Année 1981


VIE DE L'INSTITUTION




L'année 1981 n'a pas été jalonnée -en apparence-, dans la vie intérieure de l'Institution, par des évènements aussi marquants que ceux de 1980 : Colloque sur le rôle du Médiateur, nomination d'un nouveau Médiateur, congrès international des Ombudsmans à Jérusalem.

En réalité, si l'évolution a été moins spectaculaire, elle a été, en profondeur, aussi essentielle. En raison à la fois des évènements politiques de premier plan intervenus dans le pays, et des mutations internes à la Médiation elle-même.

Après trois mois d'observation, le nouveau Médiateur a apporté au fonctionnement de ses services des modifications rendues indispensables d'une part par le départ du Délégué Général Monsieur Ravail qui a quitté ses fonctions le 1er janvier 1981 -et auquel un hommage très mérité a été rendu- d'autre part par la mise en place du Cabinet du Médiateur, composé de Messieurs Pierre Bracque, Directeur, et Jean-Pierre Pouzoulet, Chargé de Mission.

Par ailleurs, l'accroissement du nombre de dossiers reçus (passés de 4 000 en 1979 à 6 000 en 1980, et maintenus à ce rythme en 1981 malgré le " creux " de la période électorale et les changements importants survenus à l'Assemblée Nationale) incitait leur traitement plus rapide et plus efficace.

C'est donc sur deux plans que les méthodes de travail ont été réorganisées celui du personnel et celui de l'informatique.

Réorganisation au niveau du Personnel

L'organigramme a été ainsi modifié :

Médiateur : Robert Fabre
Directeur de Cabinet : Pierre Bracque
Chargé de Mission : Jean-Pierre Pouzoulet
Délégué (dossiers) : Pierre Poutout
Délégué (réformes) : Paul Ripoche (Monsieur Ripoche a cessé d'exercer ses fonctions à partir du 31 décembre 1981.)

Les Services fonctionnent selon les méthodes suivantes :

Le Médiateur (ou son Directeur de Cabinet) reçoit personnellement tous les dossiers soumis par un Député ou un Sénateur. Il en prend connaissance et annote éventuellement avant envoi dans les services d'études.

Les diverses sections sont placées sous la direction de Monsieur Pierre Poutout, Délégué du Médiateur, à qui incombe la responsabilité générale de l'instruction des dossiers et du bon fonctionnement des services de rédaction, de secrétariat et d'exécution.

Les sections, ayant chacune à sa tête un responsable, sont au nombre de cinq. Leurs spécialisations :
- Affaires Sociales
- Fiscalité
- Urbanisme et environnement
- Pensions
- Administration Générale-Justice-Agriculture

Dix-huit assistants, ayant tous une solide formation juridique générale, mais spécialisés (Ingénieurs de l'Equipement, contrôleurs du Trésor, etc.) se partagent la tâche écrasante d'étudier à fond les dossiers, d'intervenir, en demandant éclaircissements et précisions auprès des services concernés (Préfectures, Trésorerie Générale, Directions Départementales, etc.), demandant si nécessaire l'intervention du correspondant du Médiateur auprès du Ministre, ou la mise en oeuvre d'une enquête par l'Inspection Générale.

Ils peuvent aussi solliciter l'avis du Correspondant Départemental du Médiateur, bien placé pour connaître les origines de certains litiges locaux, organiser, avec l'accord du Médiateur, une table ronde autour d'un Préfet, ou encore décider l'envoi d'un expert attaché à l'Institution.

Ils doivent relancer les Administrations trop lentes à répondre, usant d'abord de tous les moyens de persuasion, préférant la recherche de solutions de conciliation à la menace de la recommandation voire de l'injonction (arme très rarement employée par le Médiateur).

Les rédacteurs ont aussi pour mission de détecter, dans les dossiers qu'ils étudient, les possibilités de réformes des textes et des comportements, et de faire toutes propositions qui seront examinées par les responsables du secteur Réformes et par le Médiateur.

En cas de "relance" par le parlementaire, justement impatient de voir une réponse rapide donnée à son correspondant, c'est Monsieur Pierre Bracque, Directeur de Cabinet, qui intervient directement pour accélérer les démarches et obtenir les réponses définitives.

Si un dossier apparaît trop complexe, trop délicat, l'un des Conseillers Techniques consacrant à temps partiel et de façon quasi-bénévole leur activité à la Médiation est consulté. Leur compétence, leur longue expérience, les relations créées au cours de leur carrière sont précieuses.

Certains dossiers débouchent parfois, malgré tout, sur une impasse, alors que le rédacteur chargé de l'affaire a le sentiment d'une iniquité.

Le Médiateur est alors lui-même alerté, et intervient personnellement pour obtenir une solution équitable.

Un effort de personnalisation des contacts, se substituant au système de simples échanges de notes, a permis une amélioration très sensible des rapports établis avec l'Administration. Dans ce même esprit des liens plus étroits se sont noués entre le Médiateur et les Correspondants désignés par les Ministres.

Un service des urgences, confié à Madame Bailly, à été mis en place, dont le rôle consiste à traiter les affaires qui ne souffrent aucun retard : menaces d'expulsions, famille en situation de catastrophe, entreprise prête à fermer ses portes...

Les délais d'intervention sont raccourcis, l'usage du téléphone étant alors la règle.

Lorsque, rapide ou lent (certaines affaires exigent encore des mois de correspondance !) le cheminement du dossier est achevé, la lettre de réponse définitive adressé au parlementaire est soumise au contrôle du Délégué Monsieur Poutout, avant d'être déposée sur le bureau du Médiateur. Celui-ci n'appose sa signature qu'après avoir vérifié à son tour les termes de la lettre réponse.

Réponse définitive ? Ce n'est pas sûr, car le "plaignant" n'est pas toujours satisfait du résultat obtenu, même si ses chances de succès étaient quasi nulles au départ... et il "exige" parfois au nom d'éléments d'informations nouveaux la réouverture d'un dossier déjà classé.

Cependant la nouvelle répartition des responsabilités (qui s'est effectuée avec l'accord du personnel, à la suite de réunions périodiques où sont examinées toutes les suggestions) a débouché sur un meilleur fonctionnement de l'Institution.

Le raccourcissement des délais de réponse est très net, du moins dans certains secteurs. Les urgences, les priorités font l'objet d'un traitement plus rapide. Le secrétariat et la dactylographie, plus sollicités encore, font face avec efficacité à la répartition et à la frappe d'un courrier plus abondant.

Perfectionnement de l'Informatique

Le Médiateur a recours à l'informatique pour gérer les dossiers qui lui sont transmis.

Cette informatisation répond à deux objectifs :

- améliorer la circulation des dossiers à l'intérieur de l'Institution,

- permettre au Médiateur et à ses services par un traitement systématique des informations reçues et produites d'avoir une meilleure connaissance de l'ensemble des dossiers traités.

Le Médiateur dispose d'un mini ordinateur CII 61 DPS.

Tout dossier peut être retrouvé instantanément suivant le nom du requérant, le nom du parlementaire et le numéro d'ordre donné dès l'arrivée du dossier dans les services.

Les dossiers font l'objet d'un numéro de code "dit vertical" faisant apparaître par ministère le problème juridique posé.

Toutes les informations concernant l'état d'avancement du dossier et les solutions retenues sont enregistrées et actualisées deux fois par jour ce qui permet à nos services d'avoir une connaissance précise et particulièrement fiable de la situation et de la localisation d'un dossier à chaque instant.

Depuis cette année, une nouvelle codification a été établie, destinée à permettre une identification des dossiers en fonction du type de défauts communs aux différentes administrations.

Cette nomenclature est une première esquisse d'une typologie de la "mésadministration".

L'informatique pour le Médiateur est un moyen important et déterminant pour mieux maîtriser ses propres informations et celles qui lui sont transmises.

Il ne faut pas occulter les problèmes qui subsistent :

- Insuffisance du personnel en nombre.

- Insuffisances des moyens, liée à une enveloppe budgétaire trop modeste.

Le premier de ces inconvénients étant tributaire du second.

Insuffisance du personnel en nombre :

Les moyens financiers ne permettant pas d'embaucher les quelques rédacteurs et assistants qui seraient indispensables à un meilleur rendement, il a fallu obtenir de certains Ministères la mise à disposition de fonctionnaires de haut niveau. Sans leur présence, la tâche du Médiateur serait difficile. Ces ministères ont fait preuve de compréhension en consentant à se séparer de collaborateurs de grande valeur pour les mettre au service de l'Institution. Leur connaissance parfaite des problèmes et des gens de l'Administration dont ils sont issus est précieuse. Elle a permis une sensible amélioration -par meilleure compréhension réciproque- des rapports entre Médiation et Administration.

Leur nombre reste cependant insuffisant. Quelques unités nouvelles (fonctionnaires ou contractuels) seront indispensables en 1982 pour assurer un bon fonctionnement de l'Institution.

Un équilibre indispensable doit être maintenu entre les assistants fonctionnaires et les assistants contractuels, ces deux sources de recrutement étant un facteur d'enrichissement et d'efficacité grâce au pluralisme des formations et des méthodes.

Insuffisance de moyens financiers :

Le Médiateur doit faire face à l'ensemble des dépenses de fonctionnement de l'Institution : chauffage, éclairage, téléphone, location du matériel informatique, achat du mobilier, de machines, de voiture, frais de déplacements etc...

Et surtout salaires et charges sociales...

Il disposera en 1982 de la somme globale de 6 118 000 Francs. L'accroissement de 16,50% correspond à l'imputation normale des traitements et salaires, plus un effort particulier en matière d'équipement informatisé.

Le budget et la gestion sont sous la responsabilité de Madame Catenazzi, qui a la tâche délicate de veiller aux nécessaires économies.

Le recrutement de quelques éléments nouveaux, une orientation nouvelle du traitement par ordinateur, la création d'un bulletin périodique, un accroissement du recours aux Correspondants Départementaux, exigerait une croissance -raisonnable mais supérieure- de la dotation dont bénéficie l'Institution.

Sans vouloir l'hypertrophier, ni lui faire perdre son "échelle humaine", il conviendrait de lui donner les moyens véritables de sa légitime ambition : faire mieux encore et plus vite.

Les "relations extérieures".

L'activité du Médiateur ne se déroule pas sous les feux des projecteurs de l'actualité.

Les caméras des télévisions, les micros des radios, les plumes des journalistes ont été sollicités au cours des douze mois de 1981 par des changements politiques profonds, par l'évolution -des problèmes économiques et sociaux, par l'activité d'un Parlement ayant mis les bouchées doubles... Sans oublier les dramatiques faits divers internationaux qui ont inquiété et endeuillé à Rome, à Washington, au Caire, au Salvador, au Nicaragua, en Pologne...

Les hommes politiques français, avant et après le 10 mai, date historique, ont largement occupé -rien de plus normal devant de la scène.

Le Médiateur, tenu à la réserve en raison des fonctions qu'il occupe, s'il n'a pas participé au débat électoral, n'en a pas moins continué sans relâche son activité quotidienne, tant en ce qui concerne l'étude des dossiers que l'élaboration des propositions de réforme.

En tenant compte, c'est évident, des changements de responsables et des changements d'orientation qui sont survenus depuis juin dernier dans les postes ministériels.

Réserve ne signifie pas inertie.

Dès la constitution de la nouvelle Assemblée, le Médiateur a pris contact avec les nouveaux élus -ils sont nombreux- par une lettre leur indiquant le processus de saisine de ses Services.

Des entretiens avec Messieurs George, directeur de la documentation et des études parlementaires à l'Assemblée et de son adjoint Monsieur Salomon ainsi qu'avec Monsieur Riquet du secrétariat de la Présidence du Sénat, ont permis, de mettre au point la collaboration qui doit s'instaurer entre ces services et ceux du Médiateur pour que les députés et les sénateurs soient opportunément orientés vers ce dernier.

Par ailleurs, il a demandé à tous les nouveaux Ministres (comme il l'avait fait avec les précédents) de désigner l'un de leurs collaborateurs, parmi les plus proches, comme correspondant ministériel du Médiateur.

Il a également demandé à être reçu par les Ministres et Secrétaires d'Etat, en particulier par ceux avec lesquels ses services sont fréquemment en rapport. Ces rencontres ont permis, dans une atmosphère cordiale, de fructueux échanges de vue.

Le Médiateur a été reçu à Matignon par Monsieur Pierre Mauroy premier Ministre, et à l'Elysée par Monsieur François Mitterrand, Président de la République, à qui il a exposé sa conception du rôle du Médiateur.

Au cours de l'année, il a établi des contacts avec le Conseil Economique et Social, avec les hauts responsables des Institutions avec lesquelles il est appelé à collaborer : Conseil d'Etat, Cour de Cassation, Cour des Comptes, avec la Commission nationale Informatique et Libertés, la Commission d'Accès aux Documents Administratifs.

Avec les Présidents et responsables de l'EDF-GDF, de la SNCF, des chaînes de télévisions, de Radio France...

Egalement avec des organisations syndicales ou de consommateurs...

Répondant à diverses invitations, il a : donné une conférence au Palais de Justice devant l'Institut de Formation des Droits de l'Homme du Barreau de Paris, à Liège, invité par l'Association des Ingénieurs de l'Ecole des Hautes Etudes commerciales de Liège ; participé à des divers débats organisés par des jeunes Chambres Economiques (Cholet), des Clubs de Rotary (Marseille, Rodez) ... etc...

Il a amorcé à Toulouse une série de contacts directs avec les Préfets de région, les Préfets des départements et des correspondants départementaux du Médiateur.

Il a participé aux journées d'Etudes organisées par la Cour des Comptes les 26 et 27 novembre.

Ses collaborateurs ont participé à diverses manifestations.

Pierre Bracque son directeur de cabinet a, à plusieurs reprises, donné une conférence sur l'institution du Médiateur devant les stagiaires officiers français et étrangers de l'Ecole supérieure de l'intendance de l'armée.

Pierre Poutout, délégué, eut notamment à accueillir deux missions de parlementaires du Nigéria venues en Europe pour s'informer de la vocation et des modalités de fonctionnement des institutions du Médiateur et des Ombudsmen.

Il représenta également le Médiateur aux journées du Droit de la consommation organisées par l'Institut national de la consommation et présenta l'Institution dans certains Instituts régionaux d'administration.

Par ailleurs, soucieux de mieux faire connaître ses objectifs et ses méthodes à une opinion encore mal informée à ce sujet, il a répondu à de nombreux journalistes, donnant articles et interviews à des quotidiens (le Monde, le Matin, le Quotidien, Midi-Libre, Sud-Ouest, France Soir, le Parisien Libéré etc ...) et divers périodiques (La Vie, Télé 7 jours, l'Elu Local, la Gazette des communes, Match, les Nouvelles Littéraires, Reader Digest etc ...). Et a participé à diverses émissions de Radio ou de Télévision.

Les résultats de cette action persévérante ?

Les propositions de Réformes d'ordre législatif

Depuis sa création, le secteur réforme, dont le délégué Monsieur Paul Ripoche assurait la responsabilité, a déposé plus de soixante dix sept propositions sur un total de plus de deux cents propositions diverses, de types très différents. Les unes ponctuelles, les autres dites synergies appelant l'intervention de plusieurs ministères.

Quarante ont été retenues, votées par le Parlement et mises en application.

Telles les propositions ayant débouché sur les très importantes lois du 17 juillet 1978 et 11 juillet 1979 sur la communication des dossiers administratifs et la motivation des décisions.

Depuis le 10 mai dernier, de nouveaux et intéressants résultats ont été acquis, les propositions restant en suspens ayant été remises aux divers Ministres concernés. Monsieur Anicet Le Pors, pour sa part, s'étant chargé de la coordination des efforts au niveau des propositions nécessitant des échanges interministériels.

Nous avons retrouvé dans les projets gouvernementaux ou les amendements votés par le Parlement de nombreuses propositions du Médiateur, concernant, par exemple, les handicapés, la réforme de l'A.N.P.E, la titularisation des auxiliaires, l'arrêt des expulsions, la facilitation de la communication des dossiers, l'accroissement de la responsabilité des Maires, diverses mesures sociales touchant au choix de l'âge de la retraite, à certains cumuls, au mode de calcul des retraites suivant les annuités, etc...

D'autres projets sont à l'étude ou en préparation qui reflètent nos préoccupations :

Remise en cause de la forclusion pour les rapatriés, assouplissement des exigences en matière de naturalisation, notion de Service Public accrue pour les ASSEDIC, révision du statut des objecteurs de conscience, étude des responsabilités des syndics etc...

Les propositions de modification des règlements et des comportements

Toute réforme ne procède pas du législateur. Des changements importants peuvent être effectués par simple décision d'un Ministre ou d'un responsable de Service Public. Et l'exemple peut venir de très haut.

Le Chef de l'Etat ne l'a-t-il pas donné en faisant sous-titrer à l'intention des sourds et mal entendants son allocution de voeux de fin d'année ? Cela devrait inciter les responsables de l'information télévisée à multiplier, comme le Médiateur le demande depuis plus d'un an, les émissions sous-titrées.

L'allusion a déjà été faite aux décisions de Monsieur Charles Hernu concernant la libération de certains objecteurs de conscience emprisonnés, ou de Monsieur Louis Mexandeau relatives au retour -dans quelques années- à une facturation téléphonique détaillée.

Beaucoup d'autres démarches heureusement suivies d'effet pourraient être citées, telle celle qui a abouti à la désignation, par la Direction d'EDF, d'un haut responsable chargé de suivre les litiges qui lui seront directement soumis par le Médiateur.

La liste des propositions de réforme qui n'ont pas encore obtenu satisfaction reste longue.

Il faut comprendre qu'au niveau législatif, où l'encombrement est grand, il n'est pas toujours facile d'inclure telle proposition ponctuelle, au demeurant très justifiée, dans un ensemble qui, comme les lois-cadres, ne brosse que les grandes lignes.

C'est donc au niveau réglementaire que se poursuivra sans faiblesse l'action du Médiateur.

C'est le domaine des écheveaux complexes à débrouiller.

C'est le domaine de la persuasion, de l'opiniâtreté.

C'est le terrain où le Médiateur, spécialiste des dossiers les plus compliqués, se meut avec l'aisance de l'expérience et du bon sens.

Ce qu'il fait aujourd'hui de façon plus visible au niveau de l'information, il le fait aussi dans de multiples directions.

Il poursuit sa tâche souvent obscure, parfois ingrate, avec le sentiment d'apporter une précieuse contribution à l'allègement du fardeau quotidien des Français.

Retour au sommaire de l'année 1981
Retour au sommaire des rapports