Année 1989

L'INSTITUTION DU MEDIATEUR DE LA REPUBLIQUE

LE STATUT DU MEDIATEUR DE LA REPUBLIQUE


L'expérience a amplement confirmé que la médiation ne peut réussir que si deux conditions sont réunies : l'indépendance du Médiateur et l'autorité de ses recommandations. Ces qualités s'attachent certes à la personne du Médiateur et dépendent de la bonne volonté de ses interlocuteurs, mais elles doivent aussi découler de son statut.

L'institution est désormais reconnue au rang que le législateur lui avait fixé dès l'origine, c'est-à-dire celui d'une institution particulière et indépendante.

La loi n° 89-18 du 13 janvier 1989, en son article 69, a clarifié la situation en consacrant la qualification d'autorité indépendante et en officialisant l'appellation de Médiateur de la République.

1. L'indépendance


L'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif laquelle, dans un passé encore récent, ne s'imposait pas de façon formelle à tous les esprits, est maintenant clairement établie.

Je rappellerai pour mémoire que, le 10 juillet 1981, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux (arrêt Retail), avait estimé que le Médiateur en raison notamment de son mode de nomination... a le caractère d'une autorité administrative ". Nommé par décret en Conseil des ministres et disposant de crédits de fonctionnement inscrits au budget du Premier ministre, le Médiateur avait été progressivement assimilé à un service dépendant de l'Hôtel Matignon.

Or, est-il besoin de souligner que le Médiateur de la République ne saurait exercer sa mission comme une simple entité administrative chargée de faire respecter la réglementation en vigueur. Ce n'est pas précisément dans un tel cadre qu'il assume ses fonctions lorsqu'il invite une administration à prendre une décision en équité, en dérogation aux règles de droit.

Pour ma part, je souhaiterais que toute référence à l'administration soit effacée. Seule une prise de position du législateur exclurait, à mon sens, tout nouveau risque de dérive vers un assujettissement au pouvoir exécutif.

En effet, contrairement à ce que pensent certains spécialistes du droit administratif, il ne s'agit pas pour le Médiateur de faire échapper tous ses actes au contrôle juridictionnel. Sur ce point, la solution de l'arrêt Retail, qui exclut du contrôle les actes accomplis dans le cadre de la mission du Médiateur, est tout à fait satisfaisante. Pour les autres actes consécutifs à son activité, le Médiateur de la République n'a jamais récusé le contrôle de légalité.

Ce qui gêne le Médiateur de la République dans l'arrêt Retail est uniquement le mot " administratif ". Autrement dit, son rattachement à la catégorie des institutions administratives. Cela, non pour une question de commodité, mais parce que cette qualification est incompatible avec l'exercice d'une mission qui demande une totale indépendance à l'égard de l'administration : le Médiateur de la République ne peut apparaître comme juge et partie aux yeux des citoyens qui se plaignent de l'administration.

2. L'appellation de Médiateur de la République


De nombreux médiateurs sont nommés pour une mission déterminée, temporaire ou permanente, notamment pour dénouer un conflit social, que celui-ci affecte le secteur public ou intéresse le secteur privé.

Ainsi, après l'échec d'une procédure de conciliation, une procédure de médiation peut être engagée par le ministre chargé du travail ou par le président de la commission de conciliation, à la demande de l'une des parties ou de sa propre initiative. Un " médiateur " est alors choisi sur une liste de personnalités désignées en fonction de leur autorité morale et de leur compétence économique et sociale. Il peut s'agir aussi d'un " professionnel libéral " nommé d'un commun accord par les deux parties en présence dans un conflit existant au sein d'une entreprise privée. L'utilité de ces missions n'est pas contestable. Elle est si bien reconnue que le terme de " médiateur " est désormais bien ancré dans les esprits.

Le législateur avait pris des dispositions (article 14 bis de la loi du 3 janvier 1973) pour réserver au Médiateur le monopole de l'usage du terme. Mais cette protection a cédé devant l'insuffisance du vocabulaire. Depuis que l'appellation de Médiateur de la République a été officialisée par la loi du 13 janvier 1989, il n'y a plus de risque de confusion.

3. La spécificité du Médiateur de la République


Il y a en effet une différence de fond entre les missions, car là plupart des médiateurs intervenant dans les conflits du travail dans une entreprise privée, le plus souvent " en qualité de profession libérale ", sont en fait chargés d'une mission de conciliation. En effet, ils cherchent essentiellement à rapprocher les points de vue des deux parties ayant des intérêts opposés. Alors que le Médiateur de la République s'oblige, lorsqu'il intervient, à recommander une solution au litige, acceptable à la fois pour le réclamant et pour l'administration en cause, et qui réponde à la préoccupation d'équité.

LA COMPETENCE - LA PRISE EN COMPTE DE L'EQUITE


La prise en compte de l'équité par les administrateurs à la demande du Médiateur pose un problème nouveau depuis que la loi du 24 décembre 1976 a prévu pour l'équité un champ d'application spécifique. Cette extension ne change cependant rien à la nature, aux modalités et aux conséquences de l'intervention du Médiateur dans les domaines de compétence fixés par la loi du 3 janvier 1973.

1. Le champ d'application du devoir d'équité


Le souci d'équité est une attitude utile, voire nécessaire, dans les rapports sociaux. Lorsqu'une décision administrative est estimée illégale ou considérée comme inopportune, le citoyen qui s'en croit victime invoque l'erreur, l'inexactitude ou l'injustice de la décision. Souvent, il complète sa critique en affirmant que les conséquences de la décision qui le gêne sont " inéquitables ".

a) La décision illégale


La décision illégale est la conséquence d'une application inexacte du droit. Elle a toujours des conséquences injustes ou inéquitables pour quelqu'un. Généralement, c'est le citoyen à qui le droit est appliqué qui en pâtit. Mais ce peut être aussi la collectivité qui en soit victime si l'individu bénéficie d'un passe-droit.

Les juges amenés à apprécier un dommage résultant d'une illégalité l'évaluent " exactement " et fixent le montant de la réparation qui leur paraît " juste ".

Lorsque les torts sont partagés ou qu'il y a plusieurs débiteurs, et qu'une répartition de la charge de la réparation du dommage s'impose, le juge qualifie souvent d'"équitable " le partage qu'il décide.

Mais ces qualificatifs n'ont aucune valeur sacramentelle. L'emploi des termes " exact " ou " équitable " intéresse le style et non le fond des choses. Leur choix n'influe pas sur le dispositif de la décision.

b) L'erreur d'appréciation


Il en va de même lorsqu'il s'agit de l'appréciation des conséquences d'une décision prise en opportunité par un administrateur.

Parfois, les conséquences sont qualifiées aussi bien d'"injustes " que d'"inéquitables " par le citoyen mécontent.

De la même façon, le Médiateur de la République peut estimer lui aussi que l'usage fait par l'administrateur de son pouvoir d'appréciation a des conséquences " injustes " ou " inéquitables " pour le réclamant. La seule nuance qu'il introduit parfois est celle de l'emploi d'"injuste " lorsque seule la situation du réclamant est en cause, alors qu'il sera tenté d'utiliser le terme " inéquitable " lorsqu'il existe un élément de comparaison entre les situations des personnes intéressées, le mot " équitable " étant généralement lié à la notion de partage.

c) L'extension de la loi du 24 décembre 1976


Le champ de compétence dévolu initialement au Médiateur de la République par la loi du 3 janvier 1973 était celui de la défense du citoyen contre le mauvais fonctionnement de l'administration. Étant entendu que la pire des défaillances de l'administration dans ce domaine est l'illégalité.

La loi du 3 janvier 1973 autorisait seulement le Médiateur à remédier à un dysfonctionnement. Elle ne lui permettait pas de suggérer à l'administrateur de s'écarter de la lettre de la loi pour aboutir à une décision plus équitable pour le citoyen.

C'est précisément pour donner ce droit au Médiateur que la loi du 24 décembre 1976 est intervenue.

Les dispositions, insérées à l'article 9, alinéa 2, de la loi du 3 janvier 1973 sont les suivantes :

" Lorsqu'il apparaît au Médiateur, à l'occasion d'une réclamation dont il a été saisi, que l'application de dispositions législatives ou réglementaires aboutit à une iniquité, il peut recommander à l'organisme mis en cause toute solution permettant de régler en équité la situation du requérant, proposer à l'autorité compétente toutes mesures qu'il estime de nature à y remédier et suggérer les modifications qu'il lui paraît opportun d'apporter à des textes législatifs ou réglementaires. "

En prenant ce texte, le législateur a voulu, par une possibilité remédier à certains effets de la loi:

- éviter que l'administrateur refusât d'examiner des situations exceptionnelles et particulières en invoquant l'obligation à laquelle il était tenu d'appliquer la lettre des textes en se retranchant derrière ce que les juristes appellent " la compétence liée " qui ne laisse aucune liberté d'appréciation;

- permettre de compenser ou d'atténuer les conséquences inéquitables de l'application d'une loi.

En résumé, le législateur a souhaité que le Médiateur pût s'entremettre entre la collectivité (représentée par l'administration) et le particulier pour que l'application des règles au bénéfice de la première ne sacrifie pas outre mesure les intérêts du second.

L'application de la loi du 24 décembre 1976 présente des difficultés de deux ordres: l'une tenant au principe de la légalité dans un Etat de Droit et l'autre relative à la définition de l'équité par le Médiateur de la République.

2.Le respect du principe de légalité


Notre histoire et notre culture nous ont conduits à adopter un régime de relations sociales fondées sur l'Etat de Droit.

Ce système, qui ne peut prétendre à la perfection, est certainement le mieux adapté à nos besoins. Personne ne songe à le remettre fondamentalement en question. Il est de l'intérêt de tous que ses principes soient sauvegardés.

Partant, l'intervention du Médiateur de la République au nom de l'équité doit veiller à se présenter comme une action dans le cadre de l'Etat de Droit. Action qui respecte ce cadre, le complète et finalement le renforce.

Autrement dit, l'intervention du Médiateur de la République au nom de l'équité ne sera possible qu'à la condition de mieux servir l'esprit de la loi, de mieux concilier les intérêts en présence et de ne pas entraver l'application des règles.

a) Mieux servir l'esprit de la loi


La règle de droit a été édictée pour organiser au mieux les rapports entre les personnes. Elle fixe leurs droits et leurs devoirs dans le cadre des grands principes du droit. L'initiative du Médiateur de la République doit respecter la règle et les principes.

b) Les objectifs de la règle de droit


Le propre de la règle de droit est donc d'organiser les rapports sociaux dans un domaine particulier en leur fixant un but : procurer des ressources à la collectivité, organiser la défense de la santé sur la base de la solidarité, procurer des ressources aux chômeurs, indemniser les victimes de la guerre, etc.

Mais en fixant ces objectifs, le législateur contraint rarement la collectivité à les atteindre immédiatement. Il se borne le plus souvent à l'inviter à prendre des mesures qui y concourent. C'est le Gouvernement qui, en fonction de ses moyens, décidera les mesures d'application. Les décrets qui seront pris rapprocheront progressivement des objectifs assignés.

Dans certains cas cependant, le législateur fixe lui-même, de manière précise, les limites de l'objectif recherché. Par exemple, le législateur pourra dire que :

- l'indemnisation des victimes de la guerre sera strictement réservée aux personnes qui remplissent des conditions très précises ;

-les recours devant les juridictions seront assortis de délais impératifs ;

- des avantages fiscaux seront subordonnés à des situations bien définies.

Dans ces hypothèses, l'esprit de la loi est volontairement restrictif ; les limites ont été délibérément établies. L'esprit de la loi s'oppose à ce que le Médiateur demande, au nom de l'équité, une interprétation plus généreuse de la loi.

En revanche, lorsqu'il apparaîtra que c'est seulement par insuffisance de la formulation de la lettre de la loi ou par simple oubli qu'une situation n'a pas été prise en compte pour bénéficier des avantages de la loi, le Médiateur pourra, au nom de l'équité, demander une extension au cas particulier des droits prévus par la lettre de la loi.

c) Les grands principes de l'état de droit


Le Médiateur peut aussi être dissuadé d'intervenir en équité pour respecter les grands principes du droit.

- Le respect des principes généraux du droit

Comme son domaine d'action est celui de l'appréciation des intérêts d'une collectivité à travers le comportement ou la décision d'un administrateur à l'égard d'un particulier, le Médiateur de la République est souvent confronté au problème de l'application du principe de l'égalité de traitement des citoyens. Tout est alors question d'interprétation selon l'esprit de la loi: si la loi a voulu une application uniforme de la règle aboutissant à une répartition arithmétique, le Médiateur n'interviendra pas; si, au contraire, l'esprit de la loi a été la définition d'un objectif, il sera du devoir du Médiateur de demander à l'administration d'adopter la position permettant d'aboutir au résultat recherché par le législateur.

- Le respect du droit des tiers

Le respect du droit des tiers est aussi un principe qui s'oppose souvent à l'intervention du Médiateur en équité.

Par exemple :en matière d'urbanisme, si le juge confirme une décision administrative de refus de permis de construire ou d'inconstructibilité d'un terrain prise dans l'intérêt de la protection des voisins, le Médiateur, en incitant l'administration à renoncer au bénéfice de la chose jugée, irait à l'encontre des droits de ces tiers. Le respect de la chose jugée, confirmant la position de l'administration, s'oppose, en principe, à une initiative du Médiateur.

La renonciation au bénéfice de la chose jugée en faveur de la collectivité est cependant toujours possible dans les domaines où l'administration avait le pouvoir de prendre une décision dans un sens ou dans un autre, suivant son appréciation des circonstances de l'espèce (accorder ou refuser une autorisation, reconnaître ou ne pas reconnaître une faute de service public, calculer plus ou moins largement une indemnité...), lorsque la renonciation ne porte pas atteinte aux droits des tiers.

Même si la légalité de la décision administrative est reconnue par le juge, cela ne la cristallise pas. Elle peut toujours être modifiée par son auteur dès lors qu'il n'est pas porté atteinte aux droits des tiers.

Le Médiateur de la République, attentif au cadre juridique, ne peut pas non plus ignorer les intérêts de la collectivité et les impératifs de la conduite de l'Etat.

3.Equité et respect de l'intérêt général


Dans le débat qui oppose un particulier à une collectivité, la préservation des intérêts particuliers ne doit pas amener à méconnaître ceux du plus grand nombre.

Aussi, le Médiateur de la République ne plaide l'iniquité des conséquences d'une décision qu'à trois conditions. La première est l'existence d'une disproportion flagrante entre la gêne que subit le particulier et l'avantage moyen que les membres de la collectivité en retireront. La seconde tient à la possibilité, pour la collectivité, d'accorder une compensation, généralement financière, au préjudice anormal subi par le citoyen. La troisième enfin réside dans la capacité de la collectivité d'en supporter le coût, ce qui n'est pas toujours à la portée des petites communes.

La constatation des conséquences inéquitables pour le réclamant d'une décision administrative n'entraîne donc pas, à elle seule, l'intervention du Médiateur de la République.

Il ne saurait en effet oublier qu'il n'est que le conseilleur. Le payeur, c'est la collectivité dont les intérêts sont représentés par un administrateur. La collectivité pouvant être d'ailleurs une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public, comme les organismes sociaux.

a) L'administrateur doit être appelé au dialogue sur le terrain de l'équité


La préoccupation du Médiateur intervenant en équité est d'amener l'administrateur à décider en fonction de la mission d'intérêt général qu'il doit servir au lieu de défendre à tout prix les seuls intérêts, notamment financiers, de l'organisme qu'il représente. Ce souci est d'autant plus important que les rigidités d'attitude viennent beaucoup moins des organismes dirigeants élus que des comptables qui leur sont subordonnés.

Le Médiateur, dans sa correspondance avec l'administration, rappelle le contenu du 2e alinéa de l'article 9 de la loi encore trop souvent méconnu. Il insiste, le cas échéant, sur les raisons qui ont amené le législateur à prendre ces dispositions, justement pour résoudre des problèmes analogues à celui qui est en cause.

Le maximum d'efforts est fait pour convaincre l'administrateur de la nécessité d'apporter un correctif à l'application, au cas particulier, de la simple lettre de la loi. A cette fin, il est insisté sur le caractère exceptionnel du cas et la gravité des conséquences de l'application littérale du texte.

Les références au contenu et à l'esprit de l'article 9, alinéa 2, ne sont jamais superflues. Il convient même de les considérer comme indispensables et d'y recourir systématiquement.

b) La hiérarchie administrative doit être respectée


L'administrateur a le souci de l'intérêt général et n'est pas insensible à l'équité. Aussi, lorsqu'il est amené au dialogue, et s'il ne s'estime pas en mesure de revenir sur sa décision, il contribue cependant généralement à un réexamen de l'affaire par l'autorité hiérarchique ou par la commission habituellement compétente, soit pour modifier la décision qui fait grief, soit pour en compenser.

Mais en tant que décideur, il peut hésiter à accomplir l'effort demandé. Il convient de l'y encourager.

4. Equité et responsabilités de l'administration


Lorsque le Médiateur de la République invoque l'équité à l'appui de sa demande, dans le cas où il lui apparaît qu'un citoyen a été victime d'une décision illégale ou d'un dysfonctionnement de l'administration, il n'a pas de précautions particulières à prendre.

Il n'en va pas de même s'il entreprend la même démarche dans le cadre de l'article 9, alinéa 2, de la loi du 3 janvier 1973, car son initiative peut surprendre. Il lui faut donc intervenir dans ce domaine avec le maximum de discernement et en sachant bien qu'il peut être difficile de convaincre son interlocuteur dont le premier souci est de respecter la lettre de la loi.

Le Médiateur fait d'abord valoir que sa suggestion n'est pas contraire à l'esprit de la loi, qu'elle se justifie par des circonstances particulières exceptionnelles, que ses implications financières sont supportables pour la collectivité alors qu'elles sont ruineuses pour le particulier et qu'un rééquilibrage des situations s'impose. Ces considérations clairement formulées, en insistant sur le fait que si le décideur vise la demande du Médiateur pour modifier sa décision initiale, il s'ensuit deux conséquences :

a) La révision d'une décision administrative n'a pas valeur de précédent


La crainte de s'engager pour l'avenir n'est pas l'exclusivité des juges. Elle habite tout autant les administrateurs.

Le Médiateur exorcise cette crainte d'abord en démontrant, sans lésiner sur les aspects exceptionnels du cas particulier, qu'il se place à l'extérieur de la situation envisagée par la lettre de la loi dont il respecte l'esprit. Il insiste ensuite sur le fait que, si l'administrateur accepte de modifier sa position pour déférer à la demande du Médiateur de la République, il marque par là même que sa décision est liée à cette démarche. Elle ne saurait donc constituer un précédent vis-à-vis d'un autre réclamant. Tout au plus l'administrateur pourrait-il se sentir tenu de répondre favorablement à une nouvelle demande portant sur un cas analogue. Le risque en est faible, car le Médiateur de la République lui-même évite avec soin la logique du précédent et examine chaque cas dans son originalité et sa spécificité.

b) La responsabilite morale de la nouvelle décision est transférée de l'administrateur au Médiateur


Le Médiateur, ne décidant pas aux lieu et place de l'administrateur, ne peut assumer, en l'état actuel de son statut, la responsabilité légale de la nouvelle décision. Il doit se contenter d'en accepter la responsabilité morale.

Est-ce un geste sans portée ?

- Le transfert de responsabilité morale a un fondement juridique

Ce fondement est tiré du principe qui a conduit le législateur à prendre les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 9 de la loi modifiée du 3 janvier 1973.

Quel est ce principe ? Et d'abord, y a-t-il un principe?

A mon sens, oui. Cela pour plusieurs raisons :

D'abord, il y a la lettre de la loi du 24 décembre 1976 qui invite le Médiateur de la République à intervenir pour des changements dont il serait anormal qu'il n'assumât pas la responsabilité.

Ensuite, le transfert de responsabilité peut être considéré comme une application du principe d'égalité contenu dans l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 " la loi... doit être la même pour tous... ", dans ses contraintes notamment, peut-on soutenir.

Mais aussi le recours à l'équité peut figurer au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ou encore " parmi les principes particulièrement nécessaires à notre temps " dont le Conseil constitutionnel a ouvert la liste sans la clore.

En quoi serait-ce un principe " particulièrement nécessaire à notre temps " ?

Tout simplement parce que le recours à l'équité pour compenser les conséquences inéquitables de la loi est réclamé par l'opinion publique française; qu'il permet à la règle de droit imparfaite d'être appliquée sur une plus longue durée. Or la longévité d'une règle est nécessaire pour la sûreté des rapports sociaux ; parce que modifier et, a fortiori, refondre une loi est une entreprise difficile... Enfin, et peut-être surtout, parce que l'existence des conséquences inéquitables résultant de l'application des lois menace la cohésion du corps social et que l'esprit de solidarité entre toutes les personnes composant une collectivité commande qu'il n'y ait pas trop d'écart entre ceux qui tirent le meilleur profit de la règle de droit et ceux qui lui paient le plus lourd tribut.

C'est finalement l'impératif de solidarité qui justifie qu'au nom de l'intérêt général, il soit possible de transférer sur le Médiateur la responsabilité morale d'une décision qu'il a demandée.

Mais on objectera peut-être qu'il s'agit là d'un geste gratuit.

Ce serait une erreur.

- Le transfert de responsabilité morale est important pour l'administrateur

Le cadre administratif ne peut faire oublier les préoccupations personnelles des agents des services publics : ils ont une carrière à accomplir. Malgré leur dévouement, il convient de les aider à prendre les décisions justifiées par la seule équité. C'est ce que peut faire le Médiateur en endossant la responsabilité morale d'une décision qui pourrait apparaître trop lourde à prendre pour le fonctionnaire.

Enfin, malgré toutes ces précautions par lesquelles le Médiateur s'efforce d'amener l'administration aux solutions d'équité, il n'aboutirait à rien d'important s'il méconnaissait le rapport des forces en présence.

c) Le Médiateur de la République ne peut faire appliquer l'équité que par la persuasion


Les fonctions de Médiateur requièrent une approche spécifique car le Médiateur n'a pas le pouvoir de décider souverainement, à l'instar du juge, ni la capacité de forcer la main de l'administration, comme peut parfois le faire le politique.

Par la nature des choses, le registre du Médiateur est celui de la persuasion. Dans ce jeu, le Médiateur doit user de prudence sans surestimer ses atouts. Si la compétence technique des interventions du Médiateur est toujours indispensable, elle ne doit jamais être considérée comme suffisante pour convaincre l'administrateur.

Faire pénétrer pas à pas l'équité dans l'esprit des responsables de l'administration, consolider soigneusement les acquis, user de la patience nécessaire pour ne heurter ni effrayer, est ingrat. Ce n'est pas une attitude exaltante. Mais c'est la mieux adaptée à la situation du moment; c'est donc celle qui s'impose, malgré sa difficulté.

Certes, le principe de la recherche d'une solution d'équité est facilement accepté par les grands responsables politiques. C'est au niveau de l'application dans les services que se déclenche presque toujours un premier réflexe de rejet. Il faut prendre son parti d'avoir à y faire face.

Parmi ces réflexes de rejet, il y a celui des administrations financières dont les raisons sont liées aux difficultés de leurs propres missions. Là encore, on parvient à rapprocher les points de vue par la discussion.

Même si, dans certains cas, les oppositions des contrôleurs financiers doivent être levées par le directeur du budget ou par le ministre du budget lui-même.

5. La formulation de l'intervention du Médiateur de la République


Que le Médiateur demande à l'administration de modifier une décision qui lui paraît illégale, inopportune ou, bien que légalement prise, inéquitable dans ses conséquences, sa démarche est fondamentalement la même.

D'une part, l'acte du Médiateur n'est pas une décision ayant force exécutoire; d'autre part, l'administrateur a toujours la possibilité de rejeter la demande du Médiateur sans encourir de sanction.

C'est pourquoi, dans toutes ses interventions, le Médiateur de la République doit adapter sa démarche et son vocabulaire au cas examiné et à son interlocuteur. Rien ne l'empêche de rappeler dans tous les cas que si l'administrateur veut éviter qu'une décision ait le caractère de " précédent " et s'il refuse d'en assumer la responsabilité morale, il lui suffit de mentionner que cette décision est prise à la demande du Médiateur de la République pour y consentir l'esprit tranquille.

De même qu'une décision interministérielle ne crée de précédent que pour un acte contresigné dans les mêmes formes, l'acte pris à la demande du Médiateur n'aura valeur de précédent pour un autre cas que si une nouvelle demande identique est présentée par le Médiateur. On a vu plus haut que cette hypothèse est hautement improbable. Ainsi l'administrateur qui prend une telle décision est préservé du risque d'avoir créé un précédent. Pour dire le contraire, il faudrait considérer que le Médiateur, reniant ses principes, présentera de nombreuses demandes particulières identiques au lieu de proposer une modification des textes qui génèrent ces situations dont la répétition traduit soit un dysfonctionnement des services, soit une inadaptation de la règle de droit.

Il y a lieu cependant de formuler différemment la demande lorsque le Médiateur intervient en équité sur la base des dispositions de l'article 9, alinéa 2, de la loi modifiée du 3 janvier 1973. Comme il a été dit, dans ce cas, le Médiateur rappelle entièrement le texte de la disposition légale sur laquelle il se fonde; mais c'est surtout parce que les administrateurs connaissent mal ce texte qui ne peut se déduire, par un simple raisonnement, des principes de l'Etat de Droit.

CONCLUSION


La demande de prise en compte de l'équité, dans le cadre assigné au Médiateur de la République par les dispositions de la loi du 24 décembre 1976 insérées à l'article 9, alinéa 2, de la loi du 3 janvier 1973 portant création du Médiateur, ne sera acceptée qu'à la suite d'un double effort.

D'un côté, l'intervention du Médiateur doit être pertinente et motivée et, d'un autre côté, l'administrateur doit admettre que la loi du 24 décembre 1976 doit être appliquée.

L'expérience montre déjà que cette conjonction est possible.

LES POUVOIRS DU MEDIATEUR DE LA REPUBLIQUE


Dans l'esprit du législateur, le Médiateur de la République devait être une sorte de conciliateur en cas de conflit provoqué par l'opposition des intérêts d'un particulier et d'une collectivité. Un peu plus cependant qu'un conciliateur qui se bornerait à rapprocher les points de vue divergents, mais moins qu'un juge qui impose une solution.

Le Garde des Sceaux, en proposant la création du Médiateur, le qualifiait d'"intercesseur gracieux entre le citoyen et l'administration ". Dans la réalité, le Médiateur de la République est un intercesseur doté d'une capacité de pression morale sur l'administration.

Sur ces bases, le législateur devait imaginer une institution capable de s'attirer à la fois la confiance de l'administration et celle du citoyen et qui eût assez de force pour proposer une solution à leur différend.

En raison de sa mission, de son rang dans la hiérarchie des institutions, de son mode de désignation et, bien sûr, de ses qualités personnelles, le Médiateur de la République doit, a priori, être considéré par l'administration comme un interlocuteur honnête, informé, responsable et équitable.

Le citoyen, quant à lui, doit considérer le Médiateur de la République avant tout comme une autorité indépendante, capable techniquement et psychologiquement de défendre ses intérêts face à l'administration, susceptible de renouer le dialogue et de trouver rapidement des terrains d'accord amiable.

Ce sont là des conditions nécessaires à l'exercice de la mission de Médiateur de la République. Mais le législateur a pensé qu'elles n'étaient pas suffisantes, aussi les a-t-il complétées par quelques moyens supplémentaires. Ces moyens supplémentaires consistent, d'une part, dans les initiatives directes que le Médiateur de la République peut prendre pour résoudre un problème de dysfonctionnement de l'administration ou pour empêcher son renouvellement et, d'autre part, en l'octroi de moyens de publicité et en la possibilité de faire appel au juge ou à l'opinion publique.

1.L'examen technique des affaires


La loi qui a fixé le domaine de compétence et les conditions de la saisine du Médiateur de la République en lui laissant une entière liberté pour organiser sa médiation, s'est cependant préoccupée de faciliter sa mission en garantissant son indépendance (articles 1er et 2), en organisant son immunité (article 3) et en s'assurant qu'il aurait accès aux sources d'information indispensables au règlement des affaires.

a) L'accès aux documents et aux dossiers


Ce droit à l'information du Médiateur de la République est fort complet. Il a été inscrit à l'article 13, alinéa 1er de la loi du 3 janvier 1973.

Article 13:

" Le Médiateur de la République peut demander au ministre responsable ou à l'autorité compétente de lui donner communication de tout document ou dossier concernant l'affaire à propos de laquelle il fait son enquête. Le caractère secret ou confidentiel des pièces dont il demande communication ne peut lui être opposé sauf en matière de secret concernant la défense nationale, de sûreté de l'Etat ou de politique extérieure ".

Ce droit à l'accès aux documents et aux dossiers est précisé et renforcé par les dispositions des deux premiers alinéas de l'article 12 de la loi modifiée du 3 janvier 1973 relatif aux vérifications et enquêtes :

Article 12:

" Les ministres et toutes autorités publiques doivent faciliter la tâche du Médiateur de la République.

Ils sont tenus d'autoriser les agents placés sous leur autorité à répondre aux questions et éventuellement aux convocations du Médiateur de la République, et les corps de contrôle à accomplir dans le cadre de leur compétence, les vérifications et enquêtes demandées par le Médiateur de la République. Les agents et les corps de contrôle sont tenus d'y répondre ou d'y déférer. Ils veillent à ce que ces injonctions soient suivies d'effets ".

Le 3e alinéa de l'article 12 de la loi du 3 janvier 1973 permet aussi au Médiateur de la République de s'entourer des avis les plus autorisés.

Article 12:

" Le vice-président du Conseil d'Etat et le premier président de la Cour des Comptes font, sur la demande du Médiateur de la République, procéder à toutes études ".

b) Les moyens de droit


Pour que le Médiateur de la République puisse amener les parties à accepter un arrangement mettant fin au différend qui les oppose, le législateur lui a donné deux moyens: la recommandation et l'injonction.

- La recommandation

La recommandation est souvent visée dans la loi modifiée du 3 janvier 1973

Article 9:

" Lorsqu'une réclamation lui paraît justifiée, le Médiateur de la République fait toutes les recommandations qui lui paraissant de nature à régler les difficultés dont il est saisi et, le cas échéant, toutes propositions tendant à améliorer le fonctionnement de l'organisme concerné.

Lorsqu'il apparaît au Médiateur de la République, à l'occasion d'une réclamation dont il a été saisi, que l'application de dispositions législatives ou réglementaires aboutit à une iniquité, il peut recommander à I organisme mis en cause toute solution permettant de régler en équité la situation du requérant, proposer à l'autorité compétente toutes mesures qu'il estime de nature à y remédier et suggérer les modifications qu'il lui paraît opportun d'apporter à des textes législatifs ou réglementaires.

Le Médiateur de la République est informé de la suite donnée à ses interventions. A défaut de réponse satisfaisante dans le délai qu'il a fixé, il peut rendre publiques ses recommandations. L'organisme mis en cause peut rendre publique la réponse faite et, le cas échéant, la décision prise à la suite de la démarche faite par le Médiateur de la République ".

Article 11:

" Le Médiateur de la République ne peut intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction, ni remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle, mais a la faculté de faire des recommandations à l'organisme mis en cause ".

Le législateur englobe dans le terme " recommandation " toutes les demandes, suggestions, invitations ou propositions que le Médiateur de la République peut adresser aussi bien à l'administration qu'au particulier. Il lui arrive en effet d'inviter le particulier à faire un geste envers l'administration pour faciliter la solution du différend. C'est ainsi que le Médiateur de la République recommandera par exemple à un contribuable de verser au Trésor public la somme réclamée en principal pour que les services fiscaux le dispensent des pénalités de retard.

Le terme recommandation n'a pas, pour le Médiateur de la République, un sens technique très précis ni une valeur sacramentelle quelconque. Ce droit de recommandation n'inclut, en effet, aucune formule exécutoire et n'a ni plus ni moins de force contraignante ou persuasive que la demande, la suggestion, l'invitation ou la proposition, toutes démarches qui tendent au même but: tenter de persuader l'administration de modifier une décision ou un comportement dont le Médiateur de la République estime qu'ils ont des effets indésirables ou inéquitables pour un administré. Le législateur a d'ailleurs regroupé toutes ces démarches sous le terme général d'"interventions " (article 9, alinéa 3e), mot auquel il serait présomptueux d'attribuer une signification juridique précise.

- L'injonction

La loi du 3 janvier 1973, complétée par celle du 24 décembre 1976, utilise le mot " injonction " à deux reprises.

D'abord dans le 2e alinéa de l'article 11.

Article 11 :

" Il peut, en outre, en cas d'inexécution d'une décision de justice passée en force de chose jugée, enjoindre à l'organisme mis en cause de s'y conformer dans un délai qu'il fixe. Si cette injonction n'est pas suivie d'effet, l'inexécution de la décision de justice fait l'objet d'un rapport spécial présenté dans les conditions prévues à l'article 14 et publié au Journal officiel ".

Ensuite ce même mot " injonction " est employé par l'article 12 pour caractériser les diverses demandes du Médiateur de la République (questions, convocations, vérifications, enquêtes) adressées aux agents publics. Les ministres et autres autorités publiques devant "veiller ... à ce que ces injonctions soient suivies d'effets ".

Pas plus que la recommandation, l'injonction n'inclut de formule exécutoire. Ce n'était pas l'esprit de la loi, mais puisque celle-ci a employé le terme injonction à propos des interventions mentionnées aux articles 11 et 12 de la loi modifiée du 3 janvier 1973, il est judicieux de privilégier l'usage de ce terme dans ce cadre.

Il convient d'ailleurs de préciser que le Médiateur de la République n'est pas tenu automatiquement d'adresser une injonction lorsqu'un particulier lui demande son appui pour faire exécuter une décision de justice.

Le Médiateur de la République, en effet, n'est pas un auxiliaire de la justice : il n'en a ni les pouvoirs, ni le comportement. Aussi n'intervient-il que lorsqu'il l'estime utile au regard de sa mission qui est de faire échec à un dysfonctionnement de l'administration ou de compenser les conséquences inéquitables d'une décision légalement prise (les jugements entrant de toute évidence dans cette dernière catégorie).

Aussi, même lorsque le citoyen dispose d'un jugement définitif en sa faveur et sollicite l'intervention du Médiateur de la République, celui-ci ne fera usage de son droit d'injonction que si l'examen personnel qu'il fait du fondement de la requête l'a convaincu que la décision administrative qui a été annulée présentait les caractères d'une iniquité. A l'inverse, il pourra refuser d'intervenir s'il estime qu'une décision administrative, considérée comme illégale par le juge, n'est pas réellement inéquitable. Ce peut être notamment le cas lorsque l'annulation d'une décision administrative est prononcée pour vice de forme ou de procédure.

Le Médiateur de la République subordonne donc toujours son intervention à un examen au fond de l'affaire qui a conduit à la décision juridictionnelle. Il se détermine en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les conséquences inéquitables ou non de la décision contestée et non pas sur le seul dispositif du jugement dont il lui est demandé de favoriser l'exécution.

Dans le même esprit, bien que l'article 11 de la loi ne prévoie l'intervention du Médiateur de la République que pour aider à l'exécution d'un jugement passé en force de chose jugée, rien ne lui interdit d'intervenir en faveur de l'exécution d'un jugement non encore définitif, parce que frappé d'un appel sans effet suspensif. Dans un tel cas, l'appréciation par le Médiateur de l'opportunité de son intervention est, a fortiori, subordonnée à l'examen préalable du fond de l'affaire.

c) Les propositions de solution


Une distinction pourrait être faite entre les initiatives que le Médiateur de la République prend en vertu des dispositions du premier alinéa de l'article 9 de la loi modifiée du 3 janvier 1973 et les possibilités que lui donne le législateur dans le second alinéa de ce même article. Mais ce serait probablement faire preuve de trop de subtilité et courir inutilement le risque de compliquer les choses.

Plus simplement, on retiendra que la loi invite le Médiateur de la République à apporter une solution particulière au problème du réclamant et à proposer éventuellement une réforme des textes ou des comportements de nature à éviter le renouvellement des difficultés.

- La solution particulière

La loi laisse au Médiateur de la République le choix des solutions amiables.

Ainsi, l'article 9, alinéa 1er, prévoit:

" Lorsqu'une réclamation lui paraît justifiée, le Médiateur de la République fait toutes les recommandations qui lui paraissent de nature à régler les difficultés dont il est saisi et, le cas échéant, toutes propositions tendant à améliorer le fonctionnement de l’organisme concerné ".

Par ailleurs, l'article 9, alinéa 2, stipule que:

"... Ie Médiateur de la République peut recommander ... toute solution... et proposer toutes mesures..."

On a dit plus haut que par " recommandation ", il fallait entendre les demandes du Médiateur de la République sous toutes leurs formes.

Quant au terme " proposition ", il faut le comprendre comme englobant aussi bien une simple suggestion tendant à régler un litige particulier qu'une proposition de réforme visant à prévenir le renouvellement de difficultés semblables.

- Les propositions de réforme

Le Médiateur de la République dispose, en effet, de la faculté de proposer des réformes pour éviter la répétition d'un dysfonctionnement de l'administration dont il a eu connaissance à propos d'une réclamation.

Si la loi limite le droit de proposition à une mesure qui lui est suggérée par l'étude d'une réclamation et ne l'autorise pas à déborder sur un autre terrain, elle ne précise pas le destinataire en se bornant à faire état de " l'autorité compétente ". Ce destinataire, dans la pratique, est le ministre directement concerné, de concert avec le ministre chargé de la réforme administrative et le secrétariat général du Gouvernement. Rien, dans la loi, ne s'opposerait cependant à ce que le Parlement en soit également destinataire selon une procédure à organiser. Un lien indirect existe d'ailleurs déjà par l'intermédiaire du parlementaire qui a transmis la réclamation à l'origine de la proposition de réforme. Ce parlementaire est, en effet, systématiquement tenu informé de l'initiative prise par le Médiateur de la République.

Une mission de médiation aussi ambitieuse ne pouvait être menée à bien en s'appuyant uniquement sur la persuasion d'une part, et la bonne volonté de l'autre. Il était nécessaire de donner au Médiateur de la République quelques atouts supplémentaires.

Ces atouts consistent d'abord à limiter les inconvénients que son intervention peut avoir pour l'administrateur.

2. Limiter les inconvénients de l'intervention du Médiateur de la République


L'intervention du Médiateur de la République, bien que s'analysant en une demande, quelle que soit sa formulation, a plus d'effet qu'une simple sollicitation.

Ce qui distingue, en effet, l'intervention du Médiateur de la République de la démarche, par ailleurs comparable, de toute autre autorité ou personnalité (politique ou administrative) et, par exemple, de l'intervention parlementaire, ce n'est pas seulement le fait que la loi en a fixé avec soin le champ et les modalités. L'intervention du Médiateur de la République entraîne en effet deux conséquences particulières : d'une part, elle peut enlever à la décision administrative qu'elle a suscitée en faveur du requérant son caractère de " précédent "; d'autre part, elle peut dégager la responsabilité morale de l'autorité administrative qui accepte d'y donner suite.

a)La prevention du précédent


Si l'administrateur est convaincu du bien-fondé de la demande du Médiateur de la République, s'il n'a aucun doute sur l'opportunité de modifier sa décision initiale et s'il se borne, purement et simplement, à modifier la décision contestée, à la demande et même conformément au souhait du Médiateur de la République, cette prise de position aura pour l'administrateur valeur de précédent : un autre citoyen, placé dans la même situation, pourra demander à l'administrateur d'adopter la même solution.

Mais si l'administrateur a un doute sur la pertinence de la suggestion du Médiateur de la République, s'il ne souhaite pas que la modification qu'il apporte à sa décision initiale à la demande du Médiateur de la République, notamment dans le cas où celle-ci s'inspire de l'équité, ait valeur de précédent pour son service, il lui suffit de faire apparaître dans la décision qu'elle a été prise à la demande du Médiateur de la République. Ainsi, une nouvelle demande particulière du Médiateur de la République sera une condition pour que, dans une situation invoquée ultérieurement, l'administrateur soit amené à prendre une décision identique.

b) Le transfert de responsabilité morale


A l'issue du dialogue qui s'est instauré entre le Médiateur de la République et l'administrateur, ce dernier peut n'avoir été qu'à moitié convaincu. Il peut hésiter à suivre le Médiateur de la République. Mais, conscient de la nécessité de l'urgence d'une décision, il peut accepter de lui faire confiance. Dans cette hypothèse, il est normal que le Médiateur de la République assume la responsabilité morale de la décision aux lieu et place de l'administrateur. Il suffira, pour cela, que, dans la formulation de sa décision, l'administrateur vise la demande du Médiateur de la République.

Sans doute, la décision engage-t-elle toujours la responsabilité juridique de la collectivité dont l'administrateur gère les intérêts, mais, sur le plan personnel et d'un point de vue professionnel, il n'est pas indifférent pour la carrière d'un agent que le Médiateur de la République assume la responsabilité morale en ses lieu et place. Est-ce normal ? Oui, dès lors que l'on se réfère aux dispositions législatives définissant la mission du Médiateur de la République et fixant ses pouvoirs.

Ainsi, l'intervention du Médiateur de la République peut juridiquement s'analyser comme une simple demande; elle comporte cependant des effets qui lui sont propres et de nature à faciliter sa prise en considération par l'administration.

Comme cela peut cependant ne pas suffire, le législateur s'est préoccupé de donner au Médiateur de la République d'autres moyens de pression morale.

3.Les moyens de pression morale spéciaux


Le législateur, redoutant qu'un simple intercesseur n'ait guère les moyens de se faire entendre, a pensé que le Médiateur de la République devait pouvoir initier des procédures pénales ou disciplinaires et être en mesure d'alerter l'opinion publique ou politique.

a) La menace disciplinaire et pénale


L'article 10 de la loi prévoit que :

" A défaut de l'autorité compétente, le Médiateur de la République peut, aux lieu et place de celle-ci, engager contre tout agent responsable une procédure disciplinaire ou, le cas échéant, saisir d'une plainte la juridiction répressive ".

Il ne faut pas croire que le Médiateur de la République a, par cet article, reçu le pouvoir de prendre une décision administrative : engager une procédure disciplinaire ou saisir d'une plainte la juridiction répressive ne sont que des demandes adressées aux autorités compétentes (commissions de discipline ou juridictions), lesquelles restent juges d'apprécier la nature et la gravité des faits reprochés à un agent. Si l'initiative du Médiateur de la République peut avoir des conséquences pour l'agent sanctionné par l'instance disciplinaire ou juridictionnelle, ce n'est pas le Médiateur de la République qui prononce la sanction. Jusqu'ici, il n'a jamais été fait usage de ce pouvoir. Cela est à mettre au crédit des autorités administratives.

b) Les insertions au journal officiel


Les insertions au Journal officiel des recommandations et injonctions procèdent du souci du législateur de renforcer le poids du Médiateur de la République par un appel à l'opinion publique.

Le législateur avait prévu ce recours dès la loi du 3 janvier 1973:

Article 9 :

"... le Médiateur de la République... peut rendre publiques ses recommandations..."

Cette faculté a été renforcée par les dispositions de la loi du 24 décembre 1976, insérées à l'article 11 de la loi modifiée du 3 janvier 1973, à propos des injonctions du Médiateur de la République destinées à amener les administrateurs à exécuter les décisions de justice passées en force de chose jugée.

Article 11:

" ...si cette injonction n'est pas suivie d'effet, l'inexécution de la décision de justice fait l'objet d'un rapport spécial ... publié au Journal officiel ".

Même si le nombre des lecteurs du Journal officiel est limité, une insertion peut toujours avoir un certain retentissement lorsqu'elle est reprise par les médias. Surtout elle n'est jamais ignorée ni de la hiérarchie ni du monde politique.

Pour ces raisons, une insertion au Journal officiel est toujours redoutée: le Médiateur de la République en use avec retenue et discernement.

Il en va de même pour les mentions portées au rapport annuel du Médiateur de la République.

c) Le rapport annuel


Le législateur n'a soumis le Médiateur de la République qu'à un seul contrôle: celui de la Cour des Comptes pour sa gestion financière. Il ne lui a imposé qu'une seule obligation: celle de présenter un rapport au Président de la République et au Parlement pour rendre compte de son activité.

Cette obligation figure à l'article 14 de la loi du 3 janvier 1973:

Article 14:

" Le Médiateur de la République présente au Président de la République et au Parlement un rapport annuel dans lequel il établit le bilan de son activité. Ce rapport est publié ".

Il est de tradition que le Médiateur de la République demande audience au Président de la République pour lui remettre en mains propres un exemplaire du rapport avant sa diffusion.

Par contre, aucune procédure n'est prévue pour la remise du rapport au Parlement.

Cette lacune est gênante pour le Médiateur de la République qui la considère comme discourtoise envers le Parlement. Le Médiateur de la République exprime donc le souhait qu'une certaine procédure soit instituée. Elle pourrait consister dans la remise du rapport annuel en mains propres aux présidents des deux assemblées parlementaires; ou, mieux encore, qu'il soit procédé comme pour la remise du rapport annuel de la Cour des Comptes. La remise du rapport annuel du Médiateur de la République mérite quelque solennité car l'intérêt du document dépasse le cercle des personnalités auxquelles il a été destiné. Sa relation des difficultés rencontrées peut constituer sans nul doute, selon les cas, un moyen d'encourager ou d'influencer les administrations mises en cause.

EN CONCLUSION


Ce qui vient d'être écrit sur les pouvoirs dont le Médiateur de la République dispose actuellement pour aider les citoyens victimes d'un dysfonctionnement de l'administration peut faire juger ces moyens d'action comme très limités. Cela explique que leur extension soit parfois envisagée. Mais, juridiquement, une extension significative paraît difficile à mettre en oeuvre sans conférer au Médiateur de la République soit des pouvoirs de caractère juridictionnel, soit une autorité hiérarchique sur l'administration. Dans les deux cas, l'intégration de tels changements dans notre système d'Etat de Droit ne pourrait procéder que d'une réforme constitutionnelle.

Une telle entreprise, qui modifierait la nature de l'institution en l'érigeant en un pouvoir de niveau constitutionnel, n'est donc guère envisageable.

On peut même douter de son opportunité car, avec ses limites actuelles, le Médiateur de la République joue convenablement son rôle de complément des mécanismes régulateurs de notre Etat de Droit. Le mieux pourrait être l'ennemi du bien.

Un grand progrès pourrait cependant être réalisé par le législateur s'il voulait bien affirmer que " le Médiateur de la République n'est pas une autorité administrative ".

LES DELEGUES DEPARTEMENTAUX


Les délégués départementaux constituent un rouage essentiel de l'institution du Médiateur de la République.

1. - Qui sont-ils ?


Les délégués sont nommés par le Médiateur pour une durée d'un an renouvelable. Ils sont au nombre de 1O1 (un par département), dont 16 femmes.

Environ la moitié des délégués sont des fonctionnaires du cadre national des préfectures, en activité. Ils exercent des fonctions diverses : chef du bureau du cabinet, directeur de l'action économique, correspondant de formation...

L'autre moitié est constituée par des retraités. La plupart sont anciens directeurs de préfecture. On compte aussi une dizaine de délégués ayant exercé d'autres fonctions : directeur régional des impôts, directeur départemental des services fiscaux, directeur départemental de la jeunesse et des sports, colonel de gendarmerie, directeur adjoint de l'équipement...

Tous sont volontaires. Les responsabilités qu'ils assument ou ont assumées à un haut niveau de l'administration leur assurent une connaissance des hommes, des rouages et des procédures, précieuse pour le règlement des problèmes dont ils sont saisis. Il s'y ajoute une forte motivation et un souci constant d'être au service de leurs concitoyens: l'indemnité qu'ils perçoivent est modeste, même si elle a été récemment revalorisée.

Comme tout service extérieur, ils doivent être informés de la marche du service central; aussi, la communication entre eux et la Médiature est une préoccupation constante. Des informations tenant à l'activité de chacun sont régulièrement échangées. La Médiature, qui est tenue au courant de la nature de leurs interventions, leur fait connaître le dénouement des réclamations domiciliées dans leur département et traitées à Paris. Un bulletin bimestriel les tient au courant des questions touchant à la doctrine d'intervention du Médiateur de la République.

Les déplacements du Médiateur en province sont l'occasion de personnaliser les liens, d'échanger les impressions et de perfectionner la coordination. Au cours de l'année écoulée, le Médiateur s'est rendu, en compagnie de collaborateurs, à Bordeaux le 26 avril, Limoges le 24 mai, Orléans le 31 mai, Montpellier le 21 juin, Dijon le 11 octobre, Lyon le 15 novembre et Strasbourg le 20 décembre.

Les réunions de travail qui s'y sont tenues ont rassemblé les délégués départementaux de la région concernée et des régions limitrophes. Cependant que ces déplacements étaient mis à profit pour faire connaître à la presse écrite, parlée et télévisée locale le rôle des délégués départementaux.

Les délégués départementaux des régions du Nord, de l'Est et d'Ile-de-France ont participé à une réunion qui s'est tenue à Paris, le 25 janvier, en présence de M. Michel Durafour, ministre de la fonction publique et des réformes administratives. A cette occasion, le ministre a rapproché l'action du Médiateur de la République des orientations du Gouvernement en faveur de la déconcentration et du renouveau du service public. Il a notamment souligné l'importance qu'il attache à la contribution apportée par le Médiateur à l'administration pour l'amélioration des textes et des procédures. Ainsi ont été distinguées les propositions de réforme pour lesquelles le Médiateur " soulève de véritables problèmes de société " et les questions de pratiques administratives " qui paraissent parfois d'évidence " et devraient être réglées très rapidement. En conclusion, le ministre a noté le rôle pédagogique du Médiateur et de ses délégués pour " faire en sorte que les rapports entre les Français et leur administration soient plus confiants, plus positifs et donc plus efficaces ".

2. Les missions des délégués


L'action des délégués se situe à deux niveaux : l'information, d'une part, le traitement des réclamations, d'autre part.

Ils ont mission de mieux faire connaître l'institution du Médiateur de la République, afin que toutes les personnes qui pourraient avoir besoin de son concours soient informées de son existence, de sa compétence et de son fonctionnement. C'est dans ce souci que les délégués ont été encouragés à prendre le maximum d'initiatives: articles dans la presse locale, diffusion de notes explicatives à des relais d'information, entretiens sur les radios locales, écrans d'information sur les services télématiques des préfectures, lettres aux maires, conférences... Cette information localisée, adaptée, ciblée, est certainement efficace; elle porte ses fruits, mais doit être continuellement entretenue et perfectionnée.

L'autre rôle, le plus important, des délégués est d'aider les administrés: ils les accueillent sur rendez-vous dans les permanences qu'ils tiennent à la préfecture du département ou dans plusieurs villes différentes. C'est pour se rapprocher des administrés que certains délégués ont pris l'initiative de tenir également des permanences à jours fixes dans des sous-préfectures. Leur premier souci est d'écouter, ce qui est important à l'égard de personnes dont les difficultés ont souvent pour origine une incompréhension et un manque d'explication de la part de l'administration. De ces entretiens, le citoyen retient toujours soit un conseil, soit une orientation, soit une aide. A l'occasion, le délégué n'estime déchoir ni en assistant son interlocuteur pour formuler une demande ou une réclamation, ni en s'entremettant pour organiser un rendez-vous avec le fonctionnaire compétent pour connaître du problème soulevé. S'il y a lieu de saisir le Médiateur, il aide à constituer le dossier avant sa transmission par un parlementaire.

Les délégués prennent également une part active au traitement des dossiers. En effet, il apparaît fréquemment que les problèmes qui leur sont posés peuvent recevoir localement et rapidement une solution. C'est évidemment le cas lorsque le différend résulte d'un simple malentendu que le délégué est en mesure de dissiper: il explique la réglementation applicable ou vérifie auprès du service compétent que tel élément a bien été pris en considération. Il en est de même lorsque le litige ne relève pas de la compétence du Médiateur de la République. Il appartient alors au délégué d'orienter le réclamant vers l'interlocuteur approprié: permanence d'avocats si l'affaire relève d'un recours juridictionnel, conciliateur de justice s'il s'agit d'un litige privé, chef de service départemental si une réclamation gracieuse paraît justifiée...

Par ailleurs, si l'affaire relève du Médiateur et peut être réglée sur place parce qu'elle ne pose aucun problème de principe et que les responsables locaux de l'administration ont la possibilité de réexaminer le dossier, le délégué intervient directement auprès du service concerné. Ce chapitre est d'ailleurs illustré d'exemples d'interventions de délégués qui montrent bien que les problèmes qu'ils traitent se situent dans la vie quotidienne de nos concitoyens.

Il arrive enfin que la Médiature demande à un délégué de participer à l'instruction d'une affaire dont elle a été saisie et pour laquelle une appréciation directe des faits ou une visite sur place peut compléter utilement les données du dossier. C'est souvent le cas en matière d'urbanisme, comme le montre le cas significatif de la réclamation n°88-0I34, reproduit en fin de chapitre. Le rapport du délégué dans ce genre d'affaire est souvent très précieux, surtout lorsque celui-ci se sera rendu sur les lieux et, le cas échéant, aura rencontré les intéressés.

Bien qu'en exerçant leur mission les délégués du Médiateur soient totalement indépendants de la préfecture, le Premier ministre a bien voulu rappeler aux préfets la nécessité de faciliter leur tâche.

Cet intérêt manifesté par le Premier ministre à l'égard de l'action des délégués départementaux du Médiateur est certainement important pour le succès de la politique de renouveau du service public engagée par son Gouvernement et à laquelle il attache son autorité personnelle.

Quelques exemples d'interventions des délégués départementaux

Règlement d'une affaire douloureuse


Un jeune homme de vingt ans décède à l'hôpital, des suites d'un accident de la circulation.

Le lendemain, qui est un dimanche, les parents obtiennent de transférer le corps de leur fils dans la localité où ils résident et où aura lieu l'inhumation. Il est entendu que le certificat de décès et le permis d'inhumer seront établis le lendemain.

Les obsèques ont lieu au jour fixé, le mardi, alors que le permis d'inhumer n'est toujours pas parvenu. Après tout, la situation ne doit-elle pas être régularisée ?

Et pourtant cette régularisation n'interviendra pas et l'état civil ne recevra pas mention du décès. Les parents se lassent, le temps passe...

Un an après le décès du jeune homme, celui-ci est convoqué pour accomplir ses obligations du service national. L'autorité militaire, informée de la situation, réclame un bulletin de décès que la famille ne peut évidemment pas produire. Si bien que le défunt est déclaré insoumis et que toutes les autorités sont invitées à le rechercher.

Éplorés les parents s'en remettent au délégué départemental du Médiateur. Celui-ci leur conseille d'introduire, devant le tribunal de grande instance, une requête qu'il suivra personnellement.

Il faudra quand même quatre mois d'instruction avant que cette juridiction reconnaisse le décès du jeune homme et ordonne la transcription du jugement sur les registres de l'état civil.

Pendant dix-huit mois, un homme décédé aura non seulement continué d'exister pour l'administration, mais il aura aussi été passible de poursuites.

La redevance en souffrance


Un Marseillais, M. E., adresse, avant la date limite de paiement, un chèque de 506 F au Centre de l'audiovisuel de Toulouse en règlement de sa redevance.

Les services de la Poste sont en grève et le centre de tri de Marseille est particulièrement perturbé.

Peu de temps après, M. E. reçoit du Centre de l'audiovisuel un avis de rappel pour non paiement majorant cette redevance d'une pénalité de retard de 30 % pour la porter à 657 F. L'intéressé qui a peut-être le tort de penser qu'il est quelque peu responsable de ce retard, adresse un nouveau chèque de 657 F.

L'administration encaisse bien entendu ce dernier règlement, ainsi que le premier chèque émis, qui lui est enfin parvenu après être resté quelque temps en souffrance au centre de tri.

Un courrier de M. E. restera sans réponse.

Le délégué départemental intervient auprès du directeur du Centre de la redevance pour lui rappeler les raisons du retard constaté lors du règlement et lui demander non seulement le remboursement de l'un des paiements faisant double emploi, mais aussi celui du montant de la pénalité. Grâce à son intervention, le service concerné rembourse à M. E. les sommes perçues à tort.

Le chômage du soldat


M. B. s'est engagé dans l'Armée pour six ans. Son contrat est résilié au bout de deux ans.

Il ignore alors qu'il doit s'inscrire à l'A.N.P.E. pour percevoir une allocation pour perte d'emploi. Cette prestation lui est refusée faute d'avoir accompli les formalités auprès de l'A.N.P.E.

Sur intervention du délégué départemental, il retrouvera ses droits à l'allocation de chômage.

L'allocation logement en compensation de loyers impayés


La Mutualité sociale agricole ne verse plus l'allocation logement à la famille L. puisque celle-ci ne présente plus de quittance de loyer; en effet, cette famille ne règle plus le loyer au propriétaire de son logement.

Le délégué départemental obtiendra que la prestation soit directement versée au propriétaire en compensation de loyers impayés.

Un veuf inconsolable


Un homme en pleine détresse expose au délégué départemental que depuis le décès de son épouse, il ne perçoit plus sa pension et connaît de graves difficultés financières.

Un simple coup de fil à la caisse de retraite permet au délégué de découvrir l'origine des difficultés de l'intéressé: les services ont confondu mari et femme et cru que c'était le mari qui était décédé. L'intervention du délégué a permis de rectifier l'erreur.

Prière de supprimer l'angelus


Une dame se plaint auprès du délégué départemental du Médiateur des sonneries par trop bruyantes de l'angélus qui se répètent le matin, à midi et le soir. Dans la commune, personne ne veut entendre ses doléances.

Le délégué prend contact avec le maire qui donne en partie satisfaction à son administrée.

Au-delà de cette limite, le vehicule n'est plus valable


M. D., citoyen allemand marié à une Française, réside dans un village alsacien, très proche de la frontière.

Il voudrait bien rendre visite à l'un de ses amis, hospitalisé non loin de là, mais sa voiture est en panne. Qu'importe ! Il passe la frontière pour emprunter la voiture de sa belle-soeur résidant en Allemagne.

Contrôle à la douane. M. D. est en infraction: il circule en France avec un véhicule immatriculé en Allemagne fédérale et pour lequel il aurait dû, en qualité de résident français, acquitter la T.V.A. Maîtrisant insuffisamment notre langue, le contrevenant ne parvient pas à se justifier. Confiscation du véhicule et 1 000 F d'amende.

Les protestations de M. D. et de son épouse auprès de la direction des douanes seront vaines.

Saisi du dossier, le délégué départemental du Médiateur demande alors au directeur régional des douanes de bien vouloir étudier cette affaire avec bienveillance.

La bonne foi de M. D. est reconnue et la mesure prise à son encontre annulée.

Les évènements de 1978


Au début de l'année 1989, une déléguée départementale du Médiateur reçoit la visite d'un jeune homme, M. A., qui lui expose une histoire étonnante.

En 1978, le jeune A., alors âgé de seize ans, a été à l'origine d'un accident dont fut victime l'un de ses camarades de lycée.

Or un huissier vient de lui remettre un commandement lui enjoignant de payer la somme de 12 900 F dans un délai de 24 heures, faute de quoi il y serait contraint par toutes les voies de droit, et notamment par saisie. La somme réclamée représenterait le préjudice subi par l'Etat (Éducation nationale) à la suite de cet accident.

M. A. pensait que cette affaire avait été réglée, en son temps, par 1 assurance scolaire.

Devant le désarroi de son interlocuteur, la déléguée téléphone aux services de l'Agence judiciaire du Trésor, à Paris. Ceux-ci reconnaîtront qu'une erreur s'est glissée dans le traitement du dossier et prononcent la suspension des poursuites engagées à l'encontre de M. A.

Assez curieusement, l'administration demandera à adresser une lettre pour solliciter la clôture de son dossier.

Cinquante ans pour réparer une erreur


En 1938, lors d'une révision du cadastre, les numéros de deux parcelles, appartenant à des propriétaires

différents, ont été intervertis.

Depuis 1986, les intéressés demandent au directeur départemental des services fiscaux que les attributions originelles des parcelles soient rétablies. Il leur est constamment opposé la nécessité d'un acte notarié rectificatif, procédure dont ils refusent de supporter les frais.

Ils écrivent alors conjointement au délégué départemental du Médiateur en lui demandant d'intervenir auprès de l'administration dont ils jugent la position inéquitable. Le délégué obtient que l'administration fiscale rectifie l'erreur commise il y a cinquante ans.

Pour justifier ce revirement, il est fait état des assouplissements qui auraient été récemment apportés dans les procédures de correction du plan cadastral.

Ce dénouement laisse cependant à penser que l'administration dispose bien souvent de possibilités d'arrangement amiable qu'elle ne souhaite pas toujours mettre en oeuvre spontanément.

Homonymie


Cette histoire cocasse est arrivée à un délégué départemental du Médiateur. Faute de pouvoir les citer ici dans leur réalité, les noms des personnages de cette affaire ont été modifiés.

Le délégué reçoit la réclamation de M. Stéphan Legrand, qui se plaint de recevoir des mises en demeure pour non-paiement de la " taxe télé " alors qu'il l'a toujours réglée en temps voulu.

Le délégué intervient alors auprès du service de la redevance audiovisuelle pour tenter de régler le problème du requérant. Il s'avère qu'une erreur de personne a été commise par suite d'homonymie, et que le redevable récalcitrant s'appelle Stéphane Legrand.

Le service s'excuse de cette méprise et le signataire de la lettre est un certain... A. Legrand.

Quand un délégué et l'administration font cause commune


Mme P. héberge deux personnes handicapées qui lui versent une partie de leurs allocations.

Faute de connaître les textes s'appliquant à pareille situation, l'intéressée rédige mal sa déclaration de revenus et cette bévue entraîne un redressement d'imposition d'un montant de 8 600 F. L'U.R.S.S.A.F. s'en mêle aussi et notifie à Mme P. un rappel de cotisations s'élevant à 5 400 F.

Le total des sommes ainsi mises à sa charge est supérieur à ses ressources. Faute de pouvoir faire face à sa dette, devrait-elle alors mettre un terme à l'accueil et aux soins prodigués aux deux handicapés ? Ce serait bien dommage pour ceux-ci qui se verraient dans l'obligation d'être hébergés dans un centre spécialisé, où ils ne retrouveraient certainement pas l'environnement social qui est le leur actuellement. Sans compter le coût élevé de telles institutions pour la société.

L'intervention du délégué départemental du Médiateur permet d'obtenir une remise totale des sommes qui étaient réclamées à Mme P. Ce résultat est obtenu grâce aux excellentes relations que le délégué entretient tant avec l'U.R.S.S.A.F. qu'avec le directeur des services fiscaux du département.

Ce dernier adressera personnellement une lettre à Mme P. pour lui confirmer sa décision d'annuler les impositions précédemment fixées et pour lui exposer les nouvelles dispositions législatives, concernant l'accueil par des particuliers de personnes âgées ou handicapées adultes, applicables à partir de l'année 1989.

Un bel exemple d'information du public qui mérite d'être souligné.

Accident du travail et accident de trajet


M. X., employé dans un service administratif, se rendant à son travail, fait une chute qui entraîne une fracture du col du fémur.

Bien que l'accident se soit produit dans l'enceinte administrative, il est considéré par l'employeur comme un " accident de trajet ".

Cette décision entraîne pour l'intéressé, à l'issue d'un congé de maladie sans traitement de trois ans, un licenciement pour inaptitude physique. Durant cette période, aucune expertise médicale ou visite de consolidation ou d'inaptitude ne sera prescrite.

A la suite de l'intervention du délégué départemental du Médiateur, l'administration accepte, plus de quatre ans après l'accident, de revoir le dossier de l'intéressé en lui faisant subir les expertises médicales réglementaires.

Il sera ainsi admis qu'il s'agissait bien d'un " accident du travail " et non d'un " accident de trajet ". L'intéressé percevra les indemnités auxquelles il avait droit jusqu'à la date de consolidation, laquelle coïncide avec celle de sa mise à la retraite.

La capacité de louer


Pour exercer la profession de loueur de véhicules industriels avec conducteur, il faut être titulaire d'une attestation de capacité à ladite profession et être inscrit au registre des transporteurs et loueurs. L'attestation ne peut être délivrée qu'aux personnes qui justifient avoir exercé durant trois années consécutives des responsabilités dans une entreprise elle-même inscrite au registre des loueurs.

Bien qu'il ne remplisse aucune des conditions exigées, M. G. s'est installé depuis 1984 comme loueur. En toute illégalité certes, mais cette situation résulte plus d'une méconnaissance des textes que d'une volonté de se soustraire à la réglementation.

Pourtant, l'intéressé finit par prendre conscience de ses obligations et, en 1989, il sollicite la régularisation de sa situation. Non seulement l'administration oppose un refus à sa demande mais, de plus, elle lui enjoint de cesser immédiatement son activité.

Le délégué départemental du Médiateur expose à la direction régionale de l'équipement que la cessation d'activité de M. G. serait dramatique pour sa famille-il est père de deux enfants-et qu'en tout état de cause, celui-ci est tenu de rembourser les emprunts qu'il a contractés pour l'achat de son matériel. Après avoir attiré l'attention du service concerné sur le niveau d'expérience professionnelle acquise par M. G., le délégué demande que soit recherchée toute possibilité de régulariser équitablement cette situation, dans le cadre de la réglementation en vigueur.

La direction régionale de l'équipement convoque M. G. afin de mieux cerner ses capacités professionnelles. Compte tenu de l'expérience constatée et des arguments développés par le délégué du Médiateur, il est décidé de lui délivrer l'attestation de capacité afin qu'il puisse s'inscrire au registre des loueurs.

Un bon tuyau: le délégué départemental du Médiateur


Un plombier chauffagiste dont les affaires ne sont guère florissantes abandonne son entreprise pour aller travailler à l'étranger. Mais avant de cesser son activité, il n'a pas acquitté le montant de la taxe sur la valeur ajoutée (T.V.A.) qui lui avait été notifié dans le cadre du régime d'imposition du forfait.

Les services fiscaux lui réclament la T.V.A. due au titre de son activité antérieure pour un montant de l'ordre de 50 000 F, auquel s'ajoutent les pénalités de retard s'élevant à 54 000 F.

L'intéressé n'est pas en mesure de régler sa dette, qui d'ailleurs peut paraître excessive eu égard à l'importance de son activité.

Le délégué obtiendra une remise gracieuse de plus de 90 000 F.

L'enquête sur place d'un délégué


Urbanisme - Zone agricole protégée

Réclamation n° 88-0134 transmise par M. François Trucy, sénateur du Var

Propriétaire d'une parcelle d'un terrain loti, M. D. y construit en 1970 une maison individuelle. Il conseille à chacun de ses deux enfants d'acquérir également un lot. Ceux-ci choisissent précisément deux parcelles contiguës à celle de leur père.

Lorsque les enfants D. décident de construire à leur tour, la direction départementale de l'équipement refuse le permis de construire au motif que, postérieurement à l'acquisition des lots, un plan d'occupation des sols (P.O.S.) a été établi pour la commune et que les deux terrains sont désormais inclus dans une zone non constructible.

L'instruction du dossier de réclamation laisse à penser que la création de la zone non constructible concernée aurait pour but de protéger le site d'une célèbre abbaye située sur le territoire de la commune.

Or, en matière d'urbanisme, s'il est deux règles que le Médiateur doit toujours prendre en considération, ce sont bien celles relatives à la sécurité et à la protection des sites.

Dans un premier temps, je refuse donc d'intervenir et j'explique à mon correspondant que les nécessités de protection des sites-l'intérêt général-doivent l'emporter sur les préoccupations particulières des propriétaires.

Mais l'intéressé me fait alors parvenir un nouveau dossier, comportant cette fois des photos et une argumentation très complète d'où il ressort que le terrain en question est distant de IO km de l'abbaye, que la route qui sépare les deux lieux traverse des espaces bouleversés par l'exploitation de la bauxite et surmontés de nombreux pylônes d'E.D.F. et que les parcelles des enfants D. sont entourées de constructions.

Mon délégué départemental, dépêché sur les lieux, m'informe qu'au regard du P.O.S., les terrains des enfants D. sont en fait situés en " zone agricole protégée " où seules sont admises les constructions liées et nécessaires à l'exploitation agricole. Ce classement a été établi bien que les parcelles soient enclavées. Par ailleurs, lors de l'enquête publique préalable à l'établissement du P. O. S., M. D. s'est montré négligent car il n'a pas formulé la moindre observation.

Le classement des parcelles en zone non constructible m'apparaît alors inéquitable comparativement aux lots voisins qui ont, dans un passé récent, reçu une construction.

Mon délégué départemental obtient du maire l'engagement d'une révision du P.O.S. qui reclasserait les terrains en cause en zone constructible. Une telle procédure devrait être lancée prochainement et M. D. peut espérer obtenir satisfaction.

Voilà un résultat positif qui aura été obtenu à la suite d'une instruction à laquelle le délégué départemental a été associé.

Retour au sommaire de l'année 1989
Retour au sommaire des rapports