L'ADMINISTRATION EPROUVE SOUVENT DES DIFFICULTES A REPARER ENTIÈREMENT LES CONSEQUENCES DE SES ERREURS

Trop-perçu - Remise de débet
Réclamation n° 89-0209, transmise par M. René Bourget, député de I'Isère

Mme B..., fonctionnaire au ministère de la défense, après avoir été placée en congé de longue durée pendant deux années par périodes successives de six mois, sollicite le 14 novembre 1983 le renouvellement de son congé pour une nouvelle période de six mois, à compter du 29 janvier 1984.

Le comité médical, chargé de donner son avis, a considéré que l'affection pour laquelle Mme B... avait été placée en congé de longue durée s'était résorbée et que l'altération de son état de santé ne relevait plus de cette catégorie de congés. Cette instance médicale ne déclara pas cependant que l'intéressée était apte à reprendre son service.

L'administration suggéra alors à Mme B... de présenter un dossier au titre de la réglementation du congé de longue maladie, portant sur des affections autres que celles du congé de longue durée. Cette solution ne fut pas acceptée par le comité médical, qui suggéra une reprise du travail sur un poste protégé.

Le comité médical supérieur, devant lequel Mme B... fit appel, le 26 mars 1985 entérina l'avis contesté. Cet avis ne parviendra à l'administration que le 18 juin 1985.

Entre la date d'expiration du congé de longue durée et la date de notification de l'avis rendu en appel, près de dix-huit mois se sont écoulés.

Pour régulariser la situation administrative de l'intéressée durant la période écoulée depuis la fin de son congé de longue durée (28 janvier 1984), l'administration place Mme B... en position d'absence de fait et lui réclame en conséquence le reversement au Trésor des traitements qui lui ont été servis du 29 janvier 1984 au 30 juin 1985, date de son admission à la retraite, soit une somme de 87.478 F.

Pour échapper à l'obligation de reversement, Mme B... sollicite l'intervention du Médiateur de la République.

L'examen du dossier permet de considérer que Mme B... n'encourt aucune responsabilité dans les circonstances qui l'ont amenée à être débitrice envers le Trésor public d'un trop-perçu . Cette situation est due à diverses causes:

- l'incertitude de l'administration sur le type de congés correspondant à la maladie dont souffrait Mme B...;

- les délais, atteignant plus de six mois, que mettent les instances médicales consultées pour émettre leur avis et le fait qu'elles n'en notifient le contenu que près de trois mois plus tard;

- enfin, le silence gardé par l'administration pendant près d'un an pour donner suite à la demande de mise à la retraite présentée par Mme B...

Ce contexte a pu rassurer l'intéressée sur la régularité de sa situation et la conduire à ne pas s'étonner de continuer à percevoir son traitement.

Le Médiateur de la République a proposé la décharge de la dette au ministre de la défense qui a bien voulu admettre que, dans les circonstances de l'affaire, l'application stricte des règles de droit avait des conséquences inéquitables. Mais la décision définitive dépend aussi du ministre chargé du budget. Les instances consultatives instituées auprès de cette administration n'ont accordé qu'une remise de l'ordre des deux tiers du montant du débet.

La solution obtenue, sans être totalement satisfaisante, est apparue assez positive pour permettre de considérer le dossier comme clos.

DES CONSEQUENCES D'UN MANQUE DE COORDINATION DANS LE SERVICE PUBLIC

Allocations de chômage - Pension de retraite
Réclamation n° 89-0641, transmise par M. René André, député de la Manche

 

Privé d'emploi, M. H... percevait de l'ASSEDIC les allocations de chômage qui sont servies jusqu'à l'admission du bénéficiaire à une pension de retraite, et au plus tard jusqu'à son soixante-cinquième anniversaire.

A l'approche de cette échéance, M. H... demanda à la caisse régionale d'assurance maladie (C.R.A.M.) à faire valoir ses droits à la retraite, avec effet au 1er mai 1989 date à laquelle, selon son numéro d'immatriculation à la sécurité sociale, il atteindra son soixante-cinquième anniversaire.

Contre toute attente et à sa grande surprise, M. H... apprend de la C.R.A.M. que son admission à la retraite ne prendra effet qu'au 1er janvier 1990 c'est-à-dire huit mois plus tard qu'il n'avait prévu. Ce décalage signifie pour lui que, pendant ces huit mois, il ne disposera d'aucun revenu. L'explication donnée est que l'extrait de naissance produit par l'intéressé à l'appui de sa demande ne contenait, pour date de naissance, que le millésime 1924 sans aucune indication du jour et du mois. En pareil cas, la C.R.A.M. retient, selon un usage constant, la date la plus avantageuse pour sa gestion, soit le 31 décembre de l'année de naissance indiquée.

M. H... sollicite l'intervention du Médiateur de la République pour redresser ce qui lui semble une injustice.

Il a été exposé au directeur de la C.R.A.M. que le dommage subi par M. H... résultait d'un manque de coordination entre deux organismes concourant à des objectifs sociaux voisins, sinon communs, et que le fait que l'un d'entre eux ne pouvait être critiqué pour avoir, conformément à ses règles, choisi une date autre que celle retenue par l'autre, ne justifiait pas que M. H... fût privé, pendant huit mois, de tout moyen d'existence.

Le Médiateur de la République a eu la satisfaction de faire partager par le directeur de la C.R.A.M. ses conclusions fondées sur l'équité.

LA RIGUEUR DE LA LOI CEDANT DEVANT L'EQUITE

Pensions militaires d invalidité
Réclamation n° 89-0671, transmise par M. Guy Penne, sénateur des Français établis hors de France

 

M. B..., incorporé au service national depuis deux mois, a été victime d'un anévrisme cérébral alors qu'il se trouvait en permission dans sa famille.

Malgré plusieurs interventions chirurgicales, son état ne s'est pas amélioré et, selon les expertises médicales, les séquelles de sa maladie nécessiteront en permanence l'assistance d'une tierce personne.

L'administration militaire a refusé de servir une pension d'invalidité à M. B. . au motif que ce grave accident de santé n'était pas imputable au service puisqu'il s'était produit moins de 90 jours après l'incorporation de M. B... Cette décision fut confirmée par le tribunal des pensions.

C'est alors que la famille de M. B... sollicite l'intervention du Médiateur de la République.

Compte tenu du caractère très strict des dispositions du Code des pensions militaires, l'administration paraissait fondée en droit à ne pas accorder la pension demandée. Mais il n'en restait pas moins que la maladie était survenue alors que l'intéressé était en situation d'incorporé au service national.

Le dossier mentionnait que, deux jours avant son accident de santé, M. B... avait subi un rappel de vaccin T.A.B. sans être dispensé de l'exercice d'un déplacement fatigant, médicalement contre-indiqué en cas de vaccin T.A.B. Mais le tribunal des pensions n'avait pas retenu le lien entre ces faits et la maladie du jeune B...

Le Médiateur de la République s'est estimé fondé à demander à l'administration, au nom de l'équité, un nouvel examen de la demande de pension.

Cet examen a été très positif puisqu'une pension militaire d'invalidité au taux de 100% et 31 degrés, assortie du bénéfice de l'article 18 a été concédée au jeune B...

L'USAGE DE L'EQUITE COMPENSE LA RÈGLE DE DROIT

Ministère de la Défense - Indemnisation exceptionnelle
Réclamation n° 89-0718, transmise par M. Daniel Millaud, sénateur de la Polynésie française

 

En 1983, M. R..., militaire originaire de la Polynésie, a été mortellement blessé par un autre militaire qui manipulait une arme prohibée. L'accident est survenu pendant le service et dans l'enceinte du lieu de cantonnement.

L'auteur du coup de feu, traduit devant la juridiction pénale et condamné à payer des dommages-intérêts à la famille de la victime, s'est révélé être insolvable.

En 1988, le père de la victime ne pouvant plus, pour de graves raisons de santé, exercer d'activité professionnelle et se trouvant dépourvu de ressources, s'est tourné vers l'Etat pour qu'il supplée à l'insolvabilité de l'auteur de l'accident.

Aucun texte ne prévoit d'indemnisation en faveur des ascendants et collatéraux d'un militaire engagé. Par ailleurs, si une action pour faute lourde de l'administration avait été engagée, elle aurait tout au plus abouti à une indemnisation " symbolique" des ascendants.

Le Médiateur de la République, saisi du dossier, sans nier le caractère fautif imputable à l'Etat, entend axer sa démarche sur l'équité à l'égard de la famille de la victime, frappée dans sa chair et dans son cúur, et sur l'intérêt de crédibiliser le bon renom dont jouit la France.

Le ministre de la défense, sensible à ses arguments, a accepté d'allouer aux parents de la victime les sommes que le tribunal avait fixées à la charge du responsable de la mort de M. R... et a invité ses ascendants à constituer un dossier de pension.

Belle réussite d'une intervention fondée sur l'équité, dès lors que l'application stricte des textes législatifs ou réglementaires aboutissait a une iniquité.

UN EFFORT DE COMPREHENSION

"Indemnité de départ"- Forclusion
Réclamation n° 89-3059, transmise par M. Robert Guillaume, sénateur de la Nièvre

 

La commission d'attribution d'aide aux personnes âgées a accordé a Mme L..., qui était sur le point de cesser son activité commerciale, une" indemnité de départ" de 60 000 F, sous réserve qu'elle se fasse radier du registre du commerce dans le délai de six mois.

Cette radiation étant intervenue avec un retard de 14 jours, Mme L... a été avisée par la caisse de l'hôtellerie qu'elle ne percevrait pas cette indemnité.

Il en résultait pour l'intéressée une perte sensible constituant une iniquité. Elle saisit le Médiateur de la République.

Tout en soulignant au directeur de la caisse qu'au plan juridique, sa position n'était pas critiquable, le Médiateur de la République lui a fait remarquer que sa décision lui paraissait avoir sanctionné trop sévèrement un retard de 14 jours, alors que la condition essentielle ouvrant droit au bénéfice de l'indemnité, était effectivement remplie.

En fait, comme le prouve un courrier en date du 21 janvier 1989 adressé a 1 l'intéressée par la caisse chargée du versement de l'indemnité de départ, Mme L... devant obtenir sa radiation avant le 21 mai 1989 n a disposé que d'un délai de quatre mois. Au regard des difficultés que ne manque pas de générer une cessation d'activité, le délai dont elle a disposé pour vendre son fonds et demander sa radiation du registre du commerce était trop court.

Le directeur de la caisse a bien voulu rapporter sa décision et maintenir l'indemnité de départ de Mme L...

IL VAUT MIEUX TARD QUE JAMAIS

Responsabilité de la puissance publique - Réparations
Réclamation n° 89-1628, transmise par M. Jack Lang, ancien député

 

Au mois s de décembre 195 8, alors qu'il travaillait sur un chantier du Gouvernement général de l'Algérie, sous la direction de l'armée française, M. B..., ouvrier terrassier, a été victime de blessures par balles, tirées accidentellement par deux militaires.

Pour éviter de mettre en cause les militaires, le responsable du chantier déclara les blessures de M. B... comme accident du travail. Une procédure juridictionnelle fut engagée sur ce terrain contre le Gouvernement général de l'Algérie, auprès du tribunal de grande instance, pour réparer les conséquences dommageables de cet accident. Comme le jugement n'avait pas encore été rendu lorsque survint l'indépendance de l'Algérie, le règlement de l'affaire fut, en application des accords d'Evian, transféré aux bons soins des autorités algériennes, lesquelles laissèrent le problème sans réponse.

Vingt-six ans après les faits, en 1984 le Médiateur alors en exercice, demanda au ministre des affaires étrangères d'obtenir de l'administration algérienne la prise en charge de la réparation du dommage subi par M. B... Cette démarche est restée sans succès.

Alerté en 1989 le Médiateur de la République a abordé l'affaire en la plaçant sur son véritable terrain, celui de la responsabilité de l'Etat français: l'accident dont M. B... avait été victime n'était nullement un accident du travail, mais bel et bien un accident causé par des agents placés sous le contrôle des autorités françaises, à savoir deux militaires. Le ministre de la défense fut saisi du cas de M. B.. avec la démonstration de la responsabilité de l'Etat français et la demande d'une mesure d'équité.

Le ministre de la défense a admis le principe de la responsabilité de l'Etat et accepté de verser à l'intéressé une indemnité de 260 000 F Le ministre du budget a donné son accord à ce règlement qui intervient trente-deux ans après les faits: il vaut mieux tard que jamais.

TRENTE ANS D'ERREURS OU EST-IL DU RÔLE DE L'ADMINISTRATION DE BERNER SON PERSONNEL ?

Indemnité d'expatriation - Séjour en R.F.A.
Réclamation n° 90-0579. transmise par AA Jacques Blanc député de la Lozère

 

M. P..., aujourd'hui retraité de l'armée, réclame depuis de nombreuses années le paiement de l'indemnité d'expatriation prévue au profit des personnels civils et militaires basés en R.F.A.

Cet avantage était défini par un décret en date du 1er juin 1956 Du fait de sa non-publication au Journal Officiel, ce décret a été annulé par un arrêt du Conseil d'Etat en 1960. En octobre 1963, de nouveaux textes ont été pris pour régulariser la situation des bénéficiaires de cette indemnité. Ces textes fixaient au 31 décembre 1963 la date limite de recevabilité des demandes de paiement de l'indemnité, pour la période 1956-1963.

Les personnels civils, avertis de cette mesure, ont entrepris leurs démarches dans les délais et perçu leurs indemnités. En revanche, les personnels militaires n'en ayant été informés que beaucoup plus tard, se sont vu opposer systématiquement la forclusion à leurs demandes.

A cette situation, déjà regrettable, se sont ajoutés de curieux malentendus. Dans une note de service, en date du 31 octobre 1969, le ministère de la défense laissait entendre aux militaires concernés qu'ils pourraient présenter leurs demandes de paiement de l'indemnité prévue, bien que par note du 27 novembre 1968 il eût précisé que les demandes présentées postérieurement au 31 décembre 1963 seraient frappées de forclusion.

Le 12 janvier 1971, M. P..., qui avait répondu à la note du 31 octobre 1969 apprend que sa requête est rejetée.

Ayant été saisi de son dossier, le Médiateur de la République a demandé au ministre de la défense de bien vouloir réexaminer la situation de M. P... avec la volonté d'y apporter une solution juste, en considération des irrégularités ou des malentendus qui sont à l'origine du retard qui a fait perdre à l'intéressé le bénéfice d'indemnités qui lui étaient dues.

Il aura fallu plus de huit mois pour que l'administration réponde au courrier du Médiateur de la République. Sans exprimer le moindre regret pour le dommage subi par les agents concernés, le ministre de la défense fait siennes les décisions qui leur sont opposées depuis vingt ans.

En guise de justification, il prête à la décision d'annulation rendue en 1960 par le Conseil d'Etat un autre sens que la sanction d'un vice de forme, et affirme préférer affecter à des mesures plus générales pour l'ensemble des personnels de l'armée les crédits qu'auraient nécessités les mesures de régularisation.

Certes, une telle préférence aurait pu se justifier si elle n'avait pour conséquence de dépouiller de ses droits un personnel dont la seule faute avait été de ne pas suspecter les déclarations et autres notes de service de son administration.

Cette situation, bien que créée il y a près de tente ans, conduit à s'interroger sur la conception que l'administrateur a de ses devoirs, dans l'exercice des responsabilités qui lui sont confiées. Il est certes tenu de veiller au respect des intérêts du service, dans toutes les acceptions du terme. Mais il est aussi, à l'égard des administrés, le répondant de la légalité des actes du service.

UN DEFAUT DEVENU HABITUDE

Pension d'invalidité - Révision
Réclamation n° 90-0774, transmise par M. Michel Charzat, député de Paris

 

M. F..., titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive (guerre 1939-1945) au taux de 50%, avait sollicité, en 1982, la révision de cette pension.

Sa demande ayant donné lieu en 1987 à un jugement de rejet par le tribunal des pensions, il saisit en appel la cour régionale des pensions de Paris.

Près de trois ans plus tard, la cour n'avait pas encore statué. Il demande alors l'aide du Médiateur de la République pour hâter la conclusion de cette affaire.

Au premier abord, s'agissant d'une démarche qui porte sur une procédure judiciaire engagée devant une juridiction, le Médiateur de la République se trouvait, en vertu de la loi instituant sa mission, démuni du moyen d'agir directement. Il n'en restait pas moins que M. F..., âgé de 84 ans, attendait depuis plus de huit ans une réponse à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité.

Rien n'interdisait cependant au Médiateur de la République de s'informer auprès de la cour d'appel de l'état de ce recours.

Bien lui en prit, car la carence dont se plaignait M. F... n'était nullement imputable à la cour régionale des pensions. Elle était exclusivement due au secrétariat d'Etat aux anciens combattants et victimes de guerre qui, sans raison, détenait depuis le mois d'octobre 1987 le recours en appel de l'intéressé.

L'intervention du Médiateur de la République auprès de cette administration, secondant un courrier adressé par le Premier président de la cour d'appel de Paris, fera obtenir, après un nouveau délai de quatre mois, la transmission de la requête de M. F... au greffe de la cour régionale des pensions.

Ainsi, satisfaction est donnée à l'intéressé qui ne cherchait qu'à obtenir que sa réclamation` soit jugée.

CONSEQUENCES DE LA DEFAILLANCE D'UN OFFICIER MINISTERIEL

Cadastre - Rectifications
Réclamation n° 90-1 511, transmise par M. Maurice Arreckx, sénateur du Var.

 

M. R... est propriétaire de deux appartements dans le même immeuble. Il vend le premier en 1980, le deuxième en 1983. Malheureusement, lors de la deuxième cession, c'est la référence cadastrale du premier appartement qui est utilisée par erreur. M. R... est donc, pour les tiers, toujours propriétaire de l'appartement objet de la seconde cession, notamment pour l'administration fiscale qui lui demande le paiement de taxes foncières pour 1984 et les années suivantes. En 1987 M. R... fait établir par le notaire un acte rectificatif dont il n'arrive pas à obtenir la copie.

C'est ainsi qu'il sollicite l'aide du Médiateur de la République qui intervient à la fois auprès du notaire et auprès de l'administration.

Le notaire lui a adressé la copie de l'acte rectificatif, qui a été transmise au requérant.

L'administration, tout en rappelant le bien-fondé de ses impositions de taxe foncière, a accepté, à titre bienveillant et exceptionnel. d'accorder la remise des taxes, ramenant ainsi la situation de M. R.. à ce qu'elle aurait dû être si l'acte notarié de 1983 avait été correctement libellé.

Dans cette affaire, l'Etat, en faisant prévaloir l'équité, a pris à sa charge la réparation d'une erreur qui n'était imputable qu'au rédacteur de l'acte litigieux.

PROTECTION DE L'EPOUSE " DE BONNE FOI"

 

Pension de réversion - Bigamie
Réclamation n° 90-1680, transmise par M. Alfred Recours, député de l'Eure.

 

Mme G... a épousé, le 2 juin 1945 en Tunisie, M. P.... réfugié espagnol. Celui-ci se disait célibataire avec certificat de célibat à l'appui, bien qu'il ait contracté un précédent mariage le 12 décembre 1936, en Espagne, qui n'avait apparemment pas été dissous.

M. P... étant décédé en 1968, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales a servi à Mme G... une pension de réversion jusqu'en 1971 date à laquelle elle a été saisie d'une demande de pension émanant de la première épouse de M. P... Par voie de conséquence, la pension de Mme G... fut supprimée.

De 1971 à 1990, Mme G... a multiplié en vain les démarches pour obtenir le rétablissement de sa pension de réversion.

Saisi d'une réclamation de la part de Mme G... en mai 1990, le Médiateur de la République a soutenu que l'intéressée, tenue dans l'ignorance de la première union de son époux, devait être considérée comme une épouse"de bonne foi", situation évoquée à l'article 201 du Code civil, lequel reconnaît à l'époux qui a contracté de bonne foi un mariage déclaré nul, le bénéfice des effets dudit mariage.

Toutefois la jurisprudence des tribunaux administratifs refusant l'application de ce texte en matière de pension, le Médiateur de la République ne pouvait situer son intervention que sur le plan de l'équité.

Il a donc fait valoir que Mme G... avait été victime d'une situation matrimoniale qui lui avait été cachée pendant vingt-trois ans et qu'elle se trouvait privée inopinément d'un avantage financier sur lequel elle pouvait légitimement compter et qu'une telle situation n'était pas acceptable en équité.

Comparant sa situation à celle d'une personne veuve d'un époux divorcé d'un premier mariage, le Médiateur de la République a recommandé le partage de la pension de réversion du chef de M. P... entre ses deux épouses, au prorata de leurs années de vie commune.

Sensible à ces arguments, la Caisse des dépôts et consignations a accepté, à titre exceptionnel, de donner suite à cette recommandation.

L'INSOUCIANCE INEXCUSABLE D'UNE COLLECTIVITE TERRITORIALE

Droits d'eau - Responsabilité
Réclamation n° 90-2108, transmise par M. Alain Néri, député du Puy-de- Dôme.

 

M. et Mme G... avaient acquis en 1979 un terrain traversé par un ruisseau provenant d'une source. Des travaux d'assainissement et de canalisation d'un autre ruisseau, entrepris par la commune, ont provoqué un drainage important de la nappe phréatique entraînant le tarissement du ruisseau de M. G...

Celui-ci a demandé à la commune de procéder à une réalimentation de son droit d'eau. Il essuie un refus au motif que la remise d'eau demandée créerait des servitudes nouvelles, notamment sur les terrains appartenant à la commune.

Devant cette fin de non-recevoir, M. G... sollicite l'intervention du Médiateur de la République.

Nul doute que ce refus est, au plan du droit, illégal. L'article L. 644 du Code civil permet en effet à M. G... d'user de l'eau traversant sa propriété dans l'intervalle qu'elle y parcourt. Mais quid des conséquences de l'abaissement de la nappe phréatique provoqué par des travaux publics ? A cet égard, lorsqu'une collectivité territoriale doit, dans l'intérêt général, procéder à des dérivations des eaux d'un cours non domanial, ou simplement en régulariser le débit, le Code rural prévoit la prise d'un acte déclaratif d'utilité publique pour les travaux à effectuer. Toutes ces précautions n'avaient pas été prises. Cela plaçait la collectivité dans une situation engageant sa responsabilité pour dommages de travaux publics.

Le Médiateur de la République propose donc à la commune de rechercher toute solution de nature à régler à l'amiable le différend qui l'oppose à M. et Mme G...

Deux mois après, la commune négociait avec les intéressés une indemnisation du préjudice subi.

Voilà donc un bon exemple de rapprochement des points de vue pour éviter un recours aux tribunaux.

LIBRE EXPRESSION DE LA JUSTICE ET DROITS DU ClTOYEN

Accidents de circulation - Recherche de la responsabilité
Réclamation n° 90-2169, transmise par M.. Pierre Mauger, député de la Vendée

 

Le 6 janvier 1990, un accident de la circulation s'était produit à proximité d'un car à l'arrêt, entre deux voitures qui s'étaient heurtées de front, provoquant des blessures à leurs occupants.

Les premiers enquêteurs constatèrent que, près du car à l'arrêt, de 1'huile de moteur était répandue sur la chaussée déjà humide de pluie rendant son usage dangereux. Ils conclurent toutefois que la zone de choc des deux voitures était située à 50 mètres de l'arrière du car, celui-ci ne pouvait donc pas avoir été impliqué dans l'accident

Ces conclusions qui aboutissaient à imputer l'accident à un défaut de maîtrise des véhicules furent contestées par l'une des victimes, M. C..., qui fit appel à l'aide du Médiateur de la République.

L'enquête qui a été effectuée devait normalement conduire à la mise en mouvement d'une procédure juridictionnelle. Or, la loi instituant la fonction du Médiateur de la République ne lui permet pas d'intervenir dans les procédures de cette nature.

Le Médiateur de la République était cependant convaincu que 1'enquête effectuée comportait des lacunes de nature à priver les victimes de cet accident d'une éventuelle réparation de leurs dommages.

Aussi, sans s'immiscer dans la procédure ni remettre en cause le bien-fondé d'une décision peut être déjà rendue, le Médiateur de la République attira l'attention du parquet près le tribunal de grande instance sur les contradictions relevées qui faisaient apparaître que l'enquête préliminaire avait négligé l'audition des victimes de l'accident et d'un témoin cité par celles-ci. Le Médiateur de la République fut entendu et l'enquête complétée.

La suite permettra à l'autorité judiciaire de se prononcer en toute liberté sur 1'imputation de la responsabilité dans le dommage subi.

Dans cette affaire, le Médiateur de la République a pu venir en aide au réclamant sans empiéter sur les prérogatives de la justice

LA DILUTION DES RESPONSABILITES

Débits de boissons - Transfert de licence
Réclamation n° 90-2177, transmise par M. Robert Poujade, député de la Côte-d'Or, ancien ministre.

 

Mme B..., âgée de quatre-vingt-douze ans, a mis en vente sa licence de débit de boissons, 4ème catégorie et, au mois de janvier 1990, elle signe avec l'acheteur une promesse de vente.

Une demande de transfert de licence est présentée à la commission départementale compétente. Cette instance refuse le transfert, au motif que ladite licence est périmée.

Mme B... s'étonne de cette réponse, d'autant plus que lors de démarches qu'elle avait effectuées dans le passé auprès des services fiscaux pour ne tenir ouvert son établissement qu'une semaine par an, aucune contestation de la validité de sa licence ne lui avait été opposée.

Un recours intenté auprès du procureur de la République, qui préside la commission des transferts, confirma la décision de refus de transfert en précisant que la péremption de la licence remontait à l'année 1979 et que, depuis lors, les rares ouvertures qui avaient pu se produire dans l'établissement n'avaient eu aucun effet sur cette péremption.

Mme F... a saisi le Médiateur de la République dans l'espoir d'une solution satisfaisante.

L'étude du dossier révèle divers faits qui fragilisent la régularité de la décision de refus. Les services compétents, tout en sachant que la licence de débit de boissons était périmée, avaient tout de même laissé Mme F... poursuivre ses activités, fussent-elles de courte durée. D'autre part, la décision de refus comportait deux irrégularités: l'une pour avoir été prononcée antérieurement à la date d'émission de l'avis du conseil général dont la consultation était obligatoire; l'autre pour avoir négligé de mentionner, lors de sa notification, les voies et délais de recours dont disposait l'intéressée

Les interventions du Médiateur de la République n'ont cependant pas pu aboutir.

En effet, en matière de transfert de licence, la compétence est partagée entre deux administrations différentes: celle du ministère de la justice et celle du ministère des finances. Chacune agit dans le cadre strict de ses attributions, mais aucune ne peut se prononcer sur les litiges

La commission départementale est bien investie d'un pouvoir de décision. Mais sa composition est elle que les administrations participantes n'y trouvent pas un lieu de réflexion collective pouvant déboucher sur une appréciation qui exprime une opinion de groupe. De sorte que, si elle peut agréer ou refuser une demande transfert, elle ne peut jamais réviser une décision contestée.

Cette situation a conduit le Médiateur de la République, au nom de l'équité, à déposer une proposition de réforme sur le fonctionnement des commissions en cause afin de remédier aux lacunes des textes qui privent , en fait, les assujettis de tout moyen de défense.

UN MELI-MELO DECONCERTANT OU COMMENT COMBLER UN VIDE JURIDIQUE

Rapatriés - Aide à la réinstallation
Réclamation n° 90-2988, transmise par M. Jean-Pierre Joseph, député du Gers.

 

Une loi, en date du 30 décembre 1986 a prévu que l'Etat peut, sous certaines conditions, prendre à sa charge les remboursements des emprunts contractés par les rapatriés pour financer leur réinstallation.

M. C..., rapatrié d'Algérie, a sollicité le bénéfice de cette législation. Divers documents lui étaient demandés, dont le dossier relatif à l'emprunt qu'il avait contracté en 1984 auprès du Crédit foncier de France avec le concours du Comptoir des entrepreneurs pour le financement de son logement.

M. C... demanda vainement au Crédit foncier de France de lui adresser son dossier. Espérant pouvoir surmonter cet obstacle en faisant intervenir le préfet de sa circonscription, il ne fut pas plus heureux: l'organisme concerné prétendait que le prêt alloué à M. C... n'entrait pas dans le champ d'application de la loi. Par ailleurs, le préfet ne possède à l'égard du Crédit foncier de France aucun pouvoir de tutelle.

Devant ce blocage, M. C... fit appel au Médiateur de la République. Certes, de telles affaires n'entrent pas indiscutablement dans son champ de compétence. Ordinairement, elles ne sont pas prises en charge. Mais le caractère inique de l'affaire présentée commandait d'agir.

L'examen du dossier a permis de relever deux éléments déterminants dans cette affaire:

1er - L'aide prévue par la loi n'engageant, sur le plan financier, que l'Etat, il n'appartenait pas à un organisme de droit privé de s'immiscer dans le déroulement de la procédure d'attribution. Seul le préfet, territorialement compétent, peut en décider.

2ème - L'emprunt contracté étant géré par le Comptoir des entrepreneurs, c'est à celui-ci qu'incombait la remise du dossier nécessaire à l'appréciation des droits de M. C...

Le Comptoir des entrepreneurs a accepté ce raisonnement et il s'est engagé à transmettre au préfet le dossier en question.

Cette affaire révèle les conséquences des erreurs que peut commettre un organisme autonome intervenant indirectement pour l'application de décisions législatives.

UNE PENALITE TROP LOURDE DE CONSEQUENCES

Services fiscaux - Remise gracieuse
Réclamation n° 90-3046, transmise par Mme Roselyne Bachelot, député de Maine-et-Loire.

 

M. C..., artisan couvreur, a cessé son activité le 30 août 1988, mais a fait apport de son fonds à la société en nom collectif qu'il a formée avec ses deux employés.

La jurisprudence du Conseil d'Etat qualifie cette opération de cession d'entreprise; il devait par conséquent souscrire une déclaration de revenus (catégorie des bénéfices industriels et commerciaux) dans le délai de 60 jours à compter de la publication de la cession de son entreprise dans un journal d'annonces légales soit le 23 novembre 1988. N'ayant rempli cette formalité que huit jours plus tard, il s'est vu infliger par l'administration fiscale des pénalités de retard d'un montant de 163.958 F.

N'ayant pu obtenir l'annulation de cette mesure, il s'est tourné vers le Médiateur de la République.

Au strict point de vue du droit, la sanction est légale L'administration fiscale ne pouvait donc s'abstenir de la prendre. Elle était cependant disproportionnée par rapport à la réelle gravité des faits. Pour une entreprise naissante et utile, la pénalité prononcée risquait de créer des difficultés de trésorerie de nature à la mettre en péril.

Il a donc été demandé à l'administration de procéder à un réexamen de cette affaire, non plus au plan du droit, mais au plan de l'équité, dans le but d'une remise gracieuse des pénalités infligées.

Le directeur départemental des services fiscaux a bien voulu accepter cette solution.

L'EQUITE AU SECOURS D'UN CHÔMEUR EN RECLASSEMENT

Allocation spécifique de solidarité - Cumul avec un stage de formation
Réclamation n° 90 - 3882 transmise par M. Jean-Luc Preel député de la Vendée

 

M. C... bénéficie, depuis le m mois de juillet 1985, de l'allocation spécifique de solidarité, servie par l'ASSEDIC.

Au mois de septembre 1988, il est admis à suivre un stage de formation professionnelle d'une durée de 400 heures. Il obtient du Fonds national pour l'emploi (F.N.E.) une aide de 6.000 F destinée à couvrir les frais du stage.

Peu de temps après, l'ASSEDIC lui réclame le remboursement des allocations de solidarité qu'il avait perçues pendant la durée du stage, du 1er septembre 1988 au 29 mai 1989, soit la somme de 17.175 F. Pour motifs, l'ASSEDIC lui indique que les allocations qui lui ont été servies ne sont pas cumulables avec les stages de formation dont la durée excède 300 heures.

C'est dans ces conditions que M. C... sollicite l'intervention du Médiateur de la République.

Selon la réglementation régissant le fonctionnement des ASSEDIC, la procédure engagée pour le remboursement des trop-perçus relève de la seule compétence du directeur départemental du travail et de l'emploi.

C'est auprès de cette administration que l'intervention du Médiateur de la République est effectuée.

Dans ce dossier, il est d'emblée constaté que la décision prise par l'ASSEDIC ne se réfère à aucun texte réglementaire. Cependant, ce point ne sera pas utilisé pour contester le bien-fondé de la décision.

En revanche, deux faits sont relevés. Lors de l'admission de M. C... au bénéfice de l'allocation spécifique de solidarité, aucune information ne lui a été donnée sur les conséquences pécuniaires d'un stage de formation d'une durée de plus de 300 heures. Pas plus d'ailleurs que le F.N.E., connaissant la situation de l'intéressé, n'avait averti M. C...

Par ailleurs, l'aide de 6.000 F allouée par le F.N.E. a été totalement absorbée par les frais de stage qui se sont élevés à 7.000F.

Le directeur départemental du travail et de l'emploi a été attentif à cette argumentation. Une solution fondée sur l'équité est alors apportée au problème de M. C...

L'ADMINISTRATION ACCEPTE DE FAIRE BENEFICIER L'ADMINISTRE DU DOUTE

Rénovation du cadastre
Réclamation n° 90-3887, transmise par M. Lucien Neuwirth, sénateur de la Loire.

 

M. M... était propriétaire d'une parcelle de bois. Lors des opérations de rénovation du cadastre entreprises en 1971, une erreur de transcription sur la nouvelle matrice cadastrale a fondu ce bien dans les parcelles de ses deux voisins qui ont vu la superficie de leurs terres augmenter.

Avec l'accord des autres parties, l'intéressé souhaite obtenir la révision du plan cadastral.

Le service du cadastre saisi réclame un acte rectificatif. Cet acte ne pouvant être établi qu'après la confection d'un document d'arpentage, M. M... souhaite que ce soient les services du cadastre qui se chargent de l'opération et, à cette fin, demande l'aide du Médiateur de la République.

L'administration saisie reconnaît l'erreur survenue au détriment de M. M... Ne pouvant pas établir que l'intéressé avait eu connaissance des informations données dans le cadre légal des mesures de publicité sur les résultats des travaux de rénovation, informations qui lui auraient permis de découvrir l'erreur en temps utile pour en corriger les effets, l'administration a accepté, au nom de l'équité, de reprendre partiellement les opérations de rénovation.

La procédure appropriée a été engagée et l'assurance donnée de rétablir les droits de l'intéressé.

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