Année 1989

L' ACTIVITE DE L'INSTITUTION

LE MEDIATEUR DE LA REPUBLIQUE ET LES DROITS DE L'HOMME


En cette année du bicentenaire de la Révolution Française, s'il est un thème qui mérite quelque développement, c'est bien celui qui touche aux Droits de l'Homme.

Lors du débat conduisant à la création du Médiateur en France, le législateur avait montré son souci de préserver les prérogatives du Parlement et de la Justice en matière de défense des Droits de l'Homme ou des libertés. Aussi n'y avait-il pas lieu de confier spécifiquement une telle mission au Médiateur.

Bien entendu, la loi adoptée par le Parlement le 3 janvier 1973 (complétée le 24 décembre 1976) n'interdit pas au Médiateur de s' inspirer, pour ses interventions, des exigences des Droits de l'Homme. D'ailleurs, en donnant au Médiateur un domaine de compétence plus large que celui des Droits de l'Homme, elle n'exclut nullement son intervention dans ces matières, dès lors que l'administration est mise en cause. Le Garde des Sceaux, rapporteur de la loi de 1973, rappelait que l'institution d'un Médiateur s'inscrivait dans une politique générale tendant à introduire plus de liberté, moins d'arbitraire, dans les rapports entre les citoyens et les pouvoirs publics.

Si le Médiateur de la République, lors de ses interventions, ne se réfère pas toujours aux grands textes institutionnalisant les Droits de l'Homme, il se doit évidemment d'en respecter l'esprit et de contribuer à en développer le champ d'application. Une telle doctrine se vérifie dans de nombreuses affaires où le citoyen risque d'être privé, par quelque abus ou quelque défaillance de l'administration, de l'exercice de l'un des droits fondamentaux garantis par la Constitution ou par la Convention européenne de 1950 dont la France est signataire.

1. Les étrangers en France


Dans le domaine particulier touchant à la situation des étrangers en France, le Médiateur a pu obtenir des pouvoirs publics le sursis à exécution des mesures d'expulsion fondées uniquement sur l'irrégularité du séjour des intéressés, lorsque cette situation irrégulière n'est pas la conséquence d'une entrée clandestine dans notre pays. La situation irrégulière peut, par exemple, découler d'une négligence de l'intéressé qui a omis de faire renouveler son titre de séjour. Le Médiateur se doit d'apprécier chaque cas particulier ; il prend naturellement en considération le temps déjà passé en France et s'attache surtout, le cas échéant, à protéger une famille établie sur place. Dans ces affaires, ce n'est toutefois pas à la Convention européenne ou à ses protocoles que se réfère le Médiateur, et pas davantage au préambule de la Constitution française. Car généralement, sur un plan formel, les décisions de l'administration n'enfreignent ni le droit français, ni les engagements qu'a souscrits la France en ratifiant la Convention européenne des Droits de l'Homme ou ses protocoles, puisque ces textes lui permettent de prendre une décision d'expulsion dès lors qu'elle est fondée sur " I'intérêt de l'ordre public ", pour ne rien dire des " motifs de sécurité nationale " (Art. I, § 2 du Protocole n° 7).

Le Médiateur s'attache plutôt, dans de tels cas, à rechercher si une étude attentive du dossier qui lui est soumis permet d'établir une présomption de bonne foi au profit de l'intéressé. Dans l'affirmative, il sollicite un réexamen bienveillant du cas. C'est donc plus à l'esprit général qui a inspiré la législation des Droits de l'Homme qu'à leur formulation littérale que peut se référer le Médiateur dans de telles affaires.

2. Autres interventions du Médiateur


Parmi les autres cas où le respect des Droits de l'Homme sous-tend la démarche du Médiateur, on peut citer :

- droit d'un individu à se réclamer de la nationalité française même en cas de conflit de textes ;

- droit d'une femme étrangère à formuler une demande de naturalisation, lorsque ce droit lui est contesté par l'administration sous prétexte qu'elle se rend chaque jour en territoire étranger pour son travail ;

- droit d'une personne à être indemnisée pour le préjudice subi du fait d'une arrestation et d'une détention provoquées par une erreur d'homonymie;

- droit d'un jeune homme, français de naissance mais étranger par naturalisation, à bénéficier d'un traitement équitable alors que des poursuites ont été engagées contre lui pour "insoumission " ;

- droit à être indemnisé des sévères dommages physiques et moraux résultant des attentats ou des graves accidents fortuits dont les auteurs sont inconnus ou difficiles à identifier ;

- droit à être jugé dans des délais raisonnables.

Rien n'empêche aussi que le Médiateur soit saisi d'affaires mettant plus directement en cause les Droits de l'Homme dans des secteurs sensibles (prisons, armée, police...) dans la mesure où une décision administrative -et non judiciaire- est critiquée.

3. Des interventions voulues par le législateur


Si, dans de nombreux cas, les actions menées par le Médiateur rejoignent les exigences des Droits de l'Homme, c'est que le législateur lui a donné certaines possibilités d'intervention allant au-delà d'un contrôle de légalité ou du bon fonctionnement des services publics.

La première, celle de s'assurer que l'application des lois ou des règlements n'aboutit pas à une " iniquité " (article 9, alinéa 2 de la loi modifiée du 3 janvier 1973).

L'autre possibilité offerte par la loi au Médiateur pour élargir le champ des libertés dans des domaines de sa compétence est la faculté de proposer des réformes. Il est bien placé, en raison du caractère très concret et de la diversité des cas dont il a à connaître, pour constater des lacunes ou des effets pervers des lois ou des règlements. Les propositions qu'il est amené à formuler pour corriger ces défauts tendent toujours à introduire plus de justice dans la législation, et donc à servir les Droits de l'Homme.

On peut rappeler quelques-unes de ces propositions :

- cesser de lier l'indemnisation des victimes d'accidents thérapeutiques à la recherche d'une faute qualifiée, au risque de les laisser plusieurs années sans le moindre secours ;

- réduire la durée des expertises à l'occasion des procès ;

-assurer une meilleure couverture sociale des jeunes appelés pendant leur service national ;

- assurer une meilleure égalité, pour leur - inscription aux concours de la fonction publique, des étudiants justifiant de diplômes français ou de diplômes étrangers de même niveau ;

- indemniser rapidement et convenablement les victimes d'attentats ;

- dispenser, sauf cas exceptionnels, les agents des services publics demandant la liquidation de leur retraite des formalités fort longues et complexes de vérification de leur nationalité française.

En conclusion, il est permis de dire que si, au départ, les initiateurs du projet de loi créant en France un Médiateur ont écarté toutes les propositions parlementaires tendant à en faire formellement le défenseur ou le promoteur des Droits de l'Homme, la nouvelle institution a bien ouvert, en fait et en droit, un nouvel espace de liberté dans la société française. Certes, le Médiateur, dans ses interventions, ne se réfère pas aux textes fondateurs des Droits de l'Homme, mais son action tend toujours à obtenir des pouvoirs publics un respect plus exigeant des droits des citoyens. Qu'il invoque les exigences de l'équité ou qu'il propose de réformer quelque disposition législative ou réglementaire source d'injustice, il est bien, dans les faits, ce " défenseur des droits et libertés " qu'avait souhaité le rapporteur de la loi de 1973.

CAS SIGNIFICATIFS

Une expulsion évitée


Services préfectoraux-Carte de séjour

Réclamation n° 88-2864 transmise par M. Yves Tavernier, député de l'Essonne

M. M, de nationalité algérienne, est entré en France en 1979. Il travaille régulièrement et possède une carte de séjour dont la validité expire le 15 avril 1985. Lorsqu'il en demande le renouvellement, il lui faut présenter trois fiches de paye; or, il se trouve au chômage à cette époque. Désorienté, il ne persévère pas dans sa démarche et, même lorsqu'il retrouve du travail, il néglige de régulariser sa situation. Ce n'est que le I5 juillet 1987 qu'il sollicite un nouveau titre de séjour auprès de la préfecture de l'Essonne.

L'administration relève qu'il se maintient en situation irrégulière depuis plus de deux ans et lui refuse tout titre de séjour. Il se voit donc menacé d'expulsion.

Au cours de l'instruction de la réclamation, j'observe que cette décision aurait des conséquences inéquitables. L'intéressé vit en France depuis bientôt dix ans, il s'y est marié, ses trois enfants y sont nés et il subvient régulièrement aux besoins de sa famille par son travail (à l'exception toutefois de la courte période précédemment évoquée où il s'est trouvé sans emploi).

J'expose ces arguments au ministre de l'intérieur qui, tenant compte de la situation familiale de l'intéressé, décide, à titre exceptionnel et dérogatoire, de l'admettre au séjour en France. La préfecture de l'Essonne remet à M. M un certificat de résidence d'un an, renouvelable, qui lui permet d'exercer une activité professionnelle.

Droit au séjour, sans droit au travail


Ministère de l'lntérieur-Carte de séjour

Réclamation n° 88-2916 transmise par M. Jean-Christophe Cambadelis, député de Paris

M. et Mme T, de nationalité algérienne, quittent l'Algérie en 1962. Leurs biens ont été confisqués et ils craignent pour leur vie en raison de l'engagement pour la France pris par M. T durant les événements qui ont conduit à l'indépendance. Ils s'installent en France. M. T y travaille d'abord en tant que salarié, puis comme commerçant.

En 1978, les époux T décident de retourner vivre en Algérie. Mme T rapporte que son époux y décède peu après, dans des conditions dramatiques liées à son passé.

Dès lors Mme T, se sentant indésirable, revient en France où elle refait sa vie avec un Algérien, titulaire d'un certificat de résident " salarié ", sans toutefois l'épouser.

Elle-même, dont l'état de santé nécessite des soins spécialisés, ne bénéficie que d'autorisations provisoires de séjour pour soins, valables trois mois. L'administration a toujours refusé de lui délivrer une carte de résidente permanente, au motif qu'elle ne justifiait pas de ressources suffisantes. Or, les difficultés matérielles et financières auxquelles elle est confrontée découlent pour une large part de la précarité de sa situation administrative. En effet, un titre provisoire de séjour ne l'autorise pas à travailler.

Après étude du dossier de l'intéressée, il m'apparaît que son cas est particulièrement digne d'intérêt et mérite d'être examiné avec bienveillance. Je fais part de mon sentiment au ministre de l'intérieur.

A la suite de mon intervention, Mme T est admise à séjourner, à titre dérogatoire, sur le territoire français et reçoit un certificat de résidence portant la mention " visiteur ". Ce titre est réservé aux ressortissants de certains pays qui justifient de moyens d'existence suffisants et qui prennent l'engagement de n'exercer, en France, aucune activité professionnelle. Il n'est soumis à renouvellement que tous les ans et de ce fait, la situation administrative de Mme T est sensiblement améliorée puisqu'elle bénéficie ainsi d'un statut plus stable. Néanmoins, la situation financière de l'intéressée n'en est pas pour autant réglée car elle n'obtient pas encore le droit de travailler. Il est regrettable que l'administration n'ait pas cru bon d'aller plus loin dans la régularisation de la situation de Mme T.

LES RELATIONS INTERNATIONALES

1- La coopération au sein de l'Europe


Les deux grandes institutions européennes, le Conseil de l'Europe (vingt-trois membres) et le Parlement européen (les " douze ") ont marqué depuis plusieurs années leur souci d'associer les ombudsmen ou médiateurs à certains de leurs travaux, et notamment à toute réflexion sur les problèmes liés à l'application de la Convention européenne des Droits de l'Homme ou suscités par les nouvelles réglementations communautaires.

Dans mon rapport sur l'année 1988, j'avais relaté les travaux de la table ronde réunie à Strasbourg les 27 et 28 juin, à l'initiative du Conseil de l'Europe, et qui avait traité des cas de non-respect des Droits de l'Homme, notamment vis-à-vis des étrangers. En 1989, en application de la règle d'alternance convenue entre les deux institutions, c'était au Parlement européen qu'il revenait de réunir les ombudsmen, à l'initiative du président de la Commission des pétitions. En deux séances de travail tenues à Bruxelles les 17 et 18 avril, parlementaires et ombudsmen ont pu étudier la possibilité d'une meilleure collaboration en vue de faire face au nombre croissant de pétitions dont est saisi le Parlement européen (une soixantaine en 1979-1980, près de 500 en 1987-1988) avec le risque d'engorgement des services de la Commission et de lenteurs préjudiciables aux pétitionnaires. Or, dans beaucoup de domaines, ceux-ci auraient intérêt à s'adresser à leur Ombudsman national avant de saisir l'instance européenne. Dans un souci d'intérêt général, j'ai proposé que la Commission oriente vers les médiateurs ou ombusdmen nationaux, d'une part les pétitions ne relevant pas de la compétence du Parlement européen mais susceptibles de ressortir à celle de ces institutions et, d'autre part, certaines des pétitions relevant de la compétence du Parlement mais dont il y a toute raison de penser qu'elles seraient plus efficacement ou plus rapidement traitées par l'Ombudsman national. Dans ce dernier cas, la Commission des pétitions, tout en poursuivant l'instruction de la requête qui lui a été adressée, indiquerait au pétitionnaire la possibilité de saisir également, s'il le souhaite, le Médiateur. Si celui-ci obtenait le règlement du différend avant que n'ait abouti la procédure engagée par la Commission, il en informerait cette dernière qui pourrait donc clore le dossier, allégeant d'autant son rôle.

Le Président de la Commission des pétitions m'a fait part de son plein accord sur cette procédure. Un certain nombre de dossiers ont d'ores et déjà été traités conformément à cet arrangement.

En dehors des affaires dont il peut être saisi, comme on vient de le voir, sur les conseils de la Commission des pétitions du Parlement européen, le Médiateur voit augmenter le nombre des requêtes que lui adressent des administrés, français ou étrangers, qui estiment avoir à se plaindre soit de la non - observation par l'administration française d'une obligation communautaire, soit, à l'inverse, de l'application jugée abusivement rigoureuse, d'une règle communautaire par un service français.

On verra plus loin comment le Médiateur fait face à l'émergence, sans doute promise à un bel avenir, de ce contentieux " européen " .

Indépendamment de leur participation aux activités du Conseil de l'Europe ou du Parlement européen, les ombudsmen d'Europe avaient décidé, en I985, de se réunir à intervalles réguliers pour débattre des problèmes qu'ils ont en commun. La première réunion s'était tenue à Vienne en I986. La prochaine aura lieu en avril I990 et sera organisée à Milan par le " Difensore Civico " de la Région de Lombardie. Entre-temps a été créé, à l'initiative des ombudsmen autrichiens, un Institut européen de l'Ombudsman, ayant son siège à Innsbruck (en Autriche, l'institution est collégiale et comprend trois ombudsmen désignés par le Parlement). Cet institut entend collaborer étroitement avec l'Institut international de l'Ombudsman (Edmonton, Canada), tout en dégageant la spécificité des ombudsmen européens et en contribuant à élaborer une doctrine et une pratique adaptées à la protection du citoyen dans cette région du monde. Il prêtera d'ailleurs son concours aux organisateurs des rencontres de Milan en I990 et aussi à la préparation de la Conférence internationale de l'Ombudsman qui se tiendra à Vienne en 1992.

2- La coopération internationale extra-européenne


Du 16 au I9 mai 1989 se sont tenues à Vienne deux séries de rencontres dépassant le cadre européen. Tout d'abord s'est réuni le Conseil de direction de l'Institut international de l'Ombudsman (Edmonton, Canada) qui avait à prendre un certain nombre de dispositions après la démission de son président (américain) et la mort de son directeur (canadien). Le Dr Owen, Ombudsman de la Colombie Britannique, a été élu président et la composition du Conseil a été modifiée pour assurer une meilleure représentation des grandes régions géographiques: cinq sièges ont été réservés à l'Europe, dont celui du Médiateur français. Mon délégué général, qui me représentait à cette réunion, a insisté pour que l'Institut fasse un effort particulier d'information et d'assistance juridique et technique en direction des pays d'Europe de l'Est susceptibles de se doter d'une institution proche de celles qui ont fait leurs preuves à l'Ouest. Il a été convenu que l'Institut européen de l'Ombudsman, récemment créé à Innsbruck, aurait là un champ d'activité privilégié.

L'autre réunion concernait le Comité consultatif de l'Ombudsman International, dont la mission est de préparer les conférences internationales qui, tous les quatre ans, réunissent les ombudsmen de toutes les grandes régions du monde. L'ordre du jour comportait, d'une part les conclusions de la conférence de Canberra (Australie, 1988), d'autre part la définition du cadre et des principaux thèmes de la prochaine conférence (Vienne, 1992).

A l'occasion du XXe anniversaire de la création du Protecteur du Citoyen du Québec, l'ombudsman québécois, M. Daniel Jacoby, avait obtenu que la réunion annuelle des neuf ombudsmen provinciaux et des trois ombudsmen fédéraux canadiens se tienne à Québec du 29 octobre au 2 novembre 1989. Invité très chaleureusement par mon collègue francophone, j'avais prié mon délégué général de participer comme observateur à cette réunion et d'y faire une communication sur " le Médiateur français et l'équité ".

3- Visiteurs étrangers


Comme les années précédentes, un certain nombre de personnalités étrangères ont rencontré le Médiateur ou ses collaborateurs. Pour les uns il s'agissait de visites de courtoisie permettant un échange de vues sur nos responsabilités réciproques. Ainsi de M. David Landa, Ombudsman de Sydney (Australie), ou encore de Mme Letowska, nommée récemment commissaire parlementaire pour les droits civiques en Pologne et qui, après une première visite en mars, est revenue le10 mai pour une conférence à l'Institut de Pologne dont elle avait souhaité que j'assume la Présidence. J'ai eu également plaisir à revoir mon collègue, M. Alvaro Gil Robles, Défenseur du Peuple d'Espagne qui, lui aussi fit à Paris, en octobre 1989, une conférence sur l'institution qu'il dirige et qui a apporté des novations d'un grand intérêt dans son pays.

Pour d'autres visiteurs, il s'agissait de se renseigner sur l'institution du Médiateur français, soit en vue de la création d'un organisme de même nature dans leur pays, soit pour améliorer les organismes déjà existants. Ce fut le cas de deux personnalités colombiennes en mars et en juin I989. De même le vice- procureur du Trésor de la République Argentine a marqué son intérêt pour susciter dans son pays une institution proche de la nôtre. Également intéressés, un membre de la Haute Cour de Lahore (Pakistan) et le Président de la Commission nationale des Droits de l'Homme de Lomé (Togo). Non seulement notre documentation a été largement ouverte aux uns et aux autres, mais il a été possible d'organiser, pour ceux qui le souhaitaient, des entretiens avec des représentants d'organismes français susceptibles de les éclairer.

L'OUVERTURE A L'EUROPE


A trois ans du grand marché unique de 1993, il n'est pas une institution en France qui ne soit concernée par cette mutation capitale. Le Médiateur de la République n'échappe pas à l'obligation de s'adapter aux problèmes nouveaux posés par le développement du champ d'intervention de la Communauté. Les traités, les conventions, les directives communautaires constituent, en effet, autant d'obligations nouvelles s'imposant aux responsables de l'administration. Dès lors, le Médiateur, auquel le législateur a donné mission, lorsqu'il est saisi d'une plainte, de s'assurer que l'organisme mis en cause a " fonctionné conformément à la mission de service public qu'il doit assurer ", ne le fera plus seulement en se référant aux textes nationaux, mais également dans le respect des textes élaborés par les Douze.

Il se trouve qu'une récente décision du Conseil d'Etat est venue rappeler incidemment que les dispositions d'un traité international prévalent sur celles d'une loi nationale, celle-ci fût-elle postérieure audit traité.

Désireux de ne pas compliquer la tâche des autorités gouvernementales françaises, mais soucieux d'aider les administrés qui auraient à se plaindre de la méconnaissance, par les services publics français, de règlements et directives de la Communauté européenne, j'ai décidé la création, à la Médiature, d'une cellule d'étude et de documentation des affaires à incidence européenne. Elle permet une meilleure coordination du travail des divers secteurs lorsqu'une réclamation met en cause l'application d'une règle communautaire ou le respect des obligations inscrites dans une convention européenne dépassant le cadre de la Communauté. Selon les problèmes évoqués, cette cellule peut consulter tel ou tel organisme gouvernemental ou européen compétent, et notamment le Secrétariat général du comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne (S.G.C.I.).

1- Primauté du traité sur la loi française


Par une décision rendue publique le 20 octobre dernier, le Conseil d'Etat a rappelé qu'en cas de conflit entre un traité international et une loi française qui lui est postérieure, le traité prévaut sur la loi, et il s'est reconnu compétent pour connaître des litiges relatifs à l'application de ce principe.

La décision de la Haute Juridiction, en inversant sa jurisprudence traditionnelle, constitue une innovation importante. Jusque-là en effet, la jurisprudence se fondait sur l'article 55 de la Constitution qui stipule que :

" les traités ou accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois... "

Le Conseil d'Etat ne manquait pas de confirmer cette règle constitutionnelle en cas de conflit entre une loi interne et un traité postérieur à celle-ci pour affirmer que les dispositions d'un traité prévalaient sur celles d'une loi antérieure.

Mais à l'inverse, lorsque le traité était antérieur à la loi, le Conseil d'Etat considérait que les dispositions de la loi devaient prévaloir, même si elles contrevenaient au traité ratifié.

Désormais, en vertu de cette décision du Conseil d'Etat du 20 octobre 1989, lorsqu'une loi française, quelle que soit sa date de promulgation, se trouvera en conflit avec un texte communautaire, le juge devra écarter l'application des dispositions de la loi interne qui seraient contraires au texte communautaire.

Cette inversion de jurisprudence ne sera pas sans effet dans certains domaines d'intervention du Médiateur de la République, notamment pour les litiges à caractère fiscal ou social.

Dans le même ordre d'idées, il convient de rappeler l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat, le 3 février 1989, sur le recours formé par la Compagnie Alitalia.

cette compagnie aérienne avait demandé au Premier ministre l'abrogation de certains articles du Code général des impôts, relatifs au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services utilisés en France par la compagnie italienne. L'argumentation développée se fondait essentiellement sur la non-conformité de ces textes avec les objectifs définis par une directive du Conseil des communautés, édictée le 17 mai 1977.

Le Premier ministre n'ayant pas répondu à cette demande, la Compagnie Alitalia contesta devant le Conseil d'Etat la décision implicite de rejet .

Le Conseil d'Etat a fait droit à cette requête.

Cette décision, elle aussi, devrait avoir une grande portée pratique: les requérants peuvent désormais invoquer une directive communautaire à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif réglementaire qui la méconnaîtrait. Si l'on considère que le Marché unique a déjà suscité quelque trois cents directives, souvent très précises dans leurs prescriptions, on imagine sans mal l'importance des révisions auxquelles sont astreintes les administrations nationales, notamment dans les domaines sociaux et fiscaux.

2- L'administré français et l'Europe


A la Médiature même, on ne relève jusqu'ici que quelques dizaines de réclamations faisant référence à des problèmes communautaires, mais ce nombre est en augmentation constante. D'ailleurs, la diversité des problèmes évoqués fait bien apparaître la difficulté qu'ont les administrations nationales... ou les administrés, à s'adapter aux règles nouvelles que leur imposent les engagements de la France dans la Communauté.

Dans certains cas, les réclamants contestent des décisions administratives qui ne sont que l'application directe ou indirecte du droit communautaire. C'est ainsi que le Médiateur a été saisi de plusieurs réclamations mettant en cause le système des quotas laitiers jugé trop rigoureux dans son application.

Un autre réclamant contestait l'absence de signalisation de sa ville (petite sous-préfecture du centre de la France) sur les routes nationales de la région.

Dans les deux cas, les administrations concernées n'ont pu que répondre qu'elles étaient tenues d'appliquer en ces matières les réglementations communautaires. Tout se passe donc de plus en plus comme si les directions départementales de l'agriculture ou de l'équipement, pour certaines de leurs compétences, avaient désormais à se comporter en " services extérieurs de la C.E.E. ", avec une marge d'appréciation limitée qui laisse parfois l'usager quelque peu désemparé.

Dans d'autres cas, les problèmes posés relèvent de la coordination entre administrations nationales et communautaires. Le secteur social en offre de nombreux exemples, en raison notamment de la plus grande mobilité des travailleurs et des touristes.

Ainsi, le Médiateur est-il intervenu à la fois auprès du Gouvernement français et de la présidence de la Communauté en faveur d'un ingénieur français, devenu fonctionnaire européen, qui ne pouvait faire valider sa période de travail en France faute d'accord sur les modalités de transfert des droits correspondants à la Caisse de retraite des Communautés. De même, pour un mineur allemand ayant travaillé en Lorraine et qui ne parvenait pas à faire régler un dossier très ancien d'accident du travail, ou encore pour un jeune toxicomane français traité dans un pays voisin qui dispose de centres mieux adaptés pour un certain type de cures, et à qui la Sécurité sociale refusait sa prise en charge, etc.

Ces affaires révèlent le plus souvent un réel effort de coopération de la part des organismes nationaux, effort qui se heurte cependant à la complexité des procédures à mettre en oeuvre : suivi des dossiers, divergence dans l'appréciation des preuves, dans les avis médicaux...

Enfin, des réclamations de plus en plus fréquentes posent avec insistance des problèmes d'harmonisation ou de reconnaissance mutuelle des réglementations.

C'est le cas, par exemple, dans le domaine fiscal pour les régimes des travailleurs frontaliers ou des couples de fonctionnaires de nationalités différentes... La complexité des réglementations ne permet pas toujours aux services locaux de ces administrations d'apporter d'eux-mêmes la réponse pertinente aux cas exposés. Un autre problème typique est lié à l'application de la règle communautaire de la libre circulation et du libre établissement pour certains emplois de la fonction publique. Le Médiateur a eu à connaître de réclamations concernant l'objection de nationalité opposée par l'Éducation nationale à une candidate institutrice de nationalité belge ou d'équivalence d'un diplôme étranger de physiothérapeute, etc.

Le Médiateur de la République a déjà été amené à formuler certaines propositions de réformes tendant:

- soit à clarifier les conditions d'application du droit européen en France

• EUR 88-01. Accélération de la mise en application dans le droit français des règlements européens

• EUR 89-02. Publication au Journal officiel de la République Française du sommaire des règlements pris par la Commission des Communautés européennes.

La première de ces propositions a été acceptée en 1989, la seconde est en cours d'étude.

- soit à moderniser des réglementations nationales en s'inspirant des directives communautaires

• EUR 89-04 (à l'étude). Transposition en droit français de la directive 89/48/CE du 21 décembre 1988 relative à un système général de reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d'une durée minimum de trois ans

- ou encore à adapter les procédures françaises dans la perspective d'une plus grande ouverture

• EUR 89-01 (à l'étude). Mise en application du transfert des droits à pension en faveur des fonctionnaires européens.

• EUR 89-03 (à l'étude). Protection sociale des fonctionnaires français détachés pour exercer leur activité sur le territoire d'un autre état membre de la Communauté.

On voit à travers ces quelques indications que le Médiateur se trouve dès à présent et sera de plus en plus sollicité par une catégorie nouvelle de requérants, confrontés à des problèmes liés au développement même de l'ouverture européenne. Le législateur de 1973, en décidant de créer en France un Médiateur inspiré de l'Ombudsman suédois, ne pouvait prévoir cette évolution mais il avait fort sagement précisé, lors des débats au Parlement, que l'institution nouvelle serait " pragmatique et évolutive ". L'adaptation de la Médiature aux problèmes nouveaux auxquels elle est aujourd'hui confrontée montre la justesse des vues de ceux qui, il y a plus de quinze ans, définirent le domaine d'action et les modes d'intervention de la toute nouvelle institution.

CAS SIGNIFICATIFS

L'équité peut-elle être un concept européen ?


Agriculture - Réglementation européenne
Réclamation n° 88-1843 transmise par M. Francis Geng, député de l'Orne

M. C. présente, au nom d'un groupement agricole d'exploitation en commun (G.A.E.C.), une demande de prime spéciale aux bovins mâles, instituée par la Commission des communautés européennes.

Le dossier porte sur cinquante animaux de plus de neuf mois engraissés sur l'exploitation et qui, aux termes de la réglementation communautaire, doivent être détenus après la date de dépôt de la demande, pendant une période comprise entre un et cinq mois. La France a choisi de fixer cette période à un mois.

Un contrôle effectué au G.A.E.C. fait apparaître un nombre d'animaux inférieur d'une unité à celui figurant sur la demande.

Le bénéfice de la totalité de la prime est alors refusé, en application de la réglementation qui précise que la constatation d'animaux manquant à l'effectif indiqué lors de la demande, assimile celle-ci à une fausse déclaration, laquelle implique le non-versement de la totalité de la prime.

Au cours de l'instruction du dossier qui m'a été transmis, la bonne foi de M. C. me semble pourtant acquise. Lors d'un départ de bovins à l'abattoir, effectué de nuit, l'animal manquant a été substitué à un autre par suite d'une confusion portant sur les numéros d'identification. Cette relation des faits est d'ailleurs corroborée par le Groupement de producteurs de bovins.

Il m'apparaît donc possible de plaider en équité la cause du requérant auprès du ministre de l'agriculture. Mais c'est compter sans le souci de nos autorités de se conformer scrupuleusement à la réglementation communautaire, en raison des risques de refus de financement dans le cadre de l'apurement des comptes du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (F.E.O.G.A.).

Dans sa réponse, le ministre confirme le rejet de la demande de prime et insiste sur la prééminence des contraintes communautaires, lesquelles, à l'inverse des textes réglementaires nationaux, ne souffrent aucune dérogation pour permettre une décision en équité.

Pourra-t-on encore faire appel à cette notion de justice naturelle et de de générosité dans l’Europe qui se construit ?

Pour ma part, je suis avec beaucoup d'attention les questions relatives au respect de la réglementation communautaire et aux assouplissements nécessaires à son application. J'ai d'ailleurs participé à une réunion à Bruxelles à ce sujet.

Médecine sans frontière en Europe


C.P.A.M. - Soins médicaux à l étranger
Réclamation n° 88-2289 transmise par M. Jacques Chirac, ancien Premier ministre, député de la Corrèze

Mme R. consulte un médecin et engage des frais médicaux durant ses vacances en Espagne.

L'intéressée a omis, par ignorance, de se munir d'un formulaire EIII, délivré par les caisses d'assurance maladie. L'aurait-elle fait, qu'elle devait, dès son arrivée, présenter ce document à la direction provinciale de l'institution espagnole de sécurité sociale de son lieu de résidence, pour se voir remettre un carnet à souches de soins de santé dans l'éventualité où elle aurait à consulter... Tout le monde connaît bien cette procédure d'une simplicité si évidente...

A son retour, Mme R. demande le remboursement de ses dépenses auprès de la Caisse primaire d'assurance maladie (C.P.A.M.).

Cet organisme, en l'absence des imprimés exigés, s'en tient alors aux textes ; il demande à son homologue espagnol la tarification des actes médicaux et s'enquiert du caractère d'urgence de ceux-ci.

Près d'un an plus tard, la caisse informe Mme R. du rejet de sa demande de prise en charge sous le motif que l'organisme espagnol compétent n'avait pas estimé que les soins concernés revêtaient un caractère d'urgence.

Mme R. conteste cette décision et me fait transmettre son dossier. J'interviens auprès du directeur de la C.P.A.M. et lui expose que si l'intéressée s'était munie du formulaire EI I l avant son départ, le remboursement de ses dépenses de santé n'aurait pas posé de problème... Elle ne devrait donc pas être pénalisée pour n'avoir pas été informée des démarches à accomplir avant son départ.

Le remboursement qu'elle sollicitait est accordé, à titre tout à fait exceptionnel, à Mme R.

Cette affaire montre que la feuille de soins n'est pas encore un acte unique européen mais je garde bon espoir que des réclamations de ce type n'auront plus lieu d'être à partir de 1993 (et pourquoi pas avant cette date ?).

Fiscalité et Europe


Impôts sur le revenu - Résident à l'étranger
Réclamation n° 88-2365 transmise par M. André Bohl, sénateur de la Moselle

M. V., enseignant français exerçant en France (Moselle), est domicilié en République Fédérale d'Allemagne, à quelques kilomètres de la frontière.

Il perçoit un salaire de l'Éducation nationale, sur les mêmes bases et selon les mêmes modalités que ses collègues français enseignant en France. Or il est imposé au titre de ces revenus de source française, non à raison du barème général de l'impôt sur le revenu, mais selon le régime dit de " la retenue à la source ", applicable aux résidents étrangers.

M. V. a contesté devant le tribunal administratif la légalité de cette imposition forfaitaire, estimant qu'au plan du droit, malgré sa domiciliation en R.F.A., il remplissait toutes les conditions pour être assujetti à l'impôt sur le revenu selon le barème progressif. Par un jugement en date du 24 novembre 1983, le tribunal a reconnu, eu égard aux dispositions de la loi fiscale prévues pour les personnes résidant à l'étranger, le bien-fondé de sa demande et prononcé la restitution de la retenue à la source litigieuse.

L'administration fiscale française a donc émis, par voie de rôle supplémentaire, les cotisations d'impôt sur le revenu correspondantes, calculées par application du barème d'impôt sur le revenu des années concernées.

Toutefois, les services du Trésor public ont considéré que l'émission tardive de ces impositions devait s'accompagner d'une majoration de 10 %. Au surplus, malgré ses démarches, M. V. ne parvient pas à obtenir la restitution totale des sommes versées au titre de la retenue à la source et dont la décharge a été prononcée par le juge de l'impôt en première instance. Le fait que l'administration a fait appel de cette décision devant le Conseil d'Etat explique sans doute ces réticences.

Le Médiateur a demandé, d'une part, au Trésor public la remise des majorations de recouvrement car M. V. ne pouvait être tenu pour responsable de l'émission tardive des rôles d'impôt sur le revenu établis à son nom et, d'autre part, à la direction des impôts l'exécution intégrale de la décision de justice rendue, dès lors que l'appel n'a pas d'effet suspensif.

En réponse, l'administration m'a fait savoir qu'elle accédait à ma demande sur ces deux points.

Frontière et fiscalité


Régime fiscal - Travailleurs frontaliers
Réclamations n° 88-3743 et 88-3744 transmises par M. Bernard Schreiner, député du Bas-Rhin

Quiconque aurait la possibilité de choisir le régime fiscal auquel il sera soumis, opterait bien naturellement pour celui qui se montrerait le moins exigeant à son égard. Faut-il dès lors s'étonner que le législateur ne laisse pas une telle liberté au contribuable ?

C'est ainsi que la convention fiscale franco-allemande prévoit que les salariés habitant dans la zone frontalière de l'un des Etats et travaillant dans celle de l'autre Etat ne sont imposables que dans l'Etat de leur domicile. Un règlement du Conseil de la Communauté économique européenne a fixé la profondeur de la zone frontalière à 20 km de part et d'autre de la frontière commune. Au-delà de cette limite de 20 km, les salariés sont imposables, selon le régime de droit commun, dans le pays où ils perçoivent leur revenus, donc là où ils travaillent.

La fiscalité directe en R.F.A., qui ne prend pas en compte les abattements concernant la situation de famille et les investissements réalisés par les contribuables, est plus pesante qu'en France. Dès lors, ce qu'il faut bien appeler une fraude avait tendance à se répandre dans les régions frontalières de la part de contribuables français qui déclaraient un domicile fictif dans la zone frontalière des 20 km, alors qu'ils habitaient en réalité en France plus loin de la frontière, cela afin de payer l'impôt au fisc français plutôt qu'au fisc allemand.

Les services allemands, après une période de tolérance, s'en sont émus et ont multiplié les contrôles. C'est ainsi que MM. R. et M. se sont vu adresser un rappel, calculé à compter de 1983, et correspondant à la différence entre l'impôt dû selon les règles allemandes et les sommes qu'ils ont versées au fisc français. L'administration allemande s'est toutefois montrée indulgente en proposant aux intéressés de n'acquitter que le tiers de cette différence, le second tiers devant être payé par l'employeur et remise gracieuse étant faite du tiers restant.

Les intéressés ont protesté auprès du Médiateur, réclamant leur imposition selon le régime français.

Mais le Médiateur n'a pu que constater qu'en droit, l'administration allemande avait fait une exacte application des conventions en vigueur entre nos deux pays et que, sur le plan de l'équité, elle avait eu le souci de ne pas infliger aux intéressés une imposition insupportable.

Toutefois, les situations de MM. R. et L. ont fait apparaître un problème particulier, relevé d'ailleurs fort justement par le délégué départemental du Bas-Rhin. Dans des cas de ce genre, où l'imposition en Allemagne est d'autant plus élevée que l'intéressé ne bénéficie d'aucun abattement lié à la famille, à l'habitation ou à l'investissement, et qu'il est considéré par le fisc allemand comme célibataire, les conséquences de la législation actuelle peuvent être lourdes pour le Français travaillant en Allemagne. Des conversations franco-allemandes se poursuivent d'ailleurs pour amender la convention fiscale. Cela explique probablement le souci manifesté par les fonctionnaires allemands qui ont traité les dossiers de MM. R. et L. sans excès de rigueur.

Dans l'hypothèse contraire, quelle démarche le Médiateur aurait-il pu entreprendre ?

La loi de 1973 énumère limitativement les administrations ou services publics dont il peut contester les décisions : il ne lui appartient donc pas d'intervenir auprès d'une administration étrangère, fût-ce au profit d'un de nos compatriotes.

En revanche, rien ne l'empêche, dans le cadre des bonnes relations qu'il a nouées avec les Ombudsmen, notamment ceux de la Communauté européenne, de saisir d'un tel cas son homologue allemand afin de lui demander d'user de son influence pour rechercher une solution équitable au dossier. Cela bien sûr à charge de revanche, car il arrive aussi au Médiateur d'être sollicité par tel de ses collègues européens soucieux d'obtenir la solution d'un litige opposant l'un de ses compatriotes à une administration française.

LE BILAN DE L'ANNEE

1- Les réclamations


Le nombre de dossiers reçus à la Médiature a poursuivi sa croissance régulière. En 1989,18 000 personnes ont eu recours au Médiateur de la République, soit au niveau de la Médiature, soit à celui des délégués départementaux.

Toutes ont reçu une réponse utile à leurs démarches : information, orientation, conseil, médiation.

La plupart de ces dossiers ont été examinés par mes délégués départementaux qui, saisis sans formalités, ont pu réagir rapidement et efficacement à chaque demande des citoyens. Ainsi, en 1989, près de 14 000 réclamations ont pu être traitées localement. Les interventions des délégués sont en augmentation de plus de 12 % par rapport à celles enregistrées l'an dernier. Cette progression s'explique par une meilleure connaissance de l'existence et du rôle des délégués départementaux. Un chapitre du présent rapport leur est par ailleurs consacré.

Encore beaucoup de saisines directes

Les affaires les plus complexes ont été transmises à la Médiature par les parlementaires, Le nombre de dossiers reçus à la Médiature a augmenté de 3,3 % en 1989 par rapport à 1988. Une progression est inévitable, car le Médiateur est une institution de plus en plus connue. L'important est que l'augmentation d'activité soit conciliable avec les gains de productivité. Cela a été le cas bien que la difficulté moyenne des affaires transmises au Médiateur augmente elle aussi.

Il n'en demeure pas moins que beaucoup de réclamants ont du mal à se plier à la procédure de saisine du Médiateur, puisque encore 17 % des réclamations lui sont présentées directement. Comme la loi doit être respectée, les saisines directes ne sont pas instruites officiellement, sauf urgence et cas exceptionnel. Néanmoins, lorsque le litige ressortit bien à la compétence du Médiateur, il est conseillé au correspondant de prendre l'attache d'un parlementaire de son choix, tandis que l'étude de l'affaire est entreprise sans délai. Dans le cas où il s'avère que la constitution régulière du dossier de réclamation présente des difficultés, les coordonnées du délégué départemental lui sont communiquées

Beaucoup de litiges transmis directement ne relèvent pas de ma compétence. Ils ne sont pas, pour autant, rejetés purement et simplement. I1 est d'abord précisé clairement au correspondant les raisons pour lesquelles le Médiateur ne peut intervenir puis, toutes les fois que cela est possible, des informations et conseils sont joints sur les démarches que le réclamant peut accomplir pour la solution de ses difficultés.

A titre d'exemple de cette catégorie de réclamations, on peut citer le cas des personnes qui se sont endettées à l'occasion d'opérations immobilières et qui ne peuvent assumer leurs engagements de remboursement, par suite de chômage ou de la stagnation de leurs revenus. Le Médiateur les informe sur les possibilités de renégociation des conditions du prêt immobilier et les mesures prises en ce domaine par les pouvoirs publics.

Répartition par secteurs administratifs

La répartition des réclamations par secteurs administratifs demeure à peu près constante. C'est un phénomène que l'on observe depuis que l'institution a été mise en place. Les litiges touchant au domaine social demeurent les plus nombreux. C'est normal, compte tenu des préoccupations des gens concernant les problèmes de l'emploi, de la santé et partant pour les différentes formes de protection sociale.

En 1989, les délégués départementaux ont étudié 14 000 réclamations et ont obtenu la révision de plus de IO 000 décisions. Dans le même temps, près de 4 000 dossiers de réclamations ont été clos à la Médiature.

Parmi ces derniers, outre les saisines directes déjà évoquées, 8 % ont été refusés pour absence de démarches préalables de la part du réclamant auprès des administrations intéressées Conformément à la loi, il convient d'inciter les personnes en litige avec l'administration à commencer par essayer de régler elles-mêmes directement leur problème avec les autorités compétentes. Le rôle du Médiateur consiste seulement à suppléer la faiblesse des moyens dont dispose le réclamant pour se faire entendre après avoir essuyé un refus administratif. De même que l'intervention du Médiateur ne se justifie que si, au vu du dossier, il apparaît que l'administration a mal fonctionné ou que tout en étant légale, sa décision a entraîné des conséquences inéquitables.

Litiges d'ordre privé

Le Médiateur est encore saisi de litiges d'ordre privé dont il ne peut connaître. A titre d'exemple, je citerai la requête d'une personne demandant l'annulation des opérations menées dans le cadre d'une offre publique d'achat - O.P.A. - suivie d'une offre publique d'échange-O.P.E.-portant sur les actions d'une société au sein de laquelle elle possédait d'importants intérêts. Elle se plaignait des modalités d'appropriation par la tierce société et estimait avoir ainsi été lésée. Il s'agissait là, bien évidemment, d'une affaire mettant aux prises des intérêts privés et qui, de ce fait, ne ressortissait pas au champ de compétence du Médiateur.

Les dossiers de cette nature sont néanmoins en notable diminution par rapport à l'an dernier. Cela tient essentiellement au fait que les parlementaires connaissent de mieux en mieux la compétence du Médiateur et qu'ils procèdent au " tri " des réclamations.

Il faut encore, pour que le Médiateur intervienne, que l'administration soit en faute. Tous les dossiers sont l'objet d'une étude approfondie. Il n'est pas rare que les réclamants se méprennent sur leurs droits. En conséquence, le Médiateur n'est intervenu en faveur de réclamants que dans 40 % des cas où leur demande était recevable. Mais la réponse du Médiateur à ces réclamants mal inspirés leur permet de mieux connaître les raisons de la décision qu'ils ont critiquée; d'avoir le sentiment que quelqu'un d'impartial et de compétent a examiné leur situation avec attention. Cela suffit généralement à persuader le réclamant qu'il n'est pas victime d'une injustice. La qualité des rapports entre administration et usagers en est préservée et parfois améliorée.

Les emprunts russes

C'est ainsi que je ne suis pas intervenu en faveur d'un porteur de titres d'emprunts russes qui se plaignait que l'Etat français ne fît rien pour en obtenir le remboursement auprès de 1'U.R.S.S. alors que le Gouvernement de Sa Majesté britannique avait conclu un accord tendant à l'amortissement partiel, à hauteur de IO % environ, des titres détenus par les ressortissants du Commonwealth. Mais j'ai démontré au réclamant qu'il n'y avait pas de défaillance de la part du Gouvernement français face à la détermination des Soviétiques de ne pas rembourser les emprunts émis par les tsars. En effet, l'attitude de la Grande-Bretagne conciliante pour les porteurs d'emprunts russes n'était, en fait, que la concrétisation d'un accord de compensation : le remboursement des emprunts russes étant gagé sur le maintien en Grande-Bretagne des avoirs importants déposés par la famille impériale dans une banque de la City et dont 1'U.R.S.S. réclamait toujours le remboursement depuis 1917. Malheureusement pour les porteurs français, une telle opportunité ne s'est pas présentée à notre pays.

La discrimination, à laquelle le Médiateur s'astreint, entre les affaires plaidables et celles qui ne méritent pas de déranger l'administration, explique que plus des quatre cinquièmes de ses interventions soient couronnées de succès.

2- Les propositions de réformes


Les réformes proposées par le Médiateur de la République ont pour objectif principal de prévenir les contentieux, de simplifier les procédures, d'améliorer les rapports quotidiens des usagers avec les services publics .C'est d'ailleurs de cette façon que ces propositions sont comprises par le ministre chargé des réformes administratives dont les collaborateurs animent les réunions interministérielles d'instruction.

Deux de ces propositions illustrent les progrès qu'il est possible de faire dans la perspective des orientations tracées par le Premier ministre: la première montre la nécessité d'adapter les procédures à la réalité des conditions de vie des administrés; la seconde évoque la nécessité et les difficultés de la simplification administrative.

L'aménagement des règles de solidarité fiscale entre les locataires et les propriétaires (FIN. 89.01)

L'article 1686 du Code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur jusqu'à la fin de 1989, prévoyait que le propriétaire pouvait être tenu d'acquitter la taxe d'habitation due par son locataire ayant quitté les lieux, que ce départ soit intervenu à l'expiration du bail ou en cours d'exercice, ou même de façon furtive à l'insu du propriétaire. Pour échapper aux conséquences de cette solidarité, le propriétaire devait informer le percepteur du départ de son locataire. Mais il disposait pour cela d'un très court délai : trois jours dans le cas normal, huit jours s'il s'agissait d'un déménagement furtif. Il est apparu cependant, à l'usage, que la procédure mise à la disposition du propriétaire ne lui permettait pas de dégager sa responsabilité en raison de l'impossibilité d'accomplir les formalités prévues dans le délai fixé. Il convenait de revoir ce délai.

C'est l'objet de la proposition FIN. 89.01 qui tient compte, notamment, de la distance géographique qui peut séparer le lieu de résidence du propriétaire et celui du local loué, et de la nature des relations moins directes et plus épistolaires de nos jours. La responsabilité du propriétaire est en effet dégagée à la condition qu'il ait demandé et, si possible, obtenu de son locataire, un mois avant la date du déménagement, une quittance de la taxe d'habitation. Or, selon l'article précité, et à partir de cette date, le propriétaire ne disposait que de trois jours pour accomplir l'ensemble des formalités : contact avec le locataire pour lui demander la quittance, démarche auprès du percepteur pour obtenir la quittance, transmission de la quittance, information du percepteur si la quittance n'est pas fournie ou parvenue. Ce délai de trois jours est évidemment insuffisant lorsque tous les acteurs (propriétaire, locataire, percepteur) ne résident pas dans la même localité. En outre, il n'est pas toujours facile pour le propriétaire d'obtenir du locataire la quittance de la taxe d'habitation ; cela dépend des relations entre les personnes et la démarche peut échouer. Par ailleurs, il peut paraître délicat de demander à une personne privée de vérifier elle-même la régularité de la situation d'une autre personne vis-à-vis du fisc. Enfin, il peut ne pas y avoir de quittancement possible pour l'année en cours si le déménagement a lieu avant l'envoi de l'avis d'imposition, ni même pour l'année antérieure si le locataire n'était pas dans le local au 1er janvier de ladite année En cas de déménagement furtif, ce délai est certes porté de trois à huit jours, mais il est bien évident qu'un propriétaire éloigné peut, dans ce délai, ne pas avoir été informé de ce départ; comment pourrait-il en aviser le percepteur ?

C'est pourquoi il a semblé opportun que ce délai, de trois ou huit jours selon les cas, soit uniformément porté à un mois.

Cette mesure devrait par ailleurs s'appliquer à l'article 1687 du Code général des impôts qui règle de manière identique le sort de la taxe professionnelle. Cette extension des délais, sans incidence financière, est de nature à améliorer les relations entre le fisc et les propriétaires malchanceux. La mesure préconisée s'inscrit dans le cadre plus général des solidarités face à l'impôt. Ce sont des problèmes qui sont fréquemment évoqués et il est heureux qu'une solution favorable ait été trouvée pour, au moins, une situation particulière.

Le ministre du budget s'était engagé à réaliser la réforme demandée à l'occasion de la plus prochaine loi de finances. C'est ainsi que la loi de finances rectificative pour 1989 a porté les délais prévus par les articles 1686 et 1687 du Code général des impôts à un mois et trois mois. Voici une modernisation de la législation qui s'imposait.

Simplification des formalités administratives du vote par procuration (INT. 89.01 )

Les documents nécessaires au vote par procuration sont établis dans les tribunaux d'instance, dans les commissariats et dans les gendarmeries. Ils se présentent sous la forme de trois volets cartonnés détachables signés par l'autorité enregistrant la procuration. Un volet est conservé par le mandant. Les deux autres volets sont adressés en recommandé, l'un au mandataire et l'autre à la mairie du bureau de vote.

Cette procédure présente plusieurs inconvénients. En premier lieu, l'obligation de remplir ces trois volets qui comportent les mêmes renseignements est fortement consommatrice de temps, aussi bien pour le citoyen que pour les agents des services publics. D'autre part, cette triple inscription de renseignements comporte inévitablement des risques d'erreurs qui peuvent rendre la procuration inutilisable. Enfin, les volets transmis au mandataire et à la mairie du bureau de vote circulent à découvert. Cela altère le degré de confidentialité que l'on peut attendre d'un service public. Circulent ainsi au vu et au su de chacun de ceux qui manipulent ces documents des renseignements privés sur la profession, l'adresse, l'âge du mandant et du mandataire, sur les relations et sur les affinités politiques qui existent entre le mandant et le mandataire, sur l'absence présumée du mandant de son domicile au jour du scrutin.

Pour toutes ces raisons, il m'a paru souhaitable de rechercher un système qui soit plus pratique et qui garantisse mieux la confidentialité dans la transmission des informations. A cet égard, j'ai suggéré l'utilisation de liasses de feuillets autocopiants pour répondre à ces préoccupations. Ces feuillets mis au format standard A 4 (210 mm x 297 mm) pourraient être repliés et clos grâce à une bande gommée avant d'être remis au service postal pour leur acheminement. On peut souhaiter que la période qui s'ouvre et pendant laquelle il ne devrait pas y avoir de consultations électorales nationales soit mise à profit pour conduire à son terme cette proposition.

L'instruction de cette proposition, qui avait été suggérée par un délégué départemental, a permis de découvrir qu'elle avait déjà retenu l'attention des pouvoirs publics. Elle avait même fait l'objet d'un arbitrage favorable en 1988, consigné dans un relevé de décisions établi par le Secrétaire général du Gouvernement. Il semblerait qu'elle rencontre des réticences et je crains de ne pas pouvoir obtenir la concrétisation de ce projet.

Au-delà des deux propositions de réforme développées ci-dessus, il convient de se reporter, en annexe, à l'énumération de l'ensemble des propositions qui ont été examinées au cours de l'année 1989

Toutefois, certaines d'entre elles méritaient d'être exposées de façon détaillée. Aussi figurent-elles à la suite du présent chapitre. Les propositions acceptées au cours de l'année écoulée ont été distinguées de celles qui, formulées en 1989, sont actuellement en cours d'étude.

a) Propositions de réformes acceptées en 1989

AGP 89-04 (23.10.89)


Modalités d'accès par concours externe au corps des secrétaires de chancellerie. Une épreuve facultative portant sur le traitement automatisé de l'information a été instituée en 1986 " dans tous les concours d'accès aux emplois de la fonction publique de l'Etat ". L'application de cette mesure au concours d'accès au corps des secrétaires de chancellerie a eu pour effet de désavantager les candidats qui, ayant choisi l'option informatique du concours, n'avaient pas accès à cette épreuve facultative : leurs concurrents de l'option générale pouvaient subir deux épreuves facultatives, eux une seule. Afin de rétablir l'équilibre des chances entre les candidats, le ministre des affaires étrangères a signé, en date du 4 décembre 1989 conjointement avec le ministre de la fonction publique, un arrêté disposant que les candidats de l'option informatique pourront subir une seconde épreuve facultative portant sur une matière non choisie à l'épreuve orale d'admission.

Las ! Le 6 décembre 1989 soit deux jours après, un autre arrêté du ministère de la fonction publique a introduit les mêmes inégalités dans l'organisation des épreuves du concours ouvert pour l'emploi de contrôleur de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Cette anomalie a été signalée au ministre afin qu'il prenne les mesures nécessaires pour remédier à cet état de choses.

ED 88-02 (24.10.88)


Amélioration des conditions d'inscription dans les universités. Les guichets resteront ouverts au moins une journée après la proclamation des résultats définitifs du baccalauréat, toutes séries confondues afin de permettre aux bacheliers ayant subi les épreuves du second groupe d'obtenir une inscription dans les mêmes conditions que leurs camarades admis dès le premier groupe d'épreuves.

ED 88-03 (27.06.88)


Restitution des originaux des diplômes. Les chefs d'établissements d'enseignement supérieur sont en droit d'exiger la présentation des originaux, mais ils doivent désormais les restituer à leurs titulaires et se contenter d'en conserver une photocopie au dossier.

ENV 89-01 (1 5.03.89)


Publication au Journal officiel du rapport de présentation des décrets. Accord de principe du secrétaire d'État chargé de l'environnement pour mieux expliquer la finalité des textes réglementaires pris à son initiative.

ENV 89-02 (23.08.89)


Développement des sigles utilisés dans les actes réglementaires publiés au Journal officiel. A la suite d'un cas précis signalé par le Médiateur et qui a justifié la publication d'un arrêté modificatif, le secrétaire d'Etat chargé de l'environnement a dû rappeler à ses services les règles rigoureuses fixées en la matière par la circulaire du Premier ministre en date du 21 mai 1985 .

FIN 87-05 (22.12.87)


Indemnisation des victimes d'accidents de la circulation occasionnés par des véhicules dispensés de l'obligation d 'assurance (véhicules de l'Etat). Par une circulaire en date du 30 décembre 1988, le Premier ministre a rappelé aux divers départements ministériels leurs obligations à l'égard de ces victimes et donné des instructions précises et détaillées de nature à faciliter et à accélérer les procédures d'indemnisation.

JUS 88-01 (14.02.88)


Décès ayant motivé l'ouverture d'une enquête ou d'une information pour recherche des causes de la mort, Désormais, le procureur de la République notifiera, dans tous les cas, au plus proche parent du défunt, la décision de classement sans suite ou d'engagement des poursuites prise à l'issue de l'enquête ou de l'information.

JUS 88-03 (24.08.88)


Amélioration de l'information des héritiers en ce qui concerne leurs obligations vis-à-vis de l'administration fiscale: délais impartis en matière de déclaration de succession et de déclaration des derniers revenus du défunt et pénalités encourues en cas de non-respect de ces délais. Recommandations adressées en ce sens au Conseil supérieur du notariat et mise à la disposition du public, dans les mairies, d'un dépliant d'information.

PRM 86-05 (30.01.86)


Amélioration des conditions de fonctionnement des commissions de réforme compétentes à l'égard des fonctionnaires, Une circulaire du ministre de la fonction publique a pris en compte un certain nombre de préoccupations du Médiateur concernant la préparation des dossiers par les administrations, la fréquence des réunions des commissions, le délai de traitement des dossiers et les aménagements de nature à accélérer la procédure.

PRM 88.05 (24.02.88)


Levée de l'anonymat des signataires des correspondances administratives. Le Premier ministre a rappelé, dans sa circulaire du 23 février 1989 relative au renouveau du service public, la nécessité de poursuivre " sans relâche " l'effort de personnalisation des relations entre les agents publics et les usagers: sur toute correspondance administrative doivent figurer le nom de l'agent responsable du dossier, l'adresse de son service, le numéro de téléphone.

RAG 89-01 (20.04.89)


Publication au Journal officiel des modèles d'imprimés approuvés par voie réglementaire. Cette proposition a abouti à des résultats limités, mais non négligeables : indication dans les arrêtés d'homologation et en liaison avec le C.E.R.F.A. (Centre d'enregistrement et de révision des formulaires administratifs) de la finalité des imprimés et des lieux où il est possible de se les procurer, attention portée à la publication des imprimés concernant l'ensemble des citoyens, publication des modèles de formulaires dont l'émission est déconcentrée, communication au C.E.R.F.A., par les soins du secrétariat général du Gouvernement, des imprimés joints aux arrêtés d'homologation n'ayant pas fait l'objet d'un enregistrement par le Centre.

STR 87-13 (27.06.87)


Indemnisation pour perte d'emploi des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités et organismes publics. Application à ces agents, dans son intégralité, du régime adopté par les partenaires sociaux pour le secteur privé, en particulier en matière de contrat à durée déterminée et de départ volontaire considéré comme légitime.

STR 88-07 (09.08.88)


Modalités de remboursement des sommes indûment perçues par les administrés. Précisions obtenues sur divers points: notification du montant, motivation de la décision, délai ouvert à l'intéressé pour présenter ses observations, échéancier de remboursement, possibilités de recours et de remises gracieuses.

TRP 87-01 (13.04.87)


Transformation d'un permis de conduire obtenu à l'étranger. Un arrêté assouplissant la réglementation en vigueur en ce domaine a été pris par le ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports, avec l'accord du ministre des affaires étrangères et après avis favorable de la Commission des Communautés européennes.

b) Propositions de réformes a l'étude

FIN 89-04 (20.04.89)


Règlement des conflits entre régimes d'assurance pour la couverture sociale des exploitants agricoles (assurance maladie d'une part, et assurance accident ou maladie professionnelle d'autre part). A la demande du Médiateur, le ministre de l'économie, des finances et du budget a fermement rappelé aux responsables des organismes assureurs qu'il appartient au régime saisi, dès réception de la feuille de soins ou du certificat médical établissant la présomption d'origine de l'atteinte, de verser à titre provisionnel la totalité des prestations et, en cas de contestation de l'origine (morbide ou accidentelle) de l'affection, de former un recours amiable ou judiciaire contre l'autre assureur. L'assuré doit être couvert dès le premier jour et n'est, en aucun cas, partie au litige. Le ministre de l'agriculture, quant à lui, a lancé une enquête à ce sujet auprès de ses services régionaux. Ses résultats ont révélé plusieurs difficultés qui justifient qu'une mise au point soit faite dans le courant du printemps par circulaire interministérielle.

FIN 89-07 (08.08.89)


Extension du régime des déductions fiscales pour l'aide apportée à certaines catégories de personnes âgées. Le ministre du budget s'est d'ores et déjà déclaré opposé à toute extension de ces avantages fiscaux aux contribuables qui apportent leur soutien à des personnes à l'égard desquelles ils n'ont pas d'obligation alimentaire. Le Médiateur comptait néanmoins sur la coopération du ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale et du ministre chargé des personnes âgées pour que sa proposition soit prise en considération et fasse l'objet d'un examen approfondi. Cette coopération ne lui a pas été apportée. Il appartiendra au ministre des réformes administratives de trancher dans ce débat ou de demander l'arbitrage du Premier ministre.

FIN 89-08 (08.08.89)


Détermination du quotient familial des contribuables mariés lorsqu'un conjoint est invalide et l'autre titulaire de la carte du combattant. Le Médiateur considère que, dans ce cas, l'avantage d'une demi-part supplémentaire créé par la loi de finances 1988 en faveur des titulaires de la carte du combattant devrait pouvoir être cumulé avec le même avantage prévu par l'article 195 du code général des impôts pour les titulaires d'une pension d'invalidité. Là encore, le Médiateur compte sur les ministres " sociaux " pour faire revenir le ministre du budget sur son refus ou sur un arbitrage du ministre des réformes administratives ou du Premier ministre.

FIN 89-09 (23.10.89)


Institution d'une procédure de prédétermination du statut d'entreprise nouvelle et de ses conséquences fiscales. Le statut d'" entreprise nouvelle " entraîne, pour l'entreprise qui en bénéficie, des allégements fiscaux très substantiels durant ses cinq premières années d'activité. La certitude de son attribution est donc, pour des créateurs éventuels, un élément déterminant pour élaborer le montage financier de leur projet. Or la reconnaissance de ce statut obéit à des règles fort complexes, mettant en cause de nombreux éléments (statut juridique, nature de l'activité, composition du capital...) et, à l'heure actuelle, seule fonctionne, en quelque sorte, une procédure de " disqualification ", qui se traduit souvent par de sévères redressements fiscaux.

Le Médiateur a donc proposé au ministre de l'économie, des finances et du budget, la mise en place d'une procédure de prédétermination du statut fiscal des entreprises nouvelles. Cette procédure devrait, selon lui, être examinée en liaison avec la Commission pour la simplification des formalités incombant aux entreprises (COSIFORME) et avec le ministre chargé du commerce et de l'artisanat, après consultation des assemblées permanentes des chambres des métiers et des chambres de commerce et d'industrie.

FIN 89-10 (15.11.89)


Conséquences de l'absence de réponse de l'administration aux questions posées par les contribuables. Il arrive que des contribuables, préalablement à la rédaction de leur déclaration ou de tout autre acte, interrogent l'administration sur le traitement fiscal qui leur sera imposé et sur leur droit éventuel à faire valoir tel élément de leur situation (famille, revenu, patrimoine), compte tenu des éléments d'information qu'ils lui fournissent. L'absence de réponse écrite de l'administration peut les priver du bénéfice d'un droit ou les exposer à un redressement.

Le Médiateur suggère donc que l'administration soit tenue de fournir une réponse formelle au contribuable, dans un délai à fixer, et au-delà duquel son silence vaudrait acquiescement à l'interprétation donnée par le demandeur. Dès lors, un redressement ne pourrait intervenir que dans la mesure où l'administration démontrerait la non-conformité de la situation constatée lors du contrôle et des éléments d'information antérieurement fournis par le contribuable; il ne pourrait, en tout état de cause, être assorti d'aucune pénalité de retard, application étant faite de l'article 1732 du Code général des impôts.

URB 89-01 (13.01.89)


Vérification préalable de la conformité des permis de construire aux dispositions du Code du travail. Le Médiateur a eu connaissance de cas dans lesquels un permis de construire avait été délivré pour des bâtiments à usage industriel, agricole ou commercial non conformes à la réglementation du travail, notamment en ce qui concerne les ouvertures sur l'extérieur. Une concertation a eu lieu entre les représentants des ministères concernés et un accord de principe est intervenu pour faire figurer sur l'imprimé de demande de permis de construire une formule rappelant au constructeur qu'il doit respecter d'autres règles, et notamment les règles d'hygiène et de sécurité fixées par les codes du travail et de la santé. La direction de l'architecture et de l'urbanisme a rédigé le projet de nouvel imprimé qui sera mis en service dès cette année.

Affaires ayant suscité des propositions de réforme - cas significatifs

Les " pions " ne connaissaient pas la règle du jeu


Éducation nationale-Caisse primaire d'assurance maladie-Couverture sociale
Réclamation n° 86-3009 transmise par M. Maurice Arreckx, sénateur du Var.

En mai 1986, Mlle F., surveillante d'externat dans un collège, " pion " en langage de potache, est victime d'un accident du travail. Elle ne parvient pas à se faire rembourser les frais médicaux engagés en la circonstance.

La Caisse primaire d'assurance maladie considère que Mlle F. relève du régime des fonctionnaires et qu'il appartiendrait donc à l'inspection académique de prendre en charge les prestations relatives à un accident de service. Quant aux services de l'Education nationale, ils estiment qu' en raison de leur qualité d'agents non titulaires, les surveillants d'externat relèvent bien du régime général de la sécurité sociale.

Les deux administrations concernées me confirment chacune leur position. Au cours de l'instruction du dossier, j'apprends également que certaines académies considèrent les surveillants d'externat comme des personnels temporaires et, à ce titre, les affilient aux caisses de sécurité sociale pour tous les risques sociaux, tandis que d'autres les assimilent aux agents " non titulaires permanents " et ne cotisent pour eux que pour le premier risque (maladie-maternité-invalidité-décès), à l'exclusion des prestations familiales et des accidents du travail couverts par l'administration.

Il y a bien un problème de principe, ce qui est pour le moins étonnant pour une situation aussi banale. Je saisis donc le ministre de l'éducation nationale. Mais en attendant les résultats de l'étude qu'il ne manque pas de prescrire, il convient de régler le cas de Mlle F.

Observant que des cotisations " accidents de travail " ont été versées à 1'U.R.S.S.A.F., je propose à la Caisse primaire d'assurance maladie de régler le dossier de l'intéressée sans attendre. Ce qui sera fait... deux ans après l'accident de travail !

Par ailleurs, une proposition de réforme ED.89-01relative à la couverture sociale, en matière d'accidents du travail, des maîtres d'internat et des surveillants d'externat a provoqué une réaction positive du ministère de l'éducation nationale qui s'est traduite par une instruction applicable à l'ensemble des académies. L'Éducation nationale devrait désormais assurer la gestion des branches " accidents du travail " et " prestations familiales " de ses agents non titulaires, travaillant à temps complet et recrutés pour la durée de l'année scolaire. Les agents de cette catégorie ne devraient donc plus connaître les désagréments et les tracasseries administratives subis par Mlle F.

Des spécificités aux conséquences inéquitables


Assistance publique-Maladie professionnelle
Réclamation n° 87-181 7 transmise par M. Jean-Pierre de Peretti della Rocca, député des Bouches-du-Rhône.

Mme C., infirmière anesthésiste de l'Assistance publique, bénéficie d'un congé de longue durée pour une affection contractée en service. Elle souffre des suites d'une intoxication liée à l'utilisation d'un produit dangereux. Son congé est régulièrement prolongé depuis huit ans, durée maximum prévue en pareil cas par les statuts, ce qui montre bien la gravité de l'affection.

Aussi la commission départementale de réforme reconnaît-elle l'inaptitude absolue et définitive à l'emploi statutaire de Mme C. et lui accorde une invalidité de 70 %, admettant expressément l'imputabilité de sa maladie au service.

Pourtant, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (C.N.R.A.C.L.) rejette la demande de pension d'invalidité au motif que l'affectation n'est pas la conséquence de " faits précis " survenus dans l'exercice des fonctions de Mme C. Cette institution rappelle également qu'elle ne saurait être liée, en ce qui concerne la décision d'octroi d'une pension, par l'avis de la commission de réforme qui a reconnu l'invalidité !

La position de la C.N.R.A.C.L. repose sur les textes qui régissent l'institution et qui ne concernent donc que les seuls agents des collectivités locales. Ces dispositions ignorent la notion de maladie professionnelle telle qu'elle est prévue par le régime général de sécurité sociale. Il ne fait aucun doute que si Mme C. avait été affiliée à ce dernier régime, elle aurait obtenu le bénéfice d'une pension d'invalidité. Alors que pour la C.N.R.A.C.L., il faut établir un lien entre l'affection et un " fait précis et déterminé " survenu dans le service. Même s'il est difficile de comparer exactement des régimes fondamentalement différents, il me semble que, dans le cas présent, cette divergence est source d'iniquité.

J'expose mon sentiment au directeur général de la Caisse des dépôts et consignations qui gère la C.N.R.A.C.L., en lui faisant remarquer, en outre, que la réponse adressée par la caisse à l'intéressée n'était pas motivée comme devrait l'être toute décision défavorable. Si la C.N.R.A.C.L. refuse de suivre l'avis de la commission de réforme, encore faut-il qu'elle dise clairement et précisément pourquoi. Je demande à mon correspondant de rechercher une solution satisfaisante à la réclamation de Mme C, compte tenu de la situation difficile et douloureuse qui est la sienne.

Le conseil d'administration de la C.N.R.A.C.L. réserve sa décision en attendant le jugement du Tribunal administratif saisi par Mme C. Cette juridiction reconnaîtra les droits de Mme C. à une rente viagère d'invalidité servie par la C.N.R.A.C.L. Une heureuse conclusion mise à exécution très rapidement par la Caisse nationale de retraite qui avait pensé à faire appel de la décision rendue mais y a renoncé, se rangeant à mon souhait de rechercher l'équité dans cette affaire.

Afin de prévenir de nouvelles iniquités dans d'éventuelles affaires similaires, j'ai demandé qu'une réflexion soit menée à partir du cas présent. Une proposition de réforme (FIN 89-l ı) a été formulée, tendant à améliorer la procédure de mise à la retraite des agents relevant de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.

Quand une personne disparue doit être condamnée a payer une pension alimentaire


Direction régionale des affaires sanitaires et sociales - Allocation de soutien familial
Réclamation n° 88-2659 transmise par M. Jean Proriol, député de la Haute- Loire.

Lorsque la petite Sandrine naît en 1980, sa mère, très instable, n'assume pas ses responsabilités à son égard et disparaît d'ailleurs, peu de temps après, sans laisser d'adresse. La filiation paternelle de la fillette n'est pas établie. Les grands-parents de Sandrine, M. et Mme S., continuent à s'occuper d'elle comme ils l'ont toujours fait depuis sa naissance. La garde de l'enfant leur est légalement confiée en octobre 1983, par un jugement d'assistance éducative. Cette décision constate en outre l'insolvabilité de la mère qui n'a pu être retrouvée et accorde à M. et Mme S. le bénéfice de l'allocation de soutien familial.

Cette allocation, autrefois appelée " allocation d'orphelin ", est, dans le cas présent, versée aux grands-parents, mais avec un taux réduit du fait que l'un des parents existe et qu'il est supposé contribuer à l'entretien et à l'éducation de l'enfant. Elle pourrait toutefois être versée au taux plein s'il était avéré que la mère est défaillante et insolvable, ce que semble bien avoir constaté le jugement d'assistance éducative.

Aussi, lorsque M. et Mme S. sollicitent le versement de la prestation au taux plein, la Caisse d'allocations familiales accède-t-elle à leur demande. Cette situation qui satisfait le cœur et l'esprit, ne dure que quelques années. Au début de l'année 1988, la caisse relève que le jugement d'octobre 1983 n'imposait aucun versement de pension alimentaire à la mère de Sandrine. En l'absence d'obligation, aucun défaut de paiement ne peut être constaté et l'allocation n'est due qu'au taux réduit.

Après avoir réduit le montant de la prestation, l'organisme payeur conseille à M. et Mme S. d'introduire une instance afin que leur fille soit astreinte au versement d'une pension.

Cette procédure, toute théorique, n'emporte pas l'adhésion du juge pour enfants qui estime ne pouvoir, faute d'éléments d'appréciation suffisants, fixer à l'égard de la mère la moindre contribution.

Cette décision ne satisfait pas la Caisse d'allocations familiales qui maintient sa décision. Pourtant, si le juge avait seulement fixé à I F le montant de la pension, tout serait rentré dans l'ordre !

M. et Mme S., soutenus par le délégué départemental du Médiateur, entreprennent en vain de nombreuses démarches.

J'interviens à mon tour auprès du directeur régional des affaires sanitaires et sociales qui me confirme le bien-fondé, en droit, de la position prise par la Caisse d'allocations familiales. Aux yeux de l'administration, la mère de Sandrine, pourtant disparue depuis près de huit ans, est supposée vivante et présumée en mesure de contribuer aux besoins de l'enfant.

Cette réponse m'incite à saisir le ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale. Mon correspondant veut bien se ranger à mes arguments et donne des instructions pour que l'allocation versée aux grands-parents de Sandrine soit rétablie au taux plein. Ma satisfaction de voir aboutir ainsi cette requête est d'autant plus grande que le ministre, reconnaissant que la situation évoquée était particulièrement inéquitable, estime que des aménagements sont nécessaires pour l'équilibre même du dispositif concernant les allocations de soutien familial. Une lettre ministérielle donne des directives pour que les dossiers présentant quelque similitude avec celui de la présente réclamation soient examinés avec bienveillance.

D'ailleurs, peu de temps après, j'aurai à instruire une réclamation similaire (no 89-2648, transmise par M. Bernard Lefranc, député de l'Aisne). Il sera donné très rapidement satisfaction à mon intervention. Le directeur de la Caisse d'allocations familiales concernée me précisera, à cette occasion, que sa décision est fondée sur les dispositions de la circulaire ministérielle précitée.

Ce texte, qui introduit en somme une réforme spontanée de l'administration, fait référence à mon intervention précédente: " Elle est apparue nécessaire suite à une affaire dont m'a saisi le Médiateur... "

Un milliard de centimes pour se voir confirmer un droit de propriété


Commune-Expropriation
Réclamation n° 88-2944 transmise par M. Jean-Pierre Delalande, député du Val-d'Oise.

En 1960, une commune fait procéder à l'expropriation de trois parcelles de terrain contiguës. Ces terrains sont ensuite cédés à une société d'H.L.M. qui y édifie un ensemble.

Les propriétaires respectifs de chacune des trois parcelles introduisent un recours contre l'ordonnance d'expropriation. Suite à l'annulation de cette dernière, la Cour d'appel conclut en 1983 que les parcelles sont restées la propriété des requérants. Elle constate ainsi que la mutation au profit de la société d'H.L.M. n'aurait jamais dû avoir lieu, mais que cependant, la bonne foi de cette dernière ne saurait être mise en doute dans le déroulement de l'opération immobilière en cause. Par contre, la Cour déclare la commune et le notaire, à l'origine de la transaction avec la société d'H.L.M., responsables solidairement du préjudice subi par les requérants. Enfin, l'arrêt ordonne la restitution des terrains aux propriétaires d origine.

Mais conformément aux dispositions de l'article 555 alinéa 4 du Code civil, les intéressés doivent rembourser le coût actualisé des constructions érigées sur leurs terrains, au tiers évincé, en l'occurrence la société d'H.L.M., qui n'a pas été condamnée, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits.

En 1988, un nouvel arrêt de la Cour d'appel fixe les participations respectives des intéressés à 9 445 280 F, 6 447 264 F et 191 200 F. Contre paiement de ces sommes, les trois requérants recouvreraient leur terrain et deviendraient propriétaires d'une parcelle de logements H.L.M. et de parties communes. Malheureusement, la modicité de leur ressources rend impossible l'exécution de cette décision de justice. Tous sont en retraite et l'un d'entre eux fait observer que, durant toute leur vie de labour, ils n'ont jamais gagné les sommes qui leur sont aujourd'hui réclamées.

Que faire ? Ils ne sauraient obtenir que le terrain soit remis dans son état initial, ce qui exigerait de raser les logements qui y sont construits. Ce serait une absurdité. Tout aussi absurde est la situation découlant du jugement: les intéressés sont propriétaires du terrain mais pas des constructions. Ils vont jusqu'à envisager, si cela peut permettre de dénouer leurs difficultés, d'interdire toute circulation de personnes et de véhicules sur le sol de leurs propriétés restituées.

Finalement, il m'est demandé d'intervenir dans ce litige.

Il m'apparaît qu'effectivement, il y a eu un mauvais fonctionnement de l'administration, en l'espèce la commune, qui a procédé à une expropriation abusive. Il convient aussi de noter que par la suite, la démarche hasardeuse de la commune a été bien secondée par le concours d'un notaire qui a dressé un acte de cession des terrains à la société d'H.L.M. sans s'assurer que le vendeur en était légitimement propriétaire.

Certes les requérants ont de ce fait subi un préjudice. De plus, ils se heurtent à des difficultés pour obtenir la restitution entière de leurs terrains. Mais la Cour d'appel, par l'arrêt précité rendu en 1983, a condamné la commune et le notaire à payer solidairement à chacun d'entre eux, la somme de 150 000 F en réparation des préjudices.

Le montant de cette indemnité a été fixé par le juge. Même si les intéressés la trouvent insuffisante, je ne puis, en application de l'article 11 de la loi ayant institué ma fonction, remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle devenue définitive, car tel est le cas en l'espèce.

Sans doute appartient-il au Médiateur, en application du 2e alinéa de l'article 9 de la même loi, de recommander à l'administration des solutions permettant de régler en équité des situations où la stricte application des textes apparaît trop rigide. Mais ces prérogatives ne peuvent être utilisées que si la situation s'y prête. Or, dans le cas d'espèce, les plaignants ont été indemnisés, même si c'est trop peu à leur avis.

Je me suis donc trouvé dépourvu de tout moyen pour intervenir utilement dans cette affaire et, tout en étant sensible à l'amertume des intéressés, j'ai été contraint de procéder à la clôture de leur dossier.

Cette affaire m'a amené à formuler une proposition de réforme (URB 89-02) en vue de compléter l'article 555 du Code civil pour permettre une solution lorsque l'alinéa 4 ne peut être appliqué faute, pour le propriétaire, de pouvoir exercer l'une des deux options qui lui sont offertes (remboursement des immeubles construits ou du coût des matériaux et de la main-d'œuvre).

Par voie de justice, la propriété du terrain devrait être transférée au tiers qui a construit, et cela nonobstant l'annulation de l'ordonnance d'expropriation. Le propriétaire serait correctement indemnisé si les sommes allouées correspondaient à la valeur du terrain considéré dans son état initial, mais actualisée au jour du transfert et augmentée des fruits que le terrain, toujours dans son état initial, aurait rapporté durant la période de privation de jouissance. Bien entendu, cette indemnisation de base n'exclut pas que puissent s'y ajouter toutes sommes résultant des autres préjudices subis et que les tribunaux peuvent être amenés à évaluer.

L'alinéa 4 actuel donne au constructeur un avantage certain qui n'est pas équilibré, du côté du propriétaire du terrain, par une compensation financière satisfaisante, puisqu'il se trouve en fait dans l'obligation de renoncer à la jouissance de son droit de propriété, dans l'impossibilité où il se trouve de réunir les sommes nécessaires au dédommagement du constructeur.

Autant, dès lors, mettre un terme à son droit de propriété dans des conditions financières équitables. Le constructeur gardera, quant à lui la possibilité de se retourner contre celui qui lui a cédé un terrain dont il n'était pas propriétaire.

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