L'ATTITUDE DES SERVICES



A.L'ACCUEIL RESERVE PAR L'ADMINISTRATION DES FINANCES ET DU BUDGET


On ne soulignera jamais assez la volonté des administrations d'accomplir leur mission le mieux possible.

On ne reconnaîtra jamais assez la qualité de leur travail et leur souhait de donner satisfaction à l'usager toutes les fois que cela est possible.

Mais il ne faut pas oublier que les administrateurs ne sont pas libres de prendre les décisions qui leur plairaient le plus : ils ont pour mission d'exécuter les règlements qui permettent d'appliquer les lois. La lettre de ces règlements est contraignante. Elle s'applique à eux.

De plus, lorsque les règlements sont assez souples pour leur laisser une marge de pouvoir d'appréciation, la liberté qui leur est ainsi donnée ne s'apparente pas à un pouvoir discrétionnaire. Elle a été seulement prévue pour leur permettre d'apporter la meilleure solution possible au problème posé, compte tenu des circonstances particulières au cas de l'usager, dans le cadre du règlement (cf. cas n° 90- 2712, p. 333).

C'est généralement à l'occasion de l'utilisation de cette marge de liberté que le Médiateur de la République intervient lorsque la solution retenue aurait pu et dû être meilleure pour l'usager.

Le Médiateur de la République intervient aussi lorsque la solution retenue s'imposait à l'administrateur en raison de la précision des termes de la loi ou du règlement, mais qu'il apparaît cependant que cette solution, irréprochable sur le plan du droit, a des conséquences inéquitables.

L'accueil que les diverses administrations réservent aux recommandations du Médiateur de la République, sur les deux terrains du dysfonctionnement des services publics et des conséquences inéquitables de l'application des textes, est variable. Cette différence tient principalement à l'autonomie des ministères et à la qualité de leur personnel.

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, c'est auprès des services fiscaux que le Médiateur de la République obtient le plus de satisfactions.

L'examen des statistiques établies par l'institution montre, pour les quatre premiers mois de 1991,, que sur 328 médiations réussies, 115 l'ont été auprès du ministère de l'économie, des finances et du budget, soit plus du tiers (35% exactement). Dans le même temps, 20% environ des dossiers reçus par la Médiature ont ressorti à la compétence de cette administration.

Plus éloquente encore est la comparaison, toujours pour la même période, entre les taux de réussite sur les dossiers conformes à la loi, obtenus par la Médiature :

- 37,5% (toutes spécialités confondues),

- 30% (hors activité fiscalité- finances).

Autrement dit, le comportement de l'administration des finances vis- à- vis des demandes du Médiateur de la République permet de faire progresser l'indice global de réussite de l'action de l'institution de 7,5 points.

Dès lors, un constat s'impose.

Cette situation résulte, essentiellement, de la combinaison de deux facteurs : la qualité des interlocuteurs et la qualité de la réglementation et de la législation.

1)La qualité des services de l'administration des finances

a) Une organisation propice à une action efficace du Médiateur et de ses délégués départementaux


Les services du ministère des finances sont présents sur l'ensemble du territoire selon un schéma organique à la fois homogène et bien structuré (services extérieurs dans les départements et administration centrale à Paris).

Cette organisation permet à la Médiature de disposer d'un interlocuteur unique, muni d'un réel pouvoir de décision dans son domaine de compétence administratif et géographique. Elle lui permet aussi de choisir le niveau d'intervention qu'elle estime le plus approprié au règlement du litige dont elle est saisie (services locaux, administration centrale). Comme aussi de faire jouer, si besoin est, la hiérarchisation des services comme une éventuelle voie de recours contre une réponse jugée insatisfaisante, une nouvelle demande étant alors adressée auprès de l'administration centrale ou du ministre des finances ou du budget.

A cette organisation s'ajoute un autre atout par la large diversification des services, par grandes directions (impôts, douanes, comptabilité publique), mais aussi par fonctions (services de contrôle et services gestionnaires), et par impôt, et cela, tant au niveau local que central, autorise la Médiature à pratiquer une approche fine, spécialisée et experte des réclamations qui lui sont transmises en matière fiscale et financière.

b) Un état d'esprit propre à l'administration des finances : une large ouverture à l'équité


Le dispositif juridique mis en oeuvre par les services du ministère des finances pour traiter les affaires qui ressortissent à sa compétence, se fonde sur une "tradition culturelle" inspirée de préoccupations qui apparaissent finalement très proches de celles du Médiateur de la République : le souci de parvenir à un arrangement amiable (cf. cas n° 91- 0585 p. 3 34 et n° 90- 0307, p. 336)

Un rapprochement est à faire entre les "mécanismes" contradictoires et précontentieux largement utilisés par les administrations financières (impôts, douanes, trésor public) et fonctionnant bien, tout à fait comparables, dans l'esprit, à l'action du Médiateur de la République.

Cette analogie est confortée par l'absence ou l'inefficacité de procédures analogues en matière sociale (commission des recours amiables des caisses de sécurité sociale, commission paritaire des ASSEDIC).

La notion de "juridiction gracieuse", propre aux services financiers, est aussi un mécanisme très utile du point de vue de l'équité.

Le terme de "juridiction" appliqué en l'espèce à ces démarches amiables est significatif de l'importance qui leur est accordée par l'administration des finances, aux côtés des actions qui relèvent de la juridiction contentieuse.

Cette notion fait complètement défaut en matière de P.T.T. et en matière sociale. Les procédures prévues y sont moins efficaces.

Ces mécanismes amiables, anciens au ministère des finances, sont aussi à rapprocher des procédures de conciliation prévues par la loi du 31 décembre 1987 en matière de marchés publics et de travaux publics

2)La qualité de la réglementation et de la législation financières

a) Un important dispositif juridique, précis et cohérent, dans lequel les voies de recours amiable tiennent une grande place


L'extrême développement et la précision de la législation et de la réglementation existant en matière financière (loi de finances annuelle, jurisprudence et doctrine administrative anciennes et abondantes) entraînent une cohérence particulièrement solide et bien établie de 1 ensemble du fonctionnement, au plan du droit, des administrations financières.

Ainsi, la législation et la jurisprudence offrent- elles, par exemple, une série de garanties qui, sous peine de nullité des impositions, sont autant d'assurances contre les risques d'abus de procédures, notamment en matière de contrôle fiscal et douanier (cf. cas n° 90- 1371 p. 337 et n° 89- 2345, p. 338). Le souci de la régularité y a aussi sa place (cf. cas n° 90- 1507 p. 339).

L'information de ces droits et garanties, dont le défaut est aussi sanctionné par la nullité des impositions correspondantes, est très concrète et directe. Elle s'exprime sous forme de remise d'un document clair et accessible, la "Charte du contribuable vérifié".

Ceci étant, la loi et la pratique administrative ont mis en place des mécanismes amiables dont l'objet est notamment d'atténuer, voire d'éviter les effets inéquitables des décisions administratives mises en cause (cf. cas n° 90- 2799, p. 340, et n° 90- 2765, p. 342).

L'efficacité de ces "mécanismes" s'explique par leur bonne insertion dans le fonctionnement des administrations financières dont ils constituent de véritables rouages. Il en est ainsi lors du débat contradictoire qui précède la décision administrative à intervenir :

- interlocuteur départemental, en cas de difficultés rencontrées dans le déroulement d'une vérification,

- recours à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, compétente pour toutes les questions de faits,

- recours à la commission départementale de conciliation, pour déterminer la valeur vénale d'un immeuble, en matière d'enregistrement.

L'efficacité se retrouve dans la réclamation préalable à l'action contentieuse :

- juridiction gracieuse, tant en matière d'assiette que de recouvrement (sauf pour la T.V.A. et les droits d'enregistrement) et transactions fiscale et douanière, dont les démarches et les effets sont fixés par la réglementation,

- recours hiérarchique (pourvoi auprès du directeur général, du ministre).

A noter que la composition paritaire (contribuables - administration) de ces commissions précontentieuses et la présence d'un magistrat permettent de réunir les conditions d'une recherche efficace du règlement amiable des litiges.

Cet effort pour éviter le contentieux est illustré par les chiffres suivants :

Chaque année il y a 2.000.000 de réclamations adressées aux services fiscaux. Après discussion au niveau local, seulement 2000 affaires remontent aux directions générales de l'administration centrale. Le contentieux devant les juridictions est de l'ordre de 20.000 affaires.

b) Une réglementation qui n'entrave ni le pouvoir d'appréciation des administrations financières, ni leur réceptivité aux propositions de réforme du Médiateur de la République


Nonobstant les nombreuses voies de recours amiable, il arrive néanmoins que la décision administrative se révèle être inéquitable, soit que ces processus contradictoires ou précontentieux aient mal fonctionné (cas assez rare), soit que la nature du litige (rigueur des textes, dispositions juridiques combinées parfois contradictoires, notamment lorsque plusieurs législations sont en cause, blocage du contrôleur financier) n'ait pas permis de recourir utilement à ces mécanismes (cf. cas n° 90- 2325, p. 344).

Dans ces situations, il apparaît, ainsi que les statistiques l'ont démontré, que l'administration des finances sait accéder aux interventions du Médiateur de la République en usant largement de son pouvoir d'appréciation (cf. cas n° 90- 2433, p. 346, n° 90- 3611 p. 348, n° 90- 4276, p. 350 et 91- 1141 p. 352)

D'ailleurs, le Médiateur de la République n'a- t- il dû recourir à la recommandation formelle par référence à l'article 9 alinéa 2 sur l'équité que pour quatre affaires fiscales ou financières qui toutes, il convient de le souligner, ont fait l'objet d'une réponse favorable de la part du ministre des finances ou du ministre du budget.

La qualité, l'ouverture d'esprit dans la fonction de l'administration pourraient se trouver quelquefois dépassées par un phénomène imprévisible d'erreurs successives (cf. cas n° 90- 2778, p. 353).). Les incidences qui en découlent pourraient constituer une injustice malheureusement irréversible (cf. cas n° 90- 4387, p. 354, n° 90- 1354 p. 356 et n° 90- 1662, P 357)

Enfin, en matière de réformes, les ministres des finances et du budget font également preuve d'une grande réceptivité aux propositions du Médiateur de la République (cf. cas n° 90- 3412, p. 358).

C'est ainsi que, de 1986 à 1991, quarante- huit propositions de réforme, soit plus de 27% du nombre total des propositions présentées, on concerné le ministère des finances et celui du budget.

Sur cet ensemble de quarante- huit propositions, deux ont été refusées. Dix ont été retirées par le Médiateur de la République, pour des considérations plaidant en faveur d'un report. Onze sont à l'étude. Cela fait que si 23% des propositions sont considérées comme méritant une suite positive, 52% ont d'emblée abouti à une solution satisfaisante.

On peut donc situer à 75% le nombre des propositions que l'administration des finances et du budget a accepté de prendre en considération.

Dans leur répartition par matières, les propositions ont concerné l'indemnisation des personnes victimes d'attentats et autres circonstances voisines, soit 6% du total. 25% des propositions ont concerné les agents publics dans leurs droits à pensions de retraite ou à l'attribution d'avantages divers.

Près de 40% ont concerné les relations entre l'administration et les usagers des services publics ; plus du tiers ont déjà reçu une suite positive..

Plus de 29% ont porté sur des sujets de fiscalité. Leur succès a été assez relatif. 36% ont reçu une suite positive. Moins de 15% sont à l'étude.

Ces chiffres pourraient donner une image négative si la matière concernée n'avait pas relevé de la législation fiscale, domaine dont la complexité, fondée sur des usages et des pratiques fort anciens, rend imprévisibles les incidences d'une réforme ponctuelle.

Mais pour autant, le Médiateur de la République ne renonce pas à défendre les cas individuels qui, du fait du recours au principe de l'équité, n'ont pas d'incidence généralisée sur le dispositif réglementaire générateur de la difficulté.

3)Le service de la redevance de l'audiovisuel


Dans la même ligne, les interventions du Médiateur de la République rencontrent également compréhension et bon accueil, auprès du service central de la redevance de l'audiovisuel.

Les questions relatives à cette redevance, (exonération, résiliation, erreur de taxation, etc.), provoquent chaque année en moyenne une cinquantaine de réclamations.

Les interventions du Médiateur de la République auprès du service rencontrent, dans leur totalité, une issue positive, même lorsque le litige n'est pas consécutif à une erreur de droit et que la solution repose uniquement sur l'usage de la notion d'équité.

La constance, d'une année sur l'autre, du nombre de réclamations posait cependant problème. La mission du Médiateur de la République, dans son principe, ne se limite pas aux seuls litiges individuels. La gravité caractérisant le litige, ou sa répétition constante dans les réclamations incite à s'attaquer aux causes des difficultés dénoncées.

Une proposition de réforme (FIN 90- 03) a été présentée au ministre du budget, ayant pour objet l'amélioration des relations du service central avec les usagers.

Une rencontre avec le responsable du service central en est résultée. Elle a permis à la fois de mieux connaître le service, les conditions difficiles de son fonctionnement, le poids de la charge gérée de 9 millions de comptes et 3 millions de correspondances.

Des mesures ont été arrêtées pour assurer l'amélioration de la qualité du service proposé aux usagers et leur offrir un meilleur accueil (cf. cas n° 90- 3905, p. 359).

Des engagements ont été pris pour réduire au strict minimum les délais de traitement de la correspondance des usagers et répondre au courrier reçu.

Enfin une étude est mise en chantier pour l'élaboration d'un texte faisant suite à la proposition de réforme. Le principe a été retenu de rencontres périodiques avec les services du Médiateur de la République pour faire le point sur les affaires de manière générale.

Une compréhension exemplaire a ainsi été manifestée par le service et l'autorité qui en assure la direction (cf. p. 361).

B. LES GRANDS SERVICES PUBLICS


Cette appellation désigne principalement les services publics industriels et commerciaux tels que : E.D.F.- G.D.F., S.N.C.F., R.A.T.P., T.D.F., France- Télécom, etc. Egalement les services publics parfois qualifiés d'"administratifs", mais qui effectuent des fournitures ou des prestations que l'usager- client paye directement ou indirectement, ou qui représentent auprès des pouvoirs publics les intérêts économiques dans leurs circonscriptions, telles les chambres de commerce et d'industrie.

Entrent donc dans cette définition les activités qui se rapportent à la fourniture de l'eau, à l'assainissement, aux ramassages scolaires, etc.

1)Les défaillances du service


Tout en reconnaissant la haute qualité de leur gestion, force est de constater que les grands services ne présentent pas une image de marque aussi bonne qu'elle le devrait.

Parmi les causes joue probablement la circonstance que ces services publics sont desservis par le fait que toute défaillance est vite connue, mal ressentie et fait l'objet de commentaires des médias.

Mais il est évident que, comme dans toute activité, la qualité est un élément constitutif dans l'appréciation du service rendu. Le "fournisseur" ne peut se dispenser de satisfaire, aux justes exigences de l'usager.

Ces exigences sont parfois excessives. Les réclamations des usagers ne sont pas, en effet, toujours objectives, ne serait- ce que parce que, en tant que contribuables ou clients, les usagers ne veulent pas payer le coût d'un meilleur service.

A l'examen du dossier, on décèle alors des observations qui relèvent plus du calcul égoïste que de la défense d'un droit établi. Le réclamant, dans sa démarche, révèle la difficulté de sortir d'une analyse étroite, aboutissant à nier des évidences comme, par exemple, les contraintes auxquelles le service peut être soumis. Dans sa pensée, il est la victime d'une volonté délibérée de lui nuire.

De fait, une circonstance malheureuse, telle que la maladresse d'un agent d'exécution, peut être à l'origine du malentendu. Un regard, une opinion plus distants peuvent faire mieux accepter une réalité désagréable. Aussi, le Médiateur de la République trouve- t- il, par son intervention, l'occasion de pallier cette déficience.

2)La position du Médiateur de la République


Si l'objectif premier est de résoudre le litige qui lui est soumis, le Médiateur de la République cherche aussi à établir le dialogue de la compréhension. Exposer au décideur, sur l'objet du litige évoqué, une autre vision du problème que celle qui y a conduit, c'est un peu aider l'esprit à l'ouverture. Expliquer au réclamant les raisons et les causes de la décision contestée, lorsque sa modification est irréalisable, c'est atténuer en lui l'amertume.

Cet aspect du rôle du Médiateur de la République est de l'essence de sa mission. Un apport pédagogique qui permet à l'administrateur de savoir ex abrupto comment sont exécutées ses directives et comment l'administré les ressent. Un apport social qui aide à la compréhension de l'usage qui est fait de la loi. Un apport rénovateur dans le fonctionnement du service, poussé vers une meilleure prise en compte des aspirations de l'administré.

Il faut cependant reconnaître que cette intention ne recueille pas partout et toujours l'écho positif.

Aussi le Médiateur de la République se trouve- t- il amené à revenir chaque fois à la charge, convaincu du sentiment que, dans sa relation avec l'usager, l'administrateur pourrait procéder autrement pour faire une meilleure application de la loi. Ceci en particulier lorsque le décideur dispose d'une marge de manoeuvre dans l'application du règlement et, plus encore lorsque dans sa motivation, la décision s'avère fragile.

3)L'attitude du service


A l'égard de l'usager, les services prestataires sont pourvus d'une réglementation qui ordonne leur action et détermine, le cas échéant, les modalités de sanctions d'une infraction. Bien que la réglementation ait pu être actualisée dans sa formulation, la rigueur dont ses dispositions sont imprégnées ne se modifie pas en conséquence. Cela ne signifie pas que ces services soient insensibles aux situations de leurs usagers ayant commis l'infraction (cf. cas n° 90- 3 2 53, p. 363 et n° 90- 4224,, p. 365). Au contraire, des efforts sont consentis ici ou là, comme à la R.A.T.P. par exemple, où un médiateur a été mis en place pour intercéder dans les litiges avec l'usager. Comme il arrive aussi que des personnels de contrôle, convaincus de la bonne foi de l'usager, renoncent à l'usage de l'amende.

A l'égard des personnels de ces services, le Médiateur de la République n'a eu à connaître que de litiges survenus dans certaines chambres de commerce et d'industrie. En effet, parmi les grands services publics, les chambres de commerce et d'industrie sont les seuls à avoir un personnel doté d'un statut de droit public.

Nés à la fin du XIXe siècle, elles ont reçu pour mission d'être, auprès des pouvoirs publics, des organes consultatifs sur les opérations concernant l'économie, le commerce, les travaux publics, etc. Ils peuvent aussi être investis de prérogatives administratives dans leur champ de compétence.

A la différence des autres services où, dans les litiges les opposant à leurs usagers, globalement l'accueil des interventions du Médiateur de la République est marqué d'intentions positives, les chambres de commerce et d'industrie à l'encontre desquelles un grief est évoqué affichent à l'égard des lois une attitude souvent voisine du mépris.

Telle chambre, avec constance, s'acharne à ignorer les effets de deux jugements successifs donnant gain de cause à son employé (cf. cas n° 90- 0124 p. 366). Telle autre fait des principes du droit, au demeurant conçus pour faire respecter la légalité, un usage tout à fait contraire (cf. cas n° 88- 3163, p. 367).

Aussi le Médiateur de la République est- il presque satisfait lorsqu'il est constaté que le grief reproché à une chambre est né d'un malentendu (cf. cas n° 90- 4364, p. 369).

4)Les accrocs au droit


C'est en fait la définition de la procédure de la sanction qui pose des problèmes. Bien que son application soit confiée à une instance juridictionnelle, cette procédure est lice au fonctionnement du service ; en fait, elle en est inséparable. Contrairement aux dispositions des articles 529 et suivants du Code de procédure pénale, relatifs aux amendes forfaitaires, l'usager contrevenant est souvent privé du droit de se défendre.

En application de l'article 5 524 du code précité, le tribunal de police saisi par le service statue par ordonnance, sans débat préalable sur la contestation.

Le contrevenant peut faire opposition à l'ordonnance et sera alors jugé de façon contradictoire.

Le Médiateur de la République a constaté que les amendes forfaitaires sont trop souvent l'objet d'un traitement administratif. Il en résulte pour l'usager la privation de ses droits de voir sa contestation examinée suivant les procédures prévues par le Code de procédure pénale.

Ce constat est fait pour alerter l'attention des pouvoirs publics sur les problèmes de fonctionnement des services de la justice.

5)Les clauses abusives dans les contrats


Ce fait se produit principalement dans les contrats de distribution de l'eau. Les réclamations concernent la tarification. Celle- ci est généralement de modèle forfaitaire, selon un cubage plafonné. Le surplus est facturé au m3 et à un taux plus élevé que le tarif utilisé pour le calcul du forfait. Parfois, ce modèle est assorti de l'obligation faite aux nouveaux abonnés de régler les arriérés de leur prédécesseur. Enfin, lorsque se produit une fuite dans l'installation du consommateur, la charge pécuniaire devient parfois insupportable, pouvant atteindre des sommets inimaginables. Là où existe un "tarif fuite", le coût se trouve quelque peu atténué.

Le Médiateur de la République, tout en ayant conscience des contraintes relatives des parties n'en demeure pas moins opposé à des pratiques qui excèdent les nécessités économiques du service. Depuis I 1987 87, il est intervenu pour obtenir la suppression des clauses qui astreignent le consommateur à des charges et des obligations abusives.

Cette démarche avait abouti, en 1988, à la publication au Journal Officiel d'une circulaire du ministre de l'intérieur proposant aux organismes distributeurs de l'eau un modèle de contrat d'abonnement.

Le caractère facultatif que ce document semblait revêtir n'a pas suscité l'adhésion des organismes. Un très faible nombre parmi eux s'y sont conformés.

Alerté par la multiplication des réclamations dénonçant la persistance des abus, le Médiateur de la République intervient de nouveau, en 1990, auprès du ministre de l'intérieur pour que l'usage des normes définies dans le modèle publié en 1988 devienne, sous peine de nullité, obligatoire dans la rédaction des clauses des contrats d'abonnement.

L'assurance lui a été donnée qu'il sera tenu compte de ses préoccupations dans le cadre du projet de loi sur l'eau qui sera soumis au Parlement au cours de l'année.

Il pourrait apparaître que, de la part du service public, l'adhésion tu principe de l'équité, conçu par le législateur dans la loi du 24 décembre 1976, n'est pas constante. Aussi conviendrait- il, pour cerner objectivement l'évolution des attitudes manifestées, d'en évaluer le déroulement dans le temps (cf. tableau de statistiques, p. 325).).

Il est vrai qu'au départ, la loi se 1976 n'avait pas eu sur les esprits l'impact qu'elle méritait. La main tendue par le législateur en reconnaissant qu'une loi peut, dans certaines circonstances, générer dans son application des effets injustes, méritait en effet de susciter plus de vocation que l'avancée timide observée (cf. tableau de statistiques, p. 3 2 5). Mais depuis l 1990, un changement s'observe dans les esprits.

Considérons néanmoins que des autorités publiques ne sont pas préparées à rompre, ne fût- ce qu'un instant, avec les usages séculaires dans la gestion des affaires publiques.

C'est donc une tâche de longue haleine que de faire partager par nos interlocuteurs, dans le traitement d'une réclamation, le sens et la nécessité qu'a le Médiateur de la République de l'usage de l'équité. En fin de compte, le résultat satisfaisant obtenu compense l'effort déployé.

C'est ainsi que les sociétés nationales E.D.F.- G.D.F. ont défini une meilleure approche de leurs relations avec leurs abonnés.

Ce comportement positif de la part des grands services publics est très significatif d'une tendance vers plus d'ouverture.

La Poste a manifesté, à plusieurs reprises, son intention dans ce sens. Divers exemples en témoignent :

- depuis le 18 mars 1988, elle a accepté le principe de reporter de dix années à trente la durée du délai de forclusion pour le remboursement aux héritiers du solde des comptes courants postaux ;

- elle a assumé, au lieu et place de la poste britannique, la responsabilité d'une perte d'argent (cf. cas n° 90- 3156, p. 370) ;

- elle a accepté de partager avec sa cliente la charge d'un préjudice résultant d'un vol de chèque (cf. cas n° 90- 3076, p. 371).

C. LES RELATIONS AVEC LES COLLECTIVITES TERRITORIALES


La relation des réclamations qui mettent en cause les communes devant le Médiateur de la République doit être replacée dans son contexte.

En effet, les difficultés dont il sera fait état sont exceptionnelles. Elles ne doivent ni porter atteinte à la qualité, généralement excellente, de la gestion municipale, ni condamner les efforts de décentralisation. Aussi est- il nécessaire de bien expliquer les causes, sinon les raisons, des dysfonctionnements relevés.

1)L'avantage irremplaçable de la gestion municipale


On ne reconnaîtra jamais assez la chance qu'a la France de compter 36 653 communes.

Ce découpage territorial fournit quasi gratuitement le concours dévoué d'environ 600 000 personnes administrant avec zèle, compétence et attachement l'ensemble du territoire de la République dans un réseau serre.

Sans doute, la disparité est- elle grande entre la façon de gérer une toute petite commune et celle d'administrer une grande ville, mais toutes les municipalités sont animées du même dévouement et la même passion pour le bien de leur communauté. Leur faiblesse de moyens conduit parfois à des oublis aux conséquences sévères, n'était la présence du Médiateur de la République (cf. cas n° 90- 2167, p. 373). La faiblesse de leur aptitude à bien assimiler le sens de la mission du Médiateur de la République ou à bien interpréter l'esprit de la règle de droit, ne facilite pas les bons rapports (cf. pp. 301 et suivantes).

2)Les problèmes d'urbanisme


Les réclamations mettant en cause une collectivité territoriale portent principalement sur des sujets d'urbanisme : refus de permis de construire ; contenu d'un plan d'occupation des sols ; application de la réglementation sur les lotissements ; aménagement de la voierie ; conditions de distribution de l'eau ; respect de la protection de l'environnement ; lutte contre les nuisances ; procédure d'expropriation et effets des préemptions, etc.

Ces réclamations représentent plus de 60% du total des litiges mettant en cause des collectivités territoriales.

Viennent ensuite, en nombre moindre, les cas de méconnaissance des droits des agents de ces collectivités, les problèmes concernant l'assainissement, le ramassage scolaire, les concessions funéraires ou le logement des instituteurs.

Dans leur quasi- totalité, les litiges évoqués reposent sur une difficulté juridique bien réelle. Cette circonstance permet généralement de dénouer facilement le litige lorsque le dialogue s'instaure entre juristes avertis (cf. cas n° 91- 0293, p. 374).

Mais la solution est plus difficile à trouver lorsque la collectivité méconnaît les limites de sa compétence et l'étendue de ses pouvoirs. Il arrive en effet qu'une collectivité fasse preuve d'intransigeance, étant persuadée qu'elle peut souverainement décider de tout.

Ce phénomène se rencontre principalement au niveau des petites communes rurales qui assimilent le Médiateur de la République à une autorité administrative gouvernementale, dépourvue, par conséquent, de compétence sur les affaires municipales (cf. cas n° 90- 1954, p. 375).

Dans les collectivités à forte population, disposant déjà de moyens de gestion bien formés, l'entrée dans l'ère de la décentralisation s'est effectuée sans heurts. Mais il arrive que certaines contestent le grief d'avoir violé la loi ou commis une iniquité (cf. cas n° 89- 2427,, p. 376).

3)L'indemnisation pour perte d'emploi


Les agents non fonctionnaires des collectivités territoriales ou des établissements publics administratifs se trouvent en pratique dans des situations comparables à celles des salariés du secteur privé en cas de perte d'emploi. C'est pourquoi l'ordonnance n° 84- 198 du 2 mars 1984 relative au revenu des travailleurs involontairement privés d'emploi et portant modification du Code du travail a réformé le régime d'indemnisation du chômage des agents non fonctionnaires (art. L. 351- 12 du Code du travail).

Ce régime a deux caractéristiques principales :

- application aux agents concernés de la réglementation relative aux allocations pour perte d'emploi telle qu'elle est définie pour le secteur privé par les partenaires sociaux ;

- ouverture de la possibilité de passer convention avec l'UNEDIC afin de lui confier, le cas échéant, contre le paiement de cotisations identiques à celles que versent les entreprises du secteur privé, la gestion des allocations de chômage servies aux agents.

Dans la pratique, cette dernière possibilité est utilisée par un nombre limité de collectivités territoriales. Les collectivités, qui n'adhèrent pas a ce système, assurent elles- mêmes sur leur budget le service des allocations de chômage.

Ce sont donc les employeurs du secteur public qui assurent en majorité eux- mêmes, sur leur budget ou leurs crédits, le service des allocations de chômage et assument le rôle confié par ailleurs aux ASSEDIC. Aussi, cette situation induit- elle une attitude souvent restrictive :

- divergence dans l'appréciation des droits à l'ouverture ou à la réouverture des allocations (cf. cas n° 90- 3371 p. 377 et n° 89- 2811, p. 378) ;

- tendance à s'auto-investir de compétences que l'Etat a refusées aux ASSEDIC en matière d'appréciation des motifs de refuser ou d'interrompre le versement des allocations, et ce en contradiction avec les dispositions de l'article R. 351- 33 du Code du travail qui donne au seul préfet (direction départementale du travail et de l'emploi) compétence en ce domaine quel que soit le secteur d'activité concerné (cf. cas n° 89- 2016, p. 380) ;

- décalage dans le temps plus important entre la cessation de fonctions et le versement des allocations (attente d'un nouveau budget ou de nouveaux crédits) ;

- mesures dilatoires, refus d'application de la réglementation nécessitant le recours au juge ;

- non- application d'un jugement accordant à l'intéressé le bénéfice des allocations demandées.

Par ailleurs, certaines prestations ne peuvent être servies dans le secteur public.

Ainsi en est- il de l'allocation formation- reclassement, qui ne s'adresse qu'aux demandeurs d'emploi dont les ex- employeurs relèvent du secteur privé ou ont adhéré au régime d'assurance chômage.

Certains répugnent à écouter le Médiateur de la République qui les convie à un effort de réflexion et d'imagination. Ils préfèrent manifestement à cette approche celle consistant à "mettre l'affaire dans les mains de la justice" et à attendre paisiblement le jugement. On peut même se demander s'ils ne choisiraient pas une condamnation de la commune dans la tranquillité plutôt qu'un arrangement nécessitant quelques efforts engageant leur responsabilité (cf. cas n° 91- 0155 5, p. 381).

Et, cependant, la loi leur ouvre un chemin d'arrangement qui préserve leurs droits et corrige l'injustice qui frappe le réclamant. Il s'agit, d'une part, des dispositions de l'article 9 de la loi de 1973 et, d'autre part, de l'interprétation de l'article I I de la même loi, (cf. p. 429).

Ces deux articles ont été complétés par la loi du 24 décembre 1976. Car, à l'expérience, le législateur a estimé nécessaire de donner au Médiateur de la République des prérogatives particulières, tout à fait exorbitantes des règles habituelles du droit, pour remédier aux conséquences inéquitables des lois, règlements et jugements.

L'article 9 alinéa 2 a introduit, dans l'action du Médiateur de la République, la notion d'équité. Elle l'autorise à intervenir pour demander à l'administration (fût- elle communale) de reconsidérer sa position qui, bien que conforme aux lois et règlements, aboutit à des conséquences inéquitables. La nouvelle décision qui serait prise à la demande du Médiateur de la République, parce qu'elle serait conforme à l'esprit de la loi, n'engagerait que la responsabilité morale du Médiateur (cf. pp. 213 et suivantes).

Il convient de souligner que le Médiateur de la République n'use de cette prérogative que s'il sait que la solution en équité ne porte pas atteinte aux droits des tiers.

L'article 11, quant à lui, introduit la faculté de faire des recommandations à l'organisme mis en cause lorsqu'une juridiction est saisie.

En fait, l'incompréhension de certaines autorités administratives (au nombre desquelles certains maires) tient à la méconnaissance du droit du Médiateur de la République de faire des recommandations.

En effet, si le Médiateur de la République ne peut tenter d'influencer la décision du tribunal, il peut, dans l'intérêt des parties et avec elles, intervenir pour qu'un accord amiable soit conclu avant, pendant ou après la fin du procès. Ainsi, la procédure judiciaire et l'intervention du Médiateur de la République, si elles sont indépendantes, ne sont pas exclusives l'une de l'autre.

En fait, trop de maires, même de bonne foi, hésitent beaucoup à prendre une décision en équité comme à accepter le dialogue avec l'Institution lorsqu'une instance judiciaire est en cours.

Enfin, deux attitudes sont décelées chez beaucoup de maires ruraux, souvent mal conseillés. D'abord, une méfiance instinctive vis- à- vis d'une lointaine autorité, peu ou mal connue et qui, de Paris, s'adresse directement à eux. Ensuite, une préférence très nette pour le règlement des affaires par une procédure qui n'engage pas leur responsabilité.

Cette attitude s'explique, en partie, par une insuffisante connaissance de la mission et du rôle de l'Institution. Aussi, le Médiateur de la République est- il amené à utiliser deux voies pour y remédier. C'est tout d'abord de parvenir à faire reconnaître que l'administration municipale n'est pas à l'abri de l'erreur et que le rôle du Médiateur de la République est de lui apporter une meilleure connaissance du droit. Pour ouvrir le dialogue, le Médiateur de la République confie généralement à son délégué départemental une action d'approche destinée à clarifier les faits du litige et à engager un processus de règlement amiable. Grâce à leur perspicacité et à leur sens de la médiation, ces collaborateurs réussissent souvent à aplanir les difficultés.

La seconde voie consiste à développer auprès des maires une action de médiatisation expliquant, démonstration à l'appui, ce que le législateur attend de la mission qu'il a confiée au Médiateur de la République. Les articles de presse dus à l'initiative des professionnels locaux ou à celle du délégué départemental, à l'occasion d'une affaire locale réglée, éclairent le sens de cette mission.

Pour l'avenir, une extension des attributions de l'Institution pourrait apporter à toutes les collectivités locales, et aux communes en particulier, un concours non négligeable. La loi, jusqu'à présent, a prévu que le Médiateur de la République a vocation à venir en aide aux personnes physiques, et non aux personnes morales. Mais il est exact que porter un litige sur un point particulier devant une juridiction ne favorise pas le bon climat de l'ensemble des rapports entre collectivités, alors que l'accroissement des compétences des collectivités régionales, départementales et communales est de nature à augmenter, entre elles, le nombre des différends. Aussi l'intervention du Médiateur de la République pourrait être utile pour régler à l'amiable ces litiges entre collectivités territoriales (cf. communiqué adressé aux maires de France, p. 383

Cet élargissement de compétence du Médiateur de la République, qui ne manquerait pas de modifier sensiblement l'image de l'Institution auprès des maires ruraux, dépend bien entendu d'une initiative du législateur... Le Médiateur de la République y est favorable.

Mais, en attendant cette évolution, le Médiateur de la République, que ce soit pour des affaires d'urbanisme ou pour toute autre affaire communale, est aujourd'hui à la disposition des communes rurales comme de toutes les collectivités territoriales françaises ou autres organismes investis d'une mission de service public. Il les sert en leur demandant de bien appliquer les textes et en veillant à ce que leurs actes n'aient pas de conséquences inéquitables pour les administrés. Il peut, à l'occasion de l'étude d'un dossier, apporter à la commune rurale de précieux avis juridiques et leur éviter les contraintes et aléas d'une instance juridictionnelle. Il peut aussi éclairer les administrés sur la qualité de leurs prétentions.

De toute manière, le Médiateur de la République ne se fait pas l'avocat des mauvaises causes.

4)Les activités de caractère industriel ou commercial


Les prestations et fournitures correspondantes offertes aux usagers par les collectivités locales le sont souvent par l'intermédiaire de syndicats de communes, avec, éventuellement, la participation du département, de la région, ou de l'Etat : fourniture d'eau, assainissement, transports publics, ramassages scolaires, ramassage des ordures ménagères.

Si ces services sont bien gérés techniquement dans l'ensemble, ils ont parfois un comportement suspect, pour des raisons particulières et variables, aux yeux des usagers. Le Médiateur de la République s'efforce d'améliorer cette situation, avec la collaboration des autorités locales.

Ces services publics offrent à une clientèle nombreuse et diversifiée, qui attend beaucoup, des biens ou des prestations parfois essentiels, pour ne pas dire vitaux. Ils sont en situation de monopole. Ils ne peuvent être parfaits, mais ils doivent s'y efforcer.

A travers les réclamations s'expriment :

- la jalousie : ainsi, dans des réclamations qui concernent les ramassages scolaires, sont contestés les itinéraires, les fréquences, les horaires, le zonage ;

- l'incident : les maladresses, les manques de courtoisie du personnel d'exécution face à des exigences exagérées prennent parfois des dimensions pathétiques.

L'usager oublie quelquefois que s'il a des droits, ceux- ci ne sont pas sans limites, et qu'il a aussi des devoirs.

Les impératifs de l'organisation du service échappent souvent à l'usager (ramassage scolaire).

De même, l'usager a du mal à percevoir, même à concevoir que ce qui lui est offert a un coût pour la collectivité et que le supplément de prix pour des prestations meilleures serait difficilement acceptable par l'ensemble des contribuables.

Les responsables des services publics connaissent généralement les aspirations des usagers ; ils font part au Médiateur de la République de leurs hésitations, des raisons qui les ont poussés à retenir telle solution de préférence à telle autre. Il est souvent difficile de concilier égalité des administrés devant le service public, diversité des situations et impératifs de gestion.

Des réclamations qui, de prime abord, semblent fondées se révèlent, après instruction, injustifiées. Le Médiateur de la République ne peut soutenir ces récriminations, mais il prend le temps d'expliquer et de justifier le point de vue du gestionnaire du service public.

L'exemple des fuites d'eau après compteur en est l'illustration. Le Médiateur de la République ne peut pas être insensible aux conséquences financières qui en résultent pour l'usager. L'administrateur en a souvent conscience lui- même. Mais jusqu'où ce dernier peut- il aller dans sa compréhension ? Quelle "bienveillance" l'Institution peut- elle demander aux entreprises ? Ni l'un ni l'autre ne peuvent négliger ni les impératifs de l'équilibre financier des organismes, ni les droits des autres usagers qui, finalement, supportent le geste de faveur demandé pour l'un des leurs. Sans parler de la nécessité de maintenir une responsabilité de l'usager pour le contraindre à la vigilance, notamment en période hivernale pour préserver ses installations du gel. Les réclamations révèlent, souvent hélas, des usagers négligents, voire irresponsables.

Le réclamant est souvent porté à considérer que le sort qui lui est fait résulte d'une volonté délibérée de lui nuire, ou de l'oublier. A l'origine, il n'y a généralement rien de la sorte, seulement la conséquence de la maladresse d'un agent d'exécution ou d'une réaction d'un maire excédé. C'est dans ces circonstances que l'intervention du Médiateur de la République est utile : le rétablissement d'un meilleur climat dépend parfois de peu de chose. Le Médiateur de la République prend le temps de bien comprendre le point de vue du réclamant et d'y répondre avec toute la précision nécessaire. Il prend soin de rappeler les objectifs d'intérêt général du service public. Aussi, il est souvent conduit à exposer, avec un langage différent et adapté, le point de vue de l'administration. Point de vue que l'administrateur n'a pas pris le temps d'exposer, tellement la position qu'il a prise lui semblait fondée.

Il est de l'intérêt aussi des autorités locales d'accepter une coopération confiante avec le Médiateur de la République lorsque l'administré se plaint de ne pas comprendre les décisions administratives. L'usager étant évidemment tenté de dénoncer l'arbitraire lorsqu'il est desservi par une réglementation complexe. Le Médiateur de la République est à ce point de vue, un média, une interface privilégiée : c'est à lui que l'administration répond, même si, à travers lui, elle vise le parlementaire ou l'usager. De plus, si sa vocation est de défendre l'administré victime d'un dysfonctionnement des services, il doit comprendre les impératifs que l'administrateur est tenu de respecter et les conditions dans lesquelles il accomplit sa mission (cf. pp. 301 et suivantes).

5)Les concessions funéraires


La gestion des concessions funéraires montre la difficulté de cette mission dans un domaine apparemment simple, mais qui pose parfois des problèmes très difficiles à résoudre.

D'une part, la concession funéraire est, par principe, une concession "familiale", et la municipalité doit agir avec doigté et prudence pour que les droits de chacun des membres de la famille soient respectés dans la dignité, dans des situations et des circonstances qui ne sont pas propices à une application sans nuance des textes.

D'autre part, il est certain que les communes se trouvent confrontées, en raison de l'exiguïté des cimetières, du manque de place et des impératifs de l'article R* 361- 10 du Code des communes, à des problèmes aigus de gestion.

Mais là aussi, il est souhaitable que le maire accepte de justifier sa position, lorsqu'elle est fondée, en exposant clairement et avec précision les motifs du refus de donner une réponse positive à la réclamation dont le saisit le Médiateur de la République. Il faut éviter d'opposer des fins de non- recevoir sèches aux demandes, sous peine d'accréditer un sentiment de passe- droits qui généralement n'est pas fondé.

Ces attitudes devraient s'infléchir et favoriser chez l'autorité communale les circonstances d'une réelle compréhension. La démarche du Médiateur de la République, à quelque degré qu'elle se situe, n'a jamais de caractère coercitif. Car, avant tout, elle recherche la voie de la persuasion et de l'accommodement.

Dans un proche avenir, la commune, comme l'Etat et toute autre collectivité locale, aura à vivre sa qualité de sujet de la Communauté européenne. A ce titre, elle devra respecter un certain nombre d'obligations et assurer l'application de l'ordre juridique nouveau, en parallèle au droit national, et dont les inspirations lui paraîtront encore moins naturelles.

Le statut autonome de la collectivité ne fera pas obstacle à l'application des directives communautaires. La commune doit s'habituer aux nouvelles données de la construction communautaire.

D. LES PROBLEMES D'INDEMNISATION DES RAPATRIES


La loi du 5 juillet 1970 posait le principe d'une contribution nationale à l'indemnisation des Français d'outre- mer dépossédés de leurs biens, qui avait "le caractère d'une avance sur les créances détenues à l'encontre des Etats étrangers ou des bénéficiaires de la dépossession".

Un devoir de solidarité était ainsi reconnu. La mise en oeuvres était évidemment difficile en raison de son coût et des considérations subjectives concernant la valeur marchande des biens perdus.

1)L'économie générale de l'indemnisation


Compte tenu d'une part de la charge financière d'une formule d'indemnisation qui eût pu satisfaire tous les dépossédés et d'autre part de la diversité des situations individuelles, une procédure d'examen des situations particulières fut mise en place.

Des règles de base ont été fixées dans le but de s'assurer que le candidat à l'indemnisation a bien vocation à y prétendre. Les conditions à remplir par le demandeur concernaient notamment la nationalité : posséder la nationalité française ou, ne possédant pas cette nationalité, être en cours de procédure d'obtention ou, à défaut, avoir rendu à la France des services reconnus ; l'effectivité de son installation physique dans un territoire ayant accédé à l'indépendance ; la dépossession des biens déclarés pour des motifs politiques liés à cette indépendance ; enfin un barême de la valeur vénale des biens dépossédés.

2)L'application des mesures d'indemnisation


L'application de ces principes ne pouvait aller sans difficultés.

Si globalement, les principes pouvaient rassurer leurs bénéficiaires potentiels, en revanche, leur mise en oeuvres allait décevoir beaucoup de monde.

L'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre- mer (A.N.I.F.O.M.) fut chargée de ce travail délicat.

Des litiges en sont résultés dont le rapatrié ne pouvait pas, à l'époque, espérer la solution autrement qu'en en appelant au juge. L'Institution du Médiateur n'avait pas encore vu le jour.

Au cours de l'année 1973, au début de laquelle était créé un Médiateur, une trentaine de réclamations étaient présentées par des rapatriés, après rejet de leurs demandes d'indemnisation. En 1979, le nombre de réclamations atteignait globalement le chiffre de 57 Dix ans plus tard, il se situait encore autour de 70 unités. La faiblesse de ces chiffres est, en elle-même, illusoire. Ces cas sont en effet présentés vingt ans après le vote de la loi de 1970.

D'une année sur l'autre, les réclamations se répartissent, de manière quasiment identique, entre :

- un petit nombre de contestations de la légalité des bases ou des modalités de calcul de l'indemnisation ou de l'application qui en est faite ;

- une forte proportion de demandes de levée de la forclusion opposée au demandeur, de demandes de reconnaissance du statut juridique de rapatrié, de demandes de prise en compte d'un bien à indemniser ou de révision de la valeur retenue.

3)La position du Médiateur de la République


Le Médiateur de la République est conscient que c'est en parfaite connaissance de cause que le législateur a admis que la contribution indemnitaire ne réparerait qu'une partie de la valeur des biens dépossédés. L'A.N.I.F.O.M. est chargée d'appliquer à la lettre une loi qui peut apparaître très sévère aux rapatriés, notamment à tous ceux qui ont perdu de vue le caractère seulement contributaire de la loi de solidarité. Elle est donc forcément amenée à rejeter la plupart des réclamations qui se fondent sur l'inadaptation des critères fixés par les textes pour calculer l'indemnisation.

Lorsque le Médiateur de la République est pressé d'intervenir, il limite son action au contrôle de l'application de la loi, dans la lettre autant que dans l'esprit.

C'est dans cette limite qu'il lui arrive de recommander des solutions en équité comme la loi l'y autorise (art. 9, nouvel alinéa 2 de la loi du 3 juillet 1976).

Toutes les interventions du Médiateur de la République sont fondées sur des circonstances particulières, lices notamment aux événements politiques ou militaires, qui écartent le dépossédé du droit à l'indemnisation alors que, dans les faits, il remplit les conditions pour y prétendre.

Quelques exemples :

- celui d'un rapatrié qui ne parvient pas à faire reconnaître sa qualité (cf. cas n° 90- 2991, p. 384).

- celui du rapatrié dont le bien n'a pas donné droit à indemnisation du fait qu'il n'a pas pu produire les documents officiels requis, alors que l'administration savait pertinemment que ni les autorités françaises ni, moins encore, les autorités étrangères ne pouvaient ou ne voulaient fournir ces documents (cf. cas n° 90- 3631, p. 385) ;

- celui d'un engagé dans les forces supplétives en Algérie qui, lors de l'évacuation des troupes, a reçu l'ordre d'encadrer un groupe de harkis pour surveiller un dépôt de matériel militaire. Arrêté par les forces algériennes, il a été incarcéré et torturé ; relâché treize ans plus tard, il parvint à rejoindre la France en 1976. S'adressant à l'A.N.I.F.O.M. pour bénéficier des indemnisations prévues, il lui fut répondu que sa demande n'est plus recevable depuis le II janvier 1973 (cf. cas n° 91- 3311, p. 386) ;

- celui du rapatrié qui, pour des raisons impérieuses, s'en était remis à des tiers pour faire valoir ses droits et qui apprend que le nécessaire n'a pas été fait et se voit opposer la forclusion (cf. cas n° 90- 0766, p. 388) ;

- ceux de rapatriés envers lesquels des autorités civiles ou militaires françaises s'étaient engagées à accomplir les démarches au profit de leurs ayants droit mais ont omis de le faire, créant ainsi pour les intéressés un motif de forclusion (cf. cas n° 89- 2294, p. 389). Encore que dans ce cas, l'issue a été favorable au demandeur, grâce à un plus grand effort de compréhension.

Toutes ces interventions, qui se fondaient sur les dispositions de l'article 9 de la loi du 3 janvier 1973 modifiée instituant un Médiateur de la République ont été rejetées sur le fondement d'une stricte application de la règle de droit.

Ces rejets sont douloureusement ressentis. Ils ne correspondent pas à l'acte de solidarité nationale en faveur des rapatriés, acte qui doit revêtir un aspect social (exposé des motifs de la loi du 15 juillet 1970).

Ils devraient être évités dès lors que la demande est soutenue par le Médiateur de la République dans les conditions rigoureuses où celui- ci propose des solutions en équité.

Une négociation est en cours avec le ministre du budget, tuteur de l'A.N.I.F.O.M. Il appartiendra à mon successeur de la mener à bien pour donner une meilleure image de l'application des lois par l'administration.

Sur d'autres plans que celui de l'indemnisation des biens spoliés, le principe de solidarité nationale trouve auprès de l'Etat un écho favorable. La difficulté d'établir les circonstances du dommage ne conduit pas toujours à un refus total de la réparation (cf. cas n° 88- 0993 p. 391).

E. LES BOURSES D'ENSEIGNEMENT


L'intervention du Médiateur de la République est souvent sollicitée dans des litiges provoqués par le refus de l'administration d'accorder une bourse d'enseignement demandée au bénéfice d'un enfant qui poursuit des études scolaires ou universitaires.

La décision de refus s'appuie invariablement sur la non-concordance de la situation pécuniaire de la famille avec les conditions fixées de revenus et de charges donnant vocation à une bourse nationale d'enseignement.

Concernant l'enseignement secondaire, une réglementation a défini les modalités d'examen des demandes et fixé la procédure du traitement de celles- ci. Cette procédure oblige à consulter, préalablement à la décision que doit prendre le recteur de l'académie, une commission départementale composée, à côté d'élus locaux et de parents d'élèves, mais à titre consultatif, du représentant des services fiscaux du département et du directeur départemental de la population (ancienne appellation de l'actuel directeur des affaires sociales). En cas de contestation de la décision prise, le recteur est tenu, avant de se prononcer, de quérir l'avis d'une commission régionale.

Malgré sa lourdeur, cette procédure apporte à l'appréciation de la situation du demandeur d'une bourse un maximum de garanties assurant l'objectivité dans la décision à prendre. Mais elle a été conçue il y a plus de trente ans, à une époque où le nombre de demandes de bourse d'enseignement était sans commune mesure avec les chiffres actuels.

Ce fait ne doit pas cependant occulter les défauts que comporte la pratique progressivement substituée, par voie de circulaires, au système juridique fixé, lui, par voie réglementaire. On sait que lorsqu'on use de tels procédés, la ligne franchie rend les dérapages faciles.

Il est décidé, selon ces circulaires, que l'instruction de la demande de bourse passe par l'application d'un barême qui traduit en termes numériques les charges de la famille et dont le taux détermine à la fois s'il y a vocation à bourse et, dans l'affirmative, le niveau de valeur de celle- ci.

Cette nouvelle organisation serait bien appropriée, au regard notamment de l'accroissement de la population concernée par ces aides, n'était le choix des facteurs auxquels il est recouru. Il apparaît en effet que, moins par souci de juste attribution des aides que par commodité de fonctionnement, ces conditions justificatives sont posées.

1)La justification du besoin de bourse


C'est d'abord la valeur des revenus de la famille. L'outil de base justificatif reste l'avis fiscal connu. Du fait du décalage dans le temps entre la date fixée pour le dépôt de la demande de bourse et celle à laquelle l'avis fiscal est émis, c'est en fait à une date antérieure d'une année, et même souvent de deux années, que la situation des revenus de la famille du candidat est appréciée.

Or bien des modifications pourraient se produire en cet espace de temps et fausser, dans un sens ou dans l'autre, l'appréciation du décideur. Dans une affaire remontant à l'année 1988- 1989, une demande de bourse avait été rejetée du fait qu'en 1986 "selon l'avis fiscal délivré...", les revenus dont avait disposé la famille du candidat s'étaient élevés à la somme de 128 500 F, en dépassement du plafond en vigueur en 1988 d'une somme de 1400 F, soit un peu plus de 1%. Dans son intervention, le Médiateur de la République rappelait notamment à l'administration que, dans le dossier de demande de bourse, il était démontré qu'en 1987, les revenus de la famille avaient baissé de plus de 1O%. L'administration de l'éducation nationale, s'obstinant dans son refus, déclare que l'abaissement du montant des revenus du foyer en 1987 ne saurait être considéré comme une dégradation de la situation familiale, étant donné qu'il était dû à la perte d'un travail complémentaire dans la profession du chef de foyer.

Voilà une réflexion originale portée sur la notion de revenus par l'administration. On pourrait ajouter : en dépit du bon sens. Pour expliquer cette originalité, l'administration souligne, dans ses circulaires, que la spécificité des bourses d'enseignement commande de ne pas aligner l'appréciation du décideur sur la législation et la réglementation fiscales, dont elle considère les finalités comme différentes. Cela va de soi, bien entendu. Mais alors pourquoi exiger des familles la production des avis d'imposition ou de non- imposition ? Pourquoi aussi, pour un père de famille qui exerce le métier d'agent d'assurance, décider de substituer le forfait de 1O% aux frais réels justifiés qui, dans le cas d'espèce, comprennent des frais de secrétariat et de fonctionnement très coûteux ?

D'autres cas témoignent de l'aberration qui caractérise la façon de gérer un sujet dont l'importance exige un tout autre comportement. C'est le cas par exemple en matière d'évaluation des charges. Le barême de points de charge est sans aucun doute un instrument de bonne méthode. Il ne devrait pas cependant être d'un usage aussi déterminant qu'il paraît être, tant il est évident que l'on ne pourra jamais faire entrer la diversité des cas dans une formule mathématique.

Témoin la situation de deux ménages où, dans l'un, le couple travaille et, à ce titre, bénéficie d'un point de charge supplémentaire, - tandis que dans l'autre, le couple comptant un chômeur, aucun supplément ne lui est attribué.

2)Les propositions de réforme


Les bourses d'enseignement ont pour objectif d'aider les familles défavorisées à l'entretien de leurs enfants qui poursuivent des études, scolaires ou supérieures. L'acte d'attribution revêt ainsi un caractère social et, au fil du temps, son bénéfice a été soumis à des procédures Je vérifications tendant à s'assurer que la condition de principe soit bien respectée.

Il manque à cet acte de caractère social de devenir un acte de valeur sociale. L'interprétation de la notion de revenus dont il est fait emploi pour déterminer la vocation d'un étudiant à une bourse d'enseignement ne paraît pas préparer à une telle évolution. Prétendre que cette notion exprime un revenu en son état brut, et non ce dont a disposé réellement la famille pour vivre, crée pour le moins une inégalité entre cette famille et celle qui tire son revenu d'une origine qui n'astreint pas à des frais d'entretien.

Quelque besoin que l'on puisse avoir de disposer d'une méthode d'appréciation dans les opérations d'instruction des demandes de bourse, l'outil choisi doit rester strictement indicatif. En faisant du barême un outil de décision, délibérément on a écarté du champ d'appréciation du décideur tout facteur d'ordre social.

Une étudiante, candidate à une bourse, et dont la mère veuve était atteinte d'une grave maladie, n'a pas pu faire prendre en considération ce fait.

Il serait bon, dans les deux cas, enseignement secondaire et enseignement supérieur, qu'un texte de nature législative pose les principes régissant les procédures et les conditions d'attribution des bourses d'enseignement.

De même, en ce qui concerne le calendrier des opérations, qui groupe sur une courte période l'examen de dizaines de milliers de demandes, une simplification des procédures paraît indispensable pour assurer un meilleur examen de ces demandes. Pourquoi, en effet, ne pas se contenter, à l'appui de la première demande de bourse, de la photocopie de la déclaration de revenus accompagnant une description de la situation pécuniaire de la famille ? La famille étant tenue de produire, à l'appui de la demande de renouvellement, la confirmation des revenus déclarés lors de sa première demande.

La simplification pourrait aller plus loin en confiant à une même autorité la gestion de toutes les prestations sociales (bourses, logement, notamment) pour lesquelles les mêmes renseignements et documents sont exigés. Une mesure de déconcentration qui soulagerait une partie des personnels et réduirait, pour les familles, les démarches qu'elles sont tenues d'effectuer chaque année

Le Médiateur de la République note déjà, avec satisfaction, que ses interventions auprès de l'administration de l'éducation nationale commencent à être suivies d'effet.

C'est ainsi qu'au mois de juillet 1991, le bulletin officiel de l'éducation nationale publiait diverses mesures de modifications apportées au dispositif d'attribution des bourses d'enseignement supérieur :

- la prise en compte, pour le calcul des droits, de la diminution des revenus des familles survenant à une date ultérieure à l'année de référence fixée pour l'évaluation des ressources ;

- une revalorisation des critères servant à déterminer la situation de l'étudiant et de la famille, exprimée en points de charge, en matière d'éloignement du domicile, de la nature du handicap physique déclaré, de la situation matrimoniale, etc.

Certes, sur d'autres points, des mesures restent à prendre, mais ce pas est déjà une preuve d'ouverture de la part de cette administration. Tout récemment, grâce à l'intervention du ministre de l'éducation nationale, un nombre important d'affaires dans diverses matières ont reçu une suite favorable (cf. p. 393).

F. LA PREVENTION DES LITIGES


L'article 9 modifié de la loi du 3 janvier 1973 autorise le Médiateur de la République à soumettre au Gouvernement des propositions de réforme. En effet, aux termes des deux premiers alinéas de cet article :

"Lorsqu'une réclamation lui paraît justifiée, le Médiateur de la République fait toutes les recommandations qui lui paraissent de nature à régler les difficultés dont il est saisi et, le cas échéant, toutes propositions tendant à améliorer le fonctionnement de l'organisme concerné".

"Lorsqu'il apparaît au Médiateur de la République, à l'occasion d une réclamation dont il a été saisi, que l'application de dispositions législatives ou réglementaires aboutit à une iniquité, il peut recommander a 1 organisme mis en cause toute solution permettant de régler en équité la situation du requérant, proposer à l'autorité compétente toutes mesures qu'il estime de nature à y remédier et suggérer les modifications qu'il lui paraît opportun d'apporter à des textes législatifs ou réglementaires".

Au cours de son mandat, et jusqu'au 31 décembre 1991, le Médiateur de la République a présenté aux ministres et aux organismes concernes 195 propositions de réformes. 161 ont été closes pendant la même période.

1)Le champ d'application des propositions de réforme


Toute réclamation étant susceptible de susciter une proposition de réforme, il n'est pas étonnant que la majorité des réformes provienne des secteurs les plus actifs de la Médiature.

62,5% des propositions de réforme présentées depuis le 1er janvier 1986 intéressent trois secteurs.

Le plus important est le secteur social au sujet duquel 55 propositions ont été présentées, soit 28,2% du total. Sur ces 55 propositions, 32 sont relatives aux droits sociaux des assurés ou à leur situation pécuniaire.

Le deuxième secteur concerné est le secteur agents publics, avec 34 propositions, soit 17,4% du total, dont 15 relatives aux pensions, à la situation pécuniaire ou aux droits sociaux des agents.

Le troisième secteur est le secteur finances, puisque le total des propositions présentées est de 33, soit 16,9% du total. 18 de ces propositions avaient pour objectif une modification des règles fiscales.

Au total, 65 propositions de réforme, soit 33,3%, visaient à procurer aux usagers du service public un avantage financier. Sur les 53 d'entre elles qui ont été closes, 26 ont été acceptées, soit 49%. Un tel pourcentage peut paraître faible, mais compte tenu du fait que ces propositions induisent un coût, il doit être tenu pour satisfaisant.

Une telle situation s'explique par le fait que, d'une part, le but de ces propositions était de répondre à des difficultés éprouvées par les usagers et, d'autre part, de mettre fin à des situations inéquitables.

Un exemple est donné par la proposition de réforme PRM 87- 02 L'article L. 65 du Code des pensions civiles et militaires de retraite prévoit que les fonctionnaires civils et militaires qui sont radiés des cadres avant de réunir quinze années de services sont systématiquement affiliés rétroactivement au régime général de la sécurité sociale afin de bénéficier d'une pension de retraite. Mais ces dispositions ne concernent que les services accomplis sur le territoire de la France. Les fonctionnaires qui ont servi à l'étranger ou dans un territoire d'outre mer n'en bénéficient pas en raison du principe de territorialité de la sécurité sociale. La proposition de réforme PRM 87- 02 avait donc pour objet d'étendre à ces derniers l'avantage prévu au bénéfice de leurs collègues ayant exercé dans les départements français de métropole et d'outre- mer.

Mais surtout, 109 des propositions présentées, soit 55,8% du total, peuvent être considérées comme ayant pour objectif l'amélioration des relations entre l'administration et l'usager.

Sur ces 109 propositions, 90 sont closes et il est à noter que 66 d'entre elles l'ont été après acceptation, ce qui représente un taux de succès de 73,33%.

25 propositions de réforme ont eu pour but d'améliorer la qualité du service rendu à l'usager ou de l'accueil qu'il reçoit.

Il en est ainsi des propositions FIN 89- 06 et FIN 90-05 relatives à l'amélioration des conditions de fonctionnement des commissions départementales de transferts touristiques de débits de boissons.

Tel est également le cas d'un ensemble de propositions de réformes destinées à améliorer les relations des usagers avec les services publics tels E.D.F.- G.D.F. (IND 88- OI), la Poste (PTT 89- 01 ou le service de la redevance de l'audiovisuel (FIN 90-03).

23 propositions de réformes avaient pour objet d'améliorer l'accueil fait aux usagers, soit dans les différentes juridictions, soit dans les services chargés d'examiner leurs réclamations.

Le Médiateur de la République a ainsi présenté une proposition de réforme JUS 86- 02 dont le but était l'amélioration de l'accueil lors des audiences de conciliation.

Les 6 propositions présentées concernant le fonctionnement des services de la poste et des télécommunications reflètent assez bien les difficultés rencontrées par les usagers pour se faire entendre.

De ces propositions, seules les deux premières, PTT 86- 02 et JUS 87- 02 ont pu aboutir. Encore convient- il de préciser que la proposition JUS 87- 02 était relative à la prise en charge des frais d'assistance et de représentation dans le contentieux administratif. Si le traitement du contentieux des factures téléphoniques était bien à l'origine de la proposition, son objet dépassait donc ce seul contentieux et son aboutissement ne dépendait pas des P.T.T. L'entrée en vigueur de l'article 1er du décret n° 88- 907 du 2 septembre 1988 en permettant au juge administratif de faire supporter à la partie qui succombe tout ou partie des frais d'avocat de la partie adverse a permis de clore cette proposition.

27 propositions de réformes tendaient à améliorer l'information donnée aux usagers des services publics, dans les domaines les plus variés. Une seule a été refusée.

Le but de 16 propositions était de simplifier et faciliter l'accomplissement des formalités administratives par les usagers et, pour 1O autres, de permettre une meilleure coordination des services ou des réglementations. En effet, rien n'irrite davantage l'usager que de se trouver pris entre deux réglementations dont chacune est susceptible de lui accorder un avantage mais qui ne relève exactement ni de l'une ni de l'autre. Il en est de même quand l'attribution d'une prestation dépend de l'avis conforme de deux instances dont l'une donne son accord et l'autre le refuse.

Le Médiateur de la République a ainsi présenté une proposition de réforme STR 87- 12 pour assurer une meilleure coordination entre les avis des médecins de contrôle des entreprises et ceux des médecins des caisses de sécurité sociale.

Les 8 dernières des 109 propositions de réforme ayant pour objet l'amélioration des relations entre l'administration et l'usager avaient pour but, d'une part, de lutter contre l'anonymat des correspondances administratives et, d'autre part, d'améliorer le contenu de divers imprimés administratifs.

2)Les conditions d'examen des propositions de réforme


Le Médiateur de la République a conscience d'être une institution incommode et dérangeante : personne n'est content qu'on lui dise qu'il pourrait travailler mieux et bien peu acceptent de bon gré les leçons.

Le Médiateur de la République est donc résigné au premier mouvement d'humeur qu'il déclenche et au rejet par principe de ses propositions.

Mais dès lors que les propositions de réforme du Médiateur de la République sont fondées sur des réclamations de citoyens et qu'elles tendent à une amélioration du service public, il est anormal que les résistances au changement persistent au- delà d'un certain degré.

En vérité, toute réforme dans l'intérêt de l'usager doit être arrachée aux bureaux. Si la proposition n'est pas soutenue par le pouvoir politique, c'est- à- dire par le ministre intéressé, elle n'a aucune chance de surmonter l'obstruction des services.

Il n'est donc pas étonnant que les autorités administratives saisies n'instruisent pas les propositions de réforme avec beaucoup de zèle et qui la lenteur et l'hostilité caractérisent trop souvent leur attitude.

Les délais d'instruction sont souvent excessifs

En effet, le Médiateur de la République s'est fixé pour objectif d'aboutir à une solution dans un délai maximum d'un an. Le délai moyen d'instruction des propositions de réforme est de 13,2 mois, mais il n'était que de 11,5 mois en 1990.

Ces délais moyens cachent des disparités importantes. Ainsi, l'instruction de la proposition de réforme STR 88- 02 relative à l'indemnisation du risque thérapeutique, présentée le 30 mars 1988, se poursuit depuis lors, tandis que la proposition AGP 91- OI, relative à l'égalité d'accès à un emploi public dans les concours comportant une option informatique, présentée le Ter février 1991 a été close après réception d'une réponse favorable le IO juin 1991 soit un délai d instruction de 4 mois et IO jours.

Le stock de propositions en cours d'instruction est passé de 22 au 1er janvier 1991 à 35 au 31 octobre 1991.

Si les propositions de réforme qui tendent à améliorer l'information de l'usager ou à faciliter ses démarches aboutissent plus facilement, les délais peuvent être longs.

Le 26 juin 990, le Médiateur de la République a présenté la proposition URB 90- OI ayant pour objet l'amélioration de l'information des demandeurs et des bénéficiaires d'un permis de construire. En effet, les formulaires de demande de permis et le permis lui- même portent la mention selon laquelle le permis est accordé "sous réserve du droit des tiers". Ceci signifie que le permis de construire accordé ne fait que vérifier la conformité du projet par rapport aux dispositions légales applicables, mais ne met pas le constructeur à l'abri de l'action d'un voisin qui s'estimerait lésé dans ses droits.

La proposition de réforme tendait à ce qu'une nouvelle formulation plus explicite, soit employée.

Le Médiateur de la République a été informé officiellement le 4 octobre 1990, par le ministère de l'équipement, que celui- ci était d'accord sur le principe de la proposition. Cet accord a été confirmé le 20 décembre 1990. Le 4 avril 1991 lors d'une réunion interministérielle, il a été demandé au ministère de préciser dans quels délais la proposition pourrait être mise en oeuvre et, le 27 juin 1991 le ministère a informé le Médiateur de la République que les nouveaux imprimés allaient être transmis au centre d'enregistrement et de révision des formulaires administratifs (C.E.R.F.A.).

Le Médiateur de la République a cependant eu la satisfaction d'être officiellement informé que sa proposition de réforme STR 88-02 relative à l'indemnisation du risque thérapeutique allait enfin aboutir, puisqu'un projet de loi serait soumis au Parlement en 1992. Quelles que soient les réserves du Médiateur de la République sur le contenu du projet, il ne peut que se féliciter de l'amélioration de la situation des victimes d'accidents thérapeutiques qui s'ensuivra.

L'instruction d'une proposition de réforme n'est pas conduite avec vigueur

La proposition est adressée aux ministres intéressés, au ministre chargé de la réforme administrative, et au secrétariat général du Gouvernement.

Elle est également adressée au centre national d'informatique juridique (C.N.I.J.) qui l'enregistre sur la base de données appelées D.I.V.A.

Le Médiateur de la République demande aux administrations ou organismes saisis de répondre dans un délai de trois mois. Celui- ci est rarement respecté, et des lettres de rappel sont régulièrement envoyées.

Des réunions interministérielles trimestrielles, présidées par un membre du cabinet du ministre chargé de la réforme administrative, permettent de savoir où en est l'instruction de ses propositions de réforme.

L'expérience montre que, très souvent, rien ne se passe entre deux réunions, ou que les administrations ne se préoccupent d'apporter une réponse que lorsqu'elles reçoivent la convocation pour la réunion suivante.

De sorte que les réponses ne reflètent, la plupart du temps, que la position connue, réservée ou hostile, des services dont les pratiques sont mises en cause, et non celle du responsable du département ministériel. A ce fait, s'ajoute le délai mis pour transmettre le procès- verbal de la réunion interministérielle, soit environ six semaines.

Ces comptes rendus sont assurés par les services du secrétariat général du Gouvernement. Ce sont également eux qui suivent les dossiers des propositions de réforme soumis à l'arbitrage du Premier ministre. Les délais d'examen de ces dossiers par le Premier ministre constituent un facteur important d'allongement des délais d'instruction.

L'expérience a montré qu'un suivi au niveau politique était indispensable pour que l'instruction des propositions de réforme se déroule de façon satisfaisante.

Le suivi est actuellement assuré par le ministre d'Etat, ministre de la fonction publique et de la réforme administrative. Le Médiateur de la République a le sentiment que celui- ci, pour des raisons faciles à comprendre, accorde la priorité à la fonction publique.

Pendant la période où le secrétaire d'Etat chargé de la réforme administrative n'avait à charge que cette seule attribution, il a pu être constaté que l'instruction des propositions de réforme se déroulait dans de meilleures conditions et que les résultats obtenus étaient souvent plus décisifs.

Le plus exaspérant est le manque de dialogue dans l'instruction des propositions de réforme

Les administrations saisies instruisent les propositions de réforme sans jamais prendre contact avec le Médiateur de la République, s'intéresser à ses motifs ou s'inquiéter de savoir si la réponse qui est préparée le satisfera.

Ce comportement des administrations permet de mieux saisir le caractère relatif du succès que rencontrent les propositions ainsi que les difficultés signalées.

Plusieurs parlementaires avaient proposé que le Parlement soit systématiquement informé de la suite donnée par le Gouvernement aux propositions de réforme du Médiateur de la République. Il est regrettable que cette suggestion n'ait pas été retenue car elle eût été de nature à susciter un effort des services.

Améliorer la procédure ne servira à rien s'il n'y a pas une volonté politique forte d'assurer un meilleur service public

Deux modifications pourraient donner plus d'efficacité à la procédure d'instruction :

- La première pourrait consister, pour certains dossiers, à organiser des réunions techniques avec les ministères concernés. Ces réunions permettraient de confronter les positions et, en cas de blocage, d'en appeler au ministre compétent, en toute connaissance de cause. Mais cela n'est intéressant que si nous sommes assurés, en cas de besoin, de la participation de personnes ayant réglementairement le pouvoir de décision et donc d'engager leur département ministériel. C'est ce que nous allons tenter avec le problème de la preuve de la nationalité française.

- La seconde serait de donner aux réunions interministérielles un caractère décisionnel. L'administration convoquée ne pourrait venir en confirmant, comme à la réunion précédente, qu'une lettre est à la signature du ministre, mais devrait arriver avec une position qui serait actée au procès- verbal.

3)Les résultats obtenus sont globalement satisfaisants


Malgré ce contexte peu favorable, des propositions de réforme finissent par être adoptées. Il faut croire qu'elles s'imposaient !

Sur les 161 propositions dont l'instruction était close au 31 décembre 1991, 102, soit 63,75%, ont obtenu un accueil favorable. 19 propositions, soit 11,87%, ont été refusées et 39 propositions, soit 24,37%, ont été retirées.

Refus et retraits qui, ensemble, représentent 36,25% des propositions présentées, trouvent parfois des justifications admissibles. Parfois aussi, les motifs avancés sont déconcertants.

Le principal motif de refus tient au coût de la mise en oeuvre de la proposition de réforme. C'est particulièrement vrai en matière de droits sociaux et de prestations sociales, puisque 1O des 19 refus opposés sont intervenus dans ce domaine.

Les autres refus tiennent à des difficultés de mise en application. Il en est ainsi, par exemple, de la proposition ED 88-01 relative à la procédure disciplinaire appliquée aux candidats soupçonnés de fraude au baccalauréat.

Il en est de même de la proposition STR 89- 06, relative à l'information préalable des assurés sociaux sur les conditions de remboursement des frais de transport. Son refus est pour le moins surprenant.

Deux motifs ont été avancés :

- le caractère jugé suffisant de l'information déjà diffusée ;

- le coût élevé au regard de son utilité d'une information supplémentaire.

Nul doute que l'auteur de cette réflexion n'est pas au courant des efforts déployés par le Gouvernement pour parvenir à réduire les causes des malentendus qui surviennent dans les relations entre l'administration et les administrés.

Comment peut- on considérer que l'information déjà diffusée est réellement suffisante lorsqu'on sait que, selon une enquête de la C.N.A.M.T.S., 25% des contestations formées devant les caisses primaires ont trait à des refus de remboursement de frais de transport.

Les raisons qui conduisent le Médiateur de la République à retirer ses propositions de réforme tiennent à deux faits. Soit lorsqu'il est convaincu par les arguments de l'administration saisie, soit lorsqu'il constate qu'il est impossible d'aboutir à une solution satisfaisante dans un délai raisonnable.

Un cas typique concerne les règlements applicables aux concours d'entrée dans la fonction publique qui mentionnent des listes de diplômes limitatives pour la plupart de ces concours. Ces listes ne pouvant tenir compte de la multiplicité des diplômes existants, certains candidats se retrouvaient dans la position de ce conscrit bachelier enregistré par l'armée comme analphabète parce qu'il n'avait pas le certificat d'études. Bien que les titulaires de diplômes équivalents ou supérieurs à ceux exigés, ils ne pouvaient se présenter au concours de leur choix.

Certes, il est difficile de parvenir à une définition satisfaisante pour l'ensemble des examens et concours dans la fonction publique. La diversité qui caractérise les fonctions et leur spécialisation en sont une cause. S'y ajoutent les projets d'harmonisation en cours de négociation, entre les titres en usage dans les Etats membres de la Communauté européenne.

La proposition PRM 86-03 relative à l'admission des certificats, diplômes, qualifications professionnelles et titres d'études pour accéder par concours aux emplois de la fonction publique a dû être retirée.

Pour atténuer ce blocage et poser de nouveau le problème, grâce à l'intervention de la directive européenne 89/48 C.E.E. du 21 décembre 1988, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d'une durée minimum de trois ans, le Médiateur de la République a présenté la proposition EUR 89-04 ayant pour objet la transposition de cette directive.

L'issue de la proposition de réforme est déjà positive lorsque l'administration en a accepté le principe. Cette première phase témoigne de l'assentiment de l'administration à prendre en compte les considérations de l'Institution sur le problème évoqué

Certes, cette attitude ne suffit pas à transformer immédiatement la cause de l'iniquité constatée. Des délais parfois trop longs pouvant s'écouler entre le moment où l'administration saisie donne son accord de principe et celui où cet accord devient effectif.

Parfois aussi, il faut réitérer les propositions, soit parce qu'elles n'ont pas rencontré un accueil favorable dans un premier temps, soit parce que les mesures prises par l'administration n'ont pas résolu le problème à l'origine de la proposition.

L'exemple du capital décès et du cas des fonctionnaires décédés dans les jours suivants leur mise à la retraite est significatif. Nous savons qu'au plan de l'appréciation des droits à une prestation de la sécurité sociale, la situation des fonctionnaires est régie par les règles du Code de la sécurité sociale. Notamment, en ce qui concerne le capital-décès, les droits sont ouverts aux ayants droits de tout assuré ayant fourni 200 heures de travail au cours du trimestre civil ou des trois mois précédant son décès.

Or cette règle, de vocation générale, n'est pas respectée dans la fonction publique de sorte que le capital décès n'est pas attribué lorsque l'agent retraité décède peu de temps après sa mise à la retraite. La proposition FIN 88-02 a eu pour objectif de rendre systématiquement applicable les dispositions du Code de la sécurité sociale. Cette proposition a dû être retirée devant l'opposition rencontrée.

En 1990, la Cour de cassation, saisie par des ayants droits, a fait droit à leur demande et condamné l'agence judiciaire du Trésor au paiement de cette prestation. Cette décision, bien qu'elle posait un principe, ne pouvait avoir qu'un effet limité aux auteurs de la requête. Ce fut néanmoins l'occasion pour le Médiateur de la République de renouveler, le 31 juillet 1990, sa démarche en présentant une nouvelle proposition de réforme AGP 90-02. Il a été informé que la solution envisagée consistait à modifier le texte pour le rendre conforme à la pratique de l'administration.

Les propositions de réforme STR 87-13 et ED 91-01 relatives à l'indemnisation pour perte d'emploi des agents non titulaires du secteur public fournissent un bon exemple d'une proposition qu'il a fallu plusieurs fois répéter pour assurer son efficacité.

L'article R. 351-33 du Code du travail prévoit que le préfet peut refuser l'attribution, le renouvellement ou le maintien du revenu de remplacement aux demandeurs d'emploi, c'est-à-dire des allocations-chômage.

Le Médiateur de la République ayant constaté que les employeurs des agents publics non titulaires prenaient eux-mêmes la décision, a présenté avec succès la proposition de réforme STR 87-13 pour demander au Gouvernement d'assurer le respect des dispositions du Code du travail. Certaines administrations persistaient cependant dans leur refus. Une nouvelle proposition de réforme tendant à faire cesser ces abus a donc été présentée.

Conclusion


Si le Médiateur de la République a autant d'occasions de présenter des propositions de réformes alors que les administrations disposent de services d'inspection et que les ministres encouragent leurs agents à perfectionner leur travail, c'est parce qu'il existe une carence dans le comportement de la fonction publique.

Cette carence vient de ce que les agents sont formés aux actes d'autorité, même lorsque leur mission consiste à fournir des services. Partant, les fonctionnaires attendent l'usager et n'ont pas le réflexe d'aller à sa rencontre ; ils n'éprouvent pas le besoin de se mettre à la place du citoyen.

Il est vrai qu'il s'agit là de tout comportement dans le cadre d'un monopole public ou privé. L'expérience montre d'ailleurs que dans ces situations, l'usager est mieux servi que le client.

De même que la concurrence est indispensable dans le secteur privé, une autorité critique et constructive extérieure à l'administration est fort utile pour le service public.

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