Année 1978


BILAN PAR MINISTERE


PREMIER MINISTRE

SECTION 1
Les problèmes généraux concernant l'ensemble des départements ministériels


1. L'application abusive du principe de non-rétroactivité de la règle de droit.

a) La position du Médiateur.

Dans son rapport de 1977 (p. 47) le Médiateur annonçait qu'il était décidé à poursuivre son effort en ce domaine sur les bases suivantes :

- Faire des propositions précises et limitées portant sur les situations les plus choquantes.

- Obtenir des administrations qu'elles chiffrent, au moins approximativement, le coût de la rétroactivité des textes, notamment en matière sociale - ce qui permettrait, comme dans le domaine des pensions de vieillesse, de proposer des améliorations forfaitaires, conduisant dans le temps à l'égalité des droits des " anciens " et des " nouveaux ".

- Plus généralement, dresser un véritable catalogue, où les mesures de rétroactivité jugées souhaitables seraient classées suivant l'ordre d'iniquité décroissante, des textes à rendre rétroactifs, et en tenant compte :

- du coût budgétaire net de la mesure envisagée ;

- de son coût administratif, résultant de la nécessité de réexaminer des situations anciennes ;

- du fait qu'il y a deux espèces de rétroactivité possibles : l'une, intégrale, dans laquelle les situations anciennes sont révisées en remontant à la date de création des droits de leurs titulaires ; l'autre, partielle, qui accorde les avantages nouveaux prévus par le texte à ces mêmes titulaires de situations anciennes, mais seulement pour maintenant et pour l'avenir, c'est-à-dire à compter de la date d'effet de ce texte.

Le Médiateur ne cachait pas sa préférence pour cette seconde forme de rétroactivité, moins équitable certes, mais assurément moins coûteuse que la première : en un mot, beaucoup plus praticable.

Mais à la réflexion, et devant les obstacles qu'il continuait à rencontrer, il lui est apparu que la seule façon de régler, dans la mesure du possible, le problème de la rétroactivité susceptible d'être donnée à certains textes, était de prendre la difficulté à la source, c'est-à-dire au moment de l'élaboration de ces textes par le Gouvernement.

Cette conviction l'a amené, dans le courant de l'année 1978, à adresser au Premier Ministre une lettre dans laquelle, après avoir rappelé l'ancienneté du problème (le premier Médiateur l'avait signalé dès son premier rapport), les conclusions de l'étude menée à sa demande par le Conseil d'Etat sur le sujet, et les difficultés auxquelles se heurtaient les propositions de réforme qu'il élaborait en ce domaine, il estimait qu'un progrès serait accompli si les Ministres et Secrétaires d'Etat étaient en possession d'instructions qui leur rappelleraient la nature exacte du " principe " de non-rétroactivité, et leur demanderaient de chiffrer aussi précisément que possible le coût de la rétroactivité qui pourrait être donnée aux textes dont ils avaient élaboré le projet.

En matière sociale – où le refus de toute rétroactivité entraîne le plus de situations inéquitables – le Médiateur déclarait estimer, en accord avec un certain nombre d'hommes politiques et d'observateurs, qu'il ne s'agissait plus tellement, aujourd'hui, de " faire davantage ", mais d'améliorer les conditions d'application des réglementations existantes. Et puisque les mesures sociales se situent chaque année dans une enveloppe financière, c'est naturellement dans ces limites que les décisions relatives à la rétroactivité devaient être prises.

A ce sujet, le Médiateur précisait que ce qu'il recommandait n'était pas la rétroactivité " totale ", mais la rétroactivité " partielle " (définie ci-dessus).

Conscient du coût financier et parfois administratif de la rétroactivité, même partielle, il accordait qu'elle ne pouvait être retenue que dans le cas où, sur ces deux plans, elle n'impliquait pas de charges prohibitives.

Mais, en conclusion, il lui paraissait souhaitable qu'en chaque occasion, la décision d'admettre ou de refuser la rétroactivité soit prise dans la clarté, par le pouvoir politique, au vu d'une étude objective et chiffrée présentée par les services.

Le Médiateur se tient en contact avec les services du Premier Ministre pour discuter des propositions contenues dans cette lettre.

b) Les parlementaires et la non-rétroactivité des lois sociales

L'effort déployé par le Médiateur dans le domaine étudié est depuis longtemps parallèle à un mouvement de l'opinion parlementaire – qui a d'ailleurs connu un important succès, puisqu'il a conduit le Gouvernement à harmoniser quelque peu la situation des bénéficiaires de la réforme " échelonnée " du régime de l'assurance vieillesse (loi du 31 décembre 1971) en accordant aux titulaires de pensions liquidées avant le 1er janvier 1973 deux majorations successives de 5 %.

Ce mouvement se poursuit, avec des résultats variables. Mais il est particulièrement intéressant de noter que lors de la discussion devant le Sénat d'une question orale avec débat, portant sur les suites à donner aux propositions de réforme formulées dans le cinquième rapport (1977) du Médiateur (débats parlementaires, Sénat, séance du 10 octobre 1978, pp. 2454 et suivantes), l'auteur de la question, M. Schiele – qui a été le rapporteur au Sénat de la loi du 24 décembre 1976, comme il l'avait été de la loi du 3 janvier 1973 instituant le Médiateur, a rappelé les positions prises par celui-ci en matière de non-rétroactivité des textes dans ses rapports de 1975 et 1977, ainsi que les conclusions de l'étude du Conseil d'Etat sur le sujet, en invitant le Parlement à s'interroger, désormais, " sur le fait de savoir s'il est plus équitable, dans le cadre d'une enveloppe budgétaire donnée, d'améliorer d'une manière non négligeable le sort d'une certaine catégorie de personnes, ou bien d'améliorer, dans un degré moindre, le sort de l'ensemble des personnes susceptibles d'être concernées par les mesures dont il aura à connaître ".

Bien entendu, concluait M. Schiele, il appartient au Gouvernement de " desserrer les cordons de l'" escarcelle ", et de faire lui aussi ce choix, mais le Parlement devrait avoir présent à l'esprit " qu'appliquer le principe de la non-rétroactivité des lois constitue une véritable injustice et se heurte, en outre, au principe de l'égalité des citoyens devant la loi ".

Dans sa réponse, le représentant du Premier Ministre a déclaré en substance que la non-rétroactivité des textes qui, depuis des années, ont amélioré la protection sociale des Français, était la rançon même de ces améliorations : sans elle, les progrès attendus de ces réformes auraient été freinés, parce que le coût de leur rétroactivité aurait été insupportable pour le budget – sans préjudice des difficultés techniques que la mise en oeuvre de cette rétroactivité aurait entraînées.

En définitive, pour le représentant du Premier Ministre, le problème existe, il est grave, mais il n'admet pas de solution générale : " si une solution pouvait être envisagée, elle ne pourrait l'être qu'au coup par coup, et en chiffrant le montant de la dépense " – c'est ce que le Médiateur a demandé dans sa lettre au Premier Ministre mentionnée ci-avant.

c) La position des services

Le Ministère chargé des Finances (ou du Budget) se montre – faut-il s'en étonner ? – systématiquement hostile à toutes les mesures tendant à porter atteinte à la non-rétroactivité des textes.

Ainsi s'est-il opposé à une proposition de réforme du Médiateur (contenue dans sa proposition SYN 5), tendant à permettre l'affiliation rétroactive au régime général de l'assurance vieillesse de la Sécurité Sociale des tributaires du code des pensions civiles et militaires de retraites qui ont quitté le service sans droit à pension avant l'entrée en vigueur du décret " de coordination " n° 50-133 du 20 janvier 1950 (cf. Rapport de 1976, pp. 62-63 ; rapport de 1977, p. 45).

De même, en matière d'indemnisation des victimes d'accidents dus à la manipulation d'engins de guerre (Rapport de 1977, pp. 179 à 182), il s'est opposé à ce que l'assouplissement de la législation réglant les conditions de cette indemnisation, suggéré par le Médiateur dans une proposition de réforme, puisse s'étendre aux cas ayant déjà fait l'objet d'un refus de pension - et cela, bien que le Médiateur n'ait pas demandé que le recouvrement du droit à pension ait un effet rétroactif... Cette position est d'autant moins défendable qu'à la suite de sa première recommandation, élaborée en exécution de l'article 9 de la loi du 3 janvier 1973, le Médiateur avait obtenu du Secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants et Victimes de Guerre que la victime de l'explosion d'une bombe camouflée en stylo obtienne un droit à pension qui lui avait été précédemment refusé (Rapport de 1974, affaire I 291, pp. 26 à 28).

La question est aujourd'hui résolue par le vote de l'article 98 de la loi de finances pour 1979.

Quant au Ministère de la Santé et de la Famille, il a opposé le principe de non-rétroactivité des textes en matière de pensions à deux questions écrites qui tendaient, l'une à étendre le droit à pension de réversion, accordé au veuf de la femme fonctionnaire par la loi n° 73-1128 du 21 décembre 1973, aux conjoints survivants ayant perdu leur épouse antérieurement à la date d'application de cette loi (débats parlementaires Sénat - Séance du 7 novembre 1978, p. 3051), l'autre à faire bénéficier de la réversion, nonobstant le principe invoqué, les plus démunis d'entre eux (ib. Séance du 24 octobre 1978, p. 2868).

En conclusion, on peut dire que le problème étudié dans les pages qui précèdent (comme dans tous les précédents rapports du Médiateur) apparaît pour la première fois en voie de solution.

Certes, cette solution ne sera pas globale - mais le Médiateur n'a jamais souhaité qu'il en soit ainsi. Certes, elle se heurte encore à l'hostilité de certains départements ministériels - mais l'autorité du Premier Ministre, à laquelle le Médiateur vient de faire appel, permettra sans nul doute d'élaborer en la matière, à défaut d'un système de règles rigides, à tout le moins une " doctrine " généralement acceptable.

2. Forclusions et prescriptions (cf. rapport de 1976, pp. 64 à 99 ; rapport de 1977, pp. 47 à 51).

La solution des problèmes qui se posent en ce domaine dépend aujourd'hui, presque intégralement, de la mise en oeuvre et de l'élargissement des suggestions contenues dans la proposition de réforme du Médiateur SYN. 7.

Comme on l'a signalé auparavant (" une proposition pour l'avenir "), cette mise en oeuvre et cet élargissement sont en cours, sous l'autorité coordonnatrice du Premier Ministre.

On se bornera ici à rappeler les principaux objectifs visés en la matière par le Médiateur :

- Améliorer l'information des administrés et des justiciables sur les délais de forclusion ou de prescription qu'ils encourent, sur les conséquences de l'expiration de ces délais, et sur les moyens de recours qui leur sont offerts avant cette expiration.

Au-delà, parvenir à un état de droit où la charge de l'information en ce domaine serait entièrement supportée par le service public, nul ne devant plus désormais être déclaré forclos ou prescrit de ses droits que par suite de sa négligence consciente.

- Améliorer le régime des forclusions et prescriptions :

par la mise en symétrie des droits des administrés et de l'Administration en la matière, des délais égaux étant impartis aux premiers et à la seconde pour intenter une action ou faire un acte ayant le même objet ;

par la réduction du nombre des délais en vigueur à quelques valeurs spécifiques ;

par l'élimination du plus grand nombre possible de délais inférieurs à un mois.

3. L'information des administrés.

Le problème de l'information, et même en général de la communication administrative, a été exposé dans son ensemble aux pages 111 à 131 du rapport, de 1976.

On rappellera que les propositions de base du Médiateur dans le domaine étudié étaient les suivantes (ib. pp. 137-138) :

" 1. Reconnaître, comme un principe général, le droit de tout administré à l'information ".

" 2. Organiser, de la façon la plus libérale possible, le régime de communication des documents administratifs ".

" 3. Poser en principe l'obligation de motiver toute décision administrative, sauf exceptions nettement délimitées ".

" 4. Prescrire l'introduction, dans tous les programmes de formation des agents publics, de la notion de " devoir d'information ", et plus généralement, de l'étude psychologique de la " relation à l'Administré ".

Dans cette perspective, l'année 1978 a été marquée par deux événements capitaux :

1° - La loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal (c'est la loi où se retrouvent les propositions de réforme d'ordre législatif élaborées par le Médiateur et retenues après les arbitrages du Premier Ministre de la fin de 1977 (voir le texte en annexe - et cf. ci-après Section 2)) consacre son titre 1er, intitulé " de la liberté d'accès aux documents administratifs ", à l'organisation du régime de communication de ces documents.

Ce régime est libéral ; ainsi notamment : la liste des documents communicables (article 1er alinéa 2) et l'exercice du droit de communication (articles 2 et 6) ne comportent que peu d'exceptions, d'ailleurs naturelles ; - l'article 3 dispose que sous réserve des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés qui concernent les informations nominatives, " toute personne a le droit de connaître les informations contenues dans un document administratif dont les conclusions lui sont opposées ", que, " sur sa demande, ses observations à l'égard desdites conclusions sont obligatoirement consignées en annexe au document concerné ", et que " l'utilisation d'un document administratif au mépris de (ces) dispositions est interdite " ; - l'article 5 confie à une commission spéciale la charge de veiller au respect de la liberté d'accès aux documents administratifs dans les conditions prévues par la loi ; - l'article 8 précise que " sauf disposition prévoyant une décision implicite de rejet ou un accord tacite, toute décision individuelle prise au nom d'une administration ou d'un organisme chargé de la gestion d'un service public n'est opposable à la personne qui en fait l'objet que si cette décision lui a été préalablement notifiée " ; l'article 9 prévoit la publication régulière des documents " généraux " (directives, instructions, circulaires, etc.) émis par l'Administration, lorsqu'ils comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives, ainsi que celle de la " signalisation " des documents administratifs ; - enfin, selon l'article 13, le dépôt aux archives publiques des documents communicables ne fait pas obstacle à l'exercice du droit de communication.

Par ailleurs, l'article premier, alinéa 1. est ainsi rédigé : " le droit des administrés à l'information est précisé et garanti par le présent titre en ce qui concerne la liberté d'accès aux documents administratifs de caractère non nominatif ". Certes, on peut regretter, comme le médiateur l'avait fait dans son rapport de 1976, que la reconnaissance du droit de tout administré à l'information n'ait pas figuré dans une disposition législative de portée plus générale, " coiffant " toutes les matières dans lesquelles ce droit peut avoir l'occasion de s'exercer, mais la rédaction même dudit alinéa 1. implique que ce droit est bien reconnu, non seulement dans la matière traitée, mais de la façon la plus générale.

2° - Le 25 novembre 1978, le Conseil des Ministres a adopté un projet de loi imposant aux administrations l'obligation de faire connaître les motifs de leurs décisions.

Aux termes du communiqué de ce Conseil : " La règle actuelle selon laquelle les motifs des décisions administratives n'ont pas à être communiqués, sauf lorsque les textes ou la jurisprudence en décident autrement, contribue au sentiment d'incompréhension qu'éprouvent souvent les Français à l'égard de décisions restreignant leurs droits, ou leur opposant un refus.

C'est pourquoi le Gouvernement, ainsi que l'engagement en avait été pris dans le programme de Blois, va soumettre au Parlement un projet de loi qui impose l'obligation de faire connaître aux personnes physiques ou morales les motifs des décisions administratives individuelles qui ont pour effet de restreindre l'exercice des libertés, d'infliger une sanction, d'imposer une sujétion, de retirer un droit, ou de refuser un avantage.

Ainsi seront améliorées les relations entre les Français et leur administration, et sera renforcée la protection des droits de chacun face à l'Etat et aux collectivités publiques."

En conclusion on peut dire que les trois premières propositions de base avancées par le Médiateur dans son rapport de 1976 et rappelées ci-dessus, ont reçu ou vont recevoir satisfaction : c'est un résultat considérable.

Quant à la quatrième, relative à la formation des agents publics aux concepts et aux impératifs de la communication administrative, le Médiateur ne peut que reprendre ici ce qu'il en disait dans le même rapport (pp. 138-139) :

" Il apparaît que cette formation devrait être centrée sur l'étude psychologique - plus ou moins poussée selon le niveau des élèves - de la relation administrant-administré, étude d'où émergerait avec force la notion de " devoir d'information ".

" Le Médiateur n'est naturellement pas en situation de formuler des propositions très précises à cet égard. (9692. – 4)

Il lui semble toutefois que dès maintenant, un établissement comme l'Ecole nationale d'administration pourrait prendre la tête du mouvement : il lui est en effet particulièrement facile de recruter, d'une part, les spécialistes de l'Université, d'autre part, les fonctionnaires qui animeraient le " de communication administrative ".

" Le programme établi à cette occasion pourrait, par aménagements successifs, être étendu aux autres établissements de formation ou de recyclage, de niveaux moins élevés.

En toute hypothèse, le Médiateur insiste pour que, le plus tôt possible, les pouvoirs publics consacrent solennellement - fût-ce seulement par la voie réglementaire - la nécessité et la finalité de ces formations et déterminent le cadre de leur organisation ".

4. L'inexécution des décisions de justice par l'administration

L'état de cet important problème a été exposé ci-avant ("une proposition pour l'avenir") d'une façon suffisamment complète pour qu'il semble inutile d'y revenir ici.

SECTION 2
Les progrès de la politique de réformes du Médiateur



1. Les procédures

Il est bon de rappeler suivant quelles voies une proposition de réforme élaborée par le Médiateur peut, après aménagements éventuels, se trouver concrétisée dans un texte législatif ou réglementaire, selon la procédure instituée par le Conseil des Ministres du 11 mai 1977 (cf. rapport du Médiateur pour cette année, pp. 56 et suivantes).

1. Propositions ayant obtenu l'accord des départements ministériels concernés.

Elles forment la première liste adressée au Secrétariat général du Gouvernement en application des instructions données par le Premier Ministre en 1977.

2. Propositions soumises à l'arbitrage du Premier Ministre.

Ce sont évidemment celles sur lesquelles le Médiateur n'avait pu obtenir l'accord des services, et qui constituent la seconde liste prévue par les instructions susvisées.

3. Propositions, ou parties de propositions, tendant à la modification de dispositions législatives.

Qu'elles figurent sur la première liste, ou que, portées sur la seconde, elles aient fait, après discussion, l'objet d'un arbitrage favorable du Premier Ministre, ces propositions sont, dans le cas général, regroupées dans un projet de loi " global ", analogue à celui qui est devenu la loi du 17 juillet 1978 déjà citée.

Il faut souligner, à propos de cette procédure d'arbitrage et de projets " globaux " :

- que le Premier Ministre a accepté que chaque année, se tiennent deux sessions d'arbitrage, et soit déposé un projet de loi global ;

- que les lois de ce type seront désormais limitées aux propositions retenues du Médiateur et aux mesures législatives de simplification administrative, et peut-être même aux premières.

Dans sa réponse à la question orale de M. Schiele, mentionnée à la section 1 ci-avant, le représentant du Premier Ministre a en effet déclaré qu'il croyait à l'utilité de la procédure déjà employée, " mais à la condition que les parlementaires ne présentent que des amendements entrant dans le cadre des propositions du Médiateur ".

Il y a donc tout lieu d'espérer que la prochaine loi " globale " se bornera à donner la sanction du Parlement aux propositions de réforme du Médiateur.

Certes, même ainsi restreint dans sa portée, un tel texte pourra encore, comme il a été noté au rapport de 1977 (p. 59), donner une impression de disparate au lecteur non averti. A cette critique, le Médiateur ne peut que faire la même réponse : en premier lieu, ce n'est pas lui qui choisit ses sujets de réforme, qui peuvent donc toucher des secteurs très divers de la législation ; ensuite, quelque divers qu'ils soient, ces sujets se rattachent tous à l'un ou l'autre des deux thèmes principaux qui orientent l'activité réformatrice du Médiateur : promouvoir l'équité, appliquer le principe de la symétrie des droits et obligations respectifs de l'Administration et des administrés (rapport de 1977, p. 59).

4. Exception : propositions de réforme d'ordre législatif ne figurant pas dans le projet de loi global.

Il arrive que certaines propositions de l'espèce visent à la modification d'une législation tellement spécifique qu'elles aient leur place toute naturelle dans le cadre de cette législation, surtout si celle-ci est en cours de remaniement : il en a été ainsi des suggestions contenues dans la proposition n° FIN 77-35, qui ont été intégrées dans le projet de réforme de la loi sur l'actionnariat dans les entreprises.

Il peut arriver aussi que des propositions soient reprises dans une loi de finances : cela a été le cas pour la proposition FIN 76-24 (tendant à l'allongement du délai de demande de révision d'une pension en cas d'erreur de droit) et la proposition FIN 78-37 (qui demandait l'égalité du traitement fiscal des rentes viagères quelqu'en soit le montant). Ces deux propositions ont été satisfaites, la première par la loi 77-574 du 7 juin 1977 et la seconde par la loi de Finances pour 1979 (article 3).

5. Propositions, ou parties de propositions, suggérant la modification des dispositions réglementaires.

Ces propositions figurent elles aussi sur les listes adressées au Secrétariat général du Gouvernement. Elles n'échappent donc pas à l'attention des services du Premier Ministre.

Mention spéciale doit cependant être fait des mesures réglementaires qui doivent assurer la mise en oeuvre des propositions de réforme d'ordre législatif soumises au Premier Ministre, notamment après arbitrage : ses services suivent leur élaboration avec une attention particulière, apportant ainsi au Médiateur un appui efficace.

On peut dire en conclusion que toute la procédure d'examen et de concrétisation des propositions de réforme du Médiateur se trouve désormais placée, plus ou moins directement, sous l'autorité coordonnatrice du chef du Gouvernement.

2. Les résultats

Le bilan d'ensemble de l'action réformatrice du Médiateur a été donné dans la première partie de ce rapport.

Par ailleurs, une analyse des propositions les plus récemment élaborées sera trouvée ci-après, sous la rubrique du département ministériel qu'elles concernent plus particulièrement.

On se bornera donc à regrouper ici les résultats les plus importants qui ont marqué l'année 1978 dans le domaine étudié.

1. La loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 (dans le texte de cette loi, les dispositions concrétisant des propositions de réforme du Médiateur figurent en caractères italiques)

a) L'analyse des dispositions émanant du Médiateur qui figuraient dans le projet de cette loi a été donnée au rapport de 1977, pp. 57 à 59.

Le législateur n'ayant apporté que peu de modifications aux articles correspondants, il a semblé inutile de reprendre ici cette analyse in extenso.

Il est bon cependant de souligner l'importance de certaines des dispositions finalement adoptées :

- Les articles 26 à 32, 33, III à 37 de la loi organisent la symétrie des droits et obligations des organismes de Sécurité Sociale et des assurés, en alignant les délais dont les premiers disposent pour recouvrer des prestations indûment payées, sur les délais impartis aux seconds, à peine de prescription, pour obtenir le paiement des prestations qui leur sont dues.

Dès les débuts de l'institution, le Médiateur avait été frappé par le fait que, dans certaines matières, un organisme de Sécurité Sociale pouvait bénéficier du délai de trente ans fixé au Code civil pour exercer l'action en répétition de l'indu, alors que dans les mêmes matières, le droit de l'assuré au versement des prestations auxquelles il pouvait prétendre se prescrivait par deux ans.

Il y avait là un déséquilibre, une iniquité inadmissible, qui se sont retrouvés dans un grand nombre de situations soumises depuis lors au Médiateur.

C'est donc un résultat considérable, qu'au moins dans le domaine de la Sécurité Sociale, celui-ci ait obtenu du législateur la sanction de ce principe d'égalité des droits et obligations de l'administré dont il entend poursuivre la reconnaissance et la mise en oeuvre dans toutes les matières où sa méconnaissance entraîne des iniquités injustifiables (rappelons que l'un des buts de la proposition SYN n° 7 est d'étendre ce principe à toute la matière des forclusions et prescriptions).

Certes, le droit administratif est classiquement considéré comme inégalitaire " par principe ".

Mais si la situation inférieure faite à l'administré peut se justifier lorsque sont en jeu les prérogatives de la puissance publique, on chercherait en vain cette justification dans le cas contraire : en quoi l'autorité de l'Etat ou de son administration peut-elle bien être concernée - sauf exceptions rarissimes - par l'octroi à l'administré de délais égaux à ceux dont disposent les services publics pour intenter une action ou faire un acte ayant même objet ? Il est consternant d'entendre certains administrateurs plaider quand même pour l'inégalité, " parce que l'administration a besoin de plus de temps ", ou tout simplement " parce que c'est l'administration "...

Ce n'est pas le seul exemple - on l'a vu à propos du principe de non-rétroactivité de la règle de droit - d'extension illégitime d'un principe de droit hors de son domaine naturel, alors que sitôt franchies les limites de ce domaine, il devrait cesser d'exister, ou même, comme dans le cas ici étudié, être remplacé par son contraire.

Certes, le Médiateur ne prétend pas figurer parmi les sources du droit. Mais il est bien obligé de faire métier de juriste lorsqu'il voit l'équité, et même la logique, bafouées par de tels " glissements ".

- Une autre disposition particulièrement intéressante est l'article 54 de la loi, relatif aux dégrèvements de taxes foncières indûment établies.

On sait (cf. rapport de 1977, pp. 59-60) que jusqu'alors, en cas d'erreur d'imposition à la taxe foncière, le contribuable imposé à tort ne pouvait réclamer le remboursement de l'impôt que dans le même délai de deux ans pendant lequel l'administration pouvait exercer son " droit de reprise " sur le véritable redevable, même si le paiement indu s'était prolongé pendant un grand nombre d'années.

Quoique confirmé par la jurisprudence, ce " couplage " de deux délais n'ayant ni même objet, ni mêmes sujets... n'était pas seulement contraire à l'équité, mais aussi à la simple logique : il est particulièrement satisfaisant pour le Médiateur de l'avoir fait légalement disparaître.

- Autre anomalie corrigée par le texte : les bénéficiaires de l'indemnité de soins aux tuberculeux prévue à l'article 41 du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre - c'est-à-dire essentiellement les réformés militaires atteints de cette affection pendant leur service - ne pouvaient cotiser au régime de l'assurance-vieillesse pour la période correspondant au service de cette indemnité, au motif qu'ils n'avaient exercé, pendant cette période, aucune activité professionnelle... ce qui leur était d'ailleurs interdit...

Ainsi leur employeur - l'Etat - en même temps qu'il les empêchait de travailler, les privait d'une part de leurs droits à une pension de vieillesse...

Les articles 22 à 25 de la loi ont mis fin à cette absurdité - encore que les intéressés ne bénéficient désormais que de la faculté de racheter les cotisations correspondantes. Il semble qu'on aurait pu aller, sans excès de générosité, jusqu'à une validation gratuite de services.

L'article 24 soulève d'ailleurs un autre problème, qui sera examiné ci-après.

Ces deux derniers exemples montrent qu'en combattant pour l'équité, il arrive au Médiateur de combattre aussi pour la simple logique. D'une manière générale, il apparaît que son action sur le droit positif peut être ample et profonde et que l'aspect disparate de la loi ne doit pas masquer la philosophie qui la sous-tend.

b) Il va de soi que le Premier Ministre et le Médiateur se préoccupent de l'élaboration, par les départements ministériels concernés, de l'ensemble des textes d'ordre réglementaire qui doivent permettre la mise en application pratique de la loi.

Cette élaboration semble malheureusement devoir être assez longue. Ainsi la loi a prévu un certain nombre de décrets d'application ; or, à ce jour, un seulement (article 30) est au Conseil d'Etat pour examen ; un deuxième (article 56) doit lui être transmis prochainement ; les autres sont en cours de préparation, sans qu'on puisse à l'heure actuelle fixer de terme à leur mise au point.

Il en est de même pour les nombreux textes de rang inférieur au décret (arrêtés, circulaires...) qui doivent compléter l'édifice.

c) Par ailleurs, l'article 24 de la loi (cf. ci-dessus a, troisième exemple) n'a pas satisfait le Médiateur.

En effet, cet article impose aux anciens bénéficiaires de l'indemnité de soins aux tuberculeux, non seulement de racheter leurs cotisations, comme il a été dit, mais encore de le faire dans les deux ans de la cessation du service de cette indemnité, ou, s'agissant de situations anciennes, de la date de promulgation de la loi.

Or cette stipulation vient s'ajouter à toute une série de dispositions semblables, éparses dans diverses législations et réglementations, dont le Médiateur a pu constater à la fois l'iniquité et l'inutilité (notamment à l'occasion des effets constatés d'un décret du 20 décembre 1931, instituant la coordination entre le régime des fonctionnaires et le régime général de l'assurance-vieillesse).

De tels délais sont iniques, car ils sanctionnent d'avance un défaut d'information ou un oubli - alors que, comme l'expérience quotidienne du Médiateur le démontre, c'est généralement au moment de la retraite que les assurés découvrent les lacunes ou les discontinuités des annuités validées.

Ils sont également inutiles, puisque les caisses de retraite des régimes de base pratiquent couramment les rachats et validations prévus par l'actuelle réglementation. Même le délai fixé par le décret susvisé de 1931 a disparu en 1950, à la suite de la publication d'un texte permettant une validation automatique de services.

C'est pour tarir définitivement toutes ces sources d'iniquités que le Médiateur a élaboré, sous le numéro FIN 78-44, une proposition de réforme tendant à l'abrogation de tous les délais imposés, à peine de forclusion, pour obtenir le rachat de cotisations ou la validation gratuite de services faits. Désormais, la demande de rachat ou de validation serait possible jusqu'à la date de liquidation des droits à pension. En outre, les victimes d'une forclusion encourue dans le passé pourraient obtenir la révision de leur pension, pour tenir compte de la durée d'activité correspondant à des cotisations versées sans contrepartie.

C'est, en effet, le problème des " cotisations perdues " qui se pose ici, et le Médiateur ne peut admettre qu'il continue d'être traité de façon aussi inique, pour ne pas dire malhonnête. Passe encore de forcer des assurés au rachat de cotisations d'employeur qu'ils n'auraient pas dû payer à l'époque, mais laisser définitivement sans contrepartie des cotisations déjà versées et correspondant à des services faits, c'est permettre l'enrichissement sans cause d'un régime de Sécurité Sociale, par une amputation indue de la " carrière validable ".

A ce propos, s'il est un principe d'équité qui, aux yeux du Médiateur, devrait gouverner la matière, c'est celui en vertu duquel " carrière validable " et " carrière effective " devraient en toutes circonstances coïncider.

Cela impliquerait, non seulement qu'aucune cotisation ne puisse plus être perdue, mais encore qu'aucune période de services effectifs ne puisse plus être neutralisée, comme cela se produit lorsque l'assuré a été remboursé des cotisations correspondantes.

2. Les prochaines sessions d'examen et d'arbitrage des propositions de réforme

Comme il a été dit au I ci-avant, la procédure d'examen et d'arbitrage par le Premier Ministre des propositions de réforme du Médiateur se poursuivra en 1979.

Une session est prévue pour le printemps de cette année, où seront notamment réexaminées un certain nombre de propositions demeurées en cours de discussion.

Les propositions de nature législative qui seraient retenues nourriraient naturellement le projet de loi global de 1979.

3. Etat actuel des " Synergies "

Comme dans le rapport de 1977 (p. 60 et suivantes), une place à part doit être faite à ce type particulier de propositions de réforme, d'objet plus ample et plus complexe que celui des propositions dites " ponctuelles ", et qui concernent généralement un groupe important de départements ministériels.

Synergie n°1

" L'administré devant l'expropriation pour cause d'utilité publique ; quatre problèmes liés ". (cf. rapport de 1976, pp. 130 à 132, 205 à 207 ; rapport de 1977, pp. 53-54, 61 à 63).

La mise en oeuvre de cette synergie peut maintenant être considérée comme terminée :

- par le vote de l'article 58 de la loi du 17 juillet 1978 ;

- par l'adoption des textes réglementaires appropriés ;

- par la mise au point d'un " guide de l'expropriation " et d'un " mémento de l'exproprié ". (Leur édition devrait intervenir dans les prochains mois).

Synergie n°2

" L'accès à la retraite et ses difficultés ". (cf rapport de 1976, pp. 118 à 128).

Bien qu'elle n'ait suscité aucune critique, cette proposition nécessite une concertation avec tous les organismes intéressés, qui, pour des raisons matérielles, n'a pu être encore organisée.

Synergie n°3

" Régime de Sécurité Sociale et régime fiscal des gérants majoritaires de S.A.R.L. ". (cf. rapport de 1977, pp. 64-65).

Sur le plan fiscal, le Médiateur a obtenu que la situation de ceux des intéressés qui sont chefs d'entreprise soit revue dans le cadre d'une éventuelle révision du régime d'imposition des dirigeants d'entreprise.

Sur le plan de la Sécurité Sociale, les discussions continuent.

Synergie n°4

" Mise en oeuvre de l'harmonisation des régimes de Sécurité Sociale ". (cf. rapport de 1976, pp. 162-163 ; rapport de 1977, pp. 147 à 166).

Les suggestions contenues dans cette synergie sont, dans l'ensemble, trop coûteuses pour qu'il puisse y être donné suite dans l'état actuel du budget de la Sécurité Sociale.

Le Médiateur en a cependant extrait une proposition de réforme " ponctuelle " (n° STR 78-38) qui tend à assurer l'harmonisation entre les régimes en matière d'invalidité et de décès.

L'inexistence de cette harmonisation entraîne en effet des situations iniques, en matière d'invalidité, lors du passage d'un assuré d'un régime à l'autre. De telles situations, déjà dénoncées par le Médiateur dans ses précédents rapports (cf. notamment rapport de 1976, p. 103) ne sauraient être plus longtemps tolérées.

Synergie n°5

" Application du principe de non-rétroactivité de la règle de droit en matière de législation sociale ". (cf. rapport de 1976, pp. 57 à 63 ; rapport de 1977, pp. 45-46).

L'application de cette synergie, qui tendait à résoudre, dans un domaine limité, le problème d'ensemble étudié à la Section 1 précédente, se heurte, elle aussi, à des obstacles financiers. Elle a d'ailleurs été évoquée, sans succès, dans la question orale de M. Schiele mentionnée ci-avant.

Synergie n°6

" Proratisation en matière de pensions de vieillesse et de pensions complémentaires dans les régimes spéciaux ". (cf. rapport de 1975, pp. 110 à 112 ; rapport de 1976, pp. 163-164 ; rapport de 1977, pp. 155 à 158).

Cette proposition a pour but de régler la situation des personnes qui, ayant travaillé dans une entreprise soumise à un régime spécial de retraites, ont quitté cette entreprise avant d'avoir accompli le minimum de services requis pour avoir droit à la pension de vieillesse dudit régime - pension qui représente un avantage au moins égal à la somme, dans le régime général des salariés, de la pension de vieillesse et de la retraite complémentaire.

Or, il existe une coordination entre régimes qui permet, au profit de ces personnes, la prise en charge par le régime général d'une fraction de pension correspondant au temps passé dans l'entreprise, et assise sur la part de la cotisation globale équivalant à la cotisation requise pour la constitution de la pension de vieillesse dans le régime général. Mais cette coordination ne s'étend pas au droit à la retraite complémentaire qui pourrait naître de la prise en compte du surplus de cotisation versé.

On retrouve donc ici le problème des cotisations perdues ; pour tenter de le régler dans les cas de l'espèce, le Médiateur avait proposé deux solutions :

La proratisation " interne " aurait conduit à la prise en charge par le régime spécial, au prorata du temps passé dans l'entreprise, d'une pension globale correspondant à la cotisation globale versée par l'assujetti. Mais, outre qu'une fraction de cette pension peut déjà être prise en charge par le régime général, cela eût entraîné la disparition du minimum de services requis pour la constitution du droit à pension dans les régimes spéciaux, minimum qu'il semble indispensable de maintenir, ne serait-ce que pour éviter les évasions précoces du service, particulièrement préjudiciables à une bonne gestion dans les entreprises publiques concernées.

Après discussions, le Premier Ministre a finalement rendu son arbitrage en faveur de la seconde solution avancée par le Médiateur : la proratisation " à l'extérieur " du régime spécial.

Dans cette formule, le complément de pension est pris en charge par un organisme de retraites complémentaires, " extérieur " à ce régime. Ainsi l'assujetti à un régime spécial qui n'a pas atteint le minimum de services requis serait-il affilié au régime spécial de la Sécurité Sociale pour sa pension de base, à un organisme ad hoc pour sa pension complémentaire.

Il ne reste plus qu'à mettre en pratique la solution ainsi retenue.

On ne citera que pour mémoire la Synergie n° 7 relative aux problèmes soulevés par le régime des forclusions et prescriptions (cf. ci-avant : " Une proposition pour l'avenir " et la section 1 du présent chapitre).

MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES



I. BILAN

En 1978, le Médiateur constate une baisse très sensible des dossiers (22 affaires soit 0,5 % de l'ensemble) par rapport aux années précédentes (62 réclamations en 1977). Elle est peut-être imputable aux difficultés rencontrées par les requérants pour faire aboutir des réclamations qui mettent en jeu des rapports internationaux.

L'accent peut être mis encore en 1978 sur les problèmes matériels des Français séjournant hors de la métropole : transferts de fonds nécessitant des délais excessifs, rentes et indemnités diverses bloquées à l'étranger. Quelques réclamations présentent par contre un caractère plus politique et concernent la situation des réfugiés apatrides ou le droit d'asile.

Toutefois, c'est une affaire bien particulière qui a retenu cette année l'attention du Médiateur. Particulière dans la mesure où elle est ancienne (les faits litigieux remontent à 1946) et où en raison de sa complexité, elle n'a jamais pu trouver de solution satisfaisante. C'est pourquoi le Médiateur s'y est attaché. Elle concerne le problème de l'indemnisation des employés des anciennes concessions françaises en Chine.

II. INDEMNISATION DES EMPLOYES DES ANCIENNES CONCESSIONS FRANCAISES EN CHINE

La seconde guerre mondiale a sonné le glas des empires coloniaux occidentaux.

Avant même le renoncement définitif au rêve impérial dans les années 60, la France se voyait contrainte d'abandonner ses anciennes possessions chinoises.

La fin de la présence française en Chine devait soulever pour les Français alors rapatriés des problèmes graves, tant sur le plan humain (réinstallation en métropole, réadaptation) que matériel (indemnisation des biens perdus).

A. Le problème posé.

1° - Sur le plan historique.

Avant 1945, la France possédait des concessions en Chine : Shangaï, Tien-Tsin, Hankéou.

Dans ces concessions avaient été créées des " municipalités ", personnes morales de droit privé, chargées en quelque sorte à l'instar des consulats, de l'administration et de la défense des intérêts des ressortissants français en Chine.

Leurs agents étaient des personnes privées liées à elles par un contrat de travail.

En 1946, par le traité de Tchong King, la France rétrocéda à la Chine les trois concessions.

Les conséquences pour les ressortissants français, employés des concessions, furent souvent très lourdes : pertes de biens immobiliers, perte d'emploi, difficultés de reclassement et de réinsertion en métropole. En outre, il s'agissait de régler définitivement leur situation administrative.

2° - Sur le plan juridique.

Un triple but devait être poursuivi : il convenait d'indemniser les personnes dépossédées, de leur permettre de faire valoir leurs droits à la retraite et enfin de favoriser leur accueil en métropole.

Jusqu'en 1961, aucun moyen juridique n'était prévu pour indemniser et réinsérer dans la communauté nationale les Français rapatriés.

Or, à partir de 1961, deux textes législatifs ont été adoptés, qui semblaient susceptibles d'être invoqués à l'appui des demandes d'indemnisation des intéressés.

- La loi du 26 décembre 1961 concernait l'accueil et la réinstallation des Français d'Outre-Mer.

- La loi du 15 juillet 1970 prévoyait une contribution nationale à l'indemnisation des Français dépossédés de biens situés dans un territoire placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France.

Le bénéfice de la première de ces lois était réservé aux Français qui ont dû quitter, par suite d'événements politiques, un territoire jouissant du même statut juridique que celui fixé pour l'application de la loi du 15 juillet 1970.

Or, au regard du droit international, et selon un avis de la section de l'Intérieur du Conseil d'Etat (27 mai 1971), les concessions chinoises n'étaient soumises ni à la souveraineté française, ni à la tutelle ou au protectorat de la France.

Dès lors, ces textes, outre le fait qu'ils ne revêtent aucun caractère rétroactif, ne peuvent s'appliquer aux anciens personnels des concessions.

Par ailleurs, l'Administration estimait qu'une telle extension des deux lois serait dangereuse, car elle créerait un précédent entraînant de lourdes charges financières, et difficile : il s'agit d'évaluer des biens trente ans après le départ des Français.

B. La position du Médiateur.

1° - Des prises de position divergentes.

Le premier objectif du Médiateur a été de tenter de rapprocher des points de vue apparemment difficilement conciliables.

D'une part, les requérants souhaitaient :

- L'extension de la loi de 1970 à leur propre cas.

- La validation sur le plan de la retraite des années passées au service des municipalités.

- Leur reclassement a des grades équivalents.

- Six mois de solde pour perte d'emploi.

D'autre part, l'Administration estime que les municipalités sont des organismes privés, dont les agents bénéficiaient de garanties financières propres.

Ainsi avait été mis en place un fonds de garantie et de rapatriement.

Ce fonds avait été constitué avant l'installation des autorités chinoises pour pallier un éventuel refus des Gouvernements chinois successifs de prendre en charge les obligations découlant du passif des Municipalités. Il provenait de la vente de biens municipaux et aurait dû permettre de résoudre les problèmes rencontrés par les agents au moment de leur rapatriement en France.

En outre, l'Administration fait valoir que l'Etat français n'agit que comme un simple intermédiaire entre le Gouvernement chinois et les anciens employés des concessions. Il n'est obligé à aucune prestation vis-à-vis de ceux-ci jusqu'à ce que le Gouvernement de Chine ait fait lui-même face à ses obligations.

Enfin, le Gouvernement français avait déjà, en 1946, dans un souci d'équité, accordé aux réclamants quelques mesures dont les principales sont la gratuité du rapatriement, une gratification de fin de service, une allocation spéciale.

2° - La démarche du Médiateur.

Celui-ci s'est trouvé confronté à une situation délicate :

- La position de l'Administration française est justifiée sur le plan du droit - l'Etat français n'a pas à se substituer à la municipalité, collectivité privée - et en partie sur le plan de l'équité, puisqu'un effort appréciable a été fait pour aider les employés lésés.

- Les revendications des intéressés sont le reflet d'une juste amertume due à leur spoliation. En plus, des éléments de cette affaire leur paraissent douteux : ainsi le solde du fonds de garantie précité a été reversé au Trésor en 1946 et n'a jamais reçu de liquidateur.

Le Médiateur ne pouvait, en tout état de cause, clore le dossier. Il a donc effectué une ultime démarche auprès du Ministère des Affaires Etrangères.

Celle-ci s'est révélée fructueuse, puisque l'Administration a reconnu que certaines doléances étaient légitimes, notamment en ce qui concerne :

- le rappel d'une partie de leur solde de 1945 ;

- le rappel de six mois de solde pour perte d'emploi sans reclassement.

Deux problèmes restent cependant en suspens et font l'objet de négociations serrées : la disparition surprenante du fonds de garantie et le rachat éventuel de cotisations sociales auprès du régime général de la Sécurité Sociale qui, à l'époque (en 1946), aurait permis de satisfaire la plus grande partie des revendications des agents des municipalités désireux d'augmenter leur retraite.

Cette affaire souligne combien le Médiateur est soucieux de réunir tous les éléments lui permettant d'apprécier la portée d'un éventuel préjudice causé à nos concitoyens. En trente ans, en dépit d'interventions de type traditionnel, aucun progrès n'avait été réalisé dans l'instruction d'un dossier voué à être clos le plus rapidement possible. Or, le Médiateur a réussi à rendre l'Administration " partie prenante " dans une affaire à laquelle elle s'estimait étrangère.

Et demain, si les derniers obstacles à une solution définitive ne sont que d'ordre financier, alors pourquoi le fonds d'indemnisation proposé par le Médiateur voici un an ne pourrait-il permettre de résoudre enfin ce dossier très délicat ?

III. PROPOSITIONS DE REFORME, RECOMMANDATIONS, INJONCTIONS

Cette année encore, aucune proposition de réforme, aucune recommandation ni injonction n'a été adressé au Ministère des Affaires Etrangères.

IV. CONCLUSION

Le Médiateur remarque une nouvelle fois que l'instruction des dossiers auprès du Ministère des Affaires Etrangères nécessite des délais sensiblement plus longs que dans les autres secteurs.

Cependant, il est conscient qu'il s'agit de réclamations plus complexes dans la mesure où elles impliquent pour leur solution l'accord d'Etats étrangers.

Il en résulte que les succès obtenus par le Médiateur auprès des Affaires Etrangères sont moins nombreux qu'auprès d'autres administrations.

Le Médiateur se félicite d'autant plus des progrès accomplis dans des domaines certes limités mais importants, comme celui de l'affaire des concessions françaises en Chine ci-dessus analysée.

MINISTERE DE L'AGRICULTURE

I. BILAN

En 1978, 84 réclamations relevaient du Ministère de l'Agriculture (2,1 % du total).

Comme précédemment, certaines affaires étaient liées à des opérations de remembrement. Elles n'ont rien ajouté aux constatations déjà faites en ce domaine par le Médiateur (cf. Rapport de 1977 pp. 129 et suivantes).

Plusieurs réclamations ont mis en cause des SAFER, et notamment l'attitude de ces organismes dans l'exercice de leur droit de préemption (affaires III 2907, IV 643, IV 2007). Il semble que ce droit soit souvent mal compris des administrés.

Les autres réclamations visaient à l'obtention de certaines aides : indemnité viagère de départ ainsi que son complément, primes exceptionnelles destinées à indemniser des calamités agricoles...

Enfin, il faut signaler cette année encore, les lenteurs apportées par l'O.N.I.V.I.T. à régler aux sociétés importatrices de vins communautaires le montant des droits compensatoires auxquels elles peuvent prétendre (voir à cet égard le rapport de 1977 p. 134). Alors que l'on pouvait penser le problème général définitivement réglé, de nouveaux retards sont apparus lors du règlement des sommes dues (affaires IV 631 et IV 3056).

Comme on peut le constater, les thèmes ne varient guère d'une année sur l'autre. Les diverses réclamations soumises au Médiateur n'ont pas permis de dégager pour ce rapport un problème particulièrement significatif. Quelques dossiers méritent cependant d'être analysés.

II. QUELQUES AFFAIRES PARTICULIERES

- Refus d'une commission départementale de remembrement d'exécuter le jugement d'un tribunal administratif annulant un plan de remembrement : (affaire III 506).

L'intéressé, s'estimant lésé par les opérations de remembrement décidées par sa commune, avait d'abord tenté, mais vainement, d'obtenir à l'amiable une rectification du plan arrêté. Devant le refus des services concernés, il s'était adressé au tribunal administratif qui avait annulé le plan contesté. A la suite de ce jugement, la commission départementale de remembrement avait pris de nouvelles décisions, mais celles-ci, ne pouvant être considérées comme constituant une exécution satisfaisante de la décision du tribunal, avaient également été annulées.

Finalement, après dix années de démarches pour obtenir satisfaction, et désespérant de vaincre la " mauvaise foi " de la commission, l'intéressé a saisi le Médiateur.

Celui-ci a obtenu que le requérant soit convoqué à la prochaine séance de la commission qui examinera différentes affaires dont la sienne.

- Conditions d'octroi de prêt : (affaire III 422).

La requérante, société civile agricole, contestait l'interprétation, faite par la Caisse nationale de crédit agricole, du décret du 4 janvier 1973 relatif aux prêts spéciaux d'élevage accordés aux agriculteurs, dans la mesure où cette interprétation avait pour conséquence de réserver le bénéfice de ces prêts aux seules personnes physiques.

La Caisse nationale, d'ailleurs soutenue dans son argumentation par l'Administration, se fondait sur les dispositions de l'article 2 du décret précité, qui prévoient que pour pouvoir obtenir de tels prêts, " il faut apporter la preuve de sa qualité d'éleveur dans des conditions fixées par les ministres de l'agriculture et de l'économie ". Or, l'arrêté en question précise que l'éleveur doit être " exploitant affilié à l'assurance maladie, invalidité et maternité des agriculteurs non salariés ". Selon les services administratifs, cette précision impliquerait nécessairement l'exclusion des personnes morales du bénéfice des prêts spéciaux.

Mais le Médiateur a estimé qu'une telle interprétation conduisait à vider de leur sens les dispositions de l'article 3 de ce même décret du 4 janvier, lesquelles admettent parfaitement que les personnes morales puissent accéder à ces prêts " à condition d'avoir un objet exclusivement agricole et de faire la preuve que 70 % au moins de leur capital social sont détenus par des personnes ayant l'agriculture comme activité principale ".

Bien qu'aucune solution n'ait encore été donnée à cette affaire, il semble qu'elle devrait finalement pouvoir être réglée positivement.

- Intérêts des prêts consentis par le Crédit Agricole : (affaire IV 19707)

Les pouvoirs publics ont décidé de faire prendre en charge par l'Etat, dans la limite d'un certain plafond, les intérêts échus en 1976 des prêts consentis aux viticulteurs. Mais la réglementation applicable en la matière prévoit cet avantage pour les prêts consentis par le Crédit Agricole exclusivement.

C'est cet aspect de la réglementation que contestait un viticulteur, auquel la prise en charge des intérêts lui incombant avait été refusée, au motif que les prêts dont il avait bénéficié avaient été contractés auprès de la Banque Nationale de Paris.

La limitation établie par les textes incriminés s'explique par le fait que la quasi-totalité des emprunts des viticulteurs sont contractés auprès du Crédit Agricole. Caractéristique constante des avantages accordés aux agriculteurs, elle permet d'aider l'ensemble d'une catégorie socioprofessionnelle sans multiplier excessivement les opérations administratives.

Mais il a semblé au Médiateur qu'en l'espèce, les objectifs visés par le Gouvernement devaient précisément permettre de ne pas sacrifier le fond à la forme.

- Indemnisation des calamités agricoles : (affaire IV 346).

L'intéressé, qui avait vu tout son troupeau de brebis décimé par la brucellose, invoquait la responsabilité de l'Administration dans cette affaire. Celle-ci avait en effet, en contravention avec la réglementation applicable, laissé entrer dans le département habité par le réclamant un troupeau contaminé venant d'un autre département.

Cet éleveur demandait que sans attendre une décision juridictionnelle, son exploitation soit déclarée sinistrée et bénéficie de la garantie prévue au titre des calamités agricoles.

Reconnaissant que cet incident dommageable pour l'intéressé résultait de la disparité des réglementations régissant la transhumance des troupeaux, le principe d'une indemnisation par la Commission nationale des calamités agricoles ainsi que de la fixation de son montant par un expert a fini par être admis sur la demande instante du Médiateur.

Toutefois l'intéressé, ayant estimé que les décisions adoptées par l'Administration remettaient en cause les engagements initialement pris, n'a pas accepté l'indemnisation qui lui était proposée.

Il reste à signaler également que le principe d'une indemnisation amiable s'est heurté au blocage du Budget et du contrôle financier.

C'est là un exemple parmi d'autres de la tendance regrettable de l'Administration qui, après avoir admis le bien-fondé d'une réclamation, quant à son principe, en réduit la portée dans son application pratique (9692. - 5).

- Conditions de recrutement par l'O.N.F. : (affaire IV 2793).

L'intéressée se plaignait de se voir refuser son recrutement en qualité d'agent technique de l'Office National des Forêts, au motif que la réglementation applicable en l'espèce réserve cet emploi aux candidats de sexe masculin. Constatant qu'on l'avait admise à suivre pendant deux années les études préparatoires à cette fonction, elle ne pouvait accepter l'argumentation avancée par l'Administration selon laquelle la réglementation incriminée ne constituait pas une " mesure discriminatoire, mais un impératif imposé par les risques particuliers inhérents à l'activité considérée ".

L'instruction de l'affaire a révélé qu'en tout état de cause, la requérante ne pouvait prétendre à être recrutée puisque, contrairement à ce qu'elle avait indiqué, elle avait échoué aux épreuves exigées. Mais elle a permis cependant de dénoncer le caractère anticonstitutionnel du texte et de demander sa modification afin d'ouvrir l'accès de l'emploi d'agent technique de l'O.N.F. aux candidats des deux sexes.

En dépit des risques qu'entraîne ce type de travail isolé, le Ministre de l'Agriculture a décidé au nom de la politique générale menée par le Gouvernement en la matière de passer outre à ces difficultés et d'ouvrir l'emploi d'agent technique forestier aux femmes dès que les nouvelles modalités de recrutement auront pu être sanctionnées par les textes réglementaires nécessaires, c'est-à-dire vraisemblablement dès l'année 1980.

- Conditions faites aux objecteurs de conscience : (affaire V 1534).

Ayant demandé à bénéficier du statut d'objecteur de conscience, le réclamant souhaitait être incorporé par anticipation afin de ne pas perdre, du fait de son incorporation, une année scolaire (il était étudiant en médecine).

Les circonstances n'ont pas permis à la Commission Juridictionnelle de lui octroyer ce statut suffisamment tôt pour qu'il puisse obtenir satisfaction.

Cependant l'affaire a révélé, sur un plan général, des difficultés de coordination entre deux départements ministériels, celui de 1a Défense et celui de l'Agriculture, le premier étant en principe chargé de la détermination de la composition du contingent incorporé, le second ne se considérant que comme un ministère d'accueil prestataire de service

Des contacts ont été pris avec les services concernés pour améliorer le système actuel.

- Révision de la date d'entrée en jouissance d'une pension : (affaire III 3084).

L'intéressé, ancien agent technique forestier à l'O.N.F., contestait la date d'entrée en jouissance de sa pension. Cette date avait en effet été modifiée unilatéralement par l'Administration trois ans après la première décision intervenue, parce que les services s'étaient aperçus que cet agent ne remplissait pas les conditions pour obtenir une pension à jouissance différée à l'âge de cinquante-cinq ans, et qu'il fallait donc retarder cette date jusqu'à son soixantième anniversaire.

Les services en cause avaient d'abord laissé sans réponse les multiples réclamations de l'intéressé pour lui indiquer, cinq ans après la naissance du litige, que la décision contestée lui était applicable de plein droit, aucun recours juridictionnel n'ayant été exercé dans les délais légaux.

Saisi du dossier par le Médiateur, les services ont reconnu qu'une telle situation n'était pas admissible et que le réclamant pouvait prétendre au versement d'une indemnité mais dont le montant devait, selon eux, être fixé par les tribunaux. Une nouvelle intervention du Médiateur a permis d'obtenir le versement d'une indemnité amiable dont le montant, tenant compte des divers éléments de l'affaire, s'est révélé satisfaisant.

III. PROPOSITIONS DE REFORME, RECOMMANDATIONS, INJONCTIONS

a) Propositions de réforme.

Deux propositions de réforme - qui sont en réalité le rappel de propositions élaborées antérieurement - ont été adressées au Ministre de l'Agriculture. Elles ont toutes les deux trait à l'action des SAFER :

- L'une (AGR 78-5) est relative aux procédures applicables aux SAFER.

Elle tend :

- d'une part, à améliorer l'information fournie aux tiers sur les transactions amiables qui sont notifiées aux SAFER, ainsi qu'à accroître les délais dans lesquels les candidats éventuels intéressés par un projet de mutation amiable doivent pouvoir demander l'intervention de la SAFER ;

- d'autre part, à revoir le rôle des commissaires du Gouvernement dans la procédure préalable à l'exercice du droit de préemption de manière à alléger cette procédure.

- La seconde (AGR 78-6) concerne l'exercice du droit de préemption des SAFER à l'égard du preneur à bail de certains terrains.

Ayant eu l'occasion de constater que certains propriétaires donnaient leur exploitation à bail à de futurs acquéreurs uniquement pour échapper à l'exercice du droit de préemption des SAFER, le Médiateur estimerait souhaitable que des dispositions soient prises pour faire échec à ces manoeuvres manifestement frauduleuses.

b) Recommandations - Injonctions.

En 1978 ces procédures n'ont pas été utilisées à l'encontre du Ministre de l'Agriculture.

IV. CONCLUSION

La collaboration apportée par le Ministère de l'Agriculture dans l'étude des dossiers qui lui sont soumis par le Médiateur se révèle dans l'ensemble satisfaisante. Les réponses sont transmises dans des délais convenables et le désir d'aboutir à une solution tenant compte de l'équité est manifeste.

Cette collaboration efficace n'empêche cependant pas quelques blocages, dont certains ne sont pas dus seulement aux services du ministère intéressé.

SECRETARIAT D'ETAT AUX ANCIENS COMBATTANTS

I. BILAN

En 1978, le Médiateur a reçu 102 réclamations dirigées contre ce Secrétariat soit environ 2,5 % du total.

La comparaison avec les années précédentes montre que le nombre des dossiers enregistrés fléchit faiblement mais de façon régulière.

Concernant le fonctionnement de cette administration et la situation des anciens combattants, le Médiateur n'a pas à faire état d'un problème dominant.

Des mesures récentes, relatives notamment : à la retraite anticipée (loi du 21 novembre 1973) et à la préretraite (avenant à l'accord du 13 juin 1977 signé le 24 mai 1978) attribuées désormais aux anciens combattants ; à la suppression, par décret du 6 août 1975, de la forclusion pour les demandes de carte de combattant volontaire de la résistance, de personne contrainte au travail et de réfractaire ; à la vocation à la carte du combattant au titre des opérations en Afrique du Nord (décret du 9 février 1975), ont sensiblement amélioré le sort des anciens combattants et permis de régler des problèmes soumis au Médiateur.

Néanmoins, au cours de l'étude de ses dossiers, le Médiateur a décelé encore des iniquités, dont certaines ont retenu particulièrement son attention.

En effet, les difficultés auxquelles se heurtent, dans certains cas, les victimes de la guerre, les anciens prisonniers et combattants, ou les victimes d'accident survenu au cours du service national pour faire reconnaître ce qu'ils considèrent comme leur droit, entraînent des situations choquantes que les intéressés, à juste titre souvent, jugent inéquitables.

Ces difficultés se rencontrent à propos de sujets divers. On peut cependant remarquer que la plupart des litiges portent sur :

- les demandes de carte de combattant,

- les homologations de blessure de guerre,

- les demandes de pension d'invalidité pour blessure imputable au service,

- les demandes de révision de pension pour aggravation d'un état reconnu imputable au service,

- les demandes de titre de réfractaire au service du travail obligatoire,

- les demandes de reconnaissance du titre de résistant, d'interné ou d'évadé etc.

II. ANALYSE DES DIFFICULTES

A. Des exemples

Plusieurs affaires attestent des difficultés tenant aux conditions exigées pour obtenir le titre de réfractaire au service du travail obligatoire dont :

- L'affaire V 168

En février 1943, l'intéressé a quitté la ville où il était ouvrier ébéniste pour échapper à la réquisition. Il est devenu réfractaire volontaire clandestin et s'est réfugié dans une autre ville. En 1944, il a rejoint le maquis.

Pouvant difficilement démontrer, plusieurs années après que sa volonté, en 1943, était bien de se soustraire à une telle mesure de réquisition, il fournit, à l'appui de sa demande de titre de réfractaire, des témoignages qui devraient suffire à établir sa bonne foi et qui attestent que sa vie, à l'époque, revêtit un caractère clandestin.

Ce dossier fait, à l'heure actuelle, l'objet d'un examen attentif.

- L'affaire V 808

L'intéressé prétend avoir mentionné par erreur le début de l'année 1942 comme date de sa réquisition (en fait ce serait en 1943) alors que les premières réquisitions sont intervenues fin 1942. Cette erreur constituant un nouvel élément du dossier, celui-ci est de nouveau à l'étude.

- L'affaire V 396

La demande de l'intéressé est rejetée, au motif que sur sa carte de travail, il avait été déclaré inapte à diverses reprises.

Or, il assure que sa carte de travail était un faux destiné à le faire échapper à un ordre de réquisition pour l'Allemagne. Il fournit, à l'appui de sa demande, diverses pièces établissant qu'il a été arrêté pour infractions au service du travail obligatoire et qu'à plusieurs reprises, il a tenté de fuir.

Ces tentatives d'évasion et le fait d'établir une fausse carte de travail devraient suffire à démontrer que l'intéressé avait l'intention de se soustraire à une mesure de contrainte au travail. C'est en ce sens que le Médiateur est intervenu pour qu'il puisse obtenir satisfaction, ce qui n'a cependant pas été fait à ce jour.

- L'affaire V 92

Dans ce cas, l'intéressé a dû se plier à une exigence plus grande encore, puisque la Commission Nationale, relevant les éléments favorables du dossier, n'a pas confirmé la décision préfectorale de rejet, mais elle s'est estimée insuffisamment informée sur l'activité et le domicile de l'intéressé durant la période de réfractariat. En effet, le statut exige des postulants non seulement de s'être soustraits à une mesure de réquisition, mais également d'avoir vécu pendant au moins trois mois en marge des lois et règlements en vigueur à l'époque.

Un complément d'enquête a donc été demandé au service départemental de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre et le dossier sera présenté à nouveau à la Commission Nationale.

Plusieurs litiges portent sur la reconnaissance des droits à pension d'invalidité pour accidents, blessures ou maladies survenus à un militaire en permission ainsi :

- L'affaire I 797

En 1956, pendant son service militaire, l'intéressé a été victime d'un accident de la circulation survenu alors qu'il se trouvait en permission. Grièvement blessé, il a été réformé sans pension par la Commission de réforme.

Cette affaire a entraîné de nombreux échanges de correspondance sur la notion d'accident de trajet mais, en définitive, une imprudence grave, constitutive au surplus d'une infraction au Code de la route, a été retenue à la charge de l'intéressé. L'argument selon lequel le traumatisme crânien qu'il avait subi l'avait empêché de contester la décision du Conseil de réforme n'a pas permis de revenir sur cette décision.

- L'affaire III 1054

L'intéressé a été victime d'un accident, alors que bénéficiaire d'une permission de convalescence pour une blessure contractée en service, il se rendait en chemin de fer chez ses parents.

Bien qu'ayant eu le pied broyé après être descendu du train - qui se remettait en marche - pour ramasser un objet sur le quai, il n'a pu obtenir une pension d'invalidité. En effet, compte tenu de témoignages divergents, un doute subsiste sur la nature de cet objet (son béret militaire ou une bouteille de bière), l'octroi d'une pension n'étant possible que s'il s'agissait du béret, ce qui ne constitue pas une faute exclusive de droit à pension, puisque le règlement lui fait obligation de le ramasser.

Plusieurs dossiers enfin, montrent combien il est délicat de déterminer la responsabilité du service dans l'origine ou l'aggravation de troubles physiques.

Ainsi dans l'affaire V 386, le réclamant n'a pu obtenir une pension pour diminution de ses facultés visuelles, résultant selon le Centre de réforme, d'une anomalie congénitale. Il est curieux cependant, qu'à l'issue de deux visites médicales subies auparavant, aucun symptôme n'ait été découvert et que, bien au contraire, on avait affecté l'intéressé comme chauffeur devant conduire dès 4 heures du matin jusqu'à la fin du service, ce qui exigeait de lui une tension soutenue.

Dans l'affaire IV 2887, l'intéressé faisait valoir, à l'appui de sa demande de pension, qu'il était tombé sans connaissance à la suite d'un exercice de tir en plein soleil, ce qui aurait aggravé les troubles visuels dont il était atteint. Cet élément a néanmoins été avancé trop tardivement par l'intéressé pour qu'il en soit tenu compte.

Pour ces deux dossiers toutefois le Secrétaire d'Etat aux anciens combattants vient d'accepter de les réexaminer.

B. Un sentiment d'injustice face à une législation formaliste

Le Médiateur a pu constater que les demandes adressées par les particuliers au Secrétariat d'Etat aux anciens combattants apparaissent, dans bien des cas, particulièrement fondées en équité et le récit des événements cités à l'appui de ces demandes, parfaitement clair et détaillé.

Dans ces circonstances, comment les intéressés sûrs de leur droit, certains d'avoir accompli leur devoir, ne ressentiraient-ils pas comme une profonde injustice un avis défavorable, une décision de rejet prononcée à leur encontre, un refus de dérogation même dans certaines occasions.

Lorsqu'ils se heurtent à une réticence prolongée de la part des services administratifs, lorsque, avec opiniâtreté, ils réitèrent leurs demandes sans abandonner, " sûrs de leur fait ", on est en droit de s'interroger sur la légitimité de la méfiance des services administratifs ou des autorités ministérielles, qui réclament des preuves et exigent le respect de conditions irréalisables.

C. La position du Médiateur

Sans doute, les services administratifs, chargés d'examiner les requêtes, sont-ils obligés de se montrer stricts sur le respect de la réglementation et leur souci de rigueur est d'autant plus justifié qu'il leur arrive parfois de déceler jusqu'à des falsifications de papiers militaires dont les intéressés espèrent tirer profit.

L'âge des requérants, le retard, propre aux anciens combattants, avec lequel sont présentées les demandes, les difficultés de prendre en considération des témoignages, quand il y en a, trop anciens pour être vérifiés, les répercussions financières de la moindre décision légitiment aussi en partie leur suspicion.

Néanmoins, on constate tout de même de leur part, une réticence quelque peu abusive à satisfaire des demandes motivées.

L'administration n'admet-elle donc pas la bonne foi ?

Faire la part entre les falsifications, tromperies, demandes abusives ou prétentions excessives des intéressés et les erreurs, les iniquités, les malversations dont ils sont réellement victimes est une tâche malaisée.

Aussi, conscient de la place privilégiée qu'il occupe, le Médiateur entend, avec l'aide et la compréhension des services concernés, rétablir l'équité dans les cas où elle semble avoir été quelque peu oubliée.

III. PROPOSITIONS DE REFORME, RECOMMANDATIONS, INJONCTIONS

a) Propositions de réforme

Aux propositions de réforme mentionnées dans le rapport 1977, vient s'ajouter cette année essentiellement la proposition N° AC 78.5

Faisant suite aux intentions exprimées dans le rapport précédent, en conclusion du thème choisi pour ce département ministériel, cette proposition en cours d'étude, concerne la reconnaissance d'un droit à pension à certains jeunes gens qui ont été blessés par des engins de guerre abandonnés.

Elaborée à partir de plusieurs affaires, dont certaines déjà anciennes, cette proposition vise à modifier les dispositions de l'article L. 195 du code des pensions militaires d'invalidité, de façon telle, que tout accident se rattachant aux événements de la guerre et non imputable à une faute inexcusable de la victime ouvre à celle-ci le bénéfice du droit à pension prévu par ce même article L. 195.

Cette proposition a été adoptée par le Parlement et a fait l'objet de l'article 98 de la loi de finances pour 1979.

b) Recommandations - Injonctions

Le Médiateur n'a adressé ni recommandation ni injonction au Secrétariat d'Etat aux anciens combattants.

Signalons uniquement que la recommandation II 2693 relative au paiement d'arrérages d'une pension d'invalidité a reçu définitivement une solution positive.

IV. CONCLUSION

Tout autant que l'année précédente, le Médiateur tient à louer l'esprit de coopération qui anime ce Secrétariat d'Etat dans la recherche d'une solution équitable à des litiges parfois délicats.

Compte tenu des difficultés auxquelles il doit faire face et dont les principales viennent d'être étudiées, sa volonté de parvenir à les résoudre est d'autant plus appréciée.

MINISTERE DE LA DEFENSE

I. BILAN

Le Médiateur a reçu 102 réclamations concernant ce ministère, soit un pourcentage de 2,5 par rapport à l'ensemble des requêtes.

Les observations formulées dans le rapport 1977 à l'égard de ce ministère restent valables cette année.

En sus des nombreux litiges relatifs à des demandes de pension, révision de pension ou majoration de pension - signalons à ce titre l'heureuse conclusion de celui concernant la prise en considération pour leur pension des soldes de réforme attribuées aux militaires recasés dans la fonction publique - le Médiateur a continué à recevoir quelques requêtes relatives à des demandes de report d'incorporation ou d'exemption de service national.

Parmi celles-ci, certaines méritent véritablement qu'une suite favorable leur soit réservée parce qu'elles dénotent la défectuosité, la lenteur par exemple, du fonctionnement des services habilités à examiner ces demandes.

Ainsi, un jeune chef de famille, déjà sursitaire et vraisemblablement susceptible d'obtenir une exemption de service, a dû néanmoins répondre à l'appel d'incorporation, en raison du retard mis par les services à examiner sa demande (affaire SN° V 311).

Parmi l'ensemble des affaires qui lui ont été soumises c'est cependant sur une affaire déjà ancienne que le Médiateur s'appuie cette année pour traiter un thème qui, par le fait même de l'amplification des progrès techniques, restera longtemps d'actualité.

II. LA PROCEDURE D'ENQUETE EN MATIERE DE DOMMAGES DUS AUX VOLS SUPERSONIQUES

A. Exposé de l'affaire

Propriétaire d'une maison dans la Haute-Garonne l'intéressé sollicitait une indemnisation pour les dégâts résultant d'une déflagration causée, le 14 février 1975, par le passage, à vitesse supersonique, d'un aéronef militaire.

A l'occasion d'affaires similaires, le Médiateur avait demandé une étude au Conseil d'Etat. Celui-ci avait souligné la nécessité pour le réclamant d'apporter la preuve de l'existence d'un lien de cause à effet entre la déflagration et le dommage, base indispensable à l'ouverture d'un droit à réparation.

Or, dans cette affaire (II 2576) le Ministère de la Défense contestait le principe de sa responsabilité, les constatations et les investigations faites sur place par l'expert militaire et la gendarmerie, ainsi que les propres déclarations de l'ancien propriétaire des lieux ne laissant aucun doute sur le mauvais état dans lequel se trouvait, au moment des faits, cette maison construite en 1830 et inhabitée pendant plusieurs années.

Ce sinistre était considéré comme l'effet d'un processus de dégradation entamé depuis fort longtemps et en l'absence d'éléments contredisant ces indications, la demande du réclamant avait été rejetée.

B. Le problème posé

Dans ses rapports précédents (rapport 1975 p. 46 et 122, rapport 1976 p.26) le Médiateur avait déjà étudié le problème posé par ce type de litiges et, plus généralement, par les mesures d'instruction administrative. Rappelons que le Médiateur avait reçu du Ministère de la Défense l'assurance que les mesures d'instruction nécessaires au règlement des plaintes dont son département est saisi sont toujours effectuées en présence des plaignants auxquels est en outre soumis, avant toute décision, le procès-verbal de constat contradictoire.

Néanmoins face aux difficultés rencontrées dans l'instruction de ces affaires et notamment du dossier n° II 2576, le Médiateur a été amené à attirer de nouveau (par note du 8 août 1978) l'attention du Ministre de la Défense sur ce problème général de la mise en place d'une procédure d'expertise contradictoire en matière de dommages causés par l'Administration.

C. L'intervention du Médiateur

D'une manière générale, afin que soient respectés, de façon définitive, les droits des administrés, le Médiateur a cette fois-ci, mis l'accent tant sur les procédures suivies que sur les règles de droit applicables en la matière.

a) Sur la procédure, le Médiateur a observé que lorsque l'autorité militaire, en l'espèce une région aérienne, reçoit une réclamation en vue d'obtenir la réparation de dommages, elle fait établir, par un expert militaire désigné par ses soins, deux documents.

Le premier, " le procès-verbal de constat et d'évaluation contradictoire des dégâts " est établi contradictoirement. Ce caractère permet de s'opposer au dépérissement des preuves sur lesquelles chacune des parties pourra fonder ultérieurement ses prétentions.

Le second est constitué par le rapport de l'expertise prévue. Il n'est ni contradictoire, ni communiqué au requérant. Le Médiateur a fait remarquer qu'une telle pratique, outre qu'elle est en contradiction complète avec la politique menée depuis plusieurs années pour rendre les rapports entre l'administration et le citoyen plus égalitaires n'avait guère de raison d'être. Il lui a paru même tout à fait souhaitable que ce rapport d'expertise qui fonde la décision de l'autorité militaire soit communiqué aux intéressés.

b) Sur les règles de droit, le Médiateur a cru bon de rappeler les règles légales et jurisprudentielles sur le fondement desquelles la responsabilité de l'Etat doit être appréciée, car elles semblaient avoir été quelque peu perdues de vue.

Dans un système de responsabilité pour risque, (s'appuyant sur l'article 141-2 du Code de l'aviation civile) les règles propres selon lesquelles les tribunaux judiciaires sont tenus de statuer, ont trait uniquement à la répartition de la charge de la preuve :

- au demandeur, la charge d'établir qu'il y a un lien de cause à effet entre le fait générateur du dommage : " le bang ", et le dommage : l'effondrement de l'immeuble.

- au défenseur, l'Etat, celle d'établir, s'il veut dégager sa responsabilité, la faute de la victime qu'il est en droit de rechercher sous la forme " d'un mauvais entretien de l'immeuble sinistré ".

D. Les conclusions de l'affaire

S'agissant du problème particulier posé par la réclamation n° II 2576, d'une part, le procès-verbal de constat n'avait pas été établi contradictoirement les experts militaires ayant laissé partir le représentant mandaté par l'intéressé avant le début du constat. D'autre part, ni le demandeur ni l'Etat n'ont été en mesure d'apporter la preuve des faits que l'un et l'autre alléguaient.

Après un entretien personnel avec le Médiateur, le Ministre de la Défense a admis que l'administration n'ayant pas apporté la preuve que l'avion était étranger à la démolition de la maison, le doute devait profiter au réclamant.

Il a décidé en conséquence d'accorder une indemnisation forfaitaire dont le montant a été calculé sur la base du prix d'achat de la maison estimé à 93 000 F et a atteint un pourcentage environ égal à la moitié de celui-ci.

Le Médiateur se plait à reconnaître l'esprit de coopération et d'équité dont le Ministre de la Défense a fait preuve, malgré l'avis contraire émis à deux reprises par ses services.

L'an dernier, le Médiateur s'était montré favorable, sous certaines conditions, à l'institution d'un médiateur militaire.

Il a pris connaissance avec satisfaction de la modification apportée par le Ministre de la Défense au règlement de discipline générale des Armées par le décret n° 78-1024 du 11 octobre 1978. Sous le titre " droit de réclamation " l'article 11 de ce décret autorise tout militaire qui estime avoir à se plaindre d'une mesure prise à son encontre, à demander, par la voie hiérarchique, à être entendu par l'autorité immédiatement supérieure à celle qui a pris la mesure incriminée.

En cas de rejet de sa réclamation par les différentes autorités de la voie hiérarchique, l'intéressé peut saisir par écrit l'Inspecteur Général de son armée qui donne son avis au ministre, lequel transmet sa décision au réclamant.

Ce système aboutit à faire des inspecteurs généraux de chaque armée de véritables médiateurs militaires. Le Médiateur ne peut que s'en féliciter puisque, sans porter atteinte aux règles de la hiérarchie et de la discipline qui conditionnent le bon fonctionnement des Armées, de nouvelles garanties sont ainsi accordées aux militaires de tout grade.

III. PROPOSITIONS DE REFORME, RECOMMANDATIONS, INJONCTIONS

a) Propositions de réforme

Signalons que les dispositions que le Médiateur avait suggérées dans la proposition DEF 76.5 relative aux services effectués dans les armées alliées par des militaires naturalisés français ultérieurement ont reçu une application pratique, puisqu'elles ont été incluses dans la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif social et fiscal.

A cette proposition, le Médiateur a jugé bon de joindre des dispositions complémentaires qui font l'objet de discussions avec les ministères concernés.

b) Recommandations

Le Médiateur se réjouit de devoir mentionner ici la clôture, dans un sens favorable aux requérantes, de l'affaire IV 288, relative à une créance du Ministère de la Défense déjà mentionnée dans le rapport précédent.

c) Injonctions

Le Médiateur n'a pas eu à en faire usage.

IV. CONCLUSION

Le Médiateur ne peut que se féliciter de l'intérêt personnel porté par le ministre aux dossiers signalés à son attention.

Il souhaite seulement que l'esprit de compréhension dont fait preuve le ministre anime l'ensemble de ses services et qu'ainsi soient plus rapidement satisfaites les réclamations des administrés, lorsqu'elles sont fondées.

MINISTERE DE L'ECONOMIE
MINISTERE DU BUDGET


Contrairement à ce qui a été fait pour les autres départements ministériels, ce chapitre ne sera pas limité aux affaires concernant uniquement ces ministères.

Le problème des marchés publics est d'une trop grande actualité pour n'être pas évoqué ; mais compte tenu de son caractère interministériel, il ne pouvait l'être qu'au titre des ministères qui ont dans ce domaine une compétence de réglementation et de contrôle.

La partie consacrée aux deux Ministères de l'Economie et du Budget sera donc précédée d'un développement consacré aux marchés publics.

I. LES MARCHES PUBLICS

Les collectivités et établissements publics passent, bon an mal an, quelques 150 000 marchés pour un total qui, en 1977, a représenté environ 180 milliards de francs soit environ 10 % du produit intérieur brut marchand.

Elément important de l'activité économique, le marché public constitue pour l'entreprise qui l'obtient une part plus ou moins grande de son chiffre d'affaires. C'est dire que, dans la pratique quotidienne, les modalités concrètes de passation, de conduite et de règlement des marchés ont une incidence directe sur la gestion des entreprises et, par conséquent, sur l'économie toute entière. Un exemple récent a montré qu'un certain laxisme administratif pouvait être directement à l'origine de faillites retentissantes (Affaire GEEP-industries).

C'est constater aussi que, pour ce qui la concerne, l'administration a le devoir absolu de respecter les règles fixées par le Code des marchés publics et d'honorer strictement les engagements qu'elle souscrit.

Force est de remarquer que, dans ce domaine, subsistent encore des lacunes trop graves pour qu'elles ne soient pas dénoncées. Dans les circonstances actuelles où le moindre incident peut mettre en péril l'entreprise, il est moins que jamais acceptable que le laxisme avec lequel certains services publics traitent leurs engagements contractuels puisse être à l'origine d'une aggravation du chômage.

La réglementation de base des marchés n'est pas en cause. A l'exception d'aménagements récents qui, comme on le verra plus loin, n'atteindront pas l'objectif visé, cette réglementation est bonne. De nombreux observateurs étrangers le reconnaissent. Malheureusement, elle est souvent mal connue des milliers d'agents qui à tous les niveaux de la hiérarchie participent à l'achat public. Il arrive de plus trop fréquemment encore, qu'elle ne soit pas respectée, lorsqu'elle n'est pas délibérément tournée.

Les critiques qui seront présentées ici sur la base des dossiers soumis au Médiateur doivent dès l'abord être nuancées par deux constatations :

- La diversité de comportement des services publics et parapublics interdit de formuler une appréciation trop générale : certains ne sont pas en cause ; d'autres comme les hôpitaux publics peuvent plaider l'excuse absolutoire compte tenu des conditions dans lesquelles leurs gestionnaires sont placés.

- La matière n'est pas homogène : l'objet des marchés (travaux, fournitures et services), les modes de passation et les types de contrat constituent les composants d'un ensemble dont la complexité ne doit pas être perdue de vue.

Pour la clarté de l'exposé, les observations seront ici présentées dans l'ordre du déroulement de la procédure de passation et d'exécution des marchés.

1. Excessive brièveté des délais de soumission

Le Code des marchés publics fixe des délais minimaux. Mais il va de soi qu'il appartient à l'administration de retenir des délais adaptés à la nature du marché, à la dispersion des concurrents, à l'éloignement géographique - D.O.M. par exemple - du lieu d'exécution. Le but est double : élargir la concurrence et laisser aux soumissionnaires le temps de présenter des offres plus étudiées et éventuellement des variantes.

Dans la réalité, l'excessive brièveté des délais de soumission - souvent dénoncée - peut avoir deux causes :

- l'une est aisément détectable. C'est la propension des services à adopter - surtout lorsqu'ils sont en retard dans le lancement du marché - les délais minimaux du Code ;

- l'autre est beaucoup plus insidieuse. Elle réside dans la rédaction même de l'avis d'appel d'offres.

En effet, cet avis comporte généralement pour l'ouverture des plis une date calendaire qui est fixée lors de la préparation ultime du dossier. En fait, même à ce stade des incidents de procédure peuvent se produire et la publication se trouver retardée. On ne songe généralement pas alors à modifier la date initialement fixée. Il en résulte que les délais se trouvent raccourcis des pertes de temps induites par l'incident.

Ce cas de mésadministration peut être évité en fixant la date d'ouverture des plis sous la forme d'un délai à partir du jour de la publication officielle de l'avis d'appel d'offres et non pas en date calendaire.

La solution la plus simple consiste à stipuler que les plis seront déposés au plus tard le dernier jour ouvrable du énième mois plein suivant celui au cours duquel l'appel d'offres a été publié. La date exacte serait ensuite rappelée dans le dossier d'appel d'offres lui-même, avant son envoi aux entreprises qui le demandent.

2. Dénaturation du marché en cours de procédure

- Affaire II 3172

Une administration lance une opération complexe (bâtiments et équipements techniques) sous la forme d'un " marché à groupement d'entreprises ". Dans ce type de marché, une contrainte pèse sur chaque entreprise bénéficiaire d'un lot technique : l'obligation de travailler en équipe avec d'autres entreprises et notamment une entreprise pilote, avec laquelle elle peut n'avoir jamais coopéré. En échange, chaque lot technique fait l'objet d'un contrat distinct qui lie l'adjudiciaire au maître d'oeuvre et ouvre droit au paiement direct.

Au cours des négociations postérieures à l'ouverture des plis, il apparaît, dans cette affaire, qu'insensiblement l'entreprise pilote devient entreprise générale et que les co-traitants passent à l'état de sous-traitants.

L'un d'eux s'en inquiète et demande que lui soit maintenu le bénéfice du paiement direct. Le maître d'ouvrage répond que cette demande est inutile puisque l'on est toujours sous le régime du groupement d'entreprises. Dans la même lettre, il enjoint au maître d'oeuvre de substituer une page du marché déjà signé pour... faire disparaître toute possibilité de paiement direct.

" L'exemplaire unique " du marché est remis à l'entreprise pilote qui le nantit pour la totalité à son profit.

Le marché s'exécute " à l'entreprise générale ". Après l'avant dernier paiement, l'entreprise chef de file dépose son bilan. Ce règlement est bloqué dans la masse de la faillite. Les co-contractants qui se plaignent se voient invités à " produire à la masse " à laquelle la dernière échéance en cours de liquidation doit également être versée.

Le Médiateur saisi parvient avec l'aide de la Caisse nationale des marchés et la compréhension des banques nanties à faire régler la dernière échéance directement à ceux qui en droit n'ont pas cessé d'être des co-traitants.

Quant à l'avant dernier règlement - celui qui était fondu dans la masse de la faillite - le Médiateur obtient, avec le concours de la Commission Centrale des Marchés et de sa Brigade d'Enquêteurs, qu'il soit effectué à nouveau aux co-traitants, l'Administration produisant, elle, à la masse de la faillite.

De tels agissements sont heureusement rares. Ils n'en sont pas moins très graves, car révélateurs d'une attitude d'esprit dont on retrouvera d'autres manifestations dans les exemples suivants : une désinvolture certaine à l'égard des engagements contractuels.

3. La " banalisation " des variantes techniques proposées par les soumissionnaires.

Il est fréquent que les soumissionnaires présentent - à côté du prix pour la solution proposée par l'administration - une ou plusieurs variantes techniques (9692. – 6).

Il arrive malheureusement que les maîtres d'oeuvre ne donnent pas suite à l'appel d'offres, mais le relancent en demandant aux autres concurrents des prix pour la variante de leur confrère, au mépris de ce que l'on pourrait comparer à des droits moraux et commerciaux de l'auteur de la variante.

Que peut faire le Médiateur ? S'il obtient l'annulation du second appel d'offres et oblige le maître d'oeuvre à passer le marché avec l'entreprise qui a proposé la variante retenue et à son prix, il est clair que la position du fournisseur ainsi imposé sera intenable. Aussi bien, d'ailleurs dans l'affaire évoquée ici, l'intéressé à préféré, renoncer.

C'est à la source même de la mésadministration qu'il faut s'attaquer en interdisant de telles pratiques, formellement et sous menace de sanctions personnelles.

Il est clair en effet que l'on se trouve en présence d'une situation de concurrence illicite. Ce qui est grave c'est qu'elle soit organisée de toutes pièces par l'administration elle-même.

En droit privé, un tel comportement ne manquerait pas d'être sanctionné par les tribunaux en application de l'article 1382 du Code civil. Il est en effet aisé de prouver le préjudice si l'auteur de la variante retenue n'obtient pas le marché - ce qui fut le cas dans l'affaire visée - ou s'il se voit obligé pour le conserver de faire sur son prix initial des rabais excessifs ruinant l'économie du contrat.

Ce comportement de l'administration est d'autant plus scandaleux, en l'espèce, que l'entreprise lésée avait présenté le plus bas prix sur la solution proposée et que sa variante permettait d'abaisser de 20 % le coût du marché.

Il n'est pas excessif de dire que rien ne peut justifier de tels comportements. Le caractère " public " des marchés ne saurait dispenser les fonctionnaires de respecter les principes les plus élémentaires du droit.

4. Les prix anormalement bas

Il peut paraître surprenant que le Médiateur attire dans son rapport l'attention sur le fait que certains marchés sont passés à des prix anormalement bas. Il est pourtant de son devoir de le faire car l'acceptation de prix trop bas n'est pas, contrairement aux apparences, de l'intérêt de l'administration.

A l'heure actuelle, la concurrence est si vive que - comme dans l'exemple cité en 3 ci-dessus - des entreprises aux abois acceptent des prix anormaux dans l'espoir d'une chance de survie et pour maintenir l'équipe de collaborateurs qui constitue, surtout dans les branches techniques, son actif le plus précieux.

Envisageables sur une courte période, les marchés souscrits à perte entraînent inéluctablement la ruine de l'entreprise si la crise dure. L'interruption du chantier et …sa reprise par un concurrent aux frais du soumissionnaire sont toujours coûteuses pour l'administration. Les faillites et leur cortège de chômage font des victimes et accroissent - sans profit pour personne - les charges de la nation.

De nombreux Etats de la Communauté économique européenne ont résolu ce problème par l'élimination des offres manifestement déraisonnables. L'étude de la " dispersion " des offres autour du " prix moyen " permet de déterminer le quartile immédiatement inférieur à ce prix et de limiter le choix aux entreprises qui y figurent.

5. Retards dans le lancement des travaux

Une entreprise soumissionne simultanément au début de 1978 pour deux marchés qu'elle obtient. Dans les deux cas, le contrat stipule qu'elle devra se tenir prête à commencer les travaux le 1er avril.

Dans les deux cas, l'ordre de service est différé de mois en mois, jusqu'au moment où l'entreprise apprend que les travaux ne pourront, au mieux, commencer qu'au printemps de 1979 !

Pour le premier marché, les crédits n'étaient pas disponibles. Pour le second, l'établissement public concerné attendait que l'utilisateur ait précisé ses besoins techniques.

Il est évident qu'aucun des fonctionnaires responsables n'a réalisé les contraintes indues qu'il faisait peser sur l'entreprise en l'obligeant à se tenir prête à intervenir, ni le préjudice financier qu'il lui causait en différant l'exécution du marché et les recettes qui en auraient résulté.

En novembre 1978, cette entreprise de 180 salariés déposait son bilan. On objectera que cet incident n'a pu être la seule cause de ses difficultés financières, c'est exact. Il faut donc préciser que c'est la même entreprise qui avait été victime des cas flagrants de mésadministration décrits en 2. et 3. ci-dessus et qui " traînait " depuis plusieurs années des créances de l'ordre de 1,2 million sur un centre de recherche !

6. Les délais de paiement

Les nombreuses doléances dont le Médiateur est saisi au sujet des délais de paiement s'accompagnent généralement d'une demande instante de ne pas intervenir.

Cette contradiction apparente illustre la crainte des fournisseurs de perdre une clientèle qui représente parfois la plus grande partie de leur chiffre d'affaires. Le " retour de bâton " - dont la pratique trop fréquente est en soi un scandale permanent - conduirait inéluctablement l'entreprise plaignante à sa perte. Dans ces conditions, on comprend une prudence qui n'est, hélas, qu'une condition de la survie.

Mais cette prudence montre l'impunité totale dont jouissent les responsables de la conduite et de l'exécution des marchés publics lorsqu'ils abusent des prérogatives de la puissance publique dans un domaine où elles n'ont qu'une part très restreinte.

C'est qu'en effet, l'appel d'offres une fois lancé, on se trouve dans une situation contractuelle qui implique une réciprocité de droits et d'obligations qui trouvent leur source et devraient trouver leur sanction dans le marché et dans les principes généraux du droit.

Or, s'il est un domaine où le strict respect des dispositions contractuelles s'impose sans discussion c'est celui des conditions de paiement. Lorsqu'une collectivité s'engage sur des délais de paiement, le co-contractant est en droit d'exiger qu'on les respecte. En droit d'exiger, mais hélas, comme on l'a vu, pas en position de le faire.

Les délais de mandatement sont, en principe :

- pour les acomptes de 45 jours ;

- pour les soldes des contrats dont la durée d'exécution est supérieure à 6 mois, de deux mois pour les marchés de travaux et de soixante-quinze jours pour les marchés industriels.

Mais il s'agit de délais de mandatement et non de paiement. Or ce qui importe pour l'entreprise, c'est la date du paiement effectif : elle seule compte pour l'ajustement de ses échéances et pour son banquier.

Il suffit d'un rejet par le comptable pour bouleverser les prévisions et le Médiateur a eu la preuve de paiements refusés pour une erreur de un centime au bénéfice de l'administration.

De plus, rien n'empêche l'ordonnateur de mandater un paiement sachant qu'il ne sera pas honoré faute de crédits. Dans certains cas extrêmes, les mandatements sont généralement faits dans les délais contractuels, même si le compte de l'ordonnateur chez le comptable n'est pas provisionné. En matière commerciale, l'entreprise serait pénalement sanctionnée. Un particulier se verrait retirer son carnet de chèques, sans préjudice des poursuites correctionnelles. L'agent public est au-dessus de la loi ; il peut impunément émettre des chèques sans provision.

Ce laxisme n'est pas général, heureusement. Certaines administrations comme les P.T.T. et la Défense parviennent à respecter leurs contrats, parce qu'elles ont des comptables spéciaux avec lesquels les ordonnateurs ont pu organiser leurs relations de travail. D'autres s'en rapprochent de leur mieux comme les établissements scolaires et les établissements pénitentiaires.

Mais ces exceptions ne font que rendre plus choquant un laxisme trop fréquent pour n'être pas stigmatisé, et qui dans certains établissements publics conduit à des délais de paiement de l'ordre de l'année, quand les marchés ne sont pas exécutés... avant d'être signés comme on le verra plus loin.

Cette situation semble avoir deux causes principales : l'une tient aux institutions, l'autre aux hommes.

- Institutionnellement, la procédure de la dépense publique est d'une lourdeur inutile, anachronique et coûteuse.

En principe elle est simple puisqu'elle ne met en présence que trois niveaux de décision : l'ordonnateur, le contrôleur financier et le comptable (les deux dernières fonctions étant assurées par le même service, la Trésorerie générale, pour les crédits délégués aux services extérieurs et les dépenses des collectivités locales).

En fait, ce schéma simple se complique en raison du cloisonnement des services et de la superposition des compétences hiérarchiques à tel point que, dans certains établissements publics, il ne faut pas moins de douze signatures pour parvenir à un mandatement.

Le Médiateur demande que ces procédures soient systématiquement révisées et simplifiées car coûteuses pour l'Etat, leur complication n'ajoute rien à la protection des deniers publics.

- En ce qui concerne les gestionnaires publics, il est clair que le laxisme observé en la matière trahit une méconnaissance profonde des contraintes qui pèsent sur l'entreprise. Ses créances sur l'administration entrent dans un échéancier dont les ressources et les emplois doivent s'équilibrer. Les concours bancaires nécessaires aux ajustements sont encadrés, limités et de toutes façons très coûteux.

L'économie du marché peut être détruite et l'entreprise ruinée si l'Administration ne respecte pas ses engagements. Certes, l'entreprise en difficulté pourra s'adresser aux C.O.D.E.F.I. Mais si l'administration porte des responsabilités dans ces sinistres, c'est le pompier qui devient pyromane.

Dans la pratique commerciale, le crédit accordé à un client est négocié et assorti de conditions ; il donne lieu souvent à la signature de traites escomptables. En matière de marchés publics, par contre, un retard de paiement administratif est un crédit non mobilisable, imposé sans préavis au fournisseur qui doit, de plus, en supporter la charge financière.

Certes deux décrets, un arrêté et une instruction du 29 août 1977 ont tendu à mettre fin à cette situation et à limiter les conséquences financières des retards de paiement pour les entreprises. Mais il ne semble pas que ces textes aient atteint le but visé.

Ils stipulaient :

- l'obligation faite à l'ordonnateur de mandater les intérêts moratoires en même temps que le principal ;

- l'obligation faite au comptable de rappeler à l'ordonnateur cette obligation si elle n'est pas respectée ;

- la possibilité pour la Caisse Nationale des Marchés de l'Etat (C.N.M.E.) de se substituer aux administrations défaillantes ;

- le blocage des engagements sur les chapitres budgétaires d'imputation du marché pour sanctionner ces défaillances.

En fait, ces mêmes textes imposent aux entreprises des démarches qu'elles ne peuvent pas assumer ou qu'elles ne veulent pas entreprendre pour ne pas indisposer leurs clients :

- envoi à l'ordonnateur par lettre recommandée avec avis de réception de toutes les factures ou mémoires (à titre d'exemple, les marchés de fourniture des P.T.T. donnent lieu à l'émission de 18 000 factures par mois en moyenne !) ;

- envoi au comptable assignataire par lettre recommandée avec avis de réception du double de cette correspondance avec photocopie de l'avis de réception de la lettre à l'ordonnateur ;

- démarche auprès de la C.N.M.E. pour obtenir son intervention.

Les deux premières exigences représentent des coûts supplémentaires excessifs : elles n'ont pas été respectées. Les demandes de dérogation ont afflué.

Quant à la démarche auprès de la C.N.M.E., elle serait véritablement suicidaire et seule une entreprise en liquidation pourrait oser l'entreprendre !

Les décrets du 29 août 1977 ne concernent que les marchés publics de l'Etat. Echappent à leurs dispositions :

- les marchés des collectivités secondaires et de leurs établissements publics qui représentent pourtant 30 % environ du total en valeur ;

- les commandes sans marché dont le plafond a été porté en 1973, de 60 000 à 100 000 F.

Ces commandes généralement enlevées par des petites entreprises ne comportent ni avances, ni intérêts moratoires. Leur contentieux relève des tribunaux de l'ordre judiciaire et se noue par l'intervention d'huissiers de justice. Imagine-t-on une entreprise poursuivant par huissier le recouvrement d'un impayé sur une administration et intentant un procès pour obtenir des intérêts moratoires ?

Ces commandes sans marché ont un régime juridique hybride qui appelle, de toute évidence, une clarification. Le Médiateur propose - pour aller au plus urgent - qu'un texte - stipulant entre autres des délais de paiement et le versement automatique d'intérêts moratoires en cas de retard - clarifie les relations acheteurs-fournisseurs sous la forme de " conditions générales d'achat " inspirées, dans toute la mesure du possible, des pratiques commerciales.

Dans le même esprit, la multiplication des régies d'avances en compte de chèques sur le Trésor permettrait le règlement rapide des petites créances par l'émission de lettres-chèques qui sont d'usage courant dans le secteur privé et dont l'emploi ne gênerait nullement les contrôles préalables à l'exécution de la dépense.

S'il est, en toute hypothèse, une situation intolérable, c'est qu'une entreprise puisse être poursuivie devant les tribunaux et mise en liquidation pour des dettes à l'égard d'un organisme public ou parapublic alors qu'elle poursuit en vain le recouvrement de créances supérieures contre un autre service public.

- Dans l'affaire V 1052, une entreprise se voit poursuivie devant le Tribunal de Commerce par l'U.R.S.S.A.F. à laquelle elle doit 174 000 francs, bien qu'elle ait démontré qu'elle avait 210 000 francs de créances sur une autre administration avec des factures étalées sur toute l'année précédente.

Le Tribunal de Commerce prononce la liquidation de biens qui aurait ruiné l'entreprise et mis ses salariés au chômage. En appel, l'entreprise obtient le règlement judiciaire. En application de règlements, l'U.R.S.S.A.F. prononce des pénalités de l'ordre de 30 %. Si l'Assistance Publique respecte les règlements - spontanément car l'entreprise n'osera pas réclamer - elle paiera les intérêts de retard au taux maximum de 12,5 %. Où est dans cette affaire l'intérêt de l'Etat, de l'économie, de l'entreprise et de ses salariés ?

7. Les délais de paiement des hôpitaux publics.

Si les hôpitaux publics méritent une mention particulière, ce n'est pas seulement pour l'importance moyenne de leurs délais de paiement, c'est aussi parce que ni la Direction des hôpitaux ni les gestionnaires des établissements ne peuvent être tenus pour responsables d'une situation dont ils sont les premiers à pâtir et qui trouve sa principale cause dans l'insuffisante trésorerie des établissements hospitaliers.

Deux enquêtes ont été faites récemment (les observations tirées de ces enquêtes sont confirmées par le " Rapport sur les délais du mandatement des marchés des collectivités et établissements publics " (décembre 1978)) :

- La première, par le F.H.O.S. (Syndicat des Fournisseurs Hospitaliers), concernait les fabricants d'instruments à usage unique. Pour l'ensemble de leurs 1 050 clients hospitaliers publics, la moyenne pondérée du nombre de jours de compte clients s'établit à 152 jours :

- 305 hôpitaux paient à plus de 120 jours dont :

- 217 de 120 à 180 jours,

- 74 de 180 à 365 jours,

-14 en plus de 365 jours.

- La seconde enquête émanait du Syndicat de l'industrie pharmaceutique. Elle faisait apparaître que les délais de paiement sont les suivants :

- pour 10 % des hôpitaux, 60 jours ;

- pour 15 % des hôpitaux, 60 à 90 jours

- pour 50 % des hôpitaux, 120 jours ;

- pour 25 % des hôpitaux, 180 jours et au-delà, le délai pouvant atteindre 18 mois à 2 ans. Dans ce dernier groupe figurent souvent des créances très importantes.

Les besoins de trésorerie des hôpitaux résultent essentiellement des délais de recouvrement de leurs créances. Ces délais anormaux tiennent à la conjonction de plusieurs causes.

- La fixation tardive des prix de journée : en début d'exercice, l'émission des facturations prend de ce fait, un retard qui dépasse parfois le trimestre.

- Les délais d'obtention des prises en charge, car la désignation des débiteurs conditionne non seulement le recouvrement de la facture, mais son établissement même.

- Les délais de paiement des organismes assurant le tiers payant car les titres de recettes émis contre eux ne sont pas mobilisables et les hôpitaux ne disposent pas de moyens contraignants pour en poursuivre le recouvrement.

- Les délais de règlement des services de l'aide sociale (15 % des facturations) sont particulièrement longs : ils peuvent aller jusqu'à deux ans. Or, à la différence de ce que font les caisses d'assurance maladie pour les hôpitaux de leur circonscription, l'aide sociale ne leur accorde ni avances, ni acomptes.

- Les délais de mobilisation des emprunts et subventions.

La constitution des fonds de roulement a fait l'objet de deux décrets des 11 décembre 1958 et 29 décembre 1959. Ces textes prévoyaient que ces fonds pouvaient être doté à hauteur du quart de la moyenne des dépenses des trois derniers exercices. Ils pouvaient être constitués par les excédents d'exploitation (curieusement le tiers seulement de ces excédents pouvait être ainsi utilisé), par des emprunts ou par une majoration du prix de journée (majoration de 2 % pouvant être portée à 4 % depuis 1976).

En fait, ces décrets élaborés dans une hypothèse de stabilité des prix ne tiennent pas compte d'un certain nombre de contingences :

- la hausse continue de l'indice des prix ;

- la hausse (supérieure) des prix de journée des hôpitaux ;

- l'inadéquation de la période de référence : 25 % des budgets moyens de cette période représentent 15 à 20 % des charges d'exploitation de l'année en cours ;

- les ponctions exercées sur la trésorerie par les déficits d'exploitation et le paiement des investissements dans l'attente des prêts et subventions ;

- la modernisation ou l'extension d'hôpitaux anciens et la création d'hôpitaux nouveaux etc.

Dans la réalité, une enquête récente a montré que, pour l'ensemble des hôpitaux, le fonds de roulement qui devrait être de 25 % des budgets de référence varie entre des valeurs négatives et un maximum de 15 %. Par rapport aux charges de l'exercice en cours, les pourcentages vont de 10 % à + 10 % (rapport sur les délais de mandatement des marchés des collectivités et établissements publics).

Il n'appartient pas au Médiateur de préciser les moyens techniques propres à mettre fin à cette situation. Mais, il est de son devoir de dire qu'elle est absolument inacceptable, car on ne peut admettre - surtout en cette période de crise - que les fournisseurs pâtissent indûment de la mauvaise gestion publique.

Force lui est cependant de constater que les décrets de 1958 et 1959 n'ont pas réglé le problème et qu'ils doivent être revus pour faire de la constitution du fonds de roulement non pas une possibilité ou un droit, mais une obligation car elle répond à une nécessité.

Son montant (et non son plafond) devrait être fixé à 25 % du budget de l'exercice en cours et non de la moyenne des trois derniers. L'occasion pourrait être mise à profit pour supprimer la limitation au tiers des excédents d'exploitation qui pourrait alimenter le troisième aussi longtemps que le plafond n'est pas atteint.

Dans le cas de constructions neuves ou d'extensions, la dotation du fonds de roulement (correspondant à l'accroissement prévisible des charges) devrait être incluse dans l'enveloppe financière de l'investissement lui-même puisqu'elle en est partie intégrante.

Il semble qu'il n'y ait pas d'autre solution pour mettre fin à une situation dans laquelle les collectivités publiques ne gagnent même pas ce que perdent leurs fournisseurs et qui ne profite qu'aux organismes de crédit.

8. Les marchés de services informatiques.

Pour la plupart, les marchés de services informatiques sont lancés - et certains terminés - avant d'avoir été signés.

Telle est la constatation qui se dégage des affaires dont le Médiateur a été saisi et de la brève enquête à laquelle il a fait procéder.

Cette situation absolument scandaleuse est considérée comme inévitable par les responsables administratifs de ces marchés du fait de la lourdeur et de la lenteur de la procédure de contrôle, d'autorisation et d'engagement de ces marchés.

Les fournisseurs sont unanimes à se plaindre d'une situation qui obère leur trésorerie et compromet leur équilibre financier et leur gestion ; mais ils sont aussi unanimes à demander que leur cas ne soit pas examiné officiellement car le " retour de bâton " stigmatisé au point 6 les conduirait inéluctablement à la faillite.

Les délais supplémentaires de paiement qui résultent de ces procédures aberrantes ne prennent d'ailleurs pas fin avec la signature du marché, car lorsque cette régularisation est enfin obtenue, l'Administration recommande à l'entreprise de différer de plusieurs mois la présentation de ses premiers mémoires pour éviter de provoquer la suspicion des services de contrôle et comptables ! Bien entendu, tous ces délais ont leur contrepartie de frais financiers dont l'entreprise devra " faire son affaire " aux taux bancaires actuels puisqu'il n'y aura pas officiellement de retard de mandatement.

A la limite, il n'est pas exclu que le marché soit refusé par la commission spécialisée compétente, motif pris de l'exécution antérieure d'un marché similaire pour le compte d'un autre centre de recherche.

Ce refus de visa parfaitement légitime serait sans inconvénient si le marché n'était pas déjà exécuté. Il a, pour l'entreprise, des conséquences financières redoutables, lorsque son exécution est presque achevée et que les frais engagés dépassent le million de francs comme c'était le cas dans une affaire soumise au Médiateur.

Pour les marchés de services informatiques, c'est donc d'abord au respect du Code des Marchés qu'il faut revenir. Le Médiateur ne peut que rappeler que sa violation quasi-permanente est en soi un scandale inadmissible. Il ne lui appartient pas de déterminer les allègements qui devraient être apportés à la procédure pour mettre fin à la situation actuelle et se donner les moyens d'exiger le respect des règles. Mais les déviations actuelles rendant inefficaces les contrôles a priori, il n'est pas douteux qu'elles relèvent de la Cour de Discipline Budgétaire.

A défaut d'une action curative qui ne pourrait prendre effet qu'à partir des doléances des entreprises - doléances qui, on l'a vu, ne s'expriment jamais officiellement - il paraît indispensable que soit mise en oeuvre spontanément - à l'initiative des ministères ordonnateurs principaux et avec le concours des Corps d'Inspection et de la Brigade d'Enquêteurs de la Commission Centrale des Marchés - une action systématique de prévention assortie de sanctions.

Mais les dossiers dont le Médiateur a été saisi montrent que les marchés de services informatiques soulèvent au moins deux autres problèmes :

- un problème de méthode et de vocabulaire, d'abord. Ces marchés complexes mettent en rapport un maître d'ouvrage et un ou plusieurs maîtres d'oeuvre travaillant simultanément ou successivement. La définition des tâches, le contrôle de leur exécution, la reprise en sous-oeuvre ou en exploitation de travaux antérieurs supposent une maîtrise intellectuelle sans faille. L'étude préalable permet d'obtenir l'accord des utilisateurs sur les grandes lignes des projets. La réalisation suppose des décisions de chaque utilisateur sur les spécifications externes détaillées. Chaque étape doit être définie avec précision et les modalités de lancement arrêtées sur la base d'un langage normalisé. Il semble bien que, dans ces domaines, des ambiguïtés demeurent, génératrices de conflits. Un effort de normalisation du vocabulaire serait de nature à prévenir malentendus et difficultés ;

- un problème d'arbitrage, ensuite. Il n'est pas d'usage d'introduire des clauses d'arbitrage dans les marchés publics français. En cas de conflit, la solution ne peut donc résulter que d'un compromis ou d'une décision unilatérale qui sera, normalement, celle du maître d'ouvrage ou d'organismes de contrôle, à moins qu'elle ne soit le résultat - comme ce fut le cas dans un dossier soumis au Médiateur pour lequel la décision du Ministre ne fut pas respectée - de compromis entre les points de vue des différents niveaux de la hiérarchie administrative, ce qui ne paraît pas la solution la plus saine. Le caractère subjectif de ces appréciations ne peut qu'engendrer un sentiment d'arbitraire.

Un exemple tiré d'un dossier dont le Médiateur a été saisi illustrera ce risque. Dans cette affaire, l'entreprise avançait un chiffre de dépense de 150. La Commission spécialisée arbitrait à 100. La Direction du Budget acceptait 50. Le Ministre saisi estimait qu'il fallait payer à hauteur de 75. L'organisme n'a finalement payé que 65. Il est clair que les engagements de l'Etat ne peuvent être traités de cette façon et qu'une clause d'arbitrage aurait permis la mise en oeuvre d'une procédure plus saine.

Des dossiers que le Médiateur a reçus se dégagent naturellement quelques observations et des règles trop souvent encore, perdues de vue.

Le marché public est, d'abord, un contrat. Ses clauses doivent être strictement observées conformément aux règles du droit administratif mais aussi aux principes du droit civil et du droit commercial. En cas de faute de l'Administration, c'est le responsable qui doit être sanctionné et non l'entreprise.

Ce n'est pas à l'entreprise de faire respecter ses droits (aussi bien elle n'est pas en position de le faire), c'est à l'administration de faire régner la discipline dans ses rangs, de prendre les mesures préventives qui s'imposent et de sanctionner efficacement les fautes de ses agents.

Le paiement des intérêts de retard ne doit pas dépendre de démarches de l'entreprise ; l'intervention de la Caisse Nationale des Marchés de l'Etat non plus. Sur ce point, les décrets de 1977 seront inopérants car ils ne sont pas et ne seront pas appliqués.

Les contrôleurs financiers et les services comptables ont entre leurs mains, au moment du paiement, avec le mémoire ou la facture (qui sont l'un et l'autre datés) tous les éléments permettant de calculer le retard de paiement. Ce serait une bonne application de leur pouvoir de contrôle que de leur demander de vérifier les écarts de dates.

Pour assurer la date, obligation serait faite aux services d'apposer un cachet dateur à réception. Le recours à la lettre recommandée ne deviendrait nécessaire qu'en cas de fraude des services, ce qui éviterait d'alourdir la procédure normale pour saisir l'exception.

Les marchés publics ne doivent faire un trou ni dans la gestion de l'entreprise, ni dans sa trésorerie. L'entreprise doit pouvoir en toute sécurité introduire ses créances sur le secteur public dans ses prévisions de trésorerie. Cette fiabilité est d'autant plus nécessaire que, l'usage de la traite commerciale étant interdit, ces créances ne sont pas mobilisables. A défaut de sanctions judiciaires, le respect des délais contractuels de paiement est une obligation déontologique fondamentale pour les maîtres d'ouvrages publics.

Le problème particulier des délais de paiement des hôpitaux publics ne trouvera de solution que par des dotations aux fonds de roulement, dotations dont la réglementation devrait faire non plus un droit, mais une obligation. Cette mesure serait utilement complétée par des dispositions concrètes et efficaces pour accélérer l'émission et l'encaissement des titres de recettes.

Ce qui compte pour l'entreprise et pour son banquier, ce n'est pas le mandatement mais le paiement. L'intervention des comptables publics doit être comprise dans les délais contractuels.

Des mesures doivent d'ailleurs être prises pour réduire à ce stade, le nombre des rejets et en pallier les conséquences. Elles pourraient consister :

- au niveau des Trésoreries Générales, en une analyse méthodique des rejets par cause et par ordonnateur, suivie de discussions entre services ;

- au niveau des règles comptables, dans l'adoption :

- d'un seuil d'erreur - un franc par exemple - au-dessous duquel il n'y aurait pas lieu à rejet ;

- d'une disposition permettant au comptable - en cas de désaccord avec l'ordonnateur - de payer la fraction non contestée du mandatement.

Enfin, les co-contractants de l'Administration ne doivent pas être victimes des délais de la procédure administrative. Les factures valablement présentées mais non mandatées avant le 31 décembre doivent pouvoir être honorées dans les délais normaux sans attendre la réouverture des " comptes de dépenses sur exercice clos " (opération qui se situe en juin et conduit à des paiements effectifs à partir de septembre).

Dans l'affaire V 1052 déjà citée, l'Administration s'aperçoit en milieu d'année 1977 que les facturations totales vont dépasser 100 000 francs (ce que l'on savait dès le début de l'année) et qu'il faut faire un marché. On arrête donc le paiement des factures. La procédure est si lente (alors qu'il suffit de reporter sur un imprimé les clauses des " commandes sans marché " en cours) que le marché n'est signé qu'en janvier 1978. L'exercice est clos : on ne pourra payer que lorsque le compte des dépenses sur exercice clos sera ouvert, c'est-à-dire à partir du mois de juin. Il faudra alors mandater, faire viser... en période de vacances. Finalement les paiements s'étaleront de septembre à novembre 1978 pour des factures non contestées reçues par les services de juin à décembre 1977.

Imagine-t-on une entreprise imposant 12 mois de crédit supplémentaires à ses fournisseurs pour laisser à ses comptables le temps d'ouvrir les comptes de l'exercice suivant ?

II. L'ACTION DES MINISTERES DE L'ECONOMIE ET DU BUDGET

A. BILAN

En 1978, le nombre des réclamations concernant ces deux ministères s'est élevé à 831 soit 20,7 % du total.

Au titre du Ministère de l'Economie, deux types de problèmes ont dominé :

- d'une part, des dossiers concernant certaines pratiques bancaires et les errements suivis en matière de caution personnelle illimitée (au sujet desquels le Médiateur a formulé une proposition de réforme) ;

- d'autre part, les décisions prises en matière de contrôle des prix et notamment la règle de la " marge brute moyenne " considérée comme inadaptée aux modalités de la gestion commerciale. La politique de libération des prix et son extension au commerce devrait faire disparaître cette cause de conflit.

Au titre du Ministère du Budget, deux matières dominent le courrier du Médiateur : les pensions et la fiscalité.

- En matière de pensions (civile, militaire ou de vieillesse), un point commun à de nombreux régimes est l'existence fréquente de délais pour faire valoir des droits : rachat de cotisations ou validation de services. Ces délais courent contre les intéressés soit à partir de la promulgation d'un texte, (par exemple, l'article 24 de la loi du 17 juillet 1978) soit à partir d'un changement de carrière (décret du 20 décembre 1931). Ces délais dangereux pour les administrés sont de plus inutiles. Dans une proposition de réforme le Médiateur en suggère la suppression immédiate " nonobstant toute disposition contraire ".

- En matière fiscale, quelques thèmes dominent :

- L'imposition, en application des articles 35 A et 150 ter du Code Général des Impôts (CGI) des profits immobiliers réalisés à titre occasionnel par les particuliers : les requérants contestent la présomption d'intention spéculative, fondement de l'imposition.

- Certaines modalités d'imposition des plus-values professionnelles, notamment celles qui résultent de l'application stricte de l'article 39 octodécies du C.G.I. et celles qui concernent le calcul des plus-values résultant de la cession d'éléments d'actif incorporels pour lesquels les intéressés n'ont pas demandé à bénéficier de facultés de réévaluation ouvertes à plusieurs reprises après la guerre et pour la dernière fois (avant les lois de finances pour 1977 et 1978) en 1959.

- Sur le premier point, les règles de calcul des plus-values ne tiennent absolument aucun compte de la dépréciation monétaire et aboutissent, si l'achat date d'avant-guerre, à considérer comme plus-value la quasi-totalité du prix de vente, un franc 1937 étant supposé valoir un centime de nouveau franc.

- Sur le second point, les requérants se plaignent du prélèvement sur leur trésorerie que représente la taxation d'une plus-value non réalisée ; excipant de leur ignorance, ils demandent à être autorisés à annuler l'opération purement comptable. Le Médiateur a soutenu ce point de vue. L'Administration en a admis le principe.

- Le régime d'exemption de courte durée (2 ans) de la taxe foncière sur les propriétés bâties prévu par l'article 1383 du C.G.I. en faveur des constructions nouvelles.

Les contribuables se voient refuser le bénéfice de cette exemption au motif qu'ils n'ont pas porté à la connaissance de l'Administration la réalisation desdites constructions dans le délai de 90 jours à compter de l'achèvement des travaux.

Dans cette hypothèse, il apparaît au Médiateur que les intéressés sont victimes d'une mauvaise information et qu'en tout état de cause, l'Administration est bien informée de l'existence des immeubles construits puisqu'elle rappelle en temps utile aux propriétaires l'obligation de produire le certificat de conformité.

- La perte du bénéfice de l'exonération des droits d'enregistrement prévu par l'article 691 du C.G.I., lorsque le défaut de construction dans le délai de 4 ans résulte d'un empêchement de caractère administratif ;

- La perte du bénéfice du taux réduit de la taxe de publicité foncière par le fermier qui achète les terres prises à bail, si le bail n'a pas été déclaré par le propriétaire. Cette mesure qui pénalisait le preneur pour la faute du bailleur a été supprimée à la demande du Médiateur (Proposition de réforme 78-38).

- L'évaluation forfaitaire minimale du revenu imposable d'après certains éléments de train de vie. En cette matière, l'article 168 du C.G.I. confère à l'Administration un pouvoir discrétionnaire dans la mesure où les contribuables ne peuvent pas faire échec aux impositions, la preuve contraire n'étant pas admise. Convaincu de la nécessité de ne pas affaiblir les services fiscaux dans la lutte contre la fraude, le Médiateur considère cependant que cette arme absolue peut donner lieu à des estimations excessives et que son emploi doit être maintenu sous le contrôle permanent de la hiérarchie.

B. PROPOSITIONS DE REFORME - RECOMMANDATIONS - INJONCTIONS.

a) Propositions de réforme.

En 1978, elles sont au nombre de neuf :

- FIN 78-37 (Proposition satisfaite par l'article 3 de la loi de finances pour 1979). Visant à unifier le taux d'imposition des rentes viagères quel que soit leur montant et à aligner le régime fiscal des crédirentiers sur celui des salariés.

- FIN 78-38 (Proposition satisfaite par l'instruction du 26 mai 1978). Tendant à simplifier les conditions dans lesquelles le fermier acquéreur d'immeubles ruraux peut bénéficier du taux réduit de la taxe de publicité foncière.

- FIN 78-40 (Proposition à l'étude). Tendant à généraliser à tous les contribuables exerçant pour la première fois l'option pour le régime réel simplifié la faculté de procéder à cette date, en franchise d'impôts, à la réévaluation des éléments incorporels de leurs fonds de commerce.

- FIN 78-41 (Proposition à l'étude). Dans cette proposition de réforme, le Médiateur souhaite que soit abrogé le décret des 16-19 juillet 1793 qui dispose que l'Etat n'est tenu à aucun paiement en exécution des jugements attaqués par la voie de la cassation, sans que la partie provisoirement gagnante ait fourni " bonne et suffisante caution ". Ce texte qui écarte, au bénéfice de l'Etat, le principe de l'effet non suspensif du pourvoi en cassation, pénalise injustement les créanciers de l'Etat ayant les plus faibles revenus.

- FIN 78-42 (Proposition à l'étude). Le régime des droits réduits sur l'achat d'un terrain à bâtir est accordé pour 4 ans, mais des prorogations peuvent être obtenues sur justifications. Certains services fiscaux exigent que les demandes soient présentées dans les 30 jours qui suivent l'expiration du délai ; le Médiateur souhaite qu'elles puissent être formulées plusieurs mois avant la date limite du délai, ce qui introduirait plus de souplesse et éviterait les forclusions accidentelles.

- FIN 78-43 (Proposition à l'étude). Visant à protéger les porteurs de titres d'emprunts d'Etat ou des P.T.T. en cas de dépossession.

- FIN 78-45 (Proposition à l'étude). Le Médiateur souhaite une meilleure information des contribuables sur leurs droits à exonération de la taxe foncière accordée aux constructions nouvelles.

- FIN 78-46 (Proposition à l'étude). Le Médiateur estime souhaitable un assouplissement du régime de taxation des dépenses des entreprises considérées comme somptuaires donc non déductibles, en particulier en ce qui concerne l'amortissement des voitures de tourisme.

- FIN 78-47 (Proposition à l'étude). Le Médiateur juge utile afin de les rendre plus clairs et plus compréhensibles, la modification des avis de situation adressés par le Trésor Public pour le solde de l'imposition sur les revenus aux contribuables ayant opté pour le paiement par prélèvement mensuel.

b) Recommandations.

Une seule recommandation a été adressée cette année au Ministère du Budget (affaire IV 467).

M. B., maître auxiliaire, donc agent non titulaire de l'Etat, s'est vu accorder un congé maladie, pendant lequel il devait percevoir l'intégralité de son traitement. En effet, il touchait des indemnités journalières de la Sécurité Sociale et avait droit au complément de son salaire.

Or, M. B. fut hospitalisé. Conformément à la réglementation de la Sécurité Sociale, son indemnité fut réduite des 3/5. L'Administration a alors refusé, pour sa part, d'augmenter sa contribution pour que M. B. puisse continuer à bénéficier au total de revenus égaux à son traitement.

Devant une telle situation, le Médiateur a adressé au Ministère du Budget une recommandation qui fut satisfaite sur le plan des principes. Toutefois, la situation du requérant n'est pas encore aujourd'hui régularisée. Le Médiateur s'y emploie.

c) Injonctions.

Aucune injonction n'a été formulée à l'encontre des Ministères du Budget et de l'Economie.

C. CONCLUSION.

Avec cinquante millions de titres d'imposition fiscale, quinze millions d'articles de déclaration en douane et quatre-vingt-dix millions d'encaissements d'impôts directs, les services fiscaux, douaniers et comptables viennent, avec la Sécurité Sociale, au premier rang pour les contacts avec le public. Nécessairement, les causes de litiges croissent en proportion.

L'examen de ceux qui lui sont soumis met le Médiateur en relations tant avec les services extérieurs qu'avec les administrations centrales (questions de principe ou désaccord avec les services locaux).

La volonté de coopération des services se manifeste par la qualité de l'instruction des dossiers transmis. Malheureusement, par suite sans doute de la surcharge des services, les délais de réponse sont en général longs. Un certain nombre de dossiers anciens attendent toujours leur solution.

MINISTERE DE L'EDUCATION
MINISTERE DES UNIVERSITES


Le thème choisit cette année par le Médiateur concerne aussi bien le Ministère de l'éducation que le Ministère des universités. En effet, de nombreuses requêtes ont posé le problème de l'équivalence des diplômes, tant dans l'enseignement secondaire que supérieur. Ce thème sera donc traité dans un chapitre commun aux deux ministères.

I. BILAN

Le Médiateur a instruit en 1978, 117 requêtes relatives aux deux ministères. Une légère baisse par rapport à 1977 a été enregistrée. Ces plaintes représentent 3 % de l'ensemble des dossiers reçus.

Cette année encore, une grande part des réclamations mettant en cause les services du Ministère de l'éducation émanent du personnel administratif. Il s'agit en l'occurrence de problèmes de paiements par l'Administration d'indemnités diverses, de remboursement de frais de déménagement, de mutations d'enseignants. Le Médiateur s'est estimé compétent pour de telles affaires, puisqu'elles ne portent pas atteinte au principe hiérarchique.

D'autres requêtes contestent le déroulement de certains examens (C.A.P.E.S. - Baccalauréat), l'orientation des élèves, ou proviennent de parents d'élèves sollicitant davantage de locaux et de crédits.

En ce qui concerne le Ministère des Universités, le Médiateur a reçu diverses réclamations ayant trait notamment aux candidatures à certains postes d'enseignement supérieur (liste d'aptitude, concours) ou à l'organisation de stages.

II. LE PROBLEME DE L'EQUIVALENCE DES DIPLOMES

Le système éducatif français cherche aujourd'hui à favoriser une plus grande mobilité professionnelle et sociale. Dans ce but, il est essentiellement fondé sur la multidisciplinarité et la formation permanente.

La multidisciplinarité vise à assurer des formations très variées qui conduisent, par des diplômes utilisables à des fins différentes, à une grande mobilité dans les études.

La formation permanente permet aux intéressés, par des stages de recyclage, d'accéder à de nouvelles fonctions professionnelles, et de se voir accorder la possibilité de passer des examens ou concours.

Or, dans cet environnement de mobilité et de promotion sociale facilitées, des obstacles surgissent.

Ceux-ci sont dus pour une grande part à l'absence d'équivalence reconnue à certains diplômes, empêchant leurs titulaires d'accéder aux fonctions souhaitées.

A. Le problème posé.

Un diplôme est nécessaire soit pour exercer une activité professionnelle, soit pour accéder à un stage préparant lui-même à une activité professionnelle, soit pour se présenter à un concours ou à un examen public débouchant sur un emploi.

Dans le secteur privé, l'appréciation des diplômes ou des niveaux de connaissance est laissée à la discrétion de l'employeur.

Dans le secteur public, les postulants doivent remplir un certain nombre de conditions, dont une essentielle : la possession d'un diplôme figurant sur une liste définie par décret ou arrêté.

Il arrive que des candidats disposent d'un diplôme français ou étranger, public ou privé ne figurant pas sur les listes administratives. Or, ce diplôme présente souvent de grandes analogies avec ceux inscrits sur les listes, tant par la nature des études ou de la formation acquise que la durée de celles-ci.

Les postulants sont donc contraints, en l'absence de toute équivalence reconnue officiellement, de renoncer au but fixé (activité professionnelle, examen, concours).

Les exemples en ce sens abondent :

- M. B s'est inscrit à un concours de recrutement de professeurs d'enseignement général pour collège d'enseignement technique (P.E.G.C.E.T.). Or, sa candidature fut rejetée au motif que son diplôme de bachelier en théologie de la faculté de Strasbourg - qui exige deux années d'études supérieures après le baccalauréat - ne figure pas sur la liste des titres admis en équivalence pour se présenter au concours (décret du 23 mai 1975). Les diplômes retenus en équivalence sont des diplômes de premier cycle d'enseignement général - littéraire, scientifique ou juridique exigeant également deux années d'études après le baccalauréat.

Le requérant estime que les études qu'il a poursuivies se rapprochent d'un diplôme d'études universitaires générales littéraires. Il conteste donc le refus que lui a opposé l'Administration (affaire IV 2520).

- M. D., instituteur, possédant un diplôme national d'oenologue, a demandé à être titularisé dans le corps des professeurs d'enseignement général (P.E.G.C.) " au tour extérieur ".

Sa demande s'est heurtée à une fin de non recevoir, l'Administration objectant que M. D. ne pouvait pas faire état " d'un titre sanctionnant la première année d'études dans l'enseignement supérieur ", et prévu dans l'arrêté du 20 août 1970. Le requérant ne comprend pas pourquoi le diplôme d'oenologue qui suppose deux années d'enseignement supérieur, n'est pas considéré comme l'équivalent " d'un titre sanctionnant la première année d'études dans l'enseignement supérieur "... (affaire V 266).

- M. M. a passé l'examen spécial d'entrée en faculté de lettres et a obtenu une licence, puis une maîtrise d'histoire. Il devient ensuite éducateur pour l'enfance inadaptée, et demande à passer le C.A.P. d'instituteur menant au diplôme spécifique à l'enfance inadaptée ; sa candidature a été refusée au motif qu'il ne possédait pas le baccalauréat - ni l'un des titres de capacité de l'enseignement primaire prévus par le décret du 18 janvier 1887.

Il paraît anormal, qu'un maître en histoire ne puisse prétendre à devenir instituteur, car il ne possède pas le titre de bachelier (affaire SN 227).

Il arrive que des diplômes délivrés par un établissement supérieur privé, (diplôme universitaire d'études générales de la Faculté catholique - D.U.E.G.) ne soient pas pris en considération, même pour préparer un examen d'entrée à l'université de lettres, alors que le niveau de ce D.U.E.G. est au moins équivalent à celui du baccalauréat, diplôme suffisant pour accéder dans les facultés d'Etat. (affaire SN V 245).

De même, un diplôme belge sanctionnant des études de laborantin d'un niveau élevé, ne permet pas d'accéder à un stage de spécialisation, uniquement parce qu'il ne figure pas sur une liste visée par un arrêté. (affaire IV 1184).

Ces nombreuses affaires soulignent l'étonnement des requérants, qui se voient, exclus de certains postes ou empêchés de passer des concours pour l'unique raison que leur diplôme, indépendamment de sa valeur, ne figure pas sur la liste dressée par l'autorité administrative.

B. La position du Médiateur.

Le Médiateur procède à une étude individualisée et précise des affaires qui lui sont soumises. Il se refuse à adopter une position systématique qui donnerait tort à chaque fois à l'Administration.

Ainsi dans l'affaire IV 2520 précitée, le Médiateur a estimé que la théologie avait un rapport trop lointain avec l'enseignement technique, et que dès lors le refus de l'Administration était fondé.

De même, le Médiateur a pu estimer que le titulaire d'une licence en droit délivrée par l'université de Rabat ne pouvait être intégré dans le corps français des adjoints d'enseignement, dans la mesure où le contenu des programmes marocains de licence ne permettait pas à ce diplôme d'être homologué en France, et donc d'autoriser l'accès au corps d'adjoint d'enseignement. (affaire V 2316).

Par contre le Médiateur a considéré que le diplôme d'oenologue répondait parfaitement à la condition exigée d'une année d'études supérieures. Il a invité l'administration à accueillir favorablement la demande de l'intéressé (affaire V 266 précitée). De même il a jugé légitime que Mme M., compte tenu du niveau de ses connaissances, puisse se présenter à l'examen d'entrée à l'université de lettres, bien qu'elle soit titulaire d'un diplôme de l'enseignement privé (affaire SN V 245 précitée).

C'est donc à l'analyse de la nature du diplôme qu'il convient de s'attacher dans chaque cas, et non pas à son inscription formelle sur une liste administrative.

Sur un plan général, le Médiateur est amené à faire une double distinction pour orienter l'action de l'Administration :

Dans les cas où l'accès à un emploi public se fait uniquement sur titres, il faut souligner que les postes étant limités, seul le diplôme permet une sélection, qui doit être par nécessité assez stricte. Il est l'unique preuve d'un certain niveau de connaissance : n'importe quel diplôme ne permet pas d'exercer n'importe quelle fonction. En outre, pour des raisons techniques, le personnel administratif n'est pas en mesure d'apprécier, sans liste préalablement établie, la nature et l'origine des diplômes présentés, pour en accorder l'équivalence dans des délais brefs.

De même, lorsque le requérant souhaite participer à un stage en vue d'exercer une activité professionnelle, ses aptitudes doivent correspondre le plus possible à l'esprit du stage et au but recherché par l'organisateur. Ce dernier est en droit d'exiger certaines formations précises de la part des stagiaires. Il est par ailleurs inutile d'encombrer des stages aux places limitées par des personnes n'ayant pas la formation adéquate.

Dans tous ces cas, une analyse plus stricte des équivalences de diplôme s'impose, et l'existence d'une liste précise peut se justifier.

Par contre, dans le système du concours, le recours à une liste limitative perd de son intérêt.

En effet, c'est la sélection opérée par le concours qui détermine l'aptitude à exercer une fonction et non le diplôme requis. C'est le concours qui sanctionne la valeur des candidats, et le double barrage à la fois du diplôme et du concours semble inutile. Des restrictions d'accès à ce niveau ne peuvent être à la rigueur justifiées par l'Administration, que par des raisons matérielles (absence de locaux et de correcteurs).

Face à ce problème, le Médiateur suggère l'approche suivante :

Le niveau ou la nature d'un diplôme doivent être appréciés en fonction du but recherché. L'administration ne doit pas s'abriter derrière des motifs d'ordre purement formel pour refuser d'accorder les équivalences demandées, mais au contraire, apprécier le niveau réel requis, soit pour un stage ou l'accès direct à une activité professionnelle, soit pour un concours.

C'est pourquoi, le système de la liste limitative devrait être sinon écarté, du moins nuancé. En effet il serait possible de prévoir dans les arrêtés ou décrets en question un alinéa laissant à certaines autorités (inspecteurs d'Académie, commissions ad hoc) une marge d'appréciation pour compléter les listes.

Cette appréciation pourrait être d'autant plus souple, que le but recherché (concours - stage) exigerait des connaissances moins précises et donc des équivalences plus largement admises.

Ainsi le diplôme permettrait de répondre à un besoin sans pour autant freiner toute mobilité.

III. PROPOSITIONS DE REFORME - RECOMMANDATIONS - INJONCTIONS

De même que l'année précédente, le Médiateur n'a pas eu recours à ces procédures en 1978.

IV. CONCLUSION

Le Médiateur est sensible à la diligence dont font preuve ses correspondants auprès du Ministre de l'Education. Leurs réponses sont généralement rapides et motivées, du moins quant à leur fondement juridique. Elles gagneraient à être plus personnalisées.

En ce qui concerne le Ministère de l'université, le Médiateur souhaiterait que ses correspondants, lorsqu'ils transmettent les réponses de leurs services, prennent davantage position sur le contenu de celles-ci (9692. – 7).

MINISTERE DE L'ENVIRONNEMENT ET DU CADRE DE VIE

I. BILAN

En 1978, 410 réclamations relevaient du Ministère de l'Equipement (soit 10,2 % au total).

De nombreuses réclamations mériteraient d'être signalées. Comme les années précédentes, elles ont, pour les plus importantes, concerné :

- Des problèmes d'urbanisme, pour l'essentiel liés aux effets de l'élaboration des P.O.S. :

- Difficultés d'obtenir un certificat d'urbanisme ou un permis de construire (affaires IV 3059, IV 3219) ;

- Problème du gel des terrains (affaires IV 772, IV 2355, IV 2374) (cf. rapport de 1977, p. 112 et suivantes). Réclamation, similaire, relative à un projet de constitution de réserves foncières (affaire IV 615) ;

- Imprécision des documents d'urbanisme et contradiction des décisions prises à cet égard (affaires III 1720, III 2619, III 2471) ;

- Liés à la question du gel des terrains, le Médiateur a été saisi de plusieurs dossiers relatifs aux difficultés d'obtenir de l'Administration la réalisation d'acquisitions immobilières auxquelles pouvaient prétendre les intéressés (affaires III 16, III 1183, IV 867).

- Certaines réclamations, également, avaient trait à des problèmes de logement : Demandes de primes à la construction ou d'aides de l'Etat, le problème essentiel en la matière étant posé par les règles du maintien de ces aides lorsque l'administré ne peut occuper son logement dans les délais (affaires I 644, IV 2283) ; contestations, également, des décisions prises par l'A.N.A.H. (affaire V 642).

- Très nombreuses cette année encore, ont été les réclamations liées à des problèmes d'expropriation. C'est précisément sur ce thème que le Médiateur a souhaité mettre l'accent dans le présent rapport et, essentiellement, en ce qui concerne la notion d'utilité publique, cette notion pouvant seule, théoriquement, légitimer les procédures contraignantes imposées aux administrés pour les obliger à céder leurs biens.

En effet, l'importance des réclamations mettant en cause l'utilité publique des opérations dont les intéressés ont été - ou du moins se sont sentis - victimes oblige à se poser la question des véritables garanties dont ils disposent en ce domaine.

II. LA DECLARATION D'UTILITE PUBLIQUE TELLE QU'ELLE EST CONÇUE ACTUELLEMENT CONSTITUE-T-ELLE UN GARANT VERITABLE DE L'INTERET PUBLIC D'UNE OPERATION ?

" Une opération ne peut être déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier, et éventuellement les inconvénients d'ordre social qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ".

Cette définition, donnée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu en 1971 (ville nouvelle d'Est) est la seule à donner quelques orientations sur cette notion d'utilité publique. La mise en oeuvre des principes qu'elle contient devrait théoriquement garantir aux administrés à qui elle est opposée l'intérêt public des opérations dont ils risquent d'être victimes.

Le nombre des dossiers soumis au Médiateur en ce domaine révèle le hiatus existant entre l'objectif ainsi visé et la réalité, et peut faire douter de l'efficacité de cette garantie théorique.

A. Le problème posé : le hiatus existant entre la garantie théorique accordée aux administrés et la réalité de cette garantie.

C'est normalement la procédure de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique qui permet d'affirmer la réalité de l'intérêt public de l'opération projetée. Cette procédure doit obéir à des règles strictes.

1° - La législation applicable.

- Ses bases ont été posées par l'ordonnance du 23 octobre 1958 complétée par le décret du 6 juin 1959.

L'enquête préalable a pour but d'informer le public des intentions de l'Administration et de donner aux intéressés la possibilité de présenter leurs observations. Elle ne doit pas être une simple formalité et pourra éventuellement, conduire l'Administration à abandonner son projet.

Les textes précités réglementent rigoureusement chaque phase de la procédure et définissent de manière précise aussi bien les modalités de la publicité de l'enquête, les éléments de composition du dossier de l'enquête, son déroulement, que le rôle du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête.

Et pourtant, malgré la rigueur théorique des exigences ainsi fixées, la procédure de l'enquête préalable était quasi-unanimement considérée comme se déroulant dans la clandestinité (c'est notamment le terme retenu dans un rapport (présenté en 1973) du comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics (et évoqué dans le rapport de 1973 du Médiateur pp. 182 et 183) et par les divers articles de journaux publiés lors de la parution du décret et de la directive du Premier Ministre du 14 mai 1976) ce qui était manifestement contraire au but recherché.

- Le décret du 14 mai 1976 modifiant le décret du 6 juin 1959 relatif à la procédure d'enquête préalable, et la directive du Premier Ministre (de la même date), relative à l'information du public et à l'organisation des enquêtes publiques, devaient - espérait-on - combler ce fossé.

Les buts de l'enquête préalable restent les mêmes (information des administrés sur les projets des pouvoirs publics et connaissance par ces derniers des besoins des habitants) mais ils devraient être mieux atteints grâce à l'amélioration des règles existantes et, notamment, en ce qui concerne :

- l'information fournie au public (information préalable à l'ouverture de l'enquête et information contenue dans le dossier d'enquête, conclusions du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête) ;

- la publicité de l'avis d'ouverture de l'enquête ;

- l'époque, la durée et le lieu de l'enquête ;

- le choix et le rôle du commissaire enquêteur ou des membres de la commission d'enquête.

La principale originalité de ce texte est d'insister sur la nécessité de développer la participation et le dialogue avec toutes les catégories intéressées, ce qui devrait donner tout un aspect nouveau à l'enquête d'utilité publique.

2° - Des garanties théoriques.

Ces réformes ne sont pas très anciennes, mais l'on peut déjà dire que là encore, il semble que la pratique n'a pas suivi la théorie. En effet, les contestations continuent à être nombreuses et portent comme auparavant :

- sur la réalité de l'utilité publique (affaires III 2530, IV 428, IV 1237, IV 2600, IV 3217, V 4, V 2275) ;

- sur le manque d'information des intéressés, l'imprécision des projets de l'Administration (affaires III 2471, V 130, V 1814) ;

- sur le déroulement de la procédure, jugée irrégulière (affaires III 1099, III 1926, IV 415, IV 2143) (il est d'ailleurs à souligner que les griefs ressortant des réclamations rejoignent les conclusions d'une enquête réalisée sur l'initiative du Médiateur auprès des chambres d'agriculture).

Toutes les anomalies dénoncées sont souvent difficilement saisissables. Il est certain, d'autre part, que les administrés sont souvent partiaux - car il n'est pas facile d'admettre de se voir déposséder de ses biens. Cependant, le nombre des litiges à cet égard oblige à ne pas nier la réalité du problème.

En définitive, de toutes ces réclamations, il ressort que malgré toutes les garanties dont ils sont censés bénéficier, les intéressés ont la plupart du temps l'impression d'être isolés, trompés, spoliés, sans aucun pouvoir, puisque de toute façon, l'on ne tient pas compte des observations qu'ils peuvent formuler et qu'il n'y a pas toujours de véritables enquêtes contradictoires (ce malaise peut cependant dans certains cas être atténué, lorsque l'on se trouve en présence d'un ouvrage complexe où des associations des intéressés peuvent discuter, et même éventuellement modifier, les objets initiaux (affaire II 128, relative à la construction de l'autoroute A 49)).

Ceci est d'autant plus grave qu'après coup, l'administré ne possède pas non plus de moyens de défense efficaces.

En effet, même lorsque les irrégularités dénoncées sont bien caractérisées, elles sont mises au grand jour alors que la procédure en est arrivée à un stade où il est difficile de revenir en arrière ; un exemple : l'affaire n° III 1926 : les observations que l'intéressé avait adressées au commissaire enquêteur lors de l'enquête d'utilité publique n'étaient pas jointes au dossier. Mais cette irrégularité a été découverte alors que l'ordonnance d'expropriation était déjà prise (dans un cas cependant (affaire III 1099), la procédure d'urgence utilisée par l'Administration a été reconnue manifestement injustifiée : le Médiateur a obtenu pour le réclamant la rétrocession du terrain dont il avait été dépossédé)L'administré se heurte aux mêmes obstacles lorsqu'il engage un recours devant une juridiction (la déclaration d'utilité publique est déférée devant les tribunaux administratifs, l'ordonnance d'expropriation devant les tribunaux judiciaires) : compte tenu des délais mis par les tribunaux à statuer, l'ouvrage publie est construit avant qu'une décision n'intervienne. Or on sait bien qu'un ouvrage public ne se détruit pas ...

Enfin lorsqu'elle propose aux intéressés expropriés une indemnité, trop souvent l'administration des domaines - et parfois le Tribunal - ne tient aucun compte de l'état du marché, des prix pratiqués couramment dans les zones voisines des terrains expropriés. De tels prix, qui varient du simple au double, sont dès lors loin de constituer la " juste indemnité " prévue par les textes.

Dans ces conditions, comment redonner aux opérations d'utilité publique la légitimité qui leur fait défaut, puisque la difficulté essentielle semble bien résider là ?

B. Les propositions du Médiateur.

1° Une amélioration de la procédure d'enquête préalable reste possible sur certains points.

Les textes de 1976 ayant - tout au moins sur le plan formel - nettement amélioré cette procédure, ce sont davantage des adaptations pratiques que de véritables réformes qui peuvent être proposées ici.

Ces adaptations pourraient par exemple concerner :

- Les modalités de la publicité et de l'affichage. Les griefs restant fréquents en cette matière, la nécessité est évidente d'imaginer des moyens capables de mieux faire " passer " l'information. Il serait envisageable, par exemple, d'associer systématiquement les organismes intéressés - tels que les chambres d'agriculture ou de commerce - à la diffusion de l'information dans la presse locale, ou d'encourager l'organisation " d'expositions " au niveau des mairies.

Il est prévu de compléter cet effort d'information par la diffusion, auprès des futurs expropriés, d'une notice donnant tous renseignements sur les différentes phases de la procédure, les droits et obligations des intéressés (et notamment la possibilité dont ils disposent de former des recours) ... Certains documents allant dans ce sens ont déjà été établis par le service des affaires foncières et domaniales de la direction générale des impôts et par la Chambre de commerce et d'industrie de Paris. Ils pourraient inspirer l'élaboration d'une notice complète sur ce point.

- La durée de l'enquête préalable : si l'on tient compte des habitudes de la population et de la possibilité donnée à chaque Français de s'absenter de son domicile pendant trente jours consécutifs, cette durée ne devrait en aucun cas être inférieure à cette limite de 30 jours.

Ces différents points sont actuellement discutés dans le cadre de réunions Médiateur, Administrations concernées, représentants d'organismes intéressés (comme les chambres d'agriculture).

A côté du problème de l'information des administrés, se pose celui de l'information et de la formation des administrations et organismes habilités à intervenir dans une procédure préalable. Le Médiateur travaille, actuellement, en collaboration avec l'Administration, à l'élaboration d'un " guide de l'expropriant " destiné à rappeler à ces autorités les règles devant guider leur action.

Cette question ne peut que mettre en évidence la cause véritable du malaise : à savoir l'attitude générale des autorités responsables ; il est certain en effet que sans une modification de cette attitude, toutes les réformes proposées ne pourront que rester lettre morte.

Ce changement devrait porter sur deux axes :

- La recherche d'une définition stricte de la notion d'utilité publique ;

- La mise en place d'une politique de concertation.

2° - Nécessité de revenir à une définition plus stricte de la notion d'utilité publique.

Il est classique de constater que ces dernières années, toute l'évolution a conduit à un élargissement de cette notion.

Sont caractéristiques de cette tendance :

- La multiplication des opérations concernées. En effet, au départ, la procédure d'enquête publique n'était utilisée que pour les projets de grands travaux (autoroutes par exemple). Avec le développement de la politique d'urbanisme et d'aménagement du territoire, elle est entrée en jeu pour l'établissement des schémas directeurs, des plans d'occupation des sols, des zones d'aménagement concerté, des zones à urbaniser en priorité ; elle est utilisée, encore, dans la mise en place de la politique de remembrement...

- La multiplication, dans le même temps, des organismes susceptibles de bénéficier de cette procédure, les autorités publiques n'étant plus seules en cause mais de plus en plus, également, des sociétés d'économie mixte, des sociétés concessionnaires privées ... quand ce ne sont pas des entreprises privées (arrêts du Conseil d'Etat commune de Cassis et ville de Sochaux).

Confortant cette évolution, toute la jurisprudence du Conseil d'Etat a été dans le sens de cet élargissement. Elle s'est en effet montrée de moins en moins stricte, aussi bien en ce qui concerne la définition des projets d'utilité publique que sur les procédures à respecter ou les pouvoirs des autorités expropriantes...

Cet élargissement - sans doute excessif - est une nouvelle et grave source d'insécurité pour les administrés et laisse l'impression que l'on a perdu de vue la véritable notion d'utilité publique.

Un renversement de tendance s'est cependant déjà manifesté dans la jurisprudence du Conseil d'Etat (arrêts Ville nouvelle d'Est association Sainte Marie de l'Assomption), mais il conviendrait d'aller plus loin encore, en définissant des critères stricts de l'utilité publique et, surtout, en posant comme principe que les opérations concernées doivent rester l'exception.

3° - Nécessité de la mise en place d'une politique de concertation.

Seule la mise en place d'une véritable politique de concertation, faisant de l'enquête d'utilité publique une véritable enquête contradictoire, pourra redonner à cette procédure tout son sens et toute sa crédibilité.

Comme il l'a déjà été dit, la directive du Premier Ministre du 14 mai 1976 insistait sur la nécessité de développer la participation et le dialogue avec toutes les catégories d'intérêts concernés.

Mais comme il l'a été souligné aussi, l'objectif de la réforme n'a pas été atteint.

Pourtant, le texte de la directive contient en germe tous les éléments essentiels nécessaires à la mise en place d'une telle politique et, en particulier, dans ses dispositions relatives :

- à l'information préalable à l'ouverture de l'enquête publique (l'information en " amont ") qu'elle tient pour essentielle ;

- au choix des commissaires enquêteurs : elle précise en effet très nettement que :

• la convocation d'une commission d'enquête doit être préférée à celle d'un seul commissaire enquêteur ;

• le recours à des personnes qualifiées (en raison de leurs compétences techniques ou de leur représentativité) doit être préféré à l'appel systématique aux anciens fonctionnaires.

Or, il semble que les autorités expropriantes aient des difficultés à s'adapter à cette nouvelle conception de l'enquête publique, cette dernière n'ayant pas initialement été conçue dans ce but de concertation, mais simplement dans un but de protection des propriétaires.

Pour combattre cette résistance, il serait sans doute souhaitable d'imposer - et non plus seulement de suggérer - l'adoption des pratiques nouvelles.

De tels systèmes existent déjà : l'élaboration des plans d'occupation des sols, par exemple, se fait avec l'intervention d'une commission de type paritaire - composée à côté des représentants des services de l'Etat, de représentants élus des communes intéressées ainsi que de personnes qualifiées.

Il reste bien sûr entendu qu'une véritable politique de concertation implique que les catégories intéressées bénéficient de pouvoirs réels.

Une telle orientation devrait permettre de revenir à une utilisation plus rationnelle de ces procédures et semble constituer la seule possibilité de concilier l'intérêt public - car il n'est pas question de nier la nécessité des politiques d'urbanisme, d'aménagement foncier... - et les droits fondamentaux des administrés.

III. PROPOSITIONS DE REFORME - RECOMMANDATIONS - INJONCTIONS

a) Propositions de réforme.

La synergie n° 1 relative aux problèmes de l'expropriation peut être considérée comme satisfaite quant aux principes essentiels qu'elle posait. Les discussions cependant se poursuivent en ce qui concerne la mise en oeuvre pratique de ces principes.

Une nouvelle proposition a été élaborée en 1978 (n° Eq 78-9) : elle est relative aux réservations foncières effectuées dans le cadre de P.O.S. et aux conditions d'exercice par les propriétaires de leur droit de mettre la collectivité en demeure d'acquérir.

b) Recommandation et Injonction.

Ces procédures n'ont pas été utilisées en ce domaine.

IV. CONCLUSION

L'instruction des dossiers transmis à l'Ingénieur général des ponts et chaussées, correspondant du Médiateur, est assurée sous son contrôle dans des conditions très satisfaisantes. Elle donne lieu par les services à une étude approfondie. Les conclusions de cette étude ne sont adoptées qu'après échange de vues avec le correspondant. C'est là une garantie de sérieux appréciable.

On doit cependant regretter que pour les affaires signalées comme urgentes, la transmission trop systématique au cabinet du Ministre ne vienne souvent retarder leur règlement.

Au niveau local, le Médiateur a pu observer que quelques préfectures examinent les réclamations qui leur sont soumises, au titre de la Direction Départementale de l'Equipement, avec une certaine négligence, faisant parfois même preuve d'un esprit de non-participation.

SECRETARIAT D'ETAT AUPRES DU PREMIER MINISTRE
CHARGE DE LA FONCTION PUBLIQUE


I. BILAN

En 1978, 410 réclamations (10,2 % du total) soumises au Médiateur ont été classées sous la rubrique " Fonction Publique ".

En réalité, ce chiffre ne reflète pas la situation exacte. En effet, depuis l'origine de l'institution, les réclamations émanant d'agents publics ont toujours été très nombreuses, malgré l'article 8 et l'incompétence de principe du Médiateur en ce domaine. La solution de ces litiges dépendant en fait d'une décision du Ministère d'origine des intéressés, ou d'une décision conjointe de ce Ministère et du Ministère des Finances (pour les affaires de pensions), ils se trouvent répertoriés sous différentes rubriques.

L'on retrouve, de manière constante, les problèmes de carrière, de pensions... Le Médiateur n'accepte d'examiner ces dossiers que dans la mesure où l'autorité hiérarchique ne semble pas remise en cause. Il est ainsi amené à connaître d'un nombre relativement important de réclamations en matière de pension.

Parmi ces réclamations, nombreuses sont les demandes de validation de certains services pour le calcul d'une pension civile ou militaire de retraite.

Les exemples relevés sont très hétéroclites, mais ils laissent souvent, dans leur ensemble, une impression de manque de clarté, d'ambiguïté, voire d'arbitraire, dans le libellé des règles régissant ces matières, ou dans leur interprétation ou leur application.

II. L'ARBITRAIRE DES VALIDATIONS DE SERVICES

A. La réglementation applicable.

L'article L. 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite dispose que les services pris en compte dans la constitution du droit à pension sont :

- Les services accomplis à partir de l'âge de dix-huit ans en qualité de fonctionnaire titulaire... (les services accomplis à mi-temps étant comptés pour la totalité de leur durée).

- Les services militaires, à l'exclusion de ceux effectués en temps de paix avant l'âge de seize ans.

- Les services accomplis dans les établissements industriels de l'Etat ...

- Les services accomplis dans les cadres permanents des administrations des départements, des communes, des établissements publics départementaux et communaux.

- Les services rendus dans les cadres locaux permanents des administrations des territoires d'Outre-Mer...

- Les services rendus jusqu'à la date de l'indépendance... dans les cadres des administrations de l'Algérie et des anciens pays et territoires d'Outre-Mer...

- Les services de stage accomplis à partir de l'âge de dix-huit ans.

- Pour les instituteurs, le temps passé à l'école normale à partir de l'âge de dix-huit ans.

Peuvent également être pris en compte pour la constitution du droit à pension les services d'auxiliaire, de temporaire, d'aide, ou de contractuel... accomplis à partir de l'âge de dix-huit ans dans les administrations centrales de l'Etat, les services extérieurs en dépendant, et les établissements publics de l'Etat ne présentant pas un caractère industriel ou commercial.

L'application de cet article semble simple. En réalité des difficultés d'interprétation se posent pour plusieurs de ses dispositions.

Or, les litiges sont d'autant plus importants qu'existe dans la fonction publique la condition des quinze années de services valables pour l'ouverture d'un droit à pension : la non-reconnaissance de la validité de certains services pourra, dans certains cas, entraîner la suppression du droit à une pension publique (cf. rapport de 1977, p. 155). C'est dire si la solution donnée est alors déterminante.

B. Les réclamations soumises au Médiateur.

Elles sont très diverses donc, comme il l'a déjà été indiqué. Certaines ne sont que des cas d'espèce. D'autres posent des problèmes plus graves de statut.

1° Demandes de validation de services militaires.

On constate, ici, une grande diversité de statuts et de règles.

- Un exemple : Contrairement aux dispositions (précitées) de l'article L. 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite, le règlement de la S.N.C.F. ne tient compte que du temps de service militaire légal dû par une classe d'âge considérée, à l'exclusion du temps passé sous les drapeaux à titre d'engagé (affaire II 1171).

- D'autres réclamations sont plus particulières ou liées à des circonstances exceptionnelles (temps de guerre notamment) mais semblent significatives du manque de clarté existant en ce domaine.

Ainsi :

- Dans un cas, le réclamant s'est vu refuser la prise en compte des services qu'il avait accomplis pendant la guerre dans une antenne de la Croix Rouge dispensant ses soins à des résistants blessés au cours de leur tentative de franchissement de la frontière franco-espagnole ;

- Les services accomplis dans des foyers d'anciens combattants sont validables au titre de l'article L. 5 lorsque les foyers en cause existaient à la date du 4 février 1975 - date à laquelle un décret a admis le principe d'une telle validation -, mais ils sont validables par la caisse de sécurité sociale lorsque le foyer n'existait plus à cette date (cette même dichotomie existe, au niveau de la retraite complémentaire, pour la validation des services accomplis dans les centres de formation professionnelle ou d'apprentissage gérés pendant la guerre 1939-1945).

2° Demandes de validation de services effectués par des auxiliaires.

Aux termes de l'article L. 5, de tels services peuvent être validés lorsque la validation a été autorisée par arrêté conjoint du Ministre intéressé et du Ministre des Finances (un décret du 24 janvier 1969 a dressé un tableau des services de non-titulaires admis à validation pour la retraite).

La validation doit être demandée par l'intéressé avant sa radiation des cadres.

Cette seconde condition pose surtout un problème d'information (dossiers II 1564, IV 1564). La première condition, par contre, n'est pas toujours bien comprise des intéressés.

- Les règles applicables ne sont effectivement pas toujours faciles à connaître, comme le montre le dossier de cette réclamante qui, dans un premier temps, n'avait pu obtenir la validation de services effectués en qualité de surveillante d'externat, au motif que ces services n'avaient pas été rétribués sur le budget de l'Etat, mais directement par le chef d'établissement (affaire I 1587).

- Plus nombreuses sont les réclamations d'agents ayant accompli des services à temps partiel. Deux d'entre elles, émanant d'anciens auxiliaires de l'Administration des postes et télécommunications, méritent d'être notées (affaires II 1668 et II 3079) : elles concernent le refus de validation des services d'auxiliaires accomplis avant la titularisation des intéressés, au motif que la durée journalière de ces services n'était pas égale à au moins six heures par jour (dans les deux cas, elle était de 5 heures 45).

L'Administration justifie sa position en arguant du risque de voir ses agents accomplir, en dehors de ce temps partiel, une autre activité rémunérée - alors que dans l'hypothèse d'un service à mi-temps (maintenant prévu par les textes), l'agent concerné souscrit un engagement sur l'honneur de ne pas occuper une seconde activité salariée.

Il reste que dans un des cas au moins, c'était l'Administration elle-même qui avait imposé à l'intéressé la réduction de son horaire de travail. Il est possible que dans certaines situations, la limite des 36 heures se justifie - bien que l'on ne voie pas très bien pourquoi l'Administration n'accepterait pas au moins la validation des services en cause au prorata du temps effectué - ; encore faudrait-il que les intéressés ne soient pas laissés dans l'ignorance de cette réglementation.

Cette question a donné lieu de la part du Médiateur à une proposition de réforme (n° FIN 76.26). Cette proposition fait actuellement l'objet d'études et de discussions avec les services concernés.

3° Demandes de validation de services effectués par des agents relevant des collectivités locales.

Certaines situations sont liées à ce problème du temps partiel. Un exemple qui vient de trouver sa solution mais n'en mérite pas moins d'être cité ici, était particulièrement significatif. Il concernait certains adjoints d'enseignement et moniteurs de musique (affaires V 271 et V 684).

Ces personnels exercent des fonctions relevant de l'enseignement musical, sans toutefois remplir les conditions de recrutement et de rémunération exigées des professeurs des écoles nationales de musique.

En 1975 la C.N.R.A.C.L. avait admis que ces agents pourraient lui être affiliés s'ils assuraient au moins dix-huit heures de cours par semaine. Mais cette décision s'était heurtée à une opposition du Ministère de l'Economie et des Finances, ce dernier estimant que seuls devaient bénéficier de cette affiliation les enseignants qui consacrent la plus grande part de leur activité à un emploi, comportant une durée minimum de 36 heures de travail par semaine.

Confrontés à ce refus, les intéressés se voyaient dans l'impossibilité de faire valoir leurs droits à la retraite.

Ce problème ne pouvait trouver sa solution que dans la création, sur le plan national, " d'emplois spécifiques " destinés à définir pour certaines catégories de personnels des conditions de travail adaptées à la spécialité des différentes fonctions. Annoncée par le Ministre de l'Intérieur, cette mesure est enfin intervenue dans le courant de l'année 1978 grâce à l'adjonction, au tableau indicatif des emplois communaux, du nouvel emploi d'adjoint d'enseignement musical.

Une autre série d'affaires a attiré l'attention du Médiateur : elles concernent des réclamations émanant d'agents communaux qui, au moment de prendre leur retraite, se sont vu refuser la validation de leurs services au motif que les communes en question n'avaient pas institué de régime de retraite en faveur de leur personnel et n'étaient pas immatriculées à la Caisse nationale de retraite des collectivités locales (affaires I 1394, III 2435, III 2868 et V 311).

Le règlement de ces litiges n'a pu jusqu'ici intervenir qu'au coup par coup. Certains ont finalement été résolus, mais pas tous. Or, l'existence de telles situations ne peut qu'être jugée tout à fait anormale.

4° Demandes de validation pour la retraite d'années de stage ou d'années d'études.

En principe, seules les premières peuvent être prises en considération, non les secondes. Mais, des exceptions sont faites dans un cas et des brèches ouvertes dans l'autre.

Aux termes de l'article L. 5 du code des pensions, les années de stage sont normalement validées. Or, les années d'études accomplies dans les écoles nationales supérieures sont assimilées à des années de stage, et donc validables.

Le Médiateur a cependant eu connaissance d'une exception : les deux années d'études accomplies pendant la période 1933-1948 à l'Ecole nationale supérieure d'éducation physique ne peuvent être admises à validation (affaire IV 1432).

Or la situation des élèves de toutes les écoles normales supérieures a été réglée par les mêmes textes, et tous ces élèves ont été placés devant les mêmes obligations (et notamment celle de s'engager à servir pendant un certain nombre d'années dans l'enseignement) : les justifications avancées par l'Administration pour maintenir cette exception ne sont dès lors guère acceptables.

Les années d'études, par contre (études d'infirmière, d'assistante sociale par exemple) ne peuvent normalement pas être prises en compte (9692. – 8).

La C.N.R.A.C.L. cependant a admis qu'elles seraient exceptionnellement validées lorsqu'elles ont été accomplies dans une école publique, qu'elles ont été sanctionnées par un diplôme et que les intéressées ont ensuite été titularisées auprès d'une collectivité locale immatriculée à la C.N.R.A.C.L. dans le délai maximum d'un an après la sortie de l'école.

Ces autorisations de validation, résultant d'une simple décision de la C.N.R.A.C.L., ne sont prévues par aucun texte législatif ou réglementaire, ce qui explique les conditions très strictes qui sont posées.

Mais cette rigueur ne peut manquer d'entraîner des cas limites où le refus de la validation ne pourra que provoquer un sentiment d'injustice chez les intéressées : ainsi dans les affaires IV 1175 et surtout IV 1133 où la réclamante, assistante sociale entrée au service de l'Administration des postes et télécommunications, faisait valoir l'incohérence des règles telles qu'elles sont posées et qui " pratiquement, obligent une assistante sociale envisageant une carrière au service de l'Etat d'entrer d'abord dans un service d'une collectivité locale et de s'y faire titulariser, avant de prendre un poste à la fonction publique ".

A partir du moment où la brèche est ouverte et où, sans doute, elle a été ouverte devant la nécessité d'encourager les vocations vers certaines professions, ne pourrait-on admettre la validation des années d'études dès lors que l'agent en cause a accompli quinze années d'activité dans les services d'une collectivité locale ou de l'Etat et donc acquis à ce titre une pension ?

C. La position du Médiateur.

Il n'est bien évidemment pas dans l'intention du Médiateur de demander un élargissement excessif des autorisations de validation de services. Force est pourtant de constater que dans tous les cas précités, l'amertume des intéressés ne semblait pas exagérée.

Certes, l'Administration n'est jamais obligée d'autoriser des validations non prescrites par les textes. De plus, cette même administration parvient toujours à justifier, a posteriori, les règles qu'elle a posées. Malheureusement, on ne voit pas toujours très clairement les raisons qui ont déterminé ces règles, d'où cette impression d'arbitraire souvent ressentie.

Il serait dans tous les cas nécessaire d'éviter :

- que des services accomplis dans des conditions analogues soient soumis à des régimes différents ;

- que l'Administration (Etat ou collectivités locales) recrute du personnel sans avoir auparavant établi pour lui un statut clair, sur lequel ce personnel pourra être parfaitement informé (moniteurs de musique, agents des collectivités locales) ;

- qu'une décision affectant la carrière d'un agent ne soit prise sans considération des conséquences qu'elle aura sur la situation de cet agent (auxiliaires des Postes et Télécommunications).

Sans un souci véritable de clarifier et d'homogénéiser toute cette matière, la légitimité des règles posées et des décisions prises ne pourra que continuer à être contestée.

III. PROPOSITIONS DE REFORMES – RECOMMANDATIONS – INJONCTIONS

a) Propositions de réforme.

Deux propositions de réforme sont relatives aux problèmes des agents publics :

- n° FIN 78-36 concernant l'ouverture du droit à la majoration pour enfants aux personnes ayant effectivement recueilli et élevé un enfant, sans que celui-ci ait fait l'objet d'une délégation de tutelle ou d'une délégation judiciaire des droits de l'autorité parentale. Cette proposition est en cours d'étude ;

- n° FIN 78-44, relative aux délais de validation des droits à pension ou de rachat des cotisations d'assurance vieillesse, et qui soulèvent essentiellement un problème de forclusion.

b) Recommandations.

Une seule recommandation a été élaborée en 1978 en ce domaine ; elle tendait à obtenir pour le réclamant la révision de sa pension militaire proportionnelle (affaire II 3126).

Promu au grade d'adjudant-chef après sa mise à la retraite, le réclamant, se basant sur les indications erronées que lui avait données l'Administration, avait omis de réclamer en temps utile le rappel de solde dont il était en droit de bénéficier. Du même coup, sa pension n'avait pu être liquidée sur la base de son nouveau grade.

L'équité commandait que cette recommandation soit satisfaite. C'est ce que le Médiateur a obtenu.

IV. CONCLUSION

En matière de réclamations émanant d'agents publics, l'action du Médiateur est limitée par deux obstacles importants :

- Nombreux sont les dossiers dont la recevabilité se heurte manifestement aux dispositions de l'article 8. Nombreux également sont ceux qui se heurtent aux limites de la compétence du Médiateur, les réclamations pouvant remettre en cause indirectement le principe hiérarchique.

- Dans la mesure où le Secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique n'est pas seul concerné par ces réclamations, - et c'est le cas le plus fréquent - la recherche des solutions est nécessairement longue et difficile à coordonner. De plus, comme il l'avait déjà indiqué dans le rapport précédent (p. 108), les différentes administrations en cause ont tendance à " se renvoyer la balle ", ce qui ne facilite pas l'issue des litiges.

Malgré ces obstacles, un certain nombre de réclamations individuelles ont pu être satisfaites à la suite de l'intervention du Médiateur. Il reste à obtenir la modification des textes générateurs d'injustice.

MINISTERE DE L'INDUSTRIE

I. BILAN

En 1978, 72 réclamations (1,8 % du total) étaient du ressort du Ministre de l'Industrie. Si l'on ajoute à ce chiffre les 25 réclamations relevant du Ministre du Commerce et de l'Artisanat, on retrouve un total très proche des 97 affaires instruites en ces domaines en 1977 - époque où un seul Département réunissait les problèmes de l'industrie, du commerce et de l'artisanat.

Aucun développement particulier ne sera consacré au Ministère du Commerce et de l'Artisanat, les réclamations transmises au Médiateur n'ayant pas permis de dégager un problème significatif de l'activité de ce département ministériel.

Pour ce qui est du Ministère de l'Industrie, la nature des litiges en cause n'a guère varié par rapport aux années précédentes.

En réalité, la très grande majorité des dossiers a, comme précédemment, concerné l'action des services de l'EDF-GDF - contestations relatives aux contrats d'abonnement sur lesquels les réclamants estiment parfois avoir été mal conseillés ; aux facturations - jugées abusives - des consommations de gaz ou d'électricité. D'autres requêtes mettent en cause des projets ou la réalisation de travaux d'électrification (extension du réseau, branchements) : à cet égard, assez fréquentes sont les affaires dans lesquelles les intéressés se plaignent de la manière autoritaire et quasi-souveraine dont est décidée par l'EDF l'implantation des pylônes électriques, les services étant alors accusés de ne pas toujours avoir le souci de respecter la propriété des autres.

Nonobstant ces observations, le problème majeur que le Médiateur a souhaité souligner cette année sous cette rubrique n'est pas un problème technique mais en quelque sorte " politique ".

En effet, une observation, déjà notée, reste constante : celle qu'en cette matière, les requêtes transmises au Médiateur relèvent davantage d'organismes soumis à la tutelle du Ministère de l'Industrie (essentiellement l'EDF-GDF, mais aussi les charbonnages, les mines...), que de l'administration centrale de ce ministère.

Si cet état de fait ne pose pas de problème essentiel pour les litiges simples, il n'en est pas de même lorsque la complexité de la requête exige un examen qui ne peut être effectué ou coordonné qu'au plus haut niveau.

II. UN POUVOIR DE TUTELLE INOPERANT DANS SES RELATIONS AVEC LE MEDIATEUR

Il est bien évident que le Médiateur ne cherche pas ici à remettre en cause d'une façon générale le principe de la tutelle ministérielle sur certains organismes publics. Cette tutelle se légitime en effet par la nécessité de définir les politiques à mener par ces organismes. Il constate simplement que, dans le domaine d'activité qui est le sien, ce pouvoir de tutelle est sans effet.

Deux affaires essentiellement permettent d'illustrer cette réalité :

- l'une (affaire I 673) a déjà été signalée par le Médiateur dans ses rapports précédents (en 1975 p. 51 et en 1976 p. 227) : elle était relative à la responsabilité de l'Administration - en l'occurrence les charbonnages de France - dans la mise en liquidation judiciaire d'une entreprise créée en vue de la reconversion d'un complexe minier.

L'examen de l'affaire ayant permis d'établir que l'Administration portait effectivement une part de responsabilité dans l'échec de l'entreprise en cause, le Médiateur estimait équitable de ne pas faire supporter par l'intéressé personnellement toutes les conséquences financières de cet échec. Après de multiples démarches, il a pu un moment espérer une solution d'ensemble : en effet les charbonnages avaient fait savoir qu'ils seraient disposés, dans la mesure où les autres créanciers adopteraient une attitude analogue, à abandonner la totalité de leurs créances. Certaines banques créditrices ont d'ailleurs accepté par la suite d'adopter une attitude conciliante.

Malheureusement la suite de l'affaire a montré qu'en réalité, la proposition des charbonnages était de portée plus limitée qu'on ne pouvait d'abord le penser - puisque aussi bien les services fiscaux et sociaux, n'étant pas partie prenante, n'avaient aucune raison déterminante d'abandonner leurs créances - et que, d'autre part, seule une solution globale du litige avait des chances d'aboutir. Or aucune instance n'a, au niveau ministériel, souhaité prendre l'initiative de chercher à dégager une telle solution.

- La seconde affaire (IV 423) opposait le réclamant à l'Electricité de France à propos du versement d'une indemnité de dommages de guerre.

Les réclamants exploitaient depuis 1935 un commerce de papeterie en gros dans un local appartenant à la Société lorraine d'électricité.

N'ayant pu obtenir le report de leur droit au bail sur l'immeuble neuf reconstruit par EDF grâce aux indemnités de dommages de guerre, et après avoir refusé le local de remplacement qui leur était proposé, les intéressés tentèrent de faire valoir leurs droits devant les tribunaux. Ceux-ci fixèrent le montant de l'indemnité à verser par EDF à 18 300 francs. Malgré les divers recours judiciaires qui suivirent cette décision, ce chiffre fut maintenu. EDF cependant, prenant en considération la situation des intéressés, engagea par la suite des négociations amiables et leur proposa à titre humanitaire, une indemnité complémentaire de 15 000 francs, mais qui fut refusée.

Le Médiateur fut saisi de ce dossier en 1977.

En droit, le litige était définitivement réglé et aucun moyen nouveau ne pouvait être invoqué pour ré-intervenir auprès d'EDF. En équité, cette conclusion rigoureuse était plus contestable. Tenant compte d'un certain nombre d'éléments - notamment de l'importance des honoraires et des frais de justice supportés par les intéressés à l'évidence mal conseillés - qui, dans cette affaire, jouaient en faveur des réclamants, le Médiateur a cherché à obtenir d'EDF une mesure gracieuse.

Sur l'intervention pressante du Médiateur, le Président de l'organisme concerné personnellement a consenti à renouveler, en la réévaluant sur la base de l'indice actuel du coût de la vie, l'offre amiable initialement faite. Sa proposition a été de nouveau refusée par les intéressés.

Bien que cette offre ait pu paraître insuffisante, elle n'était cependant pas négligeable. Le Médiateur n'a pas manqué d'ailleurs de regretter là encore que le Ministère de tutelle n'ait pas cru devoir faciliter la recherche d'une solution peut-être plus équitable.

Ce handicap dans l'action du Médiateur est si évident qu'il a été projeté, en liaison avec le cabinet du Ministre de l'Industrie, de nommer des correspondants particuliers auprès des divers organismes concernés. L'efficacité de cette procédure ayant déjà été prouvée par l'existence, au sein de chaque département ministériel, d'un correspondant spécial, on peut espérer que cette nomination permettra d'atteindre de meilleurs résultats dans le traitement des dossiers.

Le Ministre de l'Industrie a donné son accord de principe. Il reste à étudier avec les Administrations concernées les modalités d'application d'une procédure qui soulève encore quelques difficultés.

Cet immeuble fut totalement détruit en 1944 et, à la suite de la loi sur les nationalisations, EDF succéda à la Société lorraine dans ses droits et obligations.

III. PROPOSITIONS DE REFORME - RECOMMANDATIONS - INJONCTIONS

Ces procédures n'ont pas été utilisées cette année par le Médiateur.

IV. CONCLUSION

Les relations du Médiateur avec le Ministère de l'Industrie ou avec les organismes placés sous sa tutelle traduisent un certain manque de coordination entre leurs services, ce qui entraîne le recours au Ministre ou au cabinet pour le règlement des dossiers les plus difficiles.

Le Médiateur ne saurait en soi le regretter, mais il constate que les décisions intervenues n'ont pas répondu à son attente. Il souhaite que dans l'avenir le sens de sa mission, axée sur l'équité, soit mieux compris.

MINISTERE DE L'INTERIEUR

I. BILAN

Le Médiateur a été saisi en 1978 de 228 réclamations représentant 5,7 % de l'ensemble des requêtes.

Une légère diminution peut être observée par rapport à l'année précédente (257 réclamations).

Comme en 1977, nombreux sont encore les différends entre les administrés et les autorités de police à propos de la validité des procès verbaux. Peu de progrès semble avoir été enregistré dans ce domaine.

Mais la plus grande part des réclamations concerne des litiges opposant les administrés aux collectivités locales, qu'il s'agisse de la lutte contre la pollution et les nuisances ou de travaux d'intérêt général (construction de marchés, suppression de lavoirs, etc.).

Parmi ces litiges, nombreux sont ceux qui mettent en cause la responsabilité des collectivités locales, à propos du non-respect de leurs engagements vis-à-vis des particuliers.

C'est sur ce thème que le Médiateur a souhaité mettre l'accent

II. LE NON-RESPECT DES ENGAGEMENTS PRIS PAR LES COLLECTIVITES LOCALES

Une politique réelle de décentralisation implique le développement des responsabilités des collectivités locales, lesquelles ont déjà un rôle fondamental en matière de création d'équipements collectifs, puisque 60 % d'entre eux sont réalisés par les communes et les départements.

Le 22 mars 1978 le Président de la République, lui-même, précisait qu'il fallait " développer les responsabilités et les libertés locales ". Un projet de loi récent tend à donner réalité à ce dessein.

Il convient alors d'améliorer les conditions d'exercice de ces responsabilités, car le Médiateur a été trop souvent amené à constater que des communes ne tenaient pas les engagements contractés à l'égard des particuliers ou de certaines entreprises, leur causant par là des préjudices graves.

A. Le problème posé.

Il s'agit du non-respect par une collectivité locale - en fait surtout une commune - des engagements pris. Soit qu'elle refuse d'exécuter ses obligations ou d'honorer ses promesses, soit qu'elle accepte de respecter ses engagements, mais avec une mauvaise volonté évidente, génératrice de retard.

Un tel comportement, signe de maladministration manifeste, a été observé par le Médiateur dans des domaines très variés.

En matière de travaux publics, le contentieux entre l'Administration communale et les particuliers est souvent lourd :

La commune de C. propose une participation importante au financement de travaux d'adduction d'eau supportés par le requérant. Les travaux achevés et payés par l'intéressé, la commune s'estime déliée de son obligation (affaire V 1660).

La ville d'A. avait accepté de financer une partie importante du branchement en eau et en électricité de l'atelier artisanal de M. B… Après de multiples tergiversations et contrairement à son engagement, la commune a finalement imposé, à l'intéressé, une participation infiniment supérieure à celle qui était prévue initialement (affaire III 2642).

La Municipalité s'était proposée de rembourser à M. M… la réfection qu'il avait entrepris de la partie des trottoirs attenant à sa propriété. Elle se refuse ultérieurement à donner suite à son engagement (affaire V 1200).

M. R… écrit au Médiateur pour se plaindre de la commune de M., celle-ci n'aurait pas exécuté son engagement de lui verser une somme d'environ 5 000 francs, en règlement de travaux effectués pour la décoration d'un bâtiment scolaire (affaire V 376).

Il arrive par ailleurs, fréquemment, que la commune ne tienne pas des promesses fermes d'achat :

La Commune de C. a mis six mois pour honorer une promesse d'achat de propriété et quatre mois pour financer cet achat une fois passé l'acte authentique. Ces longs délais n'avaient pas empêché la municipalité de réitérer verbalement un engagement qu'elle ne tenait pas... et de commencer entre temps à aménager la propriété qui, juridiquement ne lui appartenait pas encore (affaire V 1973).

Dans une autre affaire similaire (affaire IV 2781), l'intéressé s'est aperçu à son détriment que le contenu d'un acte authentique était fort différent de la promesse d'achat... fait d'autant plus regrettable qu'entre la promesse et l'acte s'écoulent plus de cinq ans...

Dans le domaine fiscal, les communes adoptent des comportements parfois contestables : ainsi d'un maire qui avait, au mépris de la législation en vigueur, exonéré totalement une entreprise qui s'installait, de taxe locale d'équipement. Les services fiscaux, bien entendu, s'opposèrent à cette décision illégale et invitèrent les intéressés, à régulariser leur situation en remboursant la taxe due.

Devant la multiplication des plaintes de cet ordre, il convient de s'interroger sur les raisons de l'attitude de certaines communes.

Il est fréquent que les élus locaux s'engagent à tort, car ils méconnaissent les textes juridiques et fiscaux, ou les utilisent à mauvais escient (affaire citée en dernier). Il peut arriver qu'ils prennent leur décision sans observer les formes requises, (absence d'approbation du conseil municipal, non-consultation de certains organismes administratifs). Pour rendre cette décision légale et applicable, il faut alors refaire les démarches prescrites par les textes. Les délais sont rallongés d'autant.

Ils peuvent aussi faire preuve de légèreté :

Ainsi d'un maire qui engage une dépense sans s'assurer préalablement qu'il pourra payer. Ainsi dans l'affaire V 833, la commune de I. se révèle incapable, faute de crédits suffisants, de financer le système d'adduction d'eau dont devait bénéficier M. T.

De même dans l'affaire V 1973 le maire de C. a dû multiplier les démarches, en vue de trouver des crédits permettant d'acheter le terrain pour lequel il avait engagé à la légère les deniers communaux. Ceux-ci s'étant révélés insuffisants, il a fallu de longs délais pour obtenir des subventions.

Il faut souligner que la facilité des rapports du maire avec ses administrés souvent très proches de lui, peut l'entraîner à prendre des engagements ou à faire une promesse à la légère. Cette situation rend particulièrement précaire la situation des personnes concernées. La commune peut revenir facilement, au gré des circonstances, sur une promesse qu'elle estime vague et qui ne la lie pas vraiment sur le plan juridique.

Les cas les plus frappants sont ceux qui ont été observés lors des changements de municipalité qui refusent de prendre en charge les obligations des équipes précédentes.

Ainsi la société C. a passé avec la municipalité de S. une série de contrats prévoyant entre autres, l'édition d'un bulletin municipal officiel et de l'annuaire officiel de la ville. Or après les élections, la nouvelle municipalité a brutalement dénoncé les contrats passés, sans indemniser la société co-contractante et sans même lui fournir de préavis (affaire V 305). L'affaire V 1660 précitée souligne aussi les effets d'un changement de municipalité, puisque le nouveau maire refuse d'effectuer les dépenses prévues par l'ancien.

Le refus des collectivités locales d'honorer certains de leurs engagements, entraîne des conséquences souvent dommageables pour les administrés.

Si les particuliers subissent un inévitable préjudice moral, ils sont aussi victimes de graves difficultés financières comme en témoigne l'affaire V 1973. M. A. se trouve dans l'incapacité de payer les droits de mutation sur le terrain que lui a acheté, en le payant tardivement, la Ville de C... La commune s'octroie des délais, le percepteur se montre rigoureux à l'égard du requérant.

Mais des sociétés peuvent également voir leur trésorerie gravement perturbée par la légèreté de l'administration communale (affaire V 905 précitée).

Cependant, ce qui peut paraître plus grave est l'apparition d'une crise de confiance entre l'Administration locale et les administrés. Ceux-ci se montrent - et souvent à juste titre - défiants et vindicatifs à l'égard d'une administration qu'ils n'ont le pouvoir de contrôler que tous les six ans...

Or c'est au niveau communal que devrait exister un rapport presque exemplaire de plus grande compréhension entre l'Administration et les particuliers, car les contacts sont plus fréquents, les liens plus directs, plus personnalisés.

Devant ce malaise, quelle est la position du Médiateur ?

B. La position du Médiateur.

1° Une action concrète et immédiate s'impose. Le Médiateur doit intervenir pour réparer les iniquités, notamment faire revenir le maire sur sa décision, quand elle n'est pas justifiée et quand c'est possible. Mais l'action du Médiateur doit être nuancée dans ce domaine.

En effet, il peut arriver que le requérant soit finalement dans son tort : si la commune de G. n'a pas honoré son engagement, vis-à-vis du sculpteur décorateur, c'est que celui-ci avait réalisé une oeuvre qui n'était pas conforme à la maquette initiale approuvée par la mairie (affaire IV 376 précitée).

Quelquefois il est impossible de maintenir une décision illégale, même si elle avantage le requérant : la société, exemptée à tort de taxe locale d'équipement, sera contrainte à la payer, la loi s'imposant à tous. Quitte à ce qu'elle intente, souligne le Médiateur, une action en responsabilité contre le maire peu consciencieux.

La plupart des affaires examinées par le Médiateur sont encore en cours d'étude et font l'objet d'une intervention auprès des communes mises en cause, afin qu'elles puissent faire connaître leur point de vue.

Le Médiateur a souvent, dans ces cas, recours à une méthode particulière d'instruction : la " table ronde " .

Dans une affaire qui concernait la modification arbitraire par une municipalité d'un permis de construire (affaire IV 1639), le Médiateur a pu trouver une solution, en réunissant sur place le préfet, le directeur départemental de l'équipement, les avocats et le maire.

Dans l'affaire V 1973 précitée, c'est grâce à une intervention du Médiateur à tous les niveaux (préfet, maire, trésorier payeur général, mission régionale, notaires) et permettant un dialogue entre toutes les parties prenantes, que M. A. a pu finalement entrer en possession de la somme due par la commune.

Le Médiateur souligne donc les succès rencontrés par cette méthode à laquelle, le plus souvent, les élus locaux se montrent favorables.

2° C'est cependant sur une action à long terme, concernant la formation des responsables locaux, que le Médiateur souhaite mettre l'accent.

Un problème se pose immédiatement : faut-il assurer une formation à la fois aux élus communaux et au personnel communal ?

Les communes, comme du reste les départements, sont obligées d'avoir recours à des techniciens issus des administrations de l'Etat, ce qui peut aller à l'encontre d'une véritable autonomie. On trouve au niveau communal de bons généralistes, mais rarement des spécialistes ou des techniciens.

Certes, les textes en vigueur permettent pour le personnel d'application, une certaine promotion au grade. Pour le personnel d'encadrement, il existe des possibilités d'accéder à des fonctions différentes ou plus importantes, mais elles impliquent que les agents acceptent d'être mutés dans d'autres communes. Cette mobilité intercommunale doit, en outre, respecter le libre choix des maires, peu soucieux parfois de promouvoir un personnel déjà en place dans la municipalité et qu'ils connaissent bien.

En attendant de résoudre ce problème, par la création d'une fonction publique locale, il conviendrait d'accentuer la formation, déjà amorcée, du personnel en place.

De meilleures connaissances sur le plan juridique ou économique leur permettraient d'éviter de donner quelquefois des renseignements erronés aux administrés et de mieux préparer le travail des élus par des dossiers sérieux.

Le Médiateur, dès lors, ne peut que se féliciter du succès du Centre spécialisé de formation du personnel communal financé par les collectivités locales.

C'est aux élus locaux que la décision finale appartient. Mais il ne leur est pas demandé de devenir des technocrates et de subir une formation particulière. Leur rôle est essentiellement politique et leur action est sanctionnée par le suffrage universel.

Plus que formés, ils doivent être informés et ce, à trois niveaux :

Cette information doit d'abord provenir d'un personnel communal plus efficace et plus compétent.

Ensuite il conviendrait que les liens entre les élus locaux et leurs autorités de tutelle se renforcent et revêtent une autre dimension, préfet et sous-préfet apparaissant alors comme des conseils sur le plan administratif mettant les services techniques de l'Etat à la disposition de l'élu local. Ainsi pourrait se réaliser une nouvelle étape vers la décentralisation, l'administration de l'Etat à l'échelon local devenant plus conseillère que tutrice.

Enfin, députés et sénateurs, quand ils ne remplissent pas eux-mêmes un mandat local, peuvent utilement conseiller les responsables départementaux ou communaux, surtout lorsque ceux-ci viennent d'être élus.

Ainsi le Médiateur souhaite que ses remarques entraînent un changement de comportement des responsables des collectivités locales, changement qui pourrait conduire heureusement à un climat de confiance retrouvé entre les citoyens et une administration, qui par nature leur est très proche.

III. PROPOSITIONS DE REFORME – RECOMMANDATIONS – INJONCTIONS

Aucune recommandation n'a été adressée cette année au Ministère de l'Intérieur.

En ce qui concerne l'injonction que le Médiateur a été amené à adresser au Préfet de Paris (cf. rapport 1977 pp. 87-88 et rapport 1978 ci-avant, Ie partie, " une proposition pour l'avenir ", section A, V) tout laisse supposer qu'elle aboutira au résultat escompté.

IV. CONCLUSION

Le Médiateur apprécie la collaboration de ce ministère dont les études approfondies tiennent compte des réalités humaines.

Toutefois, il arrive, que le réexamen de certaines réclamations demandé par la Médiateur, n'aboutisse en fait qu'à une simple confirmation par les services de leur réponse antérieure sans qu'une nouvelle étude, pourtant nécessaire, ne soit entreprise.

Le Médiateur tient à souligner par ailleurs l'efficacité de l'action de la plupart des préfets, dans leurs rapports de " tutelle " avec les communes mises en cause.

MINISTERE DE LA JUSTICE

I. BILAN

Le Médiateur a reçu en 1978, 275 requêtes concernant le secteur Justice. Ce nombre est sensiblement le même que celui de l'année précédente et souligne la part relativement importante (6,9 %) des réclamations en ce domaine.

Les principales plaintes instruites sont relatives une fois encore à la lenteur de la justice et à l'inexécution des décisions juridictionnelles. Ainsi, par exemple, pour le premier cas, d'une affaire dont le Médiateur a été saisi en 1974.Les résultats de l'enquête prescrite par le Ministre n'ont pas encore été communiqués au Médiateur malgré de multiples rappels.

Le rôle des auxiliaires de justice et officiers ministériels - en particuliers les notaires - fait toujours l'objet de critiques.

Par ailleurs, compte tenu de la situation économique, de nombreux jugements de faillite sont contestés par les plaignants.

Enfin il convient d'évoquer quelques réclamations ayant trait à l'application de la loi du 3 janvier 1977 indemnisant les victimes des dommages corporels provoqués par une infraction.

C'est toutefois à l'examen des conséquences de la décision du juge que le Médiateur a voulu procéder cette année.

II. LES CONSEQUENCES DE LA DECISION DU JUGE

Plus que d'autres institutions, la Justice est en crise. Pour beaucoup de citoyens, elle fonctionne mal, alors qu'elle a une mission exemplaire à remplir. Elle devrait être le premier des services publics.

Il a été conféré au juge la fonction la plus élevée : celle de dire le droit mais aussi de trancher définitivement, en son âme et conscience, des cas parfois dramatiques.

Or, le Médiateur a souvent perçu, à travers les dossiers qui lui ont été transmis, un sentiment de défiance, voire d'hostilité de la part des réclamants vis-à-vis de la Justice.

Ceux-ci s'estiment incompris, victimes d'une machine judiciaire qui se contente d'appliquer le droit sans considérer qu'un justiciable n'est pas seulement un numéro sur une liste, mais un homme avec sa vie familiale ou professionnelle.

Il est vrai qu'en prenant certaines décisions, le juge n'en mesure pas toujours avec exactitude la portée, ni les conséquences qu'elles entraînent pour des requérants aux yeux desquels il perd alors son auréole d'infaillibilité.

A. Le problème posé.

Il arrive parfois que la décision du juge apparaisse comme prise à la légère, erronée, entachée d'erreur, elle perd alors sa légitimité. Elle est contestée, refusée.

M. G. dépose auprès d'un magistrat une somme importante qui doit, selon les usages, être confiée au plus ancien des greffiers en activité. Or, le séquestre, désigné sans précautions suffisantes de la part du juge, qui choisit un greffier déjà à la retraite, dilapide la somme confiée, et décède. M. G. se trouve ainsi dépossédé. Le juge n'a pourtant pas commis de faute lourde, mais il a apprécié légèrement la situation, en portant son choix sur un homme peu digne de confiance (affaire III 939).

Dans l'affaire V 177, l'attitude du juge paraît aux demandeurs quelque peu équivoque : il n'avait pas laissé plaider leur avocat.

M. M. a déféré devant le Conseil des Prud'hommes, le refus de son employeur de procéder à un réajustement de son salaire en application de la convention collective.

Il fut débouté de sa demande par le Tribunal au motif qu'il était cadre supérieur et que dès lors il ne relevait pas de la convention collective. Or, toutes les pièces du dossier prouvent que M. M. n'était pas cadre supérieur... l'erreur est patente.

Le Parquet a causé un grave préjudice à M. D. en transmettant à son employeur des renseignements inexacts relatifs à son casier judiciaire (affaire IV 636).

Le Tribunal de Commerce condamne M. MR. à la faillite personnelle, à la liquidation de ses biens, et au règlement de tout le passif de la société qu'il avait créée. Or l'expertise sur laquelle le tribunal s'était fondé pour prendre sa décision contenait des inexactitudes flagrantes qui faussaient dès lors le jugement (affaire V 2345).

Ces exemples soulignent combien la décision du juge peut soulever de doutes et d'interrogations, surtout lorsqu'elle est entachée d'erreurs évidentes.

Ses conséquences sont alors souvent graves.

Le Garde des sceaux, n'ayant pas cru devoir accepter de rembourser M. G., la victime du séquestre indélicat (affaire III 939 précitée), avant que l'Administration n'ait été condamnée à le faire, le requérant a dû attendre plus de six ans, pour qu'intervienne une décision de justice lui accordant une indemnisation partielle, se limitant au remboursement tardif de la somme déposée, à l'exclusion de tous dommages-intérêts.

M. MR. se voit quasiment ruiné (affaire V 2345). M. D. voit sa carrière compromise (affaire IV 636 précitée).

Dans la plupart des affaires cependant, il n'y a pas faute ou erreur du juge, mais application pure et simple d'un droit abstrait sans considération du cas humain. Le magistrat paraît prisonnier d'un carcan, carcan d'un droit qu'il doit appliquer :

Un procureur ne peut que se déclarer incompétent pour examiner un recours en révision contre des jugements rendus (affaire IV 2066) la loi en ayant décidé autrement.

Un juge nomme des experts, dont le choix s'impose pour la détermination de problèmes techniques. Il n'est pas responsable des lenteurs qu'ils mettent pour déposer leur rapport. Il ne peut faire autrement en l'état actuel de la législation (affaire II 18 et thème retenu pour le Ministère de la Justice dans le rapport annuel du Médiateur 1977).

Le plaignant ne comprend pas alors la décision rendue à son encontre. Il a tendance à y voir une application stricte du droit - et donc injuste - à son égard.

Lié par la règle de droit, le juge ne peut-il en réalité prendre une autre décision que celle qu'il va finalement adopter ?

Comme le requérant, il convient de s'interroger sur cette décision : on peut se demander pourquoi, maître de l'interprétation de la loi, le juge ne fait pas preuve quelquefois d'une plus grande souplesse dans son application. Or, dans beaucoup de cas, avec un texte donné, il est laissé au juge une marge d'appréciation. Les oppositions de décisions suivant les tribunaux, les revirements de jurisprudence au niveau de la Cour Suprême en témoignent. Mais le juge n'utilise pas toujours cette marge d'appréciation dans un sens favorable au justiciable :

M S. se plaint des conséquences dommageables résultant du caractère rétroactif d'un changement de la jurisprudence de la Cour de Cassation dans le mode de calcul de la distance réglementaire à respecter, entre un débit de boisson dont il est propriétaire et un établissement d'enseignement (9692. – 9).

Ayant régulièrement obtenu en 1969 une licence pour son débit de boisson situé à plus de 50 m de l'établissement concerné, une modification dans la manière de calculer l'éloignement, arrêtée en 1972 par une décision de principe de la Cour Suprême, a réduit cette distance à 48,53 m. Les conséquences de cette nouvelle interprétation, plus stricte, du juge ont été graves : le débit de boisson a été fermé (affaire IV 1937).

Puisqu'avec un même texte, il peut passer d'une interprétation jurisprudentielle assez large à une interprétation plus stricte, la démarche inverse devrait être possible.

Certes, il arrive la plupart du temps qu'il apprécie la situation sociale ou familiale d'un requérant pour moduler compte tenu de cette situation les dépens mis à sa charge (affaire III 1183).

Mais souvent une interprétation trop stricte de la loi entraîne des conséquences dramatiques sur le plan humain.

Le requérant peut subir un préjudice moral grave ; une vie de famille est complètement bouleversée par un jugement de faillite prononcé très rapidement, trop rapidement peut-être. Des délais supplémentaires que le juge pouvait accorder au requérant, auraient permis d'éviter une situation proche du drame (affaire IV 2415).

De même en prononçant des jugements d'expulsions, le juge écarte les considérations morales, pour faire appliquer le droit (affaire III 2224 et SN 138).

Toutefois, même lorsque le juge est prisonnier du carcan du droit, il peut dans les motifs du jugement rendu, traduire les motivations qui l'ont poussé à prendre la décision finale. Connaissant ces motivations, le requérant comprendra mieux et se sentira moins lésé par un arrêt plus explicite et motivé.

Or, le juge ne suit pas toujours cette règle.

Ainsi la Cour de Cassation confirme de lourdes condamnations pécuniaires infligées à un requérant. Les deux arrêts rendus lui semblent injustes : ils ne contiennent aucun motif - la Cour se bornant à reprendre implicitement les motifs de l'arrêt d'appel - qui permettent au plaignant de comprendre pour quelle raison il est condamné (affaire IV 2066).

Enfin le langage clair d'un arrêt peut être aussi un facteur de meilleure compréhension pour les réclamants.

En l'absence de motifs apparents, en cas d'interprétation restrictive maximum, devant l'obscurité d'un langage juridique complexe, le réclamant estime que le juge a refusé de voir toutes les implications du jugement et la gravité de ses conséquences.

Le plaignant n'est jamais alors qu'un dossier de plus parmi tant d'autres (affaire I 142).

Ou encore le comportement du juge et du procureur dans une affaire d'internement abusif s'apparente également pour la victime à un déni de justice (affaire IV 309).

L'absence de motivation de ses décisions par la Cour de Cassation est ressentie par M. T. comme " une atteinte aux droits de l'homme " - (affaire IV 2066 précitée).

Passant même de la défiance vis-à-vis de l'institution judiciaire à l'hostilité, certains requérants envisagent la mise en cause directe de la responsabilité du juge (affaire III 939 précitée) accusé de " forfaiture " (affaire I 142 précitée).

B. La position du Médiateur.

Le Médiateur se refuse à intervenir dans le domaine de compétence du juge, qui doit rester totalement maître de la décision. Il reconnaît les difficultés et les problèmes de conscience qui peuvent se poser, à ceux qui ont la charge d'appliquer le droit. Il réaffirme son respect pour la haute mission du juge. Par ailleurs il est parfaitement conscient du manque de moyens matériels (effectifs et locaux) qui rend l'exercice du métier de magistrat encore plus lourd.

Le Médiateur souhaite cependant qu'un climat de confiance puisse se rétablir entre juge et justiciable. Or, la confiance en la justice est une des clés aujourd'hui du consensus social.

Il convient donc d'alerter tous les magistrats sur le fait qu'il est nécessaire au moment de prendre une décision qui est souvent définitive, d'examiner au mieux ses conséquences et ses interférences sur le plan familial, social et financier.

Le juge se prononcera sur des cas humains et non pas sur des " séries " de citoyens ayant enfreint la règle de droit.

Dans la mesure du possible, il serait souhaitable d'inclure davantage dans le jugement, une dimension supplémentaire : l'humanité, l'équité.

Cette équité peut se réaliser par un souci plus grand d'interprétation des textes, une motivation plus explicite et complète des jugements écrits en langage juridique clair.

Le Médiateur se refuse à une critique brutale ou injuste du fonctionnement de la justice ; mais il se doit de poser le problème, car les cas où le justiciable ne croit plus en son défenseur premier et naturel, le juge, sont décidément trop nombreux.

Une telle démarche, qui vise à rétablir un rapport de confiance, pourrait atténuer la crise de la justice.

III. PROPOSITIONS DE REFORME - RECOMMANDATIONS - INJONCTIONS.

a) Propositions de réforme.

La proposition de réforme - JUS 75-4 - concernant la réforme de la procédure du règlement judiciaire et du statut des syndics est en cours d'application (rapport 1976 pp. 235-236).

La proposition de réforme - JUS 76-5 - relative à la procédure à laquelle est subordonnée la vente des véhicules accidentés abandonnés dans des garages en Alsace-Lorraine a été satisfaite cette année.

Deux propositions de réforme ont été adressées conjointement à l'ancien Ministère de l'Economie et des Finances et au Ministère de la Justice.

La première - JUS 78-6 - vise à obtenir que le nom d'un administré accusé d'avoir émis des chèques sans provision puisse être radié du fichier de la Banque de France après avoir été relaxé par une décision de justice, sa bonne foi ayant été alors reconnue.

La seconde - JUS 78-7 - est relative aux cautionnements illimités donnés à des établissements bancaires par certaines personnes en garantie de crédits faits à une entreprise.

Afin que ces personnes ne se trouvent pas engagées après plusieurs années, alors qu'elles n'ont plus de liens ou d'intérêts avec les entreprises pour lesquelles elles s'étaient entièrement portées caution, il conviendrait, par diverses procédures de rappeler une fois par an à la caution les engagements qu'elle a pris.

Ces deux propositions sont à l'heure actuelle à l'étude.

b) Recommandations - Injonctions.

Aucune recommandation ou injonction n'a été adressée en 1978 au Ministère de la justice.

IV. CONCLUSION

Au niveau de l'Administration centrale, le Médiateur constate avec regret que les services s'abritent trop souvent derrière un formalisme juridique qui nuit à l'équité. L'affaire G. (affaire III 939 précitée) est à cet égard particulièrement significative.

En ce qui concerne les Parquets, leurs réponses sont rapides et motivées. Elles permettent de renseigner utilement les réclamants sur l'état de la procédure et de l'activer. C'est un résultat non négligeable.

SECRETARIAT D'ETAT AUX POSTES ET TELECOMMUNICATIONS

I. BILAN

En 1978, le Médiateur a reçu 100 réclamations dirigées soit contre le service du téléphone soit contre le service de la poste (c'est-à-dire 2,5 % du total). On note donc une légère diminution du nombre des requêtes enregistrées par rapport à l'an dernier, mais toujours une prédominance des affaires mettant en cause le service du téléphone.

Tant que le système de contrôle des communications téléphoniques ne sera pas mis en place, les contestations portant sur le montant des facturations ne cesseront d'affluer. Du moins tend à le laisser penser le grand nombre des réclamations adressées au Médiateur à ce sujet tout au long de l'année 1978.

Des vérifications du bon état de fonctionnement des équipements téléphoniques sont bien sûr effectuées, mais les possibilités de dégrèvement et les cas de dédommagement restent faibles dans la mesure où il est difficile de recueillir des éléments suffisamment probants pour mettre en doute l'exactitude des relevés.

La bonne foi des intéressés semble avoir, en ce domaine, quelques difficultés à se faire entendre...

Parmi les autres réclamations dirigées contre cette Administration figurent notamment des plaintes de femmes seules qui, en raison de la nouvelle présentation des annuaires téléphoniques, craignent d'être importunées plus facilement chez elles par des inconnus (dossier SN° V 43). En effet, l'inscription dans l'annuaire comprend désormais le nom et le prénom entier de l'abonné, d'où la possibilité de repérer plus aisément les femmes. L'argument selon lequel l'inscription dans l'annuaire n'est pas obligatoire, mais que tout abonné a la possibilité, moyennant une redevance, de ne pas y figurer ne semble pas être particulièrement satisfaisant pour les intéressées.

Enfin signalons que les services de la poste ne sont pas exempts de reproches puisque plusieurs requêtes ayant trait à la perte de colis ou mandats ont encore été soumises au Médiateur cette année.

Soucieux néanmoins de trouver une solution aux problèmes qui avaient fait l'objet de propositions de réforme en 1977, c'est la suite donnée à celles-ci que le Médiateur s'attachera à analyser principalement dans ce Rapport.

II. SUITE DONNEE AUX PROPOSITIONS DE REFORME EMISES PAR LE MEDIATEUR EN 1977

1° - Adapter le droit aux moeurs.

En 1977, le Médiateur avait attiré l'attention du Secrétaire d'Etat aux P et T sur la nécessité de la mise en place d'un système de facturation détaillée, objet de la proposition de réforme n° P.T. 77-1, et sur deux points principaux de la réglementation régissant les abonnements téléphoniques : la procédure dite de l'utilisateur déclaré (proposition de réforme n° P.T. 77-2) et le transfert des abonnements (proposition de réforme n° P.T. 77-3).

On sait que le système de la facturation détaillée, permettant aux usagers de contrôler leur consommation téléphonique, entrera en service à la fin de l'année 1979 pour les centraux électroniques et un an plus tard pour les centraux électromécaniques, plus anciens, qu'il faut adapter. Cette facturation sera facultative, payante et applicable seulement aux communications à la durée. Elle est donc susceptible de remédier dans une certaine mesure aux difficultés signalées au Médiateur tout au long de l'année.

Toutefois, ne réserver ce service qu'à ceux qui le demanderont - sous le motif de respecter la vie privée des autres - et ne pas le rendre gratuitement ou ne pas en inclure le coût dans le prix même du produit (c'est-à-dire des communications) montre bien que les P et T se refusent à être considérées comme une véritable entreprise commerciale.

En ce qui concerne les deux autres propositions, la réponse donnée dans un premier temps par le Secrétariat d'Etat aux suggestions qu'elles contenaient a incité le Médiateur à élever quelques objections et surtout à les modifier.

Pour le Médiateur, en effet, ce n'est pas l'information donnée au titulaire de l'abonnement qui est en cause, c'est le droit applicable et la philosophie de ce droit.

Compte tenu de l'évolution rapide vers la disparition, d'ici deux ans, de la pénurie du téléphone, lequel devient un service faisant partie de l'équipement normal d'un local, tout comme l'eau et l'électricité, l'abonnement téléphonique ne doit pas être assimilé à un luxe mais à un équipement ménager ou professionnel de base. Si on l'avait considéré comme tel dans un esprit moderne en 1945, nous ne connaîtrions sans doute pas dans ce domaine les difficultés actuelles. Notre génération hérite des erreurs de ses prédécesseurs. Cela ne dispense pas de les corriger.

Les temps ont changé. Il convient dès lors, de changer le droit pour l'adapter aux moeurs.

2° - Les nouvelles propositions du Médiateur.

Fort de ces constatations, le Médiateur a donc préconisé, dans de nouvelles propositions formulées en 1978, l'abandon de la procédure désuète de " l'utilisateur déclaré " et l'évolution, sans plus tarder, vers une procédure plus simple et juste de " changement d'abonné " qui d'ailleurs s'harmoniserait avec les usages en vigueur dans nombre d'autres pays industriels.

Il serait ainsi mis fin au problème posé par la responsabilité du titulaire d'une ligne téléphonique en cas de location (ou sous-location) d'un local équipé du téléphone avec les complications et les inconvénients qu'elle entraîne...

Dans le même esprit, serait également abandonnée, pour l'avenir, la notion de transfert au profit de celle de réattribution d'une installation téléphonique existante à un nouvel abonné avec maintien, dans toute la mesure du possible et sauf demande expresse du preneur, du numéro ancien.

Dans le cas d'un local raccordé au réseau, la simple réattribution de l'installation ne nécessite en effet que l'ouverture d'un dossier et des écritures administratives. Elle n'implique généralement aucun travail matériel sauf si le numéro est modifié et si le central de rattachement de l'abonné est de type électromécanique ancien ; dans les centraux électroniques commandés par ordinateur à programme enregistré, maintenant classiques, un changement de numéro se fait en entrant simplement, au moyen d'un clavier, l'instruction correspondante dans les ordinateurs de l'installation. Cette opération présente donc l'avantage de coûter moins cher aux P et T que de faire les travaux d'une installation nouvelle pour raccorder un local au réseau téléphonique.

Il serait souhaitable que la " taxe " correspondante soit au même niveau que celle qui est perçue pour une simple ouverture de dossier, par exemple la taxe de changement de nom du titulaire d'un abonnement (63 francs en février 1978) ou de changement de titulaire d'un abonnement (105 francs en février 1978) taxes déjà élevées par rapport au coût présumé de l'opération et par rapport aux quelques dizaines de francs de frais de changement d'abonné couramment demandés par l'E.D.F. à l'usager résidentiel.

Mais, dans un premier temps, afin d'éviter une diminution importante des ressources du budget consacré aux télécommunications, cette taxe pourrait être fixée au même niveau (300 francs) que l'actuelle taxe de transfert, ou à un niveau quelque peu inférieur (par exemple 200 francs) afin de faciliter à la population l'accès à ce service public (dans le même esprit que les " frais forfaitaires d'accès au réseau " ont été diminués de 800 francs à 700 francs en janvier 1978).

Celui qui envisagera la location ou l'acquisition d'un local non raccordé au réseau téléphonique saura qu'il devra payer une somme plus élevée pour y ajouter cet équipement, s'il le désire, tout comme ce serait le cas pour l'eau et l'électricité, et on peut attendre que l'effort d'équipement fait ou non soit incorporé de façon juste dans le prix du local.

En réaction à ces observations et suggestions du Médiateur le Secrétariat d'Etat aux P et T a fait remarquer que l'existence de ces procédures mises en cause était le résultat de difficultés qu'éprouve encore le service des télécommunications à satisfaire la demande dont l'ampleur se manifeste à un rythme de plus en plus rapide...

Il n'en a pas moins convenu que ces difficultés devant à la longue disparaître la réglementation pouvait aujourd'hui effectivement apparaître quelque peu tatillonne.

Un groupe de travail, au sein duquel le Médiateur est représenté, se réunit donc pour étudier sur la base des propositions du Médiateur une solution aux problèmes posés par les très nombreuses réclamations que celui-ci a reçues.

Le Médiateur a bon espoir que cette solution sera trouvée prochainement.

Poursuivant sa lutte contre les dissymétries existantes entre les droits et obligations respectifs de l'Administration et de l'administré, le Médiateur a formulé, en 1978, une proposition (P.T. 78-5) relative aux délais de prescription en matière de recouvrement des taxes téléphoniques.

Le code des Postes et Télécommunications devrait, en ce sens, être modifié et soumis à une révision méthodique pour éliminer toutes les dissymétries.

III. RECOMMANDATIONS - INJONCTIONS

Ces procédures n'ont pas été utilisées à l'égard du Secrétariat d'Etat aux P et T.

IV. CONCLUSION

Dans l'ensemble, le Médiateur n'a pas à se plaindre de ce Secrétariat. Il parvient à faire aboutir ou à faire réexaminer, de façon satisfaisante, un grand nombre de dossiers concernant notamment les personnes âgées.

En dépit d'un regrettable laxisme dont font preuve parfois ses services, cette Administration conserve une assez bonne image de marque.

MINISTERE DE LA SANTE ET DE LA FAMILLE
MINISTERE DU TRAVAIL ET DE LA PARTICIPATION


I. BILAN

En augmentation par rapport aux années précédentes, les réclamations concernant ces deux Ministères ont représenté 28 % du total.

Dans la plupart des cas - au moins 90 % - elles ne mettent pas en cause directement les services ministériels eux-mêmes mais elles appellent leur intervention (et notamment celle des services extérieurs régionaux : D.R.S.S. et D.R.A.S.S.) dans le cadre des pouvoirs de tutelle qu'ils exercent sur les différents organismes - et parfois des organismes paritaires - qui leur sont soumis.

En dépit des relations inégales qu'entretiennent entre eux ces différents services et du nombre croissant des affaires qu'ils doivent résoudre (950 dossiers nouveaux reçus en 1978 concernant le Ministère de la Santé et de la Famille, 172 pour le Ministère du Travail et de la participation) le Médiateur doit reconnaître que dans l'ensemble, les résultats obtenus sont bons.

Il a pu noter, sur le fond, que bien des questions soulevées par les réclamations sont étroitement liées à l'actualité : chômage et emploi, par exemple, engendrent des différends nombreux avec les A.S.S.E.D.I.C., les Agences pour l'emploi ou les Directions du travail et de la main-d'oeuvre. Soit que des anciens gérants minoritaires de sociétés ayant conclu un contrat de travail ne puissent bénéficier de l'assurance chômage, soit que l'on refuse des primes à la mobilité ou des allocations de transfert de domicile à des chômeurs qui se sont efforcés de trouver un travail sans l'aide de l'Agence nationale pour l'emploi. Ou qu'à l'inverse, l'on supprime le versement d'allocations supplémentaires d'attente à ceux qui n'en ont pas encore trouvé un.

En matière d'assurance vieillesse, le calcul et le montant des pensions de vieillesse constituent encore l'objet de maintes contestations - plus ou moins fondées d'ailleurs. Et les revendications concernant le droit à la préretraite apparaissent au fur et à mesure que chaque catégorie sociale prend conscience des avantages qu'elle offre.

De nombreux litiges naissent enfin souvent à l'occasion d'un trop-perçu ou d'un non-perçu d'allocations ou d'indemnités (allocations familiales, indemnités journalières, allocations de chômage notamment).

Sans s'étendre davantage cette année sur toutes ces questions pourtant capitales, le Médiateur traitera dans ce rapport d'un problème qui, tout en étant plus spécialement du ressort de ces deux Ministères, doit retenir l'attention des autres administrations.

II. LA SITUATION DES HANDICAPES : INSUFFISANCE DES MESURES SUSCEPTIBLES DE GARANTIR LEUR AUTONOMIE

La situation des handicapés est douloureuse et pose des problèmes délicats. Aussi les gouvernements successifs ont-ils pris une série de mesures dont les plus importantes et les plus récentes figurent dans la loi d'orientation n° 75-534 du 30 juin 1975.

Cette loi devrait permettre d'améliorer considérablement le sort de ceux à l'égard desquels a été posé le principe d'une solidarité nationale. En ce sens, elle est bonne.

Mais son champ d'application reste sélectif et partiel. En outre, elle ne pallie pas les inconvénients d'un manque d'harmonisation entre les divers régimes de la sécurité sociale (inconvénients sur lesquels le Médiateur s'est déjà penché dans son rapport précédent, cf. pp. 147 et suivantes).

On peut déplorer en effet :

- le maintien de la dichotomie invalide handicapé.

Il est singulier que soient encore séparées l'assurance invalidité telle que celle-ci est conçue dans certains régimes, c'est-à-dire comme la conséquence de la maladie ou de l'accident, et la protection des handicapés, qu'ils le soient de naissance ou, eux aussi, par suite de maladie ou d'accident, de la route par exemple.

L'anomalie qui en résulte c'est que des personnes souffrant des mêmes infirmités sont protégées différemment selon qu'elles appartiennent ou non à tel ou tel régime de sécurité sociale. De plus, des textes spéciaux doivent être publiés pour les handicapés exclus des régimes d'assurance.

A cet égard, il est regrettable que la loi d'orientation en faveur des handicapés n'ait pas constitué l'amorce d'une neutralisation de cette séparation mais qu'au contraire, elle semble la conforter.

- l'absence d'un régime de base unique pour tous.

Le plus choquant c'est que la multiplicité des régimes de base de la Sécurité Sociale et la disparité de leurs règles introduisent des différences de traitement entre handicapés pourtant victimes de situations identiques.

A ces inconvénients dus à l'imperfection du système s'ajoutent d'importantes difficultés de gestion administrative se traduisant par une mauvaise coordination entre les services dont le Médiateur a déjà cité de nombreux exemples. Ces difficultés sont d'ailleurs intrinsèques à l'organisation actuelle de la protection des différents risques caractérisée par :

- le grand nombre de ministères concernés,

- le fait que le seul niveau de coordination soit, pratiquement, la Direction du budget qui est du fait de ses responsabilités moins portée à rechercher les harmonisations nécessaires (et forcément coûteuses) qu'à prévenir la contagion des " avantages acquis ".

Dans l'état actuel du système, le Médiateur estime qu'il ne s'agit pas tellement de faire plus mais surtout de faire mieux, c'est-à-dire d'harmoniser l'application des différentes formes d'aide déjà instituées en faveur des handicapés en tenant compte à la fois de leur situation de dépendance et de leur volonté de réinsertion sociale.

A. Le droit à l'aide d'une tierce personne.

Grâce aux soins qui leur sont prodigués, à l'appareillage de plus en plus perfectionné qu'ils utilisent, certains handicapés parviennent à acquérir une relative autonomie.

Mais la plupart - compte tenu de leur état - restent physiquement dépendants et ont besoin, pour survivre, de l'assistance de tierces personnes. Sans elles, pas d'activité possible pour les handicapés graves encore en âge de travailler ; pas de possibilité de maintien à domicile pour les handicapés âgés que l'on condamne à une hospitalisation beaucoup plus coûteuse pour la collectivité et beaucoup plus pénible psychologiquement pour les intéressés dont la vie est déjà si dure.

A la lumière des doléances dont le Médiateur est saisi, la situation actuelle se caractérise par les traits suivants.

1° - Un système à guillotine

L'aide à la tierce personne est sans doute le domaine dans lequel les différences de traitement entre régimes et, à l'intérieur de chaque régime, entre handicapés selon l'origine du handicap sont les plus inéquitables et les plus douloureusement ressenties.

En effet, les divers systèmes de protection sociale (assurance invalidité des principaux régimes ; régimes de réparation des accidents du travail ; aide sociale) accordent en général des allocations spécifiques ou des majorations de pension ou de rente dont le montant et les conditions d'octroi varient d'un régime à l'autre. Mais ces majorations ne sont pas modulées en fonction de la gravité du handicap.

Le système mis en place semble répondre même à la loi du tout ou rien. En témoignent :

a) L'alternative brutale du régime général des travailleurs salariés :

- Ou bien les conditions sont remplies :

c'est le cas des personnes accidentées du travail : elles peuvent faire valoir leur droit à tout moment à partir de l'attribution de la rente, même après la 65e année.

Il va de même des titulaires d'une pension de vieillesse révisée pour inaptitude au travail - article L 345 du code de la Sécurité Sociale - et titulaires d'une pension de vieillesse attribuée pour inaptitude au travail (article L 332) : elles peuvent bénéficier du supplément de la pension à condition de le demander, soit au moment de la liquidation de leur droit, soit postérieurement, mais avant le 65e anniversaire.

- Dans ces cas, la majoration est de droit, l'handicapé ne supporte pas les charges sociales afférentes au salaire de la tierce personne et les coûts correspondants ne s'imputent pas sur ses revenus.

- Ou bien les conditions ne sont pas remplies :

et l'on ne peut prétendre à rien, c'est-à-dire ni à la majoration pour tierce personne, ni à l'exonération des charges sociales patronales pour l'aide salariée, ni à la déduction, du revenu imposable, des frais exposés pour survivre hors du milieu hospitalier, ou pour travailler de façon à n'être pas assisté à la charge de la collectivité.

- Exiger des conditions avant d'accorder cette allocation est nécessaire et justifié. Ce qui est critiquable c'est le manque de souplesse du système qui, dans un cas, donne droit à tout dans l'autre rien.

b) Les lacunes des autres régimes :

La juxtaposition des régimes et l'insuffisance de l'harmonisation entre ces régimes laissent subsister des lacunes importantes et excluent certaines personnes, pourtant handicapées, du bénéfice de l'aide à la tierce personne.

Ainsi, cette prestation n'existe même pas dans le régime légal de base des travailleurs non salariés non agricoles.

Les risques invalidité décès, ignorés par ce régime, ne sont couverts, pour cette catégorie de travailleurs, que par des régimes complémentaires qui prévoient des conditions d'assurance non seulement différentes mais souvent beaucoup plus rigoureuses que celles qui sont requises pour les salariés du régime général.

Il en résulte que des infirmes, parce qu'ils dépendent du régime des non salariés non agricoles, sont injustement privés de l'allocation pour tierce personne ou, dans certains cas, du moins jusqu'à 60 ans, (l'inaptitude au travail n'étant reconnue qu'à partir de cet âge par les régimes complémentaires) ce qui conduit à laisser entièrement à leur charge, jusqu'à cet âge, l'emploi d'une aide faisant fonction de tierce personne et même les cotisations à verser à ce titre au régime général de la Sécurité Sociale.

A cet égard, l'affaire IV 2348 montre avec particulièrement d'acuité l'injustice que peut entraîner le caractère vraiment discriminatoire de ces réglementations.

Le réclamant, veuf âgé de 68 ans, est atteint depuis 1968 d'une maladie qui le prive de l'usage de ses bras, ce qui l'a empêché de continuer sa profession de travailleur indépendant (fabricant de matériel cinématographique spécialisé).

Il lui est nécessaire non seulement d'être assisté par une tierce personne, mais encore de mettre au point une série d'inventions pour accomplir les actes courants de la vie.

Or, affilié en qualité de travailleur indépendant à la Caisse mutuelle régionale des Alpes, M. X. est privé de la prestation légale pour tierce personne qui est versée dans le régime général de la Sécurité Sociale.

Il avait droit à deux fois lh30 de soins par jour. Il apprit un jour que la prestation remboursable était ramenée à 2 fois 1 heure... la nomenclature ayant changé.

Pour survivre sans aide, il invente toute une instrumentation. Quand il en demande le remboursement, on le félicite de ces inventions " qui pourront être utiles à d'autres..." mais on se dit impuissant à le rembourser, " ces appareils ne figurant pas à la nomenclature ".

Et pour finir les services fiscaux se voient dans l'obligation de refuser à M. X. l'autorisation de déduire de ses revenus les salaires versés aux soignants et à la tierce personne, ces salaires n'étant pas nécessaires à la poursuite de l'activité professionnelle.

Ainsi, cet handicapé qui lutte continuera à lutter seul aussi longtemps que la réglementation demeurera inchangée. S'il avait capitulé, son entretien en établissement aurait, depuis dix ans, coûté chaque année à la nation des sommes considérables. Mais le système actuel lui refuse le 1/10e de ces sommes pour lui permettre de vivre chez lui avec l'aide d'une tierce personne.

2° - Un système inadéquat.

L'attribution de l'aide repose sur la prise en considération de deux critères : la gravité du handicap et le niveau des ressources.

L'appréciation du premier, la nécessité de recourir à l'assistance d'une tierce personne pour accomplir les actes élémentaires de la vie ne soulève pas de difficultés majeures. Le droit et la jurisprudence de la Commission nationale technique ont permis de dégager des critères objectifs de mesure de la gravité du handicap. Ce n'est donc pas là qu'est la difficulté.

La prise en considération du niveau de ressources joue, par contre, avec toute la brutalité d'un système à couperet. En deçà d'un certain niveau (assez bas) de ressources, tout ; au-delà, rien. L'équation besoins - ressources ne peut évidemment pas se réduire à cette division binaire.

3° - Un système incohérent.

Force est de constater que l'état actuel de la réglementation sociale et fiscale entrave l'application de la politique de maintien à domicile développée pourtant fort judicieusement par le Ministre de la Santé et de la Famille.

Certes, on peut, à juste titre, considérer que toute extension des aides aux tierces personnes, quelles qu'en soient les modalités, est coûteuse.

Mais il faut déduire du coût supplémentaire l'intérêt évident pour les finances publiques :

- de favoriser la réinsertion économique et sociale des handicapés qui, avec l'aide d'une tierce personne, peuvent redevenir actifs ;

- d'assurer le succès de la politique de maintien à domicile des personnes âgées et de sectorisation de la médecine : le coût annuel du traitement de ces handicapés en milieu hospitalier est, en effet, très supérieur aux aides qui pourraient leur être accordées.

Le fait que la charge ne pèserait pas sur les mêmes budgets ne dispense pas d'examiner un problème qui en intéresse plusieurs et affecte, en définitive, les mêmes finances publiques.

La position du Médiateur.

En regard de la diversité des situations, il existe un éventail de mesures sociales et fiscales. L'adaptation de l'un à l'autre permettrait d'atténuer les iniquités qu'engendrent les règles actuellement en vigueur et de graduer une aide aujourd'hui accordée ou refusée de façon trop brutale.

Cette adaptation est nécessaire et urgente.

En matière d'aide à la tierce personne trois mesures peuvent être envisagées pour aider, de façon graduée, les personnes âgées handicapées :

l° Au-dessous du plafond de ressources, qu'il convient d'ailleurs d'élever, l'allocation " tierce personne " couvrirait le salaire de " l'aide ménagère " et les cotisations de Sécurité Sociale sans amputer les revenus ;

2° Dans une plage intermédiaire de revenus, l'allocation serait refusée, mais le handicapé n'aurait pas à supporter le paiement des charges sociales sur le salaire dans certaines limites et devrait en outre bénéficier de l'exonération de l'impôt ;

3° Dans la tranche supérieure et en dessous d'un certain plafond de revenus, le vieillard handicapé paierait salaires et charges sociales, mais il serait autorisé à déduire de ses revenus imposables tout ou partie des frais exposés. Une telle déduction pourrait, elle-même, être plafonnée, mais il conviendrait alors, pour que l'objectif d'équité ne risque pas d'être perdu de vue, que ce plafonnement - aussi bien que le plafond de ressources - soit exprimé dans des termes assurant l'ajustement automatique par référence au S.M.I.C. ou au barème de l'impôt sur les revenus.

En ce qui concerne les handicapés actifs (et selon les mêmes critères objectifs du régime général de la Sécurité Sociale) ils pourraient être admis à déduire de leurs revenus professionnels la rémunération et les charges sociales de la tierce personne reconnue nécessaire à l'exercice de leur activité. Cette déductibilité, pourtant prévue par les textes, semble se heurter dans l'application à des difficultés qu'il faudrait surmonter.

Ce système souple et gradué permettrait d'éviter les iniquités de la réglementation actuelle et d'assurer une plus juste adaptation des aides de la collectivité aux besoins d'une catégorie sociale à l'égard de laquelle a été, fort justement, posé le principe d'une solidarité nationale.

B. L'aide à l'insertion sociale.

1° Des mesures positives.

Les aides à la réadaptation fonctionnelle, à la rééducation professionnelle et au reclassement sont de droit pour tous les handicapés. Pour organiser de façon toujours plus rationnelle chacune de ces étapes vers la réinsertion professionnelle des handicapés, des dispositions législatives ont été prises. Viennent s'y ajouter des mesures d'ordre financier ou administratif. L'ensemble a débouché sur des réalisations concrètes, parmi celles-ci :

- la mise en place progressive des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (C.O.T.O.R.E.P.) à qui incombent principalement les tâches d'accueil, d'information, d'orientation et de formation des handicapés ;

- la création des centres d'aides pour le travail (C.A.T.) et des ateliers de travail protégés (A.T.P.) ainsi que des centres de distribution de travail à domicile (C.D.T.) ;

- l'organisation de l'emploi obligatoire, dans les entreprises, d'un certain pourcentage de handicapés par rapport à l'effectif ;

- l'allongement de la durée maximale des stages d'apprentissage pour les jeunes handicapés.

2° - Une action à amplifier.

Mais le Médiateur constate et déplore que les handicapés se heurtent encore à un certain nombre d'obstacles importants - lacunes législatives ou attitudes réticentes à leur égard - qui les freinent ou les découragent dans leur volonté de réinsertion sociale.

Et ces difficultés accentuent leur isolement psychologique.

Parmi celles-ci :

a) Leur situation pécuniaire.

Pour chacun d'eux - handicapés actifs ou handicapés incapables de travailler - elle reste extrêmement préoccupante.

Il est donc particulièrement regrettable qu'un système récent - celui de la garantie de ressources - entraîne pour les handicapés actifs et surtout pour les grands handicapés en établissements protégés, une réduction de leurs ressources par rapport à celles dont ils avaient pu bénéficier l'année précédente.

Paradoxalement, en effet, les dispositions des décrets et circulaires parus en application de la loi d'orientation (décret du 31 décembre 1977 notamment) et instituant une récupération en fin d'année d'une partie de l'allocation versée aux handicapés adultes et une modulation de leur salaire en fonction du S.M.I.C. ont conduit à ce résultat en 1978.

On peut penser que la récupération au profit de l'Etat d'une partie de cette allocation, non cumulable au-delà d'un certain plafond avec le complément de rémunération versé au titre de la garantie de ressources, risque de supprimer la motivation et l'encouragement à faire des progrès (les gains du handicapé ne progressant pas avec ses résultats et sa production, du fait de prélèvements constants).

Il enlève au handicapé le sentiment d'être utile et d'être en mesure de pourvoir lui-même, du moins en partie, à ses besoins.

Le Médiateur s'emploie à faire corriger cette discordance entre le texte législatif initial et la circulaire d'application.

Les deux décrets parus le 28 décembre 1978 concernant, pour le premier, les conditions d'attribution d'une allocation dite " différentielle " à certaines catégories de handicapés, pour le second, les modalités de la prise en charge, par la Sécurité Sociale, de la plupart des frais des établissements d'accueil réservés aux handicapés totalement dépendants semblent constituer à cet égard un premier pas vers la restitution de ces avantages normalement acquis.

b) des difficultés d'insertion professionnelle.

En dépit des dispositions, qui ont été prises pour obliger ou inciter les employeurs publics et privés à recruter parmi leur personnel un certain pourcentage de handicapés, (à ce titre, un décret modifiant la procédure de réservations d'emploi dans les entreprises devrait intervenir en 1979) beaucoup d'entre eux ont signalé au Médiateur qu'ils se heurtent encore à des attitudes réticentes lorsqu'ils présentent leur candidature à un poste de travail ou à des efforts insuffisants pour adapter le poste de travail aux caractéristiques de leur handicap.

Certaines décisions administratives ou privées sont à cet égard contraires à l'esprit de la politique d'insertion sociale voulue par le législateur et le gouvernement.

On a même vu une Caisse régionale d'assurance maladie reclasser " apte au travail " une invalide temporaire et refuser de l'embaucher pour " inaptitude au travail " après qu'elle ait été reçue au concours d'accès à un poste de la même caisse régionale.

Et il est dommage que les efforts de formation qu'accomplissent nombre de handicapés ne soient pas plus encouragés.

Le Médiateur a eu, en ce domaine, de nombreuses situations à éclaircir, de nombreux litiges à régler.

Ainsi :

- affaire IV 1366 - Non-voyant depuis 10 ans, l'intéressé a subi, après études, avec succès un concours de directeur de maison de jeunes. Or, il n'a pas été recruté et n'a pas été informé de ses droits.

- affaire IV 3172 - Le réclamant avait formulé depuis 3 ans une demande d'emploi réservé - aucune proposition ne lui a été faite...

- affaire III 1167 - Licenciement d'un jeune handicapé, agent de la fonction publique, en raison de son rendement insuffisant et refus de le reclasser ou de lui procurer un emploi réservé. Or, avaient estimé ses médecins, le travail ne pouvait que lui être bénéfique tant du point de vue physique que psychique.

c) L'insuffisance de l'aide au déplacement.

En dépit des efforts considérables qui ont été faits pour améliorer sans cesse la situation des handicapés, l'oeuvre à accomplir n'est pas terminée et doit se poursuivre en développant les aménagements facilitant l'accès aux lieux de travail, aux établissements scolaires, universitaires ou de formation ou tout autre service public.

Aider les handicapés à s'insérer dans le milieu du travail, c'est d'abord aménager les véhicules de transports publics (il est regrettable que des études prévisionnelles suffisamment sérieuses n'aient pas permis d'aménager adéquatement le métro de Lille par exemple alors qu'il s'agissait d'équipements nouveaux) c'est aussi adapter les rythmes de travail à leurs capacités.

En ce qui concerne l'accès aux lieux de travail, le Médiateur a préconisé l'adoption de mesures pratiques (aménagement d'emplacements réservés) pour régler le problème du stationnement des handicapés à proximité de leur lieu de travail. Elle s'avère urgente.

Conscient de l'impossibilité de demander un changement radical du système déjà mis en place, le Médiateur s'est efforcé de formuler des propositions susceptibles de remédier aux inconvénients de la réglementation existante.

Elles ne sauraient cependant faire oublier la nécessité d'opérer des modifications plus essentielles.

En matière sociale, la couverture des handicapés - autres que les victimes de guerre ou d'accidents du travail - devrait être identique quelle que soit l'origine de l'infirmité, l'âge auquel elle se manifeste et le régime de Sécurité Sociale duquel ils relèvent.

En attendant que cet objectif soit atteint, la correction des anomalies les plus criantes du système actuel ne demande que des mesures plus limitées.

Ainsi paraît-il souhaitable :

- de supprimer dans le régime général l'âge limite imposé pour demander le bénéfice de l'allocation " tierce personne " ;

- de combler les lacunes du régime des non-salariés non agricoles en ce qui concerne le risque invalidité ;

- d'ajouter à la liste des personnes susceptibles d'obtenir une exonération des charges patronales payées pour la tierce personne, toutes les personnes dont les ressources n'atteindraient pas un minimum fixé par référence au barème de l'impôt sur le revenu ;

- de prévoir la prise en considération, dans le calcul de l'impôt sur le revenu, des charges correspondant à l'emploi de la tierce personne pour les handicapés inactifs et notamment les personnes âgées. Plutôt qu'un système de déduction qui avec la progressivité de l'impôt constituerait un avantage croissant avec le revenu, on pourrait sans doute imaginer un système de réduction de l'imposition d'un montant égal à tout ou partie des charges effectivement exposées.

III. PROPOSITIONS DE REFORME - RECOMMANDATIONS - INJONCTIONS

a) Propositions de réforme.

Le Médiateur a formulé, en 1978, cinq nouvelles propositions de réforme qui sont encore à l'étude dans les services administratifs du Ministère de la Santé et de la Famille et du Ministère du Travail et de la Participation (9692. – 10).

La première (STR 78-35), élaborée à partir de nombreuses affaires (dont certaines datent des premières années de l'Institution), concerne le salaire annuel moyen servant de base au calcul des pensions de vieillesse et montre que des personnes dont l'activité a été réduite à un moment donné se trouvent pénalisées par l'application de la règle actuelle.

Le Médiateur a suggéré, afin que l'on puisse remonter dans le temps (par exemple jusqu'en 1938) de ne pas appliquer la règle des 10 meilleures années si pour des raisons valables l'assuré n'avait cotisé que pendant un ou deux trimestres durant cette période.

La seconde (STR 78-36) est relative au remboursement des frais dentaires en cas de déconventionnement du praticien pendant le cours des soins. Le Médiateur souhaite qu'un texte officiel précise que les engagements de la Caisse primaire d'assurance portent non seulement sur les soins à effectuer mais également sur les tarifs de remboursement qui seront appliqués, quelle que soit la situation personnelle du praticien au regard des conventions au moment de l'achèvement des soins.

La troisième (STR 78-37) concerne la transformation automatique d'une pension d'invalidité en pension de vieillesse pour inaptitude au travail et les possibilités de cumul d'une pension de vieillesse pour inaptitude ou d'une pension d'invalidité avec une activité professionnelle. Pour le Médiateur, cette transformation automatique devrait être supprimée en laissant à chacun la possibilité de choisir lui-même la date de départ de sa pension de vieillesse.

La quatrième (STR 78-38) concerne l'assurance invalidité décès des travailleurs non-salariés non-agricoles, sujet amplement débattu dans le rapport 1977 et ci-dessus (paragraphe II) dans le présent rapport.

La cinquième enfin (STR 78-39) est relative à l'exercice de la profession d'assistante maternelle dans les locaux à usage d'habitation. Certains bailleurs tentent, en effet, de tirer argument du nouveau " statut " de ces assistantes pour obtenir la conversion du bail ancien en bail commercial.

Il est proposé de modifier la loi 77-505 du 17 mai 1977 en précisant que " cette activité ne change pas la destination de l'immeuble et la nature du bail ". Le Ministère de la Santé et de la Famille a donné son accord sur cette proposition.

b) Recommandations - Injonctions.

Le Médiateur n'a pas utilisé ces procédures en 1978.

IV. CONCLUSION

Le Médiateur se plaît à reconnaître que les réponses transmises par le groupe de l'Inspection générale des affaires sociales spécialisé dans l'étude des dossiers du Médiateur sont claires, précises, motivées et complètes.

Il en est de même de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés qui procède régulièrement à un réexamen d'ensemble des dossiers.

Quant aux Directions régionales et départementales, qu'elles soient du Travail ou de la Santé, il arrive qu'elles se bornent à transmettre au Médiateur la réponse des caisses, organismes ou agences qu'elles ont consultés ou qu'elles évitent même d'intervenir auprès d'eux ; la recherche d'une solution aux litiges avec l'U.N.E.D.I.C. ou les A.S.S.E.D.I.C. est ainsi rendue plus difficile.

On constate par ailleurs que les grandes Directions, et principalement celles de la Santé et de la Famille, ont tendance à faire cavalier seul.

Mais dans l'ensemble, les contacts téléphoniques et les fréquents échanges de correspondance entre les services donnent de bons résultats.

Grâce à la collaboration amicale et efficace qu'apportent au Médiateur les dirigeants de l'A.R.R.C.O., de nombreux dossiers ont trouvé leur solution.

Il faut enfin souligner que les cabinets des Ministres et, dans certains cas, le Ministre lui-même prennent une décision conforme aux voeux du Médiateur en dépit de l'opposition de leurs services.

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