Année 1989

REGARDS SUR L'ADMINISTRATION

L'APPRECIATION

1- RAPPEL SUR LE RAPPORT 1988


Il est utile de revenir sur certaines propositions de réformes résumées dans le rapport de 1988 et dont l'application se heurte à quelques difficultés.

Tel est le cas des réformes concernant:

- la levée de l'anonymat des agents des services publics et assimilés,

- l'effort pour rendre les textes plus lisibles et plus compréhensibles,

- les difficultés rencontrées par les ayants droit à la suite d'un décès,

- les problèmes de l'emploi des travailleurs handicapés,

- l'indemnisation du chômage des agents publics.

Au niveau du personnel politique : Premier ministre et ministres, tout le monde est convaincu de l'utilité des réformes proposées, mais les services ne suivent pas toujours avec empressement les directives ministérielles.

a) L 'anonymat des fonctionnaires


En 1988 une proposition de réforme relative à la levée de l'anonymat des signataires des correspondances émanant des organismes à vocation sociale (STR 88.08: rapport 1988, p. 39) a été présentée.

Cette proposition visait les services du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et du ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale.

L'intérêt de cette réforme est certain pour les usagers de ces services qui ont besoin d'une information complémentaire ou qui ne sont pas satisfaits de la décision qui les intéresse. Or le quart des réclamations qui me parviennent concernent ce secteur de l'administration.

Le Médiateur est d'autant plus attentif à ce problème que la loi du 3 janvier 1973 a sagement prévu, dans son article 7, que la réclamation au Médiateur " doit être précédée des démarches nécessaires auprès des administrations intéressées ". Autrement dit, le citoyen mécontent doit d'abord essayer de s'entendre avec l'administration avant de saisir le Médiateur. Mais l'administration en question, pour le citoyen, est la personne qui a pris la décision faisant grief. Le citoyen s'adressera d'autant mieux à elle que ses nom et qualité apparaîtront clairement dans la décision.

Le Premier ministre a appuyé ma proposition. Dans sa circulaire du 23 février 1989 sur le renouveau du service public, il a souligné combien les relations entre les administrations et les usagers peuvent être améliorées lorsque l'usager devient un partenaire de l'administration. C'est dans cet esprit qu'il a préconisé que chaque correspondance administrative comprenne les références précises de la personne chargée du dossier, de manière à permettre à l'usager d'obtenir des informations complémentaires.

Malgré ces efforts, de mauvaises habitudes persistent puisque de nombreuses correspondances restent, en fait, anonymes.

Cette situation est préoccupante: d'abord pour l'usager, ensuite et peut-être surtout pour la fonction publique elle-même. Celle-ci, en effet, ne parviendra à recouvrer le prestige qui fut le sien jadis qu'en se réformant. Changement qui passe par l'accroissement des responsabilités dans le cadre de la déconcentration. Or la déconcentration implique la personnalisation. Si l'administration n'est pas capable d'accomplir l'effort le plus facile, à savoir la levée de l'anonymat, il n'y a rien à espérer des projets de réforme de la fonction publique.

Comme il ne faut pas céder trop tôt au découragement, j'ai demandé à l'Inspection générale des affaires sociales de me remettre un rapport sur les mesures prises par les organismes destinataires d'une lettre du directeur de la sécurité sociale en date du 12 décembre 1988 pour lever l'anonymat.Cette lettre s'adressait aux responsables des organismes suivants:

- C.N.A.M.T.S. (Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés)

- C.N.A.V.T.S. (Caisse nationale de l'assurance vieillesse des travailleurs salariés)

- C.N.A.F. (Caisse nationale des allocations familiales)

- A.C.O.S.S. (Agence centrale des organismes de sécurité sociale)

- C.A.N.A.M. (Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs non salariés)

- ORGANIC (Organisme de retraite pour le commerce et l'industrie)

- C.A.N.C.A.V.A. (Caisse autonome nationale de compensation de l'assurance-vie)

- C.N.A.V.P.L. (Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales).

Les renseignements qui ont été communiqués au Médiateur montrent que l'ensemble des organismes ont demandé à leurs services de respecter l'esprit des instructions rappelées par le Premier ministre.

b) Des textes plus lisibles et plus compréhensibles


L'an dernier, j'avais observé la difficulté de comprendre la portée des textes publiés au " Journal officiel ". En témoigne l'encadré ci-après, inspiré par la lecture d'un arrêté.

ADMINISTRATION OPAQUE...POUR ATMOSPHÈRE TRANSPARENTE

Lu dans le " Journal officiel " du 15 août 1989: un arrêté du 24 mai 1989 relatif à l'agrément d'une entreprise pour l'exercice de l'activité de traitement de déchets contenant du P.C.B.

Le texte cite vingt-deux fois les P.C.B. et P.C.T. sans que ceux-ci fassent l'objet d'un développement qui permettrait au lecteur de saisir la nature des produits contenus dans les déchets à traiter ou de pouvoir se renseigner utilement.

A-t-on voulu de cette façon user d'un artifice pour masquer une réalité quelque peu dérangeante pour les populations du voisinage ? L'inquiétude du lecteur peut en effet être éveillée par la présence, à proximité de l'installation en cause, d'une centrale nucléaire.

Néanmoins, certains termes apparaissent " en clair ". Ils n'en sont pas rassurants pour autant: il est fait état de chlore dans les produits évoqués, d'effluents liquides, solides et gazeux rejetés à la cheminée et donc vraisemblablement à l'extérieur.

Le dispositif prévu par l'arrêté est certainement utile pour la protection de l'environnement.

Mais de deux choses l'une:

ou bien le dispositif réglementaire ne concerne que les sociétés agréées Dans ce cas, il est parfaitement clair pour les parties concernées l'administration et l'entreprise et la publication intégrale de tels documents au " Journal officiel " est sans intérêt. Une référence précise à leur existence suffit;

ou bien il est nécessaire de porter à la connaissance du public de tels actes administratifs qui concernent l'environnement et les risques de pollution. Mais alors, ils doivent véritablement informer: le texte doit être intelligible pour tous les lecteurs.

A ma demande, le J.O. du 11 octobre 1989 a publié un additif à l'arrêté du 24 mai 1989 développant les sigles P.C.B. et P.C.T. Chacun saura ainsi que les produits en cause étaient des polychlorobiphényles (P.C.B.) et des polychlorotriphényles (P.C.T.). Voilà qui est déjà plus rassurant !

J'ai aussi formulé une proposition de réforme (ENV. 89.02) pour qu'à l'avenir, toutes dispositions soient prises afin que les sigles soient systématiquement développés lors de leur première utilisation dans un texte. Cela devrait d'ailleurs être fait, que le texte soit ou non destiné à la publication.

D'autres textes parus au " Journal officiel " ont retenu mon attention.

Ainsi le décret n° 89-6 du 3 janvier 1989 modifiant la réglementation relative aux parcs nationaux. Ce texte commence ainsi:

Décrète:

Art. Ier _ L'article 35 du décret du 31 octobre 1961 susvisé et rédigé comme suit:

"Seront punis de l'amende prévue pour les contraventions de la première classe ceux qui auront... " (Le reste sans changement.)

D'autres articles, modifiant également ceux du précédent décret, sont supposés compléter notre information. Ils sont rédigés à l'identique de l'article ler précité, si ce n'est la nature des contraventions: nous apprenons ainsi qu'il en est aussi de deuxième, troisième et quatrième classes pour lesquelles nous pouvons être punis, sans toutefois être en mesure de soupçonner ce qu'il faut éviter de faire pour échapper à la sanction.

Et que penser de l'article 8-III qui, très utilement, nous précise qu'il convient, au 3e alinéa de l'article 42 du décret concerné, de remplacer les mots " aux 4°, 5° et 7° de l'article 39 " par: " aux 5°, 6° et 8° de l'article 39 " ?

La vertu pédagogique d'un tel texte qui, dans sa sécheresse, ne met l'accent que sur des aspects normatifs, voire contraignants, paraît bien négligée. Mal comprise, une réglementation a bien peu de chance d'être appliquée. Encore faudrait il exposer les objectifs poursuivis et le contexte général dans lequel se situe le texte. Ainsi, dans le cas présent, la publication du rapport de présentation du décret aurait rempli cette fonction explicative et le sens des modifications intervenues aurait mieux été perçu. Or, en matière d'environnement, encore plus que dans les autres secteurs, la nécessité de recueillir l'adhésion du public s'impose.

Déjà par le passé, j'avais relevé de telles anomalies et, en 1987, avait notamment été formulée une proposition de réforme (PRM 87-06) sur la présentation des textes législatifs et réglementaires modifiant des textes antérieurs.

Au niveau du Gouvernement, on a bien pris conscience du problème puisqu'une circulaire gouvernementale, en date du 18 avril 1988, a prescrit de publier les rapports de présentation, en particulier lorsqu'il s'agit de textes qui créent directement des droits ou des obligations pour le public. De plus, la circulaire du Premier ministre du 23 février 1989, relative au renouveau du service public, a rappelé ces règles élémentaires de transparence trop souvent oubliées, voire escamotées.

L'application de ces directives ne devrait cependant pas souffrir de difficulté puisque tous les hauts responsables la souhaitent.

Mais chacun sait que pour changer les habitudes, il faut suivre les affaires de A à Z.

Pour ma part, à partir du cas particulier du décret précité du 3 janvier 1989, j'ai émis une nouvelle proposition de réforme (ENV. 89-OI) pour demander au secrétaire d'Etat chargé de l'environnement que soient publiés au Journal officiel les rapports de présentation des textes réglementaires pris à son initiative. Le secrétaire d'Etat a donné un accord de principe à cette proposition de réforme.

c) Les conséquences du décès


Les difficultés d'ordre administratif et autres tracasseries que peuvent rencontrer les personnes lors du décès d'un membre de leur famille sont bien connues. L'an dernier, j'avais évoqué toutes les propositions de réforme présentées au cours des deux années précédentes. Elles concernaient notamment l'information des héritiers pour les déclarations à souscrire et le montant des frais funéraires pouvant être déduits de l'actif d'une succession.

Information des héritiers en ce qui concerne les déclarations à souscrire

Le ministère du budget réalise et diffuse une brochure GP I30-88 intitulée: " Impôts - Décès - Droits de succession - Impôts sur le revenu ".

Les renseignements donnés par ce document sont très utiles. Ils contribuent beaucoup à éclairer les contribuables et les héritiers.

Cependant, un nombre important de réclamations émane de personnes qui sont soumises par l'administration fiscale à de lourdes pénalités en raison des retards relevés dans le dépôt des déclarations qu'elles ont à souscrire (déclaration de succession, déclaration de revenus après décès). L'instruction de ces réclamations montre que les intéressés n'ont pas été correctement informés de leurs obligations et qu'en tout état de cause, ils n'ont jamais eu connaissance de l'existence de la brochure.

Ces difficultés avaient motivé une proposition de réforme (JUS. 88-03), présentée le 9 août 1988.

Lors de la discussion de ce dossier, il est apparu que la brochure GP I30-88 était disponible en mairie. Ce document aurait donc pu répondre à mon souci de mieux informer le public, puisqu'il était destiné à être remis, par exemple, lors de la déclaration de décès ou lors de la demande d'un extrait du registre des décès.

Tel n'est malheureusement pas le cas.

J'ai en effet invité mes 100 délégués départementaux de métropole à enquêter sur la disponibilité de la brochure. Je leur ai suggéré de s'adresser, comme le ferait un particulier, à la mairie du chef-lieu du département ou à toute autre mairie et de demander ce document.

Dans 95 % des cas, la démarche a été infructueuse.

C'est dire que la diffusion de la brochure doit être améliorée. Je ne puis avoir l'assurance qu'elle est effectivement parvenue aux maires. Si la réponse était positive, il faudrait, à l'aval du processus d'information, qu'elle soit connue aussi bien des agents chargés de l'accueil que des agents des guichets de l'état civil et diffusée par leurs soins. Là encore, tout est dans l'exécution !

Ayant demandé aux ministres du budget et de l'intérieur de m'informer des mesures qu'ils envisagent de prendre pour remédier à cet état de choses (proposition de réforme FIN 89-02), il m'a été assuré que des sessions de formation seraient organisées à cette fin, dès le début de l'année 1990, à l'intention du personnel des mairies.

Revalorisation du montant maximum pouvant être admis en déduction dans l'évaluation de l'actif d'une succession au titre des frais funéraires

Une loi de 1959 permet de déduire les frais funéraires de l'actif d'une succession, ce qui diminue d'autant les droits réclamés aux héritiers.

La conception de ces frais funéraires est très large: frais d'inhumation et de cérémonie bien évidemment, mais également avis d'obsèques écrits... et verbaux (rémunération de la vacation du garde-champêtre probablement), lettres d'invitations et de remerciements. Toutefois sont exclus: les frais d'achat de fleurs et couronnes et les frais de repas de famille consécutifs à la cérémonie.

Sont déduits également les frais d'achat et de pose (avec ou sans scellement... est-il précisé) d'un emblème religieux sur la tombe, quelle que soit, il est important de le noter, la matière de cet emblème.

Toujours magnanime, le législateur accepte les frais d'acquisition d'une concession dans un cimetière, de construction, d'ouverture (mais aussi de fermeture) du caveau.

Les frais de transport du corps sont, eux aussi, déductibles.

Quelques " notamment " doivent bien venir, ici et là, élargir cette énumération, compensant le refus d'inclure dans la liste " les frais de deuil " (cela doit concerner les crêpes, insignes de boutonnière et les vêtements) et les frais d'érection d'un monument.

L'application de cette loi de déduction fiscale incombe au ministre du budget qui, par vocation, est prudent. Il est d'accord pour toutes ces déductions à condition que soient produites des factures régulièrement acquittées. Mais, bon prince, et dans un souci de simplification, le ministre n'exige pas de facture si vous avez conduit le deuil pour moins de I ooo F.

Une précision cependant: tout ce qui a été énuméré peut être déduit à condition que la somme ne dépasse pas 3 ooo F.

Ce chiffre n'a pas changé depuis trente ans: le coût de la mort n'a pas suivi le coût de la vie.

Des citoyens ont protesté contre ce blocage. Il m'a semblé raisonnable et dans l'esprit de la loi d'espérer que le montant des frais admis en déduction soit revalorisé. C'était le sens de la proposition de réforme FIN. 88-03. Malheureusement, je me suis heurté à un refus catégorique et définitif. Le coût de la réforme eût été insupportable, m'a- t-on dit.

Aucune estimation n'a été fournie pour étayer ce refus. Pourtant, des instructions formelles des deux derniers Premiers ministres ont prescrit que les incidences Fe des propositions de réforme soient chiffrées par les administrations pour en justifier le refus.

Mais où sont les funérailles d'antan ?

d) Problèmes rencontrés par les handicapés


L'an dernier, le rapport du Médiateur de la République traitait longuement des problèmes rencontrés par les handicapés pour trouver un emploi et s'insérer ainsi dans la vie sociale. Ce propos doit être élargi à l'ensemble des difficultés auxquelles se heurtent les handicapés pour faire reconnaître des droits leur facilitant justement la vie quotidienne.

Beaucoup de réclamations émanant de personnes handicapées par" viennent toujours à la Médiature. Trop souvent, les dossiers mettent en cause le bon fonctionnement des Commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP). Mais il est vrai que les COTOREP, qui ne sont compétentes que pour apprécier l'aptitude à l'emploi, ne sont guère orientées vers une politique active de placement.

Par contre, l'effort accompli dans le domaine du placement des handicapés par certaines administrations mérite d'être souligné. Il faut citer notamment E.D.F.-G.D.F., la S.N.C.F., les Postes et Télécommunications, en espérant en avoir oublié de nombreuses autres dont l'action en ce domaine n'a pas été portée à la connaissance du Médiateur.

D'autres réclamations ont pour objet les taux d'invalidité dont dépendent les droits aux allocations. Le droit à l'allocation aux adultes handicapés est automatique dès que le taux d'invalidité, fixé par la COTOREP, atteint 80 %. Les handicapés dont l'incapacité permanente est inférieure à ce taux peuvent bénéficier de l'allocation à condition de justifier de l'impossibilité de se procurer un emploi dans des conditions normales. Ici intervient encore la COTOREP qui est habilitée pour reconnaître cette impossibilité. Sur quels critères ? Il appartient généralement à l'intéressé d'apporter la preuve de ses recherches infructueuses d'emploi.

L'impossibilité d'emploi reconnue peut parfois ouvrir droit à une pension d'invalidité. Les références de travail nécessaires pour le calcul de la pension sont extrêmement complexes et appréciées strictement. Ainsi sont écartées de cet avantage de nombreuses personnes qui n'ont pu exercer que des emplois précaires.

Pour illustrer les problèmes rencontrés par les handicapés, il n'est que de citer quelques cas parmi ceux qui ont fait l'objet d'une instruction à la Médiature.

Mauvais fonctionnement des COTOREP

Réclamation n° 88-1039 transmise par M. Jean-Louis Masson, député de la Moselle

Une handicapée qui a sollicité de la COTOREP l'attribution d'une carte d'invalidité se plaint de n'avoir été convoquée par la commission qu'à l'issue d'un délai de quinze mois.

Elle déclare aussi n'avoir obtenu à cette occasion, aucun des

renseignements qu'elle avait sollicités concernant les aides auxquelles elle pouvait prétendre.

Révision des titres d'invalidité

Réclamation n° 88-2268 transmise par M. Paul Dhaille, député de la Seine-Maritime

Une carte d'invalidité au taux de 100 % à titre défınitif a été attribuée en 1971 à un jeune handicapé âgé de trois ans.

Parvenu à l'âge adulte, l'intéressé souhaite renouveler sa carte pour remplacer sa photographie d'identité périmée. Il a la désagréable surprise de se voir remettre un titre temporaire de cinq ans au taux de 80 %.

L'instruction de la réclamation permet d'observer que, depuis la loi du 17 juillet 1978 les aides fınancières ne peuvent être accordées aux handicapés que pour une période ne dépassant pas cinq ans. Depuis 1978, les cartes d'invalidité délivrées à titre définitif sont donc l'exception.

Il n'y a pas là matière à scandale si l'on s'en tient à l'esprit du texte: le législateur recherchait, par les nouvelles dispositions, l'intérêt profond et véritable de l'enfant ou de l'adulte qui ne doit pas rester figé dans son statut de handicapé et renoncer, ce faisant, à des progrès éventuels dus à la rééducation.

En ce qui concerne ce jeune homme, la COTOREP a estimé que la poursuite de sa rééducation permettait d'espérer des résultats plus positifs que ceux constatés jusqu'alors.

Attendons le résultat.

Réduction de taux d'invalidité

Réclamation n° 88-0749 transmise par M. Arthur Paccht, député du Var

Titulaire d'une carte d'invalidité pour un taux d'incapacité de 80 %, M. D. bénéficie de l'allocation aux adultes handicapés.

L'intéressé trouve un emploi de travaux d'utilité collective (T.U.C.) à la mairie de sa localité. De ce fait, la COTOREP estime qu'il ne se trouve plus dans l'impossibilité de se procurer un emploi et que son incapacité peut désormais être considérée comme inférieure à 80 %. Le bénéfıce de l'allocation aux adultes handicapés est dès lors supprimé à M. D.

Voilà une application des textes bien rigoureuse quand on connaît l'effort des municipalités pour aider les handicapés sans souci de productivité.

Appréciation de l'aptitude à l'emploi

Réclamation n° 88-3428 transmise par M. Jean-Louis Masson, député de la Moselle

A la suite d'un accident du travail, M. M. présente une incapacité permanente dont le taux est fixé à 53 %, après consolidation. Cela lui donne droit à une pension d'invalidité de l'ordre de 1 800 F par mois.

Ayant été reconnu inapte à reprendre son emploi dans le bâtiment, il est licencié et s'inscrit à l'A.N.P.E.

Après avoir épuisé ses droits à l'allocation de base, l'intéressé s'est vu signifier par l'ASSEDIC la suspension des versements des allocations de fin de droits. Motif: " les efforts faits (par l'intéressé) pour se reclasser (ont été) estimés insuffisants ".

Appréciation des revenus pour déterminer le droit à l'allocation

Réclamation n° 88-1474 transmise par M. Jacques Toubon, député de Paris

Mme G. bénéficie de l'allocation pour adultes handicapés quand les services de la caisse d'allocations familiales en interrompent le versement au motif que l'intéressée ne remplit plus les conditions de ressources pour en bénéficier (plafond annuel inférieur à 31 37O F).

En effet l'ancien employeur de Mme G. le ministère de l'agriculture lui a versé en une seule fois et pour régularisation la totalité des indemnités pour perte d'emploi couvrant les quatre années écoulées. Elle a, de ce fait, déclaré des revenus qui ne correspondent en rien à la réalité de ses ressources annuelles.

Les membres de la commission de recours amiable de la caisse d'allocations familiales confirment leur refus de continuer à verser l'allocation. lls ne veulent s'en tenir qu'à la déclaration de revenus établie par les services fiscaux.

La stricte application des textes aboutit, dans cette affaire, à une iniquité d'autant plus flagrante que Mme G. n'est pas imposable et ne peut donc demander que les indemnités soient rattachées fiscalement à chacune des années passées.

Sur ma recommandation, le directeur de la caisse d'allocations familiales accepte de considérer que les revenus de Mme G. au cours de chacune des années en cause ont été inférieurs au plafond. Mme G. est rétablie dans ses droits et reçoit le rappel des versements qui avaient été suspendus.

e) L'indemnisation du chômage des agents publics


L'indemnisation pour perte d'emploi des agents publics non titulaires provoque toujours autant de réclamations. Pourtant les droits de ces agents sont désormais incontestables depuis l'arrêt du Conseil d'Etat' en date du 5 février 1988, qui précise que le régime d'indemnisation adopté pour le secteur privé est applicable de plein droit au secteur public. Or bon nombre d'employeurs publics n'ont pas encore pris la mesure de leurs obligations en la matière. Il me faut bien souvent intervenir à lusieurs reprises pour convaincre l'administration concernée de reconnaître les droits au chômage de ses anciens agents.

Je comprends certes la déception des gestionnaires des administrations contraints de faire face à des charges imprévues et qui ne comportent pas de contrepartie en service effectué. Cependant, le Médiateur de la République se doit de faire respecter les droits des citoyens prévus par des textes réglementaires ou législatifs. Peu de collectivités locales employeurs ont adhéré au régime d'assurance- chômage de 1'UNEDIC. Rappelons que le principe de cette adhésion a été énoncé par la loi du 30 juillet 1987 portant diverses mesures d'ordre social' en son article 65. Le coût de cette assurance' au taux de 4,58 °/n, n'est certes pas négligeable et augmente de manière appréciable les charges salariales des collectivités qui emploient du personnel non titulaire ou temporaire. Cependant il me semble souhaitable qu'une information la plus large possible soit faite pour sensibiliser les collectivités locales employeurs aux avantages qu'elles peuvent tirer du régime de 1'UNEDIC. J'avais, le 3o octobre 1987, formulé une proposition de réforme (STR 87-13) pour demander une clarification des règles applicables en la matière. Une circulaire interministérielle du 27 juin 1989 y a donné suite. Ce texte précise les principaux points litigieux: la fin d'un contrat à durée déterminée peut ouvrir droit aux allocations de chômage de même que la démission pour suivre un conjoint ou un concubin; c'est la Direction du travail qui est seule habilitée à vérifier que l'intéressé recherche effectivement un emploi. Néanmoins, d'anciens agents publics connaissent encore parfois des situations critiques et se voient refuser l'allocation pour perte d'emploi, comme le montrent les cas exposés ci-après.

Au cours de l'instruction de la réclamation n° 88-2691, les explications d'un président d'université ont le mérite de la franchise: il reconnaît " s'arranger " pour qu'aucun contrat de travail de personnel non titulaire n'atteigne une durée de 507 heures, seuil à partir duquel sont ouverts des droits à indemnisation du chômage. Cet universitaire faisait ressortir que toute réglementation a des effets pervers et que l'un de ceux-ci consiste à dissuader les responsables de procéder à des embauches durables. Les contraintes de la gestion conduisent ainsi certains organismes publics à " tourner la loi "... comme le font habituellement les entreprises privées, il faut bien le dire.

Enfin, certains cas particuliers devraient nous mener à réfléchir aux limites du principe d'indemnisation. Il en est ainsi de la réclamation n° 88-0007 qui m'a été transmise par M. Francis Saint-Ellier, député du Calvados.

Une jeune requérante souhaiterait obtenir le versement d'allocations pour perte d'emploi à la suite d'une période de deux mois et dix jours durant laquelle elle a été employée par un syndicat intercommunal. Il est fait observer que' si cette période d'emploi est trop courte pour lui ouvrir des droits' elle a été précédée d'un stage d'insertion de cinq mois et demi. Le cumul de ces deux périodes permettrait à l'intéressée de justifier, au cours des douze derniers mois précédant la fin du contrat de travail, d'une durée d'emploi supérieure au seuil exigé (selon le cas: 507 heures ou 91 jours). S'étant inscrite à 1'A.N.P.E. et ayant effectué des actes positifs de recherche d'emploi' l'intéressée devrait bénéficier d'allocations que lui refuse le syndicat intercommunal.

Devant cette prise de position' le président du syndicat me fera part de son souci d'apporter son concours à toute politique d'insertion à la vie professionnelle' notamment en accueillant des jeunes en stages de toutes natures et en leur donnant une formation. Il estime que ces périodes de stage ne doivent pas être prises en compte pour le calcul des droits au chômage' notamment parce que' s'il en était ainsi' les stagiaires risqueraient d'être privés du bénéfice des contrats à durée déterminée qui pourraient leur être proposés.

C'est là une conséquence de la réglementation que le législateur n'avait pas prévue.

Conséquence à laquelle il faut remédier' car les stages sont indispensables et les contrats à durée dé;terminée souvent utiles.

QUAND UN CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE SE FAIT PRIER POUR RECONNAITRE LES DROITS DE L'UN DE SES SALARIÉS

Centre communal d action sociale - Renouvellements de contrats
Réclamation n° 88-1321 transmise par M. Jean-Pierre Sueur, député du Loiret.

Mme R.' agent d'un centre communal d'action sociale (C.C.A.S.), est liée depuis plus de trois ans à cet organisme par des contrats renouvelables tous les trois mois. En juin I987, 1'intéressée demande que le contrat arrivé à expiration ne soit pas reconduit. Ne retrouvant pas de travail, elle s'inscrit à I'A.N.P.E. et dépose une demande d'indemnisation pour perte d'emploi.

Le C.C.A.S. estime ne pas avoir à verser cette allocation que seule une perte involontaire d'emploi peut justifier. Il est d'ailleurs rappelé à I'intéressée qu'elle n'a pas accepté une prolongation de son contrat.

Ces arguments paraissent marqués au coin du bon sens et a priori convaincants. Mais il faut toujours vérifier !

L'instruction de la réclamation fait apparaître que l'administration n'a pas tenu compte de l'évolution récente du droit en matière d'indemnisation pour perte d'emploi des agents publics. En effet, la refonte des textes relatifs à I'indemnisation du chômage des agents publics effectuée en 1984 a donné aux agents non titulaires des collectivités publiques les mêmes droits aux prestations d'assurance chômage que les salariés du secteur privé.

Or, I'UNEDIC admet pour l'ensemble des salariés (dans le secteur privé comme dans le secteur public) que l'arrivée à terme d'un engagement à durée déterminée laisse chacun des cocontractants libre de le renouveler ou non et que, dans tous les cas, le non-renouvellement du contrat ouvre droit à une indemnisation si le salarié ne retrouve pas de travail.

J'observe aussi que Mme R. s'est bien inscrite à l'A.N.P.E. qu'elle effectue des démarches en vue de retrouver un emploi. Rier ne s'oppose donc à ce qu'elle bénéficie de l'assurance chômage.

Cette analyse de l'affaire a déjà été présentée sans succès au C.C.A.S. par le délégué départemental du Médiateur qui avait été d'abord saisi du litige.

Son argumentation, étayée de références à la jurisprudence, est reprise à la Médiature et exposée à nouveau au maire de la commune en sa qualité de président du centre d'action sociale.

Je suis informé peu après que la commission administrative du C.C.A.S. s est prononcée favorablement pour l'indemnisation de Mme R. Mais il s'écoulera encore deux mois avant que l'intéressée soit invitée à constituer un dossier à cet effet.

IL EST LÉGITIME DE SUIVRE SON CONCUBIN

O.P.H.L.M - Démission pour motif légitime (Voir 88-3633)
Réclamation n° 88-2013 transmise par M. Bernard Charles, député du Lot.

Mlle D.' employée en qualité d'agent contractuel à l'office public d'H.L.M. d'une ville de la région Nord-Pas-de-Calais' démissionne pour suivre son compagnon qui a accepté un emploi à quelques centaines de kilomètres de là.

La demande d'allocation pour perte d'emploi qu'elle dépose auprès de l'office est rejetée. L'O.P.H.L.M. estime que l'intéressée n'a pas été involontairement privée d'emploi puisqu'elle est partie de son plein gré. Cette décision est confırmée à la suite d'une nouvelle démarche de Mlle D.

Lors de l'instruction de la réclamation' j'observe que les textes relatifs à l'assurance chômage définissent des conditions d'attribution d'allocations identiques pour les salariés du secteur privé et ceux du secteur public' notamment en cas de départ volontaire' dès lors que le motif en est reconnu légitime.

Or les dispositions applicables par 1'UNEDIC énoncent' parmi ces motifs légitimes, le cas des personnes quittant leur emploi pour suivre leur conjoint qui change de résidence pour exercer un nouvel emploi.

L'UNEDIC assimile aux " conjoints légaux " les " conjoints de fait " qui peuvent au sens de la jurisprudence de la Cour de Cassation invoquer un concubinage prolongé et notoire. C'est exactement la situation de Mlle D.

De plus, je note que le Conseil d'Etat a levé toute ambiguïté quant à l'application des délibérations de 1'UNEDIC aux agents des collectivités publiques, en se référant explicitement à l'une d'entre elles pour la détermination des droits à indemnisation d'un requérant.

J'expose ces arguments au directeur de l'O.P.H.L.M. Celui-ci' après avoir consulté un avocat' admet le bien-fondé de la demande. Mlle D. se voit attribuer les indemnités auxquelles elle a droit.

Cette affaire montre que si la notion de " conjoint de fait " est prise en considération dans les textes' il n'en est pas encore de même dans les esprits.

LES CONSIDÉRANTS DU JUGE ET LES CONSIDÉRATIONS DU MÉDIATEUR

Compétence du Médiateur - Décision de justice
Réclamation n° 88-3004 transmise par M. Jean-Claude Gaudin, sénateur des Bouches-du-Rhône.

M. V., agent communal, est suspendu de ses fonctions. Sa révocation interviendra trois ans plus tard à l'issue d'une procédure pénale.

Le maire refuse de lui verser des allocations pour perte d'emploi en raison des circonstances de son licenciement. Une requête présentée par l'intéressé et tendant à l'annulation de cette décision de refus d'allocations est rejetée par le tribunal administratif. Cette juridiction confirme l'appréciation du maire et déclare que le plaignant ne peut être regardé comme ayant été involontairement privé d'emploi pour se voir ouvrir droit à l'assurance chômage. Il n'est pas interjeté appel de ce jugement qui fixe ainsi le droit de manière définitive.

Si M. V. formule une réclamation, c'est que deux de ses anciens collègues, dont la situation, déclare-t-il, est identique à la sienne, ont cependant obtenu une indemnisation en matière de chômage après jugements rendus par le même tribunal administratif qui a eu à traiter son propre dossier.

Je comprends fort bien que M. V. éprouve quelque amertume de constater la divergence des jugements d'une même juridiction. Il souhaiterait, bien entendu, bénéficier d'un traitement semblable à celui qui a été réservé à ses anciens collègues. Mais ne possédant pas l'ensemble du dossier des trois personnes concernées, que seul le juge a connu, je suis amené à supposer que leurs situations respectives vis-à-vis de leur ancien employeur étaient peut-être différentes. En tout état de cause, il ne m'appartient pas de me substituer au juge. Ainsi, aux termes des dispositions de l'article 11 de la loi instituant le Médiateur de la République, je ne puis remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle qui a acquis l'autorité de la chose jugée et qui s 'impose dès lors aux deux parties en présence. Je suis donc dépourvu de tout moyen d'intervenir en faveur de M. V.

Je ne veux pas, cependant, clore le dossier sans interroger l'autorité municipale concernée par cette affaire. Le maire ne croit pas devoir renoncer au bénéfice de la chose jugée en ce qui concerne M. V. Compte tenu de cette position très ferme, je conclus que toute nouvelle démarche serait vouée à l'échec et j'en informe le parlementaire.

LA MANIÈRE D'APPRÉCIER LES MOTIFS D'UNE DÉMISSION

Rectorat - Démission pour motif légitime (Voir 88-2013)
Réclamation n° 88-3633 transmise par M. Jacques Genton, sénateur du Cher.

Mme D., auxiliaire de service dans un lycée, se voit proposer un nouvel horaire de travail, en soirée, qui l'obligerait à parcourir 5 km à pied pour rejoindre son domicile. Elle refuse cette offre et les services académiques prennent acte de sa démission.

Mme D., qui ne retrouve pas immédiatement un emploi, a droit à des allocations de chômage dans la mesure où le motif de sa démission peut être considéré comme " légitime " par l'administration, c'est-à-dire à condition que la perte de son emploi puisse être réputée involontaire.

Dans un premier temps, une décision de l'inspection académique attribue à Mme D. des allocations pour la perte de son emploi. Mais les services du rectorat signifient sept mois plus tard à Mme D. qu'ayant démissionné pour convenances personnelles, elle ne pouvait se voir ouvrir droit à l'assurance chômage. En conséquence, l'intéressée doit rembourser la somme de 12 936 F qui lui a été versée

Mme D. connaît une situation familiale et matérielle qui ne lui permet pas de répondre à cette exigence de remboursement. Elle souhaite obtenir, par mon intermédiaire, l'annulation de sa dette envers le Trésor public.

Cette requête me paraît fort légitime et je demande aux services administratifs concernés de procéder à un réexamen de la situation de Mme D. Je fais notamment observer que la décision d'attribuer les allocations était devenue définitive par l'expiration du délai de recours contentieux et que l'intéressée pouvait estimer avoir des droits acquis.

Le recteur de l'académie maintient que c'est bien sur sa seule initiative que Mme D. a démissionné et qu'elle ne peut donc prétendre à percevoir des allocations pour perte involontaire d'emploi.

Toutefois, sur mon insistance, il accepte de prendre une mesure de compensation sur la base de l'équité et annule la dette de l'intéressée.

C'est tout ce que je souhaitais.

UNE DECISION DE JUSTICE DOIT ETRE EXECUTEE

Conseil des prud'hommes - Autorité de la chose jugée
Réclamation n° 89-0461 transmise par M. Pierre Pénicaut, député des Landes.

Mme S. agent contractuel d'un lycée agricole, est licenciée de son emploi. Le conseil des prud'hommes lui alloue une indemnité pour perte d'emploi de 37 500 F, homologuant ainsi, en séance de conciliation, une transaction entre le directeur du lycée et elle-même.

Mais au moment de payer, l'administration estime que la décision prud'homale a fixé l'indemnité à un niveau excessif. Une erreur de calcul aurait entaché le décompte de la transaction conclue. Aussi n'est-il versé que 29 900 F à l'intéressée.

Une consultation de juristes qualifiés me conduit à constater que, s'il est admis par la jurisprudence que l'administration peut légalement rectifier une erreur d'ordre pécuniaire entachant une décision unilatérale' cette faculté n'existe pas en matière contractuelle où, la convention faisant la loi des parties' aucune modification de la somme convenue n'est possible sans l'accord de chacune d'entre elles.

Or en l'espèce, la transaction intervenue en séance de conciliation du conseil des prud'hommes est, d'après l'article 2044 du Code civil, " un contrat par lequel les parties terminent une contestation ". Il ne saurait être soutenu que le consentement du directeur du lycée agricole a été vicié dans des conditions donnant ouverture à une action en nullité de la transaction. La transaction est donc parfaitement valable, même si l'on admet qu'elle excédait quelque peu le montant réel de l'indemnité vérifié après coup.

L'article 2052 du Code civil précise' par ailleurs, que " les transactions " ont, entre les parties, l'autorité de la chose " jugée en dernier ressort ".

Ces conclusions sont, en l'espèce, renforcées et rendues plus contraignantes par celles du droit du travail qui, à propos de la procédure de conciliation devant le conseil des prud'hommes' dispose que le procès-verbal de conciliation " vaut titre exécutoire ".

Il s'ensuit que Mme S. détient un titre exécutoire en vertu duquel elle est pleinement fondée à obtenir de l'Etat le règlement de la somme de 37 523,56 F

Dans le cadre de sa mission, le Médiateur se doit de faire respecter par l'administration les principes juridiques essentiels du droit des conventions et de l'autorité des décisions de justice. Aussi ai-je invité le ministre de l'agriculture, autorité de tutelle du lycée agricole, à assurer la pleine exécution de la décision prud'homale en versant à Mme S. le reliquat de la somme due, soit 7 653,94 F, ainsi que les intérêts de retard. Le ministre donnera toutes instructions afin de dédommager immédiatement l'intéressée.

LES EFFETS PERVERS D'UNE REGLEMENTATION GENEREUSE

Université- Droits liés à la période de travail
Réclamation n° 89-2691 transmise par Mme Renée Soum, ancienne députée des Pyrénées-Orientales

Mme M. assure, dans une université, le remplacement des agents de service titulaires durant leurs congés de maladie. Ces missions lui sont confiées dans le cadre d'un contrat à durée déterminée. C'est ainsi qu'elle a assuré un service du 6 novembre au 20 décembre 1986' puis du 2 au 17 février 1987 enfin, elle a été recrutée,toujours à titre temporaire, pour la période du 21 février au 24 avril 1987.

Durant cette dernière mission, très exactement dans l'après-midi du 10 avril, le service administratif l'informe qu'il est mis fin à son contrat le jour même. Il lui est expliqué que la direction de l'université a décidé que, dorénavant, aucun contrat ne devrait dépasser 506 heures.

Mme M. n'a plus qu'à aller s'inscrire au chômage. L'ASSEDIC refuse de lui verser des allocations: il appartient à son ancien employeur du secteur public de prendre en charge l'indemnisation pour perte d'emploi. Mais l'université s'appuie sur un texte concernant l'indemnisation des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités locales d'après lequel l'intéressée doit avoir accompli' sans interruption, une période de travail au moins égale à 507 heures. Constatant que durant sa dernière mission' Mme M. n'a pas atteint ce seuil' le président de l'université estime n'avoir aucune obligation à l'égard de son ancienne salariée.

Ce que ce responsable ne semble pas savoir, c'est qu'en matière d'assurance chômage, les agents non titulaires de l'Etat et des collectivités locales perçoivent, en cas de perte involontaire d'emploi, les mêmes prestations que les salariés du secteur privé, dès lors qu'ils remplissent les conditions fixées par les accords des partenaires sociaux. Or, la réglementation du régime général prévoit notamment que les salariés licenciés, justifiant d'une période de travail de 91 jours ou de 507 heures au cours des douze mois précédant la perte d'emploi, ont droit à l'allocation de base. Étant entendu que le cas le plus favorable pour le bénéficiaire doit être retenu.

Au vu des pièces contenues dans son dossier, Mme M. justifie de 107 jours de travail sur l'ensemble de ses missions à l'université. Elle est, selon moi, bien en droit de prétendre au versement de 91 allocations de base pour la perte de son emploi. J'ai pourtant beau exposer ce point de la réglementation au président de l'université, celui-ci reste sur ses positions. Pour lui' l'intéressée n'a pas effectué 507 heures de travail d'affilée, elle n'a pas droit aux indemnités. Il reconnaît d'ailleurs s'être arrangé pour qu'il en soit ainsi' par souci de préserver l'équilibre du budget de l'université. Il n'en dénonce pas moins le caractère pervers de la réglementation: bien des responsables préfèrent agir comme lui plutôt que d'être contraints de verser des indemnités. S'il n'y avait pas ces obligations les intérimaires seraient souvent recrutés sur des contrats de plus longue durée.

Bien entendu, le Médiateur ne peut suivre un tel raisonnement. Je me dois de faire respecter la réglementation, d'autant plus rapidement que Mme M. se trouve sans ressources, avec une petite fille qu'elle élève seule. Je recommande au président de l'université de prendre toutes mesures utiles en vue de régulariser la situation de Mme M. au regard de l'assurance-chômage.

Tout en protestant de sa bonne foi- il n'aurait pas eu connaissance du texte que je lui ai produit- , mon interlocuteur se range à mes arguments juridiques et décide de verser à Mme M. les allocations auxquelles elle a droit.

Cela dit, les observations d'ordre général formulées par le président de l'université sur l'effet pervers de la réglementation en ce qui concerne l'emploi d'intérimaires sont parfaitement exactes et confirmées par de nombreux maires ou directeurs d'hôpitaux. Le Médiateur l'a fait savoir aux responsables. Ceux-ci ont proposé une solution: l'affiliation des collectivités publiques aux ASSEDIC qui verseraient alors à leur place les allocations de chômage. Ce régime' bien que prévu par l'article 65 de la loi du 3o juillet 1987' est cependant facultatif.

Aussi seule une mutualisation obligatoire du risque chômage par les collectivités locales et les établissements publics permettrait de résoudre ce problème, évoqué depuis trois ans dans mon rapport. Au Gouvernement et au législateur d'en décider.

2 - BONS POINTS, MAUVAIS POINTS A L'ADMINISTRATION


Dans l'ensemble, les relations du Médiateur avec l'administration sont excellentes, notamment au niveau des ministres et des dirigeants des grands organismes publics.

Les uns et les autres sont soucieux de l'image de leurs services auprès du public. Ils prennent d'eux-mêmes des initiatives dans ce sens ou s'efforcent de donner satisfaction au Médiateur lorsqu'il intervient pour leur demander de régler une situation par trop inéquitable.

D'autres administrateurs, par contre, ne montrent pas trop d'empressement - c'est le moins que l'on puisse dire - à suivre le Médiateur dans sa recherche de l'équité.

Aussi a-t-il paru intéressant de citer quelques-uns des comportements observés pour mieux les opposer entre eux.

- BONS POINTS


Parlons en premier des " meilleurs ".

Les difficultés importantes rencontrées par les usagers dans leurs relations avec les services publics ne doivent pas occulter les initiatives intéressantes et les décisions compréhensives prises en faveur des administrés. A cet égard, notons par exemple:

La lettre de la Régie autonome des transports parisiens (R.A. T.P.) reproduite ci-après, qui a été adressée spontanément à tous les porteurs d'un coupon annuel de transport. Ce courrier était accompagné d'un chèque destiné à compenser les conséquences du conflit social qui, à la fin de l'année 1988' a gravement perturbé les déplacements des usagers. La tonalité générale de cette correspondance révèle une considération de bon aloi envers les usagers.

La spontanéité de la démarche est d'autant plus remarquable que la mesure est coûteuse pour l'entreprise et qu'elle crée un précédent. Mais il s'agit d'une mesure opportune car ce coût sera vraisemblablement compensé par une amélioration du climat des relations avec les usagers et par une image de marque renforcée.

Le Médiateur n'a pas manqué de féliciter le président-directeur général de la R.A.T.P. pour cette initiative et a fait part de sa satisfaction au ministre de tutelle.

RATP

RÉGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS

53 TER QUAI DES GRANDS AUGUSTINS 75271 PARIS CEDEX06 -TÉL(1)40.46.41.41

TELEGRAMME METROBUS-PARIS - TELEX 200000 MÉTROBUS-PARIS RCS PARIS B

775 663 438

220

RÉSEAU ROUTIER

SERVICE DES ÉTUDES D'EXPLOITATION

118,rue du Mont-Cenis, 75018 PARIS

Paris, le 22 FEVRIER 1989

N° 0 6 7 792 4



Veuillez ACCEPTER nos regrets de n'avoir pu, malgré nos efforts, vous épargner les conséquences inévitables d'un conflit exceptionnel dons son ampleur. En perturbant assez durablement l'exploitation de nos réseaux il vous a aussi éprouvé dans votre vie quotidienne.

Vous bénéficie, naturellement de la mesure générale de réduction moitié prix de la carte orange de JANVIER 1989

De ce fait vous trouverez, ci-dessous, un chèque dont le montant correspond la réduction accordée aux porteurs de coupon mensuel équivalent.

En espérant que malgré ces difficultés vous nous conserverez votre confiance, nous vous prions, Monsieur, de croire à l'expression de nos sentiments dévoués

PAUI LENGAGNE.

Relations clientéle

Le trésorier-payeur général de la Seine-Maritime a été également félicité pour la lettre circulaire reproduite à la page suivante' adressée à toutes les personnes bénéficiant d'une pension versée par le centre régional de Rouen. La prise en compte de l'usage maintenant courant du téléphone, a été particulièrement appréciée. La clarté du texte, l'indication de l'adresse complète du service et du nom du signataire méritaient d'être relevées.

* T R E S O R P U B L I C *ROUEN LE 10 03 89

** **** * * * ****** ************ ***~

CENTRE REGIONAL DES PENSIONS

QUAI JEAN MOULIN

76037 ROUEN CEDEX

TEL 35 58 37 37

Madame, Monsieur



S'il vous est arrivé de téléphoner à laTrésorerie Générale de Seine- Maritime, vous avez vraisemblablement dû attendre longuement avant d'entendre la voix de la standardiste. La cause en est simp!e, la surcharge du standard.

Depuis le 27 Février 1989 cet inconvénient ne doit plus exister avec la mise en place d'un système de sélection directe àl'arrivée.Celui-ci consiste en l'attribution,à chaque secteur de mes services ,de numéros téléphoniques particuliers accessibles de l'extérieur .La pleine efficacité du système ne peut toutefois être atteinte qu'avec la connaissance de ces numéros par les demandeurs.

C'est à cette fin que je vous indique ci-après ,les numéros à composer pour entrer rapidement en communication avec le service des pensions placé sous mon autorité directe.

Les retraités dont les noms patronymiques se situent entre les bornes suivantes:

. de la lettre A à Durand Maxime doivent composer le 35.58.37.56 ou 35.58.37.57

. de Durand Michel à Mallard André 35.58.37.58

ou 3;.58.37.59

. de Mallard Auguste à la lettre Z 35.58.37.s4

ou 35.58.37.55

.le secteur des oppositions répond au 35.58.37.52

. et le chef du service au35.58.37.61

Je compte sur vous pour l'utilisation de la nouvelle numérotationseule susceptible d'améliorer la prestation téléphonique que vous êtes en droit d'attendre d'un service public.

Je vous en remercie à l'avance.

Veuillez agréer,Madame, Monsieur,l'expression de ma considération distinguée

Le Trésorier Payeur Général

Francis EYRAUD

*****************************************~

T.G. DE LA SEINE MARITIME

QUAI JEAN-MOULIN

76037 ROUEN CEDEX

*****************************************~



C'est par la multiplication au niveau local de telles initiatives que passe l'amélioration de la qualité du service public.

Là encore, il convenait que le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, ainsi que le ministre délégué chargé du budget, reçoivent une copie de la lettre adressée au trésorier-payeur général de la Seine-Maritime pour pouvoir créer, s'ils le souhaitaient, une émulation entre les chefs de services.

• Certaines agences régionales de France-Télécom ont accompagné leur facture d'un dossier très instructif sur la procédure de facturation.

Ainsi sont exposées toutes les opérations effectuées à partir du moment où l'abonné compose son numéro' jusqu'à l'enregistrement du règlement de la facture. L'administration a souhaité mettre l'accent sur les différentes étapes de surveillance et de contrôle observées avant d'établir les factures.

Ce souci d'informer le public est nécessaire. Il contribuera à diminuer le nombre des contestations en matière de facturation de communications téléphoniques dont le Médiateur a trop souvent à connaître.

• Toujours en fac-similé ci-après' un exemple de comportement opportun de 1'administration des impôts pour prendre en compte les dérèglements consécutifs aux mouvements sociaux ayant affecté les services fiscaux.

MADAME , MONSIEUR ,

LES MOUVEMENTS SOCIAUX AFFECTANT NOS SERVICES ONT RETARDE L'EXPEDITION DE L'AVIS D'IMPOSITION CI-JOINT.

POUR EVITER UN DELAI TROP REDUIT ENTRE LA LA RECEPTION DE L'AVIS DE PAIEMENT , LA DATE DE MAJORATION EST REPORTÉE AU 31 DECEMBRE 1989 . IL N'Y A DONC PAS LIEU DE TENIR COMPTE DE LA DATE LIMITE DE PAIEMENT DU 15 NOVEMBRE FIGURANT SUR L'AVIS.

NOUS VOUS PRESENTONS NOS EXCUSES POUR CETTE RECTIFICATION.

VEUILLEZ AGREER , MADAME , MONSIEUR , L'ASSURANCE DE NOTRE

CONSIDERATION DISTINGUEE,

LE DIRECTEUR LE RECEVEUR GENERAL DES SERVICES FISCAUX , DES FINANCES ,

Bien d'autres initiatives auraient certainement mérité de figurer au présent rapport. Elles ne peuvent toutes être mentionnées. L'essentiel est qu'elles existent et que leur exemple soit suivi.

- MENTIONS PASSABLE

Certaines attitudes administratives sont regrettables sans pour autant mériter de conduire à l'attribution de " mauvais points ".

Il en va ainsi pour l'acheminement du courrier lors des dernières grèves.

De nombreux usagers se sont plaints en effet qu'après que leurs paquets aient été refusés dans les bureaux de poste' ils se soient vus conviés, par les agents des-guichets, à recourir à " Chronopost " pour effectuer leurs envois.

Il y avait de quoi s'étonner qu'au sein du service postal, certains acheminements soient impossibles alors que d'autres ne l'étaient pas. Il est vrai que ces derniers sont dix fois plus coûteux.

Cette promotion commerciale, probablement involontaire mais en tout cas inopportune, a amené le Médiateur à formuler une proposition de réforme (P.T.T. 89-OI).

Il est suggéré, au cas où de nouveaux conflits sociaux viendraient se produire dans l'administration des P.T.T., affectant le transport et la distribution des objets confiés à la poste, de faire un effort d'information en direction du public et de ne pas influencer le choix des usagers.

L'information pourrait consister en un avis affiché dans les bureaux de poste indiquant que les envois aux conditions tarifaires ordinaires sont et demeurent acceptés, malgré les arrêts de travail, mais que ces envois ont lieu aux risques et périls de l'expéditeur, notamment quant à la date de livraison à leurs destinataires.

La directive à rappeler au personnel des bureaux de poste devrait tendre à éviter que l'acheminement du courrier aux conditions tarifaires ordinaires apparaisse suspendu contrairement aux procédés de " Chronopost ". S'il est naturel que les agents fassent connaître ces divers procédés et leurs caractéristiques, le choix des usagers doit rester entièrement libre. Le développement des procédés de remplacement coûteux ne doit pas tirer avantage des conflits sociaux survenus dans le service public.

• Toujours dans le cadre des grèves des agents de la poste' des usagers se sont plaints que certains centres de recouvrement d'E.D.F.G.D.F. aient eu une démarche intempestive. Des abonnés dont les règlements n'étaient pas parvenus dans les délais en raison des difficultés d'acheminement du courrier' ont reçu une lettre de relance de l'administration. Il eût été opportun d'attendre que la situation se clarifie d'elle-même; cela aurait évité que soient engagés des frais de courriers qui n'ont pas manqué d'affecter les comptes de résultats de l'entreprise nationale. Il n'y a pas là mauvaise intention, seulement défaut d'attention.

• Cette rubrique permet d'exprimer des craintes sur la bonne fin des réclamations ressortissant au secteur fiscal et parvenues à la Médiature au cours de la seconde moitié de l'année 1989.

En réponse à ses interventions sur ces affaires' le Médiateur a reçu de l'administration fiscale nombre de réponses ainsi libellées: " En raison des mouvements sociaux qui affectent les services, il n'est pas possible de préciser la position susceptible d'être prise dans cette affaire. "

Il a été impossible de connaître une date approximative de retour à des conditions normales d'exploitation des dossiers. Cela se comprend. Mais les réclamants s'inquiètent. Il reste à espérer que les conséquences des grèves ne perturberont pas trop longtemps encore les services concernés et qu'il me sera possible de reprendre l'instruction des dossiers.

- MAUVAIS POINTS

Il est malheureusement des défaillances plus graves. Surtout lorsqu'elles sont volontaires.

Ainsi, j'éprouve parfois de grandes difficultés à me faire entendre de certaines ASSEDIC.

Certes, les ASSEDIC ont le statut d'organismes privés mais cela ne les dispense pas des obligations qui résultent du bon exercice de la mission de service public dont elles assument la responsabilité.

Lorsque les ASSEDIC appliquent les dispositions législatives ou réglementaires du Code du travail, le Médiateur peut intervenir pour apprécier leur bon fonctionnement et l'équité de leurs décisions.

C'est donc à tort que certains directeurs d'ASSEDIC se sentent dégagés de toute obligation vis-a-vis du Médiateur de la République.

Cela a amené le Médiateur à faire des représentations au directeur de 1'ASSEDIC de Tourcoing à qui il avait demandé des renseignements sur la situation d'un réclamant au regard de l'assurance chômage; renseignements qu'on lui avait refusés en s'abritant derrière le règlement intérieur de l'organisme.

C'est aussi le directeur de l'ASSEDIC de Toulouse-Midi-Pyrénées qui invoque une décision absolument souveraine des instances paritaires de l'organisme pour couper court à toute médiation dans un litige que connaît une personne sans emploi. Il semble que ce responsable ignore la fonction du Médiateur de la République' puisqu'il ajoute: " Vous comprendrez parfaitement' Monsieur le Médiateur' que si de votre côté vous avez vos prérogatives' nous avons' du nôtre, nos exigences. "

La souveraineté de la commission paritaire a été aussi affirmée par le chef de l'antenne Laugier de l'ASSEDIC de Paris qui' dès lors' ne se sent plus tenu de motiver ses décisions.

C'est encore le directeur de 1'ASSEDIC de Lyon qui déclare que " sa décision n'est pas susceptible d'appel ".

Venant d'organismes dont la mission est d'aider des personnes qui' souvent, vivent une situation des plus précaires à la suite de la perte de leur emploi' de telles positions de principe excluant toute tentative d'arrangement équitable sont inacceptables.

• Des difficultés du même ordre sont rencontrées auprès des caisses primaires ou régionales d'assurance maladie. Ces organismes bénéficient pareillement d'une certaine liberté de décision dans le cadre de la mission définie par des textes législatifs et réglementaires. Les assurés ont bien la possibilité de faire appel de ces décisions devant une commission de recours amiable' mais cette instance, réunie au sein de la caisse' apparaît souvent trop soucieuse de défendre exclusivement les intérêts de l'organisme.

Ainsi, le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de Privas éconduit le Médiateur de la manière suivante:

" Croyez-bien que je ne méconnais nullement la légitimité de votre démarche, bien au contraire, convaincu moi-même de la nécessité absolue, dans un état de droit, d'une institution telle que celle que vous personnifiez, qui puisse contribuer à harmoniser l'incommensurable diversité des situations particulières avec l'inévitable impersonnalité de la loi' par essence d'application générale. "

Une telle phrase montre aussi que beaucoup d'efforts restent à faire pour obtenir plus de simplicité et partant' plus de clarté dans le courrier administratif.

• Parmi les " mauvais points "' il faudrait aussi signaler le cas de services de distribution d'eau dont la mission de service public' si évidente soit-elle' s'efface au nom de la rentabilité. La mission de service public est d'autant plus occultée que ces organismes opèrent le plus souvent sous forme de société à statut privé.

En cas de contestation portant sur la consommation d'eau facturée à un usager, il est quasi impossible d'aboutir à une médiation contrairement à ce qui se passe avec une entreprise publique. La notion d'équité leur est étrangère. Les termes des contrats sont appliqués sans ménagement' quelle que soit la situation de l'usager.

• L'inertie des administrations est souvent dénoncée. Un exemple concernant le conseil régional d'Ile-de-France illustre cette attitude. A sa demande de prime de création d'entreprise' en juillet 1985, un industriel s'était vu opposer de nouvelles dispositions prises le mois précédent en ce domaine par le conseil régional, tenant au délai de recevabilité des dossiers. De toute évidence, l'intéressé aurait dû bénéficier de la réglementation antérieure' en vigueur lors de son installation, en 1984.

De nombreux courriers m'ont été nécessaires pour obtenir' seize mois après mon intervention' une réponse dont le raisonnement captieux ne pouvait me satisfaire. Une nouvelle saisine du président du conseil régional' faisant pourtant référence à la jurisprudence du Conseil d'Etat, est restée sans réponse... (Réclamation n° 87-2210 transmise par M. Claude Lorenzini, ancien député de la Meuse.)

• La mairie de Gourbeyre (Guadeloupe) a mis trois ans pour répondre à une demande de communication de documents administratifs intéressant des opérations d'urbanisme. L'instruction de la réclamation (n° 87-1005 est développée plus loin' dans les exemples de comportement fâcheux de l'administration.

• Enfin, pour clore ce chapitre consacré aux " mauvais points à l'administration ", il faut citer une réponse que m'a fait tenir la direction des services fiscaux du Doubs, dont la forme n'a pas manqué de m'intriguer en qualité de Médiateur de la République mais' je l'avoue' m'a aussi amusé.

Je m'étais adressé à cette direction pour demander la remise de pénalités relatives au paiement tardif de taxes sur la valeur ajoutée dues par un contribuable. Des circonstances particulières m'avaient amené à ne pas douter de la bonne foi du réclamant et à intervenir en sa faveur.

Mieux qu'un commentaire, j'invite le lecteur à se reporter à la reproduction, ci-après, de la réponse qui m'est parvenue.

QUELQUES EXEMPLES

- DE DECISIONS HEUREUSES DE L'ADMINISTRATION

QUAND LE MEDIATEUR AIDE A FAIRE LE MUR

Conseil général- Travaux publics- Nuisances
Réclamation n° 88-1901 transmise par M. Michel Crépeau, ancien ministre, député de la Charente-Maritime.

Une déviation de route est réalisée et c'est bien dommage pour MM. X, Y et Z, elle passe juste devant leur propriété, à trois mètres de hauteur.

Ces trois riverains malgré eux ne tardent pas à se plaindre des nuisances occasionnées par la nouvelle voie: bruits, odeurs de gaz d'échappement, sans parler de la vue plongeante qu'ont les automobilistes sur l'ensemble des propriétés.

Ils demandent que le niveau de la voie soit abaissé. La modification ne porte que sur une hauteur de 0,80 mètre et met la route au niveau des fenêtres du 1er étage. Piètre amélioration.

Le président du conseil général, après une visite des lieux, annonce la plantation de végétaux entre la route et les propriétés des intéressés. Ces derniers estiment la mesure insuffisante et demandent la construction d'un mur de deux mètres de haut.

Saisi de ce litige par l'un d'entre eux, j'interviens auprès du président du conseil général et lui expose la réalité des nuisances auxquelles, me semble- t-il, seule la solution préconisée par MM. X., Y., Z. permettrait de remédier.

Le président se rend à nouveau sur place et donne alors toutes instructions à ses services techniques pour élever un mur anti-bruit doublé d'une haie de végétaux.

J'obtiens même qu'un catalogue de divers dispositifs soit, préalablement aux travaux, soumis aux riverains qui peuvent ainsi librement choisir le modèle de protection sonore et visuelle.

Mince consolation, certes, pour les intéressés qui eussent assurément préféré que la déviation fût construite ailleurs. Cependant, puisque cela n'était pas possible, j'ai le sentiment que, dans cette affaire, mon intervention a contribué à la mise en place d'une solution somme toute satisfaisante pour les réclamants.

Il me plaît aussi de souligner l'obligeance des services départementaux pour atténuer les effets de nuisances des travaux qu'ils avaient engagés.

UN PEU DE COMPREHENSION A L'EGARD D'ASSURES SOCIAUX

C.P.A.M.- Prescription des prestations
Réclamation n° 89-0906, transmise par M. Jean-Marie Daillet, député de la Manche.

Mlle B. bénéfıcie de l'allocation de parent isolé servie par la caisse d'allocations familiales. Sa couverture sociale est de ce fait assurée, conformément aux dispositions de l'article L. 381-2 du Code de la sécurité sociale.

En septembre 1984, l'intéressée est admise' pour une durée de 16 jours, dans un centre hospitalier de la région parisienne. Non seulement elle ne précise pas sa qualité d'assurée sociale au bureau des admissions, mais elle présente une carte d'assurée venue à expiration. Aussi les services administratifs du centre hospitalier établissent-ils une demande de prise en charge, au titre de l'aide médicale, par le bureau d'aide sociale dont elle dépend. L'aide est refusée' car Mlle B. ne s'est jamais présentée aux convocations des services de la mairie.

En février 1985, le centre hospitalier lui réclame le règlement d'une facture de 23 700 F, correspondant au montant de ses frais de séjour. Ce n'est qu'en juin 1988 que Mlle B. répondra aux différents courriers et mises en demeure de l'Assistance publique. Elle se trouve dans l'impossibilité d'acquitter la moindre part de sa dette. Le receveur de l'hôpital ne peut plus demander la prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie (C.P.A.M.) dont elle dépend: les dispositions du Code de la sécurité sociale fixent à deux ans le délai de prescription des prestations. Près de quatre années se sont écoulées depuis l'hospitalisation. . .

Lorsque le dossier m'est transmis, Mlle B. attend un deuxième enfant. Le parlementaire qui m'en saisit me presse d'intervenir le plus rapidement possible. L'intéressée est dans une situation des plus difficiles; l'huissier menace de saisir son mobilier, d'ailleurs on ne peut plus restreint, comme le décrit le procès-verbal de saisie-exécution.

Certes le contentieux résulte indéniablement de la négligence de la requérante' mais l'étude du dossier appelle beaucoup de compréhension pour ce manque de diligence. Mlle B. connaît une vie très difficile qui ne lui permet pas de toujours faire face à ses responsabilités. D'ailleurs n'est- ce pas justement dans ces cas-là que le Médiateur de la République doit rechercher toute solution pour tenter de régler des situations douloureuses, en évitant le formalisme juridique.

Je suis heureux de constater que le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche- à laquelle est affiliée Mlle B.- partage volontiers ma façon d'appréhender cette affaire. La commission de recours amiable qu'il saisit accepte de renoncer, à titre exceptionnel, à la prescription et prend en charge la totalité des frais de séjour.

COMPREHENSION DE L'ADMINISTRATION

Impôt sur le revenu- Procédure de redressement
Réclamation n° 89-1874 transmise par M. Georges Hage, député du Nord.

A l'occasion du contrôle de la société dont M. B. assume la gérance, les services fiscaux procèdent, en 1978, à une vérification approfondie de sa situation personnelle.

Plusieurs irrégularités sont relevées à l'encontre de l'intéressé et ses impositions des trois années précédentes font l'objet de redressements. C'est ainsi que les revenus personnels de M. B. sont augmentés d'allocations forfaitaires versées par la société et qui n'avaient pas été déclarées, ainsi que d'avantages en nature qui avaient été sous-évalués. Des mouvements de fonds enregistrés au crédit de différents comptes de l'intéressé et dont il ne pourra justifier la provenance sont également réintégrés aux revenus. Enfin, s'ajoute à cela le montant des loyers perçus sur des chambres meublées.

L'intéressé conteste l'ensemble des redressements. Mais ses explications sont jugées " vagues et insuffisantes " par l'administration. Les redressements sont maintenus.

M. B. se désintéresse de son affaire. Son épouse est décédée entre- temps et il doit s'occuper de ses trois jeunes enfants. La société qu'il dirigeait est mise en règlement judiciaire...

Mais en 1989, M. B.' qui n'a toujours pas acquitté les redressements mis à sa charge' souhaite mon intervention pour deux motifs. D'une part' il estime n'être pas redevable; d'autre part, il fait valoir que ses ressources actuelles ne lui permettent pas d'acquitter les sommes dues.

C'est cette dernière considération de fait qui m'incite à intervenir.

Le directeur régional des impôts me fera tenir une fiche technique circonstanciée reprenant chacun des redressements opérés et justifiant leur bien-fondé. Il prononce cependant le dégrèvement des revenus des locations meublées en acceptant de faire application d'une jurisprudence du Conseil d'Etat postérieure à la vérification.

Enfin, pour répondre à ma demande, les pénalités sont réduites aux seuls intérêts de retard, à la condition toutefois que M. B. s'acquitte des sommes laissées à sa charge dans les délais qui lui seront fixés par le service de recouvrement.

Je tiens à souligner dans cette affaire la qualité de la réponse produite par l'administration qui, en outre, s'est montrée soucieuse de faire preuve d'équité en prenant en considération les circonstances particulières de l'affaire et un arrêt du Conseil d'Etat prononcé pourtant postérieurement aux redressements effectués.

- DE PROCEDURE TROP LONGUE

IL N'EST D'AFFAIRE TROP COMPLIQUEE

Autorité préfectorale- Délimitation du domaine public fluvial
Réclamation n° 85-5266 transmise par M. Émile Didier, sénateur des Hautes-Alpes.

M. V., propriétaire de parcelles de terrain riveraines de la Durance' connaît avec l'administration un litige dont l'origine remonte à 1936 A cette époque, une modification cadastrale a été effectuée sans que soit pris un arrêté de délimitation du domaine public fluvial, pourtant obligatoire en pareil cas. Depuis seize ans, M. V. ne cesse de réclamer, avec l'appui de la municipalité, qu'une délimitation intervienne enfin.

Lors de l'instruction du dossier, le préfet, à qui il incombe de fixer la limite du domaine public, affirme sa volonté de régulariser la situation, mais il fait valoir aussi les difficultés techniques qu'il rencontre pour mener à bien une telle entreprise et les risques de contentieux susceptibles de s'y rattacher.

J'ai bien conscience qu'il s'agit là d'une affaire très compliquée. Toute nouvelle délimitation doit obéir à une réglementation complexe. Il faut prendre en compte le débit de la crue de reférence sur tout le parcours de la Durance, procéder à une extrapolation mathématique pour adapter ce débit à la situation locale... Des problèmes de procédure risquent aussi de se poser car une entreprise a été autorisée à s'installer dans la zone non délimitée pour y exploiter des gravières.

Il me faudra effectuer de multiples interventions solennelles et pressantes pour obtenir que le préfet accepte d'inscrire prioritairement les terrains en cause dans le cadre de l'enquête publique préalable de délimitation. Cette enquête, menée sur plusieurs mois en concertation avec les riverains, arrive enfin à sa phase finale. Compte tenu des garanties qui m'ont été apportées, je décide de clore ce dossier dont l'issue favorable ne me semble plus faire de doute.

Mais peu après, M. V. m'informe que le projet de délimitation du domaine public fluvial, tant attendu, inclut les parties litigieuses des parcelles du réclamant sur lesquelles sont installés précisément les équipements de l'entreprise exploitant les gravières. Cette intégration ayant fait l'objet de sérieuses réserves de la part du commissaireenquêteur, il y a là une condition suspensive à tout arrêté préfectoral qui ignorerait ces réserves.

Il me faut reprendre l'instruction du dossier. L'un de mes collaborateurs se rend sur les lieux afin de mieux cerner les tenants et les aboutissants de cet imbroglio. Il se révèle que la direction départementale de l'équipement estime que les parcelles appartenant à M. V. sont inondables, ce qui les rattacherait de facto au domaine public. Pourtant, l'administration a concédé l'exploitation de ces terrains où ont été édifiés des installations pour la fabrication de graviers ! Aucun élément ne permet d'affirmer que ces terrains ont été ou risquent d'être recouverts par les eaux; il est donc possible de délimiter le domaine public en équité, tout en respectant la réglementation.

Mon collaborateur participe à une réunion de conciliation au cours de laquelle sont appréciés les différents intérêts en présence. A la suite de cette réunion, le préfet prend l'arrêté de délimitation du domaine public fluvial qui donne toute satisfaction à M. V. Les " considérants " de ce texte reprennent les arguments que j'ai constamment développés et font référence à mes recommandations.

Il me faut souligner la parfaite collaboration qui s'est établie entre le préfet et mes services pour aboutir à une solution très satisfaisant en équité

HUIT ANS POUR REGLER UNE SITUATION DOULOUREUSE

Reconstitution de carrière- Événements d'Afrique du Nord
Réclamation n° 87-3449 transmise par M. Jean-Hugues Colonna, ancien député des Alpes-Maritimes.

M. S. est recruté en 1946 par l'administration du Gouvernement général de l'Algérie, en qualité d'agent contractuel. Il exerce les fonctions de chimiste dans un laboratoire de recherche du service des mines.

Dès 1953, il sera inquiété par les autorités en raison de ses prises de position politiques et connaîtra une première incarcération pendant huit mois. Dès lors, il ne retrouvera pas son poste et sa carrière sera brisée. Il vivote d'emplois précaires et sous-payés jusqu'en 1956, date à laquelle il sera expulsé vers la métropole.

Commence alors une longue quête de l'emploi. Beaucoup de portes lui sont fermées du fait de son passé. Il ne trouve à travailler que par intermittence.

Lorsque son dossier m'est transmis, à la fin de l'année 1987, l'intéressé est dans une situation matérielle critique. L'état de santé de son épouse nécessite des soins coûteux et les revenus du ménage s'élèvent à 3 700 F par mois. C'est le montant de la retraite qui lui a été calculée sur la base des rares périodes de travail qui ont pu être validées.

L'examen de son dossier montre de toute évidence que la reconstitution de sa carrière a pâti de son implication dans les événements évoqués. Il est toutefois possible d'obtenir une revalorisation de sa pension de retraite par application de la loi n° 82-lO21 du 3 décembre 1982, les dispositions de ce texte permettant de régler certaines situations qui résultent de périodes troublées de notre histoire et notamment des événements d'Afrique du Nord.

M. S. a d'ailleurs déposé une telle demande il y a six ans auprès du ministère de l'industrie dont il dépendait lorsqu'il était employé non titulaire de l'Etat en Algérie. Le service concerné lui a notifié un avis favorable en mars 1985, mais depuis, il n'a pas eu de nouvelles de son dossier.

Il m'apparaît que seule une procédure complexe peut permettre de donner enfin une suite favorable à la demande de M. S. En effet, pour dénouer les problèmes posés en matière de sécurité sociale' de budget' de reconstitution de carrière' il est nécessaire d'obtenir l'accord de quatre départements ministériels: budget' industrie' solidarité et fonction publique.

Je saisis le ministre en charge de ce dernier département pour lui demander de coordonner l'action des différentes parties. A la suite d'une réunion interministérielle au cours de laquelle est évoquée la situation de M. S., le ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale donne des instructions au directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés pour enfin régler le dossier de l'intéressé.

Nous sommes en juillet 1989; tout semblait pourtant réglé en mars 1985 lorsque M. S. avait reçu un avis favorable à sa demande déposée en 1981 !

LE DROIT DE LOTIR SELON LE PROPRIETAIRE

Autorité préfectorale- Autorisation de lotissement
Réclamation n° 89-0712 transmise par M. Alain Calmat, député du Cher.

En cas de remembrement, la loi prévoit qu'une parcelle englobée dans le périmètre de remembrement et qui a qualité de terrain à bâtir doit être réattribuée à son propriétaire.

En 1977, les opérations de remembrement attribuent à la commune une parcelle appartenant à M. J., bien que celui-ci estime qu'elle ait qualité de terrain à bâtir.

M. J. conteste la légalité de ce transfert de propriété et, en juin 1983, il obtient du tribunal administratif la restitution de son bien. Cette décision est confirmée par le Conseil d'Etat en 1985.

Au cours de cette longue procédure, la commune a loti, en 1981. la parcelle, si bien que lorsque le terrain est réattribué à M. J., un panneau y est implanté, indiquant l'existence d'un ensemble de six lots, à vendre par la mairie.

M. J., redevenu propriétaire du terrain, souhaite bénéficier des mêmes possibilités de lotir que la collectivité publique. Il dépose alors, pour son propre compte, une demande de lotissement. Mais cette possibilité lui est refusée par le préfet, sur avis défavorable du maire, apparemment mauvais joueur. Cette décision ne me semble guère cohérente et j'interroge le préfet. Celui-ci justifie sa position en considérant que la parcelle de M. J. est située en dehors des parties actuellement urbanisées, dans un secteur à vocation agricole. Ce qui est contradictoire aussi bien avec les motifs de l'arrêt du Conseil d'Etat qu'avec la destination conférée par la commune à cette parcelle lorsqu'elle en était propriétaire.

M. J. défère alors au tribunal administratif le refus d'autorisation de lotir.

Le préfet persiste dans son refus et déclare s'en remettre au jugement que rendra le tribunal administratif.

Dans ces conditions, je ne puis poursuivre mes démarches avec quelque chance de les voir aboutir favorablement. Il reste que, sans l'erreur d'attribution commise en 1977, M. J. aurait loti son terrain probablement depuis longtemps et qu'il sera vraisemblablement recevable, sinon fondé, à demander réparation des conséquences dommageables de cette erreur. S'il a encore le courage de s'engager dans une nouvelle procédure !

UN EXEMPLE DE LENTEUR ET DE DESINVOLTURE

Caisse d'allocations familiales
Réclamation n° 89-1132 transmise par M. Robert Le Foll, député de Seine-et- Marne.

Les époux L., originaires du Viet-Nam, sont entrés en France en 1979 et ont demandé le statut de réfugiés. Mais la procédure devant la commission compétente est très longue.

En 1986 la caisse d'allocations familiales qui, depuis trois ans déjà et sur présentation de titres provisoires de séjour, sert des prestations à la famille L. et à leurs six enfants, considère qu'elle n'a plus à le faire en raison de la présence irrégulière des intéressés sur le territoire français. La caisse estime qu'ils ne répondent pas aux conditions fixées par la réglementation de sécurité sociale pour prétendre aux prestations, et leur réclame le remboursement des sommes versées indûment, soit plus de 85 ooo F.

Il est exclu que M. et Mme L. effectuent le moindre remboursement: M. L., qui n'a aucune qualification professionnelle, ne perçoit qu'un salaire déjà insuffisant pour faire vivre décemment sa famille.

Cette situation n'émeut pas pour autant la caisse d'allocations familiales qui introduit un recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale pour obtenir le remboursement de sa créance. Mais un fait nouveau est intervenu: la commission accorde enfin le statut de réfugié à cette famille, avec effet rétroactif à la date d'entrée en France. Le tribunal déboute la caisse et, dans le même temps, la famille L. reçoit la carte de séjour tant attendue. Enfin, leurs difficultés sont terminées. Ils ne doivent rien à la caisse d'allocations des prestations de laquelle ils vont à nouveau pouvoir bénéficier; tout est arrangé, ils devraient retrouver des conditions de vie plus normales.

Plus d'une année se passe sans qu'ils reçoivent la moindre allocation. Leurs droits sont pourtant reconnus mais leur dossier chemine, très lentement, entre les services de deux départements limitrophes... car entre-temps, ils ont déménagé pour rechercher un loyer moins cher.

Lorsque le parlementaire attire mon attention sur ce dossier, l'urgence de trouver une solution s'impose. Bien que M. L. travaille régulièrement depuis 1983, sa famille se trouve dans une situation matérielle très précaire. Ils vivent à huit dans une seule pièce et ces conditions d'habitation ne sont pas sans répercussions sur la santé des enfants et sur leur scolarité.

Je saisis le directeur de la caisse d'allocations familiales pour lui demander de régulariser sans délai la situation des intéressés.

Les époux L. seront crédités dans les jours qui suivent d'un premier acompte sur les prestations auxquelles ils ont droit et il sera mis fin au contentieux par la suite.

Voilà qui finit bien. Mais pourquoi a-t-il fallu tant de temps et une intervention du Médiateur pour y parvenir ? Il ne semble pas qu'une mauvaise volonté quelconque ait délibérément freiné la procédure de régularisation mais cette affaire tend à prouver, s'il en était besoin, que les lenteurs de l'administration ne sont pas toujours imaginaires.

QUAND LA MAJORITE NE DONNE AUCUN DROIT

Assurance chômage- Remboursement de cotisations
Réclamation n° 89-2049 transmise par M. Thierry Mandon, député de l'Essonne.

Une société est amenée à cesser son activité et licencie tout son personnel, y compris l'associé majoritaire qui recevait un salaire. Ce dernier, M. B., sollicite le bénéfice d'allocations de chômage auprès de l'ASSEDIC. Il est certain d'y avoir droit et, en toute bonne foi, il indique sur sa demande sa situation au sein de la société.

L'ASSEDIC refuse de lui verser des prestations en raison des responsabilités qu'il exerçait au sein de la société et du pouvoir qu'il y détenait: ne s'est-il pas licencié lui-même ? D'ailleurs, à l'instar d'autres dirigeants de sociétés, un associé majoritaire ne peut être inscrit au régime général de l'assurance chômage. Pourtant, des cotisations ont bien été prélevées à cet effet sur les salaires versés à M. B. et la société les a reversées à l'organisme centralisateur, en y ajoutant sa propre contribution.

C'est à tort que l'organisme a encaissé les versements, mais sans toutefois connaître la qualité de dirigeant majoritaire de l'intéressé. En pareil cas, une jurisprudence constante admet que le versement de contributions ne peut avoir pour corollaire la reconnaissance d'un droit quelconque aux prestations servies par l'ASSEDIC.

M. B. admet fort bien ce point de vue et, très légitimement, il demande que le groupement des ASSEDIC lui rembourse le montant des cotisations versées à tort au cours de sa période d'emploi au sein de la société. Plus d'une année se passe sans qu'il obtienne de réponse.

Comme je m'enquiers des raisons de ce retard, le directeur du groupement des ASSEDIC explique que le dossier de l'intéressé était incomplet. Que n'a-t-il alors demandé les renseignements nécessaires durant l'année écoulée ?

Finalement, après une régularisation du dossier qui m'est apparue somme toute assez mineure, M. B. percevra le remboursement des cotisations, limité cependant aux cinq derniers exercices, en vertu de la prescription quinquennale.

- DE COMPORTEMENTS FACHEUX DE L'ADMINISTRATION

UN EXEMPLE D'ENTRAVE A L'EXERCICE DES FONCTIONS DU MEDIATEUR DE LA REPUBLIQUE

Collectivité locale- Communication de documents administratifs
Réclamation n° 87-1005 transmise par M. Michel Fromet, député de Loir-et-Cher.

M. D s'adresse au maire de Gourbeyre (Guadeloupe) pour obtenir la communication de documents administratifs intéressant des opérations d'urbanisme de la commune. Aucune réponse ne lui parvient malgré deux lettres de rappel. Il sollicite alors l'intervention de la commission d'accès aux documents administratifs (C.A.D.A.) qui émet un avis favorable à sa requête. Le maire informe la commission de l'envoi des documents à l'intéressé, lequel ne reçoit toujours rien ! De nombreux courriers sont encore échangés avant que la C.A.D.A. se déclare impuissante à amener l'autorité municipale à résipiscence.

Lorsque M. D. me saisit, je ne me doute pas qu'une longue procédure m'attend à mon tour. N'obtenant aucune réponse à plusieurs interventions, j'adresse fin décembre 1988 une lettre comminatoire au maire pour lui faire part de mon intention d'évoquer son attitude dans mon rapport annuel au Président de la République et au Parlement comme exemple manifeste d'entrave à l'exercice de mes fonctions.

Mon correspondant me fait part de son étonnement: ses services ne retrouvent aucune trace de mes précédents courriers ! Il m'assure de sa bonne volonté mais avant de donner suite aux démarches de M. D., il souhaite savoir à quel titre celui-ci lui réclame de tels documents administratifs.

A mon tour de lui marquer mon étonnement, car aucun des courriers que je lui ai expédiés ne m'a été retourné, ce qui exclut l'hypothèse d'une erreur dans la rédaction de l'adresse. Je lui précise aussi que la loi du 17 juillet 1978 instituant la commission d'accès aux documents administratifs, n'exige aucun intérêt ou titre à agir dès lors que les documents sont communicables.

Il faudra une citation au rapport de l'année 1988 et encore un délai de trois mois pour que les documents demandés soient communiqués. Le maire, m'en informant avec beaucoup de courtoisie, je dois le reconnaître, m'assure même qu'il demeure à la disposition de M. D. si celui-ci désire obtenir toute information complémentaire.

Cette apparente bonne volonté après trois ans d'obstination à l'égard du demandeur et deux ans d'inertie à l'endroit du Médiateur ne doit pas faire illusion. Il s'agit bien d'un refus d'appliquer la loi sur la transparence administrative et d'une entrave à l'exercice de la mission du Médiateur qui s'attache à régler les réclamations dans un délai maximum d'un an.

POUR ALLER A LA PREFECTURE, PASSEZ PAR LA BELGIQUE

Services préfectoraux- Naturalisation
Réclamation n° 87-1720 transmise par Mme Marie-France Lecuir, députée du Val-d'Oise.

Mme C., de nationalité béninoise, entre régulièrement en France sous le couvert de son passeport. Elle y séjourne mais néglige de faire régulariser sa situation dans le délai légal

Après s'être mariée avec un ressortissant français, elle souscrit une déclaration acquisitive de la nationalité française. En attendant le résultat de sa démarche, elle souhaite régulariser sa situation administrative et dépose un dossier en ce sens à la préfecture.

Cette demande est rejetée par l'administration en raison de son dépôt tardif. Mais quand elle se présente pour plaider sa cause, elle est néanmoins bien accueillie et il lui est même prodigué de curieux conseils pour régulariser son statut. A en croire ses interlocuteurs, elle devrait se rendre dans un pays limitrophe, munie d'un billet d'avion pour le retour, et revenir en France avec un visa de long séjour délivré par l'ambassade de France. Ces conseils ne sont que l'application stricte des textes et des directives ministérielles alors en vigueur.

Mme C. me fait part de ses réserves à l'égard d'un tel subterfuge, ne serait-ce qu'en raison des frais qu'elle doit engager à cette occasion.

J'attire l'attention du ministre de l'intérieur sur le caractère insolite de la situation: en même temps qu'on menace Mme C. d'expulsion, il lui est conseillé de tourner la loi en lui proposant un moyen compliqué et coûteux.

Le ministre, après avoir, dans un premier temps, refusé de réexaminer la situation de Mme C., veut bien prendre en compte mes observations. Une carte de résident valable dix ans est finalement délivrée à l'intéressée.

UNE COLLECTIVITE LOCALE PEU SOUCIEUSE DE PAYER SES DETTES

Commune- Indemnisation pour travaux
Réclamation n° 87-1870 transmise par M. Jean-Marie Bockel, député du Haut- Rhin.

M. et Mme B. prennent à leur charge les frais de construction d'un mur de soutènement du chemin communal surplombant leur propriété. En compensation la commune s'engage à leur céder une bande de terrain. Cet accord a été entériné lors d'une délibération du conseil municipal.

Pourtant, alors que les travaux entrepris par les époux B. ont bien été achevés,le conseil municipal se prononce contre le transfert de propriété de la bande de terrain en cause.

Le tribunal administratif, devant qui M. et Mme B. ont déféré leur litige,annule la décision prise par le conseil municipal qui ne respectait pas les engagements pris.

En dépit de ce jugement' les intéressés ne parviennent pas à obtenir satisfaction et me demandent d'intervenir en leur faveur.

J'attire l'attention du maire sur le fait que la commune, en demandant à M. et Mme B. de réaliser un mur de soutènement d'un chemin communal accessoire du domaine public, a fait supporter à un particulier une charge qui incombe légalement à la collectivité locale. Cette dernière se doit donc de concrétiser son engagement, soit en cédant le terrain promis, soit en dédommageant les intéressés des frais engagés pour la réalisation des travaux.

La première solution a dû être rejetée: la cession de terrain nécessitait une procédure de déclassement du domaine public et, de surcroît, se heurtait à l' opposition de certains riverains .

Mais, à la demande du Médiateur,la commune a dédommagé M. et Mme B. du montant de leurs frais.

UNE AFFAIRE STAGNANTE D'ADDUCTION D'EAU

Commune- Adduction d'eau
Réclamation n° 87-3352 transmise par M. Marcel Vidal, sénateur de l'Hérault.

Alors que se termine la construction de sa maison d'habitation, Mme D. ne peut obtenir l'autorisation de la raccorder au réseau communal d'adduction d'eau.

Le refus opposé par la municipalité repose sur deux constatations. En premier lieu, Mme D. a édifié une maison d'habitation alors qu'elle n'aurait obtenu qu'un permis de construire un garage. En second lieu, la municipalité invoque la faiblesse des réserves en eau de la commune qui ne permettrait pas l'alimentation de la maison.

L'étude du dossier de cette réclamation montre à l'évidence qu'aucun motif valable n'interdit le raccordement sollicité. Ainsi l'arrêté portant permis de construire concerne bien, et sans ambiguïté, un bâtiment d'habitation. En outre, conformément à certaines dispositions du code d'urbanisme, il incombait à la commune de rejeter la demande de permis en cas d'impossibilité d'alimentation en eau potable; le permis a été délivré et il ne comporte d'ailleurs aucune mention de réserve sur ce point.

De plus, il m'apparaît que Mme D. a déjà réalisé, à ses frais, une canalisation d'une longueur de six cents mètres, sur laquelle trois propriétaires se sont branchés sans d'ailleurs lui verser la moindre participation.

Ces différentes observations justifient le bien-fondé de la réclamation de Mme D.: la commune est bien tenue de délivrer l'autorisation de raccordement au réseau d'adduction d'eau. Alors qu'il me semble évident que l'on devrait rapidement aboutir à cette solution qui s'impose tant sur le plan du droit que sur celui de l'équité, il me faut échanger plusieurs correspondances, aussi bien avec le directeur départemental de l'équipement qu'avec le maire.

Pour justifier sa position, ce dernier me produit une feuille manuscrite, sans date et sans référence, qu'il présente comme une annexe du permis de construire, où est bien formulée une réserve sur la construction projetée au regard de l'adduction en eau. Mais que vaut ce document ? D'ailleurs, et comme il était prévisible, Mme D. me déclare n'avoir jamais eu connaissance de cette " annexe ".

Cependant, mes différentes interventions finissent par trouver un écho favorable auprès du nouveau maire de la localité. Il donne suite à la demande de Mme D. et m'indique qu'il n'existe plus de malentendu dans cette affaire.

Je ne saurai jamais pourquoi la précédente municipalité n'est pas parvenue à régler ce litige de la même façon.

UN MAUVAIS FONCTIONNEMENT DU SERVICE PUBLIC DE LA JUSTICE

Justice- Information des plaignants
Réclamation n° 88-0724 transmise par M. Daniel Lemeur, député de l'Aisne

Mme B. est victime d'un cambriolage par effraction dans son habitation alors qu'elle est en vacances. A son retour' elle dépose plainte auprès du commissariat de police. En attendant que l'enquête aboutisse, elle mène des investigations à titre personnel. C'est ainsi qu'elle recueille des témoignages de voisins qui semblent concordants et incriminent trois jeunes gens du quartier qui ont été vus, le jour du vol, chargeant des sacs dans une voiture.

Mme B. fait part de ses soupçons à la police et lui communique le nom des témoins susceptibles de fournir des indications à ce sujet. Seul l'un d'entre eux sera entendu sans que, semble-t-il, un élément positif soit retenu. La suspicion de Mme B. à l'égard des jeunes gens va être bientôt renforcée: ne viennent-ils pas d'être appréhendés en flagrant délit de vol par effraction dans une commune voisine ? Mme B. effectue de nouvelles démarches au commissariat. Elle fait part de ses hypothèses. Il ne lui semble pas qu'il soit tenu compte de ses déclarations. Elle n'obtient aucune indication sur les suites données à sa plainte qui date déjà d'un an. On lui cache certainement quelque chose. C'est sur ce point que portera sa réclamation' ainsi que sur les lenteurs de l'instruction.

Effectivement, il m'apparaît, au-delà de toutes considérations sur les hypothèses émises par Mme B., qu'il aurait été souhaitable que les magistrats et enquêteurs lui donnent toutes explications utiles sur les résultats de l'enquête. Dans la mesure compatible' bien évidemment, avec le secret de l'instruction.

Sans qu'il soit dans mes intentions de m'immiscer dans le cours d'une procédure judiciaire,j'entreprends de me renseigner sur l'état de l'affaire de Mme B.

Le procureur de la République me fait savoir qu'il n'a jamais eu connaissance de la plainte de l'intéressée. Pourtant celle-ci m'a produit un certificat de dépôt de sa plainte, délivré par le commissariat de police. J'en fais part au procureur qui, pour toute réponse, se borne à me communiquer, sans commentaire' une demande de renseignements auprès du commissariat !

Décidément il y a trop d'anomalies dans cette affaire; je me dois de poursuivre mes interventions.

C'est le procureur général près de la Cour d'appel qui m'apportera des renseignements utiles. L'enquête n'a pas révélé d'éléments susceptibles de faire aboutir la procédure engagée. Le dossier a été classé " sans suite " au parquet. Les présomptions de culpabilité formulées par Mme B. à l'encontre des trois jeunes gens ont bien été prises en considération. Mais aucune charge n'a été retenue contre eux au cours de leur interrogatoire. Les sacs chargés dans leur voiture contenaient des gravats' provenant de la maison de l'un d'entre eux,destinés à être déposés dans une décharge où ils ont été retrouvés. La date des travaux correspondait à celle du vol. Pure coïncidence.

Il s'avère toutefois que ces trois jeunes gens ont bien commis un vol (peu après leur interrogatoire !)' pour lequel ils ont d'ailleurs été condamnés. Le doute subsistera donc toujours dans l'esprit de Mme B.

Sans prendre parti sur cette question qui relève de l'appréciation des autorités judiciaires, il est permis de se poser des questions sur le bon fonctionnement du service public de la justice. Et ce, bien que le procureur général s'en défende et tente d'expliquer les carences relevées par Mme B. en invoquant l'effectif insuffisant du parquet concerné. Il conclut cependant ainsi: " Je profite de cette occasion pour rappeler à tous les substituts du ressort de la Cour d'appel l'avantage que représentent pour les justiciables, toujours préoccupés par leurs propres affaires et ignorant la manière de procéder des services auxquels ils s'adressent, tous éclaircissements sur les diligences effectuées à la suite de leurs plaintes ainsi que sur les résultats obtenus. "

En effet, un tel comportement éviterait certainement semblable réclamation.

QUAND UNE MUNICIPALITE GLISSE SUR LES RESPONSABILITES

Société d'économie mixte- Dommages
Réclamation n° 88-0914 transmise par M. Jean- Luc Melenchon, sénateur de l'Essonne

Le tribunal administratif constate les dommages subis par l'habitation des époux B., lors de la construction et de l'exploitation de la patinoire voisine de leur propriété. Cette juridiction prononce une condamnation à des dommages et intérêts s'élevant à 3 5 ooo F à l'encontre de la société d'économie mixte liée à la commune par un contrat de concession de service public. Bien que confirmée par le Conseil d'Etat, cette décision ne peut recevoir d'exécution du fait de la liquidation de la société d'économie mixte.

Soucieux de percevoir l'indemnité qui leur est due, les époux B., me saisissent de leurs difficultés.

Il m'apparaît que si le tribunal administratif n'a pas retenu la responsabilité de la commune, c'est pour la seule raison qu'au jour où il a statué, l'insolvabilité de la société concessionnaire n'était pas établie. A mon sens, les époux B. sont fondés à saisir à nouveau le tribunal pour obtenir la condamnation de l'autorité dont la responsabilité se substituerait à celle de la société d'économie mixte.

J'expose ces arguments au maire de la localité en lui rappelant que ses administrés ne sont toujours pas indemnisés du dommage qu'ils ont subi du fait de la construction de la patinoire dont la commune a été dès l'origine et demeure propriétaire. J'estime devoir lui recommander de réexaminer la situation des époux B. pour tenter de trouver une solution qui ménage les exigences de l'équité.

Dans sa réponse, le maire estime qu'il n'est pas possible de satisfaire à la recommandation que je lui ai faite et se retranche derrière les jugements rendus: la commune n'a pas été condamnée, elle n'a pas à payer. Verserait-elle des indemnités qu'elle le ferait au préjudice des contribuables puisqu'il n'est tiré aucun bénéfice de l'exploitation de la patinoire.

Je ne puis que déplorer cette attitude qui aboutit à priver les époux B. de toute réparation d'un préjudice dont l'importance a été chiffrée par les tribunaux.

Mais je dois comprendre également le point de vue du gestionnaire de la collectivité. Je décide la clôture de ce dossier qu'aucune autre démarche de ma part n'est susceptible de faire aboutir.

UNE REDUCTION DONT NE PEUVENT PROFITER LES PLUS DÉMUNIS

Service des eaux- Facturation litigieuse
Réclamation n° 88-1412 transmise par M. Francis Geng, député de l'Orne

M. et Mme G. reçoivent une facture au titre de leur consommation d'eau potable en 1987 qui s'élève à 4 45o F, somme environ dix fois plus importante que celles dont ils sont redevables habituellement. C'est donc tout à fait légitimement qu'ils en contestent le montant auprès de la société concessionnaire du réseau. Celle-ci relève une fuite dans l'installation intérieure mais, assez curieusement, il suffira de changer le compteur pour que la consommation redevienne normale. Il sera néanmoins précisé que l'ancien compteur déposé a subi une vérification d'étalonnage qui n'a rien révélé d'anormal. La facturation litigieuse est donc maintenue.

Dans le dossier qu'ils me font transmettre, les époux G. notent que trois autres abonnés ont, également en 1987, rencontré les mêmes difficultés avec la société distributrice.

Cette coïncidence est assez troublante et justifie que je demande des explications au sujet de cette affaire au président de la société. Mon correspondant maintient ses conclusions sur le litige mais décide cependant d'accorder une réduction sur les factures en cause établies au nom de M. et Mme G. ainsi qu'aux autres abonnés qui se sont trouvés dans le même cas qu'eux. La dette des époux G. est ainsi ramenée de 4 450 à 3 323 F, à condition toutefois qu'ils s'acquittent très rapidement et en une seule fois de la somme qui leur est désormais réclamée.

Or les époux G. sont de condition très modeste et ils n'ont pas les moyens d'effectuer un versement de 3 323 F. J'aurai beau plaider leur cause - qui, eu égard à leur situation, mérite de l'être - et recommander au président de régler cette réclamation en équité, je n'obtiendrai pas le maintien du dégrèvement. Tout au plus consentira-t-on à ce qu'ils s'acquittent de leur dette, rétablie à son montant initial de 4 450 F, par mensualités durant trois ans. Le président du syndicat intercommunal me fera savoir à ce sujet qu'il n'est pas possible d'accéder à ma requête. pour ne pas créer un précédent vis-à-vis des consommateurs (sic).

Je pense que la situation douloureuse des époux G. méritait plus d'attention. Si seulement ils avaient été moins démunis, ils auraient alors bénéficié d'une réduction égale au quart de leur facture.

QUAND LE POUVOIR DISCRETIONNAIRE D'UN MAIRE VIENT JUSTIFIER L'ATTEINTE AU DROIT

Municipalité- Occupation du domaine public
Réclamation n° 88-1641 transmise par M. Gabriel Kaspereit, député de Paris

M. G. exerce très librement son activité d'artiste peintre sur une place publique. Mais la municipalité prend un arrêté pour réglementer l'occupation du domaine public et crée une commission administrative chargée de faire respecter ce règlement. De plus, la commission est chargée de délivrer les autorisations, renouvelables chaque année, de travailler sur ladite place. Ces autorisations sont révocables dès lors que le bénéficiaire ne se conforme pas au règlement édicté. L'une des clauses de ce texte prévoit que les artistes ne doivent présenter et vendre que des créations originales et personnelles, exécutées sur place.

Or M. G. procède à l'exposition et à la vente, entre autres, de sérigraphies, œuvres qui, par nature, ne peuvent être entièrement réalisées sur place. L'intéressé a beau expliquer que les tableaux qu'il présente sont bien le résultat de son travail personnel à partir d'un support réalisé par ses soins, la commission décide de ne pas renouveler son autorisation. Il lui est reproché d'avoir appliqué une technique qui certes lui est propre, mais qui n'est pas prévue par le règlement.

Trois années passent sans que M. G. se voie accorder une nouvelle autorisation et la dernière décision prise par la commission ne sera même pas motivée.

Lors de l'instruction de la réclamation, il m'apparaît en outre que la commission a interprété d'une façon restrictive les dispositions de l'arrêté municipal relatif à la qualité des œuvres présentées.

Comme je lui demande des précisions au sujet de cette affaire, le maire veut bien reconnaître que la dernière décision prise à l'encontre de M. G. comporte un vice de forme, puisqu'elle n'est assortie d'aucune motivation. Mais il estime qu'il convient de se reporter aux deux décisions précédentes qui étaient motivées, et dont la première aurait été prise à l'issue d'une procédure contradictoire. De plus, il s'estime autorisé, en vertu du pouvoir discrétionnaire qui est le sien en matière d'occupation du domaine public, à interpréter de manière restrictive l'arrêté municipal précité.

Bien que la position soutenue par l'autorité municipale me paraisse critiquable en droit, il ne m'apparaît pas qu'elle puisse être reconsidérée dans un sens plus bienveillant; toute nouvelle démarche de ma part ne rencontrerait pas un écho plus favorable.

Dans ces conditions, il est probable que M. G. engagera une action contentieuse ainsi qu'il avait envisagé de le faire avant de m'adresser sa réclamation, ce qui constitue désormais pour lui la seule issue aux difficultés qu'il rencontre.

Il est bien dommage d'en arriver là.

UNE INOCCUPATION COUTEUSE

O.P.H.L.M.- Rupture de contrat
Réclamation n° 88-1857 transmise par M. Pierre Mauroy, ancien Premier ministre, député du Nord

M. G., enseignant du département de l'Aude, vient d'être nommé dans une ville du Nord. Il trouve à louer un appartement auprès de l'office public d'H.L.M. de cette ville et signe un contrat de location, juste avant la fermeture des bureaux en fin de journée, sans avoir pu visiter les lieux. La souscription immédiate d'une garantie lui est néanmoins réclamée sous forme d'un engagement à payer trois mois de loyer.

Après avoir souscrit cet engagement, le soir même, M. G. parcourt les alentours de son futur domicile et s'enquiert de renseignements pratiques auprès des voisins. Il apprend ainsi qu'il n'existe pas de garage et que les possibilités de stationnement sont limitées.

Le lendemain matin, dès l'ouverture, il se présente à l'office d'H.L.M. pour résilier son contrat. Cet organisme ne l'entend pas de cette oreille: M. G. est locataire et à ce titre, il ne peut rompre son contrat qu'à l'issue d'un préavis de trois mois durant lesquels le loyer est dû.

De nombreuses interventions d'élus locaux pour obtenir que le contrat SOlt purement et simplement annulé restent sans résultat. L'office public confirme sa volonté d'en appliquer rigoureusement les clauses et réclame toujours le paiement de trois mois de loyer. Le dossier de l'intéressé m'est transmis.

Je fais valoir auprès du directeur de l'office d'H.L.M. que le contrat de location signé porte la mention " avec/sans garage " et que l'absence de précision sur ce point plaide en faveur de M. G. Je lui rappelle aussi que l'intéressé na jamais occupé l'appartement en cause et qu'il a demandé la résiliation du bail moins de 24 heures après sa signature. Cet incident ne peut avoir de conséquence trop préjudiciable pour un organisme à vocation sociale. Rien ne s'oppose donc à une régularisation de la situation de M. G. qui attend la restitution des sommes versées en garantie de paiement des loyers.

La position du directeur de l'office évolue lentement: la durée du préavis est dans un premier temps ramenée à deux mois, puis à un mois. Enfin, la direction finit par accepter de considérer que M. G n'est pas locataire et qu'il est donc exempt du paiement de tout loyer

Trois échanges de courrier ont été nécessaires avant que M. G. obtienne satisfaction. Même lorsqu'une cause est évidente, et c'était le cas ici, il me faut parfois faire preuve de persévérance.

UNE EQUIVALENCE RECONNUE

C.N.R.S.- Équivalence de diplômes
Réclamation n° 88-2077 transmise par M. Paul Loridant, sénateur de l'Essonne

M. C. est titulaire du brevet de technicien en physique. Un décret datant de 1970 accorde, par équivalence, aux titulaires de ce diplôme, le titre de " bachelier technicien physique ".

Le baccalauréat technique, c'est justement le niveau minimum exigé pour se présenter aux concours ouverts pour un emploi de technicien par le Centre national de la recherche scientifique (C.N.R.S.). M. C. souhaite se présenter à ces concours.

Sa candidature n'est pas retenue car le C.N.R.S. ne tient pas compte de l'équivalence de diplôme pourtant reconnue par les services de l'Éducation nationale.

Comme je lui demande de s'expliquer sur ce qui me semble être une erreur certes, mais qui conduit à écarter injustement un candidat, le directeur général du C.N.R.S. saisit la commission interministérielle d'équivalence. La commission décide immédiatement que la candidature de M. C., ainsi que celle de tout postulant détenteur d'un brevet de technicien, est recevable pour les concours de recrutement de technicien ouverts par le C.N.R.S.

Cette affaire est certes réglée en faveur du réclamant mais ce dernier n'a pu se présenter à la session qu'il souhaitait. L'erreur du C.N.R.S. n'aura pas été sans conséquence.

DROITS SPECIAUX ET SPECIEUX

Municipalité - Occupation de la voie publique
Réclamation n° 88-2177 transmise par M. Luc Bécart, sénateur du Pas-deCalais.

Mme G., commerçante en produits de la mer, demande à la municipalité l'autorisation d'installer, une demi-journée par semaine, un étal sur la voie publique, devant un magasin d'alimentation générale dont l'exploitant a d'ailleurs sollicité sa présence. Toutefois, sans attendre la réponse des services municipaux, elle commence à exercer son activité.

Bien malheureusement pour elle, l'autorisation lui est refusée sans que d'ailleurs cette décision soit motivée. L'intéressée devrait donc se voir purement et simplement interdire de continuer son commerce. Or la municipalité se borne à lui réclamer des droits de place d'un montant important, jusqu'à 2 000 F par jour, pour occupation irrégulière du domaine public.

Cette mesure n'est pas spécialement prise à l'encontre de Mme G., mais elle découle d'un arrêté municipal pris quelque temps auparavant pour décourager d'autres installations " sauvages ".

Mme G., dont l'activité lui procure de modestes revenus, conteste le refus d'installation qui lui a été opposé et se plaint du montant élevé des redevances.

Pour ma part, j'admets fort bien que des exigences d'hygiène et de salubrité s'opposent à l'octroi de l'autorisation de vendre du poisson sur le trottoir. C'est d'ailleurs en ce sens que me répond le maire lorsque je lui demande de motiver sa décision de refus.

Par contre, je relève que les droits de place spéciaux, d'un montant singulièrement élevé, ont le caractère de pénalités. La légalité de ces sanctions administratives, ne reposant pas sur un texte général d'une force juridique supérieure à la délibération du conseil municipal, me paraît difficile à admettre.

Je fais ainsi observer au maire que les occupations irrégulières de la voirie municipale doivent normalement être sanctionnées par le tribunal de police; l'autorité municipale n'a pas à substituer des pénalités administratives à des poursuites d'ordre judiciaire. Je lui donne aussi mon sentiment sur le caractère irrationnel et immoral d'un tel règlement. Il consacre et officialise des emplacements, pourtant jugés illicites, moyennant perception de droits de place très élevés sur les commerçants qui en ont les moyens. En conséquence, je lui adresse une recommandation pour l'abrogation des dispositions de l'arrêté fixant des droits spéciaux applicables aux occupations irrégulières.

Le maire ne conteste nullement le fond de mon analyse juridique. Néanmoins, il justifie assez curieusement sa décision par les difficultés qu'il rencontre pour obtenir des forces de police et de l'autorité préfectorale qu'elles fassent respecter les interdictions de stationnement d'étals et de véhicules de commerçants ambulants.

Je ne parviendrai pas, malgré d'autres démarches, à obtenir l'annulation de l'arrêté municipal litigieux, pas plus qu'une remise gracieuse en faveur de Mme G. Je garde cependant le sentiment que le juge, éventuellement saisi de cette affaire, conclurait à l'illégalité de ces dispositions.

Mme G., quant à elle, n'a pas pu supporter le coût de son occupation d'une parcelle de la voie publique. Elle a remballé son étal.

QUAND LE FORMALISME IGNORE LE DUPLICATA

C.P.A.M. - Duplicata de la feuille de soins
Réclamation n° 88-2213 transmise par M. Michel Berson, député de l'Essonne.

M. D. a égaré une feuille de soins. Qu'importe, il demande au praticien d'établir un duplicata qu'il présente à la Caisse primaire d'assurance maladie (C.P.A.M.), afin d'obtenir le remboursement de ses frais médicaux.

La caisse refuse de prendre en considération le duplicata. La réglementation et la jurisprudence subordonnent en effet le remboursement des frais engagés par les assurés sociaux à la présentation de la feuille de soins. En outre, la perte de l'original de la feuille de soins ne peut être prouvée par les seules déclarations de l'assuré. Cependant certaines commissions de recours gracieux de C.P.A.M. ont admis, à titre très exceptionnel, le remboursement au vu du duplicata, si la perte de l'original incombe à la caisse elle-même ou aux services postaux.

Dans le cas présent, le refus de remboursement de la caisse est confirmée par la commission de recours gracieux, puis par le tribunal des affaires de sécurité sociale.

M. D., trouvant la décision prise à son encontre par trop rigoureuse, ne s'en tient pas là et demande l'intervention du Médiateur de la République.

Je ne puis que constater que la caisse d'assurance maladie n'a fait qu'appliquer les textes et que sa position n'est pas critiquable de ce point de vue. Je rappelle toutefois l'esprit de la loi: la réglementation a pour seul objectif de prévenir les manœuvres d'assurés qui chercheraient à se faire rembourser frauduleusement une seconde fois les mêmes prestations. Les règles n'ont pas été édictées pour écarter, par le jeu d un formalisme tatillon et pour des considérations de commodité de gestion, le remboursement des soins régulièrement prescrits, prodigués à l'assuré et réglés par lui.

Dans cette affaire, la bonne foi de M. D. est manifeste et sa réclamation me paraît si justifiée que je ne doute pas qu'elle sera aisément satisfaite.

Pourtant, il n'en sera rien.

Ainsi, le directeur de la C.P.A.M. déclare ne pouvoir donner suite à mon intervention. Pour lui, la réglementation et la jurisprudence sont, en la matière, claires et constantes. La chose a été jugée, il n'y peut rien.

J'en appelle alors au ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale qui, comme bien souvent en pareil cas, demande que le dossier soit étudié par l'Inspection générale des affaires sociales.

Les conclusions de celle-ci corroborent la position de la C.P.A.M. et précisent que le ministre chargé de la sécurité sociale ne saurait, dans le cadre des pouvoirs qui sont les siens, imposer à une caisse primaire une instruction qui serait contraire au droit, même pour des raisons d'équité.

Je ne peux me contenter d'une telle réponse. Même s'il est admis que les caisses d'assurance maladie sont des organismes de droit privé, elles n'en sont pas moins chargées de la gestion d'un service public dont l'objet est d'assurer le remboursement des soins. Aussi je prie la caisse primaire de rechercher une solution aux difficultés de M. D., plus conciliable avec l'équité et avec l'esprit de la loi.

Sur cette recommandation, le conseil d'administration de la caisse accepte de procéder au remboursement des frais de M. D. Cette décision, exceptionnelle dans sa forme, est toutefois soumise à l'examen de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales (D.R.A.S.S.), autorité de tutelle et de contrôle.

La D.R.A.S.S. relève que " la faute incombe à l'assuré " et s'en tenant, à ma grande surprise, à une stricte application de la réglementation, annule la décision favorable de la caisse, pourtant rendue à ma demande instante.

Cette décision méconnaît la volonté du législateur, telle qu'elle résulte de l'article 9 de la loi qui a institué le Médiateur de la République. Je rappelle l'esprit de ce texte, qui privilégie l'équité dans la pratique administrative, au directeur régional des affaires sanitaires et sociales et lui demande de revenir sur la décision prise par ses services d'annuler l'accord de remboursement. Finalement, mon correspondant acceptera que la caisse d'assurance maladie prenne en charge les frais exposés par M. D., " au titre des prestations extralégales ".

Le requérant obtient satisfaction mais que de démarches pour y parvenir. Pourtant cette affaire paraissait si simple...

L'exposé de cette réclamation a été donné à titre d'exemple. Beaucoup d'affaires similaires sont instruites à la Médiature toujours avec autant de difficultés.

Aussi ai-je prescrit de mener une réflexion sur les possibilités de prendre en compte, sous réserve des vérifications nécessaires, les duplicata des feuilles de maladie égarées.

LE " SECRET DEFENSE " NE DEVRAIT PAS ETRE UTILISE A TORT ET A TRAVERS

Défense - Décision non motivée
Réclamation n° 88-2265 transmise par Mme Suzanne Sauvaigo, députée des Alpes-Maritimes.

Le jeune B. M., pompier volontaire, envisage pour l'avenir de servir dans la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, si possible en qualité d'officier de réserve en situation d'activité.

Pour cela il lui faut être incorporé, lors de son service national, dans le cadre des élèves-officiers de réserve et, à cette fin, il s'inscrit au cycle I986-I987 de la préparation militaire supérieure (P.M.S.).

Après avoir suivi les épreuves de sélection, l'intéressé est admis à participer à une période préliminaire de P.M.S. qui doit se dérouler en avril I987. Quelques jours avant le début de cette période, il est informé par l'autorité militaire de sa radiation de la liste des participants à ce stage.

Il s'enquiert des motifs de son éviction. Il lui est répondu que sa candidature a été primée par celle de jeunes gens plus aptes à suivre cette préparation. Il pense alors " redoubler " son année de P.M.S.

Nouvel avis défavorable lors de cette inscription...

Son dossier m'est adressé et j'interviens auprès du ministre de la défense pour lui demander qu'il veuille bien m'exposer les raisons qui ont conduit à écarter M. M. du corps des officiers de réserve et qui, manifestement, ne tiennent pas à ses qualités physiques et intellectuelles.

Le ministre me répond qu'il n'a pas à expliquer cette décision qui a été prise pour des motifs intéressant la défense nationale.

Cependant, à la suite de mon intervention, la candidature de M. M. fait l'objet d'un nouvel examen très attentif et il apparaît en définitive que celle-ci peut être accueillie. Le ministre m'informe alors qu'il donne des instructions pour que l'intéressé soit affecté dès le mois suivant dans une école d'application pour suivre le peloton d'élèves-officiers de réserve.

Cette affaire se termine bien, mais nous ne saurons jamais pourquoi la candidature du jeune M. a été écartée dans un premier temps, puis acceptée. Erreur sur la personne ? Secret défense ?

Je garde le sentiment que, sauf cas très exceptionnel, toute décision administrative prise à l'encontre d'un citoyen devrait être motivée afin que celui-ci puisse s'en défendre si elle n'était pas fondée.

ABSENCE DE COMPREHENSION D'UNE SOCIETE CONCESSIONNAIRE DU SERVICE DES EAUX

Service des eaux - Facturation litigieuse
Réclamation n° 88-2288 transmise par M. Jean-Marie Cambacèrès, député du Gard.

La société locale de distribution des eaux adresse à Mme D., une facture de 20 600 F au titre d'un appartement dont elle est propriétaire. Ce montant correspond à la consommation d'eau pour seulement quatre mois !

Bien que l'appartement soit occupé par une locataire, l'abonnement est au nom de Mme D.

Mme D. conteste l'importance de la consommation relevée. Un étalonnage du compteur et un contrôle des canalisations révèlent une fuite importante dans l'installation à l'intérieur de l'appartement.

La modicité des ressources de Mme D. ne lui permet pas de régler le montant de la facture. Elle fait part de ses difficultés à la société en souhaitant une réduction substantielle de sa dette. Pour tout arrangement, il lui est proposé un simple échéancier: elle s'acquittera par versements mensuels de I 000 F. Mme D. estime être incapable de payer et sollicite mon intervention.

Je demande au directeur de la société concessionnaire de consentir à l'intéressée des conditions de paiement mieux adaptées à sa situation. Mon correspondant m'informe que le litige a été porté devant le tribunal d'instance et qu'il souhaite attendre le jugement pour prendre position.

Malgré ma déception, je ne puis aller plus loin dans ma démarche. J'espérais un peu plus de compréhension pour le cas de Mme D.

SI CE N'EST TOI... C'EST DONC TON HOMONYME

Services fiscaux - Taxe d'habitation
Réclamation n° 88-3347 transmise par M. Pierre de Benouville, député de Paris.

En 1982, Mme Cl. F. emménage dans un immeuble parisien dont l'un des appartements est loué à un homme qui porte le même nom qu'elle, M. P. F.

Ce dernier déménage en 1984... sans laisser d'adresse... On peut penser qu'il est ainsi mis fin à une situation que l'on imagine riche en quiproquos. Néanmoins, Mme F. se voit régulièrement réclamer le règlement de taxes d'habitation établies au nom de son homonyme dont le départ furtif n'a pas été enregistré par l'administration. Et depuis I984, Mme F. doit accomplir chaque année les démarches nécessaires pour régulariser la situation et pour ne pas encourir de poursuites.

En 1987, à la suite d'une nouvelle visite aux services fiscaux, elle se prend à espérer qu'enfin toute confusion est levée et qu'à l'avenir elle ne sera plus importunée à ce sujet. Elle est bien obligée de déchanter l'année suivante: l'administration lui réclame à nouveau une taxe d'habitation, certes établie à son nom, mais concernant toujours l'appartement précédemment occupé par son homonyme. Excédée, et on la comprend, elle me fait transmettre son dossier afin que j'intercède en sa faveur.

Je n'ai aucune peine à faire admettre qu'il y a eu un mauvais fonctionnement des services fiscaux qui régularisent sans délai et de façon définitive la situation de Mme F.

QUAND LA PRESCRIPTION PROFITE A UNE COMMUNE

Collectivité locale - Dette et prescription
Réclamation n° 88-3353 transmise par M. Michel Français, député de l'Oise.

M. D., artisan plombier, a effectué, entre 1978 et 1981, des travaux pour le compte de la commune d'A. Surchargé de travail, M. D. ne prend pas le temps d'établir ses factures... On verra plus tard, il y a d'autres urgences à régler... Cette carence durera jusqu'en 1988, année où le plombier cesse ses activités professionnelles et réclame le paiement des travaux effectués. La commune refuse de payer la facture qui s'élève à un peu plus de 70 000 F en invoquant la prescription quadriennale.

La position de la commune n'est pas critiquable en droit mais elle n'est pas satisfaisante en équité: il n'est pas normal en effet que la commune bénéficie gratuitement du travail du plombier sans le payer. Je le rappelle au maire en lui précisant que l'article 6 de la loi du 31 décembre 1986 permet aux communes de relever le créancier de la prescription " à raison de circonstances particulières ".

J'essuie un refus net et définitif. Le maire invoque la négligence et la légèreté de l'artisan et fait état du risque de désorganisation des finances communales s'il admet de tels retards.

L'artisan est assurément fautif, mais pas au point d'être privé de toute rémunération par une collectivité publique retranchée derrière un principe qui apparaît ici comme un mauvais prétexte.

Je regrette que la municipalité ne se soit pas prêtée à une solution plus humaine de cette affaire car les conséquences de la décision sont certainement beaucoup plus graves pour le plombier que pour les finances de la commune.

PATIENCE ET LONGUEUR DE TEMPS... MAIS AUSSI TENACITE DU MEDIATEUR

Services fiscaux- Déclaration d'option fiscale
Réclamation n° 88-3595 transmise par M. Maurice Janetti, député du Var.

M. C. crée une société à responsabilité limitée. Conformément aux dispositions contenues dans les statuts, il opte pour le régime fiscal des sociétés de personnes. Ce régime particulier prévoit que chaque associé est soumis à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, la société étant elle-même exonérée de tout prélèvement fiscal au titre de ses résultats, contrairement au régime de droit commun qui prévoit l'impôt sur les sociétés.

Mais l'administration fiscale affirme n'avoir jamais eu connaissance de la création de la société en cause et, a fortiori, n'avoir reçu ni la déclaration d'option, ni la copie des statuts. En l'absence de ces documents, des rappels d'impôts sur les sociétés sont effectués sur la base du droit commun.

Pourtant M. C. produit un accusé de réception de l'envoi des pièces en cause au service concerné. Mais l'administration considère qu'il ne s'agit pas là d'une preuve suffisante.

Cette position est maintenue même lorsque je fais valoir une lettre adressée par les services fiscaux pour demander des renseignements administratifs complémentaires sur la société dont l'existence a donc bien été enregistrée.

Il me faut intervenir à trois reprises pour qu'enfin l'administration reconnaisse avoir reçu la déclaration d'option fiscale en temps opportun et annule les impositions émises précédemment.

Certes la prudence administrative est une vertu, mais elle ne doit pas être confondue avec le formalisme.

Que de temps perdu de part et d'autre !

UN EXEMPLE DE MAUVAIS FONCTIONNEMENT DES SERVICES FISCAUX

Services fiscaux- Avis à tiers détenteurs
Réclamation n° 89-0002 transmise par M. André Delelis, sénateur du Pas-de- Calais.

A la suite de la décharge de responsabilité accordée à son épouse dont il est séparé, M. D. est tenu au paiement des impositions émises à l'encontre de la communauté, pour un montant légèrement supérieur à 30 000 F. Il ne peut dans l'immédiat faire face à cette dette: la totalité de ses revenus est versée à son épouse, au titre d'une pension alimentaire et, sans ressources, il vit grâce à l'aide de sa famille et de ses amis.

Dans l'attente de la liquidation des biens de la communauté, il a déposé une somme de 10 000 F à la Caisse des dépôts et consignations et, à sa demande, une hypothèque légale a été prise sur ses biens. De plus, le receveur-percepteur chargé du recouvrement a pratiqué une saisie conservatoire sur ses meubles. Les intérêts du Trésor ne semblent donc en rien menacés et le délai de prescription est interrompu.

Malgré ces garanties, le comptable public n'hésite pas à engager des poursuites à l'encontre de M. D. Ainsi, l'huissier du Trésor informe l'intéressé que ses meubles vont être enlevés. Puis des avis à tiers détenteurs sont simultanément émis auprès de chacune des caisses lui servant une retraite, ce qui a pour effet de bloquer des fonds pour un montant de plus de 180 000 F alors que la créance de l'Etat dépasse à peine 30 000 F. Cette opération est tout à fait contraire aux règles de la comptabilité publique qui précisent que des poursuites ne doivent jamais être effectuées à l'encontre d'un contribuable pour un montant supérieur à la dette exigible, sous peine de voir mettre en cause la responsabilité personnelle du comptable chargé du recouvrement.

Les sommes excédentaires prélevées à tort sont bien remboursées à M. D., mais sans intérêts moratoires. Toutefois l'examen de cette affaire me conduit à formuler des réserves sur le fonctionnement de l'administration. Le moins que l'on en puisse dire, c'est qu'un zèle intempestif a été déployé en vue de recouvrer la dette du Trésor dont l'exercice du privilège était pourtant assuré. Bien plus, le comptable public responsable de ces agissements refuse de verser à M. D. les intérêts moratoires que celui-ci est en droit de réclamer en raison des sommes retenues arbitrairement; ce fonctionnaire n'a toutefois pas hésité à augmenter la dette initiale de M. D. en appliquant des majorations et des frais de poursuites.

Il est indéniable que cette attitude par trop rigoureuse a causé un préjudice à l'intéressé. J'interviens en sa faveur successivement auprès du comptable chargé du recouvrement, puis du trésorier-payeur général, enfin auprès du ministre de l'économie, des finances et du budget, afin d'obtenir la réparation du préjudice subi par l'intéressé sous forme de remise des pénalités appliquées.

Aucun de mes correspondants ne veut donner une suite favorable . ma demande. Les conséquences du mauvais fonctionnement du service concerné sont minimisées et il m'est opposé que le faible montant des sommes retenues à titre excédentaire ne devrait susciter aucun grief de la part du contribuable.

Il n'est donc accordé aucune remise gracieuse à M. D., qui pouvait pourtant espérer une telle mesure bienveillante à titre de compensation.

L'erreur d'appréciation serait-elle l'un des privilèges du Trésor ?

UNE AIDE ALLOUÉE SOUS CONDITIONS (RIGOUREUSES)

Aide à la création d'entreprise- Formalisme administratif
Réclamation n° 89-0848 transmise par Mme Michèle Barzach, ancien ministre, députée de Paris.

M. B. est depuis peu inscrit comme demandeur d'emploi quand il apprend qu'une entreprise d'aviculture-pisciculture va être abandonnée par son exploitant qui part à la retraite et qui ne s'est pas trouvé de successeur. Il voit là une occasion de retrouver une activité pour laquelle il a acquis quelques compétences; celles-ci lui seront d'autant plus utiles que l'entreprise périclite. Mais qu'importe, l'Etat ne verse-t-il pas une aide financière aux demandeurs d'emploi qui créent ou qui reprennent une entreprise ?

Pour l'instant, il y a urgence à conclure l'affaire. Ce sera fait dans le courant de la semaine. Lorsque M. B. sollicite l'aide de l'Etat, celle-ci lui est refusée successivement par la direction départementale de l'agriculture et de la forêt, par la préfecture et enfin par le ministère de l'agriculture auprès de qui il avait formé un recours gracieux. Tous ces refus reposent sur une question de principe: la réglementation exigeant que la demande d'aide émane d'un demandeur d'emploi, M. B. ne pouvait plus être considéré comme tel dès lors qu'il avait déjà repris l'entreprise.

Lorsque je prends connaissance du dossier, M. B. vient de subir des pertes importantes à la suite de violents orages. Il ignore s'il sera correctement indemnisé et sa situation est des plus précaires. Il compte sur mon intervention pour obtenir l'aide qui lui permettrait d'équilibrer son premier exercice.

Cette réclamation m'apparaît digne d'intérêt et, s'il est indéniable que l'administration n'a fait qu'appliquer les textes, sa décision ne s'en révèle pas moins rigoureuse.

M. B. s'est vu refuser l'aide demandée simplement parce qu'il n'a pas eu le temps matériel de constituer son dossier avant de reprendre l'entreprise. Lui-même déclare que s'il avait su, il se serait entendu avec son vendeur pour différer la date officielle de reprise, afin de présenter sa demande dans le délai imparti. Est-il acceptable de tenir grief d'un retard dans une démarche administrative lorsqu'il s'agit de sauver un emploi, une entreprise ?

Je plaide vigoureusement la cause de M. B. auprès du ministre de l'agriculture. Faisant valoir la motivation du réclamant et son sérieux, je demande qu'il soit procédé à un nouvel examen du dossier. J'expose notamment les difficultés rencontrées par M. B. pour rassembler dans un très court délai les documents nécessaires à la constitution de son dossier. De plus, il n'est pas certain qu'il ait alors disposé de toutes les informations utiles pour le faire.

Je dois souligner la parfaite collaboration qui s'établit à cette occasion entre le cabinet du ministre et la Médiature. Finalement le ministre se range à mon avis et accorde, à titre exceptionnel, l'aide financière de l'Etat à M. B.

Cette affaire m'aura permis de constater que les conditions d'octroi de l'aide sont trop restrictives, surtout si l'on considère que cette subvention a pour but d'encourager l'esprit d'entreprise et d'initiative, dont avait justement fait preuve M. B.

Je serai malheureusement confirmé dans ce sentiment à l'occasion d'autres réclamations concernant le droit à l'aide à la création d'entreprise. Il arrive trop souvent qu'une direction départementale du travail et de l'emploi refuse l'aide à ceux qui ont commencé leur activité avant le dépôt de leur demande pour avoir voulu saisir une chance fugitive. L'administration devrait s'attacher davantage à l'esprit du texte plutôt qu'à la lettre des règlements.

LA CONTRIBUTION AU RENOUVEAU DU SERVICE PUBLIC


Le Premier ministre a ouvert en I989 le grand chantier du renouveau du service public. Le Médiateur de la République, dont la double mission est de veiller au bon fonctionnement des services publics et à l'instauration de rapports équitables entre l'administration et ses usagers, participe naturellement à cette entreprise. En veillant scrupuleusement à ne pas empiéter sur les attributions du ministre d'Etat, ministre de la fonction publique et des réformes administratives, le Médiateur s'efforce de contribuer à la mise en œuvre du renouveau du service public par son rôle d'observateur de la vie publique, par la fonction pédagogique du traitement des réclamations des particuliers et par la mission préventive exercée à travers les propositions de réformes.

Dès sa première circulaire du 25 mai I988, le Premier ministre avait énoncé quelques règles de l'action gouvernementale dont la finalité était notamment de garantir " le respect de la société civile ".

Il remarquait, par exemple, que " la société civile admettra d'autant mieux l'autorité de l'Etat que celui-ci se montrera capable de la comprendre ", qu'elle " peut être justement irritée par le nombre et la complexité des règles que l'Etat lui impose, ainsi que par la difficulté d'y avoir accès " et qu'elle " peut à bon droit exiger de l'Etat un meilleur bilan coût/efficacité ".

Au cours de l'instruction de ses propositions de réforme, le Médiateur de la République est amené à rappeler à certains services administratifs l'intérêt qui s'attache au respect de ces principes de clarté, de simplicité et d'efficacité.

Dans la même ligne, s'inscrivent les circulaires du Premier ministre prises en I988 à la demande du Médiateur. Celle du I8 avril 1988 est relative à la rédaction des textes modificatifs. Pour plus de clarté, le Premier ministre a demandé que les modifications soient réalisées par la réécriture de phrases, d'alinéas ou de paragraphes entiers plutôt que par l'adjonction de mots ou membres de phrases détachés de leur contexte.

Par ailleurs, une circulaire du I I octobre I988 avait rappelé aux services contentieux des ministères les précautions à prendre avant de se pourvoir en appel d'une décision de justice défavorable à l'administration: tenir compte de la situation du demandeur, informer l'intéressé des conséquences d'une éventuelle annulation du jugement de première instance... Divers faits relatés par la presse et dont j'ai été saisi par des parlementaires ont montré que ces instructions n'étaient pas toujours respectées.

Cependant, c'est au cours de cette année que le Premier ministre a véritablement ouvert le " grand chantier du renouveau du service public ". Sa circulaire du 23 février I989 a fixé trois axes: rénover les relations de travail dans les services publics, accroître l'autonomie des responsables, tant sur le plan administratif que financier, et améliorer le service rendu aux usagers. Dans le cadre de cette dernière orientation, il est prescrit de développer l'information du public, de simplifier les formalités et les démarches et de poursuivre l'effort de personnalisation dans le traitement des dossiers. Le séminaire gouvernemental du ZI septembre I989 et la communication en Conseil des ministres du I4 février I990 ont traduit ces objectifs en programmes d'actions concrètes, notamment en matière de gestion des ressources humaines, de déconcentration des responsabilités, d'évaluation des politiques publiques et d'amélioration des relations avec les usagers,

Le Médiateur de la République, consulté lors de la préparation de ces mesures, ne peut que se féliciter de ces orientations à la réalisation desquelles il apporte son concours.

1- LES RELATIONS ENTRE LES SERVICES PUBLICS ET LES USAGERS


A travers les I8 000 réclamations reçues à la Médiature et par les délégués départementaux, le Médiateur est un observateur privilégié des relations entre les services publics et les usagers. Il ne prétend certes pas avoir une vue exhaustive et parfaitement objective du fonctionnement de l'administration. En effet, ce sont les personnes mécontentes qui lui écrivent et il n'ignore pas que l'administration fait chaque jour face efficacement aux multiples situations individuelles auxquelles elle doit répondre. Il sait aussi que, dans leur immense majorité, les fonctionnaires font preuve de conscience professionnelle et de dévouement. Les secteurs qui sont à l'origine du plus grand nombre de réclamations (social: 25 %; fiscal: 20 %) ne sont pas nécessairement ceux dont le fonctionnement est le plus critiquable, mais ceux dont les décisions sont les plus sensibles pour la majorité des usagers. Cependant, la nature des réclamations, la typologie des problèmes rencontrés, et même la répartition géographique des litiges peuvent donner de précieuses indications aux responsables soucieux d'améliorer la qualité du service rendu aux usagers.

La modernisation du système informatique de la Médiature, laquelle a été réalisée à l'occasion de l'emménagement dans les nouveaux locaux, permettra à l'avenir de fournir plus de renseignements susceptibles d'être utiles au Gouvernement. Mais d'ores et déjà, le Médiateur de la République est sollicité pour des indications ou des propositions dans les domaines les plus divers de la réforme administrative.

Il a ainsi personnellement participé à deux importantes tables rondes, d'une part, sur les relations entre les collectivités locales et les usagers dans le cadre d'un colloque sur l'administration de l'Etat et la décentralisation organisé par l'Association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l'intérieur et, d'autre part, sur le droit de l'environnement, à l'occasion des débats du colloque " Environnement et pouvoirs ". Il a été consulté par le cabinet du Premier ministre sur différents aspects du programme de rénovation du service public. Ses représentants ont été également entendus dans le cadre des travaux de la commission " Efficacité de l'Etat " du Xe Plan, du rapport sur l'avenir du service de la Poste et des Télécommunications et des travaux de la section du rapport et des études du Conseil d'Etat sur l'inexécution des décisions de justice. Le Médiateur est, en outre, représenté au sein du Comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics et participe notamment au pilotage d'une enquête sur le coût des formalités administratives. Ses collaborateurs participent aussi au groupe de modernisation des relations entres les administrations et les usagers, récemment constitué au sein de la Direction générale de l'administration et de la fonction publique.

Le Gouvernement vient d'ailleurs de reconnaître cette fonction consultative du Médiateur de la République en prévoyant par décret qu'il sera habilité à saisir de propositions le nouveau comité interministériel d'évaluation des " politiques publiques ".

Le fonctionnement même de la Médiature s'inscrit dans cette évolution positive des services publics.

2- A L'ECOUTE DES USAGERS


La médiation est d'abord un mode de résolution des conflits qui repose sur l'écoute des parties, l'examen objectif des données de droit et de fait du litige, la proposition d'une solution équitable, l'incitation faite des intéressés à un règlement amiable.

Tel est le mode naturel d'intervention du Médiateur de la République et de ses délégués. Lorsque cela est nécessaire, il appuie ses interventions par des recommandations solennelles qui ont pour objet de faire prendre conscience aux plus hauts responsables administratifs de l'intérêt d'une solution amiable et, si nécessaire, de donner un fondement aux décisions favorables en prenant à sa charge la responsabilité morale de la solution retenue.

Il convient d'insister sur la dimension pédagogique de cet appel au sens de l'équité des responsables administratifs. A l'occasion de l'instruction des réclamations dont il est saisi, le Médiateur rappelle l'intérêt qui s'attache à une bonne information des administrés, à une motivation sincère et précise des décisions, à une écoute attentive de leurs préoccupations... Il rappelle constamment aux administrations que toutes les particularités d'une situation individuelle doivent être prises en considération et que la préoccupation de l'équité doit être systématiquement présente dans leurs décisions.

Dans le traitement des réclamations, le Médiateur doit souvent répondre à des objections tirées de la crainte du précédent, du respect du droit des tiers et du risque de rupture de l'égalité entre administrés. Il répond alors que les décisions répondant à la recommandation du Médiateur ne peuvent valoir jurisprudence. Il rappelle que le principe de l'égalité de traitement ne peut s'appliquer en dehors de l'équité et qu'il convient dès lors de porter la même attention à l'esprit de la loi qu'à sa lettre.

3- MEDIATION ET REGLEMENT AMIABLE


Dans le même ordre d'idées, le Médiateur ne peut que se féliciter du développement des procédures de médiation ou de règlement amiable dans les rapports administratifs. Ces procédures peuvent être très diverses. Elles apparaissent au niveau des services de réclamations soucieux d'écouter les usagers, tel que le service clientèle mis en place par la Direction générale des télécommunications pour les abonnés du téléphone. Elles vont jusqu'aux commissions précontentieuses auxquelles participent des représentants des usagers telles les commissions départementales des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Le Médiateur souhaite le développement de ces procédures et leur perfectionnement. A cet égard, le fonctionnement des commissions de recours amiable des caisses de sécurité sociale et des commissions paritaires des ASSEDIC appelle des remarques particulières: même si le Médiateur obtient assez souvent un réexamen de certaines affaires, il s'interroge sur certains principes de leur fonctionnement. Il relève souvent une approche exclusivement juridique, voire formaliste des affaires, qui est contraire à l'esprit d'équité et à la recherche d'un règlement amiable. De plus, les décisions de ces organismes sont trop souvent dépourvues de motivation ou accompagnées de motifs stéréotypés. Elles ne donnent pas une information suffisante aux administrés. Le contrôle exercé sur ces décisions, notamment par les directions régionales de l'action sanitaire et sociale, n'est pas toujours assez vigilant du point de vue du Médiateur: bien souvent formel, dicté par des motifs purement financiers, il paraît parfois plus rigoureux sur les refus que sur les décisions favorables aux usagers. Enfin, le Médiateur se heurte, en de nombreux cas, à une prétendue " souveraineté " de ces organismes. Il n'entend pas méconnaître la liberté d'appréciation qui leur est reconnue par les autorités de tutelle et par le juge, mais il souhaite être entendu lorsqu'il recommande de faire un meilleur usage de ce pouvoir d'appréciation en vue de satisfaire aux principes d'équité.

4- LA PREVENTION DU CONTENTIEUX


Le développement de procédures d'arbitrage et de conciliation a d'ailleurs été expressément prévu par la loi du 31 décembre 1987 sur la réforme du contentieux administratif et rappelé par le Premier ministre dans sa circulaire du 23 février 1989. En effet, un des intérêts supplémentaires de la médiation est sa fonction de prévention des contentieux. Le Médiateur y contribue en fournissant aux réclamants des explications détaillées et claires sur la réglementation applicable et sur les voies de recours qui leur sont ouvertes, même quand il s'agit d'affaires pour lesquelles il est conduit à se déclarer incompétent, ou lorsqu'il estime que la décision contestée ne révèle pas une iniquité justifiant son intervention. Le plus souvent, en parvenant à convaincre l'administré du bien-fondé de la position prise par l'administration ou en obtenant une révision de la décision contestée, il met fin au litige en évitant que les intéressés ne se lancent dans des procédures coûteuses et aléatoires.

Mais la prévention du contentieux demande également une grande responsabilisation des fonctionnaires, ce qui rejoint une autre orientation fondamentale du renouveau du service public. Le Médiateur de la République constate que la plupart des décisions défavorables dont se plaignent les usagers sont le produit de principes tout à fait estimables: souci de respecter la légalité, de ménager les deniers publics, de respecter l'égalité de traitement entre usagers. Il constate cependant que, parfois, une application stricte de ces grands principes se traduit par un formalisme excessif, une interprétation des textes un peu étroite, un refus de prendre en considération telle ou telle circonstance particulière, une inutile rigidité, une attention insuffisante portée à l'information et à l'explication.

Cependant lorsque, par ses interventions, le Médiateur de la République fait appel au sens de la responsabilité et à l'esprit d'équité des fonctionnaires, il obtient très souvent des solutions positives. Ce qui démontre qu'une plus grande implication de la responsabilité personnelle des fonctionnaires dans l'application des textes permettrait bien souvent, dans le cadre du droit, de parvenir à des décisions plus humaines, mieux comprises et mieux acceptées. Une telle constatation justifierait, s'il en était besoin, les efforts engagés par le Premier ministre pour motiver les fonctionnaires et déconcentrer les responsabilités.

Le Médiateur appuie d'autant plus les initiatives prises en ce sens qu' il les a mises en œuvre lui-même en confiant de larges responsabilités à ses collaborateurs proches des administrés, les délégués départementaux. Le Médiateur donne ainsi l'exemple d'une institution non formaliste, plus accessible et donc plus efficace.

Enfin, il convient de rappeler que le Médiateur de la République participe également au renouveau du service public à travers les propositions de réforme, ainsi qu'il a été exposé précédemment.

CAS SIGNIFICATIFS DE PREVENTION DU CONTENTIEUX

INDEMNISATION POUR UN PERMIS IRREGULIER

Urbanisme - Permis de construire
Réclamation n° 84-5266 transmise par M. Louis Philibert, ancien député des Bouches-du-Rhône.

M. et Mme S. obtiennent un permis de construire pour agrandir leur pavillon.

Une fois l'extension réalisée, leur voisin en conteste l'implantation. Les époux S. rétorquent que la construction du plaignant n'est pas, elle-même, conforme à la réglementation. Le voisin nullement impressionné, saisit le tribunal administratif qui annule le permis de construire délivré à M. et Mme S. pour non conformité.

Le tribunal de grande instance, saisi à son tour d'une demande en réparation du dommage subi, ordonne la démolition de l'extension contestée, tout en décidant qu'il sera procédé, à la demande des époux S., à une expertise pour vérifier la conformité de la construction de leur voisin, dont la hauteur excède celle autorisée dans le lotissement. La Cour d'appel confirme la démolition des nouvelles réalisations de M. et Mme S. et, prenant acte des résultats de l'expertise demandée précédemment, ordonne aussi la démolition du dernier étage de la maison de leur voisin.

La pioche des démolisseurs devrait-elle avoir le dernier mot dans ce conflit ? Non, car un nouveau rebondissement judiciaire intervient: la Cour de cassation annule, pour vice de forme, la décision de la Cour d'appel.

Le voisin, peu conciliant jusqu'alors mais probablement lassé de la procédure, décide d'abandonner toute action en justice.

M. et Mme S. se réjouissent de ce dénouement de leur affaire. Mais, ils font leurs comptes: la procédure, longue et pénible, leur a coûté près de 50 000 F. Tout cela parce qu'un permis de construire erroné leur a été délivré. Ils demandent donc à l'administration de reconnaître sa responsabilité dans l'origine du litige- la délivrance d'un permis de construire irrégulier- et de prendre en charge une partie de leurs frais.

Une première proposition d'indemnisation amiable, d'un montant de I2 500 F, leur semble insuffisante au regard du préjudice subi. J'interviens alors en leur faveur auprès du ministre de l'équipement en faisant valoir que certains chefs d'indemnisation ont été écartés sans motif.

Une indemnité de 26 I42 F, soit plus du double de la première proposition, est alors offerte aux époux S. qui l'acceptent et renoncent à toute action en justice contre l'Etat.

L'ART D'UNE BONNE INTERPRETATION DES TEXTES

C.N.R.A.C.L. - Validation de périodes
Réclamation n° 88-1151 transmise par M. Lucien Neuwirth, sénateur de la Loire.

M. B. est engagé en I974, comme auxiliaire par la préfecture de la Loire. Il est victime en I976 d'un accident de trajet pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie au titre des accidents du travail.

Compte tenu des séquelles de son accident, M. B. connaît des périodes d'inactivité de I976 à juin I977, puis de décembre I977 à février I980. Il souhaite obtenir la prise en compte, pour sa retraite, des congés de maladie dont il a bénéficié à la suite de son accident de trajet, ainsi que des périodes au cours desquelles il a été inscrit à l'A.N.P.E., puis a effectué un stage dans un centre de rééducation professionnelle.

La Caisse des dépôts et consignations, gestionnaire du régime de retraite des agents de l'Etat et des collectivités locales (C.N.R.A.C.L.), considère que ces périodes, qui ne correspondent pas à un travail effectif, ne répondent pas aux conditions normalement requises pour être validées et oppose donc un refus à la demande de M. B.

Pour ma part, je relève que les textes applicables au régime des agents des collectivités locales peuvent permettre que les périodes de congé régulier pour longue maladie accordé en application des dispositions du régime général de la sécurité sociale, soient admises à validation.

La caisse réexamine plus précisément le dossier et autorise la validation des périodes considérées, à l'exclusion toutefois des périodes de chômage ou de stage de rééducation.

M. B. se montre satisfait de voir sa situation ainsi régularisée et abandonne le recours qu'il avait formé devant le tribunal administratif.

Le contentieux a donc été évité car l'administration a accepté de reconnaître son erreur.

UN REGLEMENT AMIABLE QUI ÉVITE UN RECOURS CONTENTIEUX

Ministère de l'agriculture - Service des haras
Réclamation n° 88-2948 transmise par Mme Hélène Mignon, députée de la Haute- Garonne.

M. M., éleveur de chevaux pur-sang, confie deux de ses juments au haras national pour être saillies. A leur retour, les deux juments présentent les signes d'une rhinopneumonie, une des maladies les plus graves pour l'élevage équin. M. M. perdra ainsi six animaux avant de pouvoir enrayer l'épidémie dans son cheptel.

Les services des haras reconnaissent que l'épizootie sévissait dans leur établissement et que tous les moyens nécessaires n'ont pas été mis en œuvre en temps utile pour la combattre.

M. M. estime que le préjudice qu'il a subi est imputable aux fautes commises par le haras. Il dépose une demande d'indemnisation auprès des services du ministère de l'agriculture dont dépendent les haras nationaux.

Devant le refus qui lui est opposé, il engage une action en responsabilité devant le tribunal administratif et, parallèlement, demande que son dossier me soit transmis. Il espère ainsi obtenir, par mon intermédiaire, un règlement rapide du litige qui aplanirait les difficultés financières qu'il connaît à la suite de la perte de ses animaux et des dépenses qu'il a dû engager pour les soins vétérinaires.

Au cours de l'instruction, il m'apparaît qu'une faute de service imputable à l'Etat et engageant sa responsabilité est clairement établie.

J'expose l'affaire au ministre de l'agriculture en lui proposant de rechercher une solution amiable au litige. Je ne manque pas de souligner que, dans l'hypothèse où un accord se dégagerait, M. M. serait conduit à abandonner la procédure qu'il a engagée devant le tribunal administratif. Cette solution s'inscrirait dans le droit fil de la circulaire du Premier ministre en date du 13 octobre I988 sur la prévention du contentieux.

Très rapidement, le ministre me fait savoir qu'à la suite de mon intervention, une proposition de règlement amiable a été adressée à M. M., qui l'a acceptée. Bien entendu, l'intéressé s'est désisté de son recours devant le tribunal administratif.

CAS SIGNIFICATIFS

- INTERVENTIONS S'APPUYANT SUR L'ARTICLE 9 DE LA LOI DU 3 JANVIER 1973 MODIFIEE

1° Alinéa 1er- DYSFONCTIONNEMENT DU SERVICE PUBLIC

UNE ERREUR D'APPRECIATION DE L'ADMINISTRATION REPAREE

Assurance vieillesse - Suspension du droit à pension
Réclamation n° 87-3861 transmise par M. Michel Ghysel, Député du Nord.

M. H., attaché de préfecture, est révoqué de ses fonctions en 1972 Il est marié, père d'un enfant mineur et, en raison des circonstances, son épouse se sépare de lui.

La sanction qui frappe M. H. est assortie de la " suspension des droits à pension ". Cependant le dossier d'assurance vieillesse de M. H. passe du régime fonctionnaire au régime général de la sécurité sociale auquel l'administration affilie rétroactivement l'intéressé. Quatorze ans plus tard, lorsqu'il part à la retraite, M. H. perçoit donc une pension et, en 1987, à son décès, sa veuve se voit ouvrir droit à une pension de réversion de la sécurité sociale.

Mme H. apprend alors que c'est à tort que l'administration a autorisé l'affiliation de son mari à la sécurité sociale pour la période où il avait été fonctionnaire et qu'en revanche, elle aurait pu bénéficier depuis sa révocation d'une pension de réversion du régime fonctionnaire qui aurait été plus avantageuse pour elle et son enfant. Elle entreprend des démarches en vue d'obtenir le rétablissement de cette pension de fonctionnaire à son profit.

Les services du ministère de l'économie, des finances et du budget rejettent sa demande en lui opposant que l'affiliation au régime général de M. H. ayant acquis un caractère définitif, elle ne peut plus dès lors être remise en cause.

Toutefois cette décision, bien que conforme à la réglementation en vigueur, me paraît inéquitable. D'une part, en raison de l'erreur d'appréciation commise par l'administration lors de la réaffiliation de M. H. au régime général et dont ni l'intéressé, ni sa veuve ne peuvent être tenus pour responsables. D'autre part, du fait que l'Etat n'a pas versé durant plus de seize ans la pension à laquelle Mme H. aurait été en droit de prétendre si elle avait été bien informée.

J'insiste auprès du ministre de l'économie, des finances et du budget pour qu'une solution positive soit trouvée à cette affaire. Je rencontre une compréhension bienveillante de la part du ministre qui accepte de prendre une mesure exceptionnelle en faveur de Mme H. et d'autoriser le rachat de la pension du régime général servie à l'intéressée afin de la faire bénéficier du régime spécial de retraite des fonctionnaires.

LA SOLUTION PRENANT EN COMPTE LES PROBLEMES HUMAINS EST BIEN SOUVENT LA PLUS APPROPRIEE

Affaires sanitaires et sociales- Hospitalisation
Réclamation n° 88-1339 transmise par M. Thierry Mandon, député de l'Essonne.

A la suite d'un accident de voiture, M. Fabrice F. se trouve dans un état de coma vigile profond et séjourne dans le centre hospitalier associatif de D, dans l'attente d'un placement en établissement de soins spécialisés.

Son père rencontre de grandes difficultés pour obtenir un tel placement près de son domicile. Il sollicite l'intervention du Médiateur pour que son fils soit maintenu dans l'établissement et expose que ni sa situation financière et familiale, ni l'état de Fabrice ne permettent une hospitalisation à domicile.

L'instruction du dossier me confirme l'urgente nécessité d'apporter à cette affaire une solution allant dans le sens souhaité par M. F.

Il me faut insister vivement auprès du directeur régional des affaires sanitaires et sociales et des services départementaux concernés pour que soit prise une décision adaptée à la situation.

Mes démarches ne sont pas vaines: Fabrice F. est maintenu dans le centre hospitalier pour une durée indéterminée avec l'accord de l'équipe médicale de l'établissement, du médecin conseil du département et de la caisse primaire d'assurance maladie.

PLUS DE QUINZE ANS POUR RESOUDRE UNE AFFAIRE BIEN DOULOUREUSE

Ministère de la défense- Nuisances
Réclamation n° 88-1769 transmise par M. Michel Sainte-Marie, député de la Gironde.

M. et Mme B. coulent des jours paisibles, en compagnie de leur fille, dans une charmante propriété de province.

Un projet de la direction générale de l'aviation civile viendra bouleverser cette tranquillité. La piste de l'aérodrome voisin est agrandie pour permettre son utilisation par des appareils civils et militaires plus puissants que ceux en service jusqu'alors. Désormais, la propriété de M. et Mme B. se trouve dans une zone de bruit extrême, dans l'axe de la piste de l'aérodrome et à faible distance.

Des mesures sonores effectuées montrent que le bruit est insupportable pour l'homme. S'ajoute à cela un sentiment d'insécurité: un avion militaire ne s'est-il pas écrasé tout près de l'habitation des B., tuant une riveraine ? Une voisine, atteinte nerveusement, se suicide. Mme B. elle-même, en état de fatigue extrême, ne supportera pas le décès accidentel de sa fille et mettra fin, elle aussi, à ses jours.

Quand M. B. fait transmettre son dossier au Médiateur, cela fait quinze ans qu'il se bat pour obtenir son expropriation et recevoir, en contrepartie, une indemnité équitable lui permettant de s'installer ailleurs.

L'intéressé avait déjà approché la chambre de commerce et d'industrie, gestionnaire de l'aéroport, et, au titre des nuisances occasionnées par l'aviation civile, le ministre des transports. Si ce dernier a accepté le principe de la participation de son département au financement de l'expropriation, c'est dans la limite du tiers de la valeur de la propriété que le service des domaines a estimée à 930 000 F, les deux autres tiers devant être financés, selon lui, par la chambre de commerce et par le ministère de la défense.

Mais ce dernier département ministériel est difficile à convaincre. Déjà, par le passé, le ministre a rejeté le principe même d'une quelconque participation au rachat de la propriété au motif que son département " ne perçoit pas le produit de la taxe parafiscale qui permet l'indemnisation pour atténuation de nuisances phoniques de riverains d'aérodrome ". De plus, " il est exclu que la Défense crée un précédent en indemnisant spontanément un propriétaire riverain ".

Sur ce dernier point, le Médiateur fait observer à son interlocuteur que le refus d'indemniser " spontanément " M. B. revient à s'en remettre à une éventuelle décision du juge administratif, laquelle ne peut intervenir avant longtemps, alors que l'intéressé attend depuis quinze ans déjà une solution à son problème. Quant au " précédent ", je précise que l'intervention du Médiateur, lorsqu'elle est suivie d'effet, n'a pas pour conséquence de créer un précédent mais permet, bien au contraire, à l'administration d'invoquer la demande du Médiateur pour justifier du caractère exceptionnel de sa décision et lui en faire endosser la responsabilité morale. D'ailleurs, les nuisances sonores sont principalement dues aux appareils militaires dont la puissance au décollage est sans commune mesure avec celle des avions civils. En conclusion, le Médiateur recommande au ministre de la défense de rechercher avec son homologue des transports une solution définitive permettant la juste indemnisation de M. B.

Après bien des atermoiements, le ministre de la défense acceptera la médiation proposée et consentira à participer au financement de l'acquisition de la propriété de M. B. Toutefois, le ministre tiendra à souligner le caractère exceptionnel de sa décision, ce qu'il a bien raison de faire. Pour ma part, je lui confirme qu'elle ne créera pas de précédent.

C'est avec un réel soulagement que j'ai clos le dossier de cette affaire particulièrement douloureuse.

SAVOIR MESURER LES CONSEQUENCES D'UN EXCES DE RIGUEUR

Caisse militaire de sécurité sociale Prise en charge d'un placement à l étranger
Réclamation n° 88-2145, transmise par M. Jean Oehler, député du Bas-Rhin.

M. J.C., handicapé mental profond, orphelin de militaire depuis I986, entre dans sa quarantième année. Il est placé depuis l'âge de dix ans dans un centre de pédagogie curative en Suisse.

La prise en charge de ce placement a été assurée par la caisse nationale militaire de sécurité sociale jusqu'à la majorité de l'intéressé. Depuis I986, sa sœur, Mme A., désignée comme tutrice, a obtenu que les soins prodigués par l'établissement suisse soient couverts par la caisse primaire d'assurance maladie du régime général. A la même date, M. J.C. bénéficie d'une pension militaire d'orphelin.

Quand, en I988, les services de la caisse primaire d'assurance maladie sont informés de l'existence de cette pension, ils considèrent, à juste titre, que M. J.C. devrait désormais être affilié à la caisse nationale militaire de sécurité sociale. Mme A. se voit alors réclamer le remboursement des prestations servies depuis I986 pour couvrir les frais thérapeutiques de son frère.

La caisse militaire consent bien à l'affiliation mais refuse de prendre en charge les soins dispensés hors de France alors qu'elle n'avait soulevé aucune objection sur ce point pendant la minorité de l'enfant. Bien que Mme A. produise des réponses d'établissements français qui, faute de place, ne peuvent recevoir son frère, elle n'obtiendra pas que la caisse militaire revienne sur sa décision.

Le Médiateur intervient alors auprès du directeur de la caisse nationale militaire de sécurité sociale pour lui demander de reconsidérer ce dossier avec la plus bienveillante attention. Il attire aussi l'attention de son correspondant sur les graves conséquences que risquerait d'entraîner, pour M. J..C., tout transfert dans un autre établissement.

Une interprétation plus souple du règlement de la part du directeur de la caisse militaire permet la prise en charge, par cet organisme, des soins dispensés hors du territoire français à M. J.C.

NE PAS CONFONDRE AMELIORATION ET RECONSTRUCTION

Services fiscaux- Déduction pour l'amélioration de l'habitat
Réclamation n° 88-2552 transmise par M. Michel Barnier, député de la Savoie.

M. B. engage des travaux pour améliorer le confort de trois logements dont il est propriétaire et qu'il destine à la location.

Ainsi que le prévoit la réglementation en vigueur, l'intéressé pense être en droit de déduire de ses revenus fonciers le montant des dépenses destinées à améliorer l'habitat.

Mais l'administration fiscale ne l'entend pas de cette oreille. Elle estime que les travaux entrepris, de par leur nature et leur importance, doivent être regardés comme des travaux de reconstruction, lesquels n'entrent pas dans le cadre des charges déductibles énumérées à l'article 3I du Code général des impôts. Cette position est d'ailleurs corroborée par une jurisprudence du Conseil d'Etat.

M. B. conteste cette décision et demande mon intervention.

Lors de l'étude du dossier, j'observe que M. B. a bénéficié, au titre des travaux en cause, d'une subvention versée par l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (A.N.A.H.). Or cet organisme n'intervient, par vocation, que dans le cas où il y a bien simple amélioration de l'habitat. Il m'apparaît, en outre, que les travaux n'ont apporté aucune modification importante au gros œuvre et n'ont entraîné aucun accroissement de la superficie habitable.

J'expose ces arguments à l'administration qui procède à une enquête complémentaire et se range finalement à mon avis. Il est vrai qu'entre-temps la jurisprudence du Conseil d'Etat avait évolué.

Le bon sens l'a, une fois de plus, emporté et M. B. a été autorisé à porter en charges déductibles les dépenses concernant les travaux, desquelles a bien entendu été soustrait le montant des subventions reçues de 1'A.N.A.H.

QUAND LES CHEQUES POSTAUX SE TROMPENT DE DESTINATAIRE

Chèques postaux- Erreur dommageable
Réclamation n° 88-2929 transmise par M. Georges Frêche, député de l'Hérault.

Mme B. obtient un prêt immobilier auprès d'un établissement de crédit spécialisé et choisit de régler les échéances mensuelles, s'élevant à 3 792 F, par prélèvement automatique sur son compte courant postal.

Durant 25 mois, elle reçoit régulièrement des avis de débit qui, par l'indication du bénéficiaire des virements, prouvent bien qu'elle s'acquitte de ses engagements.

Or, l'organisme de crédit l'informe n'avoir reçu aucun règlement depuis la conclusion du prêt et qu'une procédure devant conduire à la saisie de sa maison et à la vente aux enchères publiques de ce bien a été engagée devant le tribunal.

L'intéressée s'inquiète de la destination des prélèvements effectués sur son compte. Elle apprend qu'à la suite d'une erreur matérielle des services de la Poste, les sommes ont été virées au crédit du compte d'un autre particulier. Si particulier d'ailleurs que celui-ci n'a jamais manifesté le moindre étonnement de recevoir ainsi, pendant plus de deux ans, une rente d'un montant relativement appréciable.

Mme B., toujours sous la menace d'une saisie immobilière, me fait transmettre son dossier.

La direction régionale de la Poste, consciente de l'erreur de ses services, accepte de rembourser la moitié des sommes en cause. Ce qui ne me satisfait pas car cet arrangement laisse quand même l'autre moitié à la charge de Mme B.

J'interviens auprès du ministre des postes, des télécommunications et de l'espace en lui exposant qu'il serait inéquitable que Mme B. ait à supporter le moindre préjudice à la suite d'une erreur qui n'est pas de son fait.

L'intéressée a obtenu le remboursement intégral des sommes prélevées sur son compte, soit 94 800 F.

Certes, cette histoire se termine bien pour Mme B. mais le comportement de l'établissement de crédit dans cette affaire me laisse perplexe. Cet organisme a fait preuve, à la fois, de négligence en attendant plus de deux ans avant de réagir, et d'une diligence pour le moins regrettable en engageant une procédure de saisie sans avoir préalablement pris la peine d'enquêter auprès de sa cliente.

LE DROIT EUROPEEN ET LE DROIT AUX BOURSES

Affaires étrangères- Bourses d'études et formulaires
Réclamation n° 88-3172 transmise par M. Jean-Michel Ferrand, député de Vaucluse.

Étudiante en 4e année de droit, Mlle T. souhaite suivre, durant l'année universitaire 1987-I988, une formation en droit européen à l'université de Bruxelles.

Des bourses, dont les dossiers sont instruits par le ministère des affaires étrangères, sont prévues à cet effet pour les titulaires d'une maîtrise en droit.

Dès le mois d'avril I987, Mlle T. sollicite le bénéfice d'une bourse auprès du ministère. S'il lui est remis à cette occasion une note d'information sur les bourses d'études et de recherches offertes pour différents pays, il lui est précisé que les fiches de candidature ne sont pas encore disponibles.

Elle obtient la maîtrise au mois de juin de la même année et en informe par courrier le service chargé d'instruire les dossiers. Elle satisfait dorénavant aux conditions de diplôme requises et renouvelle sa demande. Même réponse qu'en avril: les imprimés ne sont toujours pas disponibles. Mais en septembre, à la suite d'une nouvelle démarche, l'intéressée apprend que sa demande est bien tardive: les demandes de bourses devaient être déposées avant le ler février I987.

Lors de mon intervention en faveur de Mlle T., je ne manque pas d'observer d'une part, que l'indication de la date limite ne figurait pas sur la note d'information remise en avril, d'autre part, que l'inscription à une formation universitaire complémentaire de droit européen requiert la possession de la maîtrise en droit, diplôme qui n'est décerné qu'en juin, soit près de cinq mois après la date de clôture desinscriptions.

Le secrétaire d'Etat auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des relations culturelles internationales constatant la bonne foi de Mlle T., lui accorde une allocation de 25 000 F destinée à couvrir ses frais d'études et de recherches en droit européen en Belgique.

Sur un plan plus général, il m'est précisé que les comités de sélection tiennent compte du décalage qui existe entre le moment où les étudiants postulent et celui où ils obtiennent effectivement le niveau requis pour concourir. Des décisions conditionnelles sont prises dans l'attente d'être confirmées lors de l'obtention du diplôme exigé.

Bien entendu, Mlle T. n'aura pas à se plaindre de la suite donnée sa réclamation. Cependant, cette affaire, comme tant d'autres d'ailleurs, m'amène à m'interroger sur la qualité de l'information que certaines administrations fournissent au public. Ainsi, dans le cas présent, un accueil plus personnalisé et une notice d'information claire et précise auraient certainement évité que chacun des interlocuteurs- le service concerné et l'usager - se méprenne sur la date de clôture des candidatures.

UNE REVISION DE PENSION TARDIVE, MAIS JUSTIFIEE

Agents publics- Pension- Reclassement rétroactif
Réclamation n° 88-3181 transmise par M. Jean-Pierre Sueur, député du Loiret.

Mme M., agent de l'Éducation nationale, est admise en I97I au bénéfice d'une pension proportionnelle en raison de sa situation familiale: elle est mère de trois enfants.

Son troisième enfant atteint l'âge de seize ans en I987. Elle demande alors à bénéficier de la majoration de pension prévue pour les personnes qui ont élevé trois enfants. Au cours des démarches de Mme M., les services du ministère de l'éducation nationale constatent que l'intéressée n'a pas bénéficié, en I97I, d'une revalorisation de sa rémunération qui aurait dû avoir une incidence directe sur sa retraite.

Le ministère régularise la situation de l'intéressée en prononçant rétroactivement son reclassement. Mais les services du ministère du budget, chargés de la révision de la pension, appliquent la prescription prévue par le Code des pensions de retraite. Selon ce texte, la régularisation ne peut porter que sur les arrérages afférents à l'année au cours de laquelle la demande de révision a été déposée et aux quatre années antérieures. Aussi la date de la révision de la pension est-elle fixée au ler janvier 1983 alors que, depuis I97I, Mme M. ne perçoit qu'une pension inférieure à celle à laquelle elle pouvait prétendre.

Mme M. conteste le délai de prescription qui lui est appliqué. Pour ma part, je sais combien il est difficile de faire revenir l'administration sur une telle décision qui repose sur des dispositions législatives. Mais si l'application de la prescription est fondée en droit, les conséquences qui en découlent dans le cas présent pour l'intéressée m'apparaissent inéquitables et iustifient mon intervention.

Je fais observer au ministre chargé du budget qu'il appartenait aux services de l'Éducation nationale de faire connaître à l'intéressée les modifications catégorielles la concernant et que, dès lors, elle ne saurait être tenue responsable du retard avec lequel elle a demandé la révision de sa pension.

Le ministre tient à faire observer que l'intéressée n'apportait pas la preuve qu'elle était dans l'impossibilité absolue d'agir en temps utile et qu'elle aurait dû constater par elle-même qu'elle n'avait pas bénéficié du reclassement auquel elle avait droit. Cependant, il veut bien admettre, à titre exceptionnel, qu'il ne soit pas fait application de la prescription des arrérages. La pension de Mme M. sera donc révisée à la date du 8 novembre I97I au lieu du Ier janvier I983. J'informe du dénouement de cette affaire le parlementaire qui m'en a saisi. A peu de temps de là, il me transmettra une lettre de Mme M. me faisant part de sa satisfaction du résultat obtenu.

LA BONNE FOI ET LA BONNE VOLONTE RECOMPENSEES

Direction des services fiscaux- Droits de mutation
Réclamation n° 88-3313 transmise par M. François Massot, député des Alpes-de- Haute-Provence.

Pour acquérir en I984 une maison d'habitation d'une valeur de 565 000 F, M. D. contracte un emprunt auprès d'une banque. Mais rapidement, il ne peut plus faire face aux échéances de remboursement. Il demande une renégociation des conditions du prêt, en proposant que sa fille, salariée et qui vit sous son toit, se substitue à lui dans l'engagement qui le lie à l'organisme de crédit.

Tout arrangement lui est refusé et M. D. vend alors la maison à sa fille pour un montant de 300 000 F, ce qui permet à celle-ci d'obtenir un prêt assorti de conditions de remboursement plus favorables et de désintéresser le premier établissement bancaire.

M. D. a ainsi évité une probable expropriation. Six mois plus tard, les services fiscaux relèvent que la maison a été vendue à un prix inférieur à son prix d'achat et réclament un complément de droits de mutation s'élevant à 16 246 F.

M. D. commence à s'acquitter d'une partie de cette imposition, bien qu'il en conteste le bien-fondé.

J'attire l'attention du directeur des services fiscaux sur le contexte humain de cette affaire et lui fais valoir que la valeur vénale d'une maison occupée est inférieure à celle d'un immeuble libre de toute occupation.

Mon interlocuteur partage mon point de vue et, tenant compte de la bonne volonté manifestée par M. D. pour s'acquitter de sa dette, non seulement annule l'imposition émise mais aussi décide que les sommes déjà versées par l'intéressé lui seront restituées .

La position première de l'administration était parfaitement justifiée par les textes en vigueur mais je me plais à reconnaître que, suite à mon intervention, elle a su prendre en compte, dans son appréciation des faits, la bonne foi de l'intéressé et les circonstances particulières.

LA SOLIDARITE ENTRE EPOUX N'EST PAS TOUJOURS UNE BONNE CHOSE

Ministère du budget - Dettes fiscales de la communauté
Réclamation n° 89-0013 transmise par M. Pierre Montastruc, ancien député de la Haute-Garonne.

M. A. est incarcéré pour détournement de fonds. L'enquête judiciaire révèle que son épouse ignorait tout de ses agissements.

Néanmoins, la solidarité entre époux est mise en jeu par l'administration fiscale. Mme A., bien que mariée sous le régime de la séparation de biens, est poursuivie pour les dettes fiscales afférentes à la période de la vie commune. Celles-ci s'élèvent à 75 239 3I3 F.

Mme A. demande une décharge de responsabilité qui est rejetée et tous ses biens sont saisis et hypothéqués. Elle se retrouve sans ressources et n'a plus d'autre solution que de se réfugier avec sa fillette chez sa mère.

Le dossier révèle que Mme A. est dans une situation matérielle et morale critique. Certes l'administration n'a fait qu'appliquer les textes en vigueur mais les conséquences de la décision prise ne m'apparaissent pas équitables. Ainsi, Mme A. se voit contrainte de répondre des dettes de son mari, provoquées par des opérations délictueuses dont elle n'a pas personnellement tiré profit.

A la suite de mon intervention, le ministre chargé du budget décide, en raison des circonstances de ramener la dette à 368 303 F, correspondant au prix de la vente d'une maison appartenant à l'intéressée.

En l'espèce, le ministre et ses services ne se sont pas tenus à une application mécanique du droit. Ils ont pris en compte toutes les circonstances et conséquences de la situation et ont permis l'apurement d'une dette que Mme A. n'aurait jamais pu acquitter.

Leur exemple est à suivre.

MECONNAITRE LA VALEUR D'UN TERRAIN PEUT COUTER CHER

Services fiscaux - Droits de succession
Réclamation n° 89-1014 transmise par M. Jacques Roger-Machard, député de la Haute-Garonne.

M. B. et son cousin héritent de leur tante d'une terre agricole louée à un agriculteur depuis plusieurs années.

Cette parcelle étant située loin de leur domicile, ils demandent au notaire chargé du règlement de la succession de vendre la parcelle en question à l'agriculteur exploitant. Le produit de la vente s'élève à 8 000 F et les droits de succession sont liquidés sur cette base.

Quelque temps après, le service de la fiscalité immobilière notifie un redressement aux héritiers en raison de l'insuffisance de déclaration de la valeur du terrain.En effet, la parcelle avait été classée en zone constructible quelques mois avant le décès de la tante de M. B. et l'administration en estime la valeur à I45 000 F. Chacun des héritiers est mis en demeure de payer la somme de 79 I76 F (dont la moitié à titre de pénalités) alors que la vente ne leur a rapporté que 4 000 F !

M. B conteste le rappel des droits d'enregistrement et saisit le Médiateur. L'affaire n'est pas facile à plaider. Les héritiers sont à l'évidence de bonne foi, mais ils sont victimes d'une erreur du notaire qui n'a pas demandé de certificat d'urbanisme. Lorsque la valeur d'un terrain est supérieure à la valeur de vente, le Code général des impôts exige que les droits soient calculés sur la valeur réelle et, dans ce domaine, l'administration ne dispose guère de pouvoir de remise gracieuse.

Cependant, il m'apparaît inéquitable de demander aux héritiers un impôt représentant vingt fois la somme qu'ils ont perçue. J'adresse donc une recommandation au ministre chargé du budget en lui demandant de suspendre les poursuites exercées en attendant l'issue d'une procédure judiciaire en annulation de la vente et, au minimum, de prononcer la remise des pénalités appliquées.

Le ministre se range à mon avis et donne des instructions tendant à annuler complètement la procédure de recouvrement des droits et pénalités.

UNE ADMINISTRATION COMPREHENSIVE

Postes et Télécommunications - Remise gracieuse
Réclamation n° 89-1940 transmise par M. Marcel Debarge, sénateur de la Seine- Saint-Denis.

M. B. souffre de graves déficiences psychiques.

Il est placé sous sauvegarde de justice et le magistrat désigne un curateur.

Dès sa prise de fonctions, ce dernier constate que M. B. ne dispose plus d'aucunes disponibilités. Bien plus, il a de nombreuses dettes, dont des factures de téléphone pour un montant avoisinant 23 000 F. Cette dette provient de deux " amis " que M. B. a hébergés pendant un an et qui ont disparu sans laisser d'adresse.

Le curateur entreprend plusieurs démarches auprès des P.T.T. pour tenter de convaincre l'administration que M. B. n'est pas responsable de ses actes, que les communications relevées sur sa ligne n'ont pas été de son fait et qu'il convient d'accorder une remise gracieuse du montant des factures qui, en tout état de cause, ne peuvent être acquittées par l'intéressé.

Non seulement il n'obtient pas satisfaction en ce qui concerne la remise mais, qui plus est, les mises en demeure adressées par France-Télécom pour recouvrer la créance sont désormais établies à son nom.

Le curateur demande alors que la réclamation me soit transmise. A cet effet, il constitue un dossier très complet; j'y puise les arguments pour plaider efficacement la cause de M. B. auprès des autorités compétentes.

J'interviens auprès du ministre des postes, des télécommunications et de l'espace pour lui demander de prendre en considération les circonstances particulières qui entourent cette réclamation et d'accorder à l'intéressé une remise gracieuse de sa dette. Au passage, j'émets un doute sur la régularité de la procédure de recouvrement car, à mon sens, le curateur ne peut être juridiquement tenu comme débiteur.

Dans sa réponse, le ministre me rappelle que France-Télécom se doit d'équilibrer son budget et ne peut prendre en considération la situation sociale des abonnés. Cependant, il accepte, à titre tout à fait exceptionnel, de tenir compte du caractère particulier de cette affaire et prescrit l'annulation de la dette de M. B.

Une telle compréhension mérite d'être soulignée.

QUAND LE MEDIATEUR INFORME DE LA JURISPRUDENCE NOUVELLE

Services fiscaux - Intérêts des emprunts
Réclamation n° 89-2459 transmise par M. Jean-Paul Bachy, député des Ardennes.

Un contribuable ne peut déduire de ses revenus le montant des intérêts de remboursement d'un emprunt contracté pour l'achat d'un logement que si celui- ci constitue son habitation principale.

Cette règle s'appliquait également aux époux séparés sur décision de justice. Celui qui continuait à rembourser les échéances ne pouvait prétendre à la déduction des intérêts que s'il avait conservé le logement commun comme habitation principale.

Un arrêt du Conseil d'Etat, en date du I9 juin I989, est venu toutefois apporter une interprétation nouvelle à ce principe. Il est ainsi précisé que l'époux séparé qui honore les remboursements de l'emprunt peut bénéficier de la déduction des intérêts, même s'il ne demeure plus dans l'ancien domicile conjugal dont il reste le copropriétaire.

La réclamation de Mme G. permet au Médiateur de demander immédiatement l'application de cette jurisprudence. En effet, la requêrante a dû quitter, avec l'autorisation du juge, le domicile conjugal. Elle continue à rembourser la moitié des échéances d'emprunt et entend bien, de ce fait, déduire la moitié des intérêts annuels afférents à ce prêt. L'administration fiscale lui ayant refusé cette faculté, l'intéressée estime que cette décision est particulièrement inéquitable à son égard.

Le Médiateur aurait partagé cette opinion quand bien même il n'aurait pas eu connaissance du récent arrêt du Conseil d'Etat qui établit, en l'espèce, une jurisprudence allant dans le sens de la réclamation de Mme G.

Après une première intervention sans succès auprès des services fiscaux, il a suffi que je m'appuie sur cette décision pour obtenir que le dossier de Mme G. soit réexaminé et qu'elle soit autorisée à déduire la part d'intérêts d'emprunt acquittée par elle.

Voilà donc une affaire réglée comme il convenait.

Sa solution permet de constater que les juges, lorsqu'ils le peuvent, ne sont pas insensibles à l'équité.

- INTERVENTIONS S'APPUYANT SUR L'ARTICLE 9 DE LA LOI DU 3 JANVIER 1973 MODIFIEE

Alinéa 2- APPLICATION DE L'EQUITE

QUAND L'ARGUMENTATION JURIDIQUE PARAIT DERISOIRE

Handicapés et accidentés de la vie - Responsabilité et prescription
Réclamations n° 86-2924, 88-0484 et 88-3357 transmises par M. Dominique Baudis, député de la Haute-Garonne.

Le jeune F. P. est pris en charge par la direction départementale de l'action sanitaire et sociale (D.D.A.S.S.) au titre de " recueilli temporaire ", du 30 août I956 au 4 avril I97I, date à laquelle il atteint sa majorité. Durant ce temps, il est confié à un orphelinat. Au cours d'exercices sportifs pratiqués sous surveillance, en juillet I970,il est victime d'un grave accident. Il en restera quadriplégique et une pension d'invalidité, assortie d'une allocation pour tierce personne, lui est accordée.

Ce n'est qu'à partir de I978 que F. P. décide de rechercher les responsabilités de son accident qui, à l'époque, n'ont pas été clairement établies. Sur sa demande, il obtient le bénéfice de l'aide judiciaire pour intenter une action en dommages et intérêts à l'encontre de l'orphelinat.

En I987, lorsque le dossier m'est transmis, l'intéressé se plaint qu'aucune procédure n'ait encore été engagée malgré ses différentes requêtes et réclamations, et que sa situation, lui semble-t-il, n'intéresse pas plus les autorités administratives que l'autorité judiciaire.

Ce dossier me laisse perplexe. Bien sûr, je ne peux rester indifférent à la situation douloureuse que connaît le jeune F. P. Cependant, l'instruction de la réclamation ne me permet pas de relever une quelconque responsabilité de la part du personnel de l'orphelinat et l'intéressé lui-même n'apporte aucune précision sur ce point. D'ailleurs, en relèverait-on que toute action civile et pénale fondée sur les dispositions de l'article I382 du Code civil tomberait sous le coup de la prescription triennale qui a commencé à courir le 4 avril I97I, date de la majorité de F. P. Je comprends alors d'autant mieux les réserves de l'avocat commis d'office (dont la notoriété et la compétence ne me laissent aucun doute) à l'égard d'un éventuel recours judiciaire qui serait voué à l'échec.

Par ailleurs, il n'a été à aucun moment invoqué une défaillance du matériel placé sous la garde de l'établissement. Une action sur le fondement de l'article I384 du Code civil, qui aurait pu alors être exercée pendant trente ans, n'est donc pas justifiée.

Certes, il est regrettable qu'aucune enquête judiciaire sur les circonstances de l'accident n'ait été demandée à l'époque par la D.D.A.S.S. Mais l'examen détaillé du dossier ne permet de relever aucune défaillance ni des services judiciaires, ni des services administratifs, susceptible de justifier une intervention de ma part, dans le cadre de la mission du Médiateur telle qu'elle a été fixée par la loi. Mais combien il paraît vain d'opposer une argumentation juridique face aux souffrances d'un requérant. C'est pourquoi je décide d'appeler l'attention du président du conseil général du département où se sont déroulés les faits sur la détresse de F. P. Plus de dix-huit années se sont écoulées depuis l'accident. Il n'est plus question de rechercher quelque responsabilité que ce soit dans cette affaire, ni d'obtenir une juste indemnisation dont le montant, compte tenu de la gravité des séquelles de l'accident, devrait s'élever à plusieurs millions de francs. Il n'est pas dans mon propos de réclamer une telle somme, mais de susciter un geste bienveillant de la part des pouvoirs publics.

Une enquête prescrite par le président du conseil général aboutit à des conclusıons proches des miennes. Mon interlocuteur ne peut que me proposer d'accorder à l'intéressé un secours exceptionnel de IO 000 F. Cette somme me paraît bien dérisoire au regard du préjudice subi par F. P., mais je comprends fort bien que le conseil général, ne reconnaissant aucune responsabilité du département dans cette affaire, ne puisse aller plus loin.

Il m'apparaît alors opportun de transmettre la réclamation de F. P. au secrétaire d'Etat, chargé des handicapés et des accidentés de la vie, en lui demandant de rechercher une solution équitable aux difficultés de l'intéressé. Usant de mon pouvoir de médiation, je lui propose d'accorder à F. P. une aide exceptionnelle de 200 000 F, pour lui permettre d'acquérir un petit commerce qui lui procurerait, avec une occupation, quelques revenus complémentaires. Je suggère, au cas où une telle attribution ne serait pas possible, de rechercher tout autre solution (par exemple, un prêt à long terme sans intérêts) permettant la réinsertion sociale de F. P.

A ce jour, ma proposition est à l'étude dans les services compétents.

TOUTE PEINE MERITE SALAIRE

Éducation nationale - Règlement d'honoraires
Réclamation n° 86-3155/89-0001 transmise par M. Alain Rodet, député de la Haute-Garonne.

En 1982, un architecte, M. P., est chargé de réaliser une étude de faisabilité pour l'implantation éventuelle d'un lycée professionnel dans les locaux d'une ancienne école. Après avoir pris connaissance des conclusions développées par M. P., l'administration de l'Éducation nationale s'oriente finalement vers une construction neuve en s'adressant à un autre architecte.

M. P. souhaiterait néanmoins être rémunéré pour ses travaux. Mais l'administration refuse de lui régler ses honoraires: aucune commande écrite ne lui a été passée et la responsabilité de l'Etat n'est donc pas engagée. En effet, M. P. s'est investi dans cette affaire sur une simple invitation verbale.

Sur le plan juridique, la position de l'administration ne peut être contestée. Mais l'intéressé n'en pense pas moins, fort légitimement me semble-t-il, qu'il n'est pas normal d'avoir travaillé pour rien. Même si son projet n'a pas été retenu, il a certainement aidé l'administration à choisir une orientation. D'ailleurs ne participait-il pas à toutes les réunions de travail regroupant les services concernés ?

Puisqu'il ne peut espérer obtenir satisfaction par une voie judiciaire, il multiplie les démarches pour amener, selon une procédure amiable, l'administration à l'indemniser de son temps et de ses efforts. En vain. Ce litige dure déjà depuis quatre ans lorsque je prends connaissance du dossier. M. P. se trouve dans une situation de grande détresse morale et financière; il a vendu des biens mobiliers pour pouvoir régler des charges dues par son cabinet d'architecte, dont certaines concernent justement l'étude cause du litige.

Je fais valoir au ministre de l'éducation nationale qu'il me paraît inéquitable que M. P. ne reçoive pas une juste indemnisation de ses travaux. Le ministre en convient et m'informe qu'une solution transactionnelle sera proposée à l'intéressé, suivant en cela mes propositions. Basée sur la moitié des sommes demandées en tenant compte des actualisations, une indemnisation pourrait lui être versée si toutefois cette procédure recueillait l'agrément du contrôleur financier.

Il faudra encore plus d'un an pour que ce dernier arrête sa décision. C'est un refus: l'Etat n'a pas à payer puisque sa responsabilité n'est pas engagée.

Compte tenu des dispositions de l'article 9 de la loi instituant la fonction de Médiateur de la République, je recommande au ministre charge du budget de régler en équité la situation du requérant. Instruction sera donnée au contrôleur financier près le ministre de l'éducation nationale de régler à M. P. la somme de 87 600 F.

Ma recommandation n'aura pas été vaine.

REMISE DE DETTE: DONNANT, DONNANT

Prime d'éloignement - Prescription
Réclamation n° 87-3583 transmise par M. Edmond Garcin, ancien député des Bouches-du-Rhône.

A la date du 15 janvier I978, Mme G. est nommée professeur de collège dans le département de la Réunion.

En juin I982, elle prend connaissance des textes portant aménagement du régime de rémunération des fonctionnaires de l'Etat en service dans les départements d'outre-mer, particulièrement ceux qui concernent la prime d'éloignement. Elle en sollicite le bénéfice et une somme de 59 890 F lui est versée à ce titre.

Alors qu'elle a regagné la métropole, les services de l'Éducation nationale constatent que la demande de prime aurait dû être déposée dans les quatre ans suivant la date d'installation de Mme G. à la Réunion. Par suite, cette prime lui a été allouée indûment, alors qu'il y avait prescription de ses droits depuis six mois. L'intéressée est invitée à reverser la totalité des sommes perçues à ce titre auprès du trésorier-payeur général de la Réunion.

Le montant de la prime a été dépensé par Mme G., notamment à l'occasion de sa réinstallation en métropole. Aussi cette décision de reversement la plonge-t- elle dans le plus grand désarroi d'autant que, depuis quelque temps, elle connaît de graves problèmes de santé qui l'obligent à ne travailler qu'à temps partiel. Le trésorier-payeur général poursuit néanmoins le recouvrement de la créance par prélèvement sur traitement. Une demande de recours gracieux adressée au ministre de l'éducation nationale ne donnera aucun résultat. Avant de me transmettre son dossier, Mme G. forme devant le tribunal administratif un recours contre le titre de perception émis à son encontre.

Le ministre auprès de qui je suis intervenu en faveur de Mme G. m'informe que le déroulement de la procédure de remise gracieuse est suspendu en attendant la décision juridictionnelle, à moins que l'intéressée se désiste de son pourvoi et attende la décision du trésorier-payeur général.

Je fais remarquer au ministre que, s'il m'apparaît souhaitable d'éviter les procédures contentieuses, il est délicat de parvenir à une éventuelle solution négociée en faisant pression sur Mme G. Rien ne saurait justifier une pratique qui subordonne l'examen d'une demande de remise gracieuse à la renonciation de son recours contentieux. Bien au contraire, je fais observer à mon correspondant combien il serait logique et équitable que la demande de remise suive son cours normal et que, si le trésorier-payeur général estime devoir y satisfaire, il puisse alors subordonner la décision d'octroi de la remise au désistement de l'intéressée de sa requête devant le tribunal administratif.

Je reprends ces arguments pour les exposer au ministère de l'économie, des finances et du budget à qui il appartient de prendre, en dernier ressort, la décision d'abandonner tout ou partie de la créance du Trésor. J'aurai le plaisir d'apprendre à Mme G. qu'à la suite de mon intervention, une remise gracieuse de 30 000 F lui est accordée; de plus, de très larges délais lui sont consentis pour s'acquitter de la somme laissée à sa charge

Bien entendu, j'aurais préféré une remise totale de la dette, plus satisfaisante surtout si l'on garde à l'esprit que la créance de l'Etat n'a été constatée que pour des motifs tenant à une prescription quadriennale à son profit. Cependant, comme bien souvent, il m'apparaît qu'un accord amiable, accepté par les deux parties en présence, vaut mieux qu'une longue et coûteuse procédure.

L'ESPRIT DES TEXTES DOIT PREVALOIR SUR LA LETTRE

Caisse primaire d'assurance maladie - Pension d'invalidité
Réclamation n° 88-1620 transmise par M. Claude Baratte, député des Pyrénées- Orientales

A la fin de l'année I984, M. G. est en congé de maladie depuis trois ans à l'exception toutefois d'une période de 2 mois, en octobre et novembre I983, durant laquelle son arrêt de travail n'avait pas été renouvelé.

Pendant cette courte période, l'intéressé avait omis de s'inscrire à l'A.N.P.E.; de ce fait, il ne pouvait être considéré légalement comme étant au chômage. Or les textes en vigueur jusqu'en I986 permettaient, en pareil cas, le maintien des droits aux prestations de l'assurance maladie. En revanche, la continuité des droits à l'assurance invalidité était suspendue dès lors qu'une personne ne se trouvait ni au chômage, ni en congé de maladie, situation que connaissait justement M. G.

Précisément, à l'issue de son congé de maladie, M. G. demande une pension d'invalidité. Celle-ci lui est refusée par la caisse en raison de ses deux mois d'inactivité non reconnus.

En droit, la position de la caisse est conforme à la lettre des textes. Mais il y a aussi l'esprit de la loi qui veut que les secours soient apportés à ceux qui en ont véritablement besoin.

Je demande au directeur de la caisse que le dossier de M. G. fasse l'objet, avec toute la bienveillance souhaitable, d'un nouvel examen, en observant que si M. G. avait été mieux informé, il se serait inscrit à l'A.N.P.E. et aurait perçu les allocations de chômage en conservant ses droits à une pension d'invalidité.

Le directeur de la caisse, en liaison avec la direction régionale des affaires sanitaires et sociales, accepte de donner satisfaction à M. G., tout en précisant que sa décision est prise " à titre tout à fait dérogatoire et exceptionnel " en raison de la situation de précarité de l'intéressé. Alors que les textes l'auraient autorisé à confirmer sa décision première, il règle ainsi cette affaire en équité, à la surprise indignée, mais compréhensible, du comptable de la caisse.

UNE CONSTRUCTION POUR LES (TRES) VIEUX JOURS

Urbanisme - Permis de construire et plan d'occupation des sols
Réclamation n° 88-227 (88-2277) transmise par M. Lucien Neuwirth, sénateur de la Loire

M. et Mme L. acquièrent en I962 un terrain en vue d'y construire leur résidence principale lorsque leur retraite sera venue.

Ils obtiennent le permis de construire en I 966 et pensent alors réaliser rapidement le projet qui leur est cher. Hélas ! la construction est bientôt arrêtée en raison de la faillite de l'entrepreneur. Puis M. L. tombe gravement malade et décède quelque temps après.

Par la suite, Mme L. ne pourra jamais voir aboutir son projet malgré toute la ténacité dont elle fait preuve. Elle en est d'abord empêchée par un projet autoroutier- qui sera d'ailleurs abandonné- et dont le tracé prévoyait de traverser son terrain.

Ensuite les révisions du plan d'occupation des sols ne permettront pas de lui donner satisfaction, malgré tous les arguments qu'elle exposera, tant auprès du maire que du commissaire enquêteur. Une proposition favorable de celui-ci à l'occasion d'une enquête publique pour la révision du plan d'occupation des sols ne sera d'ailleurs pas retenue. La parcelle de terrain semble alors définitivement classée en zone non constructible: il y a toujours des arguments fondés en droit et tenant à la situation du terrain pour refuser de donner satisfaction à Mme L.

Lors de l'instruction de la réclamation, il m'apparaît que les élus qui se sont succédé à la mairie avaient bien perçu combien était difficile et digne d'intérêt la situation de leur administrée. La bonne volonté manifestée par tous les acteurs de cette affaire devrait, selon moi, permettre d'aboutir à une solution équitable.

Je fais part de mes réflexions au maire et lui demande d'étudier, parmi toutes les solutions techniques possibles, celle qui pourrait être proposée le plus rapidement à Mme L. Mon correspondant m'assure que tout sera fait pour donner satisfaction à l'intéressée.

En effet, la municipalité décide de procéder à une nouvelle révision du P.O.S. Cet aménagement se traduit par une extension des zones constructibles dans lesquelles est désormais englobé le terrain de l'intéressée. Les difficultés de Mme L. ainsi que celles d'autres administrés sont enfin résolues.

J'aurai le plaisir de recevoir une lettre de Mme L. me remerciant de mon intervention et me faisant part de la construction prochaine de la maison souhaitée depuis tant d'années.

Je dois souligner la parfaite coopération que m'a apportée le maire pour parvenir à régler cette affaire en équité.

L'APPRENTISSAGE DE L'EQUITE

Prestations familiales- Contrat d'apprentissage
Réclamation n° 88-2349 transmise par M. Jean-Pierre Fourré, député de Seine- et-Marne.

Un enfant ayant cessé sa scolarité peut néanmoins continuer à ouvrir droit aux prestations familiales s'il est titulaire d'un contrat d'apprentissage enregistré par la direction départementale du travail et de l'emploi.

Le jeune Jean-Luc, apprenti cuisinier dans un restaurant, se trouve précisément dans ce cas et sa mère, Mme G., perçoit à ce titre des prestations de la caisse d'allocations familiales.

Le contrat, d'une durée de 24 mois, expire normalement en décembre 1987. Mais en juillet 1986, l'employeur de Jean-Luc cesse son activité et informe la direction départementale de la rupture de fait du contrat d'apprentissage. Un nouveau gérant reprend le restaurant et maintient parmi le personnel, le jeune Jean-Luc, lequel conserve le même statut: il poursuit les cours de formation des adultes et continue de ne percevoir, pour tout salaire, qu'une somme symbolique, comme le veut l'usage en pareil cas...

L'employeur s'engage à régulariser la situation de Jean-Luc en soumettant un nouveau contrat à l'approbation des services compétents. Les choses resteront en l'état pendant plus d'une année. Pour Mme G., il ne fait aucun doute que son fils est toujours en apprentissage.

Pourtant, la caisse d'allocations familiales ne l'entend pas de cette oreille. Elle constate que Jean-Luc n'est plus sous contrat d'apprentissage, puisque celui qui avait été enregistré a été résilié et qu'il n'en a pas été établi de nouveau. Au- delà du mois de juillet 1986, il devait donc être rémunéré en qualité de salarié et non plus d'apprenti et, de ce fait, sa mère ne pouvait bénéficier d'allocations durant cette période.

Mme G. doit rembourser la somme de 18 480 F représentant le montant des prestations perçues depuis juillet 1986. Sa situation ne lui permet pas de débourser une telle somme. L'employeur de son fils doit bien un rappel appréciable de salaires mais, entre temps, il a fait faillite; d'ailleurs, le jeune Jean-Luc n'a pas perçu ses dernières payes.

La position de la caisse est peut-être conforme aux textes mais il m'apparaît pour le moins inéquitable que Mme G. soit privée d'un avantage en raison d'un salaire que son fils n'a jamais perçu et qu'il ne percevra sans doute jamais. J'appelle l'attention du directeur de la caisse d'allocations familiales sur cette affaire et, compte tenu de la bonne foi de l'intéressée, je lui demande de rechercher toute possibilité d'atténuer la dette de Mme G.

Le dossier est soumis à l'appréciation de la commission de recours amiable de la caisse. Cette instance prend en compte les arguments que j'ai développés lors de mon intervention et accorde à l'intéressée une remise partielle de sa dette pour un montant de 13 480 F. De plus, il est laissé le soin à Mme G. de proposer des modalités de remboursement du solde de 5 000 F compatibles avec sa situation financière.

La caisse, s'appuyant sur la recommandation du Médiateur, a pu faire prévaloir la réalité des faits et l'esprit de la loi (le jeune homme pouvait être effectivement considéré comme apprenti) sur le formalisme (la nécessité d'un contrat enregistré). Bel exemple promotion de l'équité dans les rapports administratifs.

DES COTISATIONS QUI N'OUVRENT DROIT A AUCUNE PRESTATION

Caisse de retraite des industriels et commerçants Droits du conjoint divorcé
Réclamation n° 88-3194 transmise par M. Charles Descours, sénateur de l'Isère.

Dans le régime d'assurance vieillesse des commerçants il est prévu, en cas de divorce, que le conjoint non remarié puisse bénéficier de droits à la retraite sous certaines conditions dont, en particulier, quinze années de cotisations effectives.

Mme R. remplit presque toutes les conditions prévues par les textes. Elle a bien tenu un commerce avec son mari. Toutefois, cette période d'activité commerciale n'a duré que I4 ans et 3 mois.

La caisse de retraite des industriels et commerçants refuse donc à Mme R. le bénéfice de toute retraite au motif que les points acquis par son mari ne correspondent pas à quinze années de cotisation effective.

Cette décision est certes conforme à la réglementation mais, faisant perdre à Mme R. le bénéfice de cinquante-sept trimestres de cotisations, elle me paraît bien rigoureuse dans ses effets.

J'interviens auprès du directeur de la caisse de retraite en le priant d'examiner le dossier en équité et d'étudier toute solution, telle le rachat de cotisations pour trois trimestres, permettant d'allouer une pension à Mme R.

Tout en reconnaissant le caractère douloureux de cette affaire, mon correspondant me répond que la réglementation, dont la précision ne laisse place à aucune interprétation, n'autorise aucun arrangement susceptible de donner satisfaction à Mme R.

Je ne puis que prendre acte de cette position et regrette que, le moment venu, Mme R. ne pourra pas bénéficier d'une retraite correspondant à la totalité de ses années de travail.

UNE RETRAITE DE MARIN A BON PORT

Caisse de retraite des marins- Pension de réversion
Réclamation n° 88-3485 transmise par M. Philippe Sanmarco, député des Bouches-du-Rhône.

M. P. est titulaire d'une pension servie par la caisse de retraite des marins. A son décès, sa seconde épouse sollicite le bénéfice de la réversion.

Selon la réglementation commune à tous les régimes de retraite, les deux épouses de M. P. peuvent prétendre à une pension au prorata de la durée respective de leur union.

Or, la première épouse de M. P. bénéficie déjà d'une pension, au titre d'un précédent veuvage, lui aussi décédé. En vertu de la loi relative au cumul des pensions, celle-ci a choisi tout naturellement de renoncer aux droits moins avantageux qui lui revenaient de son mariage avec M. P.

Cependant, les dispositions du Code des pensions et retraites des marins n'autorisent l'octroi de la totalité de la pension à une seule épouse qu'en cas de décès de l'autre. Mme P. se voit donc refuser la totalité de la réversion de son défunt mari et lui sont ouverts des droits réduits, proportionnels à la durée de son mariage.

Le caractère par trop rigoureux des dispositions du Code des pensions précité aboutit ainsi à une solution qui apparaît bien inéquitable pour Mme P. et qui n'a d'autre logique qu'une volonté mesquine d'économiser les deniers publics. Dans cette affaire, il serait plus honnête d'attribuer la totalité de la pension de réversion de M. P. à sa seconde épouse. Les pensions de réversion, c'est bien connu, sont de toute façon fort maigres.

Le directeur de l'Établissement national des invalides de la marine ne dispose pas du pouvoir d'interpréter les dispositions des textes qu'il doit suivre et qui sont traditionnellement d'application stricte. Sur mon insistance, il soumet néanmoins le dossier de Mme P. à l'appréciation du ministre chargé du budget. Ce dernier donne son accord à la solution bienveillante que j'avais préconisce.

JAMAIS TROP TARD POUR L'EQUITE

Pension de retraite- Rachat de cotisations

Réclamation n° 88-3555 transmise par M. Pierre Garmendia, député de la Gironde.

Mme F. est technicienne de recherche au Centre national de la recherche scientifique (C.N.R.S.) depuis 1950, en qualité d'agent contractuel.

En I984, elle est titularisée comme fonctionnaire. Elle dépose en I986 une demande de validation de ses services auxiliaires pour le calcul de sa retraite. Conformément à la règle, elle dispose de trois mois de réflexion avant que sa décision de rachat des cotisations ne devienne automatique et définitive.

L'intéressée s'aperçoit, trop tard, que la charge de rachat qui s'élève à 231 000 F est bien lourde. Elle souhaite renoncer à ce rachat, mais le délai de réflexion est écoulé...

J'interviens en sa faveur auprès du ministre du budget en exposant la situation inéquitable qui en résulte pour l'intéressée et en lui demandant de revoir le dossier de Mme F.

Le ministre accepte de se rendre à mes arguments et de prendre en considération la requête de Mme F. Grâce à cette bienveillante compréhension, l'équité l'emporte sur les contraintes de la réglementation.

L'ETAT NE VERSE PAS D'INDEMNITE POUR LA MORT D'UN FONCTIONNAIRE

Conseil d'Etat- Décès en service
Réclamation n° 89-0578 transmise par M. François Giacobbi, sénateur de la Haute-Corse.

En mai I977, M. F., surveillant principal d'un centre pénitentiaire, est agressé et mortellement blessé au cours d'une ronde par un détenu.

L'enquête met en évidence des lacunes dans l'organisation du système de sécurité du personnel. Sur plainte déposée par la veuve et la fille de M. F., le tribunal administratif, retenant la faute inexcusable de l'administration, condamne l'Etat à verser une indemnité à chacune des intéressées, respectivement d'un montant de 20 000 et 5 000 F. Les indemnités ont été accordées en réparation de la douleur morale de la veuve et de la fille de M. F.; elles leur sont versées peu après le jugement, à la fin de l'année I985. Elles apparaissent comme bien modestes au regard à la détresse d'une famille.

Pourtant, sur recours formé par le ministère de l'économie, des finances et du budget, le Conseil d'Etat annule le précédent jugement. Cette décision, qui intervient à la fin de l'année I988, soit plus de onze ans après l'assassinat de M. F., devrait entraîner la restitution par Mme et Mlle F., des indemnités qui leur ont été versées.

Mme F. et sa fille ne l'entendent pas ainsi et me font transmettre une réclamation.

Si de prime d'abord, l'arrêt du Conseil d'Etat paraît bien rigoureux, il n'en trouve pas moins sa justification dans le droit et la jurisprudence dite du " forfait de la pension " qui excluent le cumul d'une indemnité pour la douleur morale avec une pension concédée. La Haute Juridiction ne fait que réaffirmer le principe selon lequel la veuve et les enfants d'un fonctionnaire victime d'un accident de service ne peuvent, même dans l'hypothèse où l'accident aurait été rendu possible par une mauvaise organisation de l'administration, avoir d'autres droits à l'encontre de l'Etat que ceux qui découlent du Code des pensions civiles et militaires de retraite.

Mais s'il fallait ne s'en tenir qu'à des considérations strictement juridiques, le Médiateur de la République perdrait sa raison d'être. Compte tenu de la situation douloureuse des requérantes, la demande de remboursement des indemnités paraît indécente et je ne puis accepter sans réagir l'exécution de l'arrêt du Conseil d'Etat.

Bien entendu, il ne m'est pas possible de remettre en cause le bien-fondé de la décision de la Haute Juridiction laquelle est au surplus conforme à une jurisprudence bien établie. D'ailleurs, la loi ne m'y autorise pas. Cependant, j'attire conjointement l'attention du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, et celle du Garde des Sceaux sur les circonstances particulières de l'affaire. Je leur demande de bien vouloir, par mesure d'équité, examiner avec la plus grande bienveillance les demandes de remise gracieuse des dettes des intéressées (que celles-ci présenteront sur mon conseil).

Mes correspondants tiennent à me faire savoir que le pourvoi devant le Conseil d'Etat avait pour principal objet d'obtenir la réaffirmation d'une position de principe. Cet objectif ayant été atteint, il leur paraît effectivement conforme à l'équité d'accueillir favorablement les demandes de remise gracieuse des dettes de Mme F. et de sa fille.

UN RESPONSABLE DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE AGIT EN DECIDEUR

Centre de formation des personnels communaux. Allocation d'invalidité
Réclamation n° 89-1171, transmise par M. Jean-Claude Dessein, député de la Somme.

M. G., agent du Centre de formation des personnels communaux (C.F.P.C.), est victime, en novembre I980, d'un accident du travail qui lui laissera quelques séquelles.

En juin I98I, l'intéressé est convoqué par un médecin assermenté qui, après l'avoir examiné, transmet ses conclusions au C.F.P.C. Pour M. G., il ne fait aucun doute qu'un dossier constatant son invalidité a, de ce fait, été constitué. Au bout de six mois, il s'inquiète de ne pas recevoir de nouvelles à ce sujet. Le service local du Centre le rassure: l'affaire suit son cours. Aussi, quelle n'est pas sa surprise, en juin I983, de voir sa demande de pension d'invalidité rejetée par le département des pensions de la Caisse des dépôts et consignations qui considère que son dossier a été constitué tardivement: il eût fallu qu'il le présentât dans l'année qui suivait la date de consolidation, c'est-à-dire au plus tard le 30 mars I982. L'intéressé était pourtant bien persuadé de l'avoir déposé à l'occasion de la visite de contrôle qu'il a subie en juin I981.

Saisi du litige, le tribunal administratif rend bien un jugement en sa faveur mais, sur appel interjeté par le C.F.P.C., cette décision est annulée et sa demande de pension d'invalidité rejetée. Le Conseil d'Etat estime que la forclusion a été opposée à bon droit par l'administration dès lors que l'intéressé ne pouvait apporter la preuve formelle du dépôt de son dossier dans les délais. Voilà donc M. G. contraint de rembourser la somme de 39 500 F que lui avait allouée le tribunal administratif au titre d'allocation temporaire d'invalidité.

Désemparé, M. G. fait transmettre sa réclamation au Médiateur. La situation qui lui est faite apparaît si inéquitable que j 'interviens aussitôt auprès de l'organisme- devenu entre-temps Centre national de la fonction publique territoriale (C.N.F.P.T.) - pour exposer mon sentiment sur cette affaire. Je demande que le dossier de M. G. soit réexaminé, non pas avec le seul souci de préserver les droits formels du Centre national, mais en prenant soin de rechercher une décision plus conciliable avec l'équité. Il a été ainsi fait usage du pouvoir de recommandation dont le Médiateur de la République dispose pour permettre de régler des situations où l'application des textes ou d'un jugement aboutit à des iniquités.

Le directeur général du C.N.F.P.T. m'informe peu de temps après qu'à la suite de mon intervention, le conseil d'administration de l'organisme a accepté de renoncer à l'avantage qu'il pouvait tirer de la décision du Conseil d'Etat et qu'il a annulé la dette de M. G. De plus, le directeur général du C.N.F.P.T. s'est efforcé, en vain, d'obtenir du service compétent de la Caisse des dépôts et consignations un nouvel examen des droits de l'intéressé à une indemnité permanente partielle. Cette démarche ayant essuyé un refus, le conseil d'administration du C.N.F.P.T. a décidé de prendre à sa charge l'indemnité permanente partielle due à M. G.

Cette affaire montre que certains décideurs de la fonction publique ont à cœur d'assumer leurs responsabilités à l'égard de ses agents et de régler rapidement les problèmes en équité.

COMMENT PERDRE CINQ ANNUITES DE PENSION SUITE A UNE ERREUR D'INFORMATION ET LES RETROUVER... GRACE AU MEDIATEUR

Caisse de retraites - Modification des statuts
Réclamation n° 89-1172 transmise par M. Paul Merli, député des AlpesMaritimes.

Lors de son soixantième anniversaire, en I982, M. C., affilié à la Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de la Nouvelle-Calédonie (C.A.F.A.T.), fait valoir ses droits à la retraite.

Il en perçoit les prestations depuis cinq mois lorsqu'il apprend, de la Caisse elle- même, que sa pension serait majorée de 20 % s'il en différait le bénéfice jusqu'à son soixante-cinquième anniversaire.

Cette possibilité, expressément prévue dans le règlement de la Caisse, détermine l'intéressé à annuler sa demande de retraite et à rembourser les cinq premières mensualités déjà perçues.

Lors de son soixante-cinquième anniversaire, la majoration pour âge de 20 % n'est plus applicable par suite d'une modification des textes propres à la C.A.F.A.T., intervenue en I985. M. C. n'a pas été informé de la suppression de l'avantage pourtant promis. Il subit de ce fait une perte de cinq annuités de pension.

Cette modification du règlement avec effet rétroactif me paraît inéquitable. Je fais part de mon sentiment au directeur de la Caisse de compensation de Nouvelle-Calédonie en lui demandant de faire usage avec compréhension de son pouvoir d'appréciation en faveur de M. C.

Mon interlocuteur se range à mon avis et reconnaît le préjudice subi par M. C. qui a été privé des avantages rattachés à sa première option. Il décide de le rétablir dans ses droits avec effet rétroactif au Ier janvier I983, date d'entrée en jouissance de sa pension initiale. M. C. perçoit le rappel de pension depuis cette date.

La solution retenue manifeste un esprit d'équité qu'il m'est agréable de souligner.

QUAND L'ETAT TIENT COMPTE DES CONSEQUENCES INEQUITABLES DE L'UNE DE SES DÉCISIONS

Gendarmerie - Conséquences financières d'un accident
Réclamation n° 89-1342 transmise par M. Bernard Roland, sénateur du Rhône.

Une nuit, M. V. est alerté par des cris et des coups de feu provenant de chez son voisin, commerçant en électro-ménager, victime d'une attaque de malfaiteurs. M. V. prévient les gendarmes par téléphone et, sans plus attendre, se précipite, muni de son arme, pour apporter un secours immédiat.

Arrivé sur les lieux, il discerne mal dans l'obscurité les protagonistes et blesse, heureusement légèrement, un gendarme qui s'avançait vers lui.

M. V. est gardé à vue à la gendarmerie et interrogé sur les circonstances de l'accident. L'affaire semble close puisqu'aucune suite judiciaire n'y est donnée.

Comme le gendarme blessé a dû être soigné et qu'il a bénéficié d'une pension d'invalidité, l'Etat, plus de cinq ans après l'accident, retenant la responsabilité de l'intéressé pour défaut de maîtrise de l'arme qu'il manipulait, lui réclame un peu plus de 50 000 F en compensation des conséquences financières de la blessure qu'il a causée.

M. V. sollicite une remise gracieuse de sa dette et, n'obtenant pas de réponse à sa requête, me demande d'intervenir en sa faveur.

Dans cette affaire, le désir de l'Etat de ne pas faire supporter à la collectivité nationale les conséquences de l'accident se comprend et la réclamation de l'Etat est légalement fondée.

Mais d'un autre côté, M. V. se trouve très lourdement pénalisé pour les conséquences de son acte de solidarité, car le montant de sa retraite est très modeste.

A ma demande, le ministre de la défense veut bien examiner l'affaire et rechercher une solution plus conciliable avec l'équité: il décide de renoncer au recouvrement de la créance de l'Etat.

Je tiens à souligner la compréhension du ministre dans cette affaire et la célérité avec laquelle un règlement pleinement satisfaisant a été trouvé.

UN EXEMPLE DE COMPREHENSION DE L'ADMINISTRATION

Prestations familiales - Assistante maternelle
Réclamation n° 89-2490 transmise par M. Georges Chavanes, ancien ministre, député de la Charente.

Mme C., fonctionnaire, perçoit du régime de la fonction publique des prestations familiales durant la période qui entoure la naissance de sa fille.

A l'issue de son congé de maternité, elle ne souhaite pas réintégrer son poste et trouve un emploi dans le secteur privé. Pendant ses heures de travail, elle confie son enfant à une assistante maternelle agréée et cotise pour elle à l'U.R.S.S.A.F. Elle paraît donc remplir les conditions pour bénéficier de la prestation spéciale assistante maternelle. Cet avantage est précisément destiné à rembourser aux allocataires les cotisations versées à l'U.R.S.S.A.F. pour le compte d'une assistante maternelle.

Pourtant, la caisse départementale d'allocations familiales lui refuse le bénéfice de cette prestation. Cet organisme objecte que l'intéressée ne figure pas parmi ses allocataires, et qu'aucune prestation ne lui a jamais été versée, notamment celles dites " entourant la naissance ". Pour l'administration, Mme C. ne relèverait donc pas du régime général d'allocations familiales.

Autrement dit, si l'on tient compte de l'origine des prestations " entourant la naissance ", c'est le régime de la fonction publique qui devrait prendre en charge le dossier de Mme C. Mais celle-ci n'est plus fonctionnaire, et si elle n'est pas inscrite en tant qu'allocataire auprès de la caisse d'allocations familiales, c'est parce qu'elle ne pouvait, jusqu'à présent, prétendre à aucun avantage de cette sorte. En effet, elle n'a qu'un enfant et par ailleurs, ses revenus dépassent le plafond au-delà duquel certaines allocations ne peuvent plus être perçues.

Elle exercera, en vain, un recours devant la commission de recours amiable de la Caisse d'allocations familiales.

J'observe que, dans le cas présent, l'application de la réglementation entraîne des conséquences inéquitables pour Mme C. Le directeur de la Caisse nationale d'allocations familiales en convient. Pour remédier à cette situation, il est décidé de faire bénéficier l'intéressée des dispositions d'une circulaire datant de I981 et qui règle la situation de parents séparés. Ce texte stipule qu'" il y a lieu dorénavant d'attribuer la prestation à la personne ayant la charge de l'enfant dès l'instant où cette personne relèverait du régime général si des prestations familiales lui étaient dues ".

Ainsi, l'administration admet qu'il n'est pas nécessaire d'être déjà allocataire pour percevoir la prestation spéciale.

Des instructions sont données à la caisse départementale qui assure désormais régulièrement le versement de la prestation spéciale d'assistance maternelle à Mme C.

En acceptant de tenir compte de l'esprit du texte pour l'adapter à la situation de la requérante, le directeur de la Caisse nationale d'allocations familiales a fait preuve d'une compréhension très louable et a ainsi permis que cette affaire soit réglée en équité.

Il serait souhaitable qu'il en soit toujours ainsi !

QUAND LE SOUCI DE L'EQUITE CONDUIT LE MEDIATEUR A NE PAS INTERVENIR

L'INTERET D'UNE COLLECTIVITE EST PARFOIS MAL PERÇU

Collectivité locale - Expropriation
Réclamation n° 85-5162 transmise par M. Amédée Bouquerel, sénateur de l'Oise.

Une entreprise de combustibles dispose d'un dépôt annexe situé dans une zone qui doit faire l'objet d'une opération d'aménagement qui comprend des habitations et des locaux commerciaux.

Le directeur général de l'entreprise refuse de négocier l'expropriation à l'amiable et entame toutes les procédures contentieuses possibles. Toutes ces actions se soldent par des jugements qui lui sont défavorables et il saisit alors le Médiateur.

Bien qu'il ne m'appartienne pas de remettre en cause des décisions de justice, il m'apparaît cependant souhaitable de procéder à une ultime tentative d'accord amiable. Je prends contact avec le maire de la commune afin de connaître son point de vue.

Je ne peux que constater la totale bonne volonté, déployée jusqu'alors en vain, pour résoudre le problème.

C'est ainsi qu'il a été proposé à l'entreprise diverses solutions pour remplacer le dépôt, toutes satisfaisantes, dont l'une notamment, qui consiste en la possibilité de location d'un terrain appartenant à la S.N.C.F., m'apparaît bien répondre au besoin exprimé par le requérant.

Je fais savoir à ce dernier que pour ce qui me concerne, il ne peut y avoir d'autres solutions à son affaire en dehors de celles proposées par le maire et je lui conseille de négocier l'expropriation à l'amiable.

Je ne pouvais, à l'occasion de cette réclamation qui me paraissait excessive, aller à l'encontre des intérêts d'une collectivité.

A TROP VOULOIR, ON N'OBTIENT RIEN

Personne morale - Droits de mutation
Réclamation n° 89-1559 transmise par M. Jean-François Lamarque, député de la Haute-Garonne.

Une société civile immobilière acquiert un immeuble en vue de sa revente après rénovation. Pour cette activité de marchand de biens, elle bénéficie des dispositions de l'article 1115 du Code général des impôts, lesquelles prévoient l'exonération totale des droits et taxes de mutation. Cette particularité comporte une contrepartie: l'immeuble doit être revendu dans un délai de cinq ans.

Trois années se sont écoulées depuis l'acquisition; la société n'a pu réaliser son programme et n'envisage pas d'y parvenir dans le délai imparti, en raison du contexte économique. Aussi est-il décidé de diviser l'immeuble en logements de surface modeste, plus facilement commercialisables. Ce nouveau projet nécessite des travaux plusimportants que ceux inicialement prévus.

La société demande alors à être assujettie au régime de la T.V.A. immobilière, ce qui lui permettra de récupérer la taxe appliquée à ses charges et dépenses. Ce régime est accordé par les services fiscaux, avec effet rétroactif depuis la date d'acquisition, sous réserve, toutefois, que la société se conforme à la réglementation en vigueur en l'espèce.

A cet effet, et bien que cela ne leur soit pas expressément précisé sur l'instant, les dirigeants doivent prendre, dans un acte séparé soumis à l'enregistrement, l'engagement de mener les travaux à leur terme dans un délai de quatre ans calculé à partir de l'acquisition. Les dirigeants de la société, conscients qu'ils ne pourront satisfaire à cette condition impérative, ne concrétisent pas l'option " régime de T.V.A. immobilière ". Ils obtiendront néanmoins un remboursement de 600 000 F au titre de la T.V.A. décaissée sur les travaux déjà entrepris.

Le délai imparti étant écoulé, l'immeuble n'est toujours pas vendu et les travaux ne sont pas terminés. Bien légitimement, les services fiscaux notifient un redressement de l'ordre de 500 000 F au titre des droits de mutation.

Le gérant de la S.C.I. conteste le redressement fiscal opéré et, dans sa réclamation, il se plaint de ne pas avoir été suffisamment informé de la procédure à suivre pour bénéficier du régime d'imposition à la T.V.A. Enfin, il me fait part des difficultés de trésorerie que rencontre la société.

Après examen du dossier et après avoir pris l'attache du directeur des services fiscaux, il m'apparaît que l'administration a fait une juste application des textes. Tout au plus, peut-on lui reprocher de ne pas avoir précisé la nature des démarches à entreprendre pour bénéficier du régime fiscal de la T.V.A. Mais je garde le sentiment qu'une société dont l'activité est centrée sur la négociation immobilière est à même d'appréhender les arcanes administratives dans ce domaine. D'ailleurs, en aurait-elle été informée qu'elle n'aurait manifestement pas pu tenir son engagement.

D'autre part, je relève que la société a bénéficié abusivement d'un remboursement de T.V.A., qu'elle devra restituer certes, mais qui constitue pour elle une avance appréciable de trésorerie.

En conclusion, je ne puis intervenir sur cette réclamation puisqu'il m'apparaît que la société n'a pas particulièrement pâti, dans cette affaire, des décisions administratives.

J'ajoute que ladite affaire illustre bien une règle de recevabilité des réclamations devant le Médiateur: l'article 6 de la loi prévoit que celui-ci ne peut être saisi que par les personnes physiques. Les réclamations présentées au nom d'une personne morale ne sont recevables que si la personne physique qui signe la réclamation a elle-même un intérêt direct pour agir. Cette disposition est appliquée souplement, notamment en matière fiscale, pour ne pas priver les petites sociétés commerciales du recours au Médiateur de la République. Mais on voit bien ici que l'institution n'est pas faite pour les sociétés importantes qui disposent de moyens suffisants pour connaître le droit et défendre leurs intérêts en cas de litige.

Le Médiateur de la République est avant tout au service du citoyen qui ne peut se repérer seul dans les arcanes du système administratif ou s'y faire entendre.

UN LOT DE CONSOLATION

Banque de France - Compétence du Médiateur
Réclamation n° 89-1751 transmise par M. Claude Baratte, député des Pyrénées- Orientales.

Mme C. est avisée par la Banque de France qu'elle a gagné 500 000 F lors du tirage d'obligations à lots du Crédit national. Une telle aubaine ne peut qu'inciter aux dépenses.

Malheureusement, peu de temps après, la Banque de France informe Mme C. d'une confusion portant sur le numéro de l'obligation désignée par le sort. Elle n'est pas la gagnante et son compte a été crédité par erreur.

Si la chance est illusoire, les dépenses déjà faites sont bien réelles: Mme C. a entamé " son lot " de I43 000 F.

Bien naturellement, la Banque de France lui demande de rembourser la totalité de la somme. Non seulement Mme C. n'est pas en mesure de restituer les sommes utilisées, mais elle estime qu'il appartient à la Banque de prendre en charge les conséquences de son erreur. Elle demande mon intervention en ce sens.

J'observe que cette affaire ne s'est pas déroulée dans le cadre de la mission de service public qui a été confiée à la Banque de France. Le litige est d'ordre privé au même titre que celui qui peut exister entre une banque et l'un de ses clients.

Le Médiateur ne peut donc recevoir la réclamation de Mme C., dont les difficultés ne proviennent pas, à proprement parler, de l'exécution d'une mission de service public.

Il serait cependant souhaitable que la Banque de France accepte de faire un geste en faveur de Mme C., en lui accordant un échelonnement de remboursement, comme il est d'usage en pareil cas.

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