L'ETAT CIVIL




L'état civil est la situation d'une personne entre la naissance et la mort, et plus précisément sa situation de famille, telle qu'elle résulte de la filiation et du mariage.

Les actes de l'état civil sont les écrits dans lesquels l'autorité publique constate d'une manière authentique les principaux événements dont dépend l'état des personnes (naissances, mariages, décès).

Au Moyen-Âge, seul le clergé conservait la preuve de certains actes religieux comme le baptême, le mariage ou la sépulture, dont l'enregistrement n'était pas encore organisé.

L'ordonnance de Villers-Cotterêts, d'avril 1539, constitue la première étape d'une organisation laïque de l'état civil. L'institution s'est ensuite progressivement perfectionnée. Le pouvoir législatif révolutionnaire a établi, d'une part, le " mode par lequel les naissances, mariages et décès sont constatés " et a désigné, d'autre part, les officiers publics habilités à conserver et établir les actes.

L'élaboration du code civil fut l'occasion d'une unification des textes précédemment appliqués. Outre les nombreuses dispositions législatives et réglementaires qui ont complété l'institution, celle-ci doit constamment évoluer en fonction des changements dans la législation relative à l'état des personnes (réformes de la filiation, du divorce, de l'adoption...).

L'instruction générale de l'état civil qui recense l'ensemble des règles relatives à l'établissement, et à la délivrance des actes d'état civil, doit être périodiquement refondue pour tenir compte de ces changements.

Les officiers de l'état civil sont chargés par la loi de recevoir les déclarations de naissance, et les reconnaissances d'enfants naturels, de transcrire et de mentionner tous les actes et jugements sur les registres d'état civil, de dresser les actes et de les conserver.

Les fonctions d'officiers de l'état civil sont assurées par les maires ou par leurs représentants légaux. Un fonctionnaire municipal est délégué, pour l'essentiel des fonctions, à l'exclusion de la célébration des mariages et de l'établissement des actes de mariage qui sont de la compétence exclusive des maires eux-mêmes ou des adjoints ayant reçu une délégation à cet effet.

Par ailleurs, la conservation des registres des consulats de France, l'apposition des mentions marginales nécessaires et la délivrance des copies, ou des extraits d'actes concernant les français nés à l'étranger, sont assurées au sein du ministère des Affaires étrangères, par le service central de l'état civil de Nantes, institué par un décret du 1er juin 1965.

L'état civil étant un service public judiciaire rattaché au service public de la justice, les officiers de l'état civil exercent leurs fonctions sous la responsabilité et le contrôle du ministère public. Le procureur de la République constituant l'autorité supérieure, les officiers de l'état civil peuvent le consulter lorsqu'ils rencontrent des difficultés dans l'accomplissement de leur mission.

Les instructions données par les procureurs de la République aux officiers de l'état civil sont purement administratives. L'instruction générale de l'état civil (p.10) précise à cet égard que celles-ci ne préjugent pas des décisions que les tribunaux judiciaires peuvent éventuellement prononcer lorsqu'ils sont saisis d'une contestation.

La nature exclusivement administrative de la mission, assurée par les procureurs de la République auprès des officiers de l'état civil, permet au Médiateur de la République d'intervenir lorsqu'il est saisi de réclamations, sans porter atteinte à l'article 11 de la loi du 3 janvier 1973 qui exclut toute immixtion dans les procédures juridictionnelles.

Cette intervention s'effectue auprès du procureur de la République concerné, le garde des Sceaux étant tenu informé.

Gardiens de la régularité et de la légalité intrinsèque des actes, les officiers de l'état civil enregistrent les énonciations que ces actes doivent contenir (I) et apposent en marge les mentions permettant de relier entre eux certains actes et jugements (II). Certaines situations particulières seront par ailleurs évoquées (III).


I. LES ÉNONCIATIONS CONTENUES DANS LES ACTES

Certaines d'entre elles (la date de l'acte, les noms et prénoms de l'officier de l'état civil), ne donnent jamais lieu à des réclamations.

En revanche, des énonciations aussi essentielles que les noms patronymiques, prénoms, date et lieu de naissance des personnes désignées dans l'acte peuvent être à l'origine de réclamations adressées au Médiateur de la République.

A. LES NOMS ET LES PRÉNOMS

En effet, le nom patronymique, comme le prénom, sont les éléments fondamentaux de l'identification d'une personne, et toute erreur à cet égard est ressentie vivement, qu'il s'agisse d'une erreur purement matérielle ou de la conséquence d'une difficulté relative aux règles de transmission du nom, et au choix du prénom.

1. Des erreurs purement matérielles

Les difficultés les plus simples soumises au Médiateur de la République concernent des erreurs d'orthographe, illustrées par la réclamation no 96-4634, transmise par M. Raymond COUDERC, député de l'Hérault.

Rencontrant des difficultés, Mme K... a souhaité l'intervention du Médiateur pour obtenir une copie de son acte de naissance comportant un nom orthographié avec deux " m ", conformément à celui de sa mère.

À la lecture de son acte de naissance, il est apparu qu'étant enfant naturel déclaré avec indication du nom de sa mère, son nom avait été orthographié avec un seul " m ", alors que celui de sa mère était orthographié avec deux " m ", dans la reconnaissance postérieure figurant en marge de son acte de naissance.

Le Médiateur ayant précisé à l'officier d'état civil que l'orthographe du nom de l'auteur de la reconnaissance prévalait sur celle du nom indiqué à l'origine, la copie de l'acte adressée à l'intéressée porte désormais deux " m ", conformément à l'orthographe du patronyme de l'auteur de la reconnaissance.

Les erreurs d'orthographe, pour être rectifiées, nécessitent, en application de l'article 99 du code civil, l'intervention du procureur de la République qui, après s'être assuré du caractère purement matériel de l'erreur, demande à l'officier de l'état civil de procéder à la rectification des actes d'état civil.

C'est ainsi que le Médiateur a été saisi de la réclamation no 97-0288, transmise par M. François LESEIN, sénateur de l'Aisne, relative à l'omission d'un accent dans l'orthographe d'un patronyme.

M. L... souhaitait que le " é " accentué de son patronyme remplace le " e " figurant dans son acte de naissance, et dans celui de son enfant.

À l'issue des démarches entreprises par le Médiateur, l'intéressé a été informé que, s'agissant de l'omission purement matérielle d'un accent au moment de l'établissement de son acte de naissance, l'officier de l'état civil compétent avait procédé, à la requête du procureur de la République, à la rectification de son acte de naissance et de celui de son enfant.

Plus difficiles sont les rectifications liées à la consonance étrangère du patronyme. Dans ce cas, l'officier de l'état civil doit inscrire le nom des personnes d'origine étrangère en respectant l'orthographe usitée dans le pays d'origine de l'intéressé, alors même que la prononciation selon l'orthographe française serait difficile ou impossible. Seuls les caractères employés doivent toujours être ceux de l'alphabet romain.

Outre le caractère désagréable de l'incertitude relative à l'orthographe d'un patronyme, celle-ci peut avoir des conséquences dans la vie quotidienne. La réclamation no 96-3710, transmise par M. Jean-Claude PAIX, député de la Haute-Garonne, illustre ces difficultés.

Le nom de trois des huit enfants de M. C... a été orthographié phonétiquement, à la différence du sien et de celui de ses autres enfants qui l'a été conformément à l'orthographe usitée dans son pays d'origine. En raison de cette différence orthographique, la délivrance d'un certificat de nationalité a été refusée aux trois enfants dont le nom était orthographié différemment de celui de leur père.

Le Médiateur a invité les intéressés à saisir le Parquet compétent pour qu'il sollicite la rectification de leurs actes d'état civil. Celle-ci est intervenue rapidement et leur a permis ensuite d'obtenir du tribunal d'instance leur certificat de nationalité.

Certaines difficultés rencontrées par les intéressés sont la conséquence d'une francisation de leur nom et de leur prénom à la suite de l'acquisition de la nationalité française. La rectification de leurs actes d'état civil ne peut s'opérer qu'après la transcription de la décision administrative d'acquisition de la nationalité française et de francisation de leur nom sur les registres tenus par les agents diplomatiques, puis sur le registre du service central de l'état civil de Nantes. En principe, la rectification de leurs actes est ensuite effectuée d'office.

Le Médiateur a cependant été saisi par une personne dont le décret de francisation du prénom (réclamation no 96-3503, transmise par M. Arthur PAECHT, député du Var) n'avait pas été mentionné en marge de ses actes d'état civil figurant sur les registres du service central de l'état civil de Nantes.

Devant les délais nécessaires pour obtenir la francisation, le Médiateur a obtenu du Parquet de Nantes qu'il sollicite rapidement du service central de l'état civil la rectification des actes d'état civil de l'intéressé qui a été effectuée sans délai.

La situation suivante est plus complexe (réclamation no 94-1706, transmise par M. Emmanuel AUBERT, député des Alpes-Maritimes) :

M. L..., né en Russie en 1916, a été naturalisé français en 1946. À cette date, il n'existait aucune disposition légale relative à la francisation des noms et prénoms; son patronyme a néanmoins été modifié, le " s " figurant au milieu du nom ayant été remplacé par un " z " et la particule " von " disparaissant complètement.

À l'occasion de sa naturalisation française par décret, il est apparu que le nom patronymique de l'intéressé avait été traduit sous deux orthographes différentes, celle retenue par l'autorité administrative ne convenant pas à M. L... Se fondant sur l'autre traduction qu'il estimait plus conforme, et sur la justification de son droit à la particule " de ", M. L... pouvait donc solliciter du tribunal de grande instance de son domicile une rectification de son acte de naissance. Le Médiateur de la République l'a informé de la possibilité qui lui est donnée de saisir sur ce point la juridiction compétente.

Il convient de rappeler que les rectifications des actes de l'état civil du service central de l'état civil de Nantes sont effectuées à la requête du procureur de la République de cette ville. L'important volume de dossiers traités par ce service a conduit à un renforcement des effectifs qui examinent les nouveaux dossiers dans un délai raisonnable mais n'ont toujours pas résorbé le retard des dossiers restés en souffrance.

Sous l'apparence d'erreurs matérielles, les difficultés soumises au Médiateur de la République peuvent concerner soit les règles de transmission du nom, soit celles relatives au choix des prénoms.

2. Difficultés de fond relatives aux règles de transmission du nom patronymique et au choix des prénoms

Le nom des personnes comporte obligatoirement deux éléments au moins, le nom patronymique et le-ou-les prénoms attribués au moment de la naissance.

Le nom des personnes n'a fait l'objet d'aucune réglementation d'ensemble dans le code civil. Jusqu'à la fin du XIXe siècle, les seules dispositions légales en vigueur étaient les lois du 6 fructidor an II, posant le principe de l'immutabilité du nom, et du 11 germinal an II, relative au changement de noms et de prénoms, la source essentielle du droit étant la coutume.

Depuis, les dispositions législatives sur le nom de la femme divorcée ou séparée de corps (1893), sur l'adoption (1966), sur la filiation (1972), sur le divorce (1975), sur l'égalité des époux (1985), ont modifié ponctuellement certaines dispositions sans remettre en cause les principes fondamentaux issus de la coutume et de la jurisprudence.

a. Le nom patronymique présente un caractère obligatoire. Il marque le rattachement de l'individu à une famille ou à une personne dont il prend le nom. Élément d'état civil, il est attribué à une personne en fonction de sa filiation. Cette attribution se fait de façon différente selon la qualité de la filiation, légitime ou naturelle.

C'est en vertu d'une coutume, certes confirmée par la Cour de cassation, que l'enfant légitime porte le nom de son père.

De récentes études sur la transmission des patronymes, ainsi que des propositions de loi, s'interrogent sur l'opportunité d'un choix que les futurs époux pourraient effectuer concernant le nom qu'ils entendent transmettre à leurs enfants à l'instar de ce qui se passe dans d'autres pays...

En revanche, le nom attribué à l'enfant naturel, dès lors que sa filiation est établie, a fait l'objet, au fil d'évolutions législatives successives, de règles différentes dont l'application a été à l'origine de réclamations adressées au Médiateur de la République.

Dans son rapport d'activité pour l'année 1993 (p. 209), le Médiateur de la République a exposé la situation d'un réclamant qui avait fait l'objet d'une erreur dans l'application des règles de transmission du nom de l'enfant naturel et les démarches entreprises qui lui avaient permis de recouvrer le nom qu'il avait porté jusqu'à cette erreur.

En l'absence de solution juridique, la situation de M. B... (réclamation no 93-4377, transmise par M. Michel MEYLAN, député de la Haute-Savoie) n'a pas pu être réglée aussi favorablement.

Enfant naturel né en 1957, M. B... a été reconnu par sa mère puis par son père, M. B...

Il a toujours porté le patronyme B... Considérant que la reconnaissance par son père, décédé 18 mois après sa naissance, avait permis de lui attribuer ce patronyme, il avait obtenu qu'une carte d'identité lui soit délivrée à ce nom.

Or, quand il a souhaité déclarer la naissance de son propre fils, il a appris que son patronyme était en réalité celui de sa mère, c'est-à-dire G...

En l'absence d'erreur dans l'application des règles relatives à la transmission du nom à l'enfant naturel, le changement de patronyme ne peut résulter que d'une décision du Premier ministre après instruction du dossier par le ministère de la Justice. Les démarches à entreprendre à cet effet ont été précisées à l'intéressé.

Un changement de nom qui intervient en conséquence de l'établissement d'un lien de filiation, alors que l'intéressé a atteint l'âge adulte, n'est pas nécessairement compris ni accepté.

Il en est ainsi des difficultés exposées par M. P... (réclamation no 94-5136, transmise par M. Yves ROUSSET-ROUARD, député de Vaucluse).

M. P..., enfant naturel reconnu seulement par sa mère en août 1944, marié et père de trois enfants enregistrés sous le patronyme de P..., est reconnu 23 ans plus tard par M. H ... qui épouse sa mère en octobre 1967. La mention de la reconnaissance et de la légitimation par mariage portée en marge de son acte de naissance l'oblige, en vertu des dispositions législatives applicables, à changer de patronyme, de même que ses propres enfants issus de son mariage.

Devant l'impossibilité juridique pour lui et pour ses enfants de conserver le nom qu'ils avaient porté jusqu'alors, il fait appel au Médiateur de la République. En application de l'article 332.1 du code civil, l'enfant légitime prend le nom du mari de sa mère.

Afin de remédier aux situations analogues à celle de M. P..., la loi du 8 janvier 1993 a prévu que la légitimation en marge de l'acte de naissance d'un enfant majeur soit désormais dépourvue d'effet sur son patronyme si ce dernier n'accepte pas le changement de celui-ci.

Mais ces dispositions n'étant pas rétroactives, il n'était pas possible que M. P... puisse en bénéficier.

Pour deux de ses enfants, ayant parallèlement sollicité du garde des Sceaux un changement de nom par décret, la procédure a abouti. La simplification et l'unification du patronyme familial ont permis de considérer que cette procédure de changement de nom par décret du Premier ministre pouvait utilement être engagée par les autres membres de la famille, c'est-à-dire par M. P... et par son troisième enfant.

Le ministère de la Justice, sensible à ces situations, donne systématiquement un avis favorable au changement de nom dans cette hypothèse.

La situation des réfugiés et apatrides mérite une attention particulière. En effet, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) est seul compétent pour établir les documents tenant lieu, aux réfugiés et aux apatrides, d'actes d'état civil pour les évènements d'état civil survenus sur le territoire de l'État dont ils sont originaires. C'est donc l'OFPRA qui détermine l'état civil des intéressés.

Le Médiateur de la République a été ainsi saisi par M. A... (réclamation no 93-3130, transmise par M. Didier JULIA, député de Seine-et-Marne) qui contestait l'état civil attribué par l'OFPRA.

Lors de son arrivée en France, M. A..., originaire de Turquie, a été pris en charge par l'OFPRA qui, dans un souci de cohérence et dans le respect des règles du droit islamique, lui a donné comme nom patronymique, selon les usages de son pays natal, les prénoms de ses père et grand-père paternels. M. A... n'étant pas satisfait de son patronyme ainsi modifié, a sollicité l'intervention du Médiateur.

Les actes dressés par l'OFPRA sont des actes d'état civil. Il a donc été précisé à l'intéressé que la modification de son nom ne pouvait être remise en cause que par la procédure de rectification d'acte d'état civil à engager devant le tribunal de grande instance de Paris, seul compétent, étant précisé que le parquet devrait, dans le cadre de l'instruction de la demande déposée par l'intéressé, se rapprocher de l'OFPRA.

Le réclamant rencontrait par ailleurs des difficultés pour obtenir que le nom de sa fille, née antérieurement à la décision de l'OFPRA, soit rectifié pour devenir conforme à celui qui lui avait été attribué par l'office. À la suite de l'intervention du Médiateur de la République auprès du procureur de la République compétent, la rectification administrative du nom de l'enfant a été opérée.

Jusqu'en 1991, les réfugiés ne pouvaient pas obtenir de livret de famille, document utile pour accomplir certaines démarches administratives (réclamation no 93-1707, transmise par M. Jean-Pierre MASSERET, secrétaire d'État aux Anciens combattants, en sa qualité de sénateur de la Moselle).

M. Z..., père de quatre enfants, à qui la qualité de réfugié a été reconnue le 22 janvier 1991, ne parvenant pas à obtenir un livret de famille, a sollicité l'intervention du Médiateur de la République. Les dispositions du décret du 26 mars 1991, instituant le livret de famille en faveur des réfugiés, n'ont été mises en application qu'au cours du dernier trimestre de l'année 1991. La qualité de réfugié ayant été reconnue à M. Z..., antérieurement à ce décret, le Médiateur de la République lui a expliqué qu'il ne pourrait pas obtenir de livret de famille. En revanche, il lui a précisé que la délivrance des fiches d'état civil, d'extraits ou de copie d'actes lui tenant lieu d'acte de naissance pour lui-même comme pour sa famille, pouvait intervenir immédiatement sur simple demande adressée à l'OFPRA.

b. Le choix des prénoms était régi, jusqu'à la loi du 8 janvier 1993, par la loi du 11 germinal an XI. Le choix des prénoms appartient désormais aux parents.

Lorsque ces prénoms lui paraissent contraires à l'intérêt de l'enfant, l'officier de l'état civil en avise sans délai le procureur de la République qui saisit alors le juge aux affaires familiales.

La réclamation no 93-3295, transmise par M. Jean GLAVANY, député des Hautes-Pyrénées, ancien ministre, illustre les difficultés rencontrées par certains parents dont les enfants sont nés avant l'entrée en vigueur de la loi du 8 janvier 1993.

Selon le souhait des parents, l'attestation de naissance établie par le centre hospitalier orthographiait le prénom de l'enfant de sexe masculin, né le 11 août 1991, sans " e " à la fin.

Or, l'officier de l'état civil a orthographié ce prénom de façon traditionnelle, avec un " e " final. Ayant constaté cette graphie différente, les parents ont sollicité en vain l'intervention du procureur de la République, dans le ressort duquel se trouvait la mairie qui détenait cet acte, pour en obtenir la rectification.

À la suite de l'intervention du Médiateur de la République, le procureur de la République, considérant qu'il ne s'agissait pas d'une simple erreur matérielle, mais d'une difficulté relative au choix d'un prénom, a, conformément à la procédure applicable en pareil cas, saisi le juge aux affaires familiales qui, par un jugement du 14 mars 1994, a autorisé la substitution du prénom, et décidé qu'elle serait portée en marge de l'acte de naissance de l'enfant. Le procureur a envoyé une copie du jugement à l'officier d'état civil compétent pour exécution.

B. LES AUTRES ÉNONCIATIONS

1. Le lieu et la date de naissance

Les difficultés soumises au Médiateur de la République à cet égard sont consécutives à la transcription d'actes d'état civil dressés à l'étranger sur les registres du service de l'état civil à Nantes.

a. Ainsi la réclamation no 96-2462, transmise par M. Charles COVA, député de Seine-et-Marne, illustre les difficultés relatives à leur lieu de naissance rencontrées par M. et Mme K... réintégrés dans la nationalité française.

À la suite de la transcription de leurs actes de naissance et de leur acte de mariage sur les registres du service central de l'état civil de Nantes, un livret de famille français leur avait été délivré. Il est alors apparu que le lieu de naissance de Mme K..., comme celui de son mari, figurant sur ce livret de famille, et donc sur les registres de l'état civil de Nantes, n'étaient pas conformes à ceux figurant sur leurs actes de naissance initiaux.

La procédure de rectification étant trop lente, les époux K... ont sollicité l'intervention du Médiateur de la République.

À la requête du Médiateur, le Parquet de Nantes sollicitait du service central de l'état civil de Nantes la rectification de l'acte de naissance de l'épouse, et demandait à l'époux de lui communiquer son acte de naissance dressé à l'étranger afin de s'assurer qu'il s'agissait d'une erreur purement matérielle.

Le service de l'état civil rectifiait sans délai le lieu de naissance figurant dans l'acte de naissance de l'épouse.

L'erreur quant au lieu de naissance peut paralyser certaines démarches. Ainsi, la procédure de M. H..., qui souhaitait changer de régime matrimonial, ne pouvait se poursuivre tant que l'erreur relative au lieu de naissance de son épouse figurant dans leur acte de mariage n'était pas rectifiée (réclamation no 94-5548, transmise par M. Henri SICRE, député des Pyrénées-Orientales).

b. Outre les délais nécessaires au Parquet de Nantes pour requérir du service central de l'état civil les rectifications des erreurs matérielles affectant les dates de naissance des intéressés, il peut arriver qu'une difficulté de fond nécessite l'intervention du président du tribunal de grande instance territorialement compétent (réclamation no 94-5248, transmise par M. Jean de LIPKOWSKI, député de la Charente-Maritime, ancien ministre).

À la lecture du décret de réintégration de M. et Mme B..., et de leurs deux enfants mineurs, une inexactitude affectait la date de naissance de l'un des deux enfants.

M. et Mme B... ont alors souhaité que le procureur de la République demande la rectification matérielle de l'acte de naissance de cet enfant figurant dans les registres du service central de l'état civil de Nantes, au vu du décret.

Estimant qu'il ne s'agissait pas d'une erreur matérielle, le procureur de la République a considéré qu'il ne pouvait pas faire procéder à la rectification de la date de naissance de l'enfant. Dans cette hypothèse, il a été conseillé aux intéressés, sur proposition du procureur de la République de Nantes, et du Médiateur de la République, de saisir le président du tribunal de grande instance de Nantes. La rectification de la date de naissance de l'enfant de M. et Mme B... a été prononcée quatre mois plus tard.

2. Le sexe

Dans son rapport d'activité de l'année 1994 (p. 47 et s.), le Médiateur de la République avait exposé les difficultés rencontrées par les transsexuels pour obtenir la rectification du sexe énoncé dans leur acte de naissance.

Cette rectification ne peut être opérée qu'à la suite d'une décision de justice constatant que la personne a pris une apparence physique se rapprochant d'un sexe différent de celui figurant dans son acte de naissance, et ordonnant la transcription de la décision en marge de l'acte de naissance de la personne.


II. LES MENTIONS MARGINALES

La mention marginale est une mesure de publicité destinée à établir une relation entre deux actes de l'état civil, ou entre un acte et un jugement.

Il s'agit d'une référence sommaire au nouvel acte ou jugement, en marge d'un acte précédemment dressé ou transcrit, modifiant l'état civil de l'intéressé. À titre d'exemple, la mention du mariage est apposée en marge de l'acte de naissance de chacun des époux.

A. LES MENTIONS RELATIVES À LA FILIATION

Parmi les mentions relatives à la filiation qui peuvent être apposées en marge des actes de naissance, on peut citer l'acte de reconnaissance, la légitimation d'un enfant naturel par le mariage de ses parents, les décisions judiciaires relatives à l'adoption...

Si les réclamations relatives à la légitimation, adressées au Médiateur de la République, traduisent des difficultés d'état civil purement matérielles auxquelles il est aisé d'apporter une réponse, celles relatives à l'adoption soulèvent, en revanche, des difficultés de fond où s'affrontent les demandes des adoptants et la protection de l'intérêt des enfants adoptés.

1. La mention, en marge de l'acte de naissance, d'une légitimation

La légitimation qui permet à l'enfant naturel de devenir légitime intervient à la suite du mariage de ses parents. Si la filiation d'un enfant a été établie à l'égard de son père et de sa mère avant le mariage, celui-ci entraîne la légitimation de l'enfant. Mais, si la filiation d'un enfant n'est établie à l'égard de l'un ou de l'autre de ses parents qu'après le mariage, un jugement de légitimation sera alors nécessaire.

Lors de la célébration du mariage, l'officier de l'état civil apprécie l'opportunité d'attirer l'attention des futurs époux sur les règles relatives à la légitimation et sur la nécessité d'une reconnaissance préalable à la légitimation.

La réclamation no 97-2275, transmise par M. Henri de RICHEMONT, député de la Charente, témoigne des difficultés qui peuvent surgir lorsqu'un enfant, reconnu par son père, a un acte de naissance portant seulement l'indication du nom de sa mère, sans reconnaissance expresse de cette dernière.

Lorsque M. et Mme V... se sont mariés, après avoir préalablement donné naissance à une enfant née à l'étranger, l'officier de l'état civil a adressé un avis de mention au service central de l'état civil de Nantes (s'agissant d'un enfant né à l'étranger) afin que la légitimation de cet enfant commun figure en marge de son acte de naissance. Le service central de l'état civil a refusé d'apposer cette mention en l'absence de reconnaissance expresse de la mère.

Le Médiateur de la République est alors intervenu auprès du Parquet de Nantes pour qu'il requière du service central de l'état civil l'apposition de la mention de la légitimation en marge de l'acte de naissance de l'enfant, en invoquant l'article 317 de l'instruction générale de l'état civil qui permet d'apposer cette mention en l'absence de reconnaissance expresse de la mère, dès lors que l'enfant a été reconnu par son père et que l'indication du nom de la mère figure dans l'acte de naissance.

Après s'être fait communiquer par les intéressés une copie de leur acte de mariage, le Parquet de Nantes a sollicité sans délai l'apposition de la mention de la légitimation de l'enfant commun par le service central de l'état civil.

L'apposition de la mention de la légitimation en marge de l'acte de naissance peut nécessiter dans certaines hypothèses un jugement préalable. C'est ce que le Médiateur de la République a indiqué à Mme A... (réclamation no 95-4130, transmise par M. Philippe MADRELLE, sénateur de la Gironde).

Lorsqu'elle était mariée avec M. C..., Mme A... a donné naissance à un enfant que son mari a souhaité désavouer.

Parallèlement à l'action en désaveu engagée par ce dernier devant la juridiction compétente, Mme A... a divorcé et s'est remariée avec le véritable père de l'enfant.

Elle a alors souhaité que la nouvelle filiation de l'enfant et sa légitimation soient apposées en marge de son acte de naissance.

Mais le jugement de désaveu de paternité constituant un préalable nécessaire à l'établissement de la filiation d'un enfant à l'égard de son véritable père, et ce jugement n'ayant pas encore été prononcé à la date du mariage de Mme A... avec celui-ci, la filiation ne pouvait être établie et la légitimation apposée en marge de son acte de naissance.

En effet, en application de l'article 331-1 du code civil, un jugement est nécessaire. C'est ce qui a été indiqué à Mme A...

2. Difficultés en matière d'adoption

En matière d'adoption, les difficultés d'état civil sont illustrées par la situation de M. et Mme B... (réclamation no 96-1398, transmise par M. François LÉOTARD, député du Var, ancien ministre).

Courant 1977, le tribunal d'A... prononce, à la requête de M. et Mme B... l'adoption de l'enfant H... S'agissant d'un enfant né à l'étranger, la transcription effectuée sur les registres du service central de l'état civil de Nantes ne mentionne, conformément aux termes mêmes du jugement, que des éléments insuffisamment précis sur la date et le lieu de naissance. M. et Mme B... ont tenté en vain de faire compléter l'acte de naissance de leur enfant.

À la suite de l'intervention du Médiateur de la République le procureur de la République de Nantes a accepté le principe d'une requête, qui serait déposée auprès du président du tribunal de grande instance de Nantes ou du domicile de l'intéressé, en attribution des date et lieu de naissance, par application de l'article 57 du code civil qui prévoit que l'acte de naissance indique le jour et le lieu de naissance de l'intéressé.

Une décision en ce sens est intervenue quelque temps plus tard.

En revanche, des problèmes de fond sont apparus dans plusieurs dossiers concernant l'adoption internationale. Mais ceux-ci, étrangers au présent chapitre, ne seront qu'évoqués dans la mesure où leur grande complexité nécessiterait de longs développements et beaucoup de prudence.

Ainsi, le placement d'enfants en vue d'adoption par des úuvres privées ne permet pas toujours de respecter les procédures conformes aux engagements internationaux signés par la France, comme aux dispositions législatives françaises. Les parents adoptifs se heurtent alors à un refus des autorités françaises de transcrire les décisions étrangères sur les registres de l'état civil français (réclamation no 95-0117, transmise par M. Yves ROUSSET-ROUARD, député de Vaucluse), ou au refus des juridictions françaises de prononcer des décisions d'adoption plénière notamment en l'absence de consentement des parents biologiques susceptibles d'ignorer les effets attachés par la loi française à ce type d'adoption (réclamation no 93-1746).

Certaines situations inextricables résultent du comportement d'úuvres d'adoption qui ne s'entourent pas de précautions suffisantes (réclamations nos 93-2585 et 94-2033, transmises respectivement par M. André LABARRERE, député des Pyrénées-Atlantiques, ancien ministre, et M. Pascal CLÉMENT, député de la Loire, ancien ministre). Agissant dans l'intérêt immédiat des candidats à l'adoption, elles ne mesurent pas toujours les conséquences de leurs pratiques qui peuvent s'avérer dramatiques par la suite...

Par ailleurs, la ratification par la France de la Convention de la Haye du 29 mai 1993, sur l'adoption internationale, devrait permettre à une autorité unique, existant dans le pays d'origine comme dans le pays d'accueil, de se prononcer sur les différentes étapes qui précèdent l'adoption d'un enfant étranger, afin d'en garantir la cohérence.

B. LES MENTIONS RELATIVES À LA SITUATION MATRIMONIALE

Lors de la célébration d'un mariage, l'acte de mariage est conservé dans les registres d'état civil de la mairie du lieu du mariage. Un avis de mention est adressé à l'officier de l'état civil de la commune du lieu de naissance de chacun des époux, afin que la mention du mariage soit apposée en marge de leurs actes de naissance.

Lorsqu'un jugement de divorce ou d'annulation de mariage intervient, le ou les avocats des époux adressent une copie du jugement à l'officier de l'état civil de la commune du lieu du mariage des époux et du lieu de naissance de chacun d'eux, afin que soit apposée en marge de ces actes la mention de la décision de justice prononcée.

1. L'acte de mariage

Les délais nécessaires pour obtenir sur les registres du service de l'état civil de Nantes la transcription d'un acte de mariage célébré hors de France, peuvent retarder l'obtention d'un visa pour l'époux résidant à l'étranger (Rapport 1995, p. 198); la transcription des actes et des jugements eux-mêmes peut également être source de difficultés dans la mesure où les actes transcrits doivent respecter les exigences de la loi française. À ce titre, le service central de l'état civil est fondé à refuser la transcription, sur les registres français, d'un acte de mariage dressé à l'étranger quand l'un des époux n'était pas présent personnellement mais représenté par un membre de sa famille.

La réclamation no 94-3014, transmise par M. Michel VOISIN, député de l'Ain, illustre une difficulté particulière.

Le premier mariage de M. L..., contracté à Mayotte, avait été annulé par le cadi de son village. Le maire de la commune du lieu du mariage n'a pas souhaité porter mention de la décision du cadi, considérant que seules les décisions de divorce peuvent être transcrites.

Pourtant, deux jours après l'annulation de son mariage, M. L... se remariait à nouveau à Mayotte. La bigamie interdisant la transcription sur les registres consulaires du nouveau mariage, l'ambassadeur de France a refusé à l'épouse un visa pour la France, alors même qu'un jugement de divorce avait été prononcé dans l'intervalle ...

À la suite de l'intervention du Médiateur de la République, le ministère de la Justice a interrogé les autorités judiciaires locales sur la validité du premier mariage contracté par M. L... Il est apparu que ce mariage n'avait pas été célébré conformément aux règles du code civil français et à ce titre était dépourvu d'effet en France.

Aucun obstacle ne s'opposait plus à la transcription du " deuxième " mariage et à la délivrance d'un visa à l'épouse de M. L...

Une autre difficulté peut résulter de l'absence de transcription d'un mariage comme en témoigne la réclamation no 94-5079, transmise par M. Patrick LABAUNE, député de la Drôme.

Mme C... a épousé M. T..., déjà marié et divorcé à deux reprises. Ce mariage, célébré à l'étranger, a été transcrit sur les registres du consulat de France, mais aucun avis de mention n'a été adressé à la mairie du lieu de naissance de M. T... Par la suite, sans avoir préalablement divorcé de Mme C..., celui-ci a pu ainsi se remarier puis divorcer à trois reprises. Il s'est enfin remarié une septième fois, avec Mme S...

M. T... ayant par la suite été placé sous tutelle, le tuteur refusait de considérer Mme C... comme son épouse. La dernière épouse de M. T... ne s'y opposant pas, Mme C... pouvait faire état de sa situation de femme mariée que le tuteur devait alors prendre en considération. En revanche, il a été indiqué à Mme C... qu'en cas de conflit avec Mme S..., dernière épouse de M. T..., il lui appartenait de demander l'annulation de ce mariage pour bigamie, en saisissant le procureur de la République territorialement compétent. Mme C... a été invitée à faire part de ses intentions au ministre de la Justice afin que l'analyse juridique effectuée puisse être communiquée au procureur saisi de cette affaire.

2. Le jugement de divorce

En dehors des délais nécessaires pour obtenir la transcription d'un jugement prononcé par des autorités étrangères, des difficultés peuvent surgir pour interpréter une décision étrangère (réclamation no 96-3285, transmise par M. Yves FRÉVILLE, député d'Ille-et-Vilaine).

M. K..., marié dans une commune de la région parisienne, ne parvenait pas à obtenir de l'officier de l'état civil de cette commune la transcription du jugement de divorce prononcé par les autorités syriennes.

À la suite de l'intervention du Médiateur de la République auprès du procureur de la République compétent, celui-ci a procédé à une analyse juridique de la décision syrienne et a requis de l'officier de l'état civil compétent la transcription du jugement de divorce en marge de l'acte de mariage de M. K...

C. LES MENTIONS RELATIVES AU DÉCÈS

Avant la loi du 8 janvier 1993, le Médiateur de la République a reçu des réclamations émanant de parents dont les enfants étaient décédés avant que leur naissance ait été déclarée. Les officiers de l'état civil, établissant pour ces enfants un " acte d'enfant sans vie ", les parents ne comprenaient pas que la naissance puis le décès de l'enfant, ne puissent pas être enregistrés.

Mais, depuis cette modification législative, l'officier de l'état civil établit un acte de naissance et un acte de décès en application du nouvel article 79-1 du code civil.

En revanche, le Médiateur de la République continue de recevoir des réclamations résultant de difficultés consécutives à l'apposition de la mention d'un décès en marge de l'acte de naissance des intéressés, alors que ceux-ci sont toujours vivants. Ces mentions sont source de difficultés importantes pour les intéressés à qui les organismes sociaux refusent dès lors toute prise en charge.

La réclamation no 97-0051, transmise par M. Georges SARRE, député de Paris, ancien ministre), témoigne de ces difficultés.

L'acte de naissance de Mme L..., née en 1908 dans l'est de la France, porte en marge la mention d'un décès survenu sur le territoire de la commune d'A..., suivant jugement prononcé par le tribunal de grande instance de X... le 21 septembre 1961.

Une autre singularité affecte l'état civil de Mme L... : son acte de naissance ne porte pas en marge la mention de son mariage célébré en 1926.

À la suite des premières démarches entreprises par le Médiateur de la République, le tribunal de X... n'a pas retrouvé la trace du jugement déclaratif de décès prononcé le 21 septembre 1961. Par ailleurs, le tribunal de grande instance, dans le ressort duquel se trouve la mairie du lieu de naissance de Mme L..., destinataire des pièces nécessaires adressées pour apposer la mention du décès en marge de son acte de naissance, a constaté la disparition de ces pièces à la suite d'un déménagement.

La mairie d'A... n'a pas trouvé trace dans ses registres d'un décès survenu en 1960 ou 1961.

Le Médiateur de la République est intervenu auprès du procureur de la République pour lui signaler la situation, et lui proposer, en application de l'article 92 du code civil, de saisir le tribunal de grande instance d'une requête en annulation du jugement de décès à la suite de la réapparition de la personne dont le décès a été judiciairement déclaré. Une enquête est actuellement en cours afin de préciser les circonstances dans lesquelles le jugement de décès a pu être prononcé.


III. DES SITUATIONS PARTICULIÈRES

A. LA RECHERCHE D'IDENTITÉ

Certaines réclamations transmises au Médiateur de la République illustrent les difficultés liées à la recherche d'identité. La réclamation no 96-1972, transmise par M. Pierre BIARNES, sénateur des français établis hors de France, en témoigne.

Mme A..., née de mère inconnue, aurait été adoptée et aurait vécu pendant son enfance dans une grande ville de province. Elle aurait trois frères adoptifs. Elle connaît le prénom de deux d'entre eux et le lieu de résidence du troisième.

Souhaitant faire établir son identité, Mme A... a exposé sa situation à l'association ATD Quart Monde qui a sollicité l'intervention du Médiateur de la République.

Dans un premier temps, Mme A... a été invitée à se présenter à la préfecture de police de Paris, au service des recherches dans l'intérêt des familles, afin qu'il soit procédé à une enquête.

Si le procureur de la République a recueilli certaines informations, Mme A..., de son côté, a retrouvé certains éléments qui ont été communiqués au magistrat. Une fois cette situation élucidée, deux hypothèses se présenteront : soit sa date et son lieu de naissance pourront être déterminés et elle pourra solliciter une copie de son acte de naissance; soit les recherches ne donneront que des renseignements approximatifs, et il conviendra alors qu'elle demande au tribunal de grande instance de son domicile un jugement déclaratif de naissance.

Pour l'heure, les éléments d'enquête réunis n'ont pas encore permis de déterminer la procédure qui sera suivie.

B. LE SECRET DE LA FILIATION

Le Médiateur de la République est saisi par des personnes qui, nées dans le secret ou pour lesquelles le secret de la filiation a été réclamé, souhaitent connaître l'identité de ceux qui leur ont donné la vie.

Si l'état civil permet de rattacher l'individu à une famille, le droit positif, issu de l'Ancien Régime, prévoit un double dispositif d'accouchement secret et de secret de la naissance.

Avant d'évoquer les interventions du Médiateur dans ce domaine, il paraît nécessaire de rappeler brièvement les grandes lignes du cadre légal qui s'avèrent singulièrement complexes.

Plusieurs dispositions législatives éparses régissent la matière.

L'article 57 du code civil énonce que l'acte de naissance comprend l'état civil, la profession et le domicile des père et mère. Par exception à cette règle, il précise que la personne qui déclare une naissance peut ne pas indiquer le nom de la mère, du père ou des deux. Dans ce cas, plusieurs prénoms sont attribués à l'enfant, le dernier tenant lieu de patronyme.

L'article 58 du même code prévoit en outre un dispositif concernant les enfants recueillis par le service de l'aide sociale à l'Enfance, pour lesquels le secret de la naissance a été réclamé (par l'établissement d'un nouvel acte fictif qui ne mentionne pas les éléments concernant les parents). Ce système propre aux pupilles de l'État existe depuis une ordonnance de 1958.

Pour la période antérieure, les pupilles de l'État, non adoptés, pour lesquels " il y a lieu d'observer le secret ", ne peuvent obtenir la délivrance de leur acte de naissance. L'administration y supplée par la remise d'un certificat d'origine prévu par le code de la famille et de l'aide sociale (CFAS).

D'autres dispositions du code civil, du CFAS et de la réglementation hospitalière ont institué un régime d'accouchement secret qui donne la faculté à une femme de demander que le secret de son admission et de son identité soit préservé lors de l'accouchement.

Ces divers textes doivent être combinés avec les dispositions sur l'accès à l'information : loi de 1978 sur l'accès aux dossiers administratifs qui permet à toute personne, ayant bénéficié de prestations des services de l'enfance, de prendre connaissance de son dossier personnel, et loi de 1979 sur les archives qui fixe les délais d'ouverture de celles-ci au public.

À la complexité des textes, s'ajoute une certaine confusion qui tient, semble-t-il, à différents facteurs :

- le contour imprécis de la notion de secret des origines;

La déclaration de l'enfant à l'état civil sans mention de l'identité de ses parents ne signifie pas, ni en droit ni en fait, que sa filiation est secrète. Par ailleurs, dans la mesure où il n'existe pas de règle contraignante pour les femmes qui confient leur enfant après avoir accouché secrètement, les dossiers administratifs des enfants peuvent être dépourvus de toute information ou, au contraire, comporter tous les éléments que la mère aura indiqués, y compris son identité.

- la méconnaissance générale du régime de l'adoption qui ne comporte aucun secret, même s'agissant de l'adoption plénière instituée en 1966;

- la diversité des pratiques développées dans les institutions publiques et privées concernées (maternités, services de l'aide à l'enfance, organismes privés habilités pour l'adoption, juridictions...) due au manque de lisibilité et de rigueur du dispositif.

En tout état de cause, la législation en vigueur fait obstacle à l'accès, par les intéressés, à leurs origines familiales. Les réclamations présentées montrent l'importance de leurs difficultés.

M. V... a demandé au tribunal de grande instance de T... une copie du jugement d'adoption plénière de son frère (ce dernier, en quête de l'identité de ses parents biologiques n'ayant pas souhaité entreprendre cette démarche lui-même). Sans réponse du tribunal, M. V... a sollicité l'aide du Médiateur de la République.

Le Médiateur lui a indiqué que sa demande ne pouvait aboutir.

En effet, les copies des jugements d'adoption ne peuvent être délivrées qu'aux adoptants et aux adoptés. Il a fait savoir également à M. V... que son frère pouvait avoir communication de son dossier administratif, susceptible de contenir les renseignements recherchés, en s'adressant au service départemental de l'aide sociale à l'enfance ayant réalisé le placement en vue d'adoption (réclamation no 96-3514, transmise par Mme Henriette MARTINEZ, député des Hautes-Alpes).

Ancien pupille de l'État, M. L..., aujourd'hui âgé de 80 ans, a entrepris des démarches pour connaître ses origines (réclamation no 96-4680, transmise par M. Jean-Pierre CHEVÈNEMENT, ministre de l'Intérieur, en sa qualité de député du Territoire de Belfort).

Le conseil général concerné lui a fait parvenir copie de diverses pièces, en occultant toutefois les informations concernant l'identité de ses parents ainsi que son lieu de naissance.

En dépit d'un avis de la Commission d'accès aux documents administratifs favorable à la communication intégrale du dossier, les services administratifs ont maintenu leur décision, au motif que la mère du requérant avait réclamé le secret de son identité.

Comprenant mal le comportement de l'administration à son égard, M. L... a sollicité l'aide du Médiateur de la République.

Après examen des éléments en sa possession, le Médiateur est intervenu auprès du service pour demander la levée du secret, se fondant sur des arguments à la fois juridiques et humains.

Il a fait observer en premier lieu que l'interprétation de la loi du 27 juin 1904 relative au service des enfants assistés et applicable en l'espèce, ne va pas de soi s'agissant de l'existence d'une éventuelle demande de secret de la filiation de l'enfant, le préfet pouvant, à l'époque, instaurer le secret de la filiation des enfants remis aux services sociaux de sa seule initiative.

Il a fait valoir aussi que compte-tenu du temps écoulé, le secret n'avait plus la même signification, la mère de l'intéressé étant très probablement décédée. Au vu de ces éléments, le conseil général a accepté de transmettre au requérant les informations dont la communication lui avait été refusée.

En revanche, aucune issue n'a pu être trouvée jusqu'à présent à la démarche de Mme C... (réclamation no 96-4855, transmise par M. Jean TIBERI, député de Paris).

Ancienne pupille de l'État adoptée, Mme C... a obtenu communication de son dossier administratif. Mais elle a relevé des anomalies dans les pièces remises par les services du conseil général et des archives départementales. Doutant de la fiabilité des renseignements communiqués, elle a saisi le Médiateur.

Les services en cause ont confirmé au Médiateur que la requérante n'avait pas trouvé dans son dossier toutes les informations qu'elle souhaitait obtenir, en particulier le nom de sa mère.

Le Médiateur, pour sa part, a pu vérifier que les erreurs strictement matérielles contenues dans les documents n'affectaient pas la véracité des renseignements y figurant.

Il y a lieu de préciser à cet égard que la loi de 1978 susvisée d'application immédiate, a ouvert un droit d'accès à tous les anciens dossiers constitués avant son entrée en vigueur, avec toutes les difficultés que peut comporter la communication de pièces qui n'avaient pas été établies dans cette perspective.

Les recherches de Mlle B... (réclamation no 97-2639) sont encore plus problématiques.

Née en France de parents non dénommés, elle a été confiée dès sa naissance à une úuvre privée d'adoption, sise en Belgique, puis adoptée par une famille belge.

Ses démarches engagées depuis plusieurs années n'ayant pas abouti, elle s'est tournée vers le Médiateur de la République. Ce cas relevant à la fois du droit français et du droit belge, le Médiateur a saisi le ministère de la Justice afin de recueillir ses observations. Il en a également informé la mission de l'adoption internationale placée auprès du ministère des Affaires étrangères. Il est en attente d'une réponse.

Comme tous ceux qui sont appelés à s'occuper d'enfants ou d'adultes pour lesquels le secret des origines a été gardé, le Médiateur de la République est impressionné par la souffrance profonde que ce secret engendre.

Au-delà de l'aspect humain, le Médiateur observe les imperfections du système juridique actuel. Les requêtes qui lui sont adressées suscitent de nombreuses interrogations, en particulier :

- la question des limites dans lesquelles le secret demeure opposable (une demande de secret peut-elle être implicite ?);

- les difficultés rencontrées par les parents qui veulent revenir sur leur décision de taire leur paternité ou maternité en demandant la levée du secret comme celles des enfants devenus adultes à la recherche de leurs origines, du fait de l'absence de procédure uniforme, claire et simple, pour recueillir et conserver les secrets invoqués.

C'est pourquoi le Médiateur de la République, à l'instar du Conseil d'État (" Statut et protection de l'enfant ", Coll. Les études du Conseil d'État, mai 1990; " La transparence et le secret " in " Rapport public 1995 du Conseil d'État ", La Documentation française, no 47), refléchit aux propositions de réformes réglementaires, ou législatives, qui pourraient être envisagées.

Les difficultés soumises au Médiateur de la République tiennent à la diversité et à la complexité des situations en matière d'état des personnes.

En effet, le Médiateur de la République constate parfois des dysfonctionnements et propose des solutions, mais les réclamations qui lui sont adressées résultent très souvent d'une mise en úuvre délicate de règles complexes. Les réponses données aux intéressés ne sont alors ni acceptées, ni comprises.

À titre d'exemple, de nombreux faits d'état civil se produisent désormais à l'étranger et sont, comme tels, soumis à des règles juridiques très différentes. Il n'est pas toujours aisé de déterminer la force juridique qui peut être donnée en droit français aux actes dressés à l'étranger.

Par ailleurs, la législation relative à l'état des personnes, la filiation, l'adoption, le mariage, le contrat d'union civile et le divorce, est en évolution constante pour répondre aux attentes d'une société qui revendique une reconnaissance sociale de toutes les situations, multipliant ainsi les actes dressés comme les mentions marginales avec les inévitables risques d'erreur et les difficultés qui peuvent surgir.

Afin d'apporter satisfaction aux réclamants, l'intervention du Médiateur de la République a souvent pour objet de rechercher, en concertation avec les services concernés, les textes applicables. Les services se montrent très coopératifs dans la mise en úuvre de solutions qui reposent sur une analyse juridique fondée.

Même si l'établissement des actes d'état civil demeure une matière délicate, il convient cependant d'en assurer la transparence. À cet égard, une proposition de réforme a été adressée par le Médiateur de la République au garde des Sceaux, prévoyant, lorsqu'une rectification d'état civil est effectuée à la requête du procureur de la République, d'en indiquer succinctement le motif dans la mention marginale.

Cette proposition est étudiée dans le cadre de la refonte de l'instruction générale de l'état civil qui s'est révélée nécessaire pour tenir compte des récents changements de législation en matière d'état des personnes, mais dont l'objectif essentiel est de rendre le service de l'état civil plus accessible, plus rapide et plus sûr.

Par ailleurs, au moment où ce rapport est en cours d'élaboration, le projet de loi modifiant le code de la nationalité prévoit de porter en marge des actes de naissance " la mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française " et de la faire figurer sur les copies délivrées aux intéressés.

À plusieurs reprises, le Médiateur de la République a eu l'occasion de souligner les difficultés relatives à la preuve de la nationalité (Rapport 1991, p. 128; Rapport 1993, p. 22).

C'est pourquoi, il a souhaité insister, à l'occasion de la préparation de l'avis émis sur ce projet de loi par la Commission nationale consultative des droits de l'homme dont il est membre, sur la portée d'une disposition qui permettra aux intéressés de prouver plus facilement leur nationalité.


Retour au sommaire de l'année 1997
Retour au sommaire des rapports