L'ORGANISATION DE L'ACTION DU MEDIATEUR



A. LES RELATIONS AVEC LE PARLEMENT


Autorité indépendante agissant en complément du contrôle du Parlement sur l'administration, le Médiateur de la République s'est évertué constamment à développer une collaboration confiante avec le Parlement.

Ce rapport de fin de mandat est une occasion d'exprimer sa grande satisfaction en constatant les progrès continus de cette coopération.

1) Le parlementaire, un intermédiaire nécessaire


Les parlementaires sont très directement impliqués dans le fonctionnement de l'Institution puisqu'ils ont le monopole de la saisine du Médiateur de la République.

L'article 6 de la loi du 3 janvier 1973 créant le Médiateur de la République dispose en effet que

"la réclamation est adressée à un député ou à un sénateur. Ceux-ci la transmettent au Médiateur de la République si elle leur paraît entrer dans sa compétence et mériter son intervention".

L'intervention du parlementaire ne devrait pas être un obstacle pour le requérant qui peut saisir le parlementaire de son choix (pas forcément celui de sa circonscription). N'importe quel membre du Parlement, député ou sénateur, est habilité à transmettre une réclamation parce que, aussi, il est dans la nature de la mission parlementaire d'intercéder pour le citoyen.

Cependant près de 27% des dossiers adressés à la Médiature en 1991 le sont directement, sans que cette procédure soit respectée. Dans ce cas, le Médiateur de la République indique au réclamant la procédure à suivre pour régulariser son dossier, avec le conseil de prendre l'attache du délégué départemental, susceptible de l'aider dans cette démarche. Cette réticence à demander la saisine par un parlementaire est bien regrettable car partenaires actifs du Médiateur de la République, les parlementaires ont un rôle essentiel à jouer dans la transmission des requêtes et dans ce cas ils ne peuvent accomplir leur mission au détriment des intérêts des réclamants.

Bien qu'il soit rare que les parlementaires saisis d'une demande de transmission s'abstiennent d'y donner suite, des actions d'information, notamment à l'adresse des collaborateurs des parlementaires sont périodiquement organisées. Ainsi, à la demande de groupes ou associations d'assistants parlementaires, des journées d'information ont été tenues à Paris les 23 janvier et 28 mars 1991. Par ailleurs à l'occasion des déplacements en province du Médiateur de la République, les attachés parlementaires de la région sont également conviés aux réunions organisées avec les délégués départementaux.

Ainsi de très nombreux collaborateurs des parlementaires de toutes les régions, y compris de ceux qui ont jusqu'ici très peu saisi le Médiateur de la République (encore près de 1/5 du parlement) ont pu étudier avec profit, avec les collaborateurs du Médiateur de la République et ses délégués départementaux, les modalités de fonctionnement de l'Institution, de traitement des dossiers et d'élaboration des propositions de réforme.

A l'occasion il leur est rappelé que les collaborateurs du Médiateur de la République à la Médiature sont à la disposition des assistants et secrétariats des parlementaires pour répondre à toutes les demandes de précision sur la compétence du Médiateur ou sur le traitement des dossiers, tout comme les délégués départementaux. Ce courant permanent d'information entre les parlementaires et le Médiateur de la République est évidemment profitable pour tous.

De leur côté, des parlementaires ont compris l'intérêt d'informer leurs électeurs des missions du Médiateur de la République par le biais de publications diverses ("lettre du député", bulletins municipaux). Ces initiatives destinées à mieux faire connaître aux citoyens l'aide susceptible d'être apportée par l'Institution, tant au niveau de la Médiature qu'a l'échelon des délégués départementaux, sont particulièrement appréciées.

Les parlementaires, une fois la réclamation transmise, sont tenus au courant par le Médiateur de la République qui connaît leur souci d'informer le requérant des étapes du traitement de son dossier A' des résultats de l'intervention.

C'est ainsi que dès réception du dossier à la Médiature, le service d'orientation des réclamations procède à un premier examen de recevabilité de la réclamation et de la compétence du Médiateur et adresse le jour même, pour tous. les dossiers reçus, un accusé de réception au parlementaire et au réclamant. Les services des études des assemblées parlementaires sont également destinataires de la même information lorsqu'ils ont eu, à la demande des parlementaires, à donner leur avis sur la recevabilité de la réclamation. L'analyse juridique réalisée par ces services constitue une première évaluation de l'affaire et des solutions que le Médiateur de la République peut y apporter (43 dossiers ont fait l'objet de cet examen préalable en 1991). Cette intervention est très utile surtout lorsqu'elle laisse une chance aux affaires qui peuvent trouver une solution en équité sur le fondement de l'article 9, alinéa 2 de la loi modifiée du 3 janvier 1973.

Naturellement lorsque les dossiers transmis au Médiateur de la République ne peuvent être instruits pour cause d'irrecevabilité ou d'incompétence, le parlementaire et le requérant en sont également informés très rapidement.

Au cas où le Médiateur de la République estime devoir intervenir auprès des administrations concernées, des courriers intermédiaires (à la suite de relances, de rappels, de nouveaux événements concernant le dossier) sont adressés aux parlementaires.

Enfin, au stade final, les conclusions du Médiateur de la République sont communiquées en deux exemplaires au parlementaire, accompagnées du dossier original, afin de lui en faciliter la transmission au requérant.

Le Médiateur de la République s'évertue donc à informer le plus fréquemment possible des différentes étapes de l'instruction du dossier jusqu'à sa conclusion.

La transmission de l'information à l'adresse des parlementaires s'effectue non seulement au niveau du traitement des dossiers, mais aussi dans le domaine des propositions de réforme élaborées par le Médiateur de la République au cours de l'année puisque c'est sur la base des difficultés rencontrées à l'occasion de l'étude d'une réclamation que le Médiateur de la République est autorisé à présenter des réformes.

Celles qui ont une incidence législative font l'objet de sa part d'une information systématique des commissions permanentes compétentes par l'intermédiaire des Présidents de chaque Assemblée.

Les questions écrites posées par les parlementaires rejoignent fréquemment les constats faits par le Médiateur au travers des dossiers, et il y a une complémentarité réelle dans les interrogations adressées par les deux institutions, Médiateur de la République et Parlement, au Gouvernement. L'information réciproque ne peut que renforcer cette complémentarité et favoriser l'acceptation des réformes proposées par le Médiateur de la République.

Enfin les Parlementaires usent de plus en plus volontiers de leur droit de saisir directement le Médiateur de la République. Ce droit leur est reconnu par l'alinéa 4 de l'article 6 de la loi du 3 janvier 1973 qui prévoit que : "les membres du Parlement peuvent, en outre de leur propre chef, saisir le Médiateur de la République d'une question de sa compétence qui leur paraît mériter son intervention".

C'est ainsi que plusieurs parlementaires (MM. Belorgey et Masson par exemple) ont utilisé ce droit pour attirer l'attention sur des problèmes généraux susceptibles d'aboutir à des réformes.

Il leur est également reconnu par l'alinéa 5 du même article 6 qui prévoit que : "sur demande d'une des six commissions permanentes de son Assemblée, le Président du Sénat ou le Président de l'Assemblée nationale peut également transmettre au Médiateur de la République toute pétition dont son Assemblée a été saisie".

C'est ainsi que le Président de l'Assemblée nationale, M. Laurent Fabius a adressé récemment au Médiateur de la République, à la demande de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, la pétition n_ 49 de M. Lucien 0... concernant l'application par le ministère de l'éducation nationale de la jurisprudence résultant de l'arrêt du 21 octobre 1955 du Conseil d'Etat (arrêt Koenig) permettant le report de bonifications et majorations d'ancienneté pour services militaires lorsqu'un fonctionnaire change de corps.

2) Une complémentarité indispensable


Sur les questions de fond, l'année 1991 a vu se renforcer la complémentarité entre le Médiateur de la République et le Parlement au regard des réformes et du contrôle de l'action administrative. Un certain nombre de propositions de réforme élaborées par le Médiateur de la République ont été relayées par les parlementaires.

C'est ainsi qu'en matière de risque thérapeutique, le Médiateur de la République avait en 1988 proposé une réforme destinée à assurer l'indemnisation des victimes. Le principe consiste à appliquer à l'égard des praticiens, une responsabilité pour risque, atténuée par la possibilité d'y échapper par la preuve d un comportement normal eu égard aux règles de l'art et à la situation particulière du malade.

Les parlementaires ont repris ce projet soit dans une forme identique (proposition déposée le 19 décembre 1990 par un groupe de députés socialistes conduit par M. Jean Michel Belorgey, Président de la commission des affaires culturelles familiales et sociales de l'Assemblée nationale), soit en considérant le risque médical comme un risque social remboursé et indemnisé comme tel (proposition d'un groupe de sénateurs conduits par M. Michel Poniatowski et déposée le 24 avril 1990).

La convergence des efforts du Médiateur de la République et des parlementaires, jointe à la pression de la commission des communautés européennes qui a déjà élaboré un projet de directive sur la responsabilité des prestataires de services, a décidé le Gouvernement à légiférer dans un domaine où les règles sont jusqu'ici jurisprudentielles, où la faute est difficile à prouver par la victime et où l'indemnisation est lente, incomplète, tardive et aléatoire.

L'action de certains parlementaires a été également décisive pour l'adoption de la réforme des dispositions de l'article 75 de l'ordonnance du 31 juillet 1945 sur le Conseil d'Etat.

Cet article prévoyait une amende, ou même en cas de récidive, la suspension ou la destitution des avocats au Conseil d'Etat qui auraient présenté un pourvoi en révision contre une décision rendue par la Haute Juridiction, en dehors des trois cas expressément prévus par le texte.

Cet article n'apparaissait plus adapté, à l'heure actuelle, en raison de la menace qu'il faisait peser sur les droits de la défense du citoyen dans un procès contre une autorité publique, et empêchait, de ce fait, que la cause du citoyen "soit entendue équitablement" devant la juridiction administrative.

C'était d'ailleurs le cas pour M. P,... qui n'avait pu trouver d'avocat pour présenter un recours en révision d'un arrêt du Conseil d'Etat fondé sur deux des trois cas permis en raison de la menace de sanction prévue contre les avocats. Désespérant de pouvoir faire entendre sa cause, il avait entamé une grève de la faim et sollicité l'appui du Médiateur de la République.

Pour remédier à cette situation, le Médiateur de la République a proposé au ministre de la justice une réforme de ce texte (JUS 91-01).

Cette proposition a été reprise par un groupe de sénateurs conduit par MM. Roland Courteau et Michel Dreyfus-Schmidt et adaptée à l'unanimité après une procédure parlementaire rapide et novatrice : l'urgence déclarée a permis son adoption après une seule lecture devant chaque assemblée ; par ailleurs pour la première fois a été utilisée la procédure de vote après débat restreint introduite par l'article 47 du règlement du Sénat en octobre-novembre 1990 et par les articles 106 et 107 du règlement de l'Assemblée nationale.

Ainsi' grâce à la célérité très remarquable du Parlement une proposition de réforme du Médiateur de la République a pu se concrétiser en peu de semaines par la promulgation d'une loi n_ 91-637 du IO juillet 1991 tendant à supprimer les sanctions contre les avocats prévus aux articles 75 et 77 de l'ordonnance n_ 45-1708 du 31 juillet 1945 sur le Conseil d'Etat.

Cet exemple apparaît très symbolique des relations qui doivent exister entre l'Institution du Médiateur de la République et le Parlement.

Beaucoup s'accordent aujourd'hui sur la nécessité d'une revalorisation substantielle du rôle du Parlement. Des propositions sont formulées et des actions concrètes sont entreprises. La collaboration étroite du Médiateur de la République avec le Parlement va dans ce sens.

3) Une écoute positive


Le Parlement a également un rôle à jouer pour aider le Médiateur de la République à compléter sa mission C'est ce qui a été engagé dans deux domaines :

- celui de la mise en jeu de la responsabilité des ordonnateurs pour les décisions prises sur la base de l'équité à la demande du Médiateur ;

- celui de l'élargissement de la saisine du Médiateur

Sur le premier point, la loi du 3 janvier 1973 permet au Médiateur de la République de proposer à l'administration des solutions fondées sur l'équité dans des cas exceptionnels qui répondent à un certain nombre de conditions qui doivent rendre la solution en équité compatible avec les exigences de l'Etat de droit.

Mais ces décisions prises en équité sont forcément contraires à la lettre de la loi ou du règlement. Elles sont donc illégales et encourraient la censure du juge de l'excès de pouvoir ou de la Cour des Comptes si elles étaient déférées Ce risque est sans doute mince.

Mais il ne faut pas que l'administrateur qui a accepté de suivre une recommandation du Médiateur de la République en accordant un droit non reconnu par le texte puisse être déféré à la Cour de discipline budgétaire et financière. Aussi, la loi ayant institué le Médiateur de la République doit-elle être complétée sur ce point à l'occasion de la réforme de cet organisme en discussion sur la base du projet du Gouvernement n_ 1189 déposé le 2 avril 1990.

Dans le cadre de ce projet, le Médiateur de la République a suggéré d'adopter le texte suivant :

"Il est ajouté à l'article 9 de la loi n_ 73-6 du 3 janvier 1973 modifiée par la loi n_ 76-1211 du 24 décembre 1976 un troisième alinéa ainsi libellé :
Les ordonnancements, effectués en application d'une recommandation expresse du Médiateur de la République pour le règlement en équité d'un litige en vertu de l'alinéa précédent, ne sont pas susceptibles d'engager la responsabilité personnelle des ordonnateurs, devant la Cour de discipline budgétaire et financière".

Enfin, sur le deuxième point, il a été question récemment de permettre un élargissement de la saisine du Médiateur de la République aux personnes morales dont l'intervention est particulièrement utile pour la défense des citoyens les plus démunis, ceux qui relèvent du "quart monde".

A ce sujet, il y a un consensus des parlementaires et un accord du Gouvernement. La disposition modifiant en ce sens la loi du 3 janvier 1973 a été initialement introduite par voie d'amendement parlementaire par M. Christian Pierret, rapporteur, dans le projet de loi d'orientation relative à l'administration territoriale de la République (projet n_ 1581 déposé le 27 août 1990).

Cependant cette modification de la loi qui a créé l'Institution devrait plutôt se traduire par une disposition spécifique, son insertion dans le précédent projet étant susceptible d'être considérée comme étrangère à l'objet de ladite loi. En tout état de cause l'élargissement de cette possibilité de saisine du Médiateur par les personnes morales, qui ne nuit pas à la transmission obligatoire par les parlementaires qui reste la règle, permettra d'offrir aux citoyens de nouvelles facilités pour saisir l'Institution.

L'adoption de ces deux dispositions renforceront le rôle du Médiateur de la République pour une meilleure défense du citoyen et de ses droits.

B. LES DELEGUES DEPARTEMENTAUX


Les délégués départementaux du Médiateur de la République reçoivent et traitent la majeure partie des réclamations que les citoyens présentent contre les actes et comportements des services administratifs s et assimilés. Ils constituent un rouage nouveau de l'Institution ; l'importance de ces collaborateurs croît très rapidement, ce qui devra entraîner une adaptation de leurs moyens d'action.

Aussi il paraît utile de rappeler l'origine des délégués départementaux et leur activité pour évoquer les mesures nécessaires au succès de leur mission.

1) L'origine des délégués départementaux


En 1978, l'institution du Médiateur qui deviendra, par la loi n 89-18 du 13 janvier 1989, "Médiateur de la République", avait à peine cinq ans d'existence et déjà le nombre de réclamations qui lui étaient adressées atteignait le chiffre de 4 000 unités. Une grande partie de ces réclamations portait sur des litiges de caractère simple ou dont la solution pouvait être obtenue localement.

Il était alors apparu que le traitement des litiges de cette nature gagnerait à être confié à un échelon local, agissant au nom du Médiateur.

Sur le recours à une telle mesure, la loi du 3 janvier 1973 qui instituait le Médiateur n'avait rien prévu. Aussi a-t-il été entendu que cet échelon local serait un intermédiaire sans pouvoir défini, mais recevant du Médiateur délégation pour rechercher, sur des affaires ponctuelles, les éléments dont les services de la Médiature pourraient avoir besoin et aussi pour informer d'assister le citoyen qui s'adresse

A titre expérimental, dans quelques départements choisis notamment en fonction du nombre de réclamants qui y résident, des fonctionnaires désignés sous l'appellation de "correspondant départemental du Médiateur" ont reçu pour mission, exercée en toute indépendance des autorités publiques du ressort, de ... "recevoir, conseiller et orienter les administrés qui souhaitent recourir aux services du Médiateur". Une circulaire du ministre de l'intérieur, en date du 29 juin 1978, informait les préfets de cette mesure et renvoyait à une circulaire, qui sera prise par le Médiateur le 13 juillet 1978, fixant les modalités de recrutement et les fonctions des correspondants. Le concours des correspondants ne pouvait, en aucun cas, remettre en cause les règles de saisine du Médiateur, notamment l'intervention préalable et obligatoire d'un parlementaire. Le 19 décembre 1978, une note générale du Médiateur définissait les règles de fonctionnement de cet échelon local.

Les résultats positifs obtenus en 1978 ont été déterminants pour généraliser progressivement, à partir de l'année suivante, l'implantation de ces collaborateurs dans les départements avec l'aide des préfets, à qui sont demandés les moyens matériels de fonctionnement nécessaires : locaux, matériels, secrétariat, etc.

En 1986 (décret n_ 86-257 du 18 février 1986 et circulaire du Premier ministre en date du 23 avril 1986), au titre de correspondants départementaux a été substitué celui de délégués départementaux. Leur mission a été étendue, toujours au nom du Médiateur et avec l'assistance technique des services centraux de la Médiature, au règlement sur place des affaires portées à leur connaissance et dont la solution ne relève pas du pouvoir de décision d'une autorité nationale centrale.

Cette extension du champ de la mission s'est accompagnée d'une action de sensibilisation et de formation exercée à l'intention des délégués : lettre d'information précisant la doctrine du Médiateur ou signalant les initiatives originales de certains d'entre eux, réunions interrégionales, etc.

Ce décret n_ 86-257 du 18 février 1986 est d'une légalité pour le moins douteuse, mais il est utile sur le plan pratique.

En vérité, les délégués départementaux sont des collaborateurs du Médiateur de la République au même titre que les agents qui l'assistent à la Médiature. Ils pouvaient être institués directement par le Médiateur de la République par application des dispositions de l'article 15 de la loi du 3 janvier 1973.

2) L'activité des délégués départementaux


Les délégués départementaux du Médiateur de la République offrent un premier niveau d'examen des difficultés présentées par les particuliers.

Ils sont de plus en plus connus du public grâce à une action d'information intensément relayée par les médias, par les assistants parlementaires et par certaines institutions.

Bien implantés dans leurs circonscriptions, ils constituent un service de proximité à la fois parce qu'ils sont proches des personnes et des sources des litiges et aussi parce qu'ils sont accessibles sans aucun formalisme.

En 1987, 10.373 litiges ont été soumis aux délégués départementaux dans leur ensemble. Ils dépassaient de plus de 30% le nombre d d'affaires enregistrées l'année précédente.

Un peu plus de 68% de ces litiges entraient dans le champ de compétence du Médiateur de la République et étaient par conséquent traitées sur place. Le reste, n'entrant pas dans ce champ de compétence, n'a pu être pris en charge, mais a donné lieu à des conseils susceptibles d 'aider les demandeurs à trouver une issue à leurs difficultés.

Pour l'année 1991, le nombre des litiges adressés aux délégués devra atteindre un niveau de l'ordre de 25.000 affaires. Cette évaluation exprime, sur une durée de quatre ans, une montée en charge des activités des délégués de l'ordre de 300%, avec une accélération marquée dans les années 1990 - 1991.

Diverses causes expliquent cette montée en force en nombre de réclamants.

a) Une institution adaptée aux causes difficiles


Le public découvre de mieux en mieux chaque année le Médiateur de la République et le sens de sa mission. La publicité donnée par les médias à certaines affaires retentissantes en est un facteur déterminant.

Le sentiment que l'Institution est le moyen de résoudre, plus commodément que devant une juridiction, les difficultés auxquelles le droit ne peut pas apporter son concours a aussi sa part dans cette évolution. L'administré ou l'usager d'un service public, lorsqu'il s adresse au représentant du Médiateur de la République se trouve en présence d'un interlocuteur attentif avec lequel il peut discuter.

Ce dialogue produit plusieurs effets. C'est d'abord un effet d'apaisement que ressent le réclamant, rassuré d'être écouté et de sentir la difficulté qu'il subit prise au sérieux.

La rencontre permet également de ramener à une plus juste dimension la perception généralement disproportionnée du problème vécu. Peut-être aussi de parvenir à mieux faire comprendre au demandeur les données et les circonstances du sujet du litige et ainsi de réhabiliter dans son esprit le service public incriminé.

Se trouve ainsi réalisé, à défaut d'un dialogue direct entre l'administration, qu'elle soit de l'Etat ou d'une collectivité locale, et l'administré, un relais intermédiaire de discussion, d'intercession et de compréhension. A l'arbitraire supposé du comportement de l'administration succédera la communication, l'explication, la réparation.

b) Un personnel adapté à sa mission


Tous ces éléments concourent à un développement de plus en plus ample de la mission du délégué. Une tâche devenue, au fil des ans, plus complexe parce que son terrain de compétence s'étend chaque jour à de nouveaux sujets.

Des sujets de natures différentes, depuis les questions d'indemnités de chômage (cf. p. 100), d'urbanisme (cf. p. 99, 101 et 102), de prestations en espèces de la sécurité sociale (cf. p. 103), de trop-perçus (cf. p. 104), de rémunération de stagiaire (cf. p. 105), ou d'imposition (cf. p. 106), ou encore en matière d'indemnisation des rapatriés (cf. p. 113),

Lorsque la réclamation dépasse le cadre des compétences de l'Institution, le délégué oriente le demandeur vers d'autres intermédiaires, tels les conciliateurs près les tribunaux judiciaires, habilités dans le domaine concerné par la réclamation.

Même ainsi, le délégué aura pris soin de monter, à l'intention de cet intermédiaire, un dossier suffisamment explicite de nature à lui permettre de bien comprendre le problème évoqué.

Cet aspect pédagogique de sa fonction lui sert dans ses relations avec les élus locaux et les parlementaires sur des cas précis ou pour un simple échange d'avis. De même que dans ses liaisons permanentes avec les services déconcentrés de l'Etat chargés de la gestion de questions sociales, fiscales, d'urbanisme ou même d'enseignement. Nul doute que semblables relations finiront par s'établir avec les services des collectivités territoriales.

Bref, le délégué est acteur en direct dans la transformation des múurs administratives pour assurer l'échange, la participation et l'arbitrage.

c) Avec le succès, la saturation


La diversité des sujets évoqués, ajoutée à l'accroissement du nombre des demandes, pose le problème du statut du délégué du Médiateur de la République. Un peu plus des deux cinquièmes des délégués appartiennent au corps d'encadrement de l'administration préfectorale. Ils cumulent avec leurs fonctions les activités de représentation du Médiateur de la République.

Les trois autres cinquièmes sont des fonctionnaires de diverses origines en position de retraités. Les uns et les autres assument les mêmes tâches. Ils perçoivent, en guise de rémunération, une indemnité mensuelle très modeste, correspondant plus au coût de leurs frais de fonctions qu'à la rémunération de leur temps de travail.

Le compte-rendu de leurs activités, établi trimestriellement, révèle que dans environ 50% des circonscriptions, le délégué consacre à sa mission près de vingt heures par semaine. Son carnet de rendez-vous est rempli sur deux à trois semaines. Une telle situation tend vers un blocage irréversible.

Elle est incompatible avec l'esprit de l'Institution et le but que le législateur lui a fixé. La mission dont est investi le Médiateur de la République, de venir en aide aux victimes d'une mesure inique implique nécessairement une intervention rapide et une disponibilité constante. Ces conditions ne sont plus remplies dans plus de 50% des départements.

Ne pas redresser cette situation risquerait de priver le citoyen de la possibilité de se faire entendre dans ses difficultés, d'étouffer l'espérance ressentie d'une rénovation dans les rapports administration-usager et de refermer les portes, à peine ouvertes, d'une compréhension sociale.

d) Les mesures envisagées


Un dédoublement de la charge par un partage territorial entre deux délégués. Dans un premier temps, une douzaine de délégations sont instituées dans les départements où la saturation est la plus élevée. Le souci de répondre au plus vite aux situations les plus aigus conduit a rendre opérationnelles dès le quatrième trimestre 1991 les implantations choisies.

De nouvelles mesures de dédoublement suivront en 1992, tenant compte du degré des difficultés constatées.

Il est évident que ces mesures constituent des palliatifs à court terme. Si l'on veut que la mission de médiation poursuive ses objectifs, une transformation organique de la fonction de délégué est à envisager.

C. LES CORRESPONDANTS MINISTERIELS


Lorsqu'il saisit une administration, qu'elle soit un ministère, une collectivité territoriale, un établissement public ou tout autre organisme chargé d'une mission de service public, le Médiateur de la République a nécessairement besoin d'identifier son interlocuteur. Cette nécessité est d'autant plus grande que l'administration ou l'organisme saisi est de taille importante.

Naturellement, une saisine est supposée s'adresser à l'autorité hiérarchique la plus élevée dans l'organisme concerné : le ministre, le maire, etc. En fait l'intervention engagée sera reçue et examinée par un de ses collaborateurs, généralement celui-là même qui avait conçu et mis en forme la mesure contestée.

Dans une administration structurée techniquement, l'acte de saisine adressé par le Médiateur de la République ne parviendra donc à son véritable destinataire que longtemps après la date de sa réception par l'organisme. Ce processus, outre le temps perdu, ôte à la saisine cette forme de "solennité" dont le législateur a entendu entourer les actes du Médiateur de la République, ne serait-ce qu'au regard de son statut personnalisé ou du large champ d'initiative qui lui est reconnu. Il n'est pas non plus propice au dialogue destiné à conduire à la modification de la décision incriminée.

Le Médiateur de la République a certes la faculté de convoquer l'agent, auteur de la mesure en question, pour susciter sa compréhension. Cette pratique, à côté de l'intérêt qu'elle possède, présente un inconvénient ; celui de glisser, par sa répétition, vers la banalité dans les rapports.

1) La création du correspondant ministériel


Un tout autre choix a été fait, celui d'associer dans la procédure un haut fonctionnaire qui exercerait le rôle de correspondant du Médiateur de la République. Recevant, dès son arrivée, la lettre de saisine, il saura d'emblée à quel service la transmettre et quel itinéraire lui faire suivre. Il est ainsi à même d'en assurer, en permanence, le suivi. Il devrait même être en mesure d'exprimer un avis personnel sur la pertinence de la recommandation du Médiateur de la République.

La désignation de ces correspondants est nécessairement laissée à l'initiative des ministres dans leurs départements respectifs. Dès l'année de la création de l'Institution commençait, à la demande du Premier ministre, leur mise en place.

Une réelle collaboration s'est établie dans le traitement des réclamations. Les administrations, très tôt, se sont adaptées à cette coopération. Celles qui connaissent de nombreux litiges (affaires sociales, équipement, finances notamment) ont créé des pôles d'accueil et de suivi des réclamations.

A présent, le décret n_ 90-1125 du 18 décembre 1990 confie ce rôle aux hauts fonctionnaires chargés de développer les actions de leurs ministères en matière de simplification des formalités administratives et d'amélioration des relations avec les usagers.

2) Le rôle du correspondant ministériel


L'intérêt de ce décret est au moins de fixer l'identité réelle du correspondant. C'est un agent du ministre, et non un collaborateur du Médiateur de la République.

Après avoir dit que cette solution doit avoir ses mérites en ce qui concerne les affaires les plus simples, par exemple les réclamations Justifiées par la négligence des services, il est évident qu'elle ne peut pas apporter grand-chose pour le traitement des affaires importantes ou délicates au niveau technique ou politique. Même pourvu d'une délégation de signature, la compétence du correspondant ministériel du Médiateur de la République reste enfermée dans un cadre précis et limité par le partage des compétences au sein d'une administration.

Le correspondant se borne généralement à orienter l'intervention du Médiateur de la République vers le service compétent et, dans les meilleurs cas, à en effectuer le suivi. Obtenir qu'une décision soit prise dans un délai raisonnable a son importance pour le Médiateur de la République. Tout litige a un côté désagréable, souvent pénible, parfois dramatique pour le citoyen, épuisé moralement et physiquement comme le démontre le cas n_ 88-3705 (p. 70)

D'une manière générale, les administrations sont résignées à travailler avec une prudente lenteur ; leur surcharge d'affaires leur donne bonne conscience pour ne pas s'émouvoir des relances du Médiateur de la République. Certains services donnent cependant le sentiment d'être sensibles à ces problèmes. On peut citer, par exemple, les efforts des administrations des finances ou de l'agriculture pour comprimer les délais dans le traitement des affaires qui leur sont soumises.

Il est difficile de rêver d'une situation où le correspondant procéderait lui-même à un examen de la saisi ne, car celle-ci appelle une analyse juridique spécifique au service décideur.

La mission dont est investi le Médiateur de la République impose que, dans l'accueil d'une réclamation, il n'y ait aucun a priori, dès lors qu'elle a paru, au parlementaire qui en effectue la présentation, qu'elle entre dans la compétence de l'Institution et mérite son intervention (art. 6, 3e alinéa de la loi n_ 73-6 du 3 janvier 1973). Les cas de véritable mauvaise foi du réclamant sont exceptionnels. Par contre, dans la moitié des cas, les prétentions de l'usager sont excessives. Celles-ci ne sont pas transmises pour observations à l'administration compétente. Elles sont directement écartées par le Médiateur de la République avec une lettre explicative au parlementaire. Seuls les cas où la réclamation a des chances d'être fondée sont transmis à l'administration pour connaître son point de vue.

3) Pour une meilleure collaboration


Il est certain que l'intervention du Médiateur de la République au niveau des administrations est toujours gênante pour les services par le temps qu'elle leur prend. Elle est aussi irritante par le reproche implicite qu'elle porte. De plus, sa finalité peut ne pas paraître évidente et sa légitimité ne va pas toujours de soi.

Cependant, réflexion faite, avec le recul du temps et l'habitude, une coopération confiante s'établit généralement assez vite avec les correspondants ministériels. C'est en apaisant les services, en intercédant pour faire admettre la mission du Médiateur de la République que les correspondants ministériels apportent un concours précieux.

C'est souvent grâce aux correspondants ministériels que des rencontres sont fréquemment organisées, tantôt pour débattre des conditions d'une meilleure compréhension, tantôt pour expliciter l'esprit de l'action même du Médiateur de la République. Aussi est-ce une satisfaction pour celui-ci de rencontrer, chez le correspondant ministériel, dans le suivi d'une intervention, les indices d'une totale adhésion aux principes de sa mission.

D'ores et déjà, des attentions se précisent dans ce sens, comme par exemple la journée d'études tenue à Rennes sur le thème "le contribuable et la réclamation". Cette journée d'études est organisée à l'initiative de la direction de la communication du ministère de l'économie, des finances et du budget, dont le responsable est également correspondant ministériel du Médiateur de la République.

D. UN EXEMPLE DE LIAISON AVEC LES ORGANISMES SOCIAUX


Le secteur social de la Médiature, dans ses relations avec l'administration, est amené à entrer en rapport avec plusieurs types d'organismes très divers et le plus souvent décentralisés.

1) Les interlocuteurs


Ce sont :

- Les administrations centrales, essentiellement les services du ministère des affaires sociales et de l'intégration, plus rarement d'autres départements ministériels (agriculture, affaires étrangères) ;

- Les services déconcentrés : directions départementales du travail et de l'emploi (D.D.T.E.), directions régionales des affaires sanitaires et sociales (D.R.A.S.S.), préfectures ;

- Les collectivités publiques décentralisées : directions de l'action sociale des conseils généraux (D.A.S.-département), centres communaux d'action sociale. direction des affaires sociales de la mairie de Paris, centres hospitaliers ;

- Les organismes sociaux de type public ou privé assurant une mission de service public (sécurité sociale, emploi, chômage).

2) Les modalités de collaboration

a) Au niveau des administrations centrales

Le traitement des dossiers avec les administrations centrales s'est toujours caractérisé par une certaine lourdeur.

Cette lourdeur vient du caractère hiérarchisé des administrations, au sein desquelles la décision est longue à prendre. L'obligation généralisée depuis peu, de désigner dans chaque administration un correspondant ministériel chargé de suivre les dossiers dans les différentes directions présente des avantages, mais comporte également des inconvénients, non négligeables. La présence d'un seul interlocuteur permet d'assurer le suivi des dossiers, d'organiser des réunions de mise au point sur les dossiers en retard. Mais l'interlocuteur en question a tendance à reprendre à son compte les réponses des services sans en avoir une vision critique, et sans les adapter à la demande du Médiateur. Cet inconvénient s'aggrave lorsque le correspondant ministériel, ou son subordonné, comme cela arrive, répond sur un dossier à la place du ministre qui a pourtant été saisi directement et personnellement par le Médiateur (notamment par voie de recommandation).

Il est bon de rappeler à cette occasion que le Médiateur de la République, lorsqu'il saisit le ministre sur le plan de l'équité, par voie de recommandation, demande au ministre (ou à son cabinet) de s'engager personnellement dans la réponse qui lui est transmise.

Ce défaut de niveau de l'interlocuteur s'accompagne souvent d'une lenteur excessive (six mois à un an) dans l'élaboration de la réponse, alors que certaines caisses de sécurité sociale répondent dans les quinze jours. Le facteur temps semble difficile à intégrer dans le traitement des dossiers, au ministère des affaires étrangères en particulier qui traite notamment, avec le secteur social, des problèmes de validation pour la retraite de périodes accomplies à l'étranger. Or, dans la majeure partie des cas dont connaît le Médiateur de la République, il s'agit de difficultés dont la nature requiert une solution rapide.

Dans d'autres administrations, en revanche, un meilleur comportement est constaté. C'est le cas notamment dans le domaine social du ministère de l'agriculture où s'est organisée une information systématique entre ce département et le secteur social pour le traitement des dossiers du Médiateur de la République.

C'est également le cas du ministère des affaires sociales où l'I.G.A.S. a engagé une politique active de suivi des dossiers et de relance qui commence à porter ses fruits. Dans le même temps, les documents communiqués par le correspondant ministériel (projets de texte, notes internes, rapports de l'I.G.A.S.) permettent au secteur de disposer d'une meilleure information à la source.

Cette évolution dans les relations mérite d'être confortée :

- par la saisine directe des directions des ministères de façon à avoir une réponse de l'autorité qui a le pouvoir de décision (en informant bien entendu le correspondant ministériel) ;

- par la volonté de trouver, sur les demandes fondées sur l'équité, au niveau des instances "décisionnelles" les plus élevées et en liaison avec le correspondant ministériel, une réponse appropriée.

b) Au niveau des services déconcentrés

Le développement très sensible des réclamations dans le domaine social, multipliant les relations avec ces services, y a fait mieux connaître le Médiateur de la République et le contenu de sa mission. Une bonne collaboration s'est établie avec les directions départementales du travail et de l'emploi comme avec les directions régionales ou départementales de l'action sanitaire et sociale auprès desquelles le secteur social trouve un bon appui technique et juridique (cf. cas n 89-2382, p. 69). La D.R.A.S.S. d'Ile-de-france a notamment appuyé les démarches du Médiateur de la République en faveur du cas n_ 88-3705 (cf. p. 70).

Il convient de citer également l'action efficace des services préfectoraux saisis par le Médiateur de la République pour des enquêtes sociales ou des réponses urgentes à donner à des situations dramatiques.

c) Au niveau des collectivités décentralisées

Le Médiateur de la République, pour certains types de dossiers (problèmes des personnes âgées, aide sociale, etc.) est amené à saisir de plus en plus souvent les directions compétentes des conseils généraux. Ces collectivités et directions, lorsqu'elles connaissent l'existence et les fonctions du Médiateur de la République, ne répondent pas toujours de très bonne grâce à ses interventions et à ses sollicitations.

Certains conseils généraux, quand ils ne méprisent pas le droit dans certains cas (assez rares heureusement), sont peu enclins à répondre aux recommandations en équité du Médiateur de la République. Dans ce contexte, un conseil général qui finit par prendre en considération n_ situation dramatique d'un particulier mérite d'être connu (cf. cas n_ 88-3357, p. 73).

En revanche, le Médiateur de la République est de plus en plus fréquemment en contact avec les hôpitaux pour les problèmes de risque thérapeutique ou de recouvrement de créances hospitalières concernant des personnes en situation socialement difficile. Sur l'ensemble du territoire, les relations diffèrent. Une réticence est souvent affichée, surtout par les établissements de petite taille, aux moyens de fonctionnement par conséquent réduits. Cette réticence est généralement surmontée pour laisser place à des décisions équitables (cf. cas n_ 90-0527, p. 75, n_ 89-3186 p. 76 et n_ 90-0336, p. 77).

Ces affaires ont permis de faire mieux connaître la position et la mission du Médiateur de la République. La relation avec les hôpitaux devient plus aisée et les directions des hôpitaux concernés se montrent plus coopératives. Leurs réponses sont complètes, bien motivées, souvent perméables à l'équité.

Le secteur social a pu nouer des relations suivies avec certains correspondants susceptibles de l'aider à mieux cibler ses interventions par une meilleure connaissance du milieu hospitalier et des problèmes juridiques (Pr. Serge Bonfils, conciliateur médical à Bichat, Mme Esper, responsable des services juridiques de l'Assistance publique de Paris).

d) Au niveau des organismes sociaux

- A l'échelon national


Des relations ont été établies par le secteur social avec les organismes nationaux chargés de la gestion des différentes branches de la protection sociale. Ces relations ont permis :

- la désignation d'un correspondant dans chaque caisse nationale ;

- l'envoi systématique au secteur social de la Médiature des circulaires juridiques de ces caisses ;

- la diffusion de circulaires ou d'instructions aux organismes locaux pour mieux faire connaître l'Institution.

Au plan du règlement des litiges, une disponibilité constante en facilite la solution, comme c'est le cas avec les caisses de sécurité sociale (cf. cas n_ 89.3300, p. 78).

Le 16 juillet 1991, la C.N.A.M.T.S. et la C.N.A.V.T.S. ont rappelé par une circulaire commune aux C.R.A.M. et aux C.P.A.M. l'obligation de fournir au Médiateur de la République les renseignements qu'il demande, nonobstant le principe du secret professionnel, et ceci conformément aux dispositions de l'article 13 de la loi n_ 73-6 du 3 janvier 1973.

L'UNEDIC doit rappeler de son côté, dans une circulaire aux ASSEDIC, leurs obligations envers le Médiateur de la République.

Il en est résulté un meilleur traitement des dossiers techniquement ou juridiquement les plus difficiles. Sur ce plan, il faut souligner les précisions excellentes et très complètes données par la C.N.A F. sur certains dossiers en réponse à des questions posées par les délégués départementaux ; les réponses très bien argumentées de la C.N.A.M. sur les dossiers délicats (convention médicale, médecine sportive) ; les explications très complètes fournies par l'UNEDIC, tant par téléphone que par courrier, sur des points de droit complexes.

Tout ceci témoigne d'une bonne collaboration établie avec ces organismes centraux, qui aboutit à un traitement plus efficace et plus rapide des dossiers.

Seule, l'A.N.P.E. doit être signalée pour des réponses très lentes a venir, qui au surplus ne sont pas toujours bien exploitables.

- A l'échelon local


Dans l'ensemble, les caisses et autres organismes sociaux connaissent mieux le Médiateur de la République et répondent correctement à ses interrogations, tant par téléphone que par écrit. On constate d'ailleurs beaucoup de respect pour l'Institution.

Une mention passable, cependant, pour les agences locales de l'A.N.P.E. qui ne connaissent pas assez le Médiateur de la République et dont les réponses ne sont pas toujours satisfaisantes.

Les réponses des caisses de sécurité sociale et des ASSEDIC sont au contraire, en règle générale, complètes et bien argumentées. Elles émanent la plupart du temps d'un responsable (directeur ou chef de service) qui s'engage sur le dossier. Les signataires et personnes chargées du suivi du dossier sont de plus en plus souvent clairement signalés dans les courriers (peut-être un effet positif des propositions de réforme du Médiateur de la République sur la levée de l'anonymat) (cf. cas n_ 90-0296, p. 80, n_ 88-2912, p. 82, n_ 90-1101, p. 84, n 90-2781, p. 86, n 90-3801, p. 87, n 90-4431, p. 88 et n 90-4478, p. 90). Les dérapages n'en feront que valoriser les solutions obtenues (cf. cas n_ 88-1223 D. 91).

Les recommandations et les saisines en équité, sans doute parce que leur rédaction est plus détaillée et plus précise, sont prises en compte davantage que par le passé par les administrateurs des caisses qui savent gré au Médiateur de la République de leur avoir donné "un support juridique" dans leurs décisions dérogatoires. Seules, les U.R.S.S.A.F. demeurent moins perméables au message de l'équité. Leur conviction obtenue, elles accèdent à ce principe (cf. cas n_ 893060, p. 93).). Il en est de même pour les caisses d'allocations familiales (cf. cas n_ 90-2.198, p. 95).

Les délais de réponse de ces organismes sont remarquablement courts (entre une semaine et un mois, rarement plus). Cette performance mérite d'être soulignée, car elle permet au Médiateur de la République d'observer un délai d'instruction correct.

A noter enfin que le Médiateur de la République a été amené à se faire connaître et à transmettre son message lors d'une réunion devant les élèves du C.N.E.S.S., futurs administrateurs des caisses, dans le cadre des conférences inaugurales données à la nouvelle promotion (janvier 1991).). Cette initiative devrait être renouvelée avec les promotions futures pour poursuivre le travail de terrain entrepris.

3) Conclusion


Le secteur social a constaté au total une amélioration, ces deux dernières années, de la rapidité et de la qualité des réponses de ses interlocuteurs. Quelques points noirs subsistent encore concernant les conseils généraux, les U R.S.S.A.F., l'A.N.P.E. et certaines administrations.

La politique de relations directes avec des correspondants au sein des services juridiques ou des inspections générales sera maintenue et renforcée.

E. LE QUESTIONNAIRE CLIENTELE


Pour mieux connaître ceux qui ont fait appel a lui, pour savoir ce qu'ils ont pensé de son action, pour permettre d'ajuster l'action aux besoins des citoyens, et enfin pour savoir vers qui doit être orientée l'action d'information, le Médiateur a adressé un questionnaire en mars et avril 1991). à un échantillon aléatoire de 1000 personnes qui l'ont saisi par la voie légale en 1989-1990. L'instruction de ces affaires a été terminée avant la fin de l'année 1990.

Un tel recueil d'informations auprès de personnes ayant eu recours et utilisé les services du Médiateur n'avait jamais été entrepris depuis la création de l'Institution en 1973,. L'importance du taux de réponses (60%), qui représente environ le septième des personnes s'adressant aux services centraux de la Médiature en un an, donne à ce sondage une crédibilité qui permet d'en tirer des éléments d'information fiables et partant, des enseignements et des orientations pour améliorer le travail de l'Institution.

Le questionnaire comportait trois grandes parties :

1ère - Identification sociologique du réclamant (sexe, situation de famille, région, catégorie socio-professionnelle) et du domaine de la réclamation.

2ème - Connaissance de l'Institution et des délégués départementaux.

3ème - Appréciations sur l'examen du dossier soumis au Médiateur (indice de satisfaction en matière de délais de traitement, explications fournies, solution apportée).

L'exploitation des 597 réponses obtenues (60% de l'échantillon) a été confiée à M. Crolard, étudiant à l'université de Tours, qui avait choisi d effectuer son stage de maîtrise d'administration économique et sociale auprès de la déléguée du Médiateur en Indre-et-Loire, Mme Bernard. Ce stagiaire, mettant à profit ses compétences en informatique, a dépouillé ce sondage grâce au programme qu'il a lui-même conçu.

Outre un taux de réponses plus que satisfaisant qui témoigne de l'intérêt des personnes consultées, il est intéressant de noter la volonté d'une majorité d'être identifiée, sans considération de l'anonymat des réponses, qui leur avait été garanti.

L'échantillon révèle une population singulière en ce sens qu'elle ne reflète pas la société française. Les réclamants sont très majoritairement des hommes (70%) vivant en couple (69%) âgés en moyenne de 54,4 ans (moyenne des deux sexes : 53,5) et vivant dans des communes de moins de 5 000 habitants (41% ) des régions du Sud (Est et Ouest : 37%) et de la façade Atlantique (12%) mais la région Ile-de-France fournit 20% des réclamations ; ils occupent ou ont occupé des emplois du tertiaire (45%), les secteurs primaire et secondaire étant peu représentés. Leur réclamation est de nature fiscale (23% toutes catégories socioprofessionnelles à l'exception des ouvriers et retraités), pose un problème d'urbanisme ou met en cause les collectivités locales (16% essentiellement artisans, commerçants, agriculteurs, ouvriers et retraités), d'ordre social (1O %, émanant d'étudiants et de chômeurs). A souligner que les moins de trente ans sont sous représentés (7%).

L'Institution a été connue des intéressés grâce à la presse nationale (19%), grâce à la télévision (16%) essentiellement pour les employés, chômeurs et techniciens, par la presse locale pour les commerçants (13%). Mais c'est surtout par l'entourage (relations personnelles et de travail) que l'existence de l'Institution a été connue (20%). En revanche l'enseignement n'y a contribué que marginalement. Compte tenu de l'âge moyen de la population s'adressant au Médiateur, ce pourcentage n'est pas étonnant, l'intérêt que manifestent lycéens étudiants, stagiaires qui s'adressent à la Médiature démontre le contraire et laisse espérer une meilleure connaissance pour l'avenir. Enfin, les services administratifs ont contribué pour 15% à la connaissance de l'Institution et 7 % ont été informés par les élus.

Les délégués du Médiateur apparaissent mieux connus (50%) bien que leurs activités soient ignorées de 57% des personnes. Toutefois, c'est grâce aux délégués qu'ils ont consultés que les commerçants (12%), artisans (22%), agriculteurs (19%), personnels de service (12,5%), chômeurs (11%) ont connu le Médiateur. Ces résultats consolident le rôle d'intermédiaire essentiel des délégués pour les catégories défavorisées ou isolées.

Globalement, l'utilité de l'Institution est reconnue mais on regrette la procédure de saisine par un parlementaire qu'on estime "inutile", un champ de compétences trop limité, en particulier vis-à-vis du pouvoir judiciaire, conséquemment, des possibilités d'action insuffisantes.

L'échantillon, comportant davantage de solutions de rejet ou d'échec, le pourcentage de personnes satisfaites n'est pas significatif. Une centaine de personnes, dont le dossier a reçu ou non la solution souhaitée, ont exprimé des remarques positives sur le traitement de leur dossier, ou apprécié la qualité des explications, l'accueil et l'action du délégué, ou fait de nouveau appel au Médiateur pour une autre affaire. Les appréciations portées sur le traitement des dossiers révèlent une satisfaction mitigée (50%) pour les délais d'instruction. Les personnes ne sont toutefois pas conscientes que les administrations sont parfois lentes à répondre aux interventions du Médiateur. L'impression d'un travail superficiel, conséquence des possibilités d'actions limitées du Médiateur, a été ressentie dans plusieurs cas. En découle également le reproche fait au style impersonnel des réponses du Médiateur qui donnerait à penser qu'il avalise trop systématiquement le point de vue de l'administration.

Enfin l'absence de concrétisation des promesses faites par l'administration au Médiateur a conduit plusieurs personnes à renouveler leur demande d'intervention.

Sans sous-estimer l'importance des remarques négatives qui ont été formulées, il a fallu les juger en considération de l'espoir, sans doute excessif, que les réclamants mettent souvent après des années d'errances avec l'administration ou le service public dans l'action du Médiateur.

Leur contribution a cependant permis d'identifier les points où l'attention peut être portée :

- Aider à surmonter la difficulté de la procédure de saisine, en "suivant" les réclamants qui saisissent directement la Médiature, d'abord orientés vers les délégués puis recontactés deux mois après par la Médiature lorsque leurs dossiers ne reviennent pas régularisés.

- Informer mieux les réclamants en adressant au parlementaire la réponse en double exemplaire et en demandant au parlementaire d'informer le réclamant, ainsi qu'un avis de réception personnalisé au réclamant.

- Raccourcir les délais d'instruction en faisant régulièrement des lettres de rappel aux organismes saisis et en faisant le point périodiquement avec les correspondants ministériels et en reprenant les dossiers qui "errent" pour exiger de l'administration une réponse définitive.

Enfin se faire mieux connaître

- des travailleurs sociaux,

- des conciliateurs,

- de toutes les structures úuvrant pour la Médiature,

- en proposant prochainement une brochure grand public sur 1 l'Institution.

F. L'ACTIVITE PUBLIQUE DU MEDIATEUR DE LA REPUBLIQUE

1)Les relations internationales


Les 19 et 20 mars 1991, la Commission des pétitions du Parlement européen réunissait à Bruxelles les Médiateurs et Ombudsmans de l'Europe occidentale. L'ordre du jour comportait le projet de création d'un Ombudsman européen. Si la plupart des parlementaires européens présents se montraient réservés sur ce projet, estimant que la Commission des pétitions pouvait parfaitement répondre à l'attente des citoyens, moyennant un certain renforcement de ses pouvoirs, les Ombudsmans dans leur grande majorité, et parmi eux le Délégué général représentant le Médiateur de la République, ont exprimé le souhait que soit mis en place un Ombudsman européen apte à traiter les requêtes suscitées par la non-application ou l'application abusive ou inéquitable de la législation et de la réglementation communautaires. Les Médiateurs nationaux devraient naturellement garder toutes leurs compétences pour les affaires qui, tout en visant des textes communautaires, relèveraient de la compétence des autorités nationales. C'est la voie vers laquelle paraissent, en définitive, s'orienter les hautes autorités des Douze, puisque la Conférence intergouvernementale sur l'union politique prévoit, dans le projet de traité, la création d'un Médiateur communautaire nommé par le Parlement européen et habilité à examiner les plaintes dirigées contre les institutions et organes communautaires.

Du 6 au 9 octobre 1991, le Délégué général du Médiateur a participé aux rencontres internationales organisées à Paris par le Centre des droits de l'homme des Nations-Unies, en liaison avec la Commission nationale consultative française des droits de l'homme. Ces rencontres ont permis d'avoir divers entretiens avec plusieurs homologues et notamment ceux de Finlande, d'Irlande et d'Espagne.

Les 7 et 8 novembre 1991, c'était au tour du Conseil de l'Europe de réunir en table ronde, à Florence, les Médiateurs et Ombudsmans européens, avec deux thèmes principaux à l'ordre du jour : les droits du malade et l'égalité entre femmes et hommes. Comme le Médiateur de la République a pris depuis 1988 l'initiative de proposer au Gouvernement diverses dispositions destinées à combler les lacunes subsistant dans nos lois et dans notre jurisprudence en matière de risque thérapeutique (cf. Rapport 1990 p. 51), le Délégué général qui représentait l'Institution à cette table ronde a saisi cette occasion de sensibiliser les Ombudsmans à un problème dont les opinions publiques de tous les pays prennent de plus en plus conscience.

Un nombre croissant de personnalités étrangères ont montré, au cours de l'année 1991, leur intérêt pour l'Institution française et ses initiatives dans divers domaines.

Le 3 janvier, ce fut le cas de M. Frédéric Raholai d'Espona, Sindic de Greuges (Ombudsman de Catalogne). Le Médiateur de la République le retrouvera le 5 décembre pour une conférence à trois (avec leur collègue espagnol) au Collège d'Espagne de la Cité internationale universitaire de Paris.

Le 24 janvier, ce sont plusieurs fonctionnaires du Pakistan qui ont tenu à s'informer des activités de la Médiature, dans le cadre d'un voyage d'études sur les institutions françaises.

Le 22 février, le ministre du droit et des libertés du citoyen du Zaïre, accompagné de l'ambassadeur de son pays en France, a rendu visite à l'Institution et a souhaité réunir toute une documentation en vue de la création éventuelle d'un Médiateur dans son pays.

Le 26 mars, un groupe de jeunes administrateurs de Hong-Kong présentés par l'ambassade de Grande-Bretagne a été accueilli à la Médiature. Il a consacré une journée à l'étude des différents secteurs d intervention de l'Institution.

Le 22 avril, le tout nouveau Médiateur de la République du Sénégal (cf. Rapport 1990, p. 162), M. Camara, et l'un de ses adjoints ont bien voulu, au cours d'une visite, évoquer l'aide que le Médiateur de la République avait pu apporter à son Gouvernement pour la mise en place d'une institution largement inspirée de celle de la France.

Le 6 juin, a été accueillie une délégation de parlementaires ukrainiens, représentant toutes les tendances de leur assemblée, et désireux de connaître les institutions françaises les plus originales, dont celle du Médiateur, dans le cadre de leurs travaux de réforme de la vie publique dans leur République.

Le 21 juin, deux hauts magistrats de Thaïlande, chargés par leur Gouvernement de participer à l'élaboration d'une nouvelle constitution, ont également consacré une journée à la Médiature.

Le 28 juin, le Dr Jorge Carpizo, Président de la Commission nationale des droits de l'homme du Mexique, et M. Hector Zamudio, Président de la Cour interaméricaine des droits de l'homme, ont fait part de leur intention de créer un Médiateur dans leur pays et ils ont très obligeamment invité le Médiateur de la République au Congrès international prévu pour novembre à Mexico sur le thème "I'Ombudsman aujourd'hui". Pour des raisons de calendrier, il n'a malheureusement pas été possible d'assister à cette rencontre. Une communication sur "le Médiateur de la République et les droits de l'homme" y a été adressée.

L'intérêt des pays latino-américains pour l'Institution française s'est d'ailleurs manifesté à plusieures reprises cette même année C'est ainsi que, le 31 juillet, a eu lieu la visite d'une représentante bolivienne de l'Institut latino-américain de l'Ombudsman et, le 7 novembre, celle de M. Arocha Hernandez, Assistant du Fiscal Général du Venezuela, tandis que le Président nouvellement élu de l'Institut latino-américain de l'Ombudsman, le Dr Maiorano, faisait part de son dessein de rendre visite à l'Institution début de 1992 et que deux personnalités chiliennes, dont le Vice-Ministre de la Présidence de la République, M. Ricardo Solari, marquaient, au cours d'une visite, le 15 novembre, leur intérêt pour la façon originale dont la France avait répondu à l'éternel conflit entre les citoyens et les pouvoirs publics.

Ce tour d'horizon serait incomplet si n'était également mentionnée la visite de deux hauts fonctionnaires hongrois, un Directeur ministériel, M. Vagvolgyi, et son adjoint, qui ont mission de préparer, dans leur pays, les textes relatifs au fonctionnement d'une institution d'Ombudsman, dont la nouvelle constitution hongroise a déjà fixé le principe.

2) Colloque sur l'illettrisme


Dans le cadre de l'Année internationale de l'alphabétisation décidée par l'O.N.U., la Commission française pour l'éducation, la science et la culture a organisé, dans le cadre de l'U.N.E.S.C.O., du 11 au 13 mars 1991, un colloque européen sur le thème : "illettrisme et complexité des administrations contemporaines". Le Médiateur de la République a été sollicité pour apporter son parrainage et son concours aux travaux de ce colloque. A son initiative, des Ombudsmans européens y ont pris part.

L'illettrisme qui y était débattu avait une acception plus large que l'incapacité de lire, écrire et compter. Il se rapportait à la difficulté d'assimiler les mécanismes, les langages et les codes constituant, dans la société contemporaine, les clefs d'accès à un service public ou à l'exercice d'un droit.

On sait que ces carences aggravent les situations d'inégalité et de marginalisation

Lors de son intervention, le Médiateur de la République a distingué les "citoyens avertis" qui sont capables de "sortir d'une difficulté", les "exclus de la connaissance" qui ajoutent à leur analphabétisme l incapacité de connaître, et enfin les citoyens "victimes de la complexité administrative". C'est parmi ceux-ci que se trouve en grande partie la "clientèle" du Médiateur de la République qui a négligé d'accomplir en temps utile une formalité ou a méconnu une de ses obligations pour faire valoir ses droits.

Cet illettrisme peut être combattu par la conjugaison de deux actions :

- du côté des organismes administratifs en général, auxquels le citoyen a recours, par le développement d'une politique d'accueil comprenant l'information personnalisée sur ce qu'il doit faire lorsqu'il entreprend une démarche ; l'emploi de textes et de formulaires didactiques en est un premier élément, comme cela a déjà été entrepris dans quelques organismes ;

- du côté des citoyens, un effort d'adhésion aux expériences de formation offertes par les associations privées situées dans leur environnement social ; une sorte de service national de soutien pourrait être envisagé à partir des jeunes et des retraités.

A l'intention du public qui possède la faculté intellectuelle d'accéder à la pratique des services administratifs, la plus large information sur l existence des organismes spécialisés tels que le C.I.R.A., les médiateurs municipaux, etc., est toujours nécessaire.

Le Médiateur de la République a présenté plusieurs propositions de reforme tendant à combattre l'illettrisme, notamment en ce qui concerne une information claire de l'existence des droits et des conditions permettant d'en bénéficier.

Ainsi, dans le domaine de la protection sociale, des réformes ont été engagées. Elles ont porté notamment :

- sur l'harmonisation des délais en matière de prescription et de remboursement des cotisations de sécurité sociale et l'information des cotisants :

- sur la clarification de la notion de travailleur indépendant au regard de l'immatriculation à l'U.R.S.S.A.F. ;

- sur l'information préalable des assurés sociaux sur les conditions de remboursement des frais de transport.

Cette action en faveur des victimes de l'illettrisme est complétée par deux initiatives tendant l'une à ouvrir aux associations la saisine du Médiateur de la République afin d'en faire bénéficier les citoyens du "quart monde" et l'autre à faire connaître l'aide que peut apporter l'institution à ceux qui se pourvoient devant les juridictions administratives et sociales.

G. POUR UNE MEILLEURE COMPREHENSION

1) Rapprocher les parties au litige


Une incompréhension est souvent à l'origine des litiges. Le particulier ignorant les raisons d'une décision qui le gène éprouve naturellement un sentiment de frustration. Pour le citoyen, son cas est toujours particulier et doit être traité comme tel.

De son côté, l'administration, certaine de bien appliquer un règlement, estime inutile d'expliciter le fondement de sa décision. Pour l'administrateur, les motifs de sa décision se trouvent bien expliqués par le texte même du règlement appliqué.

La plupart des administrations font un effort pour se mettre à la portée de l'usager. Mais celui-ci n'est véritablement intéressé que le jour où il est personnellement impliqué dans un conflit. Par suite, les services publics recherchent les moyens de trouver des relais entre eux-mêmes et les citoyens pour apporter l'information à ceux qui en ont besoin.

Diverses actions sont engagées dans ce sens dans la plupart des administrations et tendent à se développer. Des efforts à la fois d'incitation et de participation sont déployés aussi par le Médiateur de la République.

C'est ainsi que le 19 novembre 1991 une journée d'études a été organisée à Rennes à l'initiative du ministère de l'économie, des finances et du budget. La direction de la communication, la direction générale des impôts et la direction de la comptabilité publique en ont été les pilotes. Le délégué du Médiateur et son délégué départemental y ont apporté leur contribution.

Le débat a porté sur trois sujets :

- comment améliorer la qualité de la taxation par l'information des contribuables ;

- comment faciliter les démarches des contribuables à l'égard d'une administration trop souvent méconnue

- comment accélérer le traitement des demandes et l'exécution des décisions.

Le groupe de travail qui a abordé le troisième sujet était présidé par le délégué départemental du Médiateur de la République.

Dans le même esprit d'assurer les circonstances d'une meilleure compréhension, il faut citer le colloque qui s'est tenu les 5 et 6 décembre 1991, à Châlons-sur-Marne, pour traiter du sujet : << Les collectivités entre le droit public et le droit privé". La tenue de ce colloque est due à l'initiative de l'ordre des avocats de Châlons-sur-Marne, avec le concours de la faculté de droit de l'université de Reims.

Il avait pour objectif de mettre en lumière tout le domaine des responsabilités des élus, de repérer les zones à risques dans la pratique de certains outils de gestion inspirés du secteur privé. Cette démarche tend à permettre de trouver les précautions nécessaires pour éviter une mise en cause des autorités locales aux pouvoirs fortement accrus.

Invité à faire part de sa propre position sur ce sujet, le Médiateur de la République a confié à son délégué de la Médiature la mission de le représenter à ce colloque. Il a rappelé que si, au regard de la lettre de la loi, le Médiateur de la République n'est pas habilité à accueillir les réclamations qui lui sont présentées par des personnes morales, et les collectivités locales ont cette caractéristique, il n'oublie pas qu'il a une large possibilité de fixer ses modes d'intervention, et ne refuse donc pas le concours qui lui est demandé par la collectivité. Jusque-là, ses interventions n'ont concerné que des mairies de petites communes. C'est pourquoi il a fait distribuer aux maires qui avaient participé à la récente réunion des maires de France un document leur rappelant son intérêt à leur venir en aide en cas de litige les opposant à un service public (cf. p. 364).

Le projet de loi portant diverses mesures d'ordre économique et social actuellement en discussion comporte un amendement élargissant la compétence du Médiateur de la République aux litiges intéressant les personnes morales donc aux litiges qui peuvent mettre aux prises les communes avec les autres collectivités territoriales et notamment avec l'Etat.

Quelques cas, parmi d'autres, illustreront cette situation.

- Dans le premier cas, une commune située dans une zone d'ombre en télévision, envisageait d'installer un réémetteur pour améliorer la réception des programmes d'Antenne 2 et de FR3. Elle acceptait, avec l'aide financière du département et de la région, de prendre en charge l'investissement initial. Pour leur part, Télédiffusion de France et les deux chaînes publiques devaient, conformément à la réglementation en vigueur, assurer les frais de fonctionnement de la station réémettrice. Les réponses trop imprécises des organismes concernés n'ont pas permis au conseil municipal de concrétiser le projet et le maire a saisi le Médiateur de la République.

- Dans le second cas, un parlementaire s'est fait l'écho de différents maires de sa circonscription se plaignant des délais excessifs mis par l'I.N.S.E.E. pour informer les mairies du décès d'un électeur survenu hors de sa commune d'origine. Ces délais de plusieurs mois ont des incidences non négligeables pour les municipalités qui ne peuvent mettre à jour en temps réel leurs fichiers électoraux. De ce fait, il existe un risque que figurent parmi les électeurs... des personnes décédées !

- Une commune et l'Etat ont été condamnés par le Conseil d'Etat à payer l'une et l'autre une indemnité de 120 millions de francs à un promoteur qui a été mis dans l'impossibilité de réaliser son projet. L'Etat pourra supporter cette charge, la commune sûrement pas, et les habitants menacent de faire la grève de l'impôt.

- Une commune, associée à d'autres, a concédé l'aménagement d'une zone industrielle. Les opérations ont financièrement mal tourné et la reddition des comptes est subordonnée à l'aboutissement d'une procédure judiciaire qui se prolonge depuis une dizaine d'années. Le budget de la commune est bien sûr affecté par cette situation, qu'il s'agisse d'un aménagement paralysé et improductif ou de prévisions de charges à inscrire au budget.

Dans bien des cas, le Médiateur de la République pourrait aider à la solution de ces affaires. Comme il a été dit, la solution sera apportée par l'ouverture du Médiateur aux personnes morales, et donc aux collectivités, même si l'intervention d'un parlementaire subsiste.

L'autre réforme, qui pourrait d'ailleurs intervenir à terme, serait l'accès direct au Médiateur. Mais il s'agit là d'une réforme qui aurait l'inconvénient d'éloigner le Médiateur de la République des parlements

Enfin, à l'égard des avocats, organisateurs du colloque, il convenait de clarifier certaines positions.

- Tout d'abord pour rappeler que le Médiateur qui accueille une réclamation demande une réponse de l'autorité administrative mise en cause, ce qui signifie que la responsabilité personnelle du représentant de la collectivité soit claire et que le Médiateur de la République ne peut se satisfaire de la réponse d'un avocat.

- Le second point est que si les personnes morales sont encore exclues de la possibilité de saisir le Médiateur, c'est essentiellement parce qu'elles ont, en général, des moyens financiers tels qu'elles peuvent financer le concours d'un conseil. Il y a un cote "social" dans le recours au Médiateur. Celui-ci ne saurait donc être le concurrent de l'avocat ni pour les grands organismes, c'est-à-dire les collectivités qui ont déjà leurs conseils, ni pour les dossiers "lourds" en termes d'enjeux financiers pour lesquels le recours à un conseiller juridique est indispensable.

Il convient enfin de rappeler que le Médiateur de la République ne correspond qu'avec les autorités administratives ; ses correspondances ne peuvent être destinées qu'à elles ou aux réclamants, à charge pour ceux-ci de les remettre éventuellement à leurs conseils afin qu'ils les exploitent. Il est important que ces destinataires initiaux connaissent la position du Médiateur de la République dans le processus de règlement du litige.

2) Les problèmes des personnes âgées


A l'appui de nombreuses réclamations, le Médiateur de la République avait été amené à constater les pratiques anormales et discriminatoires de diverses administrations à l'égard des personnes âgées, notamment sur deux points :

- le versement par les conseils généraux de l'allocation compensatrice pour aide d'une tierce personne aux personnes hébergées à titre payant en centre de long séjour ;

- les conditions d'attribution de l'allocation logement aux personnes résidant dans une maison de retraite ou un centre de long séjour.

Dans ces deux cas, le Médiateur de la République a présenté aux pouvoirs publics des propositions de réforme :

- la première, le 25 octobre 1990 (STR 90-08) pour assouplir les conditions de versement de l'allocation de logement à caractère social aux personnes âgées placées en maison de retraite et qui ne peuvent en bénéficier en raison de l'absence de conformité des locaux où elles se trouvent avec la réglementation très stricte qui a été imposée pour le versement de cette prestation ;

- la deuxième le 12 juillet 1991 (STR 91-02) pour demander une clarification des textes afin de lever les ambiguïtés dont certains présidents de conseils généraux se prévalaient pour refuser de verser l'allocation compensatrice pour aide d'une tierce personne.

Ces propositions ont rejoint celles retenues par la mission parlementaire présidée par M. Jean-Claude Boulard sur la dépendance des personnes âgées et figurent dans son rapport daté du 21 juin 1991.

Le Médiateur a en outre été associé aux travaux de la mission parlementaire lors de l'audition publique réalisée le 4 octobre dernier, en même temps que les différents acteurs impliqués dans le débat (représentants des personnes âgées, des associations, des travailleurs sociaux et responsables politiques et administratifs).

3) Faciliter l'accès à la justice administrative


L'article 700 du nouveau Code de procédure civile dispose que "lorsqu'il paraît inéquitable de laisser à la charge d'une partie des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l'autre partie à lui payer le montant qu'il détermine".

Le fondement de ces dispositions repose sur la notion d'équité à laquelle la loi ayant institué le Médiateur se réfère très explicitement.

Le Conseil d'Etat ayant jugé que ces dispositions étaient inapplicables à la procédure administrative, le Médiateur de la République a formulé la proposition de réforme JUS 87-01, relative à la prise en charge des frais d'assistance et de représentation dans le contentieux administratif, mentionnée dans le rapport 1987, p. 206.

Le but poursuivi était de faciliter l'accès à la justice d'administrés aux revenus modestes en donnant aux juridictions de l'ordre administratif la possibilité de mettre à la charge de l'administration tout ou partie des frais, notamment lorsque l'assistance d'un avocat est obligatoire.

Cette proposition a été acceptée et mise en úuvre avec la publication du décret n_ 88-907 du 2 septembre 1988 portant diverses mesures relatives à la procédure administrative contentieuse, publié au Journal Officiel du 3 septembre 1988, pp. 11252 et 11253, et codifié à l'article R-222 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel. Il résulte d'un premier examen de la jurisprudence, tant du Conseil d'Etat que des tribunaux administratifs, que si ces juridictions ont fait preuve de libéralisme au niveau des principes, elles se sont montrées prudentes dans le contenu des décisions.

Les juges ont estimé que la demande pouvait être présentée à tout moment de la procédure, même en l'absence de ministère d'avocat, même sans justificatif du montant des frais exposés, quel que soit l'objet de la demande. Le Conseil d'Etat n'a pas écarté par principe la possibilité pour un perdant d'obtenir la prise en charge de tout ou partie de ses frais. De même, il est arrivé que le juge estime équitable de faire supporter par la personne l'ayant saisi une partie des frais engagés pour se défendre par la personne publique ou privée mise en cause.

En revanche, il arrive que des décisions de justice constatent qu'il n'est pas équitable de laisser à la charge d'une partie des frais exposés par elle, même si elle obtient satisfaction. Les sommes accordées, en général de l'ordre de 1000 à 5 000 F, ne couvrent pas, la plupart du temps, la totalité de la dépense.

La motivation plus que succincte des décisions ne permet pas de se prononcer en toute certitude, mais il semble que l'appréciation de l'équité et l'importance des sommes accordées soient fonction de la situation personnelle du bénéficiaire, de la nature des justificatifs fournis et de l'attitude de l'administration, ou des autres parties au procès.

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