LE RÔLE DU MÉDIATEUR DE LA RÉPUBLIQUE FACE À L'ÉVOLUTION DE LA RÉLEMENTATION FISCALE




Le rôle du Médiateur est fixé par la loi du 3 janvier 1973 modifiée instituant sa fonction.
Chargé d'améliorer les relations entre les administrés et l'administration, le Médiateur de la République fait toutes recommandations à l'organisme concerné pour régler les difficultés dont il est saisi. Le cas échéant, il suggère toute modification qu'il lui paraît utile d'apporter à des textes législatifs ou réglementaires.

La règle fiscale, qui émane du législateur, évolue au gré des lois de finances annuelles ou rectificatives, et de l'abondante jurisprudence que rendent les juges dans les situations les plus diverses.

Les litiges relatifs à l'évolution de la réglementation fiscale portent donc essentiellement sur des questions de droit. Dès lors, le rôle du Médiateur ne va pas de soi dans ce domaine. Par de nombreux aspects, il relève même du paradoxe.

Aussi, face à l'évolution de la réglementation fiscale, la question se pose de savoir si le Médiateur a matière à agir, s'il le peut, et comment il y parvient.

2. La contestation de la règle de droit met en évidence une mauvaise information ou une méconnaissance de la réglementation nouvelle mise en cause

a. Les nouvelles conditions de dégrèvements d'impôts locaux fixées par la loi de finances pour 1991 demeurent mal connues

b. Les dispositions de la nouvelle convention fiscale franco-américaine ignorées des résidents français aux États-Unis


I. UN CONSTAT INATTENDU : LE MÉDIATEUR DE LA RÉPUBLIQUE EST LARGEMENT SOLLICITÉ EN RAISON DE L'ÉVOLUTION DE LA RÉGLEMENTATION FISCALE

Les changements de la réglementation fiscale sont à l'origine de litiges nombreux et conséquents.

A. DES CONSTESTATIONS NÉES DE L'APPLICATION DE LA LOI FISCALE DANS LE TEMPS

1. L'inflation et la fréquence des nouveaux textes conduisent à une incertitude du droit applicable

Instrument d'action conjoncturelle, les dispositions fiscales sont appelées à être très souvent modifiées, selon la politique économique, financière et sociale de l'État.

Ce n'est donc pas de l'immobilisme, par ailleurs souvent reproché à la règle de droit, mais au contraire des changements trop nombreux et trop fréquents dont se plaignent les réclamants en matière fiscale.

Ces interventions, incitatives ou dissuasives, touchent les citoyens dans leur vie quotidienne. Leur multiplication engendre en effet un si grand nombre de textes fiscaux que les contribuables ne savent plus distinguer parmi la réglementation les mesures qui les concernent, ni pourquoi elles leur sont applicables.

À cet égard, l'évolution de la réglementation en matière d'exonération de taxes foncières accordée pour les constructions financées au moyen des prêts aidés par l'État est éloquente.

a. L'article unique de la loi no 71-583 du 16 juillet 1971, qui a supprimé les exonérations de quinze ans et de vingt-cinq ans de contribution foncière des propriétés bâties pour les immeubles achevés après le 31 décembre 1972, avait maintenu l'exemption de quinze ans prévue en faveur des logements qui remplissaient les conditions de l'article 153 du code de l'urbanisme et de l'habitation (actuel article L. 411-1 du code de la construction et de l'habitation).

Les constructions en cause devaient notamment avoir bénéficié du concours financier de l'État au titre de la législation spéciale sur les HLM, telle qu'elle résultait des articles 196 à 206 de l'ancien code de la construction. Les logements concernés par ces dispositions étaient ceux dont la construction avait été financée à titre principal, soit à l'aide de prêts consentis par la caisse des prêts aux organismes HLM ou par les caisses d'épargne, soit à l'aide de prêts spéciaux immédiats locatifs du Crédit foncier de France.

Dès lors, l'exonération ne pouvait plus bénéficier :

- qu'aux logements compris dans un programme social de relogement (PSR) ou un programme à loyer réduit (PLR), aux habitations à loyer modéré ordinaires (HLMO) et aux immeubles à loyer moyen (ILM) répondant à la définition antérieure à l'intervention du décret no 72-66 du 24 janvier 1972, financés à titre principal sur des prêts de la caisse des prêts aux organismes d'HLM ou des caisses d'épargne;

- qu'aux immeubles à loyer moyen financés sur les mêmes prêts ou sur des prêts spéciaux immédiats locatifs du Crédit foncier de France.

En revanche, l'exonération ne s'appliquait pas notamment :

- aux immeubles à loyer normal (ILN); en effet, le financement des logements n'étant pas soumis à un plafond de ressources, ceux-ci ne pouvaient être regardés comme des habitations à loyer modéré;

- aux constructions en accession à la propriété réalisées à l'aide de prêts consentis par le Crédit foncier de France, les plafonds de ressources prévus pour les accédants à la propriété dépassant de 60 % les plafonds fixés par la réglementation HLM.

b. La loi no 77-1 du 3 janvier 1977 portant réforme de l'aide au logement a institué un nouveau système d'aide personnalisée à la construction de logements sociaux à usage locatif ou en accession à la propriété pour les logements achevés à compter de 1978.

Ces nouveaux prêts, prêt accession à la propriété (PAP) et prêt locatif aidé (PLA) qui ont été étendus à l'ensemble du territoire national à compter du 1er janvier 1978, se sont substitués complètement au financement spécial prévu par la législation en faveur des HLM à partir du 1er janvier 1979.

Afin de neutraliser l'incidence de la taxe foncière sur le choix par le constructeur du mode de financement durant cette période provisoire, il avait été décidé d'étendre aux logements construits avec les nouvelles aides de l'État le bénéfice de l'exonération de 15 ans accordée aux HLM. Cette mesure d'exemption temporaire a été reconduite par décisions successives (instructions des 26 juin 1978, 8 juin et 22 octobre 1979), au profit des constructions financées à l'aide de prêts aidés pour lesquelles la demande de décision favorable de prêt avait été déposée par le constructeur avant le 31 décembre 1980 au plus tard.

c. Enfin, l'article 63 de la loi de finances pour 1980 (no 80-30 du 18 janvier 1980) a institué un régime provisoire d'exonération pour les logements construits avec l'aide de prêts aidés par l'État. Après avoir été reconduite chaque année, cette exonération est devenue permanente (article 14-II de la loi de finances pour 1984, no 83-1179 du 29 décembre 1983).

Les changements de cette réglementation ont provoqué beaucoup de contestations auprès du Médiateur, un grand nombre de contribuables étant concerné par ces dispositions successives, particulièrement nombreuses et complexes (voir infra III-A-1-b).

2. La rétroactivité fiscale, un principe contesté et qui apparaît contradictoire avec la garantie contre les changements de doctrine

L'application de la règle fiscale dans le temps oscille entre ces deux principes qui apparaissent antinomiques, ce qui donne lieu à de nombreuses réclamations.

- En effet, s'il existe un principe de droit communément connu et admis, c'est bien celui de la non-rétroactivité des lois. Or, en matière fiscale, c'est plutôt l'inverse qui est appliqué, du fait des lois de finances annuelles ou rectificatives et surtout en raison des lois de validation et des lois interprétatives.

Les contribuables réagissent d'autant plus vivement à ces mesures qu'elles leur paraissent contrarier la stabilité juridique voulue par le législateur, et notamment la garantie contre les changements de doctrine.

Tel est le cas, toujours dans le domaine des exonérations de taxe foncière accordées aux constructions financées au moyen de prêts aidés par l'État, des accédants à la propriété qui avaient contracté à la fin des années 1970 un prêt spécial immédiat (PSI) du Crédit foncier de France. L'administration a en effet considéré, dès la mise en place de ce financement aidé, que les PSI n'appartenaient pas aux catégories de prêts évoqués à l'article 1384 A. du code général des impôts, et qu'en conséquence l'exonération temporaire de la taxe foncière prévue par ce texte ne pouvait s'appliquer. Cette position a provoqué près de 300 réclamations.

Or, l'article 20 II et V de la loi de finances rectificative pour 1986 (no 86-1318 du 30 décembre 1986) a validé rétroactivement cette doctrine administrative, pourtant sanctionnée par le juge chaque fois qu'il a été saisi de cette question. Cet article dispose en effet que :

- l'exonération de taxe foncière prévue à l'article 1384 A. du code général des impôts bénéficie aux constructions neuves affectées à l'habitation principale, lorsqu'elles ont fait l'objet de prêts selon le régime propre aux habitations à loyer modéré, c'est-à-dire ceux visés aux articles 196 à 206 de l'ancien code de la construction;

- les impositions correspondantes, dues au titre des années antérieures au 1er janvier 1987 sont réputées régulières, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée.

B. DES CONFLITS MULTIPLES D'INTERPRÉTATION DE LA RÉGLEMENTATION NOUVELLE

1. Une combinaison dans le temps de mesures complexes n'empêchant pas l'existence de vides juridiques

Nombre de réclamations reçues par le Médiateur mettent en cause l'évolution de la réglementation fiscale, et montrent que ces contestations trouvent leur origine dans la complexité des textes, voire dans une certaine confusion de leur rédaction lorsque plusieurs strates de réglementation se combinent dans le temps.

Sans pour autant empêcher l'existence de vides juridiques, cette situation ouvre la voie à de multiples interprétations.

Ainsi, le Médiateur de la République a été récemment saisi des réclamations présentées par MM. A..., associés de la société P..., qui contestent les impositions mises à leur charge à la suite du changement du régime fiscal des plus-values sur cession de droits sociaux (Réclamation no 95-0595, transmise par M. René MONORY, sénateur de la Haute-Vienne, président du Sénat).

Les réclamants soutiennent en effet que ces nouvelles mesures doivent rester sans influence sur le régime de sursis d'imposition des plus-values prévu en faveur des opérations intercalaires de restructuration menées au sein des entreprises, quelles que soient les dates de cession de titres.

Or, l'article 18 de la loi no 90-1168 du 29 décembre 1990 portant loi de finances pour 1991 a étendu l'imposition des plus-values de cession des titres non cotés à l'ensemble des porteurs de ces titres (nouvel article 92 J. du code général des impôts). Auparavant, seules les personnes physiques détenant plus de 25 % des droits dans les bénéfices de la société dont ils cédaient les titres étaient imposables (article 160 du code général des impôts).

La volonté du législateur a été de soumettre à l'impôt l'ensemble des plus-values réalisées lors d'une cession de titres, tout en atténuant les effets immédiats de cette mesure.

C'est pourquoi, au cas particulier, il a été expressément écarté toute rétroactivité financière, en fixant au 12 septembre 1990, jour du conseil des ministres qui l'a rendu publique, la date d'application du nouveau régime.

Mais certaines opérations, faites dans un but économique de restructuration des entreprises, bénéficiaient d'un régime de sursis ou de report d'imposition sous certaines conditions. La mise en úuvre de l'article 92 J. du code général des impôts n'a pas affecté le sort de ces opérations intercalaires, qui ont bien entendu continué à bénéficier du système de sursis ou du report d'imposition.

La définition des opérations intercalaires, mentionnée à l'article 92 B. alinéa 9 et 94 A.5 du code général des impôts, visait les échanges de titres cotés. Mais l'apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés n'était pas prévu. Le renvoi fait par l'article 92 J. à l'article 92 B. était donc insuffisant pour couvrir ce type d'opération intercalaire.

Toutefois, compte tenu d'une directive du Conseil européen (90-434-CEE du 23 juillet 1990), l'article 24 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier a décidé que le champ d'application du report d'imposition serait élargi aux plus-values provenant d'échange de titres non cotés visés à l'article 92 J. du code général des impôts.

Aussi, s'agissant de combler le vide juridique relatif à l'imposition des plus-values réalisées dans le cadre d'apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés, il fut décidé d'appliquer cette disposition rétroactivement au 1er janvier 1991.

Cependant, lors du vote de cette nouvelle disposition, le cas des cessions intervenues entre le 12 septembre 1990 et le 1er janvier 1991 ne fut pas envisagé. Un nouveau vide juridique, sur lequel l'attention du Médiateur a été appelée à l'occasion de plusieurs réclamations était ainsi créé, les opérations d'échange de titres effectuées lors de cette période devenant taxables.

L'administration, saisie de cette affaire, a finalement admis l'argumentation du Médiateur de la République (voir infra III-A-1-b).

2. Une occasion de développer une doctrine administrative en marge de la règle de droit

Cette situation se rencontre notamment lors de contrôles fiscaux, lorsque la contestation porte sur les conditions d'application d'un régime de faveur nouvellement instauré, par exemple les aides fiscales aux entreprises nouvelles et à celles effectuant des travaux de recherche.

Si le bien-fondé et la nécessité des contrôles ficaux ne sauraient être contestés, il apparaît cependant que l'administration prononce parfois la déchéance de ces régimes dérogatoires d'exonération fiscale, sur le fondement de critères qui s'écartent sensiblement de la règle de droit fixée par le législateur et précisée par le juge.

a. Contrairement au juge, l'administration ne retient pas toujours suffisamment la réalité économique des entreprises nouvelles

Les lois de finances successives ont modifié les conditions d'octroi du régime d'exonération fiscale des bénéfices réalisés par les entreprises nouvelles. Aussi, le législateur a-t-il exclu de ce régime les extensions d'entreprises à des activités préexistantes, alors qu'auparavant les reprises et les restructurations d'entreprises seules en étaient écartées.

Le législateur a donc voulu encourager les entreprises dont la création est bien réelle.

Le vérificateur, notamment par voie de contrôle sur place, dispose de tous les éléments pour apprécier le caractère réellement nouveau de l'entreprise, et remettre éventuellement en cause le régime fiscal de faveur.

Or, à partir de critères jurisprudentiels pris isolément et appliqués systématiquement (identité de dirigeants ou d'associés, utilisation en commun de matériel, partage de locaux), l'administration s'écarte de la réalité économique que s'attache à rechercher le juge : l'existence de nouveaux moyens d'exploitation et d'une nouvelle clientèle. En effet, le juge cherche à savoir s'il y a création d'un potentiel économique nouveau, les autres critères précédemment évoqués, nécessairement plus étroits, n'étant retenus qu'ensemble et dans leur relativité.

Sur ce point, la doctrine administrative mise en úuvre paraît parfois en marge de la règle de droit.

b. Les divergences d'appréciation sur le régime du crédit d'impôt recherche accordé aux entreprises

De même, au cours de la période qui a suivi l'instauration de ce nouveau régime, l'administration eut tendance à établir une grille de critères destinés à apprécier la nature des travaux de recherche effectués par l'entreprise, qui aboutissait à des positions parfois divergentes par rapport à celles prises par les services techniques compétents du ministère de l'Industrie et de la Recherche.

Dans ce domaine des aides fiscales aux entreprises, les réclamations auprès du Médiateur de la République donnent lieu à de nombreuses saisines de l'administration qui malheureusement se révèlent rarement fructueuses (voir infra III-A-1-b).


II. UN RECOURS POSSIBLE : LE MÉDIATEUR DE LA RÉPUBLIQUE PEUT INTERVENIR DANS UN DOMAINE OÙ LE JUGE EST TRADITIONNELLEMENT COMPÉTENT

A. DES CRITIQUES DE LA RÈGLE DE DROIT ACCESSIBLES À LA COMPÉTENCE DU MÉDIATEUR

1. Des questions de droit lorsque l'administration n'est pas en situation de compétence liée

Le principe d'égalité des citoyens devant l'impôt commande que l'application voulue par le législateur de la règle fiscale soit la même pour tous les contribuables. L'administration est donc tenue d'appliquer la lettre des textes sauf si la loi lui attribue un pouvoir d'appréciation.

Cette situation, que le droit administratif qualifie de " compétence liée ", concerne évidemment les changements de la réglementation fiscale.

Cependant, il est des affaires aux circonstances particulières qui permettent au Médiateur de considérer que l'administration fiscale dispose d'une certaine marge d'appréciation, bien que la contestation porte sur le bien-fondé de l'application d'un régime ou d'une règle fiscale nouvelle.

Tel est le cas notamment lorsque l'esprit du texte a été expressément respecté et que la transgression formelle de la règle de droit (présentation d'un document, délai) est totalement indépendante de la volonté du contribuable.

Nouveau régime de report d'imposition des plus-values réalisées lors de la cession de SICAV monétaires (réclamation no 94-4108, transmise par M. Marcel CHARMANT, sénateur de la Nièvre).

M. L... a contesté auprès du Médiateur le bien-fondé des rappels d'impôt qui lui ont été notifiés à la suite de la vente de ses SICAV monétaires.

Les conditions requises pour l'exonération de la plus-value n'étaient pas remplies puisque les titres cédés n'avaient pas été préalablement transférés sur un plan d'épargne en actions (PEA) (article 93 B. quater 3 du code général des impôts).

Le Médiateur est intervenu parce qu'il a estimé que les opérations réalisées correspondaient bien, au cas particulier, à l'esprit des dispositions qui autorisent l'exonération fiscale de la plus-value réalisée.

Toutefois, au cas particulier, le service des impôts n'a pas estimé possible de répondre favorablement (voir infra III-A-1-b).

Régime fiscal de l'investissement locatif - cas où le locataire est un service de l'État (réclamation no 95-0068, transmise par M. Bernard BARBIER, sénateur de la Côte-d'Or).

M. C... avait acquis un logement destiné à la location. Contacté par le service immobilier de la Gendarmerie nationale qui recherchait des logements pour la résidence principale de ses personnels, il avait signé un contrat de bail avec le service des Domaines.

Or l'administration fiscale a contesté à M. C... le droit de bénéficier de la réduction d'impôt sur le revenu prévue en faveur de l'investissement locatif. Elle considérait que cette location ne remplissait pas toutes les conditions fixées par la loi dite " Méhaignerie ", dès lors qu'elle était consentie à un organisme public ou privé.

Le Médiateur est intervenu dans cette affaire, estimant que l'administration, nonobstant la lettre de la loi, disposait d'une marge d'appréciation. Accorder une réduction dans ce cas précis paraissait conforme à l'esprit du texte.

Le service des impôts a admis la position du Médiateur, accordant la réduction d'impôt sollicitée (voir infra III-A-1-b).

2. Des pratiques fiscales parfois ressenties comme de mauvais fonctionnements de l'administration

Le Médiateur, considéré par le contribuable comme l'ultime recours, ne peut rester insensible à ces situations même s'il sait que dans le meilleur des cas, et très exceptionnellement, la médiation tentée n'aboutira qu'à une remise gracieuse de l'impôt, atténuant les effets de la mesure contestée sans répondre à la critique de rétroactivité de la mesure.

a. Les lois de validation et les lois interprétatives

Bien qu'elles soient soumises au contrôle de constitutionnalité, ces dispositions législatives dont la caractéristique commune est leur rétroactivité, ne sont pas acceptées par les contribuables qui y voient, avec raison, une atteinte à la stabilité juridique.

Leur mise en úuvre, destinée à contrecarrer une jurisprudence contraire à la doctrine administrative, leur apparaît donc comme un mauvais fonctionnement d'une administration assurée de son impunité, créant ainsi un sentiment profond d'injustice, voire de déni de justice.

Les dispositions de l'article 20 de la loi de finances rectificative pour 1986, déjà évoquées, validant des impositions foncières établies antérieurement, illustrent parfaitement cette situation dans laquelle se sont trouvés placés les accédants à la propriété, titulaires de prêts spéciaux immédiats délivrés par le Crédit foncier de France.

b. L'abrogation anticipée d'un avantage ou d'une exonération fiscale

La fiscalité est un instrument d'action conjoncturelle destiné à agir sur les comportements économiques et sociaux. L'effet incitatif ou dissuasif en est d'autant plus fort que l'exonération ou l'avantage fiscal consenti est de longue durée. Or, ces dispositions prévues pour le long terme se concilient mal avec les impératifs fiscaux immédiats que rencontrent les pouvoirs publics. À l'occasion de lois de finances annuelles ou rectificatives, le législateur est donc amené à remettre en cause, pour le futur, des mesures favorables auxquelles les contribuables se sont habitués.

Cette pratique fiscale fréquente est mal comprise par les contribuables qui, oubliant " qu'une loi peut défaire ce qu'une autre loi avait fait ", considèrent les mesures fiscales favorables comme des droits acquis.

L'abrogation anticipée d'une exonération fiscale est donc vivement critiquée auprès du Médiateur, notamment lorsqu'elle affecte la fiscalité de l'immobilier, domaine où le contribuable doit s'engager sur une longue période.

Ainsi, les dispositions de l'article 14 I. de la loi de finances pour 1984 du 29 décembre 1983, ramenant de vingt-cinq à quinze ans la durée de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties applicable aux constructions nouvelles, reconstructions et additions de constructions à usage d'habitation achevées avant le 1er janvier 1973, ont-elles motivé de nombreuses réclamations jusqu'à ce jour.

Toutefois, dans ces affaires, les conséquences de l'application de la nouvelle règle fiscale ne sauraient être invoquées qu'au plan gracieux, ce que le Médiateur ne manque pas de faire chaque fois qu'il le peut, c'est-à-dire lorsque la situation personnelle ou financière difficile du réclamant le lui permet.

B. DES RÉCLAMATIONS CONTENTIEUSES QUI EXPRIMENT DES PRÉOCCUPATIONS PROCHES DE CELLES DU MÉDIATEUR

1. Le réclamant conteste l'application d'une règle nouvelle qu'il estime injuste ou inéquitable

Cette situation se rencontre lorsque la mise en úuvre de mesures fiscales nouvelles aboutit à un alourdissement de l'impôt dû, alors que l'ensemble des éléments justifiant cette imposition restent inchangés.

Des arguments de procédure ou de qualification juridique des faits sont certes invoqués pour obtenir l'application du régime fiscal antérieur plus favorable, que seul le juge peut apprécier. Mais c'est en fait un sentiment d'injustice qui motive véritablement ces réclamations dont le Médiateur n'est d'ailleurs souvent saisi qu'au moment de la mise en recouvrement des impositions, alors que le litige est né bien avant.

Il appartient donc au Médiateur d'examiner, au plan de l'équité, si ces demandes peuvent donner lieu à intervention auprès de l'administration eu égard aux circonstances particulières de chaque affaire.

Les deux exemples qui suivent en sont l'illustration :

Le régime transitoire d'imposition des appareils " CB " (réclamation no 97-0366, transmise par M. François CORNUT-GENTILLE, député de la Haute-Marne).

Jusqu'à la loi du 31 décembre 1992, les acheteurs d'émetteurs-récepteurs fonctionnant sur les canaux banalisés (matériels dits " CB ") devaient acquitter une taxe forfaitaire de 190 F, tous les cinq ans, au moyen d'un timbre fiscal.

Or, l'article 83 de la loi de finances rectificative pour 1992 a prévu que la taxe serait due par les importateurs lors de la revente de ces matériels, le tarif passant à 250 F par appareil.

Ce texte étant trop vague pour pouvoir être appliqué, une instruction administrative en date du 3 février 1993 a précisé les règles d'assiette et d'exigibilité de la nouvelle taxe.

En fait, d'énormes difficultés d'application subsistant, l'administration fiscale a finalement édicté un régime transitoire d'imposition qui autorisait, pendant quelques mois, le maintien du régime antérieur, à charge pour les entreprises concernées de présenter des justificatifs de vente des appareils.

Or, il s'est avéré que ces éléments de preuve ne pouvaient être fournis dans les conditions fixées par l'administration.

Ayant fait l'objet de rappels d'impôts considérables à défaut de remplir les conditions requises pour bénéficier de la prorogation du régime antérieur, les entreprises de ce secteur d'activité, dont la survie est menacée, se sont adressées au Médiateur, lequel est intervenu auprès de l'administration.

L'instruction de ces dossiers n'est pas terminée, mais il semble que l'administration, en réponse à la demande du Médiateur, envisage une atténuation importante des impositions, par voie de transaction.

Le système d'imposition dit " du quotient ".

Un changement profond du régime d'imposition des revenus exceptionnels ou différés est intervenu à partir de l'année 1992.

L'article 74 de la loi de finances rectificative pour 1992 du 31 décembre 1992 a supprimé l'étalement de ces revenus sur les années antérieures, lui substituant un système dit " du quotient " qui permet de calculer l'impôt en une seule fois, tout en atténuant les effets de la progressivité du barème.

Ce nouveau régime demeure très contesté parce que, par rapport à celui de l'étalement, il entraîne une imposition sur le revenu plus lourde, notamment pour les titulaires de revenus modestes percevant au cours d'une année une somme élevée. Ces contribuables s'estiment en effet injustement taxés, d'autant qu'ils perdent parfois le bénéfice de dispositions fiscales favorables qu'ils auraient conservées avec le régime de l'étalement (parts de quotient familial, imputation éventuelle de déficit...).

Ces réclamations donnent rarement lieu à une intervention utile auprès de l'administration fiscale tenue d'appliquer les nouvelles dispositions, étant précisé que les situations particulières rencontrées par les réclamants dans ce domaine et susceptibles de justifier une mesure en équité demeurent très exceptionnelles (voir infra III-A-1-b).

2. La contestation de la règle de droit met en évidence une mauvaise information ou une méconnaissance de la réglementation nouvelle mise en cause

a. Les nouvelles conditions de dégrèvements d'impôts locaux fixées par la loi de finances pour 1991 demeurent mal connues

La réglementation fiscale prévoit un certain nombre de dégrèvements de taxe foncière sur les propriétés bâties, et de taxe d'habitation en faveur des contribuables ayant des revenus modestes. Jusqu'aux impositions de 1990, ces avantages ont été accordés aux personnes non imposables, sans tenir compte des éventuelles taxations forfaitaires de revenus et des réductions d'impôts.

Selon les dispositions de l'article 21 de la loi de finances pour 1991, applicables à partir des impositions de 1991, ces dégrèvements d'impôts locaux ne sont plus accordés automatiquement aux personnes non imposables, mais sont réservées à celles qui n'ont effectivement que de faibles revenus, c'est-à-dire qui restent non imposables avant l'application des réductions d'impôt, et compte tenu des impositions forfaitaires éventuellement payées.

Or, même si elles touchent de nombreux contribuables, ces mesures nouvelles sont restées mal connues depuis leur entrée en vigueur, générant de nombreuses réclamations.

b. Les dispositions de la nouvelle convention fiscale franco-américaine ignorées des résidents français aux États-Unis (réclamation transmise par Mme Monique CERISIER-ben GUIGA, sénateur des français établis hors de France)

Cette convention en date du 31 août 1994 remplace celle du 28 juillet 1967 et les avenants qui avaient suivi.

Ce nouveau texte a entraîné une modification de la situation fiscale des résidents français titulaires de " cartes vertes " aux États-Unis, rétribués par l'État français.

Or, les intéressés n'ont pas eu connaissance, avant le 14 novembre 1996, de ces nouvelles mesures, applicables dès le 1er janvier 1996.

Il en est résulté auprès des autorités fiscales américaines des manquements déclaratifs et de paiements, passibles de lourdes sanctions.

Les personnes concernées ont donc sollicité l'intervention du Médiateur afin que le nouveau régime d'imposition ne leur soit pas appliqué en 1996.

Compte tenu des circonstances très particulières de cette affaire, le Médiateur de la République a aussitôt pris les contacts nécessaires avec les services compétents du ministère du Budget, afin de trouver, sans délai, une solution satisfaisante pour les résidents français aux États-Unis, titulaires de " cartes vertes ".

L'administration centrale des impôts, à Paris, a pleinement répondu à l'attente des réclamants (voir infra III-A-1-b).

Après avoir rappelé l'importance des contestations nées de l'évolution de la règle fiscale, puis examiné les fondements de l'action du Médiateur pour y répondre, il convient maintenant d'évoquer avec plus de précisions les recommandations qu'il formule et les résultats obtenus.


III. UNE ACTION DURABLE : LE MÉDIATEUR EST À LA FOIS INTERCESSEUR AMIABLE ET ACTEUR DE L'ÉVOLUTION DE LA RÉGLEMENTATION FISCALE

A. LES PROPOSITIONS DU MÉDIATEUR, COMPLÉMENTAIRES DES DÉCISIONS DU JUGE

Les deux actions se complètent. Le juge dit le droit et prononce des décisions qui s'imposent. Le Médiateur, doté d'un pouvoir de règlement amiable des conflits, formule toute proposition au plan gracieux et en équité, et suggère toute réforme des textes qui lui paraît utile.

1. Les recommandations du Médiateur à l'administration

Les résultats obtenus par le Médiateur sont étroitement liés à ses possibilités d'action et aux démarches qu'il entreprend auprès de l'administration fiscale, que ce soit au plan gracieux ou en équité.

C'est pourquoi, pour la clarté de la présentation, il a paru utile de présenter les résultats obtenus après avoir évoqué les actions menées auprès de l'administration.

a. Les mesures gracieuses et l'équité

Concurremment au juge qui tranche le litige en droit, le Médiateur, indirectement, peut lui aussi agir sur la décision administrative contestée, même si elle porte sur l'application d'une règle fiscale nouvelle, en proposant à l'administration d'en atténuer ou même d'en supprimer les conséquences.

Or, ce que demande le réclamant au juge n'est bien souvent pas autre chose que de réformer ou d'annuler la décision administrative afin d'en supprimer les effets, ce à quoi l'action du Médiateur peut aussi aboutir, spécialement lorsque le juge, tenu par la règle de droit, ne peut rien faire en faveur du réclamant.

Dans ce cas, seul le Médiateur pourra, au plan gracieux ou en équité, demander et obtenir de l'administration que le réclamant, eu égard aux circonstances particulières de l'affaire, ne supporte pas ou ne supporte qu'une partie des conséquences de la décision critiquée, c'est-à-dire, en matière fiscale, bénéficie d'une remise ou d'une modération de ses impositions.

Cela explique, notamment lorsque la contestation porte sur l'application d'une règle fiscale nouvelle ressentie comme injuste ou inéquitable, que le Médiateur apparaisse au contribuable comme l'ultime recours possible.

b. Les résultats obtenus

Il peut paraître intéressant, pour chacun des cas évoqués précédemment, pour lesquels le Médiateur s'est estimé fondé à intervenir auprès de l'administration, d'examiner les résultats de son action amiable.

Refus de l'exonération temporaire de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les constructions financées au moyen de prêts spéciaux immédiats (PSI) du Crédit foncier de France.

Cette contestation, qui a donné lieu à de nombreuses réclamations auprès du Médiateur, est exemplaire parce que les nombreuses modifications du régime d'exonération sollicité (loi du 16 juillet 1971 et article 1384 du code général des impôts) ont entraîné d'énormes difficultés d'application dans le temps, et que l'évolution de cette réglementation s'est avérée particulièrement inéquitable pour les titulaires de PSI.

Aussi, le Médiateur a évoqué cette situation avec insistance auprès de l'administration, dénonçant notamment les dispositions rétroactives prises par la loi de finances rectificative pour 1986, qui validaient des impositions foncières fondées sur l'origine des financements de la construction, alors que le Conseil d'État (CE Sect. 21 juin 1985, Deruelle) avait souverainement et définitivement jugé que ce moyen ne constituait pas une des conditions d'octroi de l'exonération de taxe foncière prévue par les dispositions de l'article 1384 du code général des impôts.

Le Médiateur a souligné que le changement de la règle fiscale pour le passé introduisait une insécurité juridique inacceptable qui pénalisait certains contribuables pour un motif sans lien direct avec leurs ressources ou les caractéristiques de leur logement, ôtant par là même à l'exonération temporaire de taxe foncière son caractère social voulu par le législateur.

Le Médiateur a particulièrement insisté sur le caractère inéquitable de la solution retenue par l'administration fiscale, qui exclut de l'exonération de taxe foncière les contructions financées au moyen de PSI et permet cette exonération en cas de financement par un prêt d'accession à la propriété (PAP).

Or, PAP et PSI obéissaient aux mêmes conditions d'octroi, et résultaient de la même enveloppe budgétaire attribuée au Crédit foncier de France. Au cours d'une période transitoire, à la fin des années 1970, les prêts aidés HLM et les PSI avaient même été fusionnés en PAP.

Malgré cet ensemble d'arguments, l'action du Médiateur n'a pas abouti, l'administration fiscale ayant rappelé que la volonté du législateur de valider sa doctrine visant à exclure les constructions financées par les PSI du bénéfice de l'exonération de taxe foncière s'était clairement exprimée lors du vote de la loi de finances rectificative pour 1986, et que le caractère rétroactif de cette loi avait été admis par le Conseil constitutionnel (décision du 29 décembre 1986).

Cas de M. L..., taxé sur la plus-value réalisée lors de la vente de SICAV non préalablement transférées sur un plan d'épargne en actions.

L'administration a maintenu sa position, tout en déplorant que la solution de bienveillance demandée par le Médiateur n'ait pu être retenue, en raison de règles de prescription applicables par ailleurs.

Cas de MM. A...., taxés sur les plus-values réalisées lors d'opérations intercalaires d'échanges de titres intervenus entre le 12 septembre 1990 et le 1er janvier 1991.

L'administration a admis l'argumentation, en équité, du Médiateur, l'intention des autorités françaises et communautaires étant bien de ne taxer à aucun moment les opérations intercalaires d'échanges de titres de sociétés.

La solution a donc été de reporter la mise en recouvrement de la taxation des plus-values.

Application de la nouvelle convention franco-américaine.

Plusieurs réunions de travail avec le service de la législation fiscale, au ministère du Budget, auxquelles a été associée le parlementaire intervenant Mme Monique CERISIER-ben GUIGA, ont permis d'aboutir rapidement à une solution satisfaisante.

Ainsi, à la suite de l'intervention du Médiateur, le report d'un an de ces dispositions (devenues applicables au 1er janvier 1997) a été demandé par le ministre français des Finances à son homologue américain, qui l'a accepté.

Remise en cause du régime d'exonération fiscale accordé aux entreprises nouvelles et du crédit d'impôt recherche.

Dans ces affaires, il appartient au Médiateur de demander aux réclamants de lui apporter tous les éléments qui permettent de procéder à une analyse aussi fine que celle pratiquée par le juge, de manière à pouvoir soutenir utilement le dossier auprès de l'administration.

Toutefois, dans les litiges portant sur le régime de faveur prévu pour les entreprises nouvelles, force est de constater que l'administration fiscale revient rarement sur sa position, laissant au juge le soin de trancher, malgré la demande de règlement amiable et l'argumentation du Médiateur.

En revanche, l'administration réserve un meilleur accueil aux demandes du Médiateur, en matière de crédit d'impôt recherche accordé aux entreprises, notamment lorsque l'expertise amiable réalisée par les services techniques compétents du ministère de la Recherche et de l'Industrie conclut à l'éligibilité des dépenses de recherche à ce régime fiscal de faveur.

Cas de M. C..., à qui l'administration refusait le bénéfice de la réduction d'impôt pour l'investissement locatif, au titre d'un logement loué à la Gendarmerie nationale.

Grâce à l'intervention du Médiateur, M. C... a obtenu la réduction d'impôt qu'il sollicitait, l'administration ayant admis les arguments invoqués en équité.

Par ailleurs, à la suite des observations que le Médiateur a formulées à l'occasion de plusieurs réclamations portant sur les locations à des services de l'État, la réglementation fiscale a été modifiée sur ce point.

L'article 24 de la loi de finances rectificative pour 1995 (loi no 95-885 du 4 juillet 1995) a en effet étendu le bénéfice de la réduction d'impôt pour l'investissement locatif prévu à l'article 199 decies A. du code général des impôts aux contribuables qui donnent en location leur logement, dans des conditions fixées par décret, à un organisme public ou privé qui l'affecte à l'habitation principale de son personnel.

Les contestations des impositions sur le revenu calculées selon le système dit " du quotient ".

Dans ces affaires où le Médiateur ne peut intervenir au plan du droit dès lors que la volonté du législateur s'est clairement exprimée, seul un allègement gracieux, ou en équité, de l'impôt peut être éventuellement demandé.

Les conditions requises pour accomplir cette démarche sont rarement remplies. En effet, ces impositions si elles sont ressenties comme particulièrement injustes n'apparaissent toutefois insupportables pour le réclamant que dans des situations très exceptionnelles. Cela étant, le Médiateur informe toujours, et complètement, le contribuable de l'état de la nouvelle réglementation ainsi que des raisons pour lesquelles, le cas échéant, aucune action amiable ne pouvait être tentée auprès de l'administration fiscale.

2. L'apport du Médiateur à l'évolution de la réglementation fiscale : les propositions de réformes

Toujours formulées à partir d'une réclamation individuelle, les modifications des textes ou des documents administratifs suggérées par le Médiateur sont très variées, touchant tous les impôts et tous les aspects de l'action des services financiers de l'État (Impôts, Douanes, ou Trésor public).

Mais si la contribution du Médiateur à l'évolution de la réglementation fiscale apparaît importante, il est également essentiel de constater que son action en matière de propositions de réformes ne conduit pas à ajouter des dispositions nouvelles à une réglementation déjà surabondante et en perpétuel changement jusqu'à devenir trop complexe, voire inintelligible pour le contribuable.

Les suggestions du Médiateur destinées à modifier la réglementation fiscale s'efforcent, ainsi que le montrent les quelques exemples suivants, de répondre au souci de mieux informer les contribuables et de rendre les textes plus lisibles et plus clairs.

a. Les propositions satisfaites

Information des créateurs d'entreprises.

En raison de l'existence de nombreux contentieux démontrant les difficultés d'application de la réglementation concernant les allègements d'impôts sur les bénéfices réalisés au cours des cinq premières années d'activité, le Médiateur a suggéré l'institution d'une procédure de prédétermination du statut d'entreprises nouvelles et de ses conséquences fiscales.

Sans répondre, dans un premier temps, complètement à cette suggestion, le ministère du Budget a mis en place une série de mesures destinées à améliorer l'information des créateurs d'entreprises :

- large diffusion d'une brochure dans les centres de formalités des entreprises afin d'expliciter la réglementation et mettre en garde les contribuables sur l'enjeu d'une mauvaise décision prise sans toutes les garanties;

- mise en place d'un correspondant départemental, nommément désigné dans la brochure, pouvant être consulté par l'entrepreneur à la direction des services fiscaux. Il ne certifie pas a priori le régime fiscal qui sera appliqué, mais donne un conseil éclairé, et dans la très grande majorité des cas, définitif.

Clarification des règles relatives au plafonnement des réductions d'impôts auxquelles les dons aux úuvres d'intérêt général donnent droit (article 200 du code général des impôts).

La rédaction des dispositions fixant le mécanisme du plafonnement des versements consentis aux úuvres d'intérêt général ouvrant droit à une réduction d'impôt paraissant conduire à des divergences d'interprétation, le Médiateur a demandé la réécriture de ces textes.

Le ministre du Budget a aménagé la présentation du code général des impôts sur ce point, dans un souci de clarification et meilleure lisibilité.

Information des contribuables sur les droits de mutation à taux réduit.

Les particuliers qui acquièrent un immeuble pour lequel ils prennent l'engagement de l'affecter à l'habitation pendant une durée minimale de trois ans, sont passibles des droits de mutation au taux réduit de 2,6 %.

Toutefois, l'acquisition est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque l'immeuble fait l'objet de travaux qui accroissent son volume ou sa surface.

La combinaison de ces règles aboutit donc à réclamer de la taxe sur la valeur ajoutée à des personnes qui ont respecté l'engagement d'habitation exigé pour l'octroi du taux réduit du droit d'enregistrement.

Cette situation étant de nature à entraîner une mauvaise compréhension du régime fiscal applicable, le Médiateur a suggéré au ministère du Budget de prendre les dispositions nécessaires pour mieux informer les contribuables.

L'administration, à la suite de cette demande, a modifié, dès 1996, l'édition des dépliants destinés aux acheteurs potentiels d'un logement.

Information des contribuables non-imposables, de leur situation.

À la suite de la demande du Médiateur, le ministère du Budget a modifié la présentation de l'avis de non-imposition de manière à mettre en évidence l'existence des droits fiscaux et sociaux attachés à la situation du contribuable.

Par ailleurs, un dépliant de 16 pages, réalisé en association avec le ministère des Affaires sociales, énumère les divers avantages prévus dans la situation de non-imposition. Sa diffusion, réalisée à 800 000 exemplaires dès 1994, est assurée par l'ensemble des services des ministères du Budget et des Affaires sociales, et leurs relais d'information (mairies, services sociaux...).

Amélioration des mentions portées aux bordereaux de situation établis par le Trésor public.

Le Médiateur a demandé au ministère du Budget que les bordereaux de situation de recouvrement délivrés par le Trésor public laissent clairement apparaître la dette du contribuable, notamment lorsque l'imposition a été admise en non-valeur.

Des dispositions ont été prises pour améliorer la lisibilité de ce document dans ce type de situation.

Information des débiteurs de la redevance pour l'audiovisuel privés de l'usage de leur appareil à la suite d'un vol ou de sa destruction.

Aucune information ne figurant sur la notice d'information du public " Redevance télévision " éditée par le ministère de l'Économie et des Finances, en cas de perte d'usage du téléviseur à la suite d'un vol ou d'une destruction, le Médiateur a suggéré qu'un paragraphe particulier soit consacré à cette situation.

Le ministère de l'Économie et des Finances a retenu cette proposition dans la nouvelle rédaction de la plaquette d'information Redevance télévision.

Réduction d'impôt pour investissement immobilier locatif.

Les contribuables doivent fournir des pièces justificatives pour bénéficier de cette réduction d'impôt, le dépôt de l'engagement de location étant une des conditions légales à l'octroi de cet avantage fiscal.

Or, il est apparu que les contribuables rencontraient des difficultés sur ce point, et que l'administration fiscale n'admettait pas la régularisation de l'absence d'engagement de location.

À la demande du Médiateur, le ministère du Budget a décidé de mieux préciser à l'intention des contribuables le caractère obligatoire de la production de l'engagement de location. La notice d'information accompagnant la déclaration de revenu a été modifiée en ce sens, ainsi que les diverses brochures d'information.

b. Les propositions à l'étude

Amélioration de la réglementation relative aux modes de paiement mis à la disposition des redevables de timbres-amendes.

Malgré les différentes mesures prises pour améliorer tant le réseau de distribution que le contrôle et les règles d'approvisionnement des débitants de tabac en timbres-amendes, force est de constater que le système n'est pas vraiment satisfaisant et les démarches à accomplir par les redevables pourraient encore gagner en simplicité.

Le Médiateur de la République s'interroge donc sur l'opportunité qu'il y aurait aujourd'hui à promouvoir la délivrance mécanique des timbres-amendes par la mise en service de distributeurs automatiques.

Le Médiateur s'interroge également sur les raisons qui justifient que les amendes forfaitaires minorées et normales peuvent être payées par timbres-amendes tandis que les amendes forfaitaires majorées ne le peuvent pas.

Il souhaite que le dispositif soit simplifié sans pour autant augmenter le nombre des quotités des timbres-amendes.

Ouverture d'un choix de dates du prélèvement automatique mensuel d'impôt sur le revenu.

Afin de permettre au plus grand nombre de contribuables de bénéficier de la formule du paiement de l'impôt par voie de prélèvement, le Médiateur souhaite que le contrat de mensualisation proposé par le Trésor public offre un choix entre deux ou trois dates de prélèvement.

Certificat de non-imposition des adultes handicapés.

Certaines personnes handicapées rencontrent des difficultés pour justifier de leur non-imposition à l'impôt sur le revenu lorsqu'elles sont considérées fiscalement comme étant à charge de leurs parents.

Or, il apparaît que faute d'une doctrine définitive sur ce point, certains adultes handicapés se sont vu refuser la délivrance d'un certificat de non-imposition faute d'avoir souscrit une déclaration de revenus qui leur soit propre.

L'avis de non-imposition constituant parfois le seul moyen de preuve pour obtenir certains avantages, notamment fiscaux, parafiscaux et sociaux soumis à conditions de ressources, la position de certains services des impôts les empêche d'en bénéficier.

Le Médiateur a donc suggéré qu'une instruction administrative rappelle à tous les services compétents que la constatation de l'absence d'un majeur handicapé sur le rôle de l'impôt sur le revenu ouvre à elle seule le droit à la délivrance d'un certificat de non-imposition au demandeur.

Acquisition de véhicules dans un autre État membre de l'Union européenne.

Les indélicatesses commises par plusieurs mandataires automobiles qui ont disparu en s'appropriant la taxe sur la valeur ajoutée versée par les acheteurs, placent ces derniers dans une situation particulièrement inique : l'immatriculation du véhicule leur est refusée s'ils ne versent pas à nouveau la taxe sur la valeur ajoutée détournée par le mandataire.

Le Médiateur a proposé d'améliorer le système en vigueur, notamment en demandant l'élaboration d'un modèle de mandat par le Conseil national de la consommation et sa large diffusion, au moyen des dépliants d'information édités par le ministère de l'Économie et des Finances, de manière à assurer une meilleure information des particuliers et leur offrir ainsi des garanties.

B. UNE ACTION AMIABLE EN FAVEUR DE LA SÉCURITÉ JURIDIQUE

1. Le Médiateur contribue à la certitude et à la clarté de la règle fiscale

Son action dans ce domaine s'exerce à la fois par les propositions de réformes évoquées précédemment, et par les réponses aux réclamations individuelles.

Le Médiateur s'efforce en effet toujours d'apporter une information utile au réclamant. Lorsque le litige porte sur une question de droit complexe, ce qui est souvent le cas des réclamations relatives à l'évolution de la réglementation fiscale, cette volonté n'est pas écartée, bien au contraire.

Le Médiateur explique le droit applicable et, éventuellement, les raisons pour lesquelles la position de l'administration lui paraît fondée.

Il apporte toute information ou précision, et cela jusque dans l'explication de termes juridiques si nécessaire, afin de permettre au contribuable une meilleure lisibilité des textes de manière à ce qu'il comprenne mieux l'application de la réglementation qui a été faite au cas particulier.

Ce souci constant du Médiateur de clarification et d'explication de la règle fiscale et de ses changements suffit d'ailleurs à répondre à l'attente d'un certain nombre de réclamants.

Dans tous les cas, cette action amiable, permanente et quotidienne, contribue à la sécurité juridique.

2. Le Médiateur participe à la protection de la " confiance légitime "

Cette notion, qui rejoint d'ailleurs le souci du législateur de garantir les contribuables contre les changements de doctrine, peut se définir comme le droit qu'aurait tout contribuable de bonne foi à la confiance dans la stabilité juridique qu'il peut espérer attendre de la règle fiscale.

La protection de la confiance légitime est parfois évoquée par le juge, mais toujours avec prudence.

En effet, c'est la situation particulière du contribuable qui justifie la mise en úuvre de cette garantie. Il doit être tenu compte des circonstances de l'affaire et du comportement du contribuable pour apprécier l'opportunité des mesures de protection de la confiance légitime, dont ne saurait bien sûr bénéficier une personne de mauvaise foi, ou déjà avisée, de la disposition nouvelle incriminée.

À cet égard, l'action amiable du Médiateur, au cas par cas, avec les moyens particuliers dont il dispose au plan gracieux et en équité, paraît bien adaptée à la protection de la confiance légitime.

Les contestations des règles de droit nées de l'évolution de la réglementation fiscale ne privent pas le Médiateur de toute possibilité d'intervention auprès de l'administration.

Bien au contraire, son intervention peut permettre de dénouer des situations juridiques complexes que la seule application du droit se révèle impuissante à régler.

Le Médiateur apparaît alors comme l'ultime recours dont dispose le contribuable, soit pour atténuer les effets d'une règle fiscale nouvelle, soit pour l'amender.

Mais dans notre État de droit, l'ordonnancement des domaines de compétence de l'administration, du législateur et du juge, confère à ces interventions un caractère exceptionnel.


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