mêlent aspects humains et sociaux, confrontation de points de vue et de faits, et débat sur des notions très techniques de droit, d'économie ou de comptabilité. Tout cela fait du contrôle fiscal un vaste champ d'opposition entre le citoyen et l'Etat, dont le Médiateur de la République est amené à connaître.
Les réclamations auprès du Médiateur de la République suscitées par le contrôle fiscal sont donc particulièrement nombreuses, notamment depuis que la loi du 6 février 1992 a ouvert la saisine de l'Institution aux personnes morales et aux associations.
Actuellement, plus du tiers des affaires fiscales émanent d'entreprises ou d'associations, et, pour l'essentiel, ces litiges concernent des opérations de vérification.
A cela s'ajoutent les demandes des particuliers pour lesquels le contrôle de la déclaration de revenus a donné lieu à un rappel d'impôt.
Ainsi, près des deux tiers des réclamations fiscales traitées par le Médiateur sont liées à un contrôle fiscal ou à ses suites, dont les effets constituent souvent pour le contribuable de bonne foi une épreuve plus ou moins difficile à traverser : incompréhension des mesures de contrôle et de la rigueur avec laquelle elles sont appliquées, mais aussi, parfois, conséquences financières très lourdes pouvant entraîner surendettement, précarité et même exclusion sociale ou disparition d'entreprises.
Cette situation reflète une inégalité flagrante entre le contribuable et l'administration, qui résulte très largement des prérogatives particulièrement fortes, voire exorbitantes du droit commun, dont dispose l'État en matière de contrôle fiscal.
Cette inégalité est certainement l'une des causes premières des conflits dont le Médiateur est saisi.
C'est la raison pour laquelle les contribuables (particuliers, entreprises ou associations), tout en recherchant une solution amiable à leur différend, en appellent au Médiateur de la République - et c'est là une particularité et une difficulté de ces réclamations - pour dénoncer cette opposition "du pot de terre contre le pot de fer", comme d'autant plus insupportable qu'elle leur apparaît incompréhensible dans un Etat de droit.
Soucieux de corriger les effets de cette inégalité décriée, le Médiateur de la République, tout en assurant aux réclamants une meilleure information sur le contrôle fiscal, va s'attacher à faire prévaloir l'esprit de la loi, chaque fois que l'administration paraît s'en être écartée, afin d'aboutir à une solution négociée favorable au maintien de la cohésion sociale.


A. Mieux informer le contribuable des pouvoirs de contrôle de l'administration


La complexité de la réglementation rend bien difficile la connaissance du contrôle fiscal, et, notamment, de ses procédures à la fois diversifiées, graduées et contraignantes.
Or, sans méconnaître la pertinence des critiques exprimées dans ce domaine - auxquelles le Médiateur répond en intervenant auprès des pouvoirs publics, soit au cas par cas, soit par la voie de proposition de réforme des textes -, il apparaît très important d'expliquer au contribuable, dans ses grandes lignes, la logique du contrôle fiscal, tel qu'il est exercé par l'administration.

a. Le contrôle fiscal, un pouvoir administratif discrétionnaire, mais contenu

Pouvoir régalien aujourd'hui très encadré, le contrôle fiscal repose sur une conception d'essence libérale, et sur le réalisme du droit fiscal, notion fondamentale qu'il convient de préciser.
Le réalisme du droit fiscal permet, en effet, à l'administration, sous le contrôle du juge, de rechercher la réalité concrète des situations, au-delà des conventions et des fictions juridiques, et d'écarter les décisions du particulier ou de l'entreprise pour y substituer une situation qu'elle considère conforme à la réalité.

a.1. La déclaration contrôlée, un principe de notre système fiscal, d'essence contradictoire

Le consentement à l'impôt, inspiré des grands principes de la République, demeure l'une des sources de notre droit fiscal.
Deux notions juridiques, essentielles pour comprendre le fonctionnement des pouvoirs de contrôle dont dispose l'administration fiscale, en découlent.
- C'est le citoyen lui-même, dans les délais impartis et selon les dispositions prévues par la loi, qui va devoir déclarer les éléments permettant le calcul de l'impôt dont il est redevable.
Or, quel que soit le contexte économique et social dans lequel est déployée l'économie de ce principe, le contribuable apparaît naturellement rétif à l'impôt.
Cela a conduit le législateur et le Conseil d'Etat à reconnaître à l'Etat le pouvoir régalien de mettre en oeuvre les moyens de contrôle destinés à assurer les rentrées fiscales. Ce régime, dit de "la déclaration contrôlée", est d'application très générale.
- Les actes et déclarations souscrits par le contribuable sont présumés exacts et sincères, et les manquements déclaratifs afférents, constatés par l'administration, sont présumés avoir été commis de bonne foi.
Ces principes revêtent une grande importance, parce qu'ils fondent deux notions essentielles autour desquelles est construit le contrôle fiscal, que ce soit lors des opérations d'investigation ou lors de la procédure de redressement : l'établissement de la preuve et le débat contradictoire.

a.2. La mise en oeuvre du contrôle fiscal

> Les raisons

Dans les réclamations que reçoit le Médiateur, et à côté d'autres motivations certes plus affirmées, apparaît cependant souvent la question des raisons pour lesquelles le contribuable a fait l'objet d'un contrôle.
Cette interrogation sur le contrôle fiscal, qui est d'ailleurs rarement exprimée de manière sereine, s'agissant notamment des contrôles comportant des investigations sur place (vérification de comptabilité ou examen de situation fiscale), mérite donc des éclaircissements.
A titre liminaire, il paraît important de préciser que les demandes d'information, qui peuvent être envoyées par l'administration fiscale pour obtenir des renseignements sur un ou plusieurs points de la déclaration souscrite par le contribuable, ne constituent pas un contrôle ni même un préalable à une vérification.

La réclamation n° 97-5157, transmise par M. Georges TRON, député de l'Essonne, en est l'illustration.

Un centre des impôts avait été amené à demander à M. B... certaines précisions sur sa déclaration de revenus, puis avait notifié un redressement, après établissement de l'impôt, sur un point qui n'avait pas été évoqué dans la demande d'information.
M. B... avait dès lors considéré qu'il y avait eu un vice de procédure, et il demandait le dégrèvement total des rappels d'impôts mis à sa charge.
Or, le premier document qu'il avait reçu avait simplement pour objet de permettre au service local d'obtenir des renseignements Pour asseoir l'impôt. Il ne faisait donc pas obstacle à un contrôle ultérieur de sa déclaration et à un redressement sur un autre point.
Les services spécialisés dans le contrôle fiscal établissent, en collaboration avec les services locaux des impôts, un programme annuel des entreprises à vérifier, sélectionnées selon des critères définissant des priorités de contrôle.
La sélection peut aussi résulter de l'exploitation du contrôle sur pièces, des déclarations souscrites, ou bien d'informations collectées ou reçues par l'administration.
S'agissant de la fréquence des vérifications, parfois critiquée par les réclamants, aucun élément ne permet de répondre avec pertinence ; tout au plus pourrait-on dire que, parmi l'ensemble des contribuables susceptibles d'être vérifiés, les entreprises industrielles et commerciales, notamment les grandes entreprises, sont contrôlées plus souvent.

> Les structures

Le contrôle fiscal est exercé par des inspecteurs et des contrôleurs qui appartiennent à des services spécialisés, soit de vérification, soit de contrôle des revenus, ayant une compétence nationale, régionale ou départementale. Aucune hiérarchie n'existe entre ces structures.
Cette organisation du contrôle fiscal est assez mal connue des contribuables, notamment en matière de vérification de comptabilité et d'examen de situation fiscale personnelle, ce qui entraîne des réclamations auprès du Médiateur.
Or, l'incompétence territoriale ou matérielle de l'agent qui procède au contrôle, situation au demeurant rarement constatée, rend nulle la procédure d'imposition, comme le montrent les deux cas suivants.

Réclamation n° 96-4809, transmise par M. François GROSDIDIER, ancien député de la Moselle.

M. S... avait saisi le Médiateur de la République pour contester le bien-fondé des redressements à l'impôt sur le revenu qui lui avaient été notifiés. A la lecture du dossier, il est apparu que ces redressements étaient fondés sur le plan du droit, mais que la brigade de vérifications qui les avait notifiés n'était pas compétente territorialement.
En effet, M. S... résidait en Moselle et c'est une brigade de vérifications de Meurthe-et-Moselle
qui avait opéré les redressements. Le Médiateur ayant soulevé ce problème auprès de l'administration, celle-ci a reconnu son erreur et a prononcé le dégrèvement des rappels d'impôts.
Cependant, il convient de noter que les redressements en question ont été de nouveau notifiés par les services des impôts de Moselle, territorialement compétents, pour ce qui concerne l'année qui n'était pas prescrite, et que le Médiateur n'a pu en contester le bien-fondé.

Réclamation n° 97-4206, transmise par M. Paul GIROD, sénateur de l'Aisne.

M. G..., pilote de ligne, était affecté administrativement en Polynésie française, mais détaché à Nouméa (Nouvelle-Calédonie) où se trouvait sa résidence principale.
Il était imposable en France en qualité de "non-domicilié", en raison d'une habitation possédée en métropole.
Or, cette imposition avait été établie et notifiée par le centre des impôts du lieu de cette habitation, qui n'était pas compétent territorialement. Le contribuable relevait, en effet, en sa qualité de non-résident, du centre des impôts des non-résidents, à Paris.
Cette irrégularité de procédure, portée par le Médiateur à la connaissance de l'administration concernée, a permis le dégrèvement total de l'imposition litigieuse.
Plus fréquents sont les cas où la compétence territoriale des services de contrôle conduit, à défaut de coordination suffisante, à des disparités de traitement, voire à des positions contradictoires, dont les contribuables se plaignent auprès du Médiateur.
Cette disparité de traitement apparaît, en général, lorsque la vérification d'une entreprise aboutit soit à remettre en cause le régime fiscal d'un investissement et, par vole de conséquence, les avantages fiscaux dont chaque associé a initialement bénéficié, soit à requalifier juridiquement la nature des opérations réalisées, par exemple avec les clients de l'entreprise vérifiée.
Le redressement concernant l'entreprise sert alors de support aux redressements individuels, mais ces derniers sont effectués à l'initiative de chaque service fiscal territorialement compétent, sans que les procédures soient toujours coordonnées ou harmonisées.
Les cas suivants en témoignent.

Réclamation n° 96-3468, transmise par M. François LESEIN, ancien sénateur de l'Aisne.

Des contribuables avaient, par l'intermédiaire d'une société, fait l'acquisition de plusieurs navires sous forme de quirats (Parts dans la propriété d'un navire indivis), et avaient bénéficié des dispositions de la loi dite "Pons", relative aux investissements réalisés outre-mer.
Il est apparu que les investisseurs avaient fait l'obi et d'une disparité de traitement en raison de leur rattachement à des services fiscaux différents.

Réclamation n° 96-4481, transmise par M. Louis SOUVET, sénateur du Doubs.

L'attention du Médiateur de la République a été appelée sur la situation de plusieurs investisseurs, regroupés au sein d'une même société de personnes, qui avaient procédé à des acquisitions immobilières dans le cadre du dispositif dit de la "loi Malraux" (opérations groupées de restaurations immobilières).
Or, après que le premier service vérificateur eut remis en cause, au niveau de la société, l'applicabilité de la loi Malraux à ces opérations, les associés n'ont pas tous été traités de la même manière. Certains n'ont pas fait l'objet d'un redressement au titre de leur impôt sur le revenu. D'autres ont reçu une notification de redressement, à laquelle leur centre des impôts de rattachement n'a pas donné suite après justifications. D'autres, encore, ont vu leur redressement personnel confirmé et l'imputation de leurs déficits fonciers remis en cause.

Réclamation n° 97-1758, transmise par M. Philippe BRIAND, député d'Indre-et-Loire.

Des distributeurs indépendants, liés par contrat à un fabricant unique, réalisaient des ventes directes aux consommateurs, et obtenaient de leur fournisseur des rabais et ristournes en fonction des quantités vendues.
Or, la mise en cause, au niveau du fabricant, de la qualification juridique des rabais accordés aux distributeurs n'a déclenché de redressements qu'au niveau de certains distributeurs, ce qui a donné lieu à des solutions différentes selon le centre des impôts de rattachement.
Dans les cas évoqués ci-dessus, le Médiateur a estimé que la compétence territoriale des services fiscaux avait occasionné une rupture d'égalité entre des contribuables placés dans une situation de droit et de fait strictement identique.
Les médiations engagées auprès de la direction générale des impôts ont permis d'obtenir une harmonisation des procédures et de la position doctrinale de l'administration.

b. Les pouvoirs de l'administration, réels mais limités

b.l. Les pouvoirs de contrôle


> Le droit de communication

C'est le droit reconnu à l'administration fiscale de prendre connaissance de documents, de pièces ou d'écritures comptables, et de tout renseignement utile, pour établir les éléments d'imposition ou en assurer le contrôle. Mené en amont d'un contrôle, il s'exerce à l'égard des tiers, personnes publiques ou privées, comme du contribuable lui-même.

> Le droit de visite et de saisie

Il donne à l'administration un pouvoir d'intervention directe en tous lieux, mêmes privés, aux fins de procéder à des saisies de pièces et de documents (à l'exclusion d'objets et de valeurs) auprès des contribuables astreints à la tenue d'une comptabilité.
Limité aux hypothèses dans lesquelles il existe des présomptions de dissimulation dans l'établissement ou le paiement de l'impôt, l'exercice du droit de visite et de saisie doit être autorisé par une ordonnance du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter.
La visite des coffres détenus par les particuliers dans les banques est possible, sur autorisation spéciale délivrée par le juge qui a pris l'ordonnance.

> Le droit de vérification

Le contrôle sur pièces

Effectué par le service gestionnaire du dossier fiscal du contribuable, ce contrôle consiste à vérifier le caractère complet des déclarations souscrites et à recouper leurs énonciations avec les informations détenues par l'administration. En cas d'erreur ou d'omission déclaratives, des redressements seront notifiés selon la procédure contradictoire, éventuellement après mise en demeure de fournir les documents manquants, ou, le cas échéant, par voie de taxation d'office en cas de défaut de production des pièces demandées.

La vérification de comptabilité

Elle peut se définir comme l'ensemble des opérations menées sur place, destinées à examiner la comptabilité d'une entreprise ou d'une profession non commerciale, dont la tenue est exigée par la loi, de manière à contrôler la sincérité et l'exactitude des déclarations fiscales professionnelles souscrites.
A cet égard, l'administration dispose d'un pouvoir d'investigation étendu, portant sur l'ensemble des écritures comptables et des pièces et éléments justificatifs, ainsi que sur les données matérielles correspondantes (stocks, immobilisations ... ).
La vérification de comptabilité comporte une obligation de dialogue pour l'administration, et ce point est important, parce qu'il influence largement les conditions dans lesquelles le contrôle doit se dérouler :
- les interventions du vérificateur doivent se faire sur place, dans l'entreprise, et être suffisamment nombreuses ;
- un délai raisonnable doit s'écouler entre la réception de l'avis de vérification et le début des opérations de contrôle ;
- l'emport de documents comptables par l'administration doit recevoir préalablement l'accord du contribuable ;
- le rejet d'une comptabilité non probante n'exonère pas l'administration de poursuivre le dialogue.
Le refus de dialogue est lourdement sanctionné par la jurisprudence, qui considère alors comme irrégulière la procédure de vérification, ce qui entraîne la nullité des redressements notifiés à la suite du contrôle.

L'examen contradictoire de situation fiscale personnelle (ESFP)

Concernant les particuliers, il constitue une investigation générale, effectuée auprès du contribuable, au regard du seul impôt sur le revenu, permettant un contrôle de cohérence entre les revenus qu'il a déclarés et les ressources dont il a réellement disposé pendant l'année d'imposition.
Comme en matière de vérification de comptabilité, l'ESFP est obligatoirement précédé de l'envoi d'un avis de vérification, accompagné de la "charte du contribuable vérifié", dont les dispositions sont opposables à l'administration. Ainsi, le déroulement de l'ESFP, tel qu'il est évoqué dans cette charte, prévoit l'existence d'un débat oral et contradictoire entre le contribuable et le vérificateur.


b.2. Les limitations


> La prescription

Les délais

Les périodes au cours desquelles l'administration a la faculté de réparer les omissions, erreurs, ou insuffisances d'imposition, sont limitées par la loi.
En matière d'impôt sur le revenu, d'impôt sur les sociétés, et de taxe sur la valeur ajoutée, le délai de reprise de l'administration est généralement de trois ans.
Il convient de préciser que la remise en cause d'une réduction d'impôt doit être effectuée dans ce délai, c'est-à-dire dans les trois ans qui suivent la rupture de l'engagement qui ouvrait droit à cette réduction d'impôt.
Tel est notamment le cas en ce qui concerne les réductions d'impôt pour investissement locatif prévues par la loi dite "Méhaignerie", comme le montre l'exemple suivant.

Réclamation n° 97-5367, transmise par M. Pierre-André WILTZER, député de l'Essonne.

M. C... avait acheté un appartement en 1990, dans le cadre de la loi Méhaignerie. Il avait donc pris l'engagement de louer ce bien pendant au moins six ans.
La location a toutefois cessé fin 1995, et le centre des impôts, considérant qu'il y avait eu rupture de l'engagement de location en 1996, a notifié, en 1997, un redressement au titre de cette année 1996, et a procédé à la reprise des réductions d'impôt obtenues en 1990 et 1991.
La reprise ayant été effectuée dans les délais, le Médiateur de la République n'a pas pu intervenir en faveur de M. C...
Au regard des droits d'enregistrement, la possibilité de redressement est soumise à la prescription décennale, si les conditions d'application de la prescription de trois ans, dite "abrégée", ne sont pas réunies.
Cette prescription abrégée est subordonnée à la condition que l'administration ait eu connaissance des droits omis, en raison de l'enregistrement d'un acte qui établissait leur exigibilité de manière certaine, et sans qu'il soit nécessaire de recourir à d'autres recherches.

Les effets

L'administration fiscale n'a aucune possibilité de mettre en oeuvre son droit de reprise en dehors de ces délais.
Le délai de reprise peut cependant être interrompu par une notification de redressement qui ouvre, en faveur de l'administration, un nouveau délai de trois ans pour établir les rappels d'impôts ou de taxes.
Dans la grande majorité des cas, l'administration fiscale ne dispose ainsi que d'un délai de trois ans pour remettre en cause l'impôt initial, et de trois années supplémentaires pour mettre le rappel d'impôt à la charge du contribuable.
Toute notification de redressement qui serait signifiée hors délais serait donc entachée de nullité, de même que le serait une imposition complémentaire mise en recouvrement au-delà du nouveau délai de trois ans ouvert par cette notification de redressement.
Cette limitation explique, sans aucun doute, le fait que, dans les dossiers soumis à l'examen du Médiateur de la République, les notifications de redressement soient très fréquemment émises quelques jours seulement avant l'expiration du délai de reprise.
Ces règles peuvent cependant s'avérer très favorables au contribuable, comme dans le cas suivant.

Réclamation n° 96-2939, transmise par M. Jean-Louis LEONARD, ancien député de la Charente-Maritime.

Informé au mois de décembre 1992, par son centre des impôts de rattachement, qu'il allait faire prochainement l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 1989 à 1991, M. G... n'a été contrôlé et redressé qu'au mois de janvier 1993, du fait d'un heureux concours de circonstances.
Dans ces conditions, le contrôle fiscal et le redressement n'ont pu porter que sur les années 1990 et 1991, l'administration ne pouvant aller au-delà de l'année 1990 en raison de la prescription du délai de reprise.
Dans d'autres cas, le Médiateur a été conduit à intervenir auprès de l'administration fiscale pour faire jouer cette disposition légale au bénéfice du réclamant, sans préjuger du bien-fondé du redressement, comme en témoigne la réclamation n° 94-4159, transmise par M. Arthur DEHAINE, député de l'Oise.
M. D... avait fait l'objet, en décembre 1990, d'un redressement portant sur l'imputation de ses déficits fonciers au cours des années 1987 à 1989, sans que la prescription du délai de reprise pût donc être invoquée à ce stade.
L'examen de cette affaire a cependant révélé que les services fiscaux concernés avaient non seulement omis de répondre aux observations du contribuable, mais aussi qu'ils n'avaient mis en recouvrement les rappels d'impôt qu'en juin 1994, soit plusieurs mois après l'expiration du nouveau délai de reprise.
Saisi de cette question de droit par le Médiateur de la République, le directeur des services fiscaux concerné a admis le caractère irrégulier de la procédure de redressement et a prononcé, en conséquence, le dégrèvement des impositions mises à la charge de M. D...
A noter que ces délais de prescription, afférents aux pouvoirs de contrôle de l'administration, ne concernent que le droit de reprise en matière d'assiette et de contrôle de l'impôt, à l'exclusion de ceux, différents, qui sont relatifs à l'action en recouvrement exercée par les comptables publics.

> L'encadrement du contrôle sur place

L'objet du contrôle

Les vérifications de comptabilité ne concernent que les contribuables soumis à la TVA, à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices professionnels (commerciaux, non commerciaux ou agricoles), ou à l'impôt sur les sociétés, et qui sont astreints à la tenue d'une comptabilité.
Toutefois, la jurisprudence reconnaît à l'administration le droit de vérifier une comptabilité effectivement tenue, bien que non obligatoire.
Lorsqu'une vérification de comptabilité conduit à l'examen de comptes bancaires enregistrant aussi des opérations personnelles, le vérificateur doit remettre un avis d'ESFP. Ainsi, l'examen de comptes mixtes caractérise l'exercice simultané d'un ESFP et d'une vérification de comptabilité ; le vérificateur qui n'en tirerait pas toutes les conséquences lors du contrôle, notamment au niveau du débat contradictoire, commettrait un vice de procédure entraînant l'irrégularité de la vérification et la nullité des impositions correspondantes.

La durée des opérations sur place

Les opérations de présence et de contrôle sur place du vérificateur ne peuvent excéder trois mois pour les entreprises soumises à une vérification de comptabilité, et dont le montant du chiffre d'affaires annuel ne dépasse pas certaines limites (actuellement 5 000 000 F pour les entreprises industrielles et commerciales, 1 500 000 F pour les prestataires de services et les personnes exerçant une activité non commerciale, 1 800 000 F pour les entreprises agricoles).
Le délai court du jour du début de la vérification, mentionné sur l'avis, jusqu'à celui de la dernière intervention sur place.
La durée de l'examen contradictoire d'une situation fiscale personnelle ne peut, en principe, s'étendre sur une période supérieure à un an, comptée de la date de réception de l'avis de vérification jusqu'à celle de l'envoi de la notification de redressement (ou, le cas échéant, de l'avis d'absence de redressement).
L'inobservation de ces délais entraîne la nullité absolue et inconditionnelle de la vérification et des rappels d'impôts afférents.
L'interdiction de renouveler une vérification achevée
Une nouvelle vérification des écritures comptables ne peut être effectuée - pour les mêmes impôts et taxes et la même période - lorsque la vérification de comptabilité est achevée, c'est-à-dire à la date de la dernière intervention sur place du vérificateur.
En matière d'ESFP, lorsqu'elle a procédé à un tel contrôle au regard de l'impôt sur le revenu, l'administration ne peut plus procéder à des redressements pour la même période, sauf si le contribuable vérifié lui a fourni des éléments incomplets ou inexacts.


B. Faire prévaloir l'esprit de la loi lors des contrôles fiscaux


L'étude des réclamations transmises au Médiateur de la République en matière de contrôle fiscal, qui, pour d'évidentes raisons, ne peut reprendre toutes les opérations, notamment comptables et matérielles, porte en règle générale sur la conformité de la position retenue par l'administration avec les textes législatifs et réglementaires.
Cette approche permet au Médiateur d'appréhender au mieux le litige qui lui est soumis et, par conséquent, de pouvoir se forger, dans la plupart des cas, une conviction. Or, ces affaires de contrôle fiscal révèlent parfois une position administrative fondée sur la seule application de la lettre de la loi ou sur l'interprétation trop extensive ou trop restrictive d'un texte, alors que le contribuable avait réellement entendu se conformer à ses obligations ou se placer dans le cadre du régime fiscal sollicité.
Une telle situation peut découler, par exemple, de l'imprécision d'un texte, d'une information insuffisante, voire du comportement indélicat d'un tiers. Dans ces cas-là, les garanties prévues en matière de contrôle fiscal ne permettent pas de rétablir la situation du contribuable.
Aidée par un environnement juridique plutôt favorable, l'action du Médiateur pour faire prévaloir l'esprit de la loi, tout en restant difficile, trouve donc, dans ce domaine, toute sa justification.

a. Un environnement juridique plutôt favorable

a.1. Une législation stricte qui n'ignore pas les droits de la défense

> Les règles du contrôle fiscal

La compétence liée

La compétence liée, à laquelle est tenue l'administration fiscale, concerne nombre de dispositions qui régissent ses pouvoirs de contrôle, notamment les procédures d'intervention et de redressement, que ce soit dans le cadre d'une vérification ou d'un contrôle sur pièces.
L'administration a l'obligation d'appliquer le texte à la lettre ; aucun pouvoir d'appréciation ne lui est reconnu et les possibilités d'action de toute instance de médiation sont alors très étroites, voire inexistantes.
Dans ces affaires, où les réclamants déplorent que l'administration "s'abrite derrière la loi", le Médiateur ne peut proposer de solution remettant en cause la base légale de la décision ou la qualification juridique des faits qui a été retenue, comme le montrent les cas suivants.

Réclamation n° 98-0354, transmise par M. Philippe AUBERGER, député de l'Yonne.

M. S..., gérant de la SCI C..., soutenait que sa société devait être assujettie à la TVA et qu'elle avait d'ailleurs soumis ses locations à cette taxe, même si elle ne l'avait pas reversée ensuite au Trésor public.
L'étude du dossier a toutefois révélé que le juge administratif avait été amené, précédemment, à qualifier l'activité de la SCI, et l'avait reconnue comme une société immobilière de location, dont l'assujettissement à la TVA n'était pas de droit. La société devait, par conséquent, opter de manière expresse pour cet assujettissement.
Or, la SCI C.. ne pouvait pas prouver avoir formulé cette option. Le Médiateur n'a pu, dans ces conditions, intervenir en sa faveur, la condition de l'option étant essentielle en la matière.

Réclamation n° 98-0158, transmise par M. Jean AUCLAIR, député de la Creuse.

Il a également été impossible au Médiateur de la République d'intervenir en faveur de M. P..., agent d'assurances, membre d'une société en participation, qui avait opté, comme la loi le prévoit, pour l'imposition de ses revenus professionnels dans la catégorie des traitements et salaires.
En effet, l'option pour ce régime d'imposition n'est valable que si, notamment, il y a individualisation, par les compagnies, des commissions versées à ses agents, et que l'objet de la société se limite à la mise en commun des seuls moyens d'exploitation.
Or, l'examen des résultats déclarés par M. P.. a permis de constater que cette condition impérative n'était pas remplie en l'espèce. Le centre des impôts ne pouvait donc que remettre en cause le régime d'imposition dont l'intéressé avait indûment bénéficié.
Mais ces situations, où la règle de droit est stricte, ne sont pas systématiquement défavorables au contribuable contrôlé, et cette rigueur n'empêche pas l'application de la loi dans son esprit. Au contraire, le respect de la lettre du texte peut y contribuer en permettant que la règle soit la même pour tous.
Ce principe d'égalité, voulu par le législateur, est fréquemment évoqué en matière de contrôle fiscal. Il donne lieu à de nombreuses réclamations auprès du Médiateur qui intervient, le cas échéant, en invoquant précisément auprès de l'administration la compétence qui la lie dans sa décision.

La charge de la preuve

Cette question est dominante dans tout contrôle fiscal, dès lors que le débat qui s'instaure entre le contribuable et l'administration a pour finalité de permettre à chacune des parties d'apporter les éléments destinés à établir le bien-fondé de leur position.
Ainsi, lorsque le contribuable justifie respecter les obligations liées au système déclaratif, les bases d'imposition communiquées à l'administration sont présumées exactes, ce qui implique que c'est à l'administration de prouver leur inexactitude.
Inversement, les manquements déclaratifs en matière d'impôt sur le revenu, d'impôt sur les sociétés ou de droits d'enregistrement (défaut de dépôt de déclaration après mise en demeure de l'administration), et de TVA (défaut de dépôt ou dépôt tardif de déclaration), entraînent une procédure d'imposition d'office.

La procédure de redressement contradictoire

Procédure d'imposition de droit commun, elle présente un caractère général et n'est pas compatible avec les procédures d'office.
Les redressements notifiés par l'administration, et obligatoirement motivés, ouvrent un droit de réponse au contribuable, qui dispose d'un délai de trente jours pour faire connaître son acceptation ou présenter ses observations.
Si le désaccord persiste, l'administration doit adresser une réponse motivée, et le contribuable a la possibilité de demander la saisine, selon le cas, de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, ou de la commission départementale de conciliation en matière de droit d'enregistrement, qui sont consultées pour avis.

La procédure d'imposition d'office

Cette procédure est destinée à sanctionner le comportement du contribuable qui s'est soustrait à ses obligations déclaratives. Elle permet à l'administration d'établir les impositions omises à partir des éléments en sa possession, la charge de la preuve de leur exagération incombant alors au contribuable.

Réclamation n° 97-5754, transmise par M. Tony DREYFUS, député de Paris, ancien ministre.

M. I..., gérant de SARL, n'avait pas déposé dans les délais ses déclarations de chiffres d'affaires et ses déclarations de résultats pour la détermination de l'impôt sur les sociétés. Son entreprise a donc fait l'objet d'une taxation d'office, dont il a jugé les bases excessives.
Dans le cadre de cette procédure, il lui appartenait alors d'établir, par tous moyens, la preuve du caractère exagéré des impositions mises à sa charge.
Or, les différents documents produits à l'appui de sa réclamation n'ont pas été Jugés suffisamment probants par l'administration, qui n'a donc pu que maintenir les bases initialement retenues.

> Les droits du contribuable

Des garanties de procédure

Elles portent sur le déroulement même des opérations de contrôle sur place et sur l'établissement des rappels d'impôts.

* L'assistance d'un conseil
La loi a prévu l'obligation d'informer le contribuable vérifié qu'il peut se faire assister d'un conseil, au cours des opérations de contrôle et au moment de la discussion des redressements (mention obligatoire sur l'avis de vérification et sur la notification de redressement, sous peine de nullité de la procédure).

* La garantie contre les changements de doctrine
Aucun redressement ne peut être envisagé s'il porte sur il interprétation formelle admise antérieurement par l'administration. Cette garantie s'applique aussi lorsque l'administration a pris formellement position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard de la réglementation, ou que le contribuable applique un texte conformément aux instructions ou aux circulaires publiées et non rapportées par l'administration.

* La mention expresse
Lorsqu'un contribuable de bonne foi indique expressément à l'administration, sur la déclaration ou sur une note annexe, les motifs de droit ou de fait pour lesquels il ne mentionne pas certains éléments d'imposition, ou pour lesquels il sollicite un avantage fiscal, aucun intérêt de retard n'est applicable en cas de redressement.

* La déduction en cascade
Ce mécanisme, qui résulte des effets induits des rappels d'impôt opérés lors d'une vérification de comptabilité, permet la déduction de la TVA des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés ou sur le revenu (cascade dite "simple").
De même est autorisée, pour les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés, la déduction de l'impôt sur le revenu correspondant à des distributions imposées chez les associés ou les actionnaires, à condition qu'ils aient reversé, dans la caisse sociale de l'entreprise, les sommes nécessaires au paiement de l'impôt dû par la société à raison de ces distributions (cascade dite "complète").

* La compensation
Lors des opérations de contrôle, l'administration doit constater les surtaxations éventuelles commises au préjudice du contribuable.
Cette compensation, qui peut aboutir à un dégrèvement si la surtaxe est supérieure aux droits omis, n'est possible que pour un même impôt et une même période d'imposition.

Le droit à l'information

* L'interlocuteur départemental
Chargé de répondre aux contribuables qui souhaitent lui soumettre les conditions de déroulement ou les résultats d'un contrôle, l'interlocuteur départemental peut être saisi en cas de vérification de comptabilité ou d'examen de situation fiscale personnelle.
La possibilité de recours à l'interlocuteur départemental, supérieur hiérarchique du vérificateur, est portée à la connaissance des contribuables par une mention sur l'avis de vérification.
Il permet aux contribuables vérifiés, peu familiarisés avec l'organisation administrative, de connaître les différentes voies de recours qui leur sont offertes.
L'interlocuteur départemental peut aussi être saisi en cas de difficultés durant le contrôle. Sa saisine intervient aussi bien lors du déroulement de la vérification qu'après la fin des opérations de contrôle.
L'interlocuteur départemental est une instance amiable qui prévient les litiges, puisqu'il a, d'une part, une fonction pédagogique d'explication de la conduite des opérations de vérification, et, d'autre part, la possibilité de reconsidérer les impositions envisagées.
Mais le recours à l'interlocuteur départemental ne peut avoir pour effet l'abandon des opérations de contrôle. En revanche, aucune imposition supplémentaire ne peut être mise en recouvrement tant qu'il n'a pas été statué sur le recours.

* Les conséquences du contrôle
L'administration a l'obligation, lorsqu'elle utilise la procédure contradictoire, d'indiquer, dans la notification de redressements, le montant des droits résultant d'une vérification de comptabilité ou d'un examen de situation fiscale personnelle.
Ces dispositions ne s'appliquent ni aux contribuables ayant fait l'objet d'un contrôle sur pièces, ni à ceux placés en situation d'imposition d'office.

* L'accès au rapport de vérification
Les opérations de vérification achevées donnent lieu à la rédaction d'un rapport par le vérificateur.
En application de la loi sur la liberté d'accès aux documents administratifs, les contribuables vérifiés ont la faculté d'avoir communication de ce document, à l'exception, le cas échéant, des parties dont la consultation porterait atteinte à la recherche des infractions fiscales et douanières, ou conduirait à la violation du secret professionnel.

a.2. Une pratique transactionnelle affirmée les commissions de recours amiable

> La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires

Composée de représentants de l'administration et des catégories socioprofessionnelles, cette instance est bien connue des entreprises. Amenée à intervenir en matière de bénéfices professionnels, d'impôt sur les sociétés et de TVA, elle est également compétente dans le cadre des ESFP, lorsque le contribuable fait l'objet d'une taxation d'office en raison d'un défaut de réponse à une demande d'éclaircissement ou de justification du service des impôts.
La commission ne peut statuer que sur des litiges concernant des questions de fait, à l'exclusion donc de toute question de droit. Après étude de l'affaire, elle formule un avis auquel l'administration n'est pas tenue de se conformer. L'administration supporte toutefois, d'une manière générale, la charge de la preuve en cas de réclamation ultérieure.
La composition de la commission et la simplicité de ses règles de fonctionnement facilitent le règlement amiable des litiges qui lui sont soumis.

> La commission départemental de conciliation

Compétente pour connaître des litiges relatifs aux droits d'enregistrement et à l'impôt de solidarité sur la fortune, cette commission est notamment saisie à l'occasion de la notification d'insuffisances de prix ou d'évaluations de valeurs vénales, et peut, dans certains cas, résoudre le différend.
Tout comme la commission départementale des impôts directs, cette instance rend un avis. Elle ne peut se prononcer que lorsque la procédure de redressement contradictoire n'est pas close, et sur une question de fait. Elle peut être saisie par le contribuable ou par l'administration.
Son avis est notifié au redevable par l'administration, qui lui fait connaître en même temps le chiffre qu'elle se propose de retenir comme base d'imposition, étant entendu qu'elle n'est pas tenue de suivre cet avis. L'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission.

b.Des médiations néanmoins difficiles, aux résultats contrastés

Face à cet environnement juridique plutôt favorable, l'administration fiscale est souvent tentée de faire une lecture littérale des textes législatifs ou réglementaires, ce qui ne saurait lui être reproché dans la grande majorité des cas, puisqu'elle ne fait qu'appliquer une règle générale et qu'elle assure par là même l'égalité des citoyens devant l'impôt.
Les Médiateurs successifs se sont d'ailleurs toujours montrés soucieux d'affirmer la prééminence du droit à l'occasion de leurs interventions.
Cela étant, il s'avère que les textes invoqués sont parfois imprécis, incomplets ou mal adaptés à la situation particulière de tel ou tel contribuable.
Dans ce cas, la stricte application du texte peut ainsi satisfaire aux principes de légalité et d'égalité qui fondent l'action de l'administration, tout en se révélant extrêmement injuste, sinon contraire à l'esprit du législateur.
Lors de l'examen des litiges dont il est saisi, le Médiateur de la République est donc conduit à évaluer non seulement la validité, mais aussi la pertinence des textes qui sont opposés au contribuable, au regard des objectifs poursuivis par ces textes et du principe d'équité.
Les médiations tentées pour faire prévaloir l'esprit du texte, souvent invoqué dans les litiges relatifs au contrôle fiscal, aboutissent cependant à des résultats contrastés, qui illustrent la réticence de l'administration fiscale à s'engager résolument dans cette voie.

b.1. Erreurs et responsabilité du contribuable

Ainsi, les services fiscaux se refusent généralement à envisager une remise gracieuse ou une transaction dans les dossiers où il apparaît que le contribuable avait été mal conseillé par une tierce personne, ou avait confié à un tiers (comptable de l'entreprise, expert-comptable, notaire, etc...) la responsabilité d'accomplir des formalités à sa place.
Dans de tels cas, même si le requérant dispose de la preuve écrite de son absence de responsabilité dans les faits qui lui sont reprochés, l'administration fait prévaloir la notion de redevable légal sur toute autre considération.
Pour prendre un exemple récent, de nombreux consommateurs ont ainsi été victimes, au cours des années 1995 et 1996, de mandataires indélicats qui s'étaient vu confier le soin d'acquérir une voiture dans un pays de l'Union européenne, et de payer au Trésor public, pour le compte de leurs mandants, la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces acquisitions intracommunautaires.
Or, malgré la preuve du versement de cette taxe entre les mains du mandataire, ces consommateurs ont été contraints de verser une seconde fois la taxe sur la valeur ajoutée au Trésor, en leur qualité de redevables légaux. Pour conjurer ces difficultés, le Médiateur a suggéré une proposition de réforme 96-R016, qui vient d'être satisfaite par la loi de finances pour 1999.
De la même manière, s'agissant de droits de succession, un héritier ne peut invoquer les erreurs ou les manquements commis par le notaire chargé de régler la succession et de déposer la déclaration correspondante, pour contester le bien-fondé d'un redressement qui lui serait notifié par la suite.

La réclamation n° 97-3845, transmise par M. André ASCHIERI, député des Alpes-Maritimes, M est un exemple.

Mme B..., qui avait confié à son notaire le soin d'établir la déclaration de succession de sa cousine, a été contrainte d'acquitter des intérêts de retard, en raison du non-respect, par le notaire, du délai de déclaration prévu par la loi.
Fort heureusement, la position de l'administration fiscale n'est pas toujours aussi rigide et des solutions satisfaisantes ont pu être obtenues, ponctuellement, dans d'autres domaines.

b.2. Erreurs de l'administration couvertes par la prescription du délai de réclamation

Les contribuables découvrent parfois fort tard qu'ils n'auraient jamais dû payer l'impôt qui leur a été réclamé, ou qu'ils ont été victimes d'une surimposition liée à une erreur commise soit par eux-mêmes, soit par l'administration fiscale.
Or, le service des impôts peut refuser, même lorsque l'erreur leur est imputable, de reconsidérer la situation fiscale du demandeur, au motif que la réclamation n'a pas été présentée dans le délai de recours prévu par la loi.
De telles décisions de refus s'avèrent, certes, fondées sur le plan du droit, et la nécessité même d'un délai de prescription ne saurait être sérieusement contestée dans son principe. Elles génèrent cependant un sentiment d'injustice, et apparaissent d'autant plus critiquables que l'article R*211.1 du livre des procédures fiscales autorise, par ailleurs, l'administration à prononcer d'office le dégrèvement des sommes qui n'étaient pas dues, à l'intérieur d'un délai plus étendu.
Saisi de réclamations de cet ordre, le Médiateur intervient alors pour surmonter l'obstacle de la prescription opposable aux contribuables, et obtient, dans la quasi-totalité des cas, l'application des dispositions plus favorables de l'article R*211.1 précité.

La réclamation n° 96-0758, transmise par M. Jean-Paul de ROCCA-SERRA, ancien député de la Corse du Sud, en témoigne.

M. M... ayant fait l'acquisition d'une partie seulement d'une maison mitoyenne, s'est aperçu par hasard qu'il payait, depuis l'origine, ses propres impôts locaux et ceux de son voisin, à la suite d'une erreur de transcription commise par le service du cadastre.
Dans cette affaire, les services fiscaux avaient initialement limité le dégrèvement aux seules années comprises dans le délai de réclamation. Le Médiateur a obtenu l'extension de ce dégrèvement aux années antérieures, dans la limite du délai prévu par l'article R*211.1 du livre des procédures fiscales.

b.3. L'engagement du contribuable

> Le contribuable prête-nom

Le Médiateur est régulièrement saisi de dossiers particulièrement douloureux qui concernent des personnes ayant accepté de servir de prête-nom. Souvent jeunes et inexpérimentées, ces personnes ont fait confiance à des membres de leur famille, à des amis ou à leur employeur, et ont accepté de figurer comme dirigeants de droit dans les statuts de sociétés dont le gérant de fait est la personne qui leur a demandé ce service. Chaque fois, le gérant les a persuadées que cet engagement n'entraînerait pour elles aucune obligation, qu'elles devraient seulement signer quelques documents, et qu'il prenait lui-même en charge l'ensemble de la gestion de l'entreprise.
Malheureusement, la réalité est bien différente dans le cas où le gérant de fait ne remplit aucune obligation déclarative et de paiement qui incombe à l'entreprise.
Les créanciers, lorsqu'ils demandent le paiement de leurs factures, et l'administration, quand elle procède à des redressements, s'adressent à la personne désignée comme gérante au registre du commerce et des sociétés.
Les contribuables prête-nom sont donc poursuivis en paiement de sommes souvent très élevées et, en tout cas, hors de proportion avec leurs ressources et avec les gains qu'ils ont retirés de l'activité de la société en cause.
Ces situations pénalisent ces dirigeants de droit qui sont, à l'égard des tiers, les représentants légaux des sociétés, et qui n'ont que leur bonne foi à faire valoir pour expliquer leur absence de participation à la gestion de l'entreprise.
Dans ces dossiers, le Médiateur ne peut qu'intervenir en équité ou au plan gracieux, en insistant sur les conséquences difficilement réparables des poursuites engagées, et sur leur caractère injuste, même si elles sont légalement fondées.
C'est ce qu'illustrent les cas suivants.

Réclamation n° 97-3820, transmise par M. Jacques VALADE, sénateur de la Gironde, ancien ministre.

Lorsque M. P... a saisi le Médiateur de la République, il a expliqué qu'il avait servi de prête-nom et accepté d'être le gérant de droit de la société M... Or, son interlocuteur n'avait ni déclaré ni payé la TVA due par la société M...
M. P..., à l'issue d'une procédure judiciaire engagée contre lui, avait été condamné par le tribunal de grande instance au paiement solidaire de la dette de TVA de la société, s'élevant à 1 350 000 F.
La marge d'action du Médiateur était réduite, dès lors que M. P... avait été condamné par le juge au paiement solidaire de cette dette, et que, par ailleurs, l'article L. 247 du livre des procédures fiscales interdit à toute autorité publique de prononcer une remise totale ou partielle d'une dette de TVA.
Seule la situation personnelle de M. P... a pu être invoquée pour demander que la procédure de vente de sa maison par le receveur des impôts soit suspendue.
L'administration a accepté de ne pas mettre en vente cette maison, qui constituait sa résidence principale, et d'attendre qu'il règle sa dette en fonction de ses ressources. Elle s'est, de plus, engagée à lui accorder une modération des pénalités réclamées.

Réclamation n° 96-1346, transmise par M. Jean-Paul AMOUDRY, sénateur de la Haute-Savoie.

M. R ..., pour être agréable à son oncle, avait accepté d'être désigné gérant de droit de la société P..., créée par ce dernier. Il affirmait dans sa lettre au Médiateur qu'il n'avait pourtant jamais dirigé la société, qu'il avait démissionné en 1987, même si sa démission n'avait jamais été publiée, et qu'il n'était absolument pas informé de la gestion de l'entreprise, bien qu'ayant signé tous les documents. Or, il avait découvert, en 1992, que sa responsabilité était engagée à hauteur de 7 416 000 F dans le paiement des dettes de la société.
Insistant sur la bonne foi de l'intéressé et sur sa situation personnelle difficile, le Médiateur est intervenu auprès de l'administration.
Cette dernière a confirmé le bien-fondé de la responsabilité solidaire de M. R... Cependant, en raison d'une erreur de procédure d'imposition, la décharge totale de sa dette lui a été accordée.

Réclamation n° 96-4238, transmise par M. Philippe HOUILLON, député du Val-d'Oise.

De la même façon, le père de Mlle A... a demandé à sa fille de prendre la responsabilité fictive de la gestion du garage qu'il exploitait. Or, il n'a pas réussi à développer son activité, et les dettes fiscales se sont accumulées. Leur paiement a été réclamé à Mlle A..., redevable légal.
Après l'intervention du Médiateur, Mlle A.... a cependant obtenu des dégrèvements en matière de TVA, pour tenir compte des documents comptables qu'elle a réussi à présenter, et une remise de la dette de taxe professionnelle, ramenant ainsi le montant dû à un niveau plus compatible avec ses ressources.

> La souscription aux options fiscales

De nombreuses catégories de revenus sont, en règle générale, soumises à un régime d'imposition déterminé.
Les titulaires de ces revenus peuvent cependant opter, dans certains cas et sous réserve du respect de diverses conditions - par exemple, lorsque les recettes réalisées annuellement n'excèdent pas un plafond fixé par la loi -, pour un régime d'imposition différent de celui auquel ils sont soumis.
C'est ainsi qu'en matière de bénéfices non commerciaux, par exemple, le contribuable qui remplit la condition relative au plafond de recettes peut avoir intérêt à écarter l'application du régime très simplifié de déclaration et d'imposition des bénéfices, au profit du régime de l'évaluation administrative ou du régime réel de la déclaration contrôlée. Ce choix lui permet ainsi de prendre en compte certaines charges ou autres éléments particuliers qui n'auraient pas été retenus dans son régime d'imposition de droit commun.
Les titulaires de bénéfices industriels et commerciaux peuvent, quant à eux, opter, en comparant les avantages et les inconvénients des différents régimes d'imposition dont ils peuvent se prévaloir en fonction de leur situation, soit pour le régime simplifié s'ils sont placés sous le régime du forfait, soit pour le régime du réel normal s'ils relèvent habituellement du régime simplifié. En matière de forfait, en effet, aucun déficit n'est autorisé et les intéressés peuvent donc avoir intérêt à opter pour le régime simplifié.
Des options peuvent également être exercées dans bien d'autres domaines de la fiscalité, par exemple en matière de revenus fonciers (régime du microfoncier), ou par les sociétés à caractère familial qui désirent se placer hors du champ d'application de l'impôt sur les sociétés, ou encore par des contribuables qui souhaitent reporter l'imposition de la plus-value de cession de droits sociaux.
En outre, les assujettis, personnes physiques ou personnes morales, dont l'activité est expressément exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée, sont autorisées, par la loi, à se placer volontairement sous le régime de la TVA en exerçant l'option prévue à cet effet.
Elles peuvent ainsi déduire de la taxe dont elles sont redevables la taxe grevant les investissements et frais d'exploitation, et bénéficier d'un droit à déduction sur des investissements en cours d'utilisation au moment de l'option. Enfin, elles sont exonérées de la taxe sur les salaires.
S'agissant de régimes dérogatoires au droit commun, l'exercice de ces options est soumis à des conditions de fond, de forme et de délais, qui doivent être strictement respectées. Dans le cas contraire, le demandeur s'expose à une remise en cause du bénéfice du régime sollicité.
Les exemples suivants en sont une illustration.

Réclamation n° 95-2630, transmise par Mme Monique ROUSSEAU, ancienne députée du Doubs.

Deux dirigeants d'une entreprise industrielle se sont vu notifier, pour le calcul de leur impôt sur le revenu, une remise en cause du report d'imposition de la plus-value de cession de droits sociaux, dégagée lors d'une opération d'échange de titres.
En effet, s'ils avaient bien opté pour le régime du report d'imposition dans la déclaration d'ensemble des revenus et la déclaration spéciale des plus-values afférentes à l'année de la cession, ils avaient omis, en revanche, de faire apparaître, dans la déclaration des revenus de l'année suivante, les éléments qui devaient permettre à l'administration de suivre cette opération de report, et d'en vérifier le caractère régulier.
Dans cette affaire, il est apparu au Médiateur de la République que les contribuables étaient de bonne foi. Leur omission résultait, en effet, de l'utilisation d'un formulaire de déclaration simplifiée, adressé par le centre des impôts, mais inadapté au cas particulier, dès lors qu'il ne permettait pas de remplir les obligations déclaratives en matière de plus-values.
La sanction paraissait disproportionnée et inéquitable, au regard des circonstances de l'affaire et de l'omission relevée.
Aussi le Médiateur est-il intervenu auprès du ministre compétent, qui a décidé de rétablir le bénéfice du report d'imposition en faveur des deux contribuables.

Réclamation n° 97-4225, transmise par M. Roland METZINGER, député de la Moselle.

Toujours dans le cadre de l'option pour le report d'imposition des plus-values, un autre cas a concerné les plus-values générées par l'apport d'un fonds de commerce à une entreprise individuelle, où la remise en cause de l'octroi de cet avantage résultait du non-accomplissement de certaines formalités ou du dépassement de délais.
Le Médiateur a obtenu le dégrèvement total de l'imposition, après avoir fait valoir les difficultés relatives à la mise en oeuvre d'une procédure administrative nouvelle, les délais nécessaires à la constitution de la nouvelle société, ainsi que la publication tardive du rapport du commissaire aux comptes.

b.4. L'engagement de l'administration : la prise de position formelle

La garantie contre les changements de doctrine de l'administration, prévue aux articles L. 80A et L. 80B du livre des procédures fiscales, a pour objectif de permettre au contribuable de contester son imposition initiale ou les compléments d'impôt issus de redressements, en opposant à l'administration fiscale les décisions qu'elle prend pour l'application d'un texte de portée générale ou pour le règlement d'un cas particulier.
A cet effet, peuvent être opposés à l'administration des documents de portée générale (instructions, circulaires, réponses ministérielles aux questions écrites des parlementaires ... ), ainsi que des décisions individuelles, telles les réponses aux demandes de renseignements ou les décisions écrites comportant des conséquences financières.
L'administration se trouve, en outre, engagée lorsqu'elle a pris position, formellement et par écrit, sur la situation de fait d'un contribuable au regard d'un texte fiscal. Il convient de noter que ces garanties ont été admises à l'origine, dès 1928, par l'administration elle-même, avant toute intervention d'un texte de loi.
Il n'en demeure pas moins que leur mise en oeuvre s'avère fort délicate pour le contribuable, qui a tendance à s'en prévaloir alors même que les conditions très précises fixées par la doctrine et la jurisprudence ne sont, le plus souvent, pas réunies.
C'est ainsi, par exemple, que ne sont pas opposables à l'administration les dispositions des instructions et réponses ministérielles qui se bornent à donner de simples recommandations et laissent une certaine liberté d'appréciation à l'administration.
Les réponses aux demandes de renseignements ne peuvent être invoquées que dans la mesure où elles contiennent une interprétation du texte fiscal, ou - lorsqu'il s'agit d'apprécier une situation de fait au regard d'un texte fiscal - dans la seule hypothèse où le contribuable avait, dans sa demande initiale, présenté sa situation de façon claire, précise et complète.
Pour engager l'administration, ces réponses ou interprétations doivent résulter d'un écrit, signé par un fonctionnaire qualifié, et doivent être notifiées au contribuable.
C'est ainsi que les renseignements verbaux donnés à ce dernier par les services administratifs compétents, ne peuvent être regardés comme engageant l'administration.
En outre, le contribuable ne peut invoquer ni le silence gardé par l'administration sur une demande ou des observations (sauf cas limitativement prévus par la loi), ni le fait que l'imposition primitive ait été établie conformément aux bases qu'il a déclarées, ni l'absence de redressement à la suite d'une vérification.
Par ailleurs, la prise de position doit concerner le contribuable lui-même, celui-ci ne pouvant se prévaloir, pour son cas personnel, de l'appréciation d'une situation de fait concernant d'autres contribuables.
Il est intéressant de noter cependant que le Conseil d'Etat, comme la Cour de cassation, ont admis que les personnes ayant participé à l'acte ou à l'opération qui a donné naissance à la situation de fait sur laquelle l'administration a pris formellement position, peuvent invoquer cette prise de position dont est destinataire une autre partie à cet acte.
S'agissant de l'application de la garantie dans le temps, le contribuable ne peut se prévaloir ni d'une doctrine postérieure à la période d'imposition litigieuse, ni d'une doctrine caduque ou rapportée par l'administration avant les faits.
Dans les réclamations qu'ils adressent au Médiateur de la République, les contribuables invoquent fréquemment des circonstances qui, selon eux, doivent leur permettre de se prévaloir d'une prise de position formelle.
Bien souvent, ils ne comprennent pas que le service des impôts notifie des redressements relatifs à des impositions antérieures, dans la mesure où ils estiment que l'administration avait accepté les énonciations de leur déclaration, puisqu'un avis d'imposition initial avait été établi conformément aux bases déclarées. Ils objectent souvent que les errements qui leur sont reprochés ont été "admis", car non redressés les années antérieures.
Or, il est bien entendu que l'administration ne peut, pour des raisons matérielles, vérifier les millions de déclarations fiscales qu'elle reçoit chaque année, avant même l'émission de l'avis d'imposition. C'est la raison pour laquelle elle dispose, dans le cadre de son pouvoir de contrôle, de la faculté de rehausser les impositions primitives, à l'intérieur du délai de reprise.
Les réclamants invoquent également les indications verbales reçues du centre des impôts, et produisent quelquefois la fiche de visite qui leur a été délivrée, laquelle ne constitue qu'un accusé de réception de leur demande, mentionnant simplement l'objet de la requête, et ne peut donc être considérée comme un document valant prise de position formelle.
Les griefs relatifs aux prises de position différentes, ou à l'absence de redressements concernant des personnes se trouvant dans une situation similaire, peuvent quelquefois s'avérer fondés, lorsque la situation de fait évoquée est strictement identique. Il ne peut être exclu, en effet, que des contribuables soient traités différemment par les services fiscaux, qui peuvent, en fonction des lieux d'imposition, avoir une interprétation divergente des textes ou, tout simplement, ne pas avoir contrôlé tel ou tel contribuable placé dans la même situation.
Dès lors qu'il ne s'agit pas d'une prise de position formelle, dont est destinataire une autre partie ayant participé à l'acte ou à l'opération qui a donné naissance à cette situation de fait, le Médiateur de la République se voit contraint de faire preuve de circonspection. Il convient, en effet, d'éviter que son intervention n'aboutisse à porter atteinte aux droits des tiers, dans l'hypothèse, par exemple, où l'administration serait conduite à adopter une position plus restrictive à l'égard des personnes concernées, par une application littérale des textes.
Cela étant, le Médiateur n'hésite pas, chaque fois qu'il est en mesure de le faire, à opposer à l'administration ses prises de position formelles.

La réclamation n° 97-5514, transmise par M. André SCHNEIDER, député du Bas-Rhin, en témoigne.

M. N... et M. A... versaient une pension alimentaire à leurs ascendants dans le besoin, et disposaient de ressources personnelles suffisantes pour les aider.
Leur mère et grand-mère était invalide à 100 % et, pour des raisons médicales, son entretien nécessitait des besoins financiers supérieurs à la moyenne.
Pour des années antérieures, l'administration fiscale avait expressément admis que les pensions étaient justifiées et déductibles du revenu global, dans une réponse aux observations des contribuables concernés à la suite d'une notification de redressements. Ces derniers avaient, dès lors, étaient abandonnés.
De nouveaux redressements n'étaient donc pas fondés, dans la mesure où la situation de fait était restée strictement identique. Par ailleurs, les dispositions fiscales permettant la déduction d'une pension alimentaire n'avaient pas été rapportées ou modifiées.
L'intervention du Médiateur a permis de rétablir M. N... et M.A.... dans leurs droits, le directeur des services fiscaux ayant décidé d'abandonner les redressements en cause.

b.5. Les régimes fiscaux dérogatoires

> Les réductions d'impôts

En matière d'impôt sur le revenu, de nombreuses réductions d'impôt sont prévues en faveur des contribuables. Elles sont notamment accordées au titre de certaines dépenses à caractère philanthropique ou social, des cotisations syndicales, de diverses dépenses afférentes à l'habitation principale, des primes d'assurance vie, des intérêts des prêts à la consommation, des investissements immobiliers locatifs, de certains investissements réalisés outre-mer, et de la participation des salariés au rachat de leur entreprise.
Pour bénéficier de ces réductions d'impôt, les contribuables doivent impérativement remplir toutes les conditions fixées, liées notamment à la qualité des organismes pour lesquels des versements ont été faits, à la nature des travaux ou des services rendus, et aux caractéristiques spécifiques des immeubles concernés. La justification des paiements effectués est, quant à elle, une condition commune pour l'octroi d'une réduction d'impôt.
Dès lors, les conditions requises s'avèrent souvent complexes, car des caractéristiques techniques doivent être respectées, dont les particuliers n'ont pas nécessairement connaissance. Ils demandent alors, en toute bonne foi, le bénéfice de cet avantage fiscal et sont ensuite très surpris lorsqu'ils subissent un redressement.
Bien qu'ils aient respecté l'esprit de la loi, il est très difficile d'obtenir la réduction d'impôt souhaitée, dans la mesure où toutes les conditions requises ne sont pas présentes. Or, le bénéfice de ces avantages est d'application stricte.
Le Médiateur, saisi de ce type de litiges, n'intervient pas systématiquement. En effet, si les faits relatés font apparaître l'absence d'une condition essentielle à l'octroi de la réduction d'impôt, aucune intervention auprès du service des impôts n'est possible.
Dans d'autres situations, une médiation est tentée, comme le montrent les exemples suivants.

Réclamation n° 95-1822, transmise par M. René MARQUES, sénateur des Pyrénées-Orientales.

M. B... avait déduit des intérêts d'emprunt et des dépenses de grosses réparations effectuées dans son habitation. L'administration avait réintégré les réductions d'impôt calculées initialement, estimant que cette maison constituait sa résidence secondaire, puisqu'il exerçait sa profession à l'étranger.
Après l'intervention du Médiateur de la République, l'administration a considéré qu'elle pourrait accorder la réduction d'impôt, si M. B... justifiait qu'il était présent à ce domicile plus de 183 jours par an, et que cette maison était bien sa résidence principale, condition essentielle pour bénéficier d'une réduction d'impôt.

Réclamation n° 95-0068, transmise par M. Bernard BARBIER, ancien sénateur de la Côte-d'Or.

M. O.... pour sa part, avait procédé à un investissement immobilier locatif en acquérant un logement dans la ville de D... Ayant placé cette acquisition sous le bénéfice de la loi Méhaignerie, il avait bénéficié de la réduction d'impôt attachée à ces investissements en 1991 et 1992, et avait loué son bien à un gendarme par l'intermédiaire du service immobilier de la gendarmerie.
Or, la doctrine administrative précisait que le locataire devait être un particulier, et n'admettait pas les locations faites par l'intermédiaire d'organismes publics et privés. M. O... avait donc vu sa réduction d'impôt mise en cause.
Cependant, en 1995, la loi avait modifié les conditions d'octroi de cette réduction d'impôt et accordé l'avantage fiscal aux contribuables donnant leur logement en location à un organisme public ou privé, qui l'affecte à l'habitation principale de son personnel.
A la suite de l'intervention du Médiateur, M. O... a pu bénéficier à titre gracieux de cette nouvelle réglementation.

Réclamation n° 97-1034, transmise par M. Roger RINCHET, sénateur de la Savoie.

Mme D... avait participé au financement de la campagne électorale d'un candidat en versant la somme de 10 000 F. Elle s'était, cependant, vu refuser la réduction d'impôt prévue à cet effet, car elle avait malencontreusement égaré le reçu officiel qui lui avait été délivré.
Bien qu'ayant transmis un extrait certifié conforme de la liste des donateurs, prouvant sa bonne foi, Mme D... n'avait pu obtenir le bénéfice de la réduction d'impôt.
Le Médiateur, estimant que les éléments communiqués prouvaient le versement effectif des 10 000 F, a demandé à l'administration de revoir sa position.
Celle-ci a reconnu la présomption sérieuse de la réalité du don et accepté, à titre exceptionnel, de faire droit à cette demande.

> Les allègements en faveur des entreprises nouvelles

Les entreprises nouvelles bénéficient, de longue date, d'allègements fiscaux, le législateur ayant institué plusieurs régimes successifs pour favoriser leur création.
Ces allègements consistent à octroyer aux entreprises créées pour exercer une activité nouvelle, ou pour reprendre une entreprise en difficulté, des exonérations totales ou partielles d'imposition de leurs bénéfices, pour une période déterminée.
Les conditions d'octroi de ce régime, la nature des entreprises concernées, l'importance des allègements accordés ont varié en fonction des différents textes de loi qui se sont succédé depuis 1977.
Le dispositif actuel, prévu à l'article 44 sexies du code général des impôts, qui concerne les entreprises créées entre le 1er janvier 1995 et le 31 décembre 1999, permet une exonération des bénéfices réalisés à compter de la date de création de l'entreprise jusqu'au terme du 23e mois suivant celui de sa création, ainsi qu'un abattement de 75 %, 50 % ou 25 % de leur montant, selon que les bénéfices sont réalisés respectivement au cours de la première, de la deuxième ou de la troisième période de douze mois suivant la période d'exonération.
L'exonération de l'imposition forfaitaire annuelle des sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés est également prévue, dans les mêmes proportions.
Le régime de faveur est désormais réservé aux entreprises soumises à un régime réel d'imposition, et limité à celles qui s'implantent dans certaines zones prioritaires d'aménagement du territoire, exerçant soit une activité industrielle et commerciale, soit une activité non commerciale. L'admission au régime de faveur des entreprises exerçant une activité non commerciale constitue une nouveauté, étant précisé, cependant, que seules sont concernées les activités non commerciales soumises de plein droit ou sur option à l'impôt sur les sociétés.
D'autres conditions sont requises, tenant, notamment, à la nature de l'activité de la société, à l'importance de son effectif et à son caractère réellement nouveau.
C'est ainsi que ne sont pas considérées comme des entreprises nouvelles et sont, par conséquent, exclues de ce régime, les entreprises créées dans le cadre d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension d'activités préexistantes, ou qui reprennent de telles activités.
La condition relative au caractère réellement nouveau de l'entreprise se retrouvait également dans les régimes antérieurs. Elle a donné lieu à de nombreux développements par la doctrine administrative, et à de nombreuses solutions jurisprudentielles, qui conservent, a priori, toute leur valeur.
L'appréciation du caractère nouveau de l'entreprise s'avère le plus souvent bien délicate, l'administration ayant tendance à appliquer de manière plutôt stricte les critères dégagés par la doctrine et la jurisprudence. Le juge administratif se réfère, quant à lui, à une démarche pragmatique, fondée sur l'examen des circonstances économiques et juridiques de l'opération de création.
En règle générale, l'administration considère qu'une entreprise qui exerce une partie des activités d'une entreprise préexistante ne peut bénéficier du régime de faveur. Il est, en outre, considéré que l'extension, par une structure juridique indépendante, d'activités préexistantes n'ouvre pas droit à l'application du dispositif d'exonération fiscale.
Cette extension est caractérisée par la réunion de deux éléments. D'une part, l'entreprise créée prolonge l'activité de l'entreprise préexistante ; d'autre part, une communauté d'intérêts existe entre les deux entreprises. Cette communauté peut résulter de liens personnels, financiers ou commerciaux, qui caractérisent une dépendance.
Dans ce contexte, le Médiateur de la République est régulièrement sollicité par des entreprises nouvellement créées, qui se sont trouvées confrontées à la remise en cause de l'exonération d'impôt dont elles entendaient se prévaloir au titre des régimes spéciaux concernant les créations d'entreprises.
Dans une majorité de cas, l'étude du dossier à la lumière des dernières solutions jurisprudentielles conduit à confirmer l'absence de caractère nouveau, au sens de l'article 44 sexies du code général des impôts.
Bien entendu, lorsqu'il apparaît que certaines des conditions fixées par les textes peuvent, par une appréciation stricte, ne pas être considérées comme étant réunies, mais que la création semble pourtant bien répondre à l'esprit de la loi, le Médiateur intervient toujours en faveur des contribuables concernés, en insistant sur les circonstances de fait qui justifieraient l'octroi du régime de faveur.

La réclamation n° 97-3110, transmise par M. Jacques GUYARD, député de l'Essonne, en est l'illustration.

Mme P..., gérante d'une entreprise individuelle d'informatique nouvellement créée, avait fait l'objet de redressements pour les années 1993 et 1994, le service des impôts considérant qu'elle ne pouvait bénéficier des mesures d'exonération au motif que la fourniture de prestations d'enseignement à caractère non commercial, même exercée à titre accessoire, conduisait à l'exclure du dispositif de faveur.
Mme P... ne contestait pas le fait que l'entreprise exerçait une activité d'analyse et de conseil accessoirement à une activité principale de montage et distribution de matériels.
Licenciée pour des raisons économiques et n'ayant pu retrouver d'emploi, elle avait créé cette entreprise, et l'existence du régime fiscal de faveur était un des éléments qui avaient contribué à sa décision. Elle avait, en outre, interrogé le service des impôts sur l'octroi de cette exonération, et elle aurait été en mesure, si elle avait obtenu une réponse, de séparer les deux activités afin de se trouver en conformité avec les textes et d'éviter les redressements auxquels elle était soumise.
Le Médiateur de la République, saisi du dossier, a cependant constaté que la situation de Mme P..., analysée dans le cadre du régime fiscal en vigueur à l'époque de la création de l'entreprise, et à la lumière de la doctrine administrative, pouvait ouvrir droit au bénéfice de ce régime.
En effet, l'article 44 sexies du code général des impôts s'appliquait alors aux entreprises exerçant une activité industrielle, commerciale et artisanale. Si une société qui exerçait une activité de prestations de services intellectuels ne pouvait bénéficier du dispositif, il en allait autrement lorsque, en raison de l'importance de la main-d'oeuvre employée, des moyens matériels utilisés et des capitaux investis, elle pouvait être regardée sur le plan fiscal comme se livrant à une activité commerciale.
Dès lors, après l'intervention du Médiateur, qui a précisé les conditions d'exercice de l'activité individuelle de Mme P..., le directeur des services fiscaux compétent a prononcé le dégrèvement total de l'impôt sur le revenu.
Malheureusement, ce type d'intervention n'est couronné de succès que dans de faibles proportions.


C. Eviter que le contrôle fiscal conduise à des situations irréparables


a. Eviter la précarité et l'exclusion

a. 1. Le surendettement du contribuable

Afin d'éviter que le surendettement des particuliers les conduise à des situations de précarité et d'exclusion irréversibles, le législateur a mis en place des instances dont l'objectif est d'assainir ou de rétablir les capacités financières des intéressés.
La commission de surendettement, créée par la loi n° 89.1010 du 31 décembre 1989 modifiée par les lois n° 95.125 du 8 février 1995 et 98.657 du 29 juillet 1998 (dispositions codifiées sous les articles L. 331.1 et suivants du code de la consommation) intervient plus particulièrement dans la prévention et le règlement des difficultés rencontrées par les particuliers dans le cadre des crédits à la consommation.
La commission des chefs des services financiers du département, créée par le décret n° 63.1191 du 2 décembre 1963, est compétente en matière de dettes fiscales et sociales.
Ces deux commissions sont indépendantes, mais le trésorier-payeur général, qui est président de la commission des chefs des services financiers et membre de la commission de surendettement, assure la liaison entre elles.
Le contrôle fiscal, qui aboutit parfois à des redressements très importants, peut induire ou aggraver des situations de surendettement du contribuable lui-même ou de personnes dont la solidarité dans le paiement de l'impôt est mise en cause.
Toutefois, en matière fiscale, compte tenu du principe de l'égalité des citoyens devant la loi et de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics, les pouvoirs de la commission de surendettement et de la commission des chefs des services financiers sont limités par un cadre législatif et réglementaire très strict.
Il en résulte que jusqu'à la promulgation de la loi du 29 juillet 1998, relative à la lutte contre les exclusions, la commission de surendettement ne disposait, en cas d'échec de sa mission de conciliation, d'aucun pouvoir contraignant à l'égard des administrations financières. Un pouvoir de recommandation lui est désormais accordé dans certaines situations. Par ailleurs, la commission des chefs de services financiers ne dispose que d'un pouvoir d'appréciation limité pour accorder des délais de règlement ou des remises gracieuses.
Cet état de fait engendre parfois des difficultés pour le contribuable surendetté. Lorsque de telles situations sont portées à sa connaissance, le Médiateur de la République s'efforce, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par les textes, de trouver une solution qui préserve les situations individuelles tout en respectant l'intérêt général.
La réclamation n° 95-1001, transmise par Mme Françoise de VEYRINAS, ancienne députée de la Haute-Garonne, ancienne ministre, en témoigne.
M. P..., en situation de surendettement, avait bénéficié d'un jugement de redressement judiciaire civil destiné à apurer ses dettes à l'égard de ses créanciers privés.
Le Trésor public, qui n'était pas concerné par cette mesure, avait intenté, à son égard, des poursuites en vue de recouvrer les impôts restant dus.
M. P... était, par ailleurs, redevable d'une pension alimentaire pour l'entretien de ses enfants mineurs.
Sa situation financière ne lui permettait pas de faire face à toutes ses obligations.
L'intervention du Médiateur de la République dans cette affaire a permis à M. P... d'obtenir une remise gracieuse partielle de ses impôts, et de l'aider ainsi à assumer ses responsabilités familiales et à respecter ses engagements privés.

a.2. Les mesures gracieuses

Le législateur a prévu un ensemble de mesures gracieuses qui peuvent être sollicitées par le contribuable lui-même ou par le tiers dont la responsabilité est mise en cause dans le paiement de l'impôt. Cela a pour conséquence d'atténuer la rigueur du contrôle fiscal.
L'intervention du Médiateur de la République s'appuie, dans de très nombreux cas, sur les possibilités qu'ouvrent ces mesures gracieuses. Elles peuvent permettre au contribuable placé dans une situation personnelle et financière précaire d'éviter de recourir à des procédures contentieuses longues, coûteuses et parfois aléatoires.

> La remise

La remise porte sur le principal de l'impôt ou sur les pénalités.
La remise sur le principal ne concerne que les impôts directs, à l'exclusion, par conséquent, de la TVA et des droits d'enregistrement, et ne peut être accordée que pour cause de gêne ou d'indigence du contribuable.
Elle donne lieu à l'examen, par l'administration, de la situation personnelle du contribuable.
En général, l'administration accueille favorablement les demandes formulées par les redevables dont la situation requiert une attention particulière (personnes âgées, demandeurs d'emploi, victimes de calamités...), comme le montre la réclamation n° 97-4449, transmise par M. Jean-Pierre BRARD, député de la Seine-Saint-Denis.
M. W... qui, en raison de difficultés financières liées à son divorce, n'avait pu s'acquitter de son impôt sur le revenu, avait fait l'objet d'un avis à tiers détenteur auprès de son employeur.
Ce dernier avait effectué les prélèvements sur le salaire de M. W..., mais n'en avait pas réglé le montant au Trésor public. A la suite d'une procédure de règlement judiciaire, l'entreprise avait disparu.
M. W... continuait donc de faire l'objet de poursuites de la part du Trésor public.
Par ailleurs, son état de santé ne lui permettait plus d'exercer une activité professionnelle.
L'intervention du Médiateur de la République auprès de l'administration fiscale a permis à M. W... d'obtenir une remise gracieuse de la totalité de l'impôt sur le revenu dont il restait redevable.
La remise peut également porter sur les pénalités, quelle que soit la nature de l'impôt dû en principal (impôts directs ou indirects). Elle est en général accordée, compte tenu de la situation financière du redevable, mais d'autres motifs peuvent être pris en considération.
Il en est ainsi dans les deux exemples suivants.

Réclamation n° 97-2213, transmise par Mme Marie-Josée ROIG, ancienne députée du Vaucluse.

M. et Mme B..., redevables d'une dette ancienne de TVA qu'ils acquittaient ponctuellement suivant un plan de règlement échelonné, se sont vu accorder, après l'intervention du Médiateur de la République, une remise partielle de majoration. Leur situation financière, quoique modeste, n'était cependant pas précaire. Leur bon comportement fiscal a été déterminant.

Réclamation n° 98-1252, transmise par M. François LESEIN, ancien sénateur de l'Aisne.

Mme D... a également bénéficié, grâce à l'intervention du Médiateur, d'une mesure de faveur, alors qu'elle avait fait l'objet d'un redressement pour n'avoir pas déclaré la prestation compensatoire versée par son ex-mari.
Eu égard à sa bonne foi et à sa situation financière délicate, l'administration fiscale a accepté de lui accorder le bénéfice de l'abattement forfaitaire de 20 % sur les sommes redressées, et a prononcé la remise totale des intérêts de retard.

> La transaction

La transaction intervient, en général, dans le cadre d'un contrôle fiscal. C'est une procédure contractuelle entre l'administration et le contribuable.
Elle ne permet d'atténuer que les amendes fiscales ou les majorations d'impôt.
En contrepartie, le redevable prend l'engagement de régler les sommes laissées à sa charge et de renoncer à toute procédure contentieuse ultérieure.
Cette procédure peut intervenir en dehors de toute situation de gêne ou d'indigence du redevable. Elle constitue, cependant, une solution négociée de nature à préserver, le cas échéant, sa situation financière.

La réclamation n° 97-2817, transmise par M. Serge MATHIEU, sénateur du Rhône, en est un exemple.

M. G..., convaincu de son bon droit malgré un jugement en première instance défavorable, contestait le bien-fondé d'un redressement dont il avait fait l'objet.
L'intervention du Médiateur de la République a permis une reprise du dialogue entre M. G... et le directeur des services fiscaux.
Une transaction, comportant une remise importante des droits et pénalités, proposée par l'administration, a été acceptée par M. G..., En contrepartie, le requérant s'est désisté du recours qu'il avait introduit devant la cour administrative d'appel. Un accord équitable consenti par les parties a ainsi permis de mettre un terme à l'action contentieuse.

> La demande de décharge de responsabilité du tiers mis en cause

Le tiers dont la responsabilité est mise en cause à l'occasion du recouvrement de l'impôt peut demander à en être déchargé.
Cette décharge n'éteint pas la dette du contribuable initial. L'indigence ou la gêne financière du tiers mis en cause sont souvent déterminantes dans l'acceptation de la décharge de responsabilité, comme l'illustre la réclamation n° 97-4342, transmise par M. Tony DREYFUS, député de Paris, ancien ministre.
La responsabilité de M. B... avait été mise en cause dans le paiement des impôts dus par son couple en instance de divorce.
Or, M. B..., qui avait déjà payé une partie des impositions réclamées, devait faire face à une situation financière difficile.
L'intervention du Médiateur de la République auprès du trésorier-payeur général a permis la décharge de responsabilité de M. B...

> L'admission en non-valeur

En marge des mesures gracieuses qui peuvent être accordées au contribuable, la procédure d'admission en non-valeur permet au comptable public de dégager sa responsabilité pécuniaire dans les cas où, malgré sa diligence, il n'a pu aboutir au recouvrement de l'impôt pour cause d'insolvabilité du redevable.
Cette procédure exceptionnelle, prise à l'initiative du comptable public, conduit à la suspension des poursuites à l'égard du redevable.
Elle n'éteint pas la dette à l'égard du Trésor public. Des poursuites peuvent être à nouveau engagées si le contribuable revient à meilleure fortune.
L'admission en non-valeur ne constitue pas une remise gracieuse accordée au redevable. Toutefois, il en bénéficie indirectement, aussi longtemps que sa situation financière le justifie, puisqu'elle dispense le comptable public d'effectuer des poursuites.

a.3. L'action en équité

Bien que la loi du 3 janvier 1973 modifiée lui reconnaisse le droit de proposer des solutions permettant de régler un litige en équité, le Médiateur de la République use avec prudence de cette faculté en matière fiscale, considérant que, dans un État de droit, une telle action, qui est un correctif à la loi et au principe d'égalité des citoyens devant l'impôt, ne peut qu'être exceptionnelle.
Bien évidemment, cette réserve ne fait pas obstacle à ce que le Médiateur intervienne au plan purement gracieux, comme dans les cas évoqués précédemment, lorsque le contribuable se trouve en situation de précarité et d'exclusion sociale.
L'intervention en équité est donc limitée aux cas dans lesquels la stricte application d'un texte conduit à des situations très pénalisantes et comporte des risques graves de précarisation.

C'est ce que montre la réclamation n° 96-3715, transmise par M. Jean-Yves CHAMARD, ancien député de la Vienne.

L'imposition régulière des revenus perçus, en 1992, par M. R..., conduisait à une situation manifestement inéquitable.
Licencié pour motif économique en 1983, M. R..., qui ne disposait pas de ressources personnelles, a du attendre l'année de sa mise à la retraite, 1992, pour commencer à percevoir une pension. Malheureusement, cette même année, il a eu la surprise de recevoir un rappel de salaires portant sur la période 1983-1991, pour un montant de 200 000 F environ, soit 9 annuités moyennes de 22 000 F.
Or, cette régularisation globale et tardive a eu pour effet, au niveau de son impôt sur le revenu, de rendre imposables les rappels de salaires et de les soumettre automatiquement à des tranches d'imposition très élevées par rapport à sa situation antérieure et à la modicité de sa pension de retraite.
Par ailleurs, par malchance pour M. R..., c'est précisément en 1992 que le législateur a changé les règles d'imposition des revenus exceptionnels ou différés, en adoptant le système du quotient, codifié sous l'article 163 OA du code général des impôts, qui s'est révélé beaucoup plus pénalisant que l'ancien système d'étalement des revenus sur les quatre dernières années.
La situation de M. R... étant apparue manifestement inéquitable, le Médiateur a proposé, et obtenu, que l'imposition soit, au moins, réduite par l'intermédiaire d'une remise gracieuse, à hauteur de celle qui aurait résulté de l'ancien système d'étalement des revenus différés.

b. Eviter les disparitions d'entreprises

Les importants redressements notifiés aux entreprises à l'issue d'une vérification de comptabilité, et plus particulièrement lorsqu'est mise en oeuvre la procédure de taxation d'office en cas de défaut de production des pièces demandées, peuvent avoir, à plus ou moins long terme, des conséquences néfastes sur la poursuite de l'activité et, par conséquent, sur l'emploi.
La situation de l'entreprise peut atteindre rapidement un seuil critique lorsqu'elle est confrontée à une taxation d'office, ou à la remise en cause d'importantes exonérations d'impôts dont elle entendait se prévaloir. Par exemple, en qualité d'entreprise nouvelle, elle n'est pas en mesure d'apporter la preuve, qui lui incombe, de la surtaxation, ou de la réunion des conditions subordonnant l'octroi de ces exonérations, alors même que sa bonne foi n'est pas en cause.
Le Médiateur de la République est régulièrement saisi par des entreprises dont le développement est contrarié par un contrôle fiscal inattendu, et qui se sentent écrasées Il par la toute-puissance de la " machine fiscale".
Il est vrai que, dans des cas où les redressements notifiés à l'entreprise se révèlent infondés à l'issue d'une longue procédure contentieuse, ceux-ci peuvent contribuer, pour une bonne part, à la cessation des paiements. Cette situation peut se rencontrer, notamment, lorsque le sursis de paiement n'a pas été obtenu par le contribuable, et que des poursuites ont été engagées par le Trésor public ou par le comptable des impôts pour le recouvrement des impositions (avis à tiers détenteur, par exemple).
En effet, l'entreprise en difficulté ne peut, bien souvent, obtenir le sursis de paiement pour la durée de l'instruction de sa réclamation contentieuse, lorsqu'elle n'est pas en mesure de fournir des garanties suffisantes.
Tel est le cas quand les organismes bancaires, informés de l'importance des redressements notifiés et des conséquences possibles sur la pérennité de l'entreprise, considèrent cette dette fiscale, bien que non encore définitive, comme une cause d'accroissement du passif, et refusent tout nouveau concours financier, notamment la fourniture d'un cautionnement, qui aurait justement pu permettre l'octroi du sursis de paiement.
Il convient, cependant, de noter que les entreprises qui font l'objet d'une procédure de règlement amiable de leurs créances autres que fiscales (délais de paiement, suspension des actions en justice), peuvent obtenir du juge judiciaire qu'il impose l'octroi de délais pour les créances fiscales.
Le recouvrement des impositions est facilité par la mise en oeuvre du privilège du Trésor, sûreté réelle qui garantit le recouvrement de la créance, et qui fait l'objet de mesures de publicité permettant aux tiers, créanciers de l'entreprise et relations d'affaires, de connaître l'existence de dettes fiscales privilégiées, ainsi que leur montant, alors que celui-ci n'est pas définitif.
Le privilège du Trésor, qui s'applique également aux majorations et frais de poursuites, est publié, malgré l'octroi de délais de paiement ou de sursis de paiement, le contribuable ayant simplement la possibilité, dans ce dernier cas, de faire mentionner l'existence de la contestation en cours en marge de la publication.
Cette dernière mesure, qui a pour objectif d'atténuer la portée de la publicité du privilège, ne permet pas, cependant, de faire obstacle au préjudice causé par cette publicité dans les relations de l'entreprise avec ses banquiers et fournisseurs.
Dans ce contexte, les erreurs commises par l'administration dans l'établissement de l'impôt ou au cours de la procédure de recouvrement, peuvent être très lourdes de conséquences, sans qu'il soit toujours possible d'obtenir l'engagement de la responsabilité de l'Etat, même pour faute simple, lorsque la démonstration d'un lien de causalité directe entre la faute et le préjudice subi ne peut être faite.
Le Médiateur de la République, intercesseur amiable, ne peut, lorsqu'il ne dispose d'aucun élément de droit à faire valoir, qu'inviter l'administration à adopter une position susceptible de permettre à l'entreprise de poursuivre son activité et de maintenir l'emploi, l'engagement de la responsabilité de l'Etat étant de la compétence des tribunaux.

La réclamation n° 93-2976, transmise par M. François LESEIN, ancien sénateur de l'Aisne, en est l'illustration.

La société R... avait fait l'objet d'une reconstitution de son chiffre d'affaires, l'administration ayant considéré que les faits constatés au cours du contrôle permettaient d'établir que l'entreprise avait minoré ses recettes.
La société R... avait contesté, en vain, les importants redressements d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, assortis des pénalités de mauvaise foi, qui lui avaient été notifiés.
L'exigibilité de cette dette fiscale avait aggravé l'état de la trésorerie de l'entreprise, jusqu'à la placer en situation de redressement judiciaire, menaçant ainsi sa pérennité et l'emploi de son personnel.
Saisi de cette situation préoccupante, le Médiateur a réexaminé le dossier et conclu que les manquements constatés ne retiraient pas à la comptabilité son caractère probant.
Cette argumentation a convaincu l'administration, qui a finalement admis que les erreurs relevées n'étaient pas de nature à permettre le rejet de la comptabilité de l'entreprise. Cela a permis l'abandon des rappels d'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée, issus de la reconstitution de recettes, ainsi que des pénalités de mauvaise foi.
Cette décision a très largement allégé la dette fiscale de la société R..., ce qui a contribué à permettre la poursuite de son exploitation, ainsi que l'a précisé l'entreprise au Médiateur dans une lettre de remerciements.
Ce n'est mettre en cause ni les prérogatives nécessaires dont doit disposer l'Etat en matière de contrôle fiscal, ni l'action difficile des fonctionnaires qui en sont chargés, que de constater que le contrôle aboutit, dans certains cas, à placer le citoyen ou l'entreprise contrôlés dans des situations délicates, parfois lourdes de conséquences jusqu'à être insurmontables, d'autant plus qu'elles revêtent pour eux un caractère souvent imprévisible.
Conformément à la mission que la loi lui a assignée, il est donc du devoir du Médiateur de la République d'agir auprès de l'administration pour répondre aux difficultés de ces particuliers et de ces entreprises légitimement fondés à se plaindre, afin de limiter, chaque fois qu'il le peut, les effets dommageables du contrôle fiscal au plan économique, social et/ou humain.


LE SECTEUR JUSTICE / URBANISME


Le secteur justice traite les réclamations qui opposent une personne au service public de la justice. Si le Médiateur de la République peut connaître du fonctionnement de ce service public, en revanche, il ne Peut pas intervenir au coeur même de l'activité judiciaire, c'est-à-dire dans l'exercice de la fonction juridictionnelle.
L'interprétation de l'article 11 de la loi du 3 janvier 1973, qui est le texte de référence à cet égard, a donné lieu à un chapitre du rapport d'activité du Médiateur de la République pour l'année 1995.
Il a été admis que tout ce qui ne ressortait pas de l'exercice de la fonction juridictionnelle ressortait du service public de la justice.
C'est dans ces conditions que le Médiateur de la République se reconnaît compétent pour tout ce qui relève des tâches administratives exercées par les membres des juridictions : nationalité, état civil, tutelles des incapables par exemple.
De même, il intervient en cas de dysfonctionnement du service public, lorsque des dossiers juridictionnels s'égarent, lorsqu'il existe des irrégularités dans les convocations des parties à un procès, en matière d'aide juridictionnelle, etc...
Enfin, les détenus, dont la surveillance est assurée par l'administration pénitentiaire, peuvent saisir le Médiateur, qui est en mesure d'intervenir auprès de cette administration en cas de dysfonctionnement.
Un certain nombre de réclamations adressées au secteur concernent des auxiliaires de justice, révélant notamment les difficultés rencontrées pour parvenir à l'exécution des décisions de justice.
Chacune des professions d'auxiliaire de justice (notaires, avocats, mandataires judiciaires chargés des entreprises en faillite) exerce ses fonctions sous le contrôle des autorités judiciaires. Ce contrôle est donc d'ordre administratif Lorsque des réclamations concernant les agissements des auxiliaires de justice lui sont adressées, le Médiateur intervient auprès des autorités judiciaires, afin de s'assurer de l'exercice de leur fonction de contrôle.
Beaucoup de dossiers adressés à la Médiature opposent des personnes privées, et ont donné lieu à des décisions de justice. En l'absence de compétence du Médiateur concernant l'exercice de la fonction juridictionnelle, ces dossiers sont rejetés au niveau du secteur d'orientation des réclamations de la Médiature.
Plusieurs types de dossiers, relatifs à certains domaines juridiques, sont récurrents.
Il en est ainsi, notamment, en matière :
- de tutelle, où aucune disposition réglementaire ne précise la procédure d'inscription ou de radiation des personnes physiques ou morales sur les listes des gérants de tutelle ;
- d'aide juridictionnelle, où il a été constaté un dysfonctionnement des bureaux d'aide juridictionnelle établis près les tribunaux de grande instance, la Cour de cassation et le Conseil d'Etat.
Le Médiateur de la République a ainsi été amené à faire des propositions de réforme sur ces questions.
Par ailleurs, les particuliers sont très souvent confrontés à des difficultés concernant la délivrance des certificats de nationalité française.
En effet, la circulaire du ministère de l'Intérieur du 21 février 1996, relative à la délivrance des cartes nationales d'identité sécurisées, n'apparaît pas toujours appliquée, entraînant une importante demande de pièces d'état civil, et de longs délais pour obtenir un certificat de nationalité française, lequel permettra ensuite aux autorités administratives d'établir une carte nationale d'identité sécurisée.
Les particuliers rencontrent également des difficultés en matière d'état civil liées au fait que, voyageant de plus en plus, ils font dresser leurs actes d'état civil à l'étranger. Ces actes contiennent parfois des omissions ou erreurs matérielles nécessitant une rectification.
Pour sa part, le secteur urbanisme, qui recouvre essentiellement le champ de compétence des ministères de l'Equipement et de l'Environnement, traite de réclamations très diverses, qui concernent de larges pans de la législation et de la réglementation. On peut notamment citer ceux qui sont relatifs :
- aux autorisations d'occupation du sol (permis de construire, autorisations de lotir, déclarations de travaux, servitudes diverses...) ;
- à la contestation des options d'aménagement retenues par les autorités publiques (schémas directeurs, plans d'occupation des sols...) ;
- à la défense de l'environnement et, notamment, aux nuisances causées par des infrastructures (TGV, autoroutes et routes, ouvrages EDF...) ou par des installations classées (activités polluantes...) ;
- à la réalisation d'ouvrages publics portant atteinte à des intérêts particuliers (contentieux de l'expropriation, droit de préemption, dommages de travaux publics...) ;
- aux conditions d'obtention de subventions liées au logement (subventions ANAH, PAH) ;
- à la taxation des opérations d'urbanisme ;
- à la délimitation et à l'occupation du domaine public ;
- à l'entretien de la voirie et à ses aménagements.
Les décisions administratives contestées émanent d'autorités multiples. Cela explique la diversité des interlocuteurs du Médiateur en cette matière :
- autorités décentralisées (maires et conseils municipaux, conseils généraux et régionaux, syndicats intercommunaux, communautés urbaines) ;
- Etat (préfets, administrations centrales, services déconcentrés : DDE, DDAF, DDASS) ;
- grands services publics (EDF, SNCF, etc...).
L'instruction de ces réclamations tient compte du principe selon lequel les maires ont la maîtrise de l'urbanisme dans leur commune, ce qui exclut toute intervention du Médiateur tendant à la remise en cause de leurs options urbanistiques, qui doivent cependant être cohérentes avec les contraintes nationales (loi littoral, loi montagne, loi du 2 février 1995 relative aux zones à risques naturels majeurs).
En pratique, peu de litiges concernent des zones fortement urbanisées, car l'espace y est déjà occupé et organisé.
La juxtaposition des compétences des autorités étatiques et décentralisées, ainsi que l'enchevêtrement entre les règles nationales et les règles locales particulières élaborées par les autorités locales, ne facilitent pas la tâche des auteurs de décisions administratives, qui doivent privilégier l'intérêt général par rapport aux intérêts particuliers.
Or, les réclamations adressées au Médiateur de la République tendent, par définition, à la protection d'un intérêt particulier. Il lui appartient alors de rechercher une solution qui concilie ces deux intérêts souvent contradictoires.
L'objet de l'intervention du Médiateur est, dans ce maquis juridique, de proposer aux autorités locales une solution conforme à la règle de droit, préservant l'intérêt général, mais tenant compte d'éléments juridiques ou matériels qui n'avaient pas été pris en considération initialement. Préalablement, il réunira donc des éléments d'informations émanant des divers services.
Globalement, les réclamations concernant l'urbanisme proprement dit représentent environ 75 % de l'activité du secteur. Le reste relève de l'environnement, pris au sens large. Il est à noter que cette dernière part tend à augmenter légèrement au fil des ans, preuve que les citoyens sont de plus en plus sensibilisés à la préservation de l'environnement.
Ce phénomène se retrouve dans la typologie des auteurs des réclamations. La saisine du Médiateur de la République par des associations (environ 10 % aujourd'hui pour le secteur urbanisme) s'accroît par rapport aux réclamations purement individuelles.
En outre, un grand nombre de ces litiges font intervenir des tiers, dont les intérêts ne sauraient être méconnus sous peine de compromettre toute mise en place d'une solution au problème posé (cas de voisins par rapport à un titulaire de permis de construire, par exemple).
Bien souvent, ce sont des petites communes qui sont en cause : elles maîtrisent parfois mal les aspects juridiques des problèmes d'urbanisme du fait de l'absence de moyens. Le Médiateur doit donc souvent jouer auprès d'elles un rôle pédagogique. Sous cet angle, il s'avère plus facile pour le Médiateur de la République de dialoguer avec les services de l'Etat ou des collectivités publiques importantes (grandes villes, départements ou régions).
Ainsi, le Médiateur a globalement un rôle influent de proposition, et il est intéressant de constater que les autorités mises en cause se "rallient" souvent à la solution suggérée.
Selon la nature du litige, il peut s'agir, pour le service public mis en cause, de rapporter ou amender un acte ou bien de procéder à une réparation, qui peut être soit pécuniaire, soit matérielle. Dans ces circonstances, le Médiateur veille à ce que la décision administrative prise à la suite de son intervention n'ait pas pour effet de porter atteinte aux droits des tiers.
La transaction, reconnue comme mode de règlement amiable des différends, et prévue notamment par la circulaire du 6 février 1995 (dite "circulaire Balladur"), donne un cadre d'action au Médiateur de la République, et permet de régler un certain nombre de litiges.
Dans ce cadre, des protocoles d'accord finalisent la solution retenue, étant précisé qu'en principe, le Médiateur n'intervient pas dans la rédaction de ces actes consensuels.


1.CAS SIGNIFICATIF


Succession - Mise sous scellés

Réclamation n° 95-4142

Le 2 février 1993, Mme B... a déposé une bague de valeur chez M. L..., bijoutier, afin de la faire ajuster. Deux jours plus tard, elle apprenait par la presse le suicide du bijoutier et le décès de son épouse.
A la suite de ces événements, les scellés ayant été apposés sur les biens successoraux, la fille unique de M. et Mme L... n'a accepté la succession de ses parents que sous "bénéfice d'inventaire".
Avisé de cette situation par le tribunal d'instance de la ville de T... le notaire chargé de la succession n'a procédé à aucune opération et a ainsi bloqué la restitution de la bague déposée par Mme B... Celle-ci, devant l'impossibilité de recouvrer son bien, a sollicité l'intervention du Médiateur de la République.
A l'issue de longues procédures judiciaires, un administrateur ad hoc, Me F... a finalement été désigné par ordonnance du président du tribunal de grande instance de la ville de T... pour procéder à la restitution d'objets confiés à M. L...
Ainsi, grâce à l'intervention du Médiateur de la République auprès de Me F... afin d'accélérer cette restitution, Mme B... a pu récupérer sa bague le 25 mars 1997.
Constructibilité d'un terrain

Réclamation n° 96-1177, transmise par M. Jean-Pierre TIZON, ancien sénateur de la Manche

M. et Mme L... ont acheté un terrain, le 22 août 1990, en vue d'y construire une maison d'habitation.
Ils ont acquis ce terrain sur la foi d'un certificat d'urbanisme positif, qui leur avait été délivré le 12 juillet 1990. Ce certificat se bornait à attirer l'attention de M. et Mme L... sur le fait que ce terrain se trouvait en "site inscrit", ce qui impliquait, pour ses acquéreurs, de soumettre tout projet de construction à l'avis simple de l'architecte des Bâtiments de France.
Ce document ne précisait pas que le secteur dans lequel M. et Mme L... voulaient acheter leur terrain avait fait l'objet d'un "décret de classement", publié au Journal officiel le 30 mars 1990, qui soumettait tout projet de construction dans cette zone à l'autorisation du ministre chargé des sites.
Ce n'est qu'à l'occasion du dépôt de leur demande de permis de construire, le 13 juin 1991, que M. et Mme L... ont appris qu'ils devaient obtenir un avis ministériel conforme pour réaliser leur projet.
Malheureusement, l'avis ministériel, rendu le 15 juin 1993, était négatif, considérant que la construction prévue était de nature à "porter une atteinte très importante à l'environnement".
Estimant que les informations incomplètes contenues dans le certificat d'urbanisme, produit le 12 juillet 1990, étaient à l'origine de leur préjudice, les époux L... ont saisi le juge administratif d'un recours en indemnité, le 14 octobre 1996.
En marge de cette action contentieuse, ils ont sollicité l'intervention du Médiateur de la République pour parvenir à dégager une solution amiable.
L'examen du dossier a permis de dégager une double responsabilité :
- une responsabilité de la commune de M.... dont le maire avait signé le certificat d'urbanisme incriminé, sur la base d'un plan d'occupation des sols qui n'avait pas été mis à jour immédiatement après la parution du décret de classement au Journal officiel ;
- une responsabilité de l'Etat, étant donné que le service de l'équipement chargé de l'instruction du certificat d'urbanisme n'avait, à aucun moment, appelé l'attention du maire de la commune de M... sur l'existence légale de cette servitude publique, et que les services préfectoraux n'ont envoyé ampliation de cette décision au maire que le 14 septembre 1990.
Le 26 janvier 1998, à l'issue de plusieurs actions de médiation, le ministre de l'Environnement acceptait une transaction amiable, reposant sur une reconnaissance de responsabilité de l'Etat à hauteur de 40 % du préjudice subi par les époux L..., soit le versement d'une indemnité compensatrice d'un montant de 129 841,27 F.

Etat civil - Numéro de sécurité sociale

Réclamation n° 96-1398, transmise par M. François LEOTARD, député du Var, ancien ministre

Au mois de mars 1977, le tribunal de grande instance (TGI) de la ville dA... a prononcé, à la requête des époux B..., l'adoption plénière en leur faveur d'une petite fille née au Viêt-Nam en février 1975.
Ce jugement a bien été transcrit sur les registres du ministère des Affaires étrangères (à Nantes), mais cette transcription, qui tient lieu d'acte de naissance, ne mentionne ni le lieu ni la date de naissance de l'enfant. Cet état incomplet de son état civil pose aujourd'hui de nombreux problèmes à Mlle B... dans l'accomplissement de ses démarches administratives.
Etudiante, et n'arrivant pas à obtenir un numéro d'identification de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), Mlle B... a souhaité l'intervention du Médiateur de la République.
Ce numéro d'identification est, en effet, très important : c'est le numéro de sécurité sociale utilisé par les organismes sociaux. Ces numéros sont attribués par l'INSEE, qui gère, à cet effet, le Répertoire national d'identification des personnes physiques (RNIPP). L'immatriculation à la Sécurité sociale des étudiants est à la charge des caisses primaires d'assurance maladie (CPAM). Celles-ci reçoivent des listes d'élèves de la part des rectorats, et doivent interroger le RNIPP.
Les personnes qui n'ont pas été identifiées au répertoire se voient délivrer un numéro provisoire par les CPAM.
A l'issue des démarches qu'il a entreprises, le Médiateur de la République a reçu l'assurance que l'immatriculation de la fille de Mlle B... serait effectuée.
Au cas où Mlle B... souhaiterait aller plus loin dans l'établissement de son état civil, le Médiateur lui a indiqué les démarches permettant de compléter les indications contenues dans son acte de naissance. Il lui a ainsi fait savoir que, le TGI de la ville d'A... n'ayant fixé ni sa date ni son lieu de naissance, une procédure gracieuse, en attribution de ces date et lieu de naissance, lui était ouverte par simple requête adressée au président de la juridiction compétente. En la matière, le tribunal territorialement compétent est soit celui du domicile du requérant, soit celui du lieu d'établissement de son acte de naissance.

Etablissement d'un état civil

Réclamation n° 96-1972, transmise par M. Pierre BIARNES, sénateur des Français établis hors de France

Mlle A.... prise en charge par ATD Quart-Monde, ignore ses date et lieu de naissance.
Elle serait née d'une mère ayant accouché sous X, le 19 décembre d'une année comprise entre 1955 et 1958.
Mlle A... aurait été adoptée par une famille habitant Lyon et aurait eu trois frères. Elle se souvient du nom de deux écoles où elle serait allée à Lyon.
Elle s'est enfuie de chez ses parents adoptifs vers l'âge de 13 ou 14 ans, parcourant la France et l'Europe sans le moindre document administratif la concernant.
Malgré les démarches qu'elle a effectuées, Mlle A... n'a jamais pu trouver trace de son acte de naissance.
Par l'intermédiaire d'ATD Quart-Monde, elle a souhaité l'intervention du Médiateur de la République pour l'aider à établir son état civil.
A la suite des démarches et enquêtes menées par le Médiateur de la République, le parquet de Paris, après audition de l'intéressée, a présenté une requête à la chambre du conseil du tribunal de grande instance de Paris, aux fins de faire établir un état civil provisoire en faveur de Mlle A...
Il existe, en effet, un principe général du droit qui autorise les tribunaux civils à intervenir pour restituer leur état civil aux personnes qui en sont dépourvues. De plus, l'ordre public gagne toujours à ce que toute personne française ou vivant en France soit pourvue d'un état civil régulier.

Raccordement EDF

Réclamation n° 97-4273, transmise par M. Christian JACOB, député de Seine-et-Marne

M. L..., qui possède un terrain sur lequel se trouve un hangar à usage agricole, a souhaité raccorder ce hangar au réseau EDF.
M. L... a effectué une demande en ce sens. Une participation d'un montant de 26 546,47 F lui a alors été réclamée par l'agence d'exploitation EDF, et M. L... a acquitté ce montant immédiatement.
Peu de temps après, M. L... a cependant été avisé que les travaux de raccordement ne pourraient pas être effectués, car la commune sur le territoire de laquelle se trouve son terrain s'y était opposée, le soupçonnant de vouloir transformer le hangar en local à usage d'habitation.
M. L... a alors sollicité l'intervention du Médiateur de la République.
Le Médiateur de la République, après avoir vérifié que M. L... était bien déclaré en tant qu'exploitant agricole, a fait observer à la commune qu'elle ne saurait préjuger de l'utilisation future d'un branchement EDF.
La commune a mis en avant le montant élevé que représenterait pour elle le financement des travaux nécessaires, d'un coût total d'environ 420 000 F, et a prétendu ne pas pouvoir s'en acquitter.
Or, il s'avère que deux volets sont à distinguer en matière de financement d'un branchement EDF dans une commune rurale indépendante, c'est-à-dire n'ayant pas adhéré à un syndicat intercommunal :
- le paiement d'un "ticket d'accès" au réseau, acquitté par le pétitionnaire lui-même (il correspond aux 26 546,47 F réclamés à M. L ... ) ;
- le coût réel des travaux, que doit acquitter la commune (il correspond aux 420 000 F mentionnés par la municipalité). De tels financements de branchement sont possibles par "une mise en réserve", à cet effet, de la taxe d'électricité de 6 % perçue par les communes sur l'ensemble des consommations d'électricité constatées sur leur territoire. En l'absence de cette mise en réserve, qui n'est pas impérative mais "de bonne gestion", la commune n'est pas en mesure de financer un tel branchement.
Cependant, la dépense est, en l'espèce, obligatoire ; elle doit impérativement être inscrite au budget de la commune, car il s'agit d'un hangar qui sert à l'exploitation agricole.
Finalement, le maire de la commune en cause a admis devoir inscrire le coût des travaux au budget primitif municipal. De plus, il a indiqué qu'il adhérerait à un syndicat d'électricité. Cette adhésion autorisera, dans l'avenir, les services EDF à réaliser tous les travaux en la matière, moyennant le versement au syndicat de la taxe d'électricité de 6 % jusqu'ici perçue par la commune.

Aménagement d'un parc de stationnement

Réclamation n° 97-4286, transmise par M. Pierre CARASSUS, député de Seine-et-Marne
Le maire de C... souhaitait acheter le terrain des époux G... pour l'inclure dans l'aménagement d'un parc de stationnement. Il proposait un prix d'acquisition qui ne recueillait pas l'accord des vendeurs.
Des travaux publics ont néanmoins été réalisés par les services municipaux sur ladite parcelle, sans l'autorisation de M. et Mme G... Parallèlement, la commune a réduit le montant de son offre, soutenant qu'elle devrait supporter le coût de travaux de viabilisation.
Les époux G... ont alors fait une nouvelle proposition au maire sur la valeur d'un terrain constructible, fondement rejeté par celui-ci.
Saisi de ce dossier, le Médiateur de la République a rappelé à la Ville que :
- la réalisation de travaux par une commune sur un terrain privé, sans l'autorisation de son propriétaire, est en principe constitutive d'une voie de fait, sanctionnée par le juge judiciaire ; elle peut donner lieu à indemnisation ;
- en application du code de l'urbanisme, l'installation d'une aire de stationnement ouverte au public, susceptible de contenir au moins dix emplacements, est subordonnée à une autorisation administrative préalable, sous peine d'amende pour le bénéficiaire des travaux ;
- la propriété des époux G... ne devrait pas être l'objet d'une dépréciation liée à l'absence de travaux antérieurs de viabilisation, car il résulte de l'article R. 123-18 du code de l'urbanisme que sont classés en zone urbaine les terrains dont "les capacités des équipements publics existants ou en cours de réalisation permettent d'admettre immédiatement des constructions" ; en conséquence, une commune a l'obligation d'assurer la charge des équipements publics (eau, assainissement, voirie, électricité) et, également, de les réaliser dans des délais connus et rapides. La municipalité ne saurait donc pénaliser les propriétaires des terrains qu'elle n'a pas encore viabilisés en zone urbaine d'un plan d'occupation des sols, à l'occasion de l'achat de leurs parcelles.
Sensible à l'argumentation du Médiateur de la République, le maire de C... a finalement accepté d'acquérir la parcelle de M. et Mme G... au prix demandé par ceux-ci.


2. LA COMPENSATION DES PREJUDICES LIES A L'AMENAGEMENT ET A L'EQUIPEMENT DU TERRITOIRE


L'aménagement et l'équipement du territoire, que l'on peut définir comme l'ensemble des actes des autorités publiques, qui visent à organiser le territoire national afin d'en assurer le développement harmonieux, occupent une place de plus en plus importante dans l'activité des pouvoirs publics.
Les actions et opérations d'aménagement du territoire apparaissent, ainsi, plus diverses et plus nombreuses, suscitant une multiplication des litiges où se trouvent confrontés intérêt général et intérêts particuliers.
Or, la matière se prête, a priori, assez mal à la négociation.
Cela est dû, notamment, à la multiplicité des acteurs concernés : les collectivités locales, mais aussi des établissements publics variés, et, bien sûr, l'Etat. Peu de projets publics peuvent, en effet, être menés à bien par un seul acteur. La décision est souvent partagée entre plusieurs autorités publiques, et implique fréquemment des financements croisés.
Par ailleurs, pour satisfaire aux impératifs d'intérêt général qu'ils ont pour mission de mener à bien, les pouvoirs publics disposent souvent d"'outils" très puissants et fortement réglementés (comme l'expropriation), qui laissent parfois une place limitée au dialogue.
Enfin, soucieux de ne pas paralyser les politiques d'aménagement par le risque d'un coût élevé d'indemnisation, les pouvoirs publics ne se montrent pas toujours, en ce domaine, très favorables à l'idée de réparation au titre des préjudices occasionnés aux particuliers.
L'article L. 160-5 du code de l'urbanisme pose, ainsi, le principe de la non- indemnisation des servitudes d'urbanisme (à deux exceptions près : l'atteinte aux droits acquis, et la modification de l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain). Cette absence d'indemnisation fait l'objet de critiques.
Les normes internationales, et plus particulièrement l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, en introduisant la notion d'un juste équilibre à respecter entre intérêt général et intérêts particuliers, ont progressivement contribué à modifier cette situation.
Le Médiateur de la République n'a pas manqué de tirer parti de cette évolution.
La présente étude a pour objet de montrer les résultats obtenus par l'Institution en matière de réparation des préjudices liés à l'aménagement et à l'équipement du territoire.
On verra qu'il ne s'agit pas toujours d'une indemnisation au sens strict du terme, c'est-à-dire de nature purement financière, certains accords amiables pouvant se traduire par des réparations en nature : échange de terrains, aménagement organisationnel, etc...
Nous examinerons, dans une première partie, les compensations obtenues au titre des atteintes au droit de propriété, résultant de la maîtrise des sols par les collectivités publiques. La seconde partie sera consacrée à l'étude des compensations accordées au titre des travaux et ouvrages publics.


A. La compensation des atteintes au droit de propriété, résultant de la maîtrise des sols par les collectivités publiques


Si l'article 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 pose le principe d'un droit de propriété "inviolable et sacré", cette même disposition n'en prévoit pas moins sa limite en cas de "nécessité publique".
Or, depuis quelques années, aménagement du territoire et préservation de l'environnement sont au coeur des préoccupations des autorités publiques, entraînant nécessairement des atteintes au droit de propriété.
L'article L. 110 du code de l'urbanisme fait du territoire français le patrimoine commun de la nation, chaque collectivité publique en étant le gestionnaire et le garant, dans le cadre de ses compétences.
Une action concertée des autorités publiques (Etat, région, commune) est donc souvent nécessaire.
Pour mener à bien les missions qui leur sont confiées, les différents acteurs de l'aménagement du territoire pratiquent :
- d'une part, une politique prévisionnelle, permettant de maîtriser l'affectation des sols et de constituer des réserves foncières sur le long terme ;
- d'autre part, un urbanisme opérationnel, consistant en la réalisation d'équipements publics.
Politique prévisionnelle et urbanisme opérationnel supposent la mise en oeuvre d'outils juridiques, qui entraînent des sujétions pour les propriétaires privés, allant de la limitation de l'usage des biens à la privation du droit de propriété.
Cette confrontation entre les intérêts particuliers et l'intérêt général ne se fait pas sans heurts.
Les litiges soumis au Médiateur de la République le montrent bien ; cette autorité indépendante doit trouver une voie moyenne, qui préserve l'intérêt particulier, tout en ne s'opposant pas à la réalisation des grands desseins collectifs.

a. Des politiques prévisionnelles peuvent entraîner une limitation de l'usage des biens privés.

Les lois de décentralisation de 1983 confient aux élus de nouvelles compétences en matière de gestion de l'espace, en leur permettant d'élaborer des documents de planification urbaine - schéma directeur d'aménagement urbain (SDAU) ; plan d'occupation des sols (POS) -, dans le respect des normes établies par l'Etat - lois d'aménagement et d'urbanisme (loi montagne, loi littoral, etc...) ; servitudes d'utilité publique.
Expression d'une volonté collective d'aménagement et d'organisation de l'espace, ces documents d'urbanisme sont l'occasion, pour les autorités locales, de mener une politique d'affectation des sols, voire, avec les POS, de contrôler le volume des constructions projetées, leur architecture, leur aspect, etc...
En limitant ainsi l'usage du sol, les autorités publiques peuvent porter atteinte à l'exercice du droit de propriété.
Les orientations d'aménagement fixées par les SDAU sont rarement à l'origine de réclamations adressées au Médiateur de la République, parce que les particuliers en ignorent souvent l'existence, ou ne mesurent pas les incidences qui peuvent en résulter sur l'exercice du droit de propriété.
Il en va différemment des POS.

a. 1. Les dispositions contenues dans les documents d'urbanisme font souvent l'objet de contestations

Documents de synthèse, faisant état des servitudes d'urbanisme et des servitudes d'utilité publique, opposables lors de la délivrance d'un droit d'utilisation du sol, les POS édictent des règles publiques qui font souvent l'objet de réclamations auprès du Médiateur de la République.

< Les servitudes d'urbanisme

Les servitudes d'urbanisme, qui figurent au POS, peuvent avoir pour effet de diminuer la valeur marchande d'un bien ou de contrecarrer la réalisation d'une construction projetée. Cela peut alors conduire un particulier à saisir le Médiateur de la République pour obtenir une indemnisation compensatoire de la perte de la valeur de son bien, ou pour provoquer une évolution de la règle locale en vue d'obtenir un droit à construire.
Le principe posé par l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme, selon lequel les servitudes instituées par un POS n'ouvrent droit à aucune indemnité, a pour conséquence d'exclure, sauf exception, toute intervention du Médiateur de la République en vue d'une indemnisation. La réparation ne pourra découler que d'une solution de substitution.
Lorsque son intervention a pour objet de favoriser l'obtention d'un droit à construire, le Médiateur de la République propose à l'Etat, ou à la commune, de faire évoluer des règles locales d'urbanisme, sans pour autant dénaturer le parti d'aménagement retenu par la collectivité publique concernée.
Cela s'avère particulièrement difficile, comme le montre la réclamation n° 97-2578, transmise par M. René COUVEINHES, ancien député de l'Hérault.
M. G..., exploitant viticole, était sur le point de prendre sa retraite. Soucieux du devenir économique de son domaine, il estimait nécessaire de maintenir en permanence un ouvrier agricole sur ses terres.
Dans cette perspective, il a sollicité l'autorisation de construire, sur l'une de ses parcelles, un pavillon destiné au logement de cette personne.
Une décision négative lui a été opposée, le POS de la commune concernée spécifiant que "Seules les propriétés agricoles présentant une superficie de 5 hectares et d'un seul tenant peuvent recevoir des constructions" Or, M. G... ne possédait pas la surface requise.
Celui-ci espérait, en saisissant le Médiateur de la République, obtenir un assouplissement de la norme réglementaire locale en sa faveur.
Le Médiateur de la République est alors intervenu auprès des autorités locales concernées. Ces dernières ont argué du fait qu'elles avaient édicté cette règle dans le but de mettre un terme au phénomène de morcellement des unités foncières constaté ces dernières années.
Le Médiateur de la République, étant dans l'obligation de respecter les objectifs d'aménagement retenus par la commune dans le cadre de sa libre administration, ne pouvait pas émettre d'avis sur l'opportunité du choix effectué.
De plus, toute remise en cause de la règle en question aurait inexorablement amené à vider de son contenu le parti d'aménagement légitimement défini par la commune.
Par ailleurs, la situation personnelle d'un réclamant ne saurait être évoquée pour inciter une collectivité locale à modifier ou à réviser son document d'urbanisme.
Au regard de toutes ces considérations, le Médiateur de la République s'est vu dans l'obligation de renoncer à toute intervention visant à modifier la norme locale. Son rôle n'a pu être que pédagogique, explicitant auprès du particulier les raisons du refus qui lui était opposé.

> Les servitudes d'utilité publique

L'institution de servitudes d'utilité publique, ou l'application de dispositions découlant des lois d'aménagement intégrées dans le POS, engendrent des contraintes, sources de réclamations.
L'évolution vers une politique plus coercitive en matière de sécurité publique, notamment dans la gestion des zones inondables, provoque, chez les particuliers, des réactions souvent indignées. En effet, l'élaboration de plans d'exposition aux risques ou la simple application de dispositions du code de l'urbanisme ont pour conséquence de rendre inconstructibles des terrains qui étaient encore aptes à recevoir un édifice quelques années auparavant.
Là encore, la marge de manoeuvre du Médiateur de la République est très limitée, comme en témoigne la réclamation n° 97-4333.
M. S..., qui avait acquis une parcelle dans un lotissement créé en 1988, a sollicité un droit à construire un pavillon en 1997. Cette autorisation ne lui a pas été accordée au motif que le terrain se trouvait, au regard du périmètre des surfaces submersibles existant dans le secteur, "dans une zone de risques graves, au vu des préoccupations en matière de sauvegarde des biens et des personnes, et des difficultés de mise en oeuvre des moyens de secours traditionnels en cas de crues".
Ayant acquis, en son temps, un terrain constructible, M. S... a estimé cette décision particulièrement pénalisante.
Pour le Médiateur de la République, la question s'est donc posée de savoir si le fait, pour l'intéressé, d'avoir acheté un terrain situé dans un lotissement lui conférait un droit acquis à construire. Force a été de constater que les articles L. 315-8 et R. 315-39 du code de l'urbanisme prévoient que le règlement de lotissement garantit, aux acquéreurs d'un lot, la possibilité d'obtenir un droit à construire seulement dans un délai de cinq ans à compter de la fin de l'opération de lotir.
De surcroît, le Médiateur de la République ne pouvait inciter une collectivité locale à délivrer un droit à construire dans un secteur où le risque d'inondation était réel.
Dans de telles circonstances, le Médiateur de la République s'attache à vérifier que les dispositions de la loi Barnier du 2 février 1995, concernant l'indemnisation des propriétaires de biens situés dans une zone à risque, peuvent être mises en oeuvre.
En effet, l'application de cette loi, dérogatoire au principe de non-indemnisation des servitudes d'urbanisme, n'est pas toujours envisagée. Dans le cas précédemment évoqué, il n'a pu être fait usage de ces dispositions, car la sécurité des personnes n'était pas mise en cause dans la mesure où le terrain concerné ne comportait encore aucune construction.
Si le Médiateur de la République ne peut inciter une commune à engager une procédure de révision ou de modification d'un POS, procédure longue et coûteuse, pour la seule satisfaction d'un intérêt particulier, en revanche, il profite souvent d'une procédure en cours pour suggérer aux autorités locales l'intégration du bien foncier concerné dans une zone constructible. Cependant, il ne s'estime fondé à intervenir en ce sens que lorsque la mesure suggérée n'a pas pour effet de modifier l'économie générale du POS.

La réclamation n° 98-1577 en témoigne.

M. F... était propriétaire d'une parcelle classée en zone naturelle (NC) (Zone NC : zone de richesses naturelles à protéger en raison, notamment, de la valeur agricole des terres ou de la richesse du sol ou du sous-sol) au regard du POS de la commune concernée, zone à l'intérieur de laquelle toute construction était prohibée.
L'intéressé prétendait que, lors de l'élaboration de ce document, la commune s'était engagée à rendre ce terrain constructible pour le dédommager de la cession de deux autres parcelles dont il était également propriétaire.
Cet accord étant verbal, il semblait difficile au Médiateur de la République d'intervenir en faveur du plaignant sur cette base.
Aussi, une procédure de révision du POS étant en cours, le Médiateur de la République a-t-il proposé d'intégrer le terrain de M. F... dans une zone urbaine située à proximité.
Cette suggestion a été accueillie favorablement par la commune, dans la mesure où elle n'avait pas pour effet de modifier l'économie générale du POS.
Lorsque l'évolution de la norme réglementaire locale est manifestement impossible, le Médiateur de la République propose de dégager une solution de substitution.
Ainsi, l'échange de terrains entre le particulier et la collectivité concernée est parfois retenu, comme le montre la réclamation n° 94-1068, transmise par M. Jean-Louis BERNARD, député du Loiret.
M. G..., directeur d'une société civile immobilière (SCI), était propriétaire d'un terrain sur lequel il envisageait la réalisation d'un ensemble pavillonnaire. Il a sollicité une autorisation de construire, mais s'est vu notifier une décision de sursis à statuer.
Le projet était, en effet, de nature à compromettre les nouveaux principes d'aménagement du secteur concerné, fixés dans le cadre de la révision du POS.
La SCI a donc saisi le juge administratif d'un recours en indemnité.
Le maire lui a alors délivré un certificat d'urbanisme positif, qui précisait que, le POS étant en cours de révision, toute demande de permis de construire pourrait se voir opposer un sursis à statuer.
Après une étude attentive du dossier, le Médiateur de la République a constaté que l'existence de nombreuses nuisances, dues notamment à la proximité d'un axe de grande circulation, ne permettrait pas le classement du terrain dans une zone susceptible d'accueillir l'opération.
Consciente des difficultés économiques rencontrées par la SCI, du fait de l'impossibilité juridique de construire, la commune a proposé de céder un terrain situé dans une zone urbaine et, donc, apte à supporter l'opération projetée.
En échange, cette collectivité a récupéré le terrain objet du litige, qu'elle aurait nécessairement dû acquérir à terme, soit par la procédure de l'emplacement réservé, soit par celle de l'expropriation, l'élargissement de l'axe routier étant, en effet, envisagé.

a.2. La constitution de réserves foncières n'est pas sans incidence sur l'usage du droit de propriété

Une politique de la ville nécessite la disposition effective des sols. Dans cette perspective, une politique de prévision à long terme est mise en oeuvre, permettant de constituer des réserves foncières nécessaires à la réalisation d'opérations d'urbanisme (rénovation de quartiers, zones d'aménagement concerté, réalisation d'équipements publics...).
Le droit de préemption urbain (DPU) et l'emplacement réservé au POS sont deux outils juridiques permettant aux personnes publiques d'assurer la maîtrise du foncier.

> Le droit de préemption urbain

Le droit de préemption urbain "représente une atteinte mal comprise au droit de disposer librement de son bien, et a engendré de nombreux abus", constatait le Conseil d'Etat, en 1992, dans son rapport intitulé "L'urbanisme, pour un droit plus efficace".
Issu de la loi du 18 juillet 1985, le DPU permet à une collectivité locale de se porter acquéreur d'un bien, au lieu et place de celui qui entendait l'acquérir.
Dès que le bien est soumis au DPU, le vendeur est tenu d'informer la personne publique de son intention concernant les conditions de prix de la vente. La personne publique, qui peut se substituer à l'acquéreur, n'est pas tenue d'offrir le prix fixé dans la déclaration d'intention d'aliéner portée à sa connaissance. Elle peut, par ailleurs, préempter à un prix inférieur à celui qui est proposé par le service des domaines, qui aura été consulté (dans cette hypothèse, le vendeur conserve la possibilité de renoncer à la vente).
L'offre de prix est souvent jugée trop basse, par l'usager. Celui-ci fait alors appel au Médiateur de la République, qui tente de négocier avec la collectivité locale, laquelle, dans la majorité des cas pour des raisons budgétaires, veut acquérir au moindre prix.

> L'emplacement réservé

La situation d'un terrain dans le périmètre d'un emplacement réservé aux équipements d'intérêt public entraîne, pour son propriétaire, des contraintes sur l'occupation du sol.
L'existence de cette servitude n'engendre pas un transfert effectif de propriété. Le propriétaire en conserve donc la jouissance. Il peut notamment le vendre à un tiers, sans que lui soit fait obligation de déclarer son intention d'aliéner le bien.
Les propriétaires d'un terrain grevé par cette servitude d'utilité publique ont la possibilité, au regard des dispositions de l'article L. 123-9 du code de l'urbanisme, de mettre en demeure la collectivité bénéficiaire d'acquérir le bien. Celle-ci répondra positivement ou renoncera à l'acquisition.
En dépit d'un tel choix, la situation d'un terrain dans un emplacement réservé est source d'incertitudes pour les propriétaires fonciers concernés. Le Médiateur de la République peut alors intervenir pour obtenir une clarification de la situation.

La réclamation n° 95-3390, transmise par M. Jean-Pierre BRARD, député de la Seine-Saint-Denis, en est un exemple.

Les époux A... étaient propriétaires d'une maison sur un terrain situé, au POS, dans un emplacement réservé pour la réalisation d'un équipement public.
L'existence de cette réserve constituant un obstacle à leur projet de vendre ce bien, ils ont obtenu du maire qu'il accepte de l'acquérir.
Forts de cet engagement municipal, les époux A... ont alors acheté un nouveau pavillon. Mais, quelque temps plus tard, la mairie s'étant rétractée, ils se sont retrouvés dans une situation difficile, et ont saisi le Médiateur de la République.
A la lecture des éléments du dossier, il est apparu que le document d'urbanisme comportait une omission importante : l'emplacement réservé figurait bien sur le document graphique du POS, mais n'avait pas été reporté sur la liste des servitudes d'utilité publique annexée à ce document.
Une telle omission excluait la possibilité d'opposer aux particuliers l'existence de cette servitude.
Le Médiateur de la République a donc pu obtenir de la mairie un certificat d'urbanisme établissant clairement que la servitude n'existait plus. Grâce à la production de cet acte administratif, les époux A... ont pu rapidement vendre leur bien.

b. Des opérations d'utilité publique peuvent entraîner la privation du droit de propriété

La procédure d'expropriation permet à la puissance publique d'acquérir un immeuble, ou un droit immobilier déterminé, en vue de la réalisation, dans l'immédiat, d'une opération présentant une utilité publique.
Le bien à exproprier peut faire l'objet, une fois la déclaration d'utilité publique intervenue, d'un accord sur les conditions du transfert de propriété. L'indemnité d'expropriation est alors fixée au terme d'une négociation amiable entre l'expropriant et l'exproprié.
En revanche, en cas de divergence d'intérêts entre les parties, l'autorité expropriante sera conduite à engager une procédure d'expropriation, qui aboutira à une cession forcée du bien.
La procédure, qui relève du juge civil, se déroule le plus souvent en deux temps : une première décision judiciaire prononce le transfert de propriété, une seconde fixe l'indemnité due à l'exproprié.
Le contrôle de l'utilité publique justifiant l'expropriation envisagée relève, elle, du juge administratif.
Cependant, à titre exceptionnel, le Médiateur de la République peut intervenir auprès de l'autorité expropriante, lorsqu'il apparaît, à l'évidence, qu'un périmètre d'expropriation envisagé a pour seul but de favoriser un intérêt particulier comme, par exemple, celui de faciliter l'accès d'un voisin.
Le Médiateur de la République s'attache à proposer des solutions équitables, au regard du droit interne (article 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, code de l'urbanisme), mais également au regard des exigences garanties par l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des droits de l'Homme, selon lequel toute personne a droit au respect de ses biens et ne peut en être privée que pour cause d'utilité publique.

b. 1. La détermination d'une indemnité d'expropriation juste, en contrepartie de la dépossession du bien

On peut distinguer deux phases essentielles dans la procédure d'expropriation classique : la phase administrative (enquête préalable, déclaration d'utilité publique, cessibilité de l'emprise), et la phase judiciaire (transfert de propriété, indemnisation).
Le code de l'expropriation précise que l'acquisition amiable d'un terrain privé, dans la perspective d'un projet d'utilité publique, ne peut se faire que moyennant une juste et préalable indemnisation.
Mais un désaccord peut exister entre les pouvoirs publics et un propriétaire sur l'estimation du bien à exproprier. Le Médiateur de la République peut alors favoriser la préservation des intérêts du particulier, propre à éviter une fixation juridictionnelle de l'indemnité.
C'est ainsi qu'il a été saisi de la réclamation n° 93-0796, transmise par M. Pierre-jean DAVIAUD, ancien député de la Charente-Maritime.
M. G... refusait la proposition d'achat de son terrain que lui faisait la commune dans le cadre d'un projet d'aménagement du centre-ville. Il estimait que le prix de sa propriété, évalué par le service des domaines, n'était pas fixé à sa juste valeur.
Avant de saisir le juge de l'expropriation, il a demandé le soutien du Médiateur de la République.
Celui-ci a sollicité une nouvelle étude du marché immobilier local, qui a mis en évidence la sous-évaluation de la propriété de M. G... La municipalité a alors accepté de procéder à l'acquisition du bien du réclamant à un prix supérieur - de l'ordre de 10 % - à celui qui était initialement proposé.
Une médiation peut exceptionnellement s'engager après la décision du juge fixant l'indemnité, s'il apparaît que l'équilibre résultant du jugement est anormalement remis en cause par un changement de circonstances, comme l'illustre la réclamation n° 96-1783, transmise par M. Arthur DEHAINE, député de l'Oise.
Certaines parcelles appartenant aux époux Q avaient fait l'objet d'une expropriation pour la création d'un lotissement communal.
Le juge Judiciaire avait estimé que cette opération, ainsi que l'établissement de réseaux, devaient conférer la qualité de terrain à bâtir aux terrains agricoles attenants aux parcelles dont les époux Q... restaient propriétaires. C'est pourquoi il avait décidé qu'aucune indemnisation n'était due, prévoyant que les plus-values sur les terrains attenants seraient supérieures aux indemnités d'expropriation.
En réalité, M. et Mme Q... ont été pénalisés car ces terrains se sont révélés ultérieurement inconstructibles. La Ville a donc pu réaliser son lotissement sans verser d'indemnité aux réclamants, ce qui était assimilable à un enrichissement sans cause.
Le Médiateur de la République a alors proposé qu'une indemnité équivalente à la valeur des parcelles expropriées, appréciée au jour de l'ordonnance d'expropriation, soit versée aux époux Q... La commune a accepté cette solution.

b.2. L'action portant sur la consistance du bien à exproprier

L'expropriation partielle d'une propriété peut rendre difficile l'usage de la partie restante (qui peut, par exemple, se trouver enclavée).
Le Médiateur de la République intervient alors pour éviter que l'exproprié ne subisse un préjudice excessif.

La réclamation n° 96-4226, transmise par M. Xavier DUGOIN, sénateur de l'Essonne, est révélatrice de cette situation.

La propriété des époux F... a fait l'objet de deux procédures d'expropriation : l'une engagée par l'Etat pour la création d'un échangeur routier, l'autre par la commune pour l'installation d'une zone d'activités économiques.
L'amputation de surface en découlant devait se traduire par la démolition de leur garage, avec privation de l'accès direct à la route, et par la suppression du jardin, ce qui laissait aux époux F... une propriété résiduelle de 170 m2, représentant essentiellement le pavillon, potentiellement exposé à des nuisances importantes.
Les réclamants ont alors demandé, en vain, l'expropriation totale de leur bien. A la suite des deux ordonnances d'expropriation transférant une partie de la propriété du bien à chacune des deux collectivités expropriantes, les époux F... ont écarté les offres d'indemnisation de ces dernières, qui ont, en conséquence, saisi le juge en vue de la fixation des indemnités.
Le Médiateur de la République a organisé entre-temps une concertation entre l'Etat et les collectivités territoriales intéressées. Le conseil général, qui envisageait à terme l'élargissement d'une route départementale, y a été associé, et a décidé, par anticipation, d'acquérir, à l'amiable, le sur plus de la propriété des époux F... Ceux-ci ont ainsi obtenu satisfaction.

b.3. Les retards d'exécution des jugements fixant l'indemnité d'expropriation

Si, dans un délai de trois mois à compter de la signification de la décision définitive du juge sur le montant de l'indemnité, le paiement n'est pas intervenu, l'intéressé peut prétendre au versement d'intérêts moratoires (article R. 13-78 du code de l'expropriation), et, passé le délai d'un an, à une nouvelle évaluation du prix du bien (article L. 13-9 du même code).
Quelle que soit la raison du retard, le Médiateur de la République s'attache à faire accélérer le versement de l'indemnité, assortie d'une compensation.
Le non-paiement de l'indemnité fixée par le juge de l'expropriation peut s'expliquer par un manque de diligence de la personne publique, auquel il peut être mis fin rapidement.

La réclamation n° 95-1541, transmise par Mme Christiane TAUBIRA-DELANNON, députée de la Guyane, en témoigne.

Au terme d'une opération d'expropriation pour cause d'utilité publique, menée par un conseil général, le juge avait fixé, en janvier 1992, une indemnité au profit de M. Y...
Après des relances infructueuses auprès du conseil général jusqu'au début de l'année 1995, M. Y... s'est adressé au Médiateur de la République, dans l'espoir d'obtenir le versement des indemnités en question.
L'intervention du Médiateur a conduit le département à régler les sommes dues, après avoir réévalué le montant de l'indemnité. Cette médiation a parallèlement permis d'attirer l'attention de l'autorité départementale sur la situation identique d'autres expropriés.
Des contraintes budgétaires et comptables, plus délicates, peuvent également être à l'origine d'un retard d'exécution du jugement fixant l'indemnité. La réclamation n° 95-3890, transmise par M. Paul MERCIECA, ancien député du Val-de-Marne, met en lumière ce type de problèmes de financement rencontrés par l'administration.
M. A... possédait un terrain frappé de réserve au plan d'occupation des sols, qui devait servir à l'élargissement d'une route nationale. Il a donc été exproprié. Deux ans après le prononcé d'un jugement, intervenu en 1993, fixant l'indemnité d'expropriation, M. A... n'avait toujours pas perçu celle-ci.
Fin 1995, il a saisi le Médiateur de la République, qui a appris, auprès du ministère de l'Equipement, que la propriété était située dans le périmètre de lots qualifiés de "points durs", c'est-à-dire exposés à des nuisances nocturnes importantes, impliquant, en l'espèce, des aménagements pour lesquels le montant des expropriations foncières était très élevé, et n'avait pu être prévu dès l'origine.
Sous l'impulsion du Médiateur de la République, l'administration a rapidement entamé une négociation avec la Région, au printemps 1996, afin d'obtenir sa participation financière, dans le cadre de l'enveloppe prévue au contrat de plan Etat-Région pour la réalisation de ce site propre.
La Région a, dans ces conditions, accepté de prendre en charge les acquisitions foncières de ces points durs, et l'autorité expropriante a procédé, après réception des crédits, à l'achat de ces biens et au paiement des intérêts de retard.
Outre les atteintes au droit de propriété, qui viennent d'être évoquées, les particuliers peuvent être victimes de préjudices consécutifs à la réalisation d'ouvrages ou de travaux publics.



B. La compensation des nuisances liées à des ouvrages ou des travaux publics


La réalisation d'équipements publics et l'exécution des travaux publics sont susceptibles d'entraîner des dommages (nuisances esthétiques, sonores, olfactives ; préjudices commerciaux, etc...). Il peut y être remédié par des mesures palliatives, et, plus exceptionnellement, par la disparition de la source même du dommage.
Dès qu'une personne revendique l'indemnisation du préjudice subi, l'autorité publique veille au respect des principes qui gouvernent le droit à réparation en matière administrative. Pour être indemnisable, un dommage doit présenter un caractère direct et certain. En outre, dans le cas particulier de la responsabilité sans faute de l'autorité administrative, celle-ci vérifie l'existence, au cas par cas, des critères spécifiques d'anormalité et de spécialité du préjudice allégué. Cela peut avoir pour effet de limiter le nombre des règlements amiables.

a. Les troubles environnement aux suscités par des équipements publics

Dans ce domaine, la médiation permet de proposer une grande variété de solutions, qui peuvent avoir non seulement un caractère financier, mais également consister en une réparation en nature.

a. 1. La suppression de l'origine des troubles de jouissance

La présence ou le fonctionnement des ouvrages publics peuvent, effectivement, être source de nuisances pour le voisinage, qui en réclame, parfois, la suppression.
Cette hypothèse reste exceptionnelle, compte tenu du principe d'intangibilité des ouvrages publics. Il arrive cependant que l'administration s'incline, comme le montre la réclamation n° 96-3281, transmise par Mme Frédérique BREDIN, députée de la Seine-Maritime, ancienne ministre.
M. L..., rencontrant des difficultés de dialogue avec un service d'EDF, a attiré l'attention du Médiateur de la République sur les désagréments engendrés par un transformateur électrique implanté à proximité de son habitation.
Dans les conditions du cas d'espèce, le Médiateur de la République a cru pouvoir solliciter du syndicat intercommunal d'électrification le déplacement de l'ouvrage sur un terrain appartenant à la commune, ce qui a été accepté. Le maire, associé à cette démarche, a alors signé une convention d'occupation du domaine public avec le syndicat intercommunal, pérennisant ainsi cet accord.

a.2. La réduction de la gêne occasionnée par des équipements publics

Plus fréquemment, le Médiateur facilite l'adoption de mesures techniques par les autorités administratives pour réduire la gêne occasionnée par les équipements publics en cause.

La réclamation n° 95-2811, transmise par M. Jean-François MATTEI, député des Bouches-du-Rhône, en témoigne.

Un litige opposait M. R... à l'Etat, qui avait fait construire un bâtiment administratif près de sa
maison. Des appareils destinés au système de climatisation des services informatiques entraînaient, en effet, des vibrations, du bruit et des nuisances esthétiques.
En marge des procédures juridictionnelles engagées pour connaître l'origine exacte des désordres et la responsabilité des différents intervenants, une solution amiable a pu être dégagée grâce à l'intervention du Médiateur de la République.
Ainsi, l'Etat a accepté, au vu du rapport d'expertise établi à la demande du juge administratif, de procéder à des travaux permettant une correction acoustique à la source. Il s'est, par ailleurs, engagé à prendre de nouvelles mesures, dans l'hypothèse où les relevés sonores ultérieurs démontreraient une persistance des nuisances.
Il n'est pas toujours possible de faire cesser des troubles par la seule réalisation de travaux. Des mesures organisationnelles sont alors susceptibles d'atténuer le préjudice subi par l'administré, comme le montre la réclamation n° 97-379, transmise par M. Jacques DESALLANGRE, député de l'Aisne.
M. M... a sollicité l'intervention du Médiateur de la République car, en dépit des engagements pris par la mairie, il restait victime de pollutions diverses (rejet de détritus, nuisances auditives, etc...) résultant des activités de la salle des fêtes, située à proximité de son pavillon.
Le Médiateur de la République a contacté le maire, qui a accepté de modifier des clauses du contrat de location de la salle. Ainsi, le respect des prescriptions légales concernant les nuisances subies par le voisinage a été mieux garanti.
Par ailleurs, des mesures ont été prises pour responsabiliser les organisateurs des animations quant à l'intensité sonore et à la durée des fêtes, notamment par la menace d'un non-renouvellement du contrat de location. De plus, les activités nocturnes ont été transférées dans un autre local.

a.3. L'indemnisation du préjudice subi

Eu égard au principe d'intangibilité des ouvrages publics, et, parfois, à l'insuffisance des solutions techniques ou organisationnelles, il arrive que les nuisances ne puissent être compensées que par une indemnisation du préjudice subi. La réclamation n° 96-4374, transmise par M. André GENTIEN, ancien député de Saône-et-Loire, en est l'illustration.
Mme T... a saisi le Médiateur de la République d'un différend qui l'opposait à la SNCF, concernant la réparation du préjudice important qu'elle subissait du fait du passage d'une nouvelle ligne TGV à proximité de sa propriété.
En effet, la SNCF avait initialement donné l'assurance aux propriétaires riverains qu'ils seraient indemnisés. Une convention avait même été signée, et certains bénéficiaires avaient déjà perçu le montant annoncé par la SNCF.
Mais, ayant pris conscience du coût très élevé d 1 une indemnisation au cas par cas, la SNCF a décidé de privilégier la construction d'un ouvrage de protection collectif Cependant, Mme T... espérait toujours obtenir l'indemnité prévue.
Au vu du rapport de l'expert nommé par le tribunal administratif, le Médiateur de la République a invité la SNCF à adopter, sans attendre l'issue du contentieux, le principe d'une indemnisation pour tous les riverains placés dans une situation identique, d'autant plus que toute solution technique se limitait à une faible diminution du bruit existant.
Cette proposition a été acceptée, et l'indemnité attribuée à Mme T... lui a été versée.
Les règlements amiables présentés ci-dessus portent sur la réparation de nuisances d'ordre matériel (phoniques, visuelles, etc...), générées par des ouvrages publics. Mais les tentatives de médiation peuvent également porter sur d'autres types de conséquences, comme des préjudices à caractère économique liés à la réalisation de travaux publics.

b. Les préjudices économiques liés aux travaux publics

Quelle que soit la nature du préjudice, sa réparation est fonction non seulement de son caractère actuel et certain, mais également de l'existence du lien de causalité direct entre le dommage et le comportement fautif de la puissance publique.
En l'absence de faute de cette dernière, un préjudice peut être exceptionnellement indemnisé dans le cadre d'un régime particulier de responsabilité sans faute (s'appuyant, par exemple, sur la rupture d'égalité devant les charges publiques).
Dans le domaine spécifique des travaux publics, la réparation d'un dommage s'effectue sur le fondement de la responsabilité pour faute lorsqu'il est subi par un usager (théorie du défaut d'entretien normal), et de la responsabilité sans faute lorsqu'il est supporté par un tiers, c'est-à-dire par une personne qui n'utilise pas l'ouvrage public, ou qui est étrangère à la réalisation des travaux publics cause du préjudice.

b. 1. La contestation du caractère direct et certain du dommage

Pour refuser d'indemniser le préjudice du demandeur, même dans le cadre d'une médiation, la puissance publique argue souvent du fait que les conditions générales de la responsabilité administrative ne sont pas remplies au cas d'espèce.
Elle peut alors contester le caractère réel d'un préjudice financier (justificatifs insuffisants d'une perte de bénéfices) ou considérer que le dommage est purement éventuel (manque à gagner escompté par un commerçant).
L'autorité publique peut également invoquer le fait que le préjudice, dont il est demandé réparation, n'est pas, selon l'expression jurisprudentielle, "la conséquence nécessaire et immédiate" de son action.

La réclamation n° 96-4690, transmise par M. Paul-Louis TENAILLON, député des Yvelines, illustre les difficultés rencontrées par les réclamants dans une telle hypothèse.

Avant de présenter un recours au tribunal administratif pour dommages de travaux publics, M. R... a demandé au Médiateur de la République de tenter un règlement amiable auprès de la commune. Il estimait, en effet, que sa faillite était partiellement imputable aux longs travaux d'aménagement d'un parking proche de sa boutique.
Selon la municipalité, les éléments fournis par M. R... n'établissaient pas un lien de causalité direct entre les travaux publics et les difficultés commerciales de l'intéressé. De plus, ces difficultés n'étaient pas prouvées, le magasin se situant dans une galerie marchande souterraine. Par ailleurs, son déficit pouvait être dû à l'évolution du contexte économique général. La médiation n'a donc pas pu être poursuivie.

b.2. La contestation du caractère anormal et spécial du dommage

Les dommages subis par des tiers lors de la réalisation de travaux et ouvrages publics sont réparés, sans qu'ils aient à démontrer l'existence d'une quelconque faute administrative, à condition que leur préjudice revête un caractère "anormal et spécial"
Le dommage est qualifié d'anormal lorsqu'il excède les inconvénients normaux résultant de la réalisation d'opérations d'intérêt général. Si un certain seuil de gravité est dépassé, le dommage est pris en considération, le citoyen ne pouvant en supporter seul les conséquences, sans indemnité.
Les autorités administratives considèrent parfois que certains réclamants, riverains de voies publiques, profiteront, à terme, de la réalisation des travaux de rénovation urbaine. Elles considèrent alors que, du fait de cette compensation, le préjudice des riverains ne revêt pas de caractère anormal.
Par ailleurs, face à l'abondance des demandes de remboursement (à la suite d'une baisse du chiffre d'affaires, par exemple) et à une jurisprudence stricte du Conseil d'Etat, l'administration hésite à coopérer dans le cadre d'une médiation lorsque les commerçants se plaignent de l'impact néfaste de travaux publics sur leur activité, en dehors même d'une faute de la personne publique, et font état de préjudices économiques.

Enfin, il arrive que les réclamants, quant à eux, ne retiennent pas les options proposées par le Médiateur de la République, comme le montre la réclamation suivante n° 93-2616, transmise par M. Jean-Guy BRANGER, sénateur de la Charente-Maritime.

M.C ..., exploitant d'une station-service, s'est trouvé privé d'une importante partie de sa clientèle, du fait d'une déviation mise en place sur une route nationale.
Sa situation, particulièrement précaire, méritait une intervention du Médiateur de la République auprès des services de l'Etat. A la demande de celui-ci, une longue et minutieuse enquête a été diligentée surplace.
Une nouvelle implantation sur la même route s'est avérée impossible, et diverses solutions ont été recherchées sans succès.
M. C... n'a pas cru devoir donner suite à une proposition du Médiateur de la République consistant en la réinstallation de la station-service en bordure d'une autre route nationale proche. Il a préféré demander une autorisation de pose de panneaux publicitaires sur la même route, ce qui lui a été accordé.
Pour leur part, les préjudices résultant d'une modification apportée aux conditions générales de circulation ne sont, en principe, pas indemnisés. L'exemple suivant (réclamation n° 97-3476, transmise par M. Roland COURTEAU, sénateur de l'Aude) montre une position très ferme de l'autorité compétente qui, affirmant que la gêne "n'excédait pas les inconvénients normaux de voisinage", n'a pas permis de mener la médiation à son terme. Seule une saisine du juge administratif restait possible.
M. C..., gérant d'une entreprise située en bordure de route, n'avait plus accès à une vole de déviation. Par ailleurs, des voies de désenclavement devaient être réalisées, et, à cette fin, l'Etat lui avait proposé d'acquérir sa parcelle, dans le cadre d'une procédure d'expropriation.
M. C... a considéré que l'offre ne tenait pas compte des préjudices réellement subis : nécessité de procéder à une redistribution des activités sur sa propriété, perte d'exploitation durant la longue période de réaménagement, chute de la clientèle de passage en raison de la nouvelle configuration de l'accès.
Le Médiateur de la République a donc suggéré au préfet d'attribuer à M. C... une indemnité au titre d'un dommage de travaux publics. Cette solution a été écartée, l'administration faisant état d'une jurisprudence qui ne retient le droit à réparation que lorsque l'accès a été rendu impossible ou difficile au regard, notamment, de l'allongement du parcours. De plus, elle estimait, en l'espèce, que le réaménagement, quand bien même nécessiterait-il une opération de permutation quasi totale de l'exploitation, ne constituait pas un préjudice " anormal et spécial ".
La compensation des préjudices liés à l'aménagement et à l'équipement du territoire illustre bien les progrès que connaît la médiation dans notre société.
Longtemps prioritairement soucieux, dans ce secteur d'intervention, de satisfaire les impératifs d'intérêt général, les pouvoirs publics s'ouvrent aujourd'hui de plus en plus largement au dialogue ; ils contribuent ainsi à instaurer un meilleur équilibre entre la défense de l'intérêt public et celle des intérêts privés.
Obtenir réparation reste, certes, encore très difficile dans certains domaines. Ainsi, les atteintes aux biens, résultant de modifications imprévues à la circulation générale - changement dans l'assiette ou la direction des voies publiques, création de voies nouvelles -, n'ouvrent généralement pas droit à réparation, alors même que les préjudices, notamment commerciaux, peuvent être importants.
Globalement, il apparaît, néanmoins, qu'en matière d'aménagement et d'équipement du territoire, des progrès notables sont réalisés en direction d'une meilleure indemnisation des propriétaires privés.
L'action du Médiateur de la République, que nous venons d'analyser, confirme cette évolution.



LE SECTEUR SOCIAL


Parmi les réclamations reçues par le Médiateur de la République, les plus nombreuses concernent le domaine social (environ 30 % des dossiers).
En effet, chaque citoyen est directement concerné par une législation sociale abondante et évolutive, qui couvre l'ensemble des "risques sociaux".
Ce phénomène s'est encore amplifié ces dernières années, du fait des difficultés économiques, qui ont conduit les pouvoirs publics à mettre en place de nouveaux dispositifs et à créer de nouvelles aides.
Les organismes sociaux sont donc, pour leur part, amenés à gérer des prestations nombreuses et variées, faisant appel à des règles de plus en plus complexes.
Le secteur social instruit les réclamations relatives au système de protection sociale au sens large, qui fait appel soit aux techniques de l'assurance, soit à celles de la solidarité nationale, ou bien aux deux à la fois.
Ainsi, les réclamations concernent toutes les branches de la Sécurité sociale (maladie, famille, vieillesse ...), l'assurance-chômage et les politiques de l'emploi, ainsi que tous les problèmes liés à l'aide sociale (garantie de revenus minimaux, aides diverses aux populations âgées ou handicapées ...).
La répartition des dossiers entre ces différents thèmes est restée à peu près identique au fil des années. Quelques évolutions, liées au contexte socio-économique, peuvent toutefois être notées.
Par exemple, si l'on constate une stabilisation des réclamations relatives à l'indemnisation des demandeurs d'emploi, on note cependant une augmentation du nombre des dossiers afférents au traitement social du chômage.
La mise en place des divers dispositifs pour favoriser l'accès ou le retour à l'emploi (contrats initiative emploi, contrats de qualification, contrats emploi solidarité ...), ainsi que les nombreuses mesures incitatives en direction des employeurs (exonérations de charges sociales, aides à l'embauche ...) génèrent un nombre important de litiges.
Par ailleurs, la mise en place de nouveaux dispositifs, comme l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE), l'allocation aux chômeurs âgés (ACA) et l'allocation spécifique d'attente (ASA), exigeant des bénéficiaires qu'ils justifient d'une certaine durée d'assurance au régime vieillesse, a suscité de nombreuses demandes de reconstitution de carrière.
Cela s'est traduit par des différends portant sur les périodes validées par les caisses vieillesse, pour le règlement desquels l'aide du Médiateur de la République a été sollicitée.
L'activité du secteur social a été marquée également par une progression du nombre des réclamations concernant les prestations gérées par la branche famille.
Pour la moitié d'entre elles, les contestations portent sur les aides personnelles au logement (allocation logement familiale, allocation logement sociale et aide personnalisée au logement).
La complexité du dispositif a déjà été dénoncée par le Médiateur de la République dans son rapport de 1996. Il reste attentif à l'évolution des réformes engagées dans ce domaine par les pouvoirs publics, en vue d'apporter au système une plus grande lisibilité et une meilleure efficacité.
De nombreuses réclamations concernent également l'appréciation, qui est faite par les caisses d'allocations familiales, de la notion de vie maritale, pour déterminer les droits aux différentes prestations.
Enfin, il convient de souligner que les litiges relatifs aux trop-perçus représentent une part importante des dossiers reçus, notamment pour la branche famille et l'assurance chômage. Ils portent tant sur les motifs qui sont à l'origine des indus que sur les modalités de récupération par les organismes.


1. CAS SIGNIFICATIFS


Assurance vieillesse - Coordination entre régimes

Réclamation n° 96-3838, transmise par Mme Catherine NICOLAS, ancienne députée de l'Eure

Mme L... bénéficie de deux pensions de retraite, l'une servie par une caisse du régime général, l'autre par une caisse d'un régime spécial.
Dans la mesure où elle a élevé deux enfants, elle a droit à une majoration de sa durée d'assurance.
Des règles de coordination complexes permettent de déterminer, lorsqu'un assuré relève de plusieurs régimes, lequel d'entre eux doit prendre en charge la majoration.
Dans le cas de Mme L..., les organismes concernés n'ont pas fait la même appréciation de ces règles, et chacun a estimé que la majoration incombait à l'autre régime.
Le tribunal des affaires de sécurité sociale a décidé que le régime général était prioritaire pour prendre en charge la majoration, mais la caisse en cause a interjeté appel de cette décision.
Ainsi, dans l'attente de l'issue de la procédure juridictionnelle qui, compte tenu de la position ferme adoptée par chacun des organismes, ne pouvait être envisagée dans un avenir proche, Mme L... se trouvait privée d'un avantage auquel elle avait pourtant incontestablement droit.
L'intéressée a donc sollicité l'aide du Médiateur de la République.
Le Médiateur a engagé des démarches en faveur de Mme L..., estimant inacceptable qu'elle subisse un préjudice en raison d'un litige opposant, en fait, deux organismes sur la détermination de leurs compétences respectives.
Après être intervenu, en vain, auprès des caisses concernées, le Médiateur a recommandé au ministre chargé de la Sécurité sociale de rechercher toute solution permettant de débloquer rapidement cette situation.
Après plusieurs échanges, le ministère a répondu favorablement. C'est ainsi que la caisse du régime général a pris provisoirement en charge la majoration litigieuse, dans l'attente du prononcé de la décision de justice déterminant l'organisme compétent.

Licenciement - Convention de conversion

Réclamation n° 96-4657, transmise par M. Etienne GARNIER, ancien député de la Loire-Atlantique

A la suite de son licenciement, M. L... avait sollicité le bénéfice d'une convention de conversion.
Or, il s'était vu opposer un rejet par l'ASSEDIC, au motif qu'il ne disposait pas, comme l'exigeaient les textes, de deux années d'ancienneté de services continus dans l'entreprise qui l'avait licencié.
M. L... contestait cette décision en faisant valoir qu'il avait été employé sur des contrats à durée déterminée successifs, et qu'il totalisait, globalement, dans cette entreprise, une durée d'activité supérieure à celle qui était requise.
Ses recours n'ayant pas abouti, il a sollicité l'aide du Médiateur de la République.
A l'examen du dossier, il est apparu que la convention collective applicable à l'entreprise en cause définissait l'ancienneté des salariés comme étant la durée totale pendant laquelle un salarié était rémunéré, que ce soit sur une ou plusieurs périodes d'emploi.
En conséquence, le Médiateur de la République est intervenu auprès de l'UNEDIC pour demander un réexamen du dossier.
Cet organisme a procédé à une étude approfondie de la situation de l'intéressé, en prenant en compte, pour la détermination de son ancienneté, tant les instructions UNEDIC applicables en la matière que les dispositions de la convention collective dont relevait l'employeur de M. L...
A l'issue de cette nouvelle analyse, l'UNEDIC a réservé une suite favorable à la requête de l'intéressé et demandé à l'ASSEDIC de régulariser ce dossier.

Allocation de logement

Réclamation n° 97-1568, transmise par M. Didier BARIANI, ancien député de Paris, ancien ministre

M. L..., handicapé, ne percevait plus d'allocation de logement depuis le mois de mai 1996, au motif qu'il ne satisfaisait pas à la condition réglementaire d'occupation de son logement pendant au moins huit mois par an.
Très désemparée, la mère de l'intéressé a appelé l'attention du Médiateur de la République sur la situation très particulière à laquelle son fils se trouvait confronté.
Il s'avérait, en effet, que M. L..., grand invalide disposant de ressources modestes, ne pouvait occuper son logement dans des conditions normales, du fait de l'installation dans son appartement d'un couple, avec trois enfants, qui se maintenait illégalement dans les lieux.
Une sommation interpellative de quitter les lieux avait été effectuée, en vain, par voie d'huissier, et une procédure en expulsion était engagée à l'encontre des occupants indésirables.
Il apparaissait, en outre, que, du fait de la suppression de son allocation de logement, M. L... risquait d'être privé de l'aide à l'autonomie. En effet, cette aide est versée aux bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés, qui disposent d'un logement indépendant pour lequel ils reçoivent une aide personnelle au logement.
L'ensemble de ces éléments a conduit le Médiateur de la République à intervenir, à plusieurs reprises, auprès de, la caisse d'allocations familiales, afin que l'intéressé soit rétabli dans ses droits à l'allocation de logement.
Compte tenu de la particularité de cette affaire, le Médiateur a recommandé à l'organisme en cause d'examiner ce dossier, non seulement sur le plan du droit, mais également sur celui de l'équité.
Après une nouvelle étude de ce dossier, la commission de recours amiable de la caisse a accepté d'accéder à la recommandation du Médiateur, et a rétabli M. L... dans ses droits à allocation de logement, à compter de mai 1996.
Le Médiateur s'est, par ailleurs, assuré que toutes les dispositions utiles étaient prises en vue du relogement de la famille qui occupait l'appartement de M. L...

Aide personnalisée au logement Indu

Réclamation n° 97-2522

M. et Mme L... se voyaient réclamer un indu d'aide personnalisée au logement (APL) de l'ordre de 4 000F, depuis 1989, car ils n'avaient pu honorer, pour la période considérée, les échéances de l'emprunt qu'ils avaient contracté lors de l'acquisition de leur résidence principale.
La caisse d'allocations familiales (CAF) avait saisi en 1993 le tribunal d'instance aux fins de voir condamner les époux L... au remboursement de la somme litigieuse. Le tribunal, jugeant cette demande non fondée, avait débouté la caisse.
Cette dernière a alors saisi, en 1994, le tribunal administratif qui, par un jugement d'avril 1996, a fait droit à la demande de l'organisme et a condamné M. et Mme L... au remboursement de la somme litigieuse.
En octobre 1996, la CAF, se prévalant du jugement du tribunal administratif rendu en sa faveur, a demandé au tribunal d'instance de prononcer la saisie-arrêt des rémunérations de M. L... à hauteur de la créance en cause.
Le requérant a alors fait valoir que le tribunal d'instance avait jugé, en 1993, la demande de la CAF non fondée.
Par décision avant dire droit d'avril 1997, le juge d'instance, relevant que "la contrariété de jugements rendait incertaine l'exigibilité de la créance", a déclaré qu'il convenait, "dans le souci d'une bonne justice", d'inviter M. L... à saisir le Médiateur de la République, et a donc décidé de surseoir à statuer, dans l'attente du résultat de la médiation.
Le Médiateur est alors intervenu auprès du représentant de la CAF. Il a notamment souligné que le bien immobilier, qui avait justifié le versement de l'APL à l'époque, avait été vendu depuis ; que M. et Mme L... étaient en situation de surendettement et qu'ils se trouvaient dans l'incapacité, tant financière que juridique, d'assumer une procédure devant le tribunal des conflits, seule instance juridictionnelle compétente pour se prononcer à ce stade du litige.
Aussi, compte tenu des particularités présentées par cette affaire, le Médiateur a-t-il demandé à la CAF de bien vouloir renoncer, par souci d'équité, à toute procédure visant à la récupération de la somme litigieuse.
L'APL étant servie sur les fonds d'Etat, le représentant de la CAF a saisi la section départementale des aides publiques au logement. Cette instance a accepté de remettre la dette des époux L...

Assurance chômage

Réclamation n° 97-2634, transmise par M. André BASCOU, député des Pyrénées-Orientales

M. R..., demandeur d'emploi depuis plus d'un an, ne parvenait pas à se faire indemniser au titre de l'assurance chômage.
L'ASSEDIC rejetait sa demande, le considérant comme démissionnaire de son emploi.
Pour sa part, M. R... faisait valoir qu'il avait interrompu son activité professionnelle car son employeur ne lui payait pas ses salaires.
Il demandait, en conséquence, que lui soit appliquée la disposition du règlement d'assurance chômage qui prévoit qu'en pareille circonstance la démission est considérée comme légitime, et ouvre donc droit à indemnisation.
Or, pour appliquer ces dispositions, l'ASSEDIC exigeait un justificatif, à savoir une ordonnance de référé prud'homal constatant le non-paiement des salaires pour la période considérée, justificatif que l'intéressé ne pouvait produire.
En effet, M. R... ne pouvait engager cette procédure, la société qui l'employait ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire.
Constatant l'impossibilité pour M. R... de répondre à l'exigence de l'ASSEDIC, le Médiateur de la République est intervenu en sa faveur.
Après avoir reconsidéré le dossier, l'ASSEDIC a accepté de prononcer l'admission de l'intéressé au bénéfice de l'assurance chômage, et de régulariser rapidement sa situation.

Allocation compensatrice pour tierce personne

Réclamation n° 97-4036, transmise par M. François LESEIN, ancien sénateur de l'Aisne

La commission technique d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) de l'Aisne avait estimé que l'état de Mme D... justifiait l'attribution de l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP), au taux de 50 %, pour une durée de cinq ans, à compter du 1er novembre 1996.
Cependant, dans un premier temps, les services du conseil général ont informé Mme D... que cette prestation lui serait servie à compter du 4 juin 1997, puis, dans un second temps, que l'ACTP devait être utilisée au minimum à hauteur de 75 % de son montant pour le recours à une tierce personne rémunérée ou à un service d'aide à domicile.
Mme D... a contesté la date retenue pour le versement de l'allocation, ainsi que l'obligation qui lui était faite de rémunérer la tierce personne en question, en l'occurrence un membre de sa famille.
Ses démarches n'ayant pas abouti, elle a saisi le Médiateur de la République.
Le Médiateur a constaté que les services départementaux étaient tenus d'appliquer strictement la décision de la COTOREP, qui avait fixé le point de départ de l'ACTP au 1er novembre 1996.
Il a également noté que les bénéficiaires de l'ACTP à un taux compris entre 40 % et 70 % peuvent recourir à l'aide de personnes non rémunérées.
A la suite des interventions du Médiateur, le conseil général a accepté de procéder à un réexamen du dossier, dans le strict respect de la réglementation en vigueur, et a régularisé, en conséquence, la situation de Mme D...

Aide personnalisée au logement - Prêts immobiliers

Réclamation n° 97-4279, transmise par M. Jean VILA, député des Pyrénées-Orientales

En 1987, M. et Mme M... ont fait construire une maison individuelle à usage d'habitation principale et, pour se faire, ont contracté trois prêts immobiliers.
Sur cette base, M. M... a déposé une demande d'aide personnalisée au logement (APL) auprès de la caisse d'allocations familiales (CAF), qui lui a accordé cet avantage.
En 1997, à la suite d'une notification de la caisse l'informant d'une baisse du montant de son APL, M. M... a demandé aux services concernés des explications détaillées sur les modalités de calcul de l'aide qui lui était versée.
Il a alors découvert qu'un de ses prêts n'avait jamais été pris en compte pour la détermination du montant de l'APL.
A sa demande, la CAF a accepté de prendre en compte rétroactivement ce prêt pour les deux années précédentes, et de réviser le montant de l'APL à effet du mois d'avril 1995. Pour la période antérieure (1987-1995), l'organisme a refusé, en application de la règle de prescription biennale, de reconsidérer sa position.
M. M... a contesté cette décision devant la section départementale des aides publiques au logement (SDAPL), qui a refusé de lever la prescription biennale considérant que la situation financière de l'intéressé ne le justifiait pas.
M. M..., s'estimant pénalisé du fait d'une erreur de la caisse, a alors sollicité l'aide du Médiateur de la République.
Le Médiateur, se prévalant d'une directive du Fonds national de l'habitation demandant aux SDAPL de lever la prescription biennale dans le cas, par exemple, d'une erreur entraînant un préjudice important, ou lorsque la situation financière du bénéficiaire le justifie, est intervenu auprès de la SDAPL concernée. Il a souligné qu'en l'espèce ces deux conditions étaient satisfaites et a donc recommandé qu'il soit procédé à un nouvel examen de ce dossier.
Cette recommandation a été accueillie favorablement par la SDAPL, qui a accepté de lever la prescription biennale. Ainsi, M. M... a pu être rétabli dans ses droits réels à l'APL à compter de 1987.

Assurance maladie des exploitants agricoles

Réclamation n° 98-0570, transmise par Mme Christine LAZERGES, députée de l'Hérault

Mme A.... âgée de 82 ans, conjointe d'agriculteur, s'est fracturé le col du fémur dans sa cuisine et a dû être hospitalisée.
La caisse de mutualité sociale agricole (CMSA) a refusé la prise en charge de ses frais d'hospitalisation, considérant que cette fracture résultait d'un accident de la vie privée, risque non couvert par l'assurance maladie des exploitants agricoles (AMEXA).
Or, Mme A... n'était pas couverte par la garantie "accidents de la vie privée, du travail et des maladies professionnelles", que les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole sont tenus de souscrire auprès d'une compagnie d'assurances.
En conséquence, une facture de l'ordre de 80 000 F a été émise par l'hôpital à l'encontre de l'intéressée.
Dans l'impossibilité de s'acquitter d'une telle somme, et menacé de saisie par huissier de justice, ce couple âgé, très désemparé, a sollicité l'aide du Médiateur de la République.
A l'examen des éléments transmis, il ressortait que Mme A... était traitée depuis plusieurs années pour une pathologie fragilisant les os : l'ostéoporose. Le médecin traitant de la réclamante estimait que la fracture en question était en rapport avec sa maladie des os, et ne résultait donc pas d'un fait accidentel. De surcroît, une fracture de la cheville de Mme A.... six mois auparavant, avait été prise en charge au titre de l'AMEXA.
Aussi le Médiateur de la République est-il intervenu auprès de la CMSA pour demander qu'il soit procédé, par le médecin-conseil de la caisse, à un réexamen approfondi de ce dossier.
A l'issue d'une nouvelle analyse du dossier médical, et après avoir entendu et examiné l'assurée, le médecin-conseil a finalement indiqué au Médiateur de la République que la caisse prendrait en charge les frais d'hospitalisation consécutifs à la fracture de Mme A..., au titre de l'assurance maladie (AMEXA).


2. MOBILITE PROFESSIONNELLE ET PROTECTION SOCIALE : MALADIE, INVALIDITE, VIEILLESSE ET CHOMAGE


Les exigences de notre économie obligent les agents économiques à une mobilité professionnelle accrue pour conserver un emploi.
De plus, après une période d'extension du salariat, l'évolution de la conjoncture a entraîné des mutations socioprofessionnelles, encouragées par les pouvoirs publics, qui marquent un certain retour au travail indépendant.
Or, ces évolutions ne semblent pas avoir été suffisamment prises en compte par le droit social.
Ainsi, l'attention du Médiateur de la République est appelée sur la situation de personnes exclues du système de protection sociale à la suite de changements d'orientation professionnelle, alors même qu'elles avaient acquitté des cotisations d'assurance sociale pendant de longues années.
Il y a là des lacunes de notre droit, qui s'avère, à certains égards, inadapté au contexte économique actuel.
Ces observations seront développées selon deux axes : incidences de la mobilité professionnelle sur la protection contre les risques maladie, invalidité et vieillesse (A), puis incidences sur l'indemnisation du chômage (B).



A. Incidences de la mobilité professionnelle sur la protection contre les risques maladie, invalidité et vieillesse


Les premiers textes issus de l'ordonnance de 1945, qui a institué l'organisation de la Sécurité sociale ("Il est institué une organisation de la Sécurité sociale destinée à garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité ou de famille qu'ils supportent." (Ordonnance du 4 octobre 1945).
Les risques sociaux couverts par la Sécurité sociale sont: maladie, invalidité, maternité, vieillesse, décès, veuvage, accidents du travail, maladies professionnelles, charges familiales), ont fixé les contours du régime des salariés de l'industrie et du commerce.
Dès 1946 s'est posé le problème de l'extension du régime général des salariés aux travailleurs indépendants. Mais les tentatives en ce sens se sont soldées par des échecs, et les professions indépendantes ont obtenu la création de régimes autonomes.
Quatre régimes ont ainsi été créés. Ils concernent les professions industrielles et commerciales, artisanales, libérales (avec 13 sections professionnelles) et agricoles.
Bâti, à l'origine, sur des principes de généralisation à l'ensemble de la population et d'unification structurelle, le système de sécurité sociale mis en place se présente, en fait, comme une mosaïque complexe de régimes juxtaposés, régie par des politiques sectorielles. Il en résulte une multitude de lois, décrets et arrêtés, sans cesse modifiés.
Les inconvénients de cette fragmentation ont conduit au développement de mécanismes qui peuvent reconstituer une certaine unité du système, en particulier une coordination entre les régimes.
Cette coordination a pour objet, dans son principe, d'éviter qu'un assuré qui passe d'un régime à l'autre perde ses droits à prestations, faute de remplir les conditions de durée minimale d'affiliation ou de cotisation.
Mais, à l'occasion des réclamations qui lui sont adressées, le Médiateur de la République constate que ces règles de coordination comportent des lacunes, et que leur mise en oeuvre paraît parfois insuffisante.
Ainsi, des assurés atteints d'une grave affection, ou devenus invalides après avoir changé de statut professionnel, peuvent se retrouver sans aucune couverture maladie ou invalidité. D'autres ne peuvent pas faire valider leur période de service militaire, lors de la liquidation de leur retraite, en raison d'un changement d'activité avant et/ou après leur appel sous les drapeaux.

a. Incidences de la mobilité sur la protection contre les risques maladie et invalidité

a. 1. Difficultés liées au manque de règles de coordination

La réclamation n° 93-0197 de M. S..., citée dans le rapport du Médiateur de l'année 1995, illustre bien les difficultés concrètes rencontrées par les assurés du fait du manque de règles de coordination entre les régimes de sécurité sociale.

M. S... a été affilié au régime général de 1966 à 1984, date de son licenciement économique. Il a ensuite exercé une profession libérale, et a relevé, à ce titre, de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse des professions libérales (CIPAV), de 1984 à 1989.
Puis, M. S.... se trouvant sans emploi, a bénéficié d'allocations de chômage.
Atteint d'une maladie incurable et invalidante, l'intéressé a déposé une demande de pension d'invalidité auprès de la caisse primaire d'assurance maladie, en octobre 1990.
Cette caisse lui a opposé une décision de refus, au motif qu'il ne relevait plus du régime général.
Il s'est alors adressé à la CIPAV, qui n'a pas non plus fait droit à sa demande, car les statuts de ce régime prévoient que la couverture du risque invalidité n'est accordée que pour l'année correspondant à la cotisation versée. Or, en 1990, M. S... ne cotisait plus à ce régime.
Le réclamant ne pouvait pas non plus se prévaloir des dispositions du code de la sécurité sociale, aux termes desquelles les chômeurs indemnisés conservent la qualité d'assuré social et bénéficient, à ce titre, d'un maintien de droit aux Prestations du régime obligatoire dont ils relevaient antérieurement.
En effet, ces dispositions n'ont pas été étendues aux professions libérales, pour lesquelles le régime d'assurance invalidité est régi par des dispositions statutaires plus restrictives.
C'est dans ces conditions que M. S... a sollicité l'intervention du Médiateur de la République, aucun des régimes auxquels il avait cotisé ne lui ouvrant droit à une pension d'invalidité, pourtant justifiée par son état de santé.
Le ministre chargé de la Sécurité sociale, saisi par le Médiateur sur le plan de l'équité, a accepté, compte tenu de la durée de cotisations de M. S... au régime général, et de sa situation très particulière, de procéder, à titre exceptionnel, à une interprétation extensive de la réglementation régissant la matière.
La position ministérielle a ainsi permis à l'intéressé de percevoir une pension d'invalidité au titre du régime général.
Souhaitant dépasser le règlement des litiges par voie de dérogations individuelles, le Médiateur de la République a saisi, sur un plan général, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, ainsi que la Caisse nationale de l'assurance maladie. Il leur a fait remarquer que les conditions exigées par le code de la sécurité sociale, pour l'attribution des prestations d'assurance maladie et invalidité, s'avéraient mal adaptées au contexte actuel, qui requiert de fréquents changements d'orientation professionnelle, impliquant souvent l'affiliation successive des assurés sociaux à des régimes différents.
Ces difficultés sont illustrées par les deux cas suivants.

Réclamation n° 97-2985, transmise par M. Georges TRON, député de l'Essonne.

M. C... a dû interrompre son activité salariée, pour raisons de santé, en août 1991. Il a bénéficié des indemnités journalières, au titre de l'assurance maladie, Jusqu'en février 1992. Mais il n'a pu obtenir le règlement des indemnités journalières au-delà de six mois, au motif que, pendant l'année précédant son arrêt de travail, il avait exercé successivement une activité salariée et une activité non salariée.
Or, en l'absence de règles de coordination entre le régime des salariés et celui des non-salariés pour le risque maladie, la caisse d'assurance maladie des salariés n'a pu prendre en compte, pendant la période de référence, que la courte période d'affiliation de M. C... à ce régime.
En l'espèce, le Médiateur de la République a dû constater que la durée d'assurance était insuffisante, au regard des règles propres au régime salarié, pour permettre le versement d'indemnités journalières au-delà de six mois. Aucune prise en charge financière n'a donc pu être obtenue en faveur de M. C... au titre de l'assurance maladie.

Réclamation n° 98-1799, transmise par M. Patrice MARTIN-LALANDE, député du Loir-et-Cher.

M. D... a été licencié après avoir été salarié pendant vingt-quatre ans.
Il a créé une entreprise en février 1994. D'abord salarié de celle-ci, il en est devenu gérant majoritaire, de décembre 1994 à octobre 1995, dépendant alors du régime des non-salariés, puis il a repris une activité salariée en décembre 1995.
Atteint d'une très grave affection, il a cessé de travailler et a perçu des indemnités journalières, au titre de l'assurance maladie du régime des salariés, de février à août 1996.
Mais il s'est vu supprimer le versement de ces prestations au-delà du 6e mois d'arrêt de travail, les conditions de salariat prévues par la réglementation de ce régime n'étant pas remplies (A la date de rédaction de ce rapport, le Médiateur de la République était en attente du résultat définitif de ses interventions sur ce dossier).

a.2. Insuffisances dans la mise en oeuvre des règles de coordination existantes

L'article 79 de la loi n° 85-10 du 3 janvier 1985, portant diverses dispositions d'ordre social, institue une coordination entre régimes d'assurance invalidité pour les personnes qui ont relevé successivement ou alternativement, soit de régimes de salariés, soit d'un régime de salariés et d'un régime de non-salariés, ou encore de plusieurs régimes de non-salariés.
En application de ce principe général, un décret de 1986 a inséré dans le code de la sécurité sociale des articles qui fixent les conditions dans lesquelles sont ouverts et maintenus les droits aux prestations de l'assurance invalidité de ces personnes.
Deux problèmes distincts, révélés par plusieurs réclamations soumises au Médiateur de la République, sont posés par l'application et la portée de ces règles.

> La modification des statuts

Il est apparu que plusieurs régimes d'assurance invalidité n'avaient toujours pas modifié leurs statuts, de manière à satisfaire aux obligations instituées en 1986 pour rendre effective la coordination prévue par le législateur.
Les exemples suivants sont l'illustration des graves conséquences dont sont victimes certaines personnes du fait des retards pris dans la régularisation de ces statuts.

Réclamation n° 96-1734, transmise par M. Alain MADELIN, député d'Ille-et-Vilaine, ancien ministre.

M. L... a cotisé pendant de nombreuses années au régime général des salariés, avant d'exercer une activité libérale.
Atteint d'une grave affection, il a dû cesser toute activité à 50 ans. La caisse des professions libérales, se fondant sur ses statuts non modifiés, lui a refusé le bénéfice d'une pension d'invalidité, au motif que le fait générateur de l'invalidité était antérieur à son affiliation au régime des professions libérales.
Ne relevant plus du régime des salariés depuis plus d'un an, M. L... n'a pu bénéficier de cette pension au titre de ses activités salariées antérieures, et s'est retrouvé du jour au lendemain sans ressources.

Réclamation n° 96-3897, transmise par M. Charles EHRMANN, ancien député des Alpes-Maritimes.

Après avoir exercé une activité salariée de 1961 à 1983, M. M... a ouvert un cabinet d'architecte en 1986. Il n'a pu poursuivre cette activité, à partir de 1994, en raison de son état de santé.
Le régime des professions libérales lui a refusé l'attribution d'une pension d'invalidité pour le même motif que M. L...
Sensible à ces situations, le Médiateur de la République a proposé, en 1997, au ministère de l'Emploi et de la Solidarité de réformer les textes en vigueur.
Faisant droit à sa demande, les services ministériels ont invité les régimes d'assurance invalidité, dont les statuts ne sont pas encore conformes aux règles fixées, à rectifier les dispositions incriminées, dans des termes qui respectent le code de la sécurité sociale.
Dans l'attente de ces modifications, lesquelles sont actuellement en cours d'aboutissement, le Médiateur a pu obtenir l'attribution d'un avantage invalidité aux deux réclamants cités ci-dessus.

> La proratisation des pensions d'invalidité

En second lieu, la réglementation ne semble pas donner au principe de coordination, institué par la loi de 1985, toute la portée que les assurés sont en droit d'attendre.
Au même titre que le risque vieillesse, le risque invalidité fait l'objet d'une couverture obligatoire tout au long de la vie professionnelle, quel que soit le régime d'affiliation.
Mais, alors que pour la liquidation de la pension de retraite chaque régime assume la charge de la prestation qui lui incombe sur la base des seules périodes valables au regard dudit régime, nul mécanisme similaire n'a été institué en matière d'invalidité.
Au contraire, les dispositions en vigueur prévoient que, lorsque la pension d'invalidité du régime auquel incombe la charge de la pension est calculée en fonction du salaire ou du revenu professionnel, il n'est tenu compte que des salaires ou revenus perçus au cours des périodes d'exercice d'une activité relevant de ce régime.
Cette règle s'avère pénalisante pour les personnes concernées, qui peuvent se trouver, à la suite d'une invalidité survenue peu de temps après une réorientation professionnelle impliquant un changement de régime, dans un état de dénuement total, quand bien même elles auraient acquitté des cotisations pendant de longues années.
S'agissant de cette question de la proratisation des pensions d'invalidité, aucune issue n'a été trouvée jusqu'à présent, ni sur un plan général, ni dans les cas signalés, les services ministériels ayant indiqué que la concertation nécessaire ne sera engagée avec les régimes concernés que lorsque la mise en conformité des statuts des caisses des professions libérales aura été achevée.

b. Incidences de la mobilité professionnelle sur la protection contre le risque vieillesse

Un problème spécifique est apparu au niveau de la validation de la période de service national des retraités qui ont successivement occupé un emploi salarié et non salarié avant et après leur appel sous les drapeaux.
Le code de la sécurité sociale prévoit la validation gratuite des périodes de service national au titre de l'assurance vieillesse pour l'appelé qui possédait la qualité d'assuré social avant son incorporation.
Or, certains assurés ne peuvent faire valider cette période, effectuée en temps de paix (La validation des périodes de service en temps de guerre obéit à des règles particulières), par aucun régime d'assurance vieillesse, alors même qu'ils ont travaillé et cotisé avant et après leur service militaire, ce qui contrevient à ce principe général.
Tel est le cas des personnes qui, antérieurement à leur appel sous les drapeaux, étaient affiliées au régime des artisans ou des commerçants et, ensuite, au régime général des salariés, avant les règles d'alignement instituées en 1973 (Le régime des industriels et des commerçants est aligné sur le régime général depuis la loi du 27 décembre 1973, dite "loi Royer", et applique donc les mêmes règles de validation des périodes militaires. Toutefois, ces textes ne sont applicables qu'aux périodes accomplies postérieurement au 1er janvier 1973).
En effet, à cette époque, le régime des artisans, comme celui des commerçants, ne validait les périodes de service national que si l'intéressé avait été affilié a priori et a posteriori, le régime général n'exigeant, pour sa part, qu'une condition d'affiliation a priori.
Compte tenu de ces règles, les personnes placées dans la situation évoquée ci-dessus ne pouvaient faire valider leur période de service national par aucun régime, comme le montrent les deux cas suivants.

Réclamation n° 96-0631, transmise par M. Gilbert BAUMET, ancien député du Gard, ancien ministre.

M. J... a accompli son service militaire de février 1954 à mars 1955.
Avant cette période, il a exercé successivement une activité salariée, puis non salariée (commerçant). Après son service, il a de nouveau été salarié.
Lors de la liquidation de sa pension, la validation de sa période de service national lui a été refusée, tant par la caisse de retraite des salariés que par celle des commerçants, chacune faisant une stricte application de ses propres règles.

Réclamation n° 98-0656, transmise par M. André BERTHOL, député de la Moselle.

M. S..., âgé de 57 ans, est demandeur d'emploi depuis 1994, et a épuisé ses droits à l'assurance chômage en 1998.
Craignant de ne pas retrouver d'emploi eu égard à son âge, il a souhaité bénéficier de l'allocation "Chômeurs âgés" jusqu'à son départ en retraite. Il a entrepris, à cet effet, la reconstitution de sa carrière.
En 1997, la caisse de retraite l'a informé qu'il réunissait 148 trimestres d'assurance, tous régimes confondus. Or, ce nombre est insuffisant pour lui permettre de prétendre à l'allocation chômeurs âgés.
Comme M. J..., M. S... a ainsi constaté que sa période de service national n'avait été validée ni au titre du régime des salariés, ni à celui des artisans, dont il relevait avant son service militaire.
Saisi de nombreux cas similaires, qui révèlent un vide juridique (les deux législations juxtaposées, régimes des salariés et des non-salariés, ne permettant pas la validation de la période de service militaire), le Médiateur de la République a proposé au ministère de l'Emploi et de la Solidarité de prendre les dispositions nécessaires pour garantir la coordination entre les régimes d'assurance vieillesse et mettre fin à ces situations inéquitables.
Faisant droit à sa requête, les services ministériels ont donné instruction (Circulaire du 15 juillet 1998 sur la validation des périodes de service national en temps de paix) aux caisses de retraite des salariés, artisans, professions industrielles et commerciales, de faire valider la période de service national par le régime d'affiliation immédiatement postérieur à la période en cause.
Le cas de M. S... a pu être réglé sur le fondement de ces nouvelles directives. Celui de M. J... est en cours de réexamen.



B. Incidences de la mobilité professionnelle sur l'indemnisation du chômage


Des difficultés peuvent également apparaître dans le cas particulier de chômeurs ayant exercé successivement des activités salariées et non salariées.

a. La création du régime d'assurance chômage

En France, la protection des chômeurs n'est pas intégrée dans le système de sécurité sociale, contrairement à la solution retenue dans d'autres pays occidentaux.
L'indemnisation du chômage relevait, à l'origine, de l'aide sociale, à la charge des collectivités locales, puis de l'Etat.
Face aux difficultés économiques croissantes, l'insuffisance de l'aide publique a conduit les partenaires sociaux à instituer un régime conventionnel d'assurance chômage.
Issu d'un accord conclu en 1958 par des représentants des salariés et des employeurs, ce régime a été mis en place pour offrir un revenu de remplacement aux anciens salariés privés d'emploi.
Le régime ne percevant, en principe, aucune aide de l'Etat, les partenaires sociaux s'efforcent d'en assurer l'équilibre financier en jouant sur le montant des prestations et sur celui des cotisations.
La montée continue du nombre de demandeurs d'emploi à indemniser et, parallèlement, le tarissement des ressources dû à la contraction de la masse salariale, maintiennent le régime dans un état de tension permanente.

b. Les conditions générales de l'indemnisation

Les prestations du régime d'assurance chômage sont servies aux personnes qui ont été salariées en application des techniques de la prévoyance collective obligatoire, c'est-à-dire qu'elles sont fonction, dans leur principe, leur montant et leur durée, de l'assujettissement antérieur au régime et des cotisations versées.
Le droit à un revenu de remplacement suppose remplies trois conditions principales :
- la privation involontaire d'emploi ;
- l'aptitude au travail ;
- la recherche d'emploi.
Le pivot de l'ensemble du dispositif est la qualité de demandeur d'emploi.
La cessation du contrat de travail du salarié privé d'emploi, doit résulter soit :
- d'un licenciement ;
- d'une fin de contrat de travail à durée déterminée ;
- d'une démission considérée comme légitime.
La fin du contrat de travail, retenue pour l'ouverture des droits à indemnisation, doit, sauf cas particuliers, être intervenue dans les douze mois précédant l'inscription de l'intéressé comme demandeur d'emploi.
Ce délai peut toutefois être allongé, notamment en cas de maladie, maternité, service national, création d'entreprise avec l'aide de l'Etat, stage de formation, assistance d'une personne handicapée, etc...

c. Cas d'exclusion du régime à l'issue d'une mobilité professionnelle

Les personnes non salariées, comme les mandataires de société (sauf s'ils cumulent des fonctions non-salariées et salariées), les artisans, les commerçants et les professions libérales, ne participent pas au régime d'assurance chômage.
Des difficultés surviennent, dans certains cas, pour les personnes qui échouent dans une nouvelle activité non salariée, plus d'un an après avoir quitté un emploi salarié.
De telles situations sont régulièrement signalées au Médiateur de la République.

Réclamation n° 98-0805, transmise par M. André ASCHIERI, député des Alpes-Maritimes.

M. B... a perdu son emploi en 1993 et a repris immédiatement une activité non salariée d'agent mandataire, pour le compte d'une compagnie d'assurances.
Contraint de cesser cette activité en 1995, en raison de sa faible rentabilité, il s'est inscrit comme demandeur d'emploi.
L'intéressé a alors appris que le régime d'assurance chômage ne pouvait l'indemniser au titre de sa dernière activité, du fait de sa qualité de non-salarié.
S'estimant lésé, il a entrepris des démarches pour obtenir une ouverture de droits au titre de sa précédente activité salariée. Mais l'ASSEDIC lui a opposé un refus, au motif que la fin du contrat de travail se situait plus de douze mois avant son inscription comme demandeur d'emploi.
Ce délai de forclusion ne pouvant supporter aucune dérogation, la réclamation introduite par M. B... auprès du Médiateur de la République n'a pu aboutir.

Réclamation n° 98-3117, transmise par M. Robert POUJADE, député de la Côte-d'Or, ancien ministre.

M. D... a été gérant de société de 1977 à 1991.
A la suite du rachat de son entreprise par un autre groupe, il est devenu cadre salarié jusqu'en septembre 1995, date à laquelle le tribunal de commerce a prononcé la liquidation de la firme.
Ne voulant pas rester sans activité, il a participé à la reprise de la société, et en a assuré la direction en qualité d'actionnaire minoritaire.
Mais la nouvelle entreprise a été mise en liquidation en avril 1998.
Inscrit comme demandeur d'emploi, M. D... n'a pu être indemnisé, parce qu'il n'avait pas le statut de salarié.
Admettant difficilement qu'il ne pouvait faire valoir ses années de salariat, il a souhaité l'intervention du Médiateur de la République.
Cependant, celui-ci n'a pu obtenir le réexamen du dossier, la fin de contrat de travail se situant au-delà du délai de forclusion.
En l'espèce, il s'avère que des demandeurs d'emploi se retrouvent sans revenu de remplacement, alors qu'ils ont versé des cotisations importantes au régime d'assurance chômage pendant plusieurs années.
Ceux qui ne parviennent pas à se réinsérer dans la vie professionnelle, en particulier les plus âgés, peuvent ainsi être privés de toutes ressources personnelles jusqu'à l'âge de la retraite.
En outre, il convient de souligner que l'absence d'indemnisation entraîne la non-validation des périodes correspondantes par l'assurance vieillesse (retraite de base et retraite complémentaire).
Cette situation peut paraître choquante, le système pénalisant des demandeurs d'emploi qui, pour sortir du chômage, se lancent dans la création d'entreprise sans l'aide de l'Etat.
Le Médiateur de la République note que les difficultés évoquées proviennent du manque d'information des personnes concernées.
En effet, il faut savoir qu'une demande d'indemnisation déposée immédiatement après la perte de l'emploi salarié permet l'ouverture des droits. Ainsi, le participant peut recevoir le reliquat éventuel du droit à indemnisation, dès lors qu'il n'a pas acquis de nouveaux droits, et que le temps écoulé depuis la première admission n'est pas supérieur à la durée de cette période, augmentée de trois ans de date à date (A titre d'exemple, la durée totale maximale de l'indemnisation étant de 1825 jours, un chômeur de 55 ans et plus ayant repris une activité non salariée qui échoue peut recevoir un reliquat d'allocations à l'issue d'une période de huit ans).
Or, tous les réclamants qui saisissent le Médiateur indiquent que la condition d'inscription comme demandeur d'emploi et de dépôt d'une demande d'allocation au moment de la perte de leur emploi salarié, nécessaire pour sauvegarder leurs droits, ne leur a pas été signalée par les administrations et les services auxquels ils se sont adressés.
Le Médiateur de la République appelle donc particulièrement l'attention des partenaires sociaux sur la nécessité de trouver rapidement une solution qui mette fin à de telles iniquités.


3. FRAIS D'HOSPITALISATION : CONSEQUENCES FINANCIERES, POUR LES ASSURES SOCIAUX, DE LA REGLE DE L'ETABLISSEMENT LE PLUS PROCHE


Le Médiateur de la République est saisi, depuis de nombreuses années, de réclamations émanant d'assurés sociaux qui se plaignent de devoir supporter des frais d'hospitalisation, lorsque les organismes d'assurance maladie limitent leurs prises en charge en application de la règle dite "de l'établissement le plus proche".
Cette règle ancienne a pour effet de laisser à la charge de tout assuré social hospitalisé dans un établissement autre que celui qui est le plus proche de sa résidence, et susceptible de dispenser les soins nécessités par son état, les frais supplémentaires correspondant à la différence de tarification entre les deux établissements.
Les factures hospitalières ainsi adressées aux assurés peuvent se révéler d'un montant très élevé, atteignant parfois plusieurs dizaines de milliers de francs.
Malgré les aménagements apportés par une circulaire interministérielle du 23 octobre 1984, la règle soulève de nombreuses difficultés d'application.
Le Médiateur a notamment constaté, à travers les réclamations qu'il reçoit, que, le plus souvent, les patients n'avaient pas été informés, avant leur hospitalisation, des conditions financières de prise en charge de leur séjour.
C'est pourquoi il a proposé, en 1991, au ministre chargé de la Sécurité sociale, une réforme visant à garantir une information aux assurés sociaux, préalablement à leur admission dans un établissement de soins.
A l'issue de nombreuses réunions et discussions, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité a diffusé, le 21 novembre 1997, une circulaire pour répondre, notamment, aux préoccupations du Médiateur en matière d'information.
Cette instruction a été prise à titre conservatoire, dans l'attente de l'aboutissement de la réflexion engagée sur l'évolution de la règle de l'établissement le plus proche, qui est une source d'inégalité entre les assurés et s'avère, en outre, aujourd'hui inadaptée.



A. La réglementation et ses difficultés d'application


a. La limite au principe du libre choix de l'établissement

a.1. La règle de l'établissement le plus proche

Selon l'article 1" de la loi n° 70-1312 du 31 décembre 1970, le malade a, en principe, le libre choix de son praticien et de son établissement de soins.
Toutefois, ce principe du libre choix doit être apprécié par rapport à un autre principe fondamental de l'assurance maladie, celui de la plus stricte économie compatible avec l'efficacité du traitement.
Ainsi, les articles R. 162-21 et R. 162-37 du code de la sécurité sociale précisent que les frais d'hospitalisation ne sont pris en charge, par les régimes d'assurance maladie, que dans la limite du tarif de responsabilité de l'établissement public ou privé le plus proche de la résidence de l'assuré, et dans lequel il est susceptible, sous réserve de l'avis du contrôle médical, de recevoir les soins appropriés à son état. L'assuré qui choisit, pour des raisons de convenances personnelles, un établissement de santé plus éloigné, et dont le tarif est supérieur au tarif applicable à l'établissement le plus proche de sa résidence, doit supporter la différence de tarification entre les deux établissements.
Lors de la prise en charge, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) doit aviser l'assuré des conditions particulières dans lesquelles les frais de séjour seront remboursés.
L'ensemble de ces dispositions est issu de deux décrets, datant respectivement du 21 août 1964 et du 22 février 1973.

a.2. Les aménagements apportés à la règle de l'établissement le plus proche

Une circulaire interministérielle du 23 octobre 1984 a assoupli les modalités d'application de la règle de l'établissement le plus proche.
Ainsi, cette règle est présumée ne pas s'appliquer :
- dans tous les cas d'admission en urgence ;
- pour certaines disciplines spécialisées et limitativement énumérées, lorsque les malades résident dans la circonscription de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales de l'établissement hospitalier ;
- et, quelle que soit la discipline, lorsque les malades résident dans le département siège de l'établissement hospitalier, et, exceptionnellement dans toute la région, lorsqu'ils résident en Ile-de-France.
Il convient, d'ores et déjà, de relever le caractère inégalitaire de cette règle, qui permet implicitement aux assurés franciliens de séjourner dans tous les établissements publics de soins français, sans encourir le risque de se voir appliquer une limitation de prise en charge, puisque les tarifs de référence des hôpitaux parisiens sont les plus élevés.

b. Les difficultés d'application

Les réclamants qui saisissent le Médiateur sont souvent très désemparés.
Ils ne manquent pas de souligner qu'ils bénéficient d'une couverture maladie (en qualité d'assuré social ou d'ayant droit), dont l'objet est la prise en charge des dépenses de santé et, notamment, des frais d'hospitalisation.
En conséquence, ils s'étonnent, et n'acceptent pas, de devoir supporter une partie des frais exposés lors d'un séjour hospitalier, lorsque les caisses d'assurance maladie leur appliquent un plafonnement de prise en charge.
Les intéressés contestent avoir choisi une structure de soins pour des raisons de convenances personnelles, motif retenu par les organismes pour limiter les remboursements.
Ils sont également nombreux à se plaindre de ne pas avoir été informés, préalablement à leur hospitalisation, des conséquences financières, souvent lourdes, engendrées par leur séjour dans un établissement de soins situé hors du secteur dans lequel ils sont domiciliés.
Enfin, certains reprochent aux organismes de ne pas tenir compte de l'urgence de la situation qui est à l'origine de l'hospitalisation, circonstance qui permet d'écarter l'application de la règle de l'établissement le plus proche.
Les quelques exemples exposés ci-après illustrent les difficultés engendrées par la règle de l'établissement le plus proche. Dans ces cas d'espèce, le Médiateur de la République, malgré ses nombreuses interventions, n'a malheureusement pas pu obtenir de modification des positions fermes adoptées par les organismes concernés.

b.1. L'appréciation des "raisons de convenances personnelles"

Le choix d'un établissement peut obéir à divers motifs. Il est souvent dicté par le conseil du médecin traitant. Il peut répondre à la volonté du patient de bénéficier des meilleures techniques utilisées dans les services spécialisés de certains établissements, ou de poursuivre les soins là où ils ont été commencés. Il peut encore, par exemple, correspondre au souhait du malade de se rapprocher de sa famille.
Or, ces différentes circonstances peuvent être qualifiées de "raisons de convenances personnelles" par les organismes d'assurance maladie, et donc engendrer une limitation de la prise en charge des frais de séjour exposés.
La réglementation prévoit que le motif de convenances personnelles n'est opposable à l'assuré qu'après avis du contrôle médical de la caisse. Il appartient, en effet, au médecin conseil de déterminer l'établissement le plus proche susceptible de dispenser les soins appropriés à l'état du malade.
En pratique, il s'avère que l'avis du contrôle médical n'est pas systématiquement requis, et que certaines décisions de plafonnement émanent exclusivement des services administratifs, qui se réfèrent à un simple critère de proximité géographique.
L'appréciation de la notion de raisons de convenances personnelles, même lorsqu'elle est retenue après avis du médecin conseil, est source de nombreuses réclamations.
Il est fréquent que le choix d'un établissement relève plus de la décision du médecin traitant que du malade lui-même. Or, l'orientation par le médecin traitant vers un établissement de santé plus éloigné, et dont le tarif est supérieur au tarif applicable à l'établissement le plus proche de la résidence de l'assuré, est assimilée, par les organismes sociaux et par la jurisprudence, à un choix pour raisons de convenances personnelles.
C'est ainsi que le Médiateur de la République a été saisi de la réclamation n° 95-2033, transmise par M. Hervé GAYMARD, député de la Savoie, ancien ministre.
M. E..., demeurant en Savoie, a été hospitalisé à Grenoble (Isère).
Or, le médecin conseil de la caisse primaire a estimé que le centre hospitalier de Chambéry pouvait assurer les mêmes soins. La participation financière de la caisse a donc été limitée au prix de journée pratiqué dans cet établissement.
C'est en vain que l'intéressé a expliqué, à plusieurs reprises, qu'il n'avait pas séjourné à l'hôpital de Grenoble par choix personnel, mais poursuivre la prescription de son médecin traitant.
La différence de tarification entre les deux établissements, soit une somme d'environ 6 500 F, est néanmoins restée à sa charge.
Certains réclamants précisent que c'est l'échec des interventions déjà pratiquées dans l'établissement le plus proche de leur domicile, ou le délai d'attente pour une opération, qui les a conduits à opter pour une structure de soins plus éloignée.

La réclamation n° 97-3459, transmise par M. Daniel CHEVALLIER, député des Hautes-Alpes, en est l'illustration.

Mme G..., demeurant dans les Hautes-Alpes, a subi une greffe de la cornée à l'hôpital Bicêtre, à Parts.
Or, le médecin conseil de son organisme d'assurance maladie a estimé que l'opération aurait pu avoir lieu à Marseille. Le remboursement des dépenses exposées par Mme G... a donc été limité au prix de journée du CHU marseillais, laissant à la charge de cette assurée une somme de l'ordre de 4 000 F.
Là encore, Mme G... a fait valoir en vain devant la commission de recours amiable de la caisse que, si elle avait opté pour l'hôpital Bicêtre, c'est parce qu'une proposition de greffe lui avait été faite plus rapidement à Paris qu'à Marseille. Ce motif a été considéré comme une raison de convenances personnelles.
D'autres réclamants insistent, même en cas de déménagement, sur l'intérêt thérapeutique de poursuivre leurs soins dans l'établissement qui les a initialement pris en charge. Or, cet argument de "continuité des soins" est, également, fréquemment assimilé à une raison de convenances personnelles par les organismes payeurs.
Enfin, les personnes âgées, fragilisées par la perspective d'une intervention chirurgicale, optent quelquefois pour un établissement de soins éloigné de leur domicile, mais proche de leur famille, comme le montre la réclamation n° 95-4240, transmise par M. Gérard JEFFRAY, ancien député de Seine-et-Marne.
Mme J..., demeurant dans la Manche, a subi des examens médicaux à l'hôpital de Cherbourg, à la suite d'un grave malaise. Il s'est avéré, au vu des résultats des examens, que l'intéressée devait être opérée à coeur ouvert, le CHU de Caen étant l'établissement le plus proche de son domicile susceptible de pratiquer l'intervention.
Mme J.. a toutefois demandé à être transférée à l'hôpital Henri-Mondor, à Créteil. Agée de 75 ans et très inquiète, elle estimait, en effet, légitime de se rapprocher de ses enfants, domiciliés en région parisienne, afin de bénéficier de leur soutien moral et matériel.
La CPAM de Saint-Lô, considérant pour sa part que cette assurée avait choisi d'être hospitalisée à Henri-Mondor pour des raisons de convenances personnelles, a limité sa prise en charge au tarif de responsabilité fixé pour le CHU de Caen.
Mme J... étant décédée entre-temps, un titre de recettes de l'ordre de 80 000 F a été émis par l'hôpital de Créteil à l'encontre de ses héritiers.

b.2. L'information des assurés

C'est un domaine qui suscite également de nombreuses réclamations. Les assurés sociaux se plaignent en général de n'avoir été avertis qu'a posteriori des sommes mises à leur charge, en application de la règle de limitation au tarif de l'établissement le plus proche.
Les articles R. 162-21 et R. 162-37 du code de la sécurité sociale stipulent que, lors de la prise en charge, la caisse primaire avise l'assuré des conditions particulières dans lesquelles les frais de séjour exposés seront remboursés.
Pour que cette obligation d'information, qui incombe aux organismes, soit efficace, il faudrait que l'assuré ait connaissance, préalablement à son admission, du tarif pratiqué par l'établissement d'accueil, et qu'il lui soit expressément indiqué que le montant de la différence entre les deux tarifs sera à sa charge. En effet, ce n'est qu'en possession de ces éléments que l'assuré est à même de choisir, en toute connaissance de cause, la structure de soins dans laquelle il va séjourner.
Or, le règlement intérieur type des caisses primaires d'assurance maladie n'impose la formalité de l'entente préalable que lorsque l'hospitalisation doit avoir lieu dans un établissement privé. Dans ce cas, à défaut de réponse dans les huit jours, la caisse est réputée avoir accepté la prise en charge des frais pour l'établissement indiqué par l'assuré.
L'accomplissement d'une telle formalité n'est pas exigé avant l'admission dans un hôpital public.
En conséquence, les patients découvrent souvent, postérieurement à leur séjour, la limitation de remboursement qui leur est appliquée.

La réclamation n° 97-0278, transmise par M. Louis GUEDON, député de la Vendée, en est une bonne illustration.

M. L..., domicilié en Vendée, a été hospitalisé, en 1979 et en 1986, à l'hôpital Broussais, à Paris. Ces deux séjours n'ont posé, à l'époque, aucun problème de prise en charge.
L'intéressé n'a donc entrepris aucune démarche préalablement à sa nouvelle admission à l'hôpital Broussais en 1996, établissement dans lequel il avait déjà un important dossier chirurgical.
Or, la caisse d'affiliation de M. L... a considéré que cette dernière hospitalisation à Broussais résultait d'un choix personnel qui, selon le médecin conseil, n'était dicté par aucune nécessité médicale.
En conséquence, la prise en charge du séjour de M. L... a été limitée au tarif pratiqué par le CHU de Nantes, établissement le plus proche du domicile de l'assuré, susceptible de réaliser les mêmes soins.
En effet, depuis les précédentes hospitalisations de l'intéressé, le plateau technique de l'hôpital nantais avait évolué et pouvait désormais assurer les soins nécessités par l'état de M. L..., ce que celui-ci ignorait.
Une facture de l'ordre de 62 000 F, représentant la différence de tarif entre les deux établissements, a donc été émise à son encontre par l'Assistance publique de Paris.
M. L... a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, mais a été débouté de son recours (A la date de rédaction de ce rapport, le Médiateur de la République était en attente du résultat définitif de ses interventions sur ce dossier).

b.3. Les admissions en urgence

Selon l'article 4 du décret n° 74-27 du 14 janvier 1974, si l'état d'un malade ou d'un blessé réclame des soins urgents, le directeur de l'hôpital doit prononcer l'admission, même en l'absence de pièces d'état civil et de renseignements sur les conditions dans lesquelles les frais de séjour seront remboursés à l'établissement.
La circulaire du 23 octobre 1984 précise que la règle de limitation au tarif de l'établissement le plus proche du domicile est inopérante dans les cas d'admissions en urgence.
Cet assouplissement est consacré par une jurisprudence constante.
La chambre sociale de la Cour de cassation a, par exemple, jugé, dans un arrêt du 9 mai 1994, que les frais d'hospitalisation doivent être remboursés sur la base du tarif de l'établissement d'accueil, et non dans la limite du tarif de responsabilité fixé pour l'établissement le plus proche de la résidence du malade, lorsque, en présence d'un cas grave et urgent, le médecin traitant a, sous sa responsabilité, déterminé l'hôpital spécialisé le plus proche qu'il jugeait apte à appliquer le traitement approprié et nécessaire au patient. La haute juridiction a souligné que ces circonstances excluent toutes raisons de convenances personnelles de l'assuré, et rendait inutile l'expertise technique ultérieure dans les rapports de la caisse et du patient (cass. soc. 9 mai 1994 - CPAM du Cher c/Bablet).
Ainsi, dès lors que l'admission revêt un caractère d'urgence, l'organisme d'assurance maladie n'a pas à se prononcer sur d'éventuelles raisons de convenances personnelles, et doit accorder la prise en charge des frais exposés dans l'établissement d'accueil.

Cela suppose, toutefois, que la structure de soins ait bien enregistré le mode d'entrée en urgence du malade, ce qui n'est pas toujours le cas, comme en témoigne la réclamation n° 96-1101, transmise par M. Michel VUIBERT, ancien député des Ardennes.

Mme A.... demeurant dans les Ardennes, soutenait avoir été hospitalisée à Reims, en urgence, à l'initiative de son médecin traitant. Elle ajoutait qu'elle se trouvait dans un état subcomateux lors de son admission.
Or, les informations relatives à la prise en charge de ce séjour, contenues dans "l'avis d'admission - prise en charge" établi par le centre hospitalier de Reims, ne mentionnaient pas un mode d'entrée en urgence.
La caisse d'assurance maladie, après avis de son médecin-conseil, a estimé que des raisons de convenances personnelles étaient à l'origine du choix de l'établissement d'accueil, et a limité sa participation au tarif de l'établissement le plus proche du domicile de l'assurée, en l'occurrence le centre hospitalier de Charleville-Mézières. Les frais supplémentaires mis à la charge de Mme A... représentaient une somme de l'ordre de 9 000 F.
La commission de recours amiable, saisie par la réclamante, a confirmé la décision de la caisse.
Le médecin-conseil de l'organisme, interrogé à trois reprises différentes, et après examen des certificats fournis par le médecin traitant, a également maintenu son avis initial.
Ces quelques exemples témoignent des sommes parfois considérables qui demeurent ainsi à la charge des assurés sociaux, et qui obèrent très lourdement le budget des familles concernées.
Cela est d'autant plus mal ressenti que, comme souligné plus haut, de très nombreux patients se plaignent de ne pas avoir été avertis, préalablement à leur hospitalisation, des conditions dans lesquelles leurs frais de séjour seront pris en charge par la Sécurité sociale.
Ce constat a conduit le Médiateur de la République à proposer, dès 1991, une réforme visant à garantir, dans ce domaine, une meilleure information aux assurés.


B. L'action du Médiateur de la République, et ses effets


a. Sur un plan général

a.1. La proposition de réforme du Médiateur de la République

Le Médiateur a effectivement relevé que l'information apportée en la matière par les organismes payeurs, en application des articles R. 162-21 et R. 161-37 du code de la sécurité sociale, n'était pas satisfaisante.
En septembre 1991, il a donc proposé au ministre chargé de la Sécurité sociale une réforme (STR 91.05) visant à améliorer l'information des assurés sociaux sur les conséquences d'une hospitalisation hors du secteur dans lequel ils sont domiciliés.
A cette occasion, le Médiateur a souligné que l'indication aux patients, préalablement à l'hospitalisation, du tarif pratiqué par l'établissement d'accueil, et la mention expresse du fait que la différence entre les deux tarifs sera intégralement à leur charge, serait plus conforme à l'esprit des dispositions réglementaires, et permettrait aux assurés sociaux de choisir, en toute connaissance de cause, la structure de soins dans laquelle ils vont séjourner.
Il a également suggéré que cette information soit complétée par une action de sensibilisation des médecins prescripteurs, ainsi que des établissements de santé.
Ce dossier a été évoqué, entre 1992 et 1997, lors des nombreux comités interministériels de suivi des propositions de réforme du Médiateur, au cours desquels la position du ministère chargé de la Sécurité sociale a évolué.
En novembre 1994, après qu'une enquête eut été diligentée par la CNAM auprès des CPAM, le ministère a indiqué que la suppression de la règle de limitation à l'établissement le plus proche paraissait constituer la meilleure solution.
Toutefois, en mars 1995, le cabinet du ministre précisait qu'il ne souhaitait pas remettre en cause cette règle dans l'immédiat.
En avril 1997, le ministère a fait savoir qu'une réflexion était engagée sur l'adaptation des règles de prise en charge de l'assurance maladie, qui datent de décrets de 1964 et de 1973, aux notions nouvelles de choix des établissements.

a.2. La circulaire ministérielle du 21 novembre 1997

Dans l'attente de l'aboutissement de cette réflexion et à la suite des demandes réitérées du Médiateur de la République, la direction de la sécurité sociale du ministère de l'Emploi et de la Solidarité a diffusé, le 21 novembre 1997, une circulaire relative à l'application des dispositions des articles R. 162-21 et R. 162-37 du code de la sécurité sociale, destinée aux échelons régionaux et départementaux, et aux caisses nationales.
Cette instruction rappelle que la limitation de la prise en charge au tarif de responsabilité de l'établissement le plus proche est subordonnée à deux conditions :
- l'une à caractère administratif : l'information de l'assuré, préalablement à son hospitalisation, sur les conditions dans lesquelles ses frais seront pris en charge ;
- l'autre à caractère médical: la règle ne peut être appliquée que sur avis du service du contrôle médical de la caisse.
L'information préalable a pour objet de permettre à l'assuré de reconsidérer, le cas échéant, le choix de l'établissement dans lequel il devrait être admis. Elle doit être donnée en temps utile, c'est-à-dire plusieurs jours avant l'hospitalisation prévue, et préciser la somme qui ne sera pas prise en charge par l'organisme de base. A défaut d'une telle information, dans des délais compatibles avec l'exercice de son libre choix, la règle ne peut être opposée à l'assuré.
Par ailleurs, le service du contrôle médical est seul compétent pour déterminer si, compte tenu de l'offre hospitalière publique ou privée localement disponible, les "soins appropriés" peuvent être effectués dans l'établissement le plus proche.
Il est ainsi rappelé que, contrairement à la pratique de certaines caisses, le plafonnement de la prise en charge au tarif de l'établissement le plus proche ne peut être automatique, ou effectué sur la simple base d'un tableau de distances déterminant la proximité géographique de l'établissement.
La circulaire ministérielle demande l'annulation systématique de toutes les décisions des caisses qui seraient prises en contravention avec la bonne application de la règle d'information préalable de l'assuré, et invite les organismes à suspendre les contentieux en cours quand ils relèvent de situations de cette nature.
Enfin, il est rappelé qu'en la matière, les établissements de santé ne peuvent émettre des titres de recettes aux assurés que si la caisse a transmis à l'hôpital les bases de tarification, ainsi que la copie de la lettre de notification adressée à l'assuré antérieurement à son admission.
Il convient de souligner que cette circulaire a été prise, à titre conservatoire, dans l'attente qu'une solution définitive soit apportée aux problèmes liés à l'application de la règle de l'établissement le plus proche.
Cette mesure conservatoire, qui a pour objectif de "geler" la situation existante, devrait permettre de résoudre les principales difficultés rencontrées par les assurés, et de réduire, de façon très significative, le nombre de cas de plafonnement de prises en charge.
Sur le fond, il semble permis d'affirmer que la règle de limitation au tarif de l'établissement le plus proche est aujourd'hui inadaptée, et que son maintien ne paraît plus justifié, du moins entre établissements de santé financés par dotation globale.
En effet, le paysage hospitalier et le mode de financement des établissements, qui fonctionnent désormais en majorité sous dotation globale, et non plus en prix de journée, ont été profondément modifiés depuis une trentaine d'années.
En outre, il s'agit d'une règle inégalitaire, puisqu'elle ne s'applique pas de la même façon à tous les assurés sociaux.
Elle est inopposable de fait à 20 % de la population (celle de l'Ile-de-France), et place dans une situation presque aussi favorable les assurés des départements sièges de CHU.
L'inégalité entre assurés, induite par l'existence même de la règle de limitation, est accentuée par l'application qui en est faite, parfois sans discernement, par les organismes payeurs.
Aussi la réflexion menée par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, en concertation avec les représentants des régimes d'assurance maladie, se poursuit-elle dans le sens d'un assouplissement accru de la règle par rapport à la situation actuelle. L'objectif recherché est d'offrir aux assurés un traitement équitable sur l'ensemble du territoire, quelle que soit leur caisse d'affiliation, et de limiter les sources de litiges et de contentieux.
Parallèlement à l'action qu'il a entreprise sur un plan général, le Médiateur de la République intervient ponctuellement en faveur des réclamants qui le saisissent de difficultés résultant d'une limitation de prise en charge.

b. Les interventions ponctuelles du Médiateur de la République

Le Médiateur intervient le plus souvent auprès de l'organisme payeur pour solliciter un réexamen plus favorable de la situation du réclamant.
Les réclamations précédemment exposées montrent que, pendant longtemps, l'accueil des caisses a été très réservé.

Toutefois, depuis la parution de la circulaire ministérielle du 21 novembre 1997, le Médiateur constate que ses démarches rencontrent un meilleur écho, comme en témoigne l'issue positive apportée à la réclamation n° 97-4761, transmise par M. Jean CHARROPPIN, député du jura.

M. D..., qui travaillait sur une piste de ski dans le jura, a eu la Jambe gauche broyée par une machine en février 1995.
Après avoir subi une amputation du tiers de la jambe, suivie de nombreux soins et greffes osseuses, M. D... a passé plusieurs mois dans un centre de rééducation fonctionnelle.
Devant les violentes douleurs ressenties par M. D..., l'établissement de santé local lui a proposé une seconde amputation, au-dessus du genou.
Avant d'accepter, M. D..., âgé de 43 ans, et exerçant une profession qui nécessite d'importantes activités physiques, a préféré consulter, puis se faire opérer par un spécialiste en traumatologie et orthopédie, à l'hôpital Tenon, à Paris.
Cette intervention, pratiquée en 1996, a donné des résultats satisfaisants, et a permis d'éviter une nouvelle amputation.
M. D... s'est toutefois trouvé confronté au problème de prise en charge de ses frais de séjour à l'hôpital Tenon.
Dans un premier temps, et au vu des conclusions d'une expertise médicale, il a été opposé à cet assuré un plafonnement de la prise en charge au tarif de référence d'un établissement de Besançon.
Puis la commission de recours amiable de la caisse a accepté une prise en charge sur la base du tarif applicable à Lyon.
Or, si les tarifs de l'établissement lyonnais étaient supérieurs à ceux de Besançon, ils restaient néanmoins inférieurs à ceux qui l'étaient retenus pour l'hôpital Tenon de Paris.
L'intéressé était, en conséquence, redevable d'une somme de l'ordre de 17 000 F.
C'est dans ces conditions que M. D..., qui avait saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, a sollicité l'aide du Médiateur de la République.
A la demande de celui-ci, la CPAM a procédé à une nouvelle étude du dossier.
Il est alors apparu, eu égard à la circulaire du 21 novembre 1997, qu'une réponse favorable pouvait être apportée à ce cas d'espèce. La caisse a, en conséquence, accepté d'accorder la prise en charge intégrale des frais exposés lors du séjour de M. D... à l'hôpital parisien.

La réclamation n° 98-0053 a également pu être satisfaite.

Atteinte d'une affection grave et demeurant à l'époque à Lyon, Mme R... a été opérée, avec succès, par un professeur lyonnais.
Ayant déménagé dans le Puy-de-Dôme, Mme R... a continué à se faire suivre à Lyon. Lorsque son état a nécessité une nouvelle intervention chirurgicale, en juillet 1997, elle s'est adressée, sans aucune hésitation, au professeur lyonnais, en qui elle avait une entière confiance.
La caisse primaire d'assurance maladie a plafonné la prise en charge de ce séjour, le contrôle médical ayant précisé que les soins nécessités par l'état de cette patiente auraient pu être dispensés par un établissement de Clermont-Ferrand.
C'est en vain que cette assurée a fait valoir, devant la commission de recours amiable de la caisse, l'intérêt que représentait la poursuite de ses soins au centre hospitalier de Lyon, établissement dans lequel elle avait été initialement traitée.
Mme R..., ayant reçu un titre de recettes de plus de 7200 F à honorer, a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, et a sollicité, parallèlement, l'intervention du Médiateur de la République.
Constatant que cette assurée n'avait pas été préalablement informée des conséquences financières de son hospitalisation à Lyon, le Médiateur a demandé à la caisse de procéder à un nouvel examen de cette affaire, à la lumière des instructions ministérielles du 21 novembre 1997.
En réponse à cette intervention, l'établissement lyonnais a été avisé, par la CPAM, de la prise en charge totale des frais liés au séjour de Mme R... en Juillet 1997.

Il arrive que, à la suite des démarches du Médiateur, le service médical d'un organisme social accepte de revoir sa position dans un sens plus favorable, comme le montre la réclamation n° 97-0866, transmise par Mme Françoise CHARPENTIER, ancienne députée de l'Eure.

Mme M... demeurant dans l'Eure, est atteinte d'une affection grave, qui a nécessité plusieurs opérations très délicates, pratiquées par le service de chirurgie viscérale de l'hôpital Lariboisière, à Paris.
En mai 1996, la CPAM a informé Mme M... qu'elle limitait la prise en charge des frais exposés au tarif du CHU de Rouen, susceptible de dispenser les soins appropriés à son état.
Convaincue que la gravité et la spécificité de son état nécessitaient un suivi régulier par les équipes médicales parisiennes qui avaient initié le traitement, Mme M... a continué de se faire soigner à l'hôpital Lariboisière.
A la réception des premières factures hospitalières, elle a sollicité l'aide du Médiateur de la République.
Après avoir procédé à une nouvelle étude de la situation de cette assurée, à la demande du Médiateur, le service médical de la caisse a finalement émis un avis favorable à la prise en charge des frais de séjour à l'hôpital Lariboisière.
Enfin, le Médiateur est quelquefois amené à se rapprocher des services ministériels concernés, ou de la CNAM, pour débloquer la situation d'un réclamant auquel est opposée une limitation de prise en charge de ses frais de séjour.

C'est ainsi que, à la demande du Médiateur, les efforts conjugués de la caisse locale, de la CNAM et de la DRASS intéressée, ont permis de donner une suite favorable à la réclamation n° 97-5051.

M. A..., domicilié en Haute-Marne, souffre de diabète. Il est soigné, depuis 1971, à raison de deux séjours par an, à l'Institut mutualiste Montsouris, à Paris.
Or, le 25 novembre 1996, M. A... a été avisé par la CPAM qu'un diabétologue s'étant installé, fin 1995, à l'hôpital de Saint-Dizier, un plafonnement était appliqué à la prise en charge des frais exposés, lors de son séjour du 4 au 9 novembre 1996, dans l'hôpital parisien.
La commission de recours amiable de l'organisme, puis le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) ont confirmé la décision de limitation de prise en charge, au motif que les soins pouvaient être techniquement prodigués à Saint-Dizier depuis fin 1995.
M. A... était, en conséquence, redevable d'une somme de plus de 11000 F à l'égard de l'hôpital parisien.
Le Médiateur de la République, saisi de cette affaire, a notamment observé que cet assuré avait été suivi pendant vingt-cinq ans dans le même hôpital parisien, sans rencontrer de problème de prise en charge.
Il a, en outre, relevé que la limitation de remboursement avait été appliquée, en l'espèce, sans aucune information préalable du patient, situation que la circulaire du 21 novembre 1997 a justement pour objectif d'éviter.
Aussi le Médiateur a-t-il recommandé à ses interlocuteurs de bien vouloir, à titre exceptionnel et
nonobstant le jugement du TASS, accepter la prise en charge, sans limitation, du séjour effectué en 1996 par M. A... à l'hôpital parisien.
Cette recommandation a été accueillie favorablement.
Au-delà de ces interventions ponctuelles pour le règlement amiable des litiges qui lui sont soumis, le Médiateur de la République reste particulièrement attentif à l'évolution, reconnue aujourd'hui indispensable, de la règle de l'établissement le plus proche.
Il apparaît en effet souhaitable, après la première étape que constitue la circulaire du 21 novembre 1997, que les réflexions engagées par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, et par les représentants des régimes d'assurance maladie, débouchent rapidement sur la mise en place d'un dispositif plus égalitaire, et mieux adapté aux notions nouvelles de choix des établissements.



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