LA DIFFICILE HARMONISATION SOCIALE DANS LA COMMUNAUTE EUROPEENNE

Communauté européenne - Prestations sociales
Réclamation n° 89-1796, transmise par M. Marcel Dehoux, député du Nord.

 

Au mois de juin 1985, le jeune Nicolas, alors âgé de quinze ans et handicapé profond, a été placé dans un institut médico-pédagogique belge, adapté à son cas. Les frais de placement étaient pris en charge par le régime de sécurité sociale française, au titre d'ayant droit de son père, M. H.... affilié à la caisse primaire d'assurance maladie (C.P.A.M.) de Maubeuge.

Après avoir perdu son emploi en France, M. H... retrouve, au mois d'avril 1988, une activité salariée en Belgique, mais continue de résider en France. La couverture sociale de ses ayants droit étant, du fait de son travail en Belgique, transférée au régime belge de sécurité sociale, la C.P.A.M. de Maubeuge a interrompu les prestations qu'elle servait jusqu'ici pour les soins et l'hébergement du jeune Nicolas à l'institut médico-pédagogique belge.

Or, dans la réglementation belge, la protection sociale se limite aux seuls frais de soins médicaux. Quant aux frais d'hébergement, ce sont la famille ou le fonds d'action sociale de la commune de résidence du travailleur qui en assument la charge. Or, le père de Nicolas a conservé sa résidence en France.

Les effets de cette réglementation qui limite en Belgique la protection sociale de la sécurité sociale aux seuls frais de soins ne sont pas contraires aux règlements communautaires. Ces règlements n'imposent pas de transposer dans le pays d'accueil les avantages que le ressortissant possède dans son pays d'origine. Ils prescrivent que le ressortissant d'un état membre a droit à bénéficier, dans le pays d'accueil, des mêmes avantages que le propre ressortissant de celui-ci.

C'est donc très légalement qu'une somme de 109 642 F reste due à l'institut belge par M. H... Ce dernier en appelle à l'aide du Médiateur de la République.

Il fallait d'abord s'occuper de l'état de santé du jeune handicapé. Or dans le ressort de la résidence de ses parents, il n'existe pas de structure d'accueil adaptée. Le consul adjoint de France à Liège est intervenu avec succès pour maintenir le jeune Nicolas dans l'établissement belge.

M. H... ayant cessé son activité en Belgique et étant à présent pris en charge par la caisse de sécurité sociale de son domicile en France le problème du financement ne se pose plus dans les mêmes termes que précédemment pour lui. Mais de telles situations ne doivent plus se reproduire. Il n'est en effet, ni normal, ni équitable, que les autorités belges, notamment locales, n'assument qu'une partie des obligations qui incombent aux autres pays.

Aussi, le Médiateur de la République a saisi le ministère des affaires étrangères et le ministère des affaires sociales et de la solidarité afin d'engager des interventions auprès des instances compétentes pour, d'une part, amener les autorités belges à assurer en totalité ou partiellement l'apurement de la dette de M. H... Le jeune Nicolas réside en Belgique depuis 1985 et devrait pouvoir, à ce titre, prétendre aux aides par le fonds d'action sociale de sa commune de résidence. D'autre part, des mesures doivent être prises au niveau de la Communauté de façon que les difficultés rencontrées dans le cas du jeune Nicolas ne puissent plus se reproduire.

LES LIMITES DU DROIT D'ACCUEIL

Ressortissant européen - Carte de séjour
Réclamation n° 90-2285, transmise par M. Michel Voisin, député de l'Ain

 

En 1968, à l'âge de onze ans, M. A... est arrivé en France en compagnie de ses parents, ressortissants portugais.

Devant suivre un traitement médical continu, il fut hospitalisé dans un centre psychothérapique. Un visa de régularisation, valable pour un long séjour, lui fut accordé par mention sur le passeport de sa mère, en qualité de mineur. L'aggravation de sa maladie fut reconnue invalidante. Une carte d'invalidité au taux de 1OO % lui fut donc délivrée.

L'aide sociale prit alors en charge les frais de son hospitalisation.

Lorsqu'il atteignit l'âge de seize ans, à partir duquel devait cesser la validité du visa qui lui avait été accordé, aucune démarche ne fut accomplie pour lui obtenir un titre personnel de séjour. Cette négligence passera inaperçue jusqu'à la date à laquelle il retournera au Portugal, auprès de ses parents, en 1982..

En 1983, il revint en France et fut réadmis au même centre de soins. Au mois de septembre 1988, cet établissement fait valoir que l'état de santé de M. A... ne ressortit plus à sa spécialisation médicale. Il est préconisé, pour l'intéressé, un accueil dans un "lieu de vie" adapté à son état.

Par ailleurs, en raison de l'irrégularité de la situation de l'intéressé au regard de la réglementation concernant le séjour des étrangers en France, l'aide sociale refuse, depuis le 1er octobre 1988, de continuer à assumer la charge des frais d'hospitalisation du malade. Une somme de 523.000 F est due par celui-ci.

C'est dans ces circonstances que l'intervention du Médiateur de la République est sollicitée. La réclamation porte, d'une part, sur le placement dans un "lieu de vie" et, d'autre part, sur la prise en charge, par le système français de protection sociale de l'ensemble des frais d'accueil. Cela supposait, bien entendu, la régularisation préalable du séjour.

Le dossier produit ne comportait pas assez d'éléments susceptibles d 'éclairer l'opinion sur la réalité de la situation de la famille de M. A... (frères et súurs résidant en France).

La famille s'oppose au rapatriement du malade au Portugal, prétendant que l'âge des parents ne leur permettrait pas de s'occuper de lui. Elle demande le maintien de l'intéressé dans le centre de sa première hospitalisation ou, à défaut, dans un "lieu d'accueil" sur le territoire français. Elle ne propose aucune contribution financière au règlement de la situation du malade, pas plus qu'elle ne consent à préciser les ressources de ses membres.

Dans ces conditions, le Médiateur de la République estime que, la famille refusant de faire un effort de solidarité, il n'est pas tenu d'intervenir pour que les conséquences de l'application de la loi française soient atténuées.

L'IMMIGRE DEVANT LE RESPECT DE LA LOI

Carte de séjour - Carte de travail
Réclamation n° 91-0199, transmise par M. Lucien Neuwirth, sénateur de la Loire

 

Mlle 0..., née en France en 1962, a décidé en 1985 de quitter la France pour s'établir en Algérie.

Moins de cinq ans plus tard, elle revient en France et sollicite des services préfectoraux de sa circonscription de résidence une carte de séjour, et de la direction départementale du travail et de l'emploi une autorisation de travail.

Ses deux demandes ayant été rejetées, elle sollicite l'intervention du Médiateur de la République.

Le ministre de l'intérieur, saisi, justifie le refus de la carte de séjour en se fondant sur les textes internes et sur la convention franco-algérienne du 27 décembre 1968 relative aux conditions de circulation, d'emploi et de séjour en France des ressortissants algériens.

Il fait par ailleurs observer que l'intéressée ayant quitté la France en 1985, à l'âge de vingt-trois ans, était largement majeure et pouvait apprécier les conséquences de sa décision, notamment quant à la possibilité d'un retour ultérieur en France. Ayant fait le choix de conserver la nationalité algérienne, elle ne peut contester l'application, par l'administration française, des règles régissant le statut de ses concitoyens.

Quant à sa demande d'autorisation de travail, le ministre des affaires sociales et de la solidarité a tenu à souligner que, dans le département de la Loire, plusieurs centaines de personnes sont à la recherche d'un emploi dans le secteur de travail sur lequel portait la demande de l'intéressée.

Rien n'ayant révélé une quelconque méconnaissance de la loi, le Médiateur de la République, malgré son désir de venir en aide à Mlle 0..., ne pouvait que clore le dossier qui lui avait été soumis.

L'APPLICATION DE LA LOI N'EST PAS AVEUGLE

Immigration - Carte de séjour
Réclamation n° 91-0575, transmise par M. Paul Chollet, député de Lot-et-Garonne

 

M. B..., de nationalité marocaine, prépare en France un doctorat de 3e cycle sur un sujet de mathématiques, commencé au mois de septembre 1989.

Parallèlement à ses études, il exerce les fonctions de maître auxiliaire dans un lycée de la région.

En 1990, il entreprend de faire venir auprès de lui son épouse, restée au Maroc, dont il disait que sa présence lui était nécessaire pour le "déroulement de ses activités éducatives".

A Casablanca, Mme B... sollicite auprès du consulat de France un visa de court séjour.

Deux mois après la démarche accomplie par son épouse, M. B... présente auprès du Médiateur de la République une réclamation dans laquelle il allègue le refus, tacite, du consul de France.

Les informations recueillies auprès du ministère des affaires étrangères révèlent que le retard, dont le réclamant avait induit une décision de refus, est strictement dû aux hésitations manifestées par Mme B... dans ses démarches. L'intéressée, tout en sachant que son séjour en France se prolongerait jusqu'à l'achèvement des études de son époux, donc bien au-delà des trois mois de validité du visa de court séjour, semblait craindre qu'en demandant d'emblée le visa de long séjour, elle n'amoindrisse ses chances de l'obtenir.

Or, en l'espèce, l'attitude des services compétents a été très compréhensive à l'égard de l'intéressée.

La mise au point que l'analyse de ce litige a entraînée permettra de donner satisfaction aux intéressés.

UN MARIAGE QUI NE RESOUT PAS TOUT

Immigration - Visa de séjour
Réclamation n° 90-4332, transmise par Mme Ségolène Royal, députée des Deux-Sèvres

 

M. C..., de nationalité française, désirant se marier en France avec Mme B..., née et demeurant au Ghana, a invité celle-ci ainsi que sa fille, de même origine, à venir en France. Mme B... a alors présenté une demande de visa touristique pour elle-même et sa fille au mois de juin 1990. Cette demande a été refusée par le consul de France à Accra le 6 juin 1990.

Le 12 juin 1990, M. C... se rend au Ghana et y contracte un mariage ghanéen. Il en obtient la transcription sur le registre d'état-civil de l'ambassade de France le 3 août 1990.

En novembre 1990, Mme B..., devenue épouse de M. C..., demande de nouveau un visa d'entrée en France, accompagnée de sa fille. Un nouveau refus lui est encore opposé.

M. C... saisit alors le Médiateur de la République contre le refus répété de laisser son épouse et la fille de celle-ci le rejoindre en France. Il se plaint du préjudice moral et financier qu'il subit.

L'examen du dossier révèle que Mme B..., comme sa fille, après avoir produit les documents nécessaires, notamment pour justifier que Mme B... avait bien la garde de sa fille mineure, ont obtenu l'une et l'autre les visas sollicités. Mais, si la fille a retiré le visa de long séjour pour études qui lui a été accordé, Mme B..., épouse C..., n'avait pas encore retiré le sien longtemps après.

C'est donc à M. C..., seul, qu'il reviendra de donner la suite qui lui convient à la conclusion de l'affaire.

Pour le Médiateur de la République, cette affaire a été menée à son terme.

LORSQUE L'ADMINISTRATION SE REFÈRE A LA LEGALITE

Certificat d'urbanisme - Plan d'occupation des sols
Réclamation n° 91-0368, transmise par M. Jean-Yves Gateaud, député de l'Indre

 

M. et Mme C... ont obtenu en 1975, un certificat d'urbanisme positif pour un terrain qu'ils venaient d'acquérir. En 1984, bien après expiration du délai de validité de ce document, ils renouvellent leur demande. Une réponse négative leur a été signifiée, au motif que le projet de construction se situe en dehors des parties urbanisées de la commune.

Ayant déféré cette décision à la censure du tribunal administratif, ils obtiennent gain de cause sur le motif d'erreur manifeste d'appréciation.

Forts de ce jugement, les intéressés renouvellent leur demande pour le même document. La réponse négative conduira à une nouvelle saisine du tribunal qui annule cette réponse, mais pour vice de forme.

Lors d'une troisième demande, ils essuient un refus. Cette fois, la décision est fondée sur les prescriptions du plan d'occupation des sols qui a été dressé entre-temps. Devant le tribunal, puis en appel, la décision de refus n'est pas annulée. Une quatrième demande se heurte à l'obstacle légal du site classé, décidé par un décret en date du 27 février 1991.

Durant seize années, les intéressés se sont débattus pour obtenir la reconnaissance d'un droit qui leur paraissait aller de soi. Ils sollicitent l'intervention du Médiateur de la République.

Bien que le Médiateur de la République ne soit pas convaincu que les refus opposés à la demande de permis de construire aient été entièrement motivés pour des raisons d'intérêt général, il ne peut remettre en cause le bien-fondé des décisions juridictionnelles rendues. Par suite, le Médiateur de la République s'est trouvé dans l'impossibilité de poursuivre son intervention et dans l'obligation de procéder à la clôture de ce dossier.

LORSQUE L'ADMINISTRATION S'ENTÊTE...

Permis de construire - Motifs de refus
Réclamation n° 90-1069, transmise par Mme Janine Ecochard, députée des Bouches-du-Rhône

 

M. M... est propriétaire d'un terrain, acquis en 1981, situé dans le département de la Guadeloupe. En 1984, il demande l'autorisation d'y construire sa maison d'habitation, projet qui reçoit un avis favorable du maire, sous réserve de l'accord de l'architecte-conseil.

Il propose à cet homme de l'art de se rendre sur les lieux afin de lui expliquer les choix techniques qui ont motivé le parti d'aménagement retenu.

Avant même que la visite ait pu avoir lieu, il reçoit des services de l'équipement un refus de permis de construire, au motif que la construction projetée était de nature à porter atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants.

M. M... modifie les plans du projet dans le sens des observations des services de l'équipement et dépose une nouvelle demande de permis de construire. Après un échange abondant de correspondances portant sur divers détails, il reçoit une nouvelle décision de refus découlant de la volonté de l'architecte-conseil de ne laisser édifier sur l'île que des maisons de plain-pied. Or, de nombreux permis autorisant la construction de maisons à deux niveaux, semblables à celle que ledit architecte lui refuse, ont été depuis toujours délivrés. Il ne semble pas, par ailleurs, qu'une réglementation actuelle ait imposé des maisons d'un seul niveau.

Une nouvelle demande entraîne un nouveau refus, cette fois pour le motif que l'architecture, les dimensions et la volumétrie du projet sont susceptibles de porter atteinte aux paysages naturels.

M. M... défère cette décision à la censure du juge administratif. Il obtient raison. L'administration interjette appel devant le Conseil d'Etat. C'est dans ces conditions que l'intéressé sollicite l'intervention du Médiateur de la République.

A la lumière des faits, le Médiateur de la République observe que le réclamant, malgré ses tentatives répétées de conciliation, n'a jamais pu établir le dialogue avec les services concernés qui se sont évertués à faire traîner le dossier et ont toujours refusé, à la différence du juge administratif, d'effectuer la visite sur les lieux pour mieux cerner la situation.

Au préfet de région, il demande un nouvel examen de cette affaire prenant en compte l'historique des démarches de M. M... traduites dans les six dossiers successifs de permis de construire. Il est aussi demandé que l'administration renonce à la poursuite de la procédure contentieuse devant le Conseil d'Etat, pour favoriser la conciliation dans cette affaire

La suite a été positive et le préfet de région a demandé au directeur départemental de l'équipement de procéder à une nouvelle étude du dossier en liaison avec la subdivision de l'équipement compétente des Iles-du-Nord, et aussi de se désister dans l'instance engagée devant le Conseil d'Etat.

De telles situations où l'administrateur méconnaît sa compétence sont heureusement peu fréquentes.

QUAND L'EQUITE PRIME LE DROIT

Mairie - Droit de préemption
Réclamation n° 89-3764, transmise par M. Daniel Vaillant, député d Paris

 

M. D... s'est engagé dans l'achat d'une maison pour y loger sa famille. Pour réduire au mieux le montant de l'emprunt qu'il doit contracter et limiter la charge des traites qu'il doit honorer mensuellement, il met en vente un terrain dont il est propriétaire.

Malheureusement, dès qu'il trouve un acquéreur, la mairie exerce son droit de préemption et lui propose d'acheter sa propriété au prix fixé par le service des Domaines. Or, ce prix est très sensiblement inférieur à celui auquel il pouvait prétendre sur le marché immobilier.

Simple fonctionnaire, M. D... ne peut se permettre de vendre à bon prix le terrain qui lui sert d'apport personnel pour l'achat de sa maison Il ne peut donc que refuser l'offre de la commune tout en espérant que celle-ci finira par renoncer à préempter son bien.

Lorsqu'il saisit le Médiateur de la République, M. D... en était déjà à consacrer la moitié de son salaire aux remboursements d'emprunts contractés et se trouvait confronté à de très graves difficultés financières.

Au plan strict du droit, aucun reproche ne peut être adressé l'autorité municipale. Le Médiateur de la République ne pourra donc que lui exposer la situation à laquelle doit faire face l'intéressé et faire appel à son esprit d'équité en lui recommandant de renoncer, en la circonstance, à exercer un droit qui est le sien. Il aura satisfaction d'être entendu. La mairie renoncera à acquérir le terrain de M. D... et lui délivrera enfin le certificat de non-préemption tant souhaité.

UN JUGEMENT DE SALOMON

Urbanisme - Lotissement - Permis de construire
Réclamation n° 89-0961, transmise par M. Alain Brune, député du Jura

 

Pour accueillir leurs parents très âgés, M. et Mme S... ont agrandi leur maison, construite dans un lotissement. Ce projet d'extension a été réalisé selon les indications données par le conseil départemental d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement.

Mais un proche voisin, constatant que l'extension a été réalisée en violation des règles définies par le code de l'urbanisme, a saisi les tribunaux compétents, les uns afin qu'ils déclarent illégal le permis de construire, les autres pour qu'ils ordonnent la démolition de l'extension litigieuse. Les procédures, menées jusqu'au niveau de l'appel, ont duré plus de huit ans.

Au plan du droit, M. et Mme S... ne pouvaient se soustraire à l'exécution des jugements rendus à leur désavantage.

Le plaignant était cependant d'accord pour renoncer à ses droits à démolition moyennant une réparation en espèces qu'il fixe à 180.000 F. Les époux S... se tournent alors vers l'administration qu'ils estiment responsable des difficultés qu'ils subissent. Ils demandent en conséquence une indemnisation équivalente à la somme fixée par le plaignant

Sans nier sa part de responsabilité dans cette affaire, l'administration entend se conformer à une stricte orthodoxie juridique consistant, au regard de la chose jugée, à faire exécuter la décision rendue par le tribunal, puis à examiner la demande d'indemnisation.

Saisi du dossier, le Médiateur de la République a axé sa démarche sur le terrain de l'illégalité du permis de construire. Il fit admettre que l'équité serait sauvegardée:

1_- en laissant la transaction considérée se dérouler exclusivement entre les parties concernées, permettant ainsi, d'une part, aux époux . de conserver l'extension réalisée, et d'autre part, au plaignant, obtenir réparation du préjudice qu'il a subi;

2_- en considérant les époux S... comme victimes d'un préjudice né de l'illégalité du permis de construire qui leur a été délivré.

Cette proposition a donc permis à chacune des parties de recouvrer ses droits. Le plaignant a obtenu la somme qu'il a demandée et les époux S... ont conservé leur habitation et ont été dédommagés par une indemnisation de 140.000 F.

LA FIN NE JUSTIFIE PAS TOUJOURS LES MOYENS

Plan d'occupation des sols - Droit particulier
Réclamation n° 90-3094, transmise par M. Abel Sempe, sénateur du Gers

 

M. D... est propriétaire, sur la commune de Gareoult (Var), d'un terrain de 1.425 m2, issu de la division, en 1982, en deux parts égales, d'une parcelle en indivision située en zone constructible.

Au mois d'avril 1985 la mairie procède à la révision du plan d'occupation des sols (P.O.S.) et porte à 1650 m2 la superficie minimum des parcelles constructibles. Aucune dérogation n'a été prévue à cette règle.

Les deux parcelles issues de la propriété en indivision étant de superficie inférieure à la norme fixée, M. D... et l'autre propriétaire ne pourront plus réaliser leurs projets de construire leurs habitations.

C'est dans ces conditions que M. D... sollicite l'aide Médiateur de la République.

La régularité de la règle de droit est certaine. L'interdiction de construire qui en découle est légale. Cependant, dans le cas d'espèce, un préjudice réel est causé aux propriétaires.

Dans le souci de trouver une solution équitable dans le respect de l'esprit de la règle de droit, il est proposé au maire de la commune d'autoriser les deux propriétaires à construire en commun un seul immeuble situé de part et d'autre de la limite séparative de leurs terrains et ayant deux accès séparés. Il n'y aurait ainsi qu'un seul bâtiment sur une parcelle de 2.490 m2, conforme donc aux prescriptions du P.O.S..

Le maire, suivi par la commission municipale d'urbanisme, accepte cette proposition sous réserve que des formalités soient accomplies pour rendre à la propriété son caractère de bien indivis, et que le permis de construire ne soit délivré qu'au nom d'un seul des deux bénéficiaires.

La proposition du Médiateur de la République, acceptée par les parties, conciliait l'exigence posée par la règle de droit avec les intérêts des administrés. Ainsi le dossier a-t-il été considéré comme clos.

Pourtant, quelque temps après, le maire de Gareoult informe Médiateur de la République que la direction départementale de l'équipement (D.D.E.) a émis un avis qui l'oblige à revenir sur son acceptation de la proposition qui lui avait été soumise. Les motifs avancés tiennent en deux mots: limiter l'urbanisation.

La volonté de la direction départementale de l'équipement de respecter la lettre du plan d'occupation des sols s'étant révélée irréductible, Médiateur de la République ne pouvait plus renégocier l'affaire. Il en a donc immédiatement avisé le réclamant.

Cette affaire montre que la meilleure volonté ne permet pas d'obtenir à la fois la chose et son contraire.

UNE COLLECTIVITE TERRITORIALE COMPREHENSIVE

Permis de construire - Plan d occupation des sols
Réclamation n° 91-0968, transmise par M. Gérard Larcher, sénateur des Yvelines

 

Mme P..., titulaire d'un permis de construire délivré en 1972, n'a pu entreprendre la construction projetée en raison d'un important retard survenu, par suite d'une erreur de procédure, dans l'attribution de prêts immobiliers qu'elle avait demandés.

Entre-temps, il était procédé par le maire à une révision du plan d'occupation des sols (P.O.S.). Le terrain que Mme P... destinait à édification de son habitation s'est trouvé classé dans une zone non-constructible.

Toutes ses démarches tendant à obtenir l'autorisation de construire sur son terrain n'ont pu aboutir.

Mme P... sollicite l'aide du Médiateur de la République.

Il était évident que les réponses faites à Mme P... ne pouvaient pas être autre que de refus. L'existence d'une réglementation de plan l'occupation des sols crée certes des droits, mais aussi des obligations situant les lignes de partage dans le terrain d'exercice de ces droits. Si Mme P... avait obtenu, en contradiction du règlement du P.O.S., l'autorisation qu'elle sollicitait, ce fait aurait sans nul doute constitué une illégalité et aurait peut-être porté atteinte aux droits d'un administré.

Cependant, la situation de Mme P... demeure marquée d'iniquité. Elle ne pouvait plus réaliser l'opération de construction qu'elle projetait, alors qu'elle bénéficiait à l'origine de l'autorisation nécessaire, dont elle n'a pu disposer pour des raisons indépendantes de sa volonté. C'est sur ce plan qu'il convenait d'apporter une solution.

Le maire de la commune a pu trouver cette solution. Dans le cadre de la révision du P.O.S., la situation de Mme P... a pu être prise en considération. La limite de la zone constructible a ainsi été reculée de dix mètres au droit de la parcelle. Sans inclure dans cette zone la totalité de la propriété, cette modification permettra à l'intéressée d'entreprendre la construction souhaitée.

LE CONCILIATEUR DE L'INTERÊT PARTICULIER ET DE L'INTERÊT GENERAL

Construction - Vestiges archéologiques
Réclamation n° 90-4245, transmise par M. Edouard Landrain, député la Loire-Atlantique

 

M. C... a hérité d'un terrain en zone constructible. Le plan occupation des sols, élaboré en 1976, ne comportait aucune réserve.

Cependant, dans le certificat d'urbanisme positif délivré en 1988, il était indiqué que toute construction sur ce terrain est subordonnée à accord de l'administration chargée de la protection du patrimoine archéologique.

La direction régionale des affaires culturelles du ressort, à laquelle il s'adresse, lui précise que ce terrain, comme ceux qui lui sont attenants, est gelé dans l'attente de la vérification, par des sondages archéologiques, de l'intérêt des vestiges dont la présence avait été décelée lors d'une prospection effectuée dix années auparavant.

Dans un premier temps, il lui était proposé de faire acheter son terrain par la commune et, à défaut, de prendre à sa charge le coût des fouilles,

La mairie consultée a décliné cette offre en raison de la modicité de moyens. M. C..., informé du coût de l'opération de fouilles qui représentait plus de deux fois la valeur du terrain, ne put accepter l'alternative qui lui était proposée.

En octobre 1989, l'administration informe M. C... de son intention d'entreprendre à la charge de l'Etat les travaux de fouilles et obtient de lui à cet effet son autorisation.

En décembre 1990, la situation n'ayant pas évolué, M. C... sollicite l'intervention du Médiateur de la République.

Rappelant au ministre de la culture, de la communication, des grands travaux et du Bicentenaire l'historique de cette affaire, le Médiateur de la République souligne à son attention que M. C... est en droit de se prévaloir des difficultés que lui fait subir cette situation pour réclamer, au titre des dommages de travaux publics, réparation des troubles causés à son fonds.

Il suggère deux solutions:

- soit le classement du terrain à l'inventaire des monuments historiques, l'article 5, 2ème alinéa de la loi du 31 décembre 1913 donnant dans ce cas au propriétaire la faculté de demander l'indemnisation des servitudes et obligations qui en résultent;

- soit le renoncement à poursuivre les travaux autorisant par là-même le propriétaire à réaliser l'opération de construction qu'il projetait.

Deux mois plus tard, le ministre promet de faire hâter l'achèvement des opérations de fouilles et de faciliter au maximum la solution des problèmes évoqués de sorte qu'à la fin de l'année 1991, le propriétaire puisse disposer de son bien.

Le patrimoine archéologique doit être protégé, mais les services responsables doivent aussi se préoccuper des problèmes que cette mission pose aux propriétaires.

DU BON USAGE DE L'EQUITE

 

Dommages de travaux publics - Indemnisation
Réclamation n° 90-1752, transmise par M. Jérôme Lambert, député de la Charente

 

Souhaitant couler sa retraite dans les environs de la commune où il a passé sa vie, M. M... a acquis, non loin de la route nationale 10, une parcelle de terrain pour y construire sa maison d'habitation.

Cette construction achevée, il apprend que le projet de révision du plan d'occupation des sols de la commune prévoit, à proximité immédiate de sa propriété, la réalisation d'une déviation de cette route nationale.

Une dizaine d'années plus tard, le projet de déviation commençant à prendre consistance, M. M..., en raison de son état de santé, cherche à éviter les risques de nuisances que la proximité de cette déviation serait susceptible de provoquer.

Il met en vente sa maison. Dans le certificat d'urbanisme qui lui a été délivré, il a été mentionné à l'intention de l'acheteur qu'une déviation de la route nationale 10 est mise à l'étude et que la propriété est située dans le périmètre d'études de cette déviation.

M. M..., considérant que l'aménagement prévu rendait la vente de sa maison difficile, saisit le tribunal administratif d'un recours en indemnisation.

Deux jugements sont successivement prononcés:

- l'un établissant l'existence d'un préjudice spécial et anormal susceptible d'entraîner la dépréciation de la valeur vénale du bien;

- l'autre allouant à M. M... une indemnité de 216 000 F, l'Etat prenant en charge les frais d'expertise, soit 7.611 F.

En appel, le Conseil d'Etat, considérant que le préjudice n'était pas " réel et certain ", décide qu'il n'y avait ni atteinte à des droits acquis, ni modification de l'état des lieux. (Au moment où le tribunal administratif avait été saisi, la déviation n'était en effet qu'à l'état de projet.)

M. M... s'est donc trouvé dans l'obligation de rembourser les sommes qui lui avaient été versées.

Entre-temps, les travaux avaient été engagés et l'ouvrage arrivait à la hauteur de la propriété de l'intéressé. Celui-ci saisit de nouveau le tribunal, en faisant valoir que le préjudice n'était plus éventuel, mais bien réel.

Parallèlement, il sollicite l'intervention du Médiateur de la République dans l'espoir d'obtenir des services concernés une solution plus rapide.

Un écho favorable est trouvé auprès du ministre de l'équipement. Ne pouvant, de sa propre autorité, ranger le préjudice de M. M... au nombre des dommages résultant d'un ouvrage public, celui-ci ne peut donner au problème de l'intéressé une solution de caractère définitif. Un tel dommage doit en effet être reconnu et évalué par une décision juridictionnelle.

En attendant, le ministre de l'équipement accepte de suspendre le reversement de l'indemnisation dont M. M.. a bénéficié tant qu'il n'a pas été statué définitivement sur cette affaire. La conclusion dépendra de la décision qu'il aura obtenue du juge.

Si cette décision n'est pas favorable à l'intéressé, il sera tenu compte, sur le plan de l'équité, de sa situation patrimoniale et de ses disponibilités financières pour envisager une remise de débit totale ou partielle des sommes restant dues à l'administration.

Sans la loi du 24 décembre 1976 qui a autorisé le Médiateur de la République à intervenir en équité, cette solution n'aurait pas pu intervenir.

UN MAIRE SOUCIEUX D'ARRANGEMENT A L'AMIABLE

Dommages de travaux publics
Réclamation n° 91-0161, transmise par M. Bernard Bioulac, député de la Dordogne

 

Mme C... est propriétaire de deux terrains contigus mais cadastrés séparément, situés en bordure d'un chemin vicinal. Leur superficie totale permettait un lotissement en quatre parcelles de surface tout juste égale à la norme fixée par le plan d'occupation des sols.

Lors de travaux d'aménagement entrepris par la mairie sur cette voie communale, l'un des deux terrains a été amputé d'une partie importante, de nature à entraver son lotissement.

Mme C... demande alors à cette collectivité réparation du préjudice foncier qu'elle subit. Aucune réponse ne lui parvient.

Après près de six mois d'attente, elle sollicite l'intervention du Médiateur de la République.

L'attention du maire est attirée sur la responsabilité encourue par la commune en l'espèce. Il lui est notamment rappelé que le préjudice causé à Mme C... relève du dommage de travaux publics. En la circonstance, il ne fait pas de doute que si une action juridictionnelle était engagée, elle se conclurait à l'avantage de Mme C...

Ainsi recommande-t-il au maire de rechercher une solution amiable qui éviterait à la commune de lourdes charges pécuniaires.

La recommandation faite par le Médiateur de la République a rencontré un écho positif.

UNE AFFAIRE VIEILLE DE TRENTE ANS

Emprise irrégulière - Dédommagement
Réclamation n° 90-0311, transmise par M. Michel Maurice Bokanowski, sénateur des Hauts-de-Seine

 

Mme B... reproche à la commune sur le territoire de laquelle elle possède une résidence secondaire, d'avoir, sans son accord, empiété sur sa propriété en y créant des servitudes: passage de canalisations d'eau publique, amputation partielle de son terrain au profit de la commune, notamment.

Malgré ses demandes réitérées auprès de la mairie, les promesses de procéder à la neutralisation des canalisations, de retirer une partie des branchements ou de déposer la bouche d'eau placée au milieu de sa cour n'ont jamais été tenues. Elle n'a pas davantage réussi à obtenir réparation du dommage permanent qu'elle subit, en toute illégalité, depuis près de trente ans.

Elle en appelle à l'aide du Médiateur de la République.

S'adressant au maire de la commune, le Médiateur de la République lui rappelle que les agissements fautifs commis à l'égard de Mme B... engagent la responsabilité de la commune qui pourrait être citée devant les tribunaux judiciaires pour emprise irrégulière. En effet, la commune ayant agi sans autorisation de la propriétaire du fonds, ni titre juridique légal, ni raisons d'urgence liées à la défense de l'ordre public, a commis une atteinte à la propriété privée relevant de la voie de fait.

Il propose en conséquence deux solutions entre lesquelles la commune devra choisir:

- soit laisser Mme B... saisir le tribunal de grande instance d'une action pour emprise irrégulière et, quelle que soit la durée du procès, l'issue sera en sa faveur;

- soit choisir la voie de la conciliation et réunir l'ensemble des parties intéressées en vue de parvenir à un règlement à l'amiable de l'affaire.

Le maire de cette commune a choisi cette seconde solution. L'arrangement amiable escompté a été rapidement obtenu à la satisfaction de tout le monde.

LA LEGALITE PARALYSEE

Expropriation - Annulation
Réclamation n° 90-2214, transmise par M. Jean-Pierre Delalande, député du Val-d'Oise

 

En 1960, une commune fait procéder à l'expropriation de trois parcelles de terrain contiguës et les cède à une société d'H.L.M. qui y édifie un ensemble immobilier.

En 1964, les propriétaires obtiennent l'annulation de l'ordonnance d'expropriation. Cette décision les ayant rétablis dans leurs droits, ils sont réputés n'avoir jamais perdu la propriété de leurs biens. Par voie de conséquence, les terrains devront être restitués aux intéressés. Mais, entre temps, sur ces terrains, des immeubles ont été édifiés, représentant une valeur considérable par rapport à la valeur des terrains.

En application des dispositions de l'article 555 ß4 du Code civil, contre le tiers constructeur de bonne foi, le propriétaire ne peut exiger la suppression des ouvrages édifiés. C'est exactement le cas de la société d'H.L.M., à qui la commune n'a pas donné connaissance de l'existence d'une procédure devant la Cour de cassation.

Dans une telle circonstance, le Code civil offre aux propriétaires le choix de rembourser au tiers de bonne foi:

- soit une somme égale à celle du fonds valorisé par le prix des immeubles construits;

- soit, lorsque la construction n'est pas achevée, le coût des matériaux et de la main-d'úuvre à leur valeur à la date du remboursement.

En d'autres termes, il ne restait plus aux propriétaires qu'à trouver l'argent nécessaire, quelque seize millions de francs, pour récupérer leurs biens. La modicité des ressources de ces familles rendait un tel choix impossible. Tous sont retraités et leurs revenus annuels ne se sont jamais situés au-delà de quelques dizaines de milliers de francs.

Sollicité d'intervenir dans ce litige, le Médiateur de la République a recommandé au constructeur d'indemniser correctement les propriétaires des terrains.

Dans cette affaire, en effet, les propriétaires réels des terrains n'ont pas légalement les moyens de disposer de leurs parcelles.

De son côté, l'organisme constructeur, qui avait alors programmé une opération de cession de logements, ne pourra faire aucune cession d'immeuble bâti légale aussi longtemps que la régularisation du transfert de propriété n'aura pas été accomplie.

Ainsi mis devant ses responsabilités, cet organisme, dans son intérêt même, ne peut se soustraire à une juste réparation.

Mais de leur côté, les propriétaires des terrains ne doivent pas exiger au-delà de la juste indemnisation.

C'est le stade auquel le traitement de ce litige est parvenu au et septembre 1991.

L'ATTITUDE SPOLIATRICE D'UNE COMMUNE ENVERS SON ADMINISTRE

Expropriation - Valeur du bien à exproprier
Réclamation n° 90-1089, transmise par M. Jean-François Mattei député des Bouches-du-Rhône

 

Un terrain d'une superficie de 1,7 hectare, compris dans le périmètre d'une Z.A.C. locale, fait l'objet d'une procédure d'expropriation.

Le service des Domaines évalue son prix par référence au prix du terrain agricole. Mme M..., son propriétaire, estimant que son bien est de la catégorie des terrains à bâtir, conteste cette évaluation. Elle parvient à en convaincre le service local des Domaines qui se propose alors de rectifier son estimation.

Mais la commune, soutenue par l'aménageur qu'elle a désigné, entend s'en tenir à l'évaluation initiale.

Mme M... entreprend de multiples démarches, alerte la presse, sans succès. Une grève de la faim observée n'attendrit pas davantage le maire de la commune intéressée. C'est alors qu'elle s'adresse au Médiateur de la République.

Une première démarche axée sur la recherche d'un compromis ménageant les intérêts des parties s'est heurtée à l'intransigeance de la commune. Celle-ci s'emploie à faire accélérer la mise en úuvre de la procédure d'expropriation.

Devant cette opposition acharnée, le Médiateur de la République a dû élever sa démarche au niveau du ministre du budget pour qu'il autorise le service local des Domaines à procéder à une nouvelle étude de la valeur du terrain, après avoir vérifié s'il relevait bien de la catégorie des terrains à bâtir.

Le résultat de l'étude opérée par le service des Domaines abondait dans le sens des prétentions de Mme M... La valeur de son bien a été estimée à un taux sept fois supérieur à la somme proposée initialement.

L'heureuse conclusion n'a été rendue possible que grâce au concours diligent du préfet qui avait été convaincu du bon droit de Mme M... et grâce à la compréhension du ministre du budget.

Cette affaire conduit à s'interroger sur le sens qu'un maire peut avoir de sa mission.

COMMENT SE JOUER DES DROITS DU CITOYEN

Servitudes au profit de l'Etat
Réclamation n° 90-1095, transmise par M. Guy Bêche, député du Doubs

 

M. et Mme F... sont propriétaires de deux terrains grevés de deux servitudes au profit de l'Etat. Selon le plan d'occupation des sols, l'une concerne des travaux à réaliser dans le cadre de la mise à grand gabarit du canal Saône-Rhin, l'autre est prévue pour la création d'une voie routière.

A la requête de la direction départementale de l'équipement, M. et Mme F... ont signé, en décembre 1986, une promesse de vente de ces terrains à l'Etat pour la somme de 192.000 F. La durée de validité de la promesse a été fixée à six mois.

Forts de cette promesse conclue avec l'Etat, les intéressés ont engagé, en prévision de leur retraite, des dépenses importantes dans l'aménagement de leur habitation. La conclusion de la vente convenue tardant à se produire, ils s'adressent à la direction départementale de l'équipement et apprennent alors que le projet d'aménagement du canal est abandonné.

Les terrains de M. et Mme F..., demeurant grevés de servitudes, ne trouvaient pas acheteur. Ils subissaient un préjudice non compensé.

Dans ces circonstances, ils en appellent à l'aide du Médiateur de la République.

Dès l'abord, il apparaissait bien que M. et Mme F... ont été victimes d'un comportement pour le moins surprenant de la part de l'administration. Non seulement ils ont dû consentir à l'Etat une promesse de vente leur imposant des engagements léonins, sans aucune contrepartie ni garantie dans l'éventualité d'un désengagement de l'Etat, mais, de plus, l'administration s'est abstenue de les informer, dans un délai raisonnable, de l'abandon par l'Etat de son projet d'aménagement.

Ce n'est qu'en février 1988 en réponse à une lettre qu'ils ont adressée au préfet le 23 octobre 1987, que M. et Mme F... ont appris l'abandon du projet.

Au plan du droit, il a été rappelé au préfet qu'aux termes des articles L. 123-3 et L. 123-3-2 du Code de l'urbanisme, c'est au propriétaire du bien concerné par la servitude qu'il appartient de mettre l'Etat en demeure d'acquérir, et non l'inverse comme dans cette affaire dispositions créent, pour l'administration, l'obligation d'aviser expressément le propriétaire en cas de renoncement.

Si ces dispositions avaient été respectées, le propriétaire ne se serait pas trouvé dans cette situation pénalisante.

Il a donc été demandé à l'administration concernée de fournir les raisons pour lesquelles la réglementation en vigueur n'a pas été respectée et, d'autre part, de faire procéder à la modification du plan d 'occupation des sols pour permettre aux intéressés de recouvrer la pleine disposition de leurs biens.

Le 27 mars 1990, le plan d'occupation des sols a été révisé et M. et Mme F... ont reçu les certificats d'urbanisme positifs correspondant à leurs terrains.

LA PRISE EN COMPTE DES DIFFICULTES D'UN ADMINISTRE

Permis de construire - Péremption
Réclamation n° 90-2960, transmise par M. Yann Piat, député du Var

 

M. et Mme H... avaient obtenu en 1975 un permis de construire pour l'agrandissement d'une maison individuelle leur appartenant, située sur le territoire d'une commune du Var.

Membres d'une association de bâtisseurs libres, ils entreprennent par eux-mêmes les travaux de construction selon le temps dont ils disposent Mais, en 1988, M. H... décède avant d'avoir achevé les travaux entrepris.

Ce décès place très vite Mme H... dans une situation économique très précaire. Une modique pension de réversion, au montant mensuel de 2.100 F, constitue son principal revenu. La petite entreprise artisanale de peinture en lettres, qui faisait vivre le ménage, est abandonnée.

Ne disposant pas de moyens financiers pour confier à des professionnels du bâtiment l'achèvement des travaux et craignant que cette maison, isolée dans une campagne loin de son domicile, ne soit perdue pour elle, Mme H... décide de mettre en vente ce bien. Elle a voulu s'assurer de la possibilité de transférer au futur acheteur le permis de construire qu'elle détient.

Elle reçoit des services consultés une réponse négative, au motif que ce permis serait tombé en péremption et ne serait donc plus transférable.

Cette réponse plonge Mme H... dans le désarroi. Aucun acheteur ne trouverait d'intérêt à l'achat d'une maison de faible habitabilité et, de plus, encombrée d'une construction inachevée et dont la finition est rendue impossible par le nouveau règlement du plan d'occupation des sols.

Devant cet afflux de difficultés, Mme H... souhaite l'aide du Médiateur de la République.

L'examen du dossier permet de relever que les motifs avancés par les services de l'équipement pour prétendre que le permis de construire détenu par Mme H... était périmé sont erronés.

En effet, selon le Code de l'urbanisme (article R. 421-32), la péremption du permis de construire ne survient que dans deux cas:

- lorsque les travaux de construction ne sont pas entrepris dans le délai de deux ans à compter de sa notification;

- ou lorsque les travaux entrepris sont interrompus pendant un délai supérieur à une année

Or, les travaux concernés par le permis ont bien débuté dès 1975 et sont poursuivis sans interruption, sauf depuis le décès de M. H... C'est ainsi qu'entre 1975 et 1977 ont été réalisés les fondations, les murs et une partie du plancher. Certes, en considération de la durée dans le temps, ces travaux sont de faible importance. Mais, effectués, selon la méthode de construction propre aux membres de l'association "Les Castors", M. et Mme H... ne pouvaient s'y consacrer que pendant les jours de fermeture de leur atelier d'artisanat.

Cette argumentation a convaincu le préfet. Eu égard à la situation particulièrement difficile vécue par M. H.... l'engagement a été pris par l'administration préfectorale "de ne pas s'opposer à la délivrance, dans le cadre d'une nouvelle demande, d'un permis de construire permettant l'achèvement de l'extension telle qu'elle a été autorisée à l'origine".

UN SERVICE PUBLIC A CARACTERE SOCIAL OUBLIEUX DE SA MISSION

H.L.M. - Réfection du logement
Réclamation n° 91-0064, transmise par M. Roland Courteau, sénateur de l Aude

 

Mme T... avait occupé, du 1er juillet 1983 au 30 avril 1987, un logement dans un immeuble appartenant à l'office public d'H.L.M. de l'Aude.

A une date que ne précise pas le dossier, mais qui se situerait autour du 15 mai 1987, un relevé de l'état des lieux du logement a été établi.

Le 2 octobre 1987, l'office réclame à Mme T... une somme d'environ 3.000 F représentant le complément aux dépenses de remise en état de l'appartement qu'elle avait occupé.

Mme T... conteste cette dette et persistera dans cette position chaque fois qu'un rappel lui parviendra. Les interventions faites en sa faveur, notamment par des élus locaux, n'ayant été d'aucun effet, elle sollicite l'aide du Médiateur de la République.

L'étude du dossier a fait ressortir des anomalies évidentes concernant le constat et le montant des réparations effectuées pour la remise en état des lieux.

Mais rien n'étant très clair, le Médiateur de la République a préféré plaider en équité en faisant valoir la faiblesse des revenus de l'intéressée qui se limitent à ceux du Fonds national de solidarité, son grand âge et son mauvais état de santé qui l'oblige à effectuer périodiquement des séjours à l'hôpital.

Ces considérations n'ont pas été de celles qui peuvent émouvoir le directeur de l'office qui estime qu'il ne lui est "pas possible de créer un précédent, dans le cadre d'une procédure qui se révèle, hélas, courante". Il s'en est toutefois remis à la bienveillance du receveur chargé du recouvrement de la créance pour un remboursement échelonné de la dette.

UN ABUS DE POUVOIR

H.L.M. - Recouvrement de créances
Réclamation n° 90-4480, transmise par M. François-Michel Gonnet, député de l'Oise

 

M. L... avait occupé en location un appartement, situé à Compiègne, propriété d'un office public d'aménagement et de construction (O.P.A.C.) dont le siège social est situé à Beauvais.

Lorsqu'il a donné congé de ce logement, le 7 avril 1986, il a proposé à l'O.P.A.C., qui l'a accepté, un successeur. La remise des clefs et l'état lieux ont été effectués le 29 avril 1986, sans observations.

Mais le 8 septembre 1987, l'O.P.A.C., s'étant décerné à lui-même un état de poursuites à l'encontre de M. L..., a entrepris de faire payer celui-ci un rappel de deux mois de loyer par voie de saisie-arrêt. Sur recours de M. L..., le tribunal, par décision rendue le 12 novembre 1987, rejeta la demande.

Le 12 janvier 1988, l'O.P.A.C. fait dresser par un huissier de justice procès-verbal de saisie-exécution dans des circonstances qui s'avéreront illégales et conduiront le tribunal d'une part à débouter de sa demande l'O.P.A.C. et à déclarer la saisie pratiquée nulle et irrégulière d'autre part, à condamner cet organisme à verser à M. L... des indemnités en réparation.

Après s'être acquitté de l'indemnisation allouée par le juge, l'O.P.A.C. ne désarme pas et entreprend, quelques mois plus tard, contre M. L..., une nouvelle procédure de saisie-exécution.

Le 24 mars 1989, le même huissier de justice force la porte de l'habitation de M. L... et, profitant de son absence, en change la serrure et placarde sur la porte une affiche annonçant la "vente aux enchères publiques par autorité de justice".

M. L... dépose alors une plainte pour violation de domicile et voies de fait. Pour des raisons de compétences d'ordre territorial, la plainte M. L... tardait à être instruite. C'est ainsi que l'aide du Médiateur de la République est sollicitée.

La prise en charge de la réclamation de M. L... se heurte au principe posé par la loi du 3 janvier 1973 (article 2) de ne pas intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction.

Toutefois, la façon dont ce litige s'est constitué, la volonté manifestée par des officiers ministériels d'ignorer une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée, les manquements dont se sont rendus coupables ces mêmes officiers au regard de la loi, ont conduit le Médiateur de la République, pour des raisons d'humanité, à saisir le président du tribunal de grande instance et le procureur de la République pour qu'une suite soit donnée aux plaintes déposées par M. L... dont l'état de désarroi est devenu extrême.

Cette démarche a été accompagnée d'une intervention auprès de l'Union nationale des fédérations d'organismes H.L.M.

UNE MEILLEURE COMPREHENSION DES DIFFICULTES VECUES PAR LES VlCTIMES D'ACCIDENTS THERAPEUTIQUES

Accidents thérapeutiques - Réparation
Réclamation n° 91-0742, transmise par MM. André Diligent, sénateur du Nord et Bernard Carton, député du Nord

 

En 1970,, Mme D..., alors âgée de dix-huit ans, à la suite d'une chute ayant provoqué une blessure au genou, a subi l'ablation d'un ménisque articulaire, suivie de l'apposition d'un plâtre chirurgical à la jambe blessée

S'étant plainte de douleurs lancinantes, il lui fut administré des calmants. Cinq semaines plus tard, une nouvelle intervention chirurgicale fit apparaître, d'une part, un hématome de deux litres environ , d'autre part, le sectionnement de l'artère au niveau du jarret, pourtant distante du ménisque enlevé lors de la première intervention chirurgicale.

Après deux années de séjours successifs effectués entre les soins hospitaliers et sa convalescence dans un centre spécialisé de rééducation fonctionnelle, Mme D... regagne son domicile. Le trouble persistant et important de la marche sur sa jambe nécessitera l'usage de chaussures orthopédiques et d'une canne anglaise; en outre, la station debout prolongée lui est impossible dira, à partir des conclusions de l'expert, le tribunal administratif saisi en première instance.

Il en est résulté pour le centre hospitalier de Roubaix, le 17 décembre 1986,, une condamnation à verser à Mme D... à titre de réparation somme de 468.747 F portant intérêt légal à compter du 3 juin 1981.

La cour administrative d'appel, saisie par le centre hospitalier, ramènera le montant de l'indemnité, précédemment fixée à 468.747 F, à la somme de 187.981 F, à laquelle s'ajouteront les intérêts légaux.

S'étant pourvue en appel devant le Conseil d'Etat contre la décision la cour administrative d'appel, Mme D... sera déboutée par un jugement en date du 5 décembre 1990 et devra en conséquence rembourser à la société d'assurance du centre hospitalier, la S.H.A.M., environ la somme de 428.000 F.

Cette décision place l'intéressée dans une situation financière très difficile, compte tenu notamment de la modicité de ses revenus. Elle sollicite l'intervention du Médiateur de la République.

S'agissant de décisions juridictionnelles entrées en force de chose jugée, l'intervention sollicitée a été effectuée par voie de recommandation auprès du centre hospitalier pour que les conséquences exagérément sévères de la décision de justice soient compensées au nom de l'équité.

La S.H.A.M., dont le sens de l'équité s'était déjà manifesté dans des affaires semblables à celle de Mme D..., s'est engagée à procéder, par souci d'équité, à un réexamen bienveillant du dossier de 1'intéressée.

AFFAIRE SAMUEL DOUET

Risque thérapeutique
Réclamation n° 89-3713, transmise par Mme Marie-Madeleine Dieulangard, députée de la Loire-Atlantique

 

L'enfant Samuel Douet, alors âgé de trois ans, à la suite d'une toxicose, avait été admis au centre hospitalier régional de Nantes.

Une perfusion pratiquée dans l'artère humérale gauche, maintenue pendant dix heures, a provoqué un arrêt de la circulation sanguine dans le bras entraînant la gangrène. Il fallut procéder à une amputation du bras au-dessus du coude.

Une action juridictionnelle est engagée par ses parents. Le tribunal administratif, imputant à l'hôpital un défaut de surveillance, le condamna le 12 septembre 1985, à verser une indemnité en capital d'un million de francs à l'enfant et dix mille francs à chacun de ses parents.

Le Conseil d'Etat, sur appel de l'hôpital, estima que les soins pratiqués avaient été "satisfaisants" et "conformes aux règles de l'art". Il annula le jugement rendu par le tribunal administratif et condamna les époux Douet à reverser les sommes perçues, soit 1.020.000 F, augmentées des intérêts et des frais de procès, ce qui portait le total du coût de l'accident à 1.220.000 F.

En vertu de la décision du Conseil d'Etat, la compagnie d'assurance était fondée en droit à exiger le remboursement de 1.220.000 F représentant le total de l'indemnité versée et des intérêts de la somme courus.

Les époux Douet demandèrent au trésorier principal de Nantes une remise de dette, que celui-ci n'avait pas le droit d'accorder.

L'affaire en était à ce point lorsque les époux Douet saisirent le Médiateur de la République en s'étonnant que le Conseil d'Etat ait pu estimer que l'amputation d'un bras d'un tout jeune enfant à la suite d'un défaut de surveillance pouvait rester sans réparation pécuniaire.

Le Médiateur de la République partagea cette manière de voir en estimant que les conséquences de cette décision juridictionnelle étaient inéquitables et en demandant à l'hôpital et à sa compagnie d'assurance de les compenser en n'exerçant pas les droits à rembourser qui leur étaient reconnus.

La compagnie d'assurance "La Préservatrice foncière assurances" subrogée dans les droits du centre hospitalier accepta, par solidarité envers la victime, de renoncer partiellement à l'exercice de ses droits en accordant une remise de dette de 520.000 F.

Malgré la compréhension ainsi manifestée par l'assureur, il restait à la famille la charge de rembourser 700.000 F. Une somme trop importante pour une famille éprouvée et aux revenus modestes.

Une démarche est alors engagée auprès du Gouvernement pour que, de son côté, la collectivité nationale, représentée par l'Etat, marque sa solidarité en complétant l'effort consenti par la compagnie d'assurances pour apurer entièrement la dette des époux Douet.

Le ministre des affaires sociales et de l'intégration, M. Jean-Louis Bianco, avec l'assentiment du ministre de la santé, M. Bruno Durieux, a accepté de suivre la recommandation du Médiateur de la République en déléguant à la direction départementale des affaires sociales de la Loire-Atlantique une somme de 700.000 F qui sera ensuite mandatée à la compagnie d'assurances.

Dans cette affaire, l'intervention du Médiateur de la République aura permis, grâce à la compréhension des diverses parties prenantes, d'éviter une grave iniquité provoquée par la persistance d'un fondement inadapté de la jurisprudence du Conseil d'Etat concernant la reconnaissance de la responsabilité en matière de risque thérapeutique dans les hôpitaux publics, situation à laquelle l'adoption d'un projet de loi, suggéré par le Médiateur de la République, devrait remédier bientôt.

UNE INIQUITE INACCEPTABLE

Hôpital - Conseil d'Etat - Responsabilité médicale
Réclamations n° 87-3698 et n° 88-0487, transmises par M. Pierre Louvot, sénateur de la Haute-Saône.

 

Cette affaire a déjà été évoquée dans le rapport de 1988.. Nous croyons cependant utile de la rappeler, car elle constitue une bonne illustration des graves conséquences de l'accident thérapeutique et des préoccupations du Médiateur en la matière.

M. V... est maçon. En travaillant sur un toit, il fait, le 1O janvier 1978,, une chute d'une hauteur de six mètres qui provoque une double fracture des avant-bras.

Admis dans un hôpital départemental, son bras droit a été plâtré avec retard, sans les précautions d'usage. Le lendemain, le malade se plaint de démangeaisons. Il lui est répondu qu'il est douillet. Le jour suivant, le malade a de la fièvre. On lui dit d'attendre. Cependant, les signes d'une infection de la plaie sont de plus en plus manifestes, on craint le développement d'une gangrène gazeuse. Transporté d'urgence au centre hospitalier universitaire quatre jours après l'accident, il doit être amputé de l'avant-bras droit.

Afin d'être indemnisé du grave préjudice qu'il attribue à une faute médicale, M. V... dépose une plainte devant la juridiction pénale. Au vu des rapports d'expertise, un non-lieu est prononcé le 1er juin 1981.

M. V... demande alors à la juridiction administrative de reconnaître la responsabilité de l'hôpital:

Le tribunal administratif, par un jugement intervenant cinq ans après l'amputation, déclare l'établissement hospitalier responsable, non pour faute lourde médicale, mais pour défaut de bonne organisation du service public hospitalier, et le condamne à verser à M. V 500.000 F de dommages et intérêts.

La compagnie d'assurances qui couvre l'hôpital contre les risques liés a son fonctionnement exécute le jugement et verse les 500.000 F à M. V..., nonobstant le fait que l'hôpital se soit pourvu en appel devant le Conseil d'Etat. Huit ans après les faits, le Conseil d'Etat décide l'annulation du jugement au motif qu'on ne peut reprocher à l'hôpital ni faute lourde d'ordre médical, ni même une faute simple dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier.

Comme elle est en droit de le faire, la compagnie d'assurances réclame à M. V... le remboursement de la somme de 500.000 F, ainsi que les intérêts de la somme versée, soit 160.000 F.

M. V... n'est pas riche: il ne pourrait rembourser une telle somme sans vendre sa maison. De plus, il ne peut évidemment plus exercer son métier.

Après cette bataille juridique engagée en vain par M. V.... l'intervention du Médiateur de la République est sollicitée.

Dans un premier temps, on ne pouvait que constater que, au plan strict du droit et quoi qu'on pût penser de la solution retenue par le Conseil d'Etat, M. V... devait rembourser. Par ailleurs, sur le plan de l'équité, on ne pouvait rien espérer étant donné l'attitude ferme de l'hôpital.

C'est alors que les médias se sont intéressés à cette affaire, notamment l'émission " Médiations " diffusée sur T.F.1. Cet écho a permis d'intervenir à nouveau, et cette fois avec succès, auprès des organismes concernés qui ont accepté la solution équitable qui leur a été proposée, fondée sur le fait qu'un malade hospitalisé pour une fracture du poignet ne doit pas sortir amputé du bras.

La compagnie d'assurances a accepté par solidarité pour la victime et alors qu'elle n'y était pas légalement tenue de renoncer aux intérêts de la somme due par M. V... ainsi qu'à la moitié de cette somme, l'hôpital prenant à sa charge l'autre moitié.

L'étroite collaboration entre le Médiateur, les médias et les différents intéressés a donc permis d'obtenir une solution équitable pour M. V...

Par ailleurs, cette affaire a donné l'occasion de proposer deux réformes.

La première (proposition STR 88-02) tend à modifier les règles d'indemnisation des victimes d'accidents thérapeutiques, en dissociant l'indemnisation et la recherche de responsabilité. L'indemnisation, assurée par une caisse spéciale, se ferait immédiatement si le dommage constaté est la conséquence d'une anomalie dans le traitement. La responsabilité des praticiens ou des établissements serait ensuite recherchée par cette caisse, subrogée alors aux droits des victimes. Les dommages-intérêts que la caisse obtiendrait seraient versés à son budget. Une contribution de l'administration (au titre des hôpitaux) et des professionnels (établissements privés et médecins) s'y ajouterait.

L'éventualité d'une taxe sur les contrats d'assurance pourrait être envisagée s il était décidé d'associer au système les usagers bénéficiaires et les assureurs.

L'attention est par ailleurs appelée sur la nécessité d'uniformiser les règles es de mise en jeu de la responsabilité en matière d'accidents thérapeutiques, différentes entre les deux ordres de juridictions. La différence aboutit à ce paradoxe que, pour le même accident, la responsabilité de 1'hôpital public ne peut être établie qu'en cas de faute dite "lourde", alors que la faute simple suffit en ce qui concerne la médecine privée.

La seconde proposition (proposition PRM 88-02) vise à prévenir les conséquences désastreuses pour la victime qui, à la suite de l'annulation en appel d'un jugement de première instance, se voit réclamer, en capital et en intérêts, le remboursement des indemnités qui lui avaient été allouées.

Il est demandé à l'hôpital appelé à verser une indemnisation d'informer la victime sur les effets d'un jugement en annulation, et de prendre en considération, avant de faire appel, l'ensemble des éléments de l'affaire du point de vue juridique, mais aussi du point de vue de l'équité.

LA MALADIE EST-ELLE UN RISQUE SOCIAL ?

Débiteur insolvable - Obligation alimentaire
Réclamation n° 91-0958, transmise par M. Edouard Balladur, député de Paris, ancien ministre

 

M. P..., âgé de trente-cinq ans, a effectué, entre le 25 octobre 1986 et le 4 avril 1989, de fréquents et courts séjours dans différents établissements hospitaliers de la région Ile-de-France. Au total, sept établissements l'ont successivement hébergé durant cette période.

Chaque fois, il laissait impayés les frais de ses séjours.

Au terme de ce parcours, les factures hospitalières atteignaient la somme de 147.000 F. M. P... n'avait ni domicile fixe, ni couverture sociale connue.

Ne parvenant pas à récupérer leurs créances, les centres hospitaliers concernés se sont tournés vers les parents de l'intéressé, que les dispositions des articles L. 708 du Code de la santé publique et 205 à 207 du Code civil instituent comme "débiteurs alimentaires", c'est-à-dire tenus de rembourser certaines dépenses de leurs enfants.

Désemparés par la réclamation qui leur est présentée, les parents de l'intéressé, ne disposant pas de biens propres et dont les revenus sont modestes, sollicitent l'aide du Médiateur de la République.

La genèse de l'affaire qui lui est soumise suscitait un certain nombre d'interrogations. Notamment pourquoi, dans les divers hôpitaux où il a été hébergé, tant à l'entrée qu'à la sortie, les formalités habituelles de vérification de l'identité et de l'affiliation sociale en particulier, ne furent jamais accomplies, alors que le séjour de l'intéressé y durait, en moyenne, plus de deux semaines.

Cette réflexion, ajoutée à la précarité de la situation pécuniaire des parents de M. P... qui, depuis quelques années, aidaient en partie à l'entretien des trois enfants de leur fils, nés de mères différentes et qu'il avait abandonnés dès leur naissance, a permis de sensibiliser l'attention des responsables, soit à la tête des hôpitaux, soit des services de recouvrement.

Un hôpital a consenti une remise portant sur la totalité de sa créance qui atteignait la somme de 10.116 F. Les autres organismes, moyennant des informations complémentaires que la famille a été invitée à produire, se sont déclarés disposés à réexaminer avec bienveillance la demande de remise gracieuse qui leur a été présentée.

Cette affaire pose un problème aigu, celui du recouvrement des créances hospitalières dans le service public (cf. le chapitre "Le droit des malades", pp. 140 et suivantes).

UN MANQUE DE COORDINATION ENTRE SERVICES

Créance hospitalière - Recouvrement
Réclamation n° 90-3713, transmise par M. Bernard Pons, député de Paris

 

Le 15 juillet 1987, Mme L... a été victime d'un accident sur son lieu de travail et immédiatement conduite à l'hôpital où elle a séjourné jusqu'au 21 juillet 1987.

La caisse primaire d'assurance maladie (C.P.A.M.) a reconnu le caractère professionnel de l'accident, le 11 septembre 1987, ce qui dispensait Mme L... de tout paiement au titre des soins.

Cependant, le Trésor public a adressé le 15 janvier 1990 à Mme L... un avis de payer une somme de 12.000 F, représentant les frais d'hospitalisation.

Mme L... a transmis à l'hôpital, dès le 19 janvier 1990, les documents attestant de l'admission de son accident dans la catégorie des accidents du travail par la caisse primaire d'assurance maladie. Mais, redoutant les complications administratives, elle sollicite simultanément l'aide du Médiateur de la République.

L'intervention a été effectuée auprès de la C.P.A.M. et du payeur général de l'assistance publique chargé du recouvrement de la créance de l'hôpital. Dans un premier temps, la C.P.A.M. a opposé un rejet de la demande de prise en charge des frais d'hospitalisation au motif que la demande de paiement lui est parvenue plus de deux ans, délai de prescription, "après le premier jour du trimestre suivant celui auquel se rapportent les prestations concernées". Le trésorier payeur général, quant à lui, n'ayant pas le pouvoir d'annuler la créance dont le recouvrement est mis sous sa responsabilité, ne pouvait qu'accorder un règlement de la somme due par acomptes.

Une recherche plus approfondie révélera que:

- l'hôpital, faute de connaître l'adresse de Mme L..., n'a pas pu diligenter plus tôt qu'il ne le fit, le recouvrement de sa créance;

- la procédure de recouvrement n'a été engagée par l'organisme collecteur que longtemps après sa saisine par l'hôpital;

- la caisse primaire d'assurance maladie dont Mme L... est devenue affiliée a la suite d'un changement de domicile intervenu postérieurement à son accident n'avait pas effectué la régularisation du transfert auprès de la caisse précédente, celle qui avait reconnu le caractère professionnel de l'accident.

Ces circonstances conjuguées avaient placé Mme L... dans l'impossibilité de se rendre compte plus tôt de la dette qui était en train de lui être imputée.

Le plaidoyer développé autour de ces points a fait prendre aux organismes concernés conscience de la non responsabilité de Mme L... dans les retards intervenus dans le règlement de la créance de l'hôpital.

Ainsi tout a fini par rentrer dans l'ordre.

LA SOLIDARITE FAMILIALE ET L'EQUITE

Obligation alimentaire - Qualité du redevable
Réclamation n° 89-1538, transmise par M. Jean-Yves Haby, Député des Hauts-de-Seine

 

A sa sortie de l'hôpital, après y avoir passé une dizaine de jours M. A... n'a pas fait valoir ses droits à la sécurité sociale.

L'hôpital, après avoir vainement exercé des poursuites à son encontre, demande à ses parents, en qualité de débiteurs alimentaires le paiement des frais de séjour.

Suite au refus des parents, une action juridictionnelle a été intentée d'abord devant le tribunal d'instance, puis en appel. Cette action a abouti à la condamnation des parents de M. A... au paiement de l'intégralité de la facture hospitalière, soit 12 972,42 F.

Les intéressés soutenaient qu'au moment de son hospitalisation, leur fils était marié et bénéficiait, à titre d'ayant droit, de la couverture sociale de son épouse qui exerçait une activité rémunérée.

La caisse primaire d'assurance maladie concernée refusait, pour sa part, de prendre en charge la facture litigieuse en raison de l'expiration du délai de forclusion s'appliquant en la matière.

Devant cet imbroglio, les parents sollicitent l'aide du Médiateur de la République.

Dans son intervention auprès du directeur de la caisse primaire d'assurance maladie, le Médiateur de la République fit valoir les circonstances particulières de cette affaire:

- négligence de M. A... à faire constater ses droits à la sécurité sociale, due à de graves problèmes de santé;

- situation financière très modeste des parents qui avaient encore des enfants à charge;

- impossibilité pour eux de faire connaître leur contestation dans le délai de forclusion de deux ans, puisqu'ils n'ont eu connaissance de l'existence de la facture litigieuse que trois ans après les faits.

Le Médiateur de la République proposait donc qu'à titre tout à fait exceptionnel, M. A... puisse bénéficier d'une levée de sa forclusion afin que sa demande puisse être examinée en commission de recours amiable.

Par souci d'équité, le directeur de la C.P.A.M. a fait droit à cette proposition.


De telles situations se produisent fréquemment à l'endroit des parents ou des enfants de la personne hospitalisée, celle-ci étant soit décédée, soit dépourvue de toute couverture sociale, soit encore insolvable. Elles tirent leur fondement légal de l'obligation alimentaire prévue aux articles 203 et suivants du Code civil; aux termes de ces dispositions, les parents, enfants, petits-enfants, gendres et belles-filles sont tenus à une obligation alimentaire.

Cette obligation, fondée sur les liens de parenté ou sur la solidarité familiale, s applique également en matière de recouvrement de prestations sociales.

Ainsi, après avoir tenté en vain de recouvrer leur créance à l'encontre du débiteur, les établissements hospitaliers exercent leur recours contre les débiteurs alimentaires désignés par le Code civil.

Ce qui n'est pas sans poser des problèmes lorsque, par exemple:

- il n'existe plus de rapports depuis de nombreuses années pour des raisons diverses, entre parents et enfants;

- ou encore lorsque le débiteur alimentaire ne dispose que de faibles ressources...

Le principe de la solidarité dans le cadre de la famille mérite d'être préservé. Mais l'évolution des dépenses de santé a conduit à une situation que les rédacteurs des articles 203 du Code civil ne pouvaient prévoir.

Il serait utile que le législateur fixe les limites des obligations qui, actuellement, découlent pour l'essentiel de la jurisprudence.

LA SOLIDARITE SOCIALE N'EST PAS UN VAIN MOT

Créance hospitalière - Obligation alimentaire
Réclamation n° 91-0595, transmise par M. Christian Grillo, député du Var

 

A la suite de difficultés financières, M. G..., affilié à la caisse d'assurance maladie des professions artisanales et commerciales, n'a pu régler ses cotisations qu'après plusieurs mois de retard. Ce fait a été à l'origine du refus, par la caisse régionale de ce régime, de prendre en charge les frais d'hospitalisation de son fils en tant qu'ayant droit.

Saisie par l'intéressé, la commission de recours amiable de cet organisme confirme la décision de refus. Aussitôt, le centre hospitalier engage contre M. G... des poursuites directes en recouvrement.

M. G... en appelle alors à l'aide du Médiateur de la République.

Dans son intervention, le Médiateur de la République, sans contester au plan du droit la régularité de la position prise par la caisse régionale, lui demande cependant de réexaminer au plan de l'équité la situation de M. G... Il souligne en particulier les circonstances difficiles vécues par l'intéressé:

- abandonné par son épouse, il assume seul la charge de ses deux enfants;

- travaillant de façon occasionnelle, sa situation financière est très précaire;

- enfin, en dépit de graves problèmes financiers, il s'est quand même efforcé de régler en totalité les cotisations en retard ainsi que les pénalités sanctionnant leur versement tardif.

Auprès du centre hospitalier, il a pu obtenir la mise en jeu de la procédure d'admission en non-valeur qui, au plan de la comptabilité de l'établissement, rend la créance stérile mais laisse au créancier, en cas de retour de la solvabilité du débiteur, la faculté d'en poursuivre le recouvrement.

Parallèlement, en faisant valoir que M. G... n'aurait pas été institué débiteur en l'espèce si son cas avait pu être soumis à la direction de l'action sanitaire et sociale en temps utile, il a demandé au président du conseil général de proposer l'admission de l'intéressé à l'aide sociale. Cette mesure, en réglant la créance du centre hospitalier par des voies normales de protection sociale, résoudrait le problème pour M. G... et pour le centre.

MEDIATION SANS FRONTIERE

Coopération entre Ombudsmans
Réclamation n° 89-2475, transmise par M. Gilles de Robien, député de la Somme

 

Depuis 1983 Mme G..., de nationalité espagnole, est titulaire d'une pension de réversion servie par la caisse régionale d'assurance maladie (C.R.A.M.) de Nord-Picardie.

Agée alors de soixante ans, l'intéressée par l'intermédiaire de la C.R.A.M., sollicite également de l'Instituto nacional de la seguridad social (I.N.S.S.) espagnol, le bénéfice d'une pension de réversion au titre des droits acquis par son époux qui avait travaillé en Espagne de 1952 à 1961 soit au total 93 mois de cotisations au régime espagnol de sécurité sociale.

Deux ans plus tard, le 13 novembre 1985, l'organisme espagnol avisait l'intéressée du rejet de sa demande de pension de réversion au motif qu'elle n'était ni âgée d'au moins soixante-cinq ans, ni reconnue médicalement inapte au travail dès l'âge de soixante ans.

Or, Mme G... remplissait bien toutes les conditions pour bénéficier de sa pension puisque le service médical régional l'avait reconnue inapte au travail le 8 septembre 1983, année de son soixantième anniversaire.

Elle a donc demandé l'aide du Médiateur de la République pour obtenir au plus tôt satisfaction auprès du régime espagnol de sécurité sociale.

Afin de permettre à Mme G... d'obtenir aussi rapidement que possible la jouissance de ses droits, le Médiateur de la République a personnellement demandé à son homologue espagnol, M. Alvaro Gil-Robles y Gil-Delgado, "Defensor del Pueblo", de faire diligence auprès de 1'I. N. S. S. afin d'accélérer la procédure d'instruction du dossier de pension de Mme G...

La collaboration du Défenseur du Peuple espagnol a été précieuse. L'instruction de la demande de Mme G... a été confiée à la direction de la sécurité sociale de la province d'Avila, en liaison avec la C.R.A.M. de Nord-Picardie.

C'est ainsi que les droits à pension de Mme G... ont été reconnus, avec effet à compter du 1er janvier 1986.

La caisse de sécurité sociale française, informée par son homologue de la province d'Avila, a apporté toute la diligence requise pour liquider au plus tôt les droits à pension de Mme G...

La médiation entre l'administration et le citoyen ne connaît donc pas de frontières.

UNE COOPERATION INTERNATIONALE FRUCTUEUSE

Activités exercées dans un pays étranger - Formalités
Réclamation n° 90-3944, transmise par M. Roland Nungesser député du Val-de-Marne

 

M. C..., citoyen français, a travaillé depuis le mois de mars 1952 jusqu'au mois de janvier 1956, dans différentes entreprises au Canada.

Désirant obtenir la liquidation de ses droits à pensions pour la période concernée, il adresse, le 21 février 1990 au service pension-vieillesse en Ontario un dossier de demande de pension de retraite.

Le 19 juin 1990 il reçoit de ce service un accusé de réception. N'obtenant depuis aucune autre information, le 13 novembre 1990 il sollicite l'intervention du Médiateur de la République.

S'agissant d'une affaire qui met en cause une administration d'un Etat étranger, le champ d'action du Médiateur de la République s'en trouve limité, sauf à impliquer le ministère français des affaires étrangères. Procédure qui ne peut être que de lourdeur et de difficultés.

Il choisit de "consulter" son homologue canadien, alors Mme Roberta Jamieson, Ombudsman.

Par retour du courrier, le Médiateur de la République apprend que le traitement de la demande de M. C... ne pose pas de question de fond. Mais la réglementation canadienne exige la présentation dans le dossier de preuves formelles de tous les documents. Or M. C... n'avait transmis que des photocopies sans certification de leur conformité aux documents originaux.

Le 25 février 1991, M. C... a été informé de la nécessité de ces formalités. Il pourra, éventuellement avec le soutien de l'Ombudsman canadien, régler rapidement son affaire.

DECISION DE JUSTICE ET EQUITE

Cour européenne des Droits - de l'Homme et Médiateur français
Réclamation n° 90-0476 transmise par M. Gérard Léonard, député de Meurthe-et-Moselle

 

Souffrant de troubles nerveux, M. H..., instituteur, a été hospitalisé sur sa demande, de mai à septembre 1961, au service psychiatrique d'un établissement hospitalier. Il reprendra ses fonctions pour une brève période; mais son état de santé ne tardera pas à se détériorer de nouveau et, en 1963, après 14 mois de congé maladie, il sera radié du corps départemental des instituteurs.

M. H... imputera cette aggravation et la perturbation définitive de son existence au traitement aux amphétamines qui lui a été appliqué et, en 1974, il en demandera l'indemnisation à l'hôpital concerné. Ayant essuyé un refus, il saisira la juridiction administrative. En 1978, le tribunal administratif rejettera sa requête. Le Conseil d'Etat confirmera ce jugement par un arrêt de novembre 1981.

M. H... saisira alors la Cour européenne des Droits de l'Homme (C.E.D.H.) en invoquant les préjudices subis du fait :

- de la lenteur de la procédure,

- de son caractère inéquitable.

En octobre 1989, la juridiction européenne donnera raison, sur le premier point, au requérant et condamnera l'Etat français à verser une somme de 90.000 F pour remboursement des frais de justice et en réparation du préjudice moral imputable aux lenteurs de procédure. Sur le second point, en revanche, la Cour estimera que "la cause (de M. H...) a été équitablement entendue par les juridictions nationales de la France".

Ne désespérant pas d'obtenir satisfaction sur le fond de l'affaire, M. H... s'adressera enfin au Médiateur de la République.

Une intervention de la part du Médiateur de la République ne pouvait pas être envisagée pour trois raisons:

1ère : sur le plan du droit, le Médiateur ne peut remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle; or ce dossier a fait l'objet de décisions définitives, tant sur le plan national que sur le plan européen;

2ème : même si les décisions des juridictions françaises lui avaient paru avoir des conséquences inéquitables, il n'aurait pas pu intervenir par une recommandation "en équité" priant l'établissement hospitalier de renoncer au bénéfice de la chose jugée. En effet, si la loi du 24 décembre 1976 élargissant les pouvoirs du Médiateur de la République a voulu qu'une institution propose des compensations aux effets inéquitables de l'application des lois, règlements et décisions de justice, encore faut-il qu'il existe des conséquences inéquitables. Le Médiateur de la République ne peut agir que si l'autorité publique (administration ou juridiction) s'est prononcée en droit et non en équité. Mais en l'espèce, le juge international n'avait pas négligé de prendre en compte les impératifs d'équité puisqu'il avait précisément affirmé le caractère équitable de la procédure. La mission du Médiateur de la République avait été accomplie au niveau de la C.E.D.H.;

3ème : enfin, sur le plan institutionnel, la non-exécution de l'arrêt d'un tribunal international ne pourrait se produire que pour de graves motifs gouvernementaux et exigerait une décision au plus haut niveau. Le Médiateur de la République, autorité d'un Etat qui a accepté la juridiction de la C.E.D.H., ne peut évidemment, quant à lui, que s'incliner devant ses décisions.

UN EXEMPLE DANS LA COORDINATION COMMUNAUTAIRE EUROPEENNE

Sécurité sociale - Droits des ressortissants de la Communauté
Réclamation n° 90-3649, transmise par M. Michel Crépeau, député de la Charente-Maritime, ancien ministre

 

Lors d'un séjour temporaire en France, un citoyen portugais est hospitalisé d'urgence au service de cardiologie du centre hospitalier de La Rochelle.

Son état de santé nécessitant son transfert au centre hospitalier régional de Bordeaux, le centre hospitalier de La Rochelle fait appel à une société d'ambulances.

Plus de quinze mois plus tard, le transporteur, n'ayant pu obtenir le paiement de sa facture auprès des diverses personnes qui étaient intervenues dans ce transport, sollicite l'intervention du Médiateur de la République.

Un examen des diverses réglementations applicables en la matière releva que, si la prise en charge des dépenses de santé incombait à l'organisme de sécurité sociale portugais, ce n'était pas le cas pour les frais de transport qui, par ailleurs, ne devaient pas être pris en charge par le régime français. Cette lacune consécutive à des réglementations discordantes rendait inéquitable la situation du transporteur.

La caisse primaire d'assurance maladie (C.P.A.M.) de la Gironde a donc été invitée à se mettre en rapport avec la caisse portugaise et à envisager les modalités de prise en charge de la facture de l'ambulancier, dans le cadre de la coordination communautaire en matière de sécurité sociale.

Finalement, la C.P.A.M. a pris en charge la créance de la société. Le 28 janvier 1991, moins de trois mois après la saisine du Médiateur de la République, mais plus de dix-sept mois après l'exécution de sa prestation, le transporteur a fini par recevoir son dû.

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