DES LENTEURS DANS LE DEROULEMENT DES PROCEDURES CONTENTIEUSES A CARACTERE SOCIAL



L'article 11 de la loi du 3 janvier 1973 instituant le Médiateur dispose que : " le Médiateur de la République ne peut intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction, ni remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle... "
Ces principes ne laissent théoriquement pas beaucoup de place pour des interventions du Médiateur auprès des juridictions.
Toutefois le fonctionnement des juridictions peut, comme celui de tout service public, connaître des dysfonctionnements.
Ainsi, à l'occasion des réclamations qui lui sont soumises, le Médiateur peut constater des délais importants dans le traitement des dossiers.
C'est pourquoi, même s'il n'a pas compétence pour intervenir auprès des juridictions, le Médiateur souhaite, dans le présent rapport, appeler plus particulièrement l'attention sur les lenteurs rencontrées dans le déroulement de deux procédures contentieuses à caractère social :
- Le contentieux de l'aide sociale;
- Le contentieux technique de la sécurité sociale.

I. LE CONTENTIEUX DE L'AIDE SOCIALE

Le préambule de la Constitution affirme que tout individu a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence.
Exprimant ce devoir de solidarité, l'aide sociale est apportée par les collectivités publiques aux personnes qui ne sont pas en état d'assurer leur propre subsistance.
Elle se distingue d'autres modalités d'intervention, telles que la protection sociale (sécurité sociale et indemnisation du chômage qui sont des systèmes d'assurance liés à une activité professionnelle) et l'action sociale (services ou prestations facultatives offertes à divers publics).

A. LES CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES DE L'AIDE SOCIALE

1. Définition et champ d'application

Il s'agit d'une aide subsidiaire, en ce sens qu'elle n'intervient que si l'intéressé et sa famille, au titre de l'obligation alimentaire, ne peuvent eux-mêmes subvenir à leurs besoins vitaux, faute de ressources suffisantes.

Elle constitue un droit subjectif. Son attribution ne relève pas d'une faculté laissée à l'initiative des collectivités. Au contraire, l'aide sociale est subordonnée à des conditions fixées par les lois et règlements. En corollaire, les décisions d'attribution ou de refus peuvent être déférées devant un organe juridictionnel.

Depuis les lois de décentralisation, le département a une compétence de droit commun en matière d'aide sociale et verse la plupart des prestations.

L'État ne conserve que la charge d'un nombre limité de prestations, en particulier celles dont les bénéficiaires ne peuvent être rattachés à une collectivité territoriale.

Depuis la loi du 1er décembre 1988, l'État prend en charge, au titre de la solidarité nationale, l'allocation de revenu minimum d'insertion (RMI).

L'aide sociale ne concerne qu'un nombre restreint de personnes, environ deux millions, auxquels il faut ajouter le million d'allocataires du RMI. Mais, au-delà de son champ limité, ce dispositif revêt une importance cruciale, car il représente le dernier filet de protection des personnes les plus fragiles, répondant ainsi à la fonction ancienne de l'assistance.

L'aide sociale prend des formes diverses pour répondre aux situations des bénéficiaires : enfance et famille en difficulté, pauvreté, maladie, handicap, vieillesse.

2. Les diverses formes d'aide sociale

L'aide médicale a fait récemment l'objet de nouvelles dispositions.

La formule de l'assurance personnelle auprès de la Sécurité sociale à laquelle sont désormais affiliés les titulaires du RMI et autres exclus de la protection sociale, avec prise en charge des cotisations par l'aide sociale, a modifié ses contours.

Néanmoins, l'aide médicale traditionnelle subsiste, c'est-à-dire l'obligation pour le département d'attribuer une aide pour les dépenses de soins que les personnes ne peuvent supporter.

L'aide aux personnes âgées est diversifiée :

- versement d'allocations permettant d'assurer un revenu minimal (fonds national de solidarité);

- ou hébergement en établissement avec prise en charge des frais de séjour.

L'aide aux personnes ayant un handicap

Leur admission à l'aide sociale est décidée par une commission technique habilitée : commission départementale de l'éducation spéciale (CDES) pour les mineurs et commission technique d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) pour les adultes.

Les conditions d'attribution sont plus favorables que celles du droit commun de l'aide sociale (conditions de ressources moins rigides, obligation alimentaire non mise en jeu, absence de recours sur succession).

L'aide peut prendre la forme de prestations en espèces (versement d'une allocation compensatrice pour tierce personne) ou en nature (services ménagers à domicile, frais de séjour en établissement).

Le revenu minimum d'insertion

Il s'adresse à toute personne âgée de plus de 25 ans, dont les ressources sont inférieures à un seuil réévalué périodiquement (2 402,99 F par mois au 1er janvier 1997).

Versée par la caisse d'allocations familiales ou la caisse de mutualité sociale agricole (MSA) mais à la charge de l'État, cette allocation est accordée en contrepartie d'un engagement du bénéficiaire à participer à des actions d'insertion sociale ou professionnelle.

3. Les conditions d'admission à l'aide sociale

L'insuffisance des ressources est la condition fondamentale.

La subsidiarité de l'aide sociale par rapport à la sécurité sociale et à la solidarité familiale implique la possibilité pour l'Administration de provoquer la révision des décisions antérieurement prises pour tenir compte des variations dans les ressources des intéressés (il n'y a pas de droits acquis en matière d'aide sociale) et d'exercer des recours en récupération, soit contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune, soit contre sa succession, ses légataires ou ses donataires.

Le droit à l'aide sociale suppose la résidence habituelle sur le territoire français et la justification du besoin.

4. Les procédures d'admission

L'admission est prononcée directement par :

- le préfet, notamment pour l'attribution du RMI, l'aide médicale en cas d'interruption volontaire de grossesse;

-le département (président du conseil général) pour l'aide sociale à l'enfance, l'aide médicale en matière de contraception;

Pour les autres types d'aides, l'admission est prononcée par la commission locale d'aide sociale (instance présidée par un magistrat et composée de fonctionnaires de l'État, d'un représentant du président du conseil général et d'un représentant du maire de la commune de résidence du demandeur) au vu du dossier déposé à la mairie du lieu de résidence du demandeur, et après instruction par le préfet (direction départementale des affaires sanitaires et sociales ou DDASS).

La commission locale a compétence pour :

- admettre une personne au bénéfice de l'aide sociale;

- lui retirer ce bénéfice après révision de sa situation;

- décider le principe d'une récupération.

5. Les voies de recours

Toutes les décisions rendues par les commissions d'admission et celles prises par le préfet et par le président du conseil général (à l'exception de l'aide sociale à l'enfance qui relève des tribunaux administratifs), sont susceptibles d'un recours ouvert devant la commission départementale d'aide sociale dont la composition est proche de la commission locale, et en appel, devant la commission centrale d'aide sociale.

Il est à noter que le contentieux de l'aide sociale n'a pas été confié à une juridiction unique.

Deux raisons semblent expliquer ce choix : le souci de décharger les juridictions de droit commun déjà saturées et l'aspect technique des questions traitées.

Malheureusement, face au développement du contentieux social, ces juridictions spécialisées sont à leur tour très encombrées.

L'activité de l'une de ces juridictions d'appel a retenu l'attention du Médiateur de la République à l'occasion des réclamations qui lui sont adressées : la Commission centrale d'aide sociale.

B. LES DÉLAIS DE RECOURS DEVANT LA COMMISSION CENTRALE D'AIDE SOCIALE (CCAS)

Cette juridiction traite un volume important de recours (en moyenne 2 500 par an).

Pourtant, elle n'a fait l'objet, jusqu'à présent, d'aucune publication, recherche ou analyse de sa jurisprudence.

La commission comprend actuellement quatre sections correspondant aux formes d'aide médicale : personnes âgées, personnes handicapées et RMI.

Présidée par un conseiller d'État, elle comprend des membres de la haute assemblée, des magistrats de la Cour des comptes et de l'ordre judiciaire, ainsi que des personnes qualifiées.

Un recours en cassation contre ses décisions peut être formé devant le Conseil d'État (rarement utilisé en pratique).

La saisine et l'instruction des recours comportent plusieurs phases.

La saisine de la commission centrale d'aide sociale (CCAS) peut être directe ou se faire par l'intermédiaire de la DDASS qui assure le secrétariat de la commission départementale d'aide sociale.

Aucune forme particulière n'étant requise, la première tâche de la commission consiste à réunir les éléments du dossier auprès de la collectivité mise en cause (département ou préfet). Elle doit ensuite solliciter son avis sur la situation, ces données transitant obligatoirement par la DDASS.

Cette circulation d'informations prend beaucoup de temps, les délais de chaque service s'ajoutant les uns aux autres.

Après un examen au fond présenté par un rapporteur, la commission rend sa décision.

Depuis 1986, la loi permet au requérant d'être entendu.

La décision est notifiée à la DDASS qui la notifie à son tour, soit à la mairie du lieu de résidence du réclamant, soit directement à ce dernier, cette étape entraînant un délai supplémentaire.

Au total, le temps moyen qui s'écoule entre le dépôt d'un recours et la date de notification de la décision au requérant peut atteindre deux ans, voire davantage.

Ces délais excessifs compromettent les droits des justiciables.

Cette situation très préjudiciable aux intéressés s'explique par les moyens mis à la disposition de la CCAS par le ministère chargé des Affaires sociales.

Chargée du contentieux de l'aide que la collectivité se doit d'apporter aux plus déshérités, la CCAS fonctionne avec des moyens notoirement insuffisants. Le montant des indemnités fixées par un arrêté ministériel ancien non révisé ne permet pas de rémunérer les présidents de sections, assesseurs et rapporteurs de manière convenable. Il ne permet pas non plus d'envisager la création de nouvelles sections qui seraient nécessaires pour résorber le retard accumulé. Le taux des indemnités est trop bas pour rendre ces fonctions attrayantes et susciter des candidatures.

De plus, les effectifs du secrétariat sont squelettiques.

Compte tenu du nombre d'affaires traitées, seul un renforcement très substantiel des moyens de la CCAS pourrait réduire les délais d'instruction.

Les dysfonctionnements affectant ce service public traduisent le décalage qui existe entre les discours tenus sur la priorité à donner au " social " et la réalité. Si la collectivité porte un réel intérêt aux populations les plus démunies, elle doit se donner les moyens de les traiter dignement.

Les cas suivants relevés par le Médiateur illustrent ce propos.

Réclamation no 94-2898

Ce litige portait sur les modalités de versement de l'allocationcompensatrice pour tierce personne à un adulte handicapé résidant en foyer.

Le conseil général avait décidé de limiter le paiement à taux plein de cette allocation durant les périodes de congés passés à l'extérieur de l'établissement, à cinq semaines par an.

Sa mère, Mme B... a contesté cette décision auprès de la commission départementale d'aide sociale en faisant remarquer que son fils séjournait en fait plus de 100 jours par an au domicile familial, en dehors des vacances d'été, et que son état justifiait le versement d'une allocation compensatrice pendant la totalité de ses séjours en dehors de l'établissement.

Déboutée, elle a fait appel, le 11 mai 1994, devant la CCAS qui a fait droit à sa requête.

La décision de la CCAS rendue le 14 mai 1996 n'a été notifiée à la requérante que le 20 août 1996.

Réclamation no 94-4340

M. D... a bénéficié du RMI à compter d'octobre 1992.

Lors d'une enquête effectuée plusieurs mois après, la caisse d'allocations familiales (CAF) a constaté qu'il était aidé par sa famille. Estimant que l'existence de ces ressources ne justifiait pas l'attribution du RMI, la CAF lui a demandé de rembourser la somme de 29 908 F, représentant l'allocation perçue " à tort " pendant un an.

M. D... a contesté cette décision devant la commission départementale d'aide sociale. Il a fait valoir que l'aide familiale dont il avait bénéficié était un prêt remboursable. Débouté, il a formé un recours auprès de la CCAS le 26 août 1994.

Au 31 décembre 1996, la décision rendue le 21 juin 1996 n'avait pas encore été notifiée.

Réclamation no 95-1031

Le litige concerne la prise en charge des frais de séjour de la mère de M. B..., hébergée en maison de retraite.

Le conseil général a suspendu le versement de sa participation au titre de l'aide sociale, considérant que les ressources des obligés alimentaires (fils et petit-fils) étaient suffisantes.

La commission départementale de l'aide sociale a confirmé cette décision.

M. B.. a formé un recours devant la CCAS en janvier 1995. Une nouvelle enquête auprès des obligés alimentaires ayant été jugée nécessaire, le rapport de la DDASS n'a été communiquée à la commission centrale qu'en juillet 1996.

L'affaire est actuellement en cours d'examen à la CCAS.

Réclamation no 96-3654

En octobre 1991, le conseil général a décidé de récupérer auprès de M. B... la somme de 336 291,55 F représentant les frais de placement en maison de retraite de sa mère, aujourd'hui décédée.

Cette décision a été confirmée par la commission départementale le 24 novembre 1992.

M. B... a engagé un recours auprès de la CCAS le 13 avril 1993.

L'affaire est toujours en cours d'instruction.

En conclusion, il y a lieu de souligner les efforts réalisés par la CCAS pour améliorer sa productivité. Toutefois, les gains obtenus n'ont eu qu'un effet limité dans le temps.

En effet, l'augmentation régulière du nombre d'affaires à juger, liée à l'évolution constante des demandeurs d'aide sociale risque d'entraîner une dégradation de la situation de la juridiction et donc un allongement supplémentaire des délais de traitement.

Seul un accroissement significatif des moyens de la CCAS, à hauteur du développement prévisible de son activité, permettra une réduction du délai d'attente pour les personnes âgées, malades, handicapées et bénéficiaires du RMI, en litige avec l'Administration.


II. LE CONTENTIEUX TECHNIQUE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

A. LE CADRE GÉNÉRAL

L'application du droit de la Sécurité sociale soulève de fréquentes contestations de caractère plus médical que juridique ou administratif.

Certaines de ces contestations d'ordre technique ou médical, limitativement énumérées par les textes, sont soustraites à la compétence des juridictions du contentieux général, pour être soumises au contentieux technique de la Sécurité sociale.

Le contentieux technique est compétent pour régler les contestations concernant :

- l'existence ou la gravité d'une invalidité, en cas de maladie ou d'accident de droit commun;

- l'état d'incapacité permanente de travail et notamment le taux de cette incapacité en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle;

- l'état d'inaptitude au travail (en matière de pensions vieillesse);

- certaines décisions prises par les commissions départementales de l'éducation spéciale pour les mineurs handicapés (CDES) ou par les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel des adultes handicapés (COTOREP);

- les décisions des caisses de sécurité sociale en matière de tarification des cotisations d'accidents du travail.

Hormis les contestations relatives aux cotisations d'accidents du travail, tous les litiges concernant l'invalidité, l'incapacité permanente et l'inaptitude sont portés en première instance devant des tribunaux du contentieux de l'incapacité (anciennes commissions régionales), constitués dans le ressort de chaque direction régionale des affaires sanitaires et sociales.

Ces tribunaux statuent toutefois en premier et dernier ressort lorsque le taux d'incapacité permanente de travail initialement reconnu est inférieur à 10 %.

Il convient de noter qu'aux termes de la loi no 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale, instituant les tribunaux du contentieux de l'incapacité (TCI), ceux-ci devaient compter désormais parmi leurs membres des magistrats ou magistrats honoraires de l'ordre administratif ou judiciaire.

La modification de leur composition visait à affirmer le caractère juridictionnel de la commission, jugée trop administrative. Or, on constate plus de deux années après, que la composition des TCI reste identique à celle des anciennes commissions régionales.

B. LES DÉLAIS DE RECOURS DEVANT LA COUR NATIONALE DE L'INCAPACITÉ ET DE LA TARIFICATION DE L'ASSURANCE DES ACCIDENTS DU TRAVAIL (CNIAT)

Il est fait appel des décisions rendues par les tribunaux du contentieux de l'incapacité devant la CNIAT (ancienne Commission nationale technique).

La Cour nationale est par ailleurs compétente pour statuer en premier et dernier ressort sur les contestations relatives aux décisions des caisses concernant la tarification des cotisations d'accidents du travail.

Les décisions de la Cour peuvent faire l'objet d'un pourvoi devant la Cour de cassation.

- Composition

Elle est composée de magistrats ou de magistrats honoraires de l'ordre administratif ou judiciaire, de fonctionnaires, en activité ou honoraires, de travailleurs salariés, d'employeurs ou de travailleurs indépendants et de médecins.

La CNIAT, actuellement présidée par un conseiller à la Cour de cassation, comporte au total 155 membres.

La juridiction est divisée en onze sections dont la compétence est fixée en fonction de la nature des litiges et des professions auxquelles ils se rattachent (professions non agricoles, professions agricoles).

Chaque section comprend un président, qui est un magistrat, des membres, des assesseurs, des médecins et des rapporteurs.

- La procédure et l'instruction devant la CNIAT

La procédure est gratuite. La saisine se fait, soit directement au secrétariat général de la CNIAT en matière de cotisations d'accidents du travail, soit au secrétariat du tribunal du contentieux de l'incapacité qui en informe la Cour nationale.

Tout appel est obligatoirement suivi d'une procédure contradictoire avec communication croisée des mémoires et conclusions des parties.

Cette procédure est assurée à la direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS) dans le cas d'une décision prise par le tribunal de l'incapacité, à la CNIAT dans le cas d'une décision en matière de cotisations d'accidents du travail.

La Cour nationale statue uniquement sur pièces, en faisant appel à des experts qualifiés et en prescrivant les enquêtes, examens médicaux et analyses qu'elle juge utiles. Leurs résultats sont communiqués aux parties.

La décision est, dans tous les cas, notifiée aux parties par la DRASS concernée ou, pour le régime agricole, par le service régional de l'Inspection du travail en agriculture.

- Le secrétariat général

Il comprend un secrétaire général, fonctionnaire de catégorie A, nommé par arrêté conjoint du ministre chargé de la Sécurité sociale et du ministre chargé de l'Agriculture. Au total le secrétariat général se compose de 50 personnes.

- Le volume des affaires et les délais de traitement

Le nombre des recours formés devant la CNIAT est particulièrement important et en augmentation régulière.

Il est de l'ordre de 7 200 pour l'année 1996. Sur les cinq derniers exercices, on note une augmentation d'environ 5 % par an.

Pour la même période, le nombre de recours jugés n'a pas suivi la même évolution, ce qui a créé un déséquilibre important.

Alors qu'il se situait à 6 700 en 1992, soit à peu près au même niveau que le nombre des appels, le nombre des jugements a connu une baisse en 1993 qui s'est encore accentuée en 1994, en raison notamment de la délocalisation de la juridiction. Entre 1992 et 1994, la diminution des jugements a été de 30 %.

La tendance s'est inversée en 1995 et le nombre des affaires traitées a augmenté pour atteindre, en 1996, 8 500 affaires, chiffre supérieur à celui des entrées.

Ces fluctuations ont entraîné des délais de traitement anormalement élevés et un accroissement du volume des affaires en instance. Le temps moyen qui s'écoule entre le dépôt d'un recours et la date de notification de la décision au requérant peut atteindre deux ans.

Il convient toutefois de noter que ce délai comprend également la phase préalable d'instruction puis, en fin de procédure, le temps nécessaire à la notification de la décision prise, deux étapes relevant du niveau régional.

Cette dégradation des résultats de la CNIAT est la conjonction d'une série de circonstances particulières liées à la délocalisation mais aussi à un manque de crédits.

Dans le cadre de la délocalisation organisée par le Premier ministre, l'ancienne Commission nationale technique a installé son siège à Amiens, en janvier 1994, sous la dénomination de Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail.

La délocalisation a donné lieu, en pratique, à un renouvellement complet du secrétariat général. Seuls deux agents d'exécution sur les quarante-neuf que comptait la structure ont déménagé à Amiens, avec la perte d'expérience que l'on imagine.

Les membres des formations de jugement, et notamment les magistrats, ont aussi suivi la juridiction dans des proportions modestes : sur les douze présidents de section en exercice en 1994, seuls deux sont encore en activité en 1996.

Par ailleurs, la non-revalorisation, depuis 1985, des indemnités servies aux présidents de la juridiction ne concourt pas à susciter de nouvelles candidatures de hauts magistrats, les présidences étant assurées par les juges de la Cour de cassation.

Les cas suivants, relevés par le Médiateur, illustrent ces difficultés.

Réclamation no 94-1929

La COTOREP avait maintenu à 40 % le taux de l'allocationcompensatrice pour tierce personne (ACTP) accordée à Mlle C... à compter du 1er août 1993.

La commission régionale d'invalidité ayant confirmé cette décision, l'intéressée a fait appel devant la CNIAT le 4 janvier 1994.

La décision de la CNIAT portant le taux de l'ACTP à 50 % a été rendue le 26 octobre 1994 et notifiée à la DRASS le 15 mars 1995.

La DRASS l'a notifiée à la requérante le 5 avril 1995.

Réclamation no 94-2275

M. V... s'est vu attribuer une pension d'invalidité par la caisse d'assurance vieillesse des artisans (AVA).

À la suite d'une expertise, le médecin-conseil de la caisse a considéré que M. V... était à nouveau apte à l'exercice de son métier de plâtrier.

M. V... a contesté cette décision devant la commission régionale d'invalidité qui a fait droit à sa requête et l'a reconnu dans l'incapacité temporaire d'exercer son métier.

La caisse AVA a alors fait appel devant la CNIAT le 26 avril 1994.

La décision rendue par la CNIAT le 3 mai 1995, favorable à l'assuré, n'a été notifiée à la DRASS que le 28 septembre 1995.

La DRASS l'a notifiée à M. V... le 30 septembre 1995.

Réclamation no 94-4858

Mme D... s'est vu confirmer une décision de reprise de travail à temps plein et le refus de sa mise en invalidité par la caisse primaire d'assurance maladie, sur avis du médecin-conseil.

La commission régionale d'invalidité ayant confirmé la position de la caisse, l'intéressée a formé un recours devant la CNIAT le 11 août 1994.

La décision rendue par la CNIAT le 9 février 1996, confirmant le rejet de pension d'invalidité, n'a été notifiée à la DRASS que le 8 juillet 1996.

La DRASS l'a notifiée à l'intéressée le 11 juillet 1996.

Réclamation no 95-0333

La COTOREP a refusé à M. B... le bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés et de l'allocation de logement sociale au motif que son taux d'incapacité était inférieur au seuil requis par législation.

M. B... a contesté cette décision devant la commission régionale d'invalidité, qui l'a débouté.

L'intéressé a alors fait appel devant la CNIAT le 22 avril 1994.

La décision rendue par la CNIAT le 9 janvier 1996 confirmant le rejet, a été notifiée à la DRASS le 15 mars 1996.

La DRASS l'a notifiée à M. B... le 9 avril 1996.

Cette situation préoccupante de la CNIAT a déjà retenu l'attention du ministère du Travail et des Affaires sociales.

L'enveloppe de crédits de vacations initialement allouée pour 1996 ne permettant pas de faire face au traitement des dossiers reçus, une augmentation significative a été consentie en cours d'année.

Il est souhaitable que cette politique soit maintenue et même renforcée pour faire face aux nouvelles entrées de dossiers et pour résorber le retard accumulé à la suite de trois années de fonctionnement particulièrement difficiles (1993-1994-1995).

L'amélioration des conditions de fonctionnement de la CNIAT reste une priorité pour lui permettre de mieux remplir sa mission de service public.

En effet, il ne faut pas oublier que les handicaps présentés par les requérants, leur situation matérielle et morale souvent difficile, donnent à cette juridiction un rôle éminemment social.



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