L'AIDE A LA CREATION D'ENTREPRISE


Dans le dispositif de lutte contre le chômage, des mesures ont été prévues pour aider le travailleur, en situation de recherche d'emploi, désirant créer ou reprendre une entreprise.

A. LE CONTENU DE L'AIDE


Cette aide se présente sous deux formes. L'une, de caractère spécifiquement social, se traduit par l'attribution d'une somme d'argent. L'autre, de forme indirecte, se traduit d'une part, par d'importantes exonérations fiscales étalées sur cinq ans, sous réserve que l'activité soit de nature industrielle et commerciale, d'autre part, par une exonération de charges sociales pendant deux ans sur le premier salarié. L'octroi de cette deuxième aide est, bien entendu, subordonné à l'attribution de la première.

L'attribution de l'aide en argent est soumise à trois conditions :

a) le postulant doit être en fin de droits au titre de l'allocation de chômage et admis à bénéficier de l'une des allocations, consécutives ou de remplacement, appelées allocations de base, de fin de droits, d'insertion ou de solidarité

b) la nouvelle activité doit être différente de celle que le candidat exerçait auparavant ;

c) la demande d'aide, accompagnée d'un dossier permettant d'apprécier la réalité et la consistance du projet, doit être déposée préalablement à la date de la création ou de la reprise de l'entreprise.

Ces conditions ont un caractère impératif, leur non-respect entraînant le rejet de la demande. À aucun moment cependant l'aptitude du candidat à diriger une PME n'est appréciée.

A l'évidence, la définition de ces conditions traduit la volonté d'éviter les faux projets et les cas aventureux. Cette attention est tout à fait justifiée et constitue, pour le moins, un facteur déterminant dans la protection des droits du postulant.

Dans les faits cependant, elle n'est pas toujours perçue de la même façon. Dans les cas dont a eu à connaître le Médiateur de la République, on note la difficulté chez certains postulants de bien mesurer son intérêt. Les exigences de calendrier posées dans le déroulement des démarches leur paraissent négligeables, lorsqu'elles ne sont pas ressenties comme un frein dans la réalisation de leur projet.

B. LES DIFFICULTES DU CANDIDAT


La crise qui sévit dans le domaine de l'emploi ne distingue pas I chômeur cadre du chômeur ouvrier, d'où une grande diversité. Les un et les autres ne possèdent pas la même capacité d'appréhender, dans leurs sens spécifiques, les exigences et l'importance des formalités qui leur sont imposées dans leurs démarches pour obtenir l'aide prévue.

Divers phénomènes s'ajoutent à leurs difficultés. Outre le trouble psychologique que la condition de chômeur engendre, le désespoir répété d'un réemploi non réalisé, la tension que l'effort de recherche et de démarchage génère, le postulant est la proie de l'angoisse. Entre les démarches administratives telles que l'inscription au registre du commerce, les sollicitations financières auprès des organismes prêteurs, la vivacité de l'esprit peut parfois faire défaut.

De tels phénomènes entraînent des risques. On ne peut ignorer que la perspective de prendre en charge une entreprise fait entrer le postulant dans un contexte d'ordre économique dont les données conditionnent son avenir. Une étude trop sommaire du marché, une sous-estimation des capitaux ou des frais d'établissement nécessaires, constituent autant de risques lourds à assumer. Au regard de ces risques, la question des formalités et des procédures que le candidat doit accomplir et que la réglementation place dans un ordre prioritaire se pose. L'effort dépensé en démarches et en négociations par le postulant pour concrétiser son projet est souvent ressenti par lui comme secondaire par rapport aux nécessités prioritaires de son état.

Par exemple, la condition qui veut que, préalablement à la création ou à la reprise de l'entreprise, le candidat présente sa demande accompagnée d'un dossier justificatif n'est pas toujours réalisable. Au point de vue de la coordination des actes dans un délai donné, divers obstacles en rendent l'accomplissement problématique. C'est le cas dans les deux opérations du processus :

- le dépôt de la demande d'aide avec le dossier justificatif du projet qui doit être produit avant la création de l'entreprise, condition qui suppose une préparation très avancée du projet et des engagements, au mieux conditionnels ;

- la création effective de l'entreprise dans un délai de deux mois après la notification de l'aide, acte que souvent les services émetteurs délivrent dans des délais atteignant parfois plusieurs mois et qui implique par ailleurs l'accomplissement préalable à la mise en activité de l'entreprise de formalités diverses, telles que l'inscription au répertoire des métiers ou l'inscription au registre du commerce et des sociétés (Cf. les cas significatifs publiés sous la rubrique " Protection sociale ").

C. LES CORRECTIONS NECESSAIRES


De telles situations justifient que, parallèlement aux délais limitatifs imposés aux postulants, soit imposée une condition de rapidité aux organismes qui interviennent dans le processus de création ou de reprise. Il est en effet arrivé à des créateurs comme à des repreneurs d'entreprises, comptant sur des aides qu'ils croyaient acquises, de se trouver, du fait d'un refus, même retiré ultérieurement, dans la nécessité de réviser leurs prévisions, leur projet initial s'en trouvant bouleversé. Les aides arrivent quelquefois plus d'un an après.

La déconvenue est plus dramatique lorsque, deux ou trois ans après la mise en oeuvre du projet d'entreprise, les contrôles effectués sur le bien-fondé de l'attribution des exonérations fiscales révèlent, au sens du Code des impôts, l'absence de concordance, soit des modalités d'ouverture de l'entreprise, soit la nature des activités ou même l'exécution du plan d'investissement et de création d'emplois, avec la lettre ou l'esprit de la loi.

Les redressements qui en résultent, par leur importance, conduisent à la ruine de l'entreprise.

Il est vrai que de telles dérives dénaturent le fondement des aides allouées. Mais, dans quelle mesure peut-on leur imputer une intention volontaire de détournement ? Le postulant à l'aide de création d'entreprise est-il un accapareur de biens sociaux ou un entrepreneur insuffisamment initié aux règles de droit et à leurs procédures ?

Ces réflexions m'ont conduit à saisir les diverses instances concernées dans le but d'obtenir des mesures conciliant l'intérêt d'un créateur ou repreneur d'entreprise et les exigences imposées par la réglementation en usage. Une proposition de réforme (FIN 92-05) a été présentée le 4 juin 1992 aux ministres de 1'Économie et des Finances, du Budget et du Travail.

Il est certain que l'on ne peut pas redresser d'un seul coup une situation créée par l'émission de règles additionnées, formant un tout resté disparate. L'effort accompli par certains secteurs de l'administration participant au dispositif de l'aide est encourageant. Mais il demeure incomplet tant que l'on n'aura pas imaginé un ensemble cohérent réglant de manière globale l'accès aux aides prévues.

Une avancée non négligeable décidée, en réponse à ma proposition de réforme (FIN 92-05), par le ministère de 1'Economie et des Finances doit permettre d'ajouter prochainement aux documents d'information diffusés actuellement aux candidats créateurs d'entreprise "... un récapitulatif sommaire mais exhaustif de l'ensemble des aides fiscales et sociales existantes ". Cette initiative répondra aux préoccupations que j'avais exprimées à propos de l'information des postulants peu familiarisés avec la lecture appropriée du document administratif.

Il faut toutefois être prudent sur les récapitulatifs sommaires concernant les aides à la création, car ils font quelquefois rêver le candidat. Il serait préférable de l'orienter systématiquement vers un interlocuteur unique : un conseiller d'un établissement consulaire par exemple.

Ma démarche visait une modalité d'information de caractère " traductif " fournie par une entité relevant de l'Etat, qui s'ajouterait aux documents actuellement diffusés.

L'objection soulevée est signifiante. Elle vise le risque d'induire en erreur le candidat, en raison de la diversité des origines des aides qu'elles soient de l'Etat ou des collectivités territoriales qui, du fait de leurs compétences spécifiques, n'appliquent pas les mêmes procédures.

Les projets envisagés risqueront néanmoins de ne répondre que partiellement aux problèmes que j'ai décrits. Les aides d'origines différentes, étant inspirées des mêmes soucis, pourquoi ne pas chercher établir entre elles des procédures identiques ? La distinction des statu juridiques entre ces entités ne doit pas occulter les dimensions sociales et économiques, d'un sujet d'une aussi grande ampleur.

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