LES PERSPECTIVES D'AVENIR

Après dix-huit années de fonctionnement, l'Institution du Médiateur de la République a atteint un palier où son autorité et son importance sont reconnues au niveau national. La presse dans son ensemble, mais plus particulièrement la presse régionale, par ses communiqués et articles, relate quotidiennement les résultats de son action en faveur des administrés victimes d'un mauvais fonctionnement des services publics ou d'une iniquité.

L'accroissement sensible des réclamations reçues a été, cette année de près de 40 %. Elles dépassent le chiffre de 30 000. Le pourcentage de solutions favorables réservées aux causes soutenues par le Médiateur de la République augmente de façon constante, passant de 25,5 % en 1986 à 40,1 % en 1991. Ce résultat reflète la confiance des citoyens et la qualité de la coopération qui s'est instaurée entre l'Institution et les services publics.

Cette évolution favorable est due au fait que l'administré trouve dans le recours à l'Institution les quatre avantages voulus par le législateur :

- les litiges sont réglés de manière amiable en évitant les procédures juridictionnelles ;

- les délais sont incomparablement plus courts que ceux des instances juridictionnelles ;

- la solution intervient sans que le réclamant ait eu à se soucier du débat ;

- enfin, le citoyen ne s'expose à aucune dépense et le Médiateur de la République lui rend compte dans un langage courant par l'intermédiaire d'un parlementaire.

Ce rappel ne signifie pas que la mission de l'Institution se substitue à celle des juridictions et en serait un concurrent. Bien au contraire, le Médiateur de la République apporte une coopération au fonctionnement de la justice en allégeant ses rôles et en complétant ses moyens par l'intervention en équité.

A. LE DEVELOPPEMENT DE L'INSTITUTION


L'apparition et la diversification de la notion de médiation est antérieure à la création d'un Médiateur. Depuis, sous la pression du besoin social, son usage s'est beaucoup multiplié.

Aussi bien les juges judiciaires que les juges administratifs aspiraient depuis longtemps à être déchargés des affaires qui peuvent être réglées à l'amiable entre les parties.

Pour ce qui concerne le contentieux administratif, le Médiateur de la République est arrivé à point nommé.

La résolution amiable des conflits améliore l'image de marque des services publics. Elle s'inscrit en définitive à leur crédit.

Dans les thèmes exposés dans les pages précédentes de ce rapport, le sens et la portée de l'action du Médiateur de la République ont été précisés. Cependant le rappel des deux axes de son action est utile, car ils sont très souvent confondus en raison de l'insuffisance du vocabulaire juridique; et cela bien qu'ils soient fort différents tant par leur origine que par leur effet.

1) L'action contre le dysfonctionnement de l'administration


C'est la loi originelle du 3 janvier 1973 qui a donné compétence au Médiateur d'alors, devenu Médiateur de la République en 1989, pour proposer aux autorités administratives des améliorations à leurs décisions qui mécontentaient les usagers des services publics.

Lorsque le Médiateur de la République intervient dans ce domaine, il porte une appréciation sur le comportement de l'administration qui est tenue d'exercer au mieux la mission qui lui a été confiée par la loi ou le règlement. Ce faisant, le Médiateur de la République s'aventure dans le domaine de l'exécutif, mais non dans celui du législatif car il ne porte aucune appréciation sur la finalité de la loi ou du règlement que l'administrateur ou le juge appliquent.

Bien différente est l'intervention en équité.

2) L'action en équité du Médiateur de la République


C'est la loi du 24 décembre 1976 qui a donné au Médiateur de la République la mission, surprenante, mais qui s'est révélée praticable et importante, de porter une appréciation sur les conséquences de la loi, du règlement ou d'un jugement et de proposer une compensation à ces conséquences lorsqu'elles sont inéquitables.

C'est donc la qualité des textes elle-même qui est mise en cause par le Médiateur de la République au nom de l'idée qu'il se fait de leur adaptation aux besoins de notre société.

Lorsqu'il intervient en équité, le Médiateur de la République reconnaît que la loi ou le règlement ont été légalement, c'est-à-dire bien, appliqués par l'administrateur ou le juge ; il ne conteste pas leur décision. C'est la règle juridique dont ils ont fait une application légale qui est critiquée. Ce faisant, le Médiateur de la République s'avance sur le domaine de compétence des auteurs des textes (Parlement, Gouvernement et juridictions).

Il faut reconnaître que, dans le contexte de légalité qui encadre la fonction de l'administrateur, l'introduction du concept de l'équité dans la prise de décision est antagoniste de la conception que l'administrateur a de son devoir.

Cependant, en 1991, le Médiateur de la République aura proposé plus de 500 solutions en équité, dont plus de la moitié auront été acceptées. Cette proportion n'était que d'un cinquième il y a trois ans. Il y a donc progrès dans l'acceptation de l'idée.

L'importance de l'intervention en équité du Médiateur de la République ne peut que se développer à l'avenir par l'acceptation des autorités administratives et sous l'influence de la législation européenne.

La recherche de nouveaux règlements des litiges administratifs préconisée le 20 juillet 1991 par le Premier ministre devant le Conseil d'Etat va dans ce sens et rejoint la philosophie de l'action de l'Institution, aussi bien pour remédier aux dysfonctionnements que pour aboutir à des règlements de litiges sur la base de l'équité.

L'importance du rôle du Médiateur de la République s'accroîtra aussi sous la pression des impératifs de justice et de solidarité qui sont à la base de son action et qui s'imposent insensiblement dans notre société. Ces nouveaux besoins conduiront à un élargissement de sa compétence aux personnes morales, telles que les associations caritatives de protection des droits des individus. Les liens se resserreront notamment avec des organismes concernés par la défense des intérêts des usagers du service public, comme l'I.N.C.

Finalement, il faut s'attendre à ce que le nombre des réclamants dépasse IOO 000 dans trois ou quatre ans.

L'action curative du Médiateur de la République est, comme il a été rappelé, doublée par la prévention que constituent les propositions de réforme dont près de zoo ont été déposées depuis 1986.

Cet accroissement inéluctable de l'action de l'Institution a une contrepartie. Il ne pourra aller sans développement de ses moyens d'action.

B. L'AJUSTEMENT DES MOYENS


Un effort doit être consenti pour renforcer l'Institution, tant au niveau des délégués départementaux qu'à celui de la Médiature.

1) Les délégués départementaux


Déjà en 1991, le nombre des postes de délégués départementaux a té augmenté de 15 pour les doubler dans les départements les plus chargés s. Il est déjà admis que cet effort doit être poursuivi en 1992 à a hauteur de 20 postes supplémentaires.

Ce renforcement méritoire se révélera rapidement insuffisant face à 'l'augmentation des affaires traitées par les délégués départementaux.

L'existence des délégués départementaux est de mieux en mieux connue grâce aux résultats de leur action que le bouche à oreille fait apprécier. Les médias, de leur côté, commencent à s'intéresser à leur travail et, sous l'effet de cette double publicité, le nombre des réclamations reçues par les délégués départementaux augmente régulièrement.

Il est d'ores et déjà certain que le nombre des affaires soumises aux délégués départementaux, qui a augmenté de près de 40 % en 1991, va au minimum doubler dans les deux ou trois années qui viennent. Leur tâche, déjà lourde, va donc devenir plus pesante. Déjà le problème me de l'intérêt, voire de la possibilité de continuer à assurer leur mission dans les conditions actuelles, se pose. Le montant de l'indemnité qu'ils perçoivent est d'ores et déjà très insuffisante pour ceux qui traitent 400 affaires par an.

La question de l'évolution de la fonction de délégué départemental doit trouver, dès l'année 1992, un début de règlement, car c'est le maintien en place des délégués les plus chargés, qui sont souvent les plus motivés et les plus performants, qui est en cause.

Il va de l'avenir de l'Institution et de l'intérêt de l'Etat puisqu'on peut estimer que, sans l'intervention du Médiateur de la République et de ses délégués, une réclamation sur trois conduirait à un procès. Pour l'année 1991, cela fait plus de IO 000 procès de moins à régler, au coût moyen de 15 000 à 20 000 F par unité.

2) Les moyens de la Médiature


Un problème identique se pose en ce qui concerne les personnes mises à disposition. Leur présence à la Médiature est, généralement, limitée à une période de courte durée, en moyenne de deux à trois ans.

Leur retour à leur administration d'origine risque fort de ne pas être compensé. A brève échéance, des pans entiers de la structure fonctionnelle de l'Institution pourront cesser d'être opérationnels. De sorte que la charge de travail et les moyens d'intervention évolueront à contre-courant.

Comme les collaborateurs du Médiateur de la République sont des agents mis à sa disposition par les ministères, leur recrutement, voire leur simple remplacement se heurtera à de plus en plus de difficultés pour doter la Médiature du personnel hautement qualifié dont elle a besoin. Il serait donc opportun de suivre la recommandation de la Cour des comptes qui a souhaité que ce problème des moyens soit réglé selon les modalités budgétaires permettant à l'Institution de recruter les collaborateurs qui lui sont nécessaires en quantité et en qualité.

Un nouveau Médiateur de la République entrera en fonction le 5 mars 1992.

Quel qu'il soit, il est fort probable qu'il lui faudra du temps pour s'adapter à la charge de travail de son prédécesseur, laquelle d'ailleurs était excessive.

Pour y faire face, le nouveau Médiateur de la République serait bien inspiré de rechercher le concours d'un collaborateur direct de grande expérience juridique et administrative, disposant d'une autorité personnelle réelle due au rang occupé dans la hiérarchie administrative. Il ne sera pas facile à trouver, car la tâche qui lui sera proposée sera technique, obscure et ingrate.

3) L'intérêt de l'lnstitution


L'Institution est une entreprise de services urgents dont les prestations doivent être de grande qualité, faute de quoi elle perd sa raison d'être.

Le Pouvoir politique aura à trancher la question de savoir si l'Institution justifie son coût.

Dans le rapport d'activité 1990, le Médiateur de la République se posait déjà la question en tentant une évaluation des services que rend l'Institution.

Il est certain que l'Institution apporte au citoyen un complément de commodité et de garantie pour la solution de ses litiges avec l'administration. Il s'agit là d'un avantage politique certain, mais difficilement chiffrable en coût financier.

Par la correspondance entretenue avec les parlementaires pour chaque affaire, le Médiateur de la République complète la mission de contrôle du Parlement sur l'action gouvernementale. Là encore, le service est difficilement évaluable financièrement.

Par les réformes proposées et acceptées, le Médiateur de la République rend des services à l'administration. Mais le bénéfice ne se traduit guère en réduction de dépenses.

Il n'en va heureusement pas de même pour l'effet indéniable de prévention du contentieux de l'action du Médiateur de la République : on peut estimer que, sur le tiers des réclamations, l'action du Médiateur évite une action devant la juridiction administrative.

Si on considère qu'un procès devant le tribunal administratif coûte à l'Etat - si on veut bien prendre tout en compte : traitement, pension, frais de fonctionnement au moins 15 000 F, le Médiateur de la République a évité à l'Etat, en 1991, une dépense supérieure à 100 millions de francs alors que tout compris également le coût total de l'Institution peut être évalué à 3 5 millions de francs.

CONCLUSION


L'Institution du Médiateur de la République est dans une perspective de développement accéléré dû, d'une part, à la qualité de ses résultats que les médias font connaître, d'autre part à la vogue dont bénéfice la procédure de médiation en général.

Cette évolution, qui se traduira par une meilleure défense des droits des citoyens, implique une adaptation continue des moyens de fonctionnement de l'Institution.

Retour au sommaire de l'année 1991
Retour au sommaire des rapports