Année 1978


BILAN GENERAL


A - BILAN D'ENSEMBLE

SECTION 1 : BILAN CHIFFRE

1. - LES DOSSIERS

a) Dossiers reçus


En 1978, le Médiateur a reçu un total de 4 012 réclamations dont 3 009 transmises par des Députés et 1003 par des Sénateurs.

b) Résultats



Dossiers traités en 1978 :
Le total des dossiers traités par le Médiateur pendant l'année 1978 s'est élevé à 7 321, dont 3 309 dossiers de réclamations antérieures à cette année.

Réclamations irrecevables :
Sur ce total, 640 réclamations ont été jugées purement et simplement irrecevables, soit 8,74 %.

Instruction des réclamations recevables :
Sur les 6 681 réclamations jugées recevables :
- au 31 décembre 1978, le Médiateur avait terminé l'instruction de 2 286 d'entre elles ;
- 4 395 demeuraient en cours d'instruction à la même date.

Résultat des affaires terminées :
Sur 2 286 affaires terminées au 31 décembre 1978 :
- 893 (soit 39 %) doivent être considérées comme satisfaites ;
- 1 358 (soit 59,4 %) ont été rejetées après instruction ;
- 35 (soit 1,6 %) avaient été abandonnées par leurs auteurs.

Remarque (cf. rapport de 1977, p. 12) :
Il est rappelé qu'une réclamation est jugée " satisfaite " dans les cas où le Médiateur a constaté qu'il y avait eu mauvais fonctionnement du service public, et a pu faire modifier la décision contestée.

Le Médiateur considère qu'il a obtenu satisfaction - même si certaines conclusions de la requête initiale n'ont pas été retenues - lorsqu'il a acquis l'intime conviction d'avoir fait rétablir le réclamant dans ses droits.

Il faut noter d'ailleurs que dans certains cas, en raison de l'attitude négative de l'Administration, ces résultats favorables n'ont été obtenus qu'après une relance de l'affaire, ou par l'envoi d'une recommandation élaborée en application de l'article 9 de la loi du 3 janvier 1973.

Quant aux réclamations " rejetées ", ce sont celles à l'occasion desquelles, après enquête auprès de l'Administration concernée, le Médiateur a constaté qu'il n'y avait pas eu mauvais fonctionnement du service public, la loi ou le règlement ayant été correctement appliqués.

Mais dans certains cas c'est la règle de droit elle-même, la procédure suivie, ou les modalités d'information de l'administré qui sont à l'origine du préjudice subi : le Médiateur en demande alors la modification par l'envoi d'une proposition de réforme (voir plus loin).

2. LES RECOMMANDATIONS


Ont été émises ou suivies en 1978, 6 recommandations élaborées en exécution de l'article 9 de la loi du 3 janvier 1973, dont 2 émises en 1976, 2 en 1977 et 2 en 1978.

Au 31 décembre 1978 :
- 3 de ces recommandations avaient été satisfaites ;
- 3 demeuraient en cours de négociation avec l'administration intéressée.
Ces recommandations seront analysées dans la IIe partie du présent rapport, sous la rubrique du département ministériel qu'elles concernent.

3. LES PROPOSITIONS DE REFORME


(Article 9, alinéa 2 in fine de la loi 73-6 du 3 janvier 1973 modifiée par la loi 76-1211 du 24 décembre 1976).

Au 31 décembre 1978, le Médiateur avait élaboré 140 propositions de réforme.

Sur ce total :
- 39 avaient été réglées avant le 31 décembre 1976 ;
- 57 (dont 6 synergies) étaient en cours d'examen à la même date ;
- 19 ont été présentées en 1977 (dont 1 synergie) ;
- 25 ont été présentées en 1978.
L'état d'avancement de ces propositions de réforme est, à la même date du 31 décembre 1978, le suivant :
- 43 (dont 1 synergie) ont été satisfaites ;
- 57 (dont 6 synergies) demeurent en cours d'étude
- 40 ont été retirées par le Médiateur.

4. INJONCTIONS


(Article 11, alinéa 2 de la loi du 3 janvier 1973 modifiée).
L'injonction visée à la page 16 du rapport de 1977 a commencé à produire ses premiers effets (voir ci-après " une proposition pour l'avenir ").

5. QUESTIONS ET PETITIONS TRANSMISES PAR LE PARLEMENT
(Article 6, alinéa 4 et 5 de la loi du 3 janvier 1973 modifiée).


Le Médiateur n'a pas, en 1978, été saisi directement de questions par des parlementaires, ni de pétitions transmises par les Présidents des Assemblées.

SECTION 2 : BILAN THEMATIQUE


Comme le précédent (cf. rapport de 1977, pp. 16 à 23), le présent bilan thématique rassemble les cas les plus typiques de mésadministration que le Médiateur s'est efforcé de régler en 1978.

Il se trouve cependant que, pour la plupart, chacune des affaires analysées ci-après se rattache malaisément à un seul de ces défauts caractéristiques (lenteur, passivité, formalisme, erreur, faute, etc.) que le Médiateur a dégagé dans ses précédents rapports.

C'est qu'il s'agit souvent d'affaires extrêmement complexes, où la mésadministration se présente sous plusieurs aspects, dont certains inédits, comme l'inertie manifestée par un service en dépit de la position prise par son ministre...

Dans l'ensemble, on retrouvera ce qui constitue la tare essentielle de nos administrations : l'isolement, le repliement sur soi, le manque trop fréquent du sens de l'humain.
  1. Duperie, inconscience ou cynisme de l'administration ?

  2. - Affaire II 2109 :
    En 1963, le réclamant se retire avec sa femme dans son pays natal pour y jouir d'une retraite qu'il a le droit d'espérer calme et paisible.

    Possédant un terrain proche de la petite ville, il souhaite y établir sa résidence. Le permis de construire lui est refusé, au motif qu'un très ancien projet de voirie réserve le terrain en question au passage de la déviation d'une route nationale.

    Les services de l'Equipement lui conseillent alors d'acquérir une parcelle de terrain située en un autre endroit, également proche de la petite ville, et réputé particulièrement paisible. Il acquiert ce nouveau terrain - sans abandonner le précédent - et y fait construire.

    Mais à peine la construction terminée, il constate qu'une voie de déviation - autoroutière - est en projet, et qu'elle passera à quelque 50 mètres de sa propriété. En dépit de nombreuses démarches et protestations, ce projet se concrétise.

    Voilà donc un couple de retraités en possession d'une maison inhabitable et invendable, en raison des multiples nuisances (bruits, trépidations, gaz d'échappement) provenant de la proximité d'une voie autoroutière très fréquentée...

    La responsabilité de l'administration est patente : par ses hésitations entre différents tracés, elle a placé les intéressés dans la situation paradoxale de posséder toujours un terrain où ils auraient pu construire une résidence parfaitement habitable, et d'avoir dû en acquérir un autre, sur lequel la maison édifiée est devenue parfaitement inhabitable...

    L'administration reconnaît cette responsabilité. Aussi a-t-elle envisagé plusieurs palliatifs, et même commencé à réaliser l'un d'entre eux :

    - L'isolement phonique de la maison : mais il laisserait le jardin attenant soumis aux nuisances, et obligerait les intéressés à se calfeutrer dans l'habitation ;

    - La construction d'un mur anti-bruit le long de la voie : mais elle serait inefficace, par suite de la dénivellation importante qui existe entre cette voie et la propriété ;

    - La plantation d'un rideau d'arbres, qui a été commencée : mais il faudra de 10 à 15 ans pour que les arbres atteignent la hauteur souhaitée, alors que le ménage est déjà dans la quinzième année de sa retraite... De plus, le rideau en question, composé d'arbres à feuilles caduques, serait inopérant l'hiver, et ne pourrait d'ailleurs être réalisé que sur une partie du tronçon bruyant. Enfin, une enquête sur place a montré qu'un épais bosquet déjà existant n'atténuait pas sensiblement le bruit...

    Le maire lui-même n'a pas hésité à acquérir le terrain formant dénivellation, dans l'espérance que les entreprises locales le combleraient peu à peu en y déversant terres et gravats : mais au rythme actuel, il faudra 50 ans pour parfaire ce comblement, et en attendant, il se confond de plus en plus avec une décharge " sauvage " d'où une nuisance supplémentaire infligée aux réclamants...

    Tous les palliatifs envisagés ou mis en oeuvre dans cette affaire par les services publics apparaissent donc impraticables, illusoires, voire nocifs : on s'étonne même de la naïveté de ceux qui les ont imaginés...

    Or la somme des nuisances qui frappent les intéressés est à ce point insupportable qu'ils ont dû trouver refuge dans le garage de leur maison : c'est là qu'ils sont contraints de dormir, isolés par des murs de 50 cm d'épaisseur...

    Ainsi les hésitations, le manque de réalisme, l'impéritie même de l'Administration ont-ils placé un ménage de retraités dans une situation parfaitement révoltante, à laquelle ils ne peuvent échapper qu'en abandonnant la maison qui devait abriter leurs vieux jours.

    Mais pour s'établir ailleurs, il leur faut de l'argent, car la propriété est pratiquement invendable. D'autre part, l'administration doit réparer sa faute.

    Aussi le Médiateur a-t-il demandé au Ministre des Transports et au Préfet concerné de rechercher les moyens d'une indemnisation rapide des intéressés. L'indemnité à verser, pour seulement compenser la dévalorisation subie par la propriété, s'établirait - selon les conclusions d'un rapport dressé par un ingénieur des travaux publics de l'Etat - à 70 % de la valeur actuelle de celle-ci. Il est permis d'ajouter que ce ne serait pas cher.

    Sensible à l'argumentation présentée par le Médiateur le Ministre des Transports a décidé de donner satisfaction aux intéressés.

    Le principe d'une réparation intégrale étant acquis, il leur propose quant à ses modalités deux solutions : soit une indemnité pour dépréciation de l'immeuble, si le requérant désire se maintenir dans les lieux, soit l'acquisition de cet immeuble par l'Etat, s'il préfère se reloger ailleurs.

    Le montant de cette indemnité ou de cette acquisition sera calculé de manière à compenser le plus équitablement le préjudice direct et certain causé au réclamant.

    On ne peut que se réjouir de l'heureuse conclusion de cette affaire.

  3. Formalisme

  4. - Affaire V 2362 :
    Un employé municipal, entré dans sa soixantième année, désirait prendre sa retraite. Mais pour obtenir une pension complète, il lui fallait présenter un état signalétique de ses services militaires, et il n'avait en sa possession qu'une fiche de démobilisation attestant que, engagé volontaire en 1938, il avait été fait prisonnier en 1940, interné dans un stalag jusqu'en mai 1945, et libéré définitivement du service en 1948.

    Toutes les démarches entreprises par l'intéressé, puis par le Maire qui l'employait, pour obtenir cet état, tant auprès de divers bureaux militaires que du Secrétariat d'Etat aux anciens combattants, se sont heurtées à la même réponse : " Il n'a pas été possible d'identifier l'intéressé. "

    Il a fallu que le Médiateur intervienne auprès du Ministre de la Défense, pour que celui-ci accepte de faire procéder à la reconstitution de la carrière militaire du réclamant, sans plus exiger la production d'un document introuvable, " malgré de minutieuses recherches "...

    On comprend que de telles recherches aient été difficiles, surtout pour la période de captivité de l'intéressé. Mais, s'agissant d'un engagé volontaire, originaire d'une de nos anciennes colonies, et ayant servi 10 ans sous le drapeau français, l'Administration n'aurait-elle pu, d'emblée, adopter la solution humaine que le Médiateur a fait finalement prévaloir ?

  5. Incompatibilité de décisions ayant même objet.

  6. - Affaire V 1850 :
    Le réclament souhaitait édifier une maison à usage d'habitation sur un terrain dont il est propriétaire.

    Il formule une première demande de permis de construire qui est rejeté, au motif que la superficie de ce terrain est inférieure au minimum prévu dans le plan d'occupation des sols en cours d'études.

    Mais dans la zone concernée, ce minimum est ramené à une valeur qui permettrait la construction projetée : la modification au projet du P.O.S. est même affichée en mairie.

    L'intéressé renouvelle alors sa demande, qui est rejetée une seconde fois, au motif que la construction, de par sa situation, serait de nature à porter atteinte au " caractère naturel " des lieux. En outre, l'arrêté préfectoral de refus lui rappelle que la superficie de son terrain est toujours inférieure au minimum prévu par le projet du P.O.S.

    En ce qui concerne le premier argument, il faut dire que le terrain en question se situe à proximité d'une ancienne construction, presque totalement écroulée. Mais dans un rayon de moins de 200 m de ce " château " ont pu être édifiées - et certaines récemment - de nombreuses constructions : villas, groupe de logements individuels, groupe scolaire, immeuble d'habitation pour instituteurs... On peut donc conclure que, de ce point de vue ", " le mal est fait ", et s'étonner de ce que l'argument en question n'ait pas été exprimé dans la première décision de refus.

    Quant à la variation du minimum constructible prévu au projet de P.O.S., ou bien elle a effectivement figuré - au moins un certain temps - dans ce projet, et l'Administration de l'Equipement est au moins coupable d'indécision ; ou bien, prenant ses désirs pour des réalités, le maire a eu le tort de porter à la connaissance de ses administrés une diminution imaginaire du minimum constructible. En toute hypothèse, la responsabilité du service public apparaît engagée ; et il demeure que le Préfet compétent a pris, à peu de mois d'intervalle, deux décisions fondées sur des motifs différents.

    Le Médiateur poursuit actuellement l'instruction de cette affaire.

  7. Curieuse succession de négligences, source d'interminables procédures.

  8. - Affaire I 19 :
    Une municipalité était désireuse d'acquérir certains terrains possédés par le réclamant, en vue d'y faire édifier des installations sportives.

    Toute transaction à l'amiable s'étant avérée impossible, la dite municipalité a dû recourir à la procédure d'expropriation.

    Or, entre 1963 et 1968, pas moins de trois procédures ont été engagées, qui toutes se sont terminées par un arrêt de Cassation annulant les trois ordonnances successivement rendues par le juge de l'expropriation, chaque annulation se fondant sur un motif différent : non-consultation, avant l'intervention de la déclaration d'utilité publique, des commissions chargées d'examiner toutes les opérations immobilières poursuivies par les collectivités locales ou les établissements publics ; omission, dans la deuxième ordonnance d'expropriation, de la date du procès-verbal de l'enquête parcellaire ; omission, dans la troisième ordonnance, de l'avis du commissaire enquêteur...

    Sans se décourager, la municipalité engage, en 1968, une quatrième procédure qui, pour une fois, se clôt, en 1970, sur une quatrième ordonnance d'expropriation - aucun recours contentieux n'ayant été engagé contre cette dernière.

    Au bout d'un inexplicable délai de près de six ans, l'intéressé accepte finalement de traiter à l'amiable avec la municipalité, sur une base d'évaluation acceptée par le Service du Domaine.

    Mais la promesse de vente signée par le propriétaire stipule que le prix de vente de ses terrains est totalement indépendant du montant des dommages-intérêts qu'il entend réclamer, par l'intermédiaire d'une " société de recours ", au titre du préjudice que lui a causé cette succession abusive de procédures, dont les trois premières ont avorté pour les raisons indiquées ci-dessus.

    Pendant que se confirme l'utilité publique du projet de la municipalité, celle-ci se voit présenter par la société de recours, au nom du réclamant, une " note de frais " passablement élevée.

    Le Conseil Municipal entérine la promesse de vente, mais se considère comme libéré de toutes obligations par le versement du prix convenu ; il estime en conséquence n'avoir pas à prendre en considération la demande de dommages et intérêts.

    Il est certain qu'en cette matière, le seul responsable possible est l'Etat. Mais le Préfet juge la somme réclamée hors de proportion avec le préjudice causé au réclamant, lequel pourtant a dû s'endetter à la suite de toutes ces procédures mal conduites.

    Compte tenu de la position irréductible des parties en présence, la question ne peut être tranchée que par une décision judiciaire. Aussi le Médiateur a-t-il conseillé au réclamant de consulter son avocat sur l'opportunité d'engager contre l'Etat une action de plein contentieux pour obtenir réparation.

    On pourrait retenir de cette curieuse affaire que notre justice s'y est montrée bien formaliste : mais n'est-ce pas l'une des missions des tribunaux, et particulièrement de la Cour de Cassation, que de sanctionner les vices de forme ?

    En revanche, il est juste de déplorer les inadmissibles négligences commises en l'espèce par l'Administration, car ce sont ces négligences qui ont conduit, en cinq ans, à l'avortement de trois procédures d'expropriation ayant même objet.

    5. Acharnement de l'Administration dans une affaire qu'elle fait inutilement durer pendant plus de dix ans.

    Affaire V 1567 :
    Une société immobilière acquiert, en 1963, un terrain sur lequel elle s'engage, pour bénéficier de la réduction de droits d'enregistrement prévue à l'article 691 du Code général des Impôts, à édifier, dans les quatre ans de cette acquisition, un immeuble à usage d'appartements, à concurrence de 75 % de la surface construite.

    C'est ce qui est réalisé en 1967, et, à la fin de cette année, la déclaration d'achèvement des travaux est déposée en mairie.

    Pour conserver son droit à l'allègement fiscal obtenu, la Société en cause aurait dû fournir, dans les trois mois suivant l'expiration du délai de quatre ans ci-dessus mentionné, un " certificat de conformité ", établi à la suite d'une visite de " récolement ".

    Or, malgré de nombreuses démarches, la municipalité en cause ne fait procéder à ce récolement qu'en 1971, après avoir reconnu formellement son inaction dans une lettre au président de la Société. Mais elle refuse de délivrer le certificat de conformité, au motif que la construction comporte des installations en glaces démontables non prévues dans le permis de construire.

    C'est oublier que si la visite de récolement avait été effectuée dans un délai normal, l'architecte de la mairie n'aurait pu que déclarer la construction conforme, ces installations n'ayant été édifiées que postérieurement à l'achèvement des travaux.

    C'est oublier surtout qu'en 1971, l'autorité chargée de délivrer le certificat de conformité n'est plus le maire, mais aux termes d'un décret du 28 mai 1970, le Directeur Départemental de l'Equipement.

    Le président de la société en cause s'adresse alors aux services de l'Equipement. Mais c'est seulement en 1975, que le directeur de ces services procède, en personne, au récolement puis délivre au demandeur, à défaut de certificat de conformité, une attestation présentant apparemment la même valeur juridique, puisqu'elle précise que dans le délai de trois mois suivant la date d'achèvement des travaux, " aucun avis comportant des motifs s'opposant à la délivrance de ce certificat n'a été adressé au constructeur ". Bien plus, dans la lettre de transmission de cette attestation, le même fonctionnaire déclare que ce document permettra à l'intéressé " de régler définitivement la situation de (sa) résidence sur le plan fiscal, compte tenu de la date effective de l'achèvement des travaux, confirmée par une déclaration de l'architecte de l'opération ".

    Mais les services fiscaux, qui depuis des années notifiaient à la Société des avis et mises en demeure de payer le complément de droits d'enregistrement dont celle-ci se croyait exonérée, ne tiennent aucun compte de la position adoptée par les services de l'Equipement ni même, semble-t-il, du changement de législation intervenu, et, en 1978, prennent réglementairement une hypothèque légale sur l'immeuble, puis font procéder à une saisie-arrêt auprès de cinq personnes détentrices de biens appartenant au Président de la société.

    La première de ces mesures conduit celui-ci à se pourvoir devant les tribunaux. La seconde à demander en référé la main-levée de la saisie-arrêt : sa demande est rejetée.

    Le Médiateur, saisi alors de cette affaire, obtient de la Direction Générale des Impôts la suspension de la saisie-arrêt, et même l'exonération définitive du complément de droits réclamé, sous condition que le Ministère de l'Equipement confirme que l'attestation de ses services a valeur juridique de certificat de conformité.

    Le requérant ayant écrit dans ce but au Ministère de l'Equipement en octobre 1978, et cette demande n'ayant pas reçu de réponse dans le délai d'un mois, le ministère fait savoir au Médiateur en décembre que le certificat de conformité est maintenant réputé accordé, par application des dispositions prévues aux articles R460-5 et R 460-6 du Code de l'Urbanisme.

    Le Ministre donne des instructions en ce sens à ses services locaux qui les exécutent.

    Cependant, en ce qui concerne les installations démontables édifiées par l'un des locataires, le maire intéressé persiste à exiger que le permis de construire soit régularisé à cet effet : " baroud d'honneur ", sans doute...

    Enfin, et c'est là l'essentiel, la Direction Générale des Impôts abandonne ses poursuites.

    Ainsi, c'est l'intelligente compréhension dont l'administration centrale de l'Equipement a fait preuve qui a permis de régler, en 1978, une affaire qui aurait dû l'être dès 1967 au plan local.

    6. Décision fondée sur un motif inexact ; retard inadmissible dans l'exécution d'une décision de justice.
    - Affaire II 989 :
    En 1968, le réclamant, employé dans les services d'un office départemental d'H.L.M., était licencié sous le prétexte que son emploi avait dû être supprimé par mesure d'économie.

    En 1970, le Tribunal Administratif déclarait valable le motif du licenciement mais, sur appel de l'intéressé, le Conseil d'Etat annulait en 1973 la décision de licenciement, au motif qu'elle avait été prise, non par mesure d'économie, mais afin d'évincer le requérant en raison de son activité syndicale.

    Ce dernier demandait alors sa réintégration dans l'emploi qu'il occupait. Sa demande était rejetée, le Conseil d'Administration de l'office ayant constaté que cet emploi avait été effectivement supprimé à la date du licenciement, et qu'aucun emploi semblable ne pouvait être créé dans les services dudit office.

    D'où un nouveau recours de l'intéressé auprès du Tribunal Administratif qui, en 1975, annulait la décision portant refus de réintégrer le requérant, et condamnait l'office à des dommages-intérêts.

    Saisi de l'affaire peu après cette décision, le Médiateur décidait de se rapprocher de la Commission du rapport du Conseil d'Etat, compétente en matière d'exécution des décisions de la justice administrative, et de joindre ses efforts à ceux de cette Commission pour aboutir enfin au règlement de l'affaire.

    Sur l'initiative de la Commission, une transaction était proposée à l'intéressé : celui-ci serait réintégré, mais démissionnerait aussitôt, et recevrait une indemnisation calculée en conséquence.

    Mais, avant que le réclamant ait pris position, un nouveau jugement du Tribunal Administratif, considérant que le refus de réintégration constituait une violation de la chose jugée en 1973 par le Conseil d'Etat, condamnait l'office à verser des dommages-intérêts au requérant, à titre de réparation pour la période courue jusqu'au jour du jugement, mais non au-delà.

    Cette restriction avait pour conséquence que l'intéressé abandonnait toute idée de transaction à l'amiable ; il avait d'ailleurs déjà réitéré sa demande de réintégration pure et simple auprès de l'office.

    En 1977, le Tribunal Administratif, de nouveau saisi par l'intéressé, annulait la décision implicite de rejet opposée à cette demande.

    En 1978, l'intéressé renouvelait une fois de plus sa demande.

    A l'instigation du Médiateur, le Préfet compétent n'a pas, notamment pendant l'année 1978, ménagé ses efforts en vue de faire accepter par les autorités de l'office la réintégration du réclamant. Et en effet, dans le courant de 1978, celles-ci avaient fini par décider cette réintégration, avec affectation de l'intéressé à un poste équivalent, mais dans une autre ville...

    Ce changement d'affectation n'a pas fait l'affaire du réclamant, qui s'est présenté au travail, non dans la ville où il était affecté, mais dans celle où il était auparavant employé.

    Devant cette attitude, les autorités de l'office l'ont considéré comme démissionnaire, et rayé des cadres de leur personnel.

    Le réclamant a alors intenté une nouvelle action devant le Tribunal Administratif, qui est à l'heure actuelle toujours pendante.

    Bien que l'affaire ne soit pas encore terminée, on peut d'ores et déjà en tirer les conclusions suivantes :

    - Assurément, il est inadmissible qu'un organisme public ait licencié un de ses agents sous un faux prétexte, alors qu'il s'agissait de l'empêcher d'exercer son activité syndicale.

    - Il n'est pas moins inadmissible que le même organisme ait attendu cinq ans pour exécuter un arrêt du Conseil d'Etat, méconnaissant au passage trois jugements du Tribunal Administratif : seule une enquête sur place a dissuadé le Médiateur de faire usage en l'espèce du pouvoir d'" injonction " qui lui a été reconnu par la loi du 24 décembre 1976.

    - Mais l'intéressé a-t-il raison de poursuivre la " restitutio ad integrum ", c'est-à-dire sa réintégration, non seulement dans le même emploi, mais encore dans le même endroit ? L'avenir seul le dira.

    7. Lenteur, inertie des services, malgré la position, favorable à l'administré, de l'autorité ministérielle.
    - Affaire II 2652 :
    Le réclamant, algérien de souche, et résidant en France depuis l'année 1971, souhaite obtenir sa réintégration dans la nationalité française, qu'il a perdu depuis l'accession à l'indépendance de son pays d'origine.

    En 1972, il dépose une première demande de réintégration, qui est rejetée. Il la renouvelle en 1975, et se heurte à un nouveau refus. Il faut préciser que de telles décisions n'ont pas - à l'époque - à être motivées (elles le devront peut-être si le projet de loi adopté en Conseil des Ministres le 29 novembre 1978, et qui impose l'obligation de faire connaître les motifs des décisions administratives, est applicable en pareille matière. - Sur ce projet, voir infra IIe partie " Premier Ministre "), et par ailleurs qu'elles sont préparées par les services de la population, rattachés au Ministère chargé du Travail : il en est toujours ainsi.

    Or il s'agit d'un ancien engagé volontaire, très grièvement blessé pendant la dernière guerre, pensionné à 100 % et médaillé militaire. Mais sa qualité d'étranger ne lui permet de percevoir que la moitié à peine de la pension qui lui serait servie s'il était français : la modicité de ses ressources le contraint à vivre chez un parent, et à faire de brefs séjours en Algérie, où vivent sa femme et ses six enfants, qu'il ne peut évidemment faire venir en France.

    Saisi de l'affaire en 1975, le Médiateur a orienté son enquête dans deux directions : découvrir la véritable raison du refus de réintégration dans la nationalité française de l'intéressé ; chercher à mieux connaître sa personnalité, de manière à éprouver la sincérité de son souhait de redevenir français.

    A ce dernier sujet, les renseignements recueillis, tant auprès du Préfet que des services de police ont été excellents : rien ne pouvait être reproché à l'intéressé quant à sa conduite, sa moralité, son degré d'assimilation, son attitude politique vis-à-vis de notre pays. Mieux même, le Gouvernement algérien le considérait comme indésirable, en raison de l'attachement à la France qu'il a toujours manifesté.

    Quant aux refus de naturalisation, ils auraient été motivés par le fait que l'intéressé n'avait pas en France la résidence " stable et permanente, correspondant aux activités professionnelles et au centre des attaches permanentes ", que la jurisprudence de la Cour de Cassation pose comme condition nécessaire à l'acquisition de la nationalité française par un résident étranger.

    Ainsi le réclamant se trouvait-il enfermé dans un cercle vicieux : il ne pouvait retourner vivre en Algérie, pour la raison ci-dessus donnée ; il ne pouvait s'établir en France et y faire venir sa femme, et, au moins, ses enfants en bas âge, du fait de la modicité de ses ressources, sa mutilation l'empêchant de travailler...

    Heureusement - s'il est permis d'ironiser dans un cas semblable - l'intéressé est tombé en 1977 dans un tel état dépressif qu'il a dû être hébergé en maison de repos : le Médiateur a aussitôt demandé aux services compétents si cette nouvelle résidence - qui risque d'être définitive - n'était pas suffisamment " stable et permanente " pour que les dits services consentent à assouplir leur position.

    Finalement, après un long échange de correspondances, allongé encore par un changement de titulaire au poste de Ministre du travail, le Médiateur a obtenu satisfaction : à la fin de novembre 1978, tout était prêt pour que soit pris le décret de naturalisation, et dressés les actes d'état civil nécessaires.

    De cette affaire, on peut tirer les enseignements suivants :

    - Le formalisme et la lenteur des services compétents, dans une affaire qui aurait dû d'emblée éveiller leur sens de l'humain, apparaissent difficilement admissibles.

    - Leur obstination dans le refus, en dépit de la position favorable exprimée par leur ministre, est un phénomène grave.

    - Il s'avère souhaitable de modifier la réglementation appliquée dans les cas de l'espèce, car ils seraient nombreux.

    8. Attitude indécente, voisine de l'inhumanité.
    - Affaire V 1765 :
    Un jeune appelé trouve la mort au cours de son service militaire dans un tragique accident dont la responsabilité incombe intégralement au Ministère de la Défense.

    Malgré cela, ses parents reçoivent une facture de frais d'obsèques s'élevant à près de 5 000 F. Mais leur stupeur est grande de lire sur cette facture que l'Etat ne prendra en charge qu'une partie des frais en question, leur laissant à payer un peu plus de 1000 F - ce qui, pour eux, représente une dépense importante.

    Il apparaît en effet choquant, d'un point de vue simplement humain, que la totalité des frais d'obsèques ne soit pas prise en charge par l'Etat dans un tel cas, qui est d'ailleurs loin d'être unique : le Médiateur a été saisi de plusieurs réclamations similaires, et comprend fort bien le sentiment de révolte que peut provoquer l'envoi de factures ainsi " ventilées " aux parents des défunts.

    C'est pourquoi il a attiré l'attention du Ministre de la Défense sur le problème, en souhaitant que soient modifiées les circulaires relatives au remboursement des frais d'obsèques, afin que la totalité de ces frais puisse, dans tous les cas de l'espèce, être supportée par l'Etat.

    Par ailleurs, dans l'affaire citée, il apparaissait que les parents pouvaient prétendre à réparation : l'intervention du Médiateur s'est poursuivie également dans ce sens (9692. - 2 )

    Une lettre récente du Ministère de la Défense lui annonce que ce département était, dès mars 1978, prêt à prendre en charge la totalité des frais d'obsèques, et que les parents pourraient être indemnisés par ses soins, à condition d'abandonner l'instance judiciaire qu'ils avaient engagée.

    L'affaire est donc aujourd'hui réglée. Mais deux questions demeurent : pourquoi le Ministère de la Défense a-t-il tant tardé à faire connaître au Médiateur sa décision ? Quid des dispositions à prendre pour régler dans le même sens tous les cas de l'espèce ?

    9. Formalisme excessif, également proche de l'inhumanité.
    - Affaires I 499, IV 1681, V 1533 : retraités français du Chemin de fer d'Ethiopie.
    Dans la perspective de l'accession à l'indépendance du Territoire des Afars et des Issas, acquise depuis le 27 juin 1977, le Gouvernement avait fait adjoindre à une loi du 13 juillet 1977 un article 7 ainsi conçu :

    " Si l'accession à l'indépendance du Territoire français des Afars et des Issas ; et la modification corrélative du statut du Chemin de fer franco-éthiopien ont pour effet d'entraîner la cessation du paiement des pensions dues aux retraités de nationalité française de cette société (du CFE), l'Etat garantira les droits acquis par les intéressés sur la base de la réglementation locale en vigueur à la date de promulgation de la présente loi ".

    Or, le 20 décembre 1977, la Compagnie du chemin de fer franco-éthiopien informait ses retraités qu'elle était dans l'obligation de suspendre le versement des arrérages de leur pension, ses moyens de paiement étant épuisés par suite des destructions opérées sur la ligne par des infiltrés somaliens.

    Cependant, le ministre alors chargé des finances avait pris la décision de faire une avance à la Compagnie ; et, pour que les versements soient opérés dans les meilleurs délais, l'" Office français de coopération pour les chemins de fer et les matériels d'équipement ", (O.F.E.R.M.A.T.), qui assure le paiement des pensions en question aux retraités résidant en France, allait faire l'avance des fonds nécessaires sur sa trésorerie.

    Cette avance a permis aux intéressés de percevoir, quoique avec un grand retard, les arrérages du dernier trimestre de 1977.

    Mais le Ministre chargé des Finances ayant refusé d'appliquer la garantie édictée dans la loi susvisée, l'O.F.E.R.M.A.T. n'a évidemment pu poursuivre des avances à fonds perdus, si bien que les intéressés n'ont, à leurs dires, rien perçu depuis le début de l'année 1978.

    Certes, on peut soutenir que le motif de la cessation du paiement des pensions par la C.F.E. n'était pas celui prévu dans la loi de 1977, la modification du statut de cette compagnie, dont s'occupe le Ministère des Affaires Etrangères, et qui soulève des problèmes fort délicats, n'étant pas encore intervenue.

    Mais il y avait force majeure ; mais il s'agissait de retraités dont la moyenne d'âge avoisine quatre-vingts ans, et dont la plupart n'ont que leur pension pour vivre. Cela valait bien de faire une entorse à la lettre de la loi...

    Le Médiateur est intervenu à deux reprises, en mars et en novembre 1978, auprès du Ministre chargé des Finances, afin qu'une décision rapide vienne mettre un terme à cette situation inadmissible.

    Par lettre reçue le 27 décembre, le Ministère du Budget a fait connaître que l'O.F.E.R.M.A.T. avait été doté des crédits nécessaires pour assurer le paiement des pensions en cause pour les deux premiers trimestres de 1978, et qu'une convention avait même été conclue entre cet organisme et l'Etat en vue de régulariser le service des dites pensions.

    Il n'empêche que le même ministère semblait avoir adopté jusque-là une position diamétralement opposée, et que les retraités du C.F.E. n'ont vraisemblablement pas inventé les retards de paiement dénoncés. Qui croire ?

    B - UNE PROPOSITION POUR L'AVENIR


    L'administré face à l'administration dans les procédures juridictionnelles et pré-juridictionnelles. Mesures qui permettraient d'améliorer sa situation d'infériorité.

    SECTION A : LES PROBLEMES


    Bien des réclamations reçues par le Médiateur ont pour thème, principal ou secondaire, les difficultés rencontrées par l'administré à l'occasion de procédures juridictionnelles.

    Pour le Médiateur, les plus instructives de ces réclamations - parce qu'elles entrent plus profondément dans sa compétence - sont celles qui mettent en cause le déroulement de la procédure dans les instances où l'Administration peut être partie, c'est-à-dire non seulement devant les juridictions de l'ordre administratif (juridictions du droit commun administratif et juridictions d'exception, telles que les tribunaux des pensions, etc.), mais aussi devant les juridictions de l'ordre civil, de droit commun ou d'exception (comme par exemple les commissions juridictionnelles de la Sécurité sociale). Dans ces hypothèses, en effet, la bonne administration de la justice est parfois dominée, et trop souvent entravée, par le poids inégal des parties en présence, et le Médiateur trouvera évidemment là une justification particulière à l'action d'ensemble qu'il développe en vue de réduire l'infériorité de l'administré face à la puissance publique.

    Mais nombreuses aussi sont les réclamations qui portent sur une procédure engagée devant les juridictions de l'ordre judiciaire en général, à l'occasion de litiges entre personnes privées. Là, ce n'est que la bonne exécution du service public de la justice qui intéresse le Médiateur ; mais elle l'intéresse, car elle entre sans conteste dans sa compétence générale, sous réserve, naturellement, du strict respect de la souveraineté de décision des Juges.

    D'une manière générale, on sait que les rapports du Médiateur et du juge, et plus précisément l'articulation des procédures devant l'un et l'autre, n'ont jamais été parfaitement définis. Il faut toutefois noter que l'évolution semble aller vers l'attribution au Médiateur de plus larges possibilités d'agir lorsque l'affaire qui lui est soumise fait ou a fait l'objet d'une procédure juridictionnelle, témoin l'article 11 de la loi du 3 janvier 1973, tel que le complète la loi du 24 décembre 1976.

    Quant aux difficultés signalées par les réclamants, elles peuvent être nées, soit au moment de l'introduction de l'instance (initiale ou d'appel) ou avant ce moment ; soit dans le cours de cette instance ; soit après le prononcé d'une décision définitive.

    Ces trois étapes de la procédure fournissent un cadre naturel à l'exposé qui va suivre, et qui se conclura par des considérations générales sur l'inégalité de situation de l'Administration et des administrés en matière de procédures juridictionnelles.

    Mais il ne faut pas perdre de vue qu'en dehors même de toute procédure engagée, le poids de l'Administration peut peser très lourd sur l'administré, en raison des abus fréquents et graves qu'elle commet en matière de voies d'exécution précontentieuses. En ce domaine, pas de justice qui puisse épauler l'administré : il est seul, trop souvent, devant un pouvoir administratif qui, trop souvent, interprète les textes à sa guise... et se trouve parfois " saisi " avant d'avoir compris...

    Ce problème du " précontentieux " est si important, et si fréquemment rappelé au Médiateur, que l'exposé qui va suivre commencera par lui. C'est d'ailleurs respecter l'ordre chronologique.

    I - LES ABUS DE L'ADMINISTRATION EN MATIERE DE VOIES D'EXECUTION PRE-CONTENTIEUSES.


    Il n'est pas besoin d'un procès pour que l'Administration utilise de façon abusive, et d'ailleurs peu cohérente, les voies d'exécution qui lui sont offertes. En voici des exemples :

    - De nombreuses réclamations ont appris au Médiateur qu'en matière de redevance pour la radio et la télévision, l'Administration n'hésitait pas à faire saisir les meubles du débiteur pour des créances de très faible montant (240 F et parfois moins), et cela, sans être toujours sûre de son bon droit, et sans même s'être préoccupée de savoir si la situation du débiteur (salarié, fonctionnaire...) ne permettait pas de substituer à la saisie mobilière une saisie-arrêt sur le traitement ou le salaire...

    - Une société s'aperçoit d'une insuffisance de 23 F dans l'un de ses versements mensuels à une U.R.S.S.A.F. : elle ajoute cette somme au versement suivant. Mais le service contentieux de l'U.R.S.S.A.F. n'ayant pas eu connaissance de cette régularisation, n'avait pas hésité à adresser une mise en demeure à la Société, et, " après avoir attendu un laps de temps suffisant ", à transmettre la contrainte à un huissier pour exécution.

    L'U.R.S.S.A.F. a reconnu que son tort avait été de ne pas adresser, en raison de la modicité de la créance, un " avertissement avant poursuites ", comme cela est généralement pratiqué. - En effet.

    A l'inverse, il faut rappeler l'affaire n° II 2656 (rapport de 1976, p. 7), dans laquelle on avait pu voir l'administration fiscale mettre en demeure un héritier de régler la part de droits de succession due par son codébiteur alors qu'il avait déjà payé la sienne, et que la créance du Trésor sur son codébiteur était garantie par une hypothèque légale... Le bon débiteur ayant payé la part de l'autre, c'est encore à lui que l'Administration réclamait les intérêts de retard, comme s'il portait une quelconque responsabilité dans le retard du débiteur défaillant ou s'il avait pu être en position de prévenir cette défaillance ou même d'en être informé.

    Cette affaire n'est pas encore terminée, le Médiateur s'occupant présentement d'obtenir que le " bon " débiteur soit remboursé des frais qu'il a dû exposer pour sa défense.

    La mention ou le rappel de ces affaires tend à montrer qu'en matière de voies d'exécution, l'Administration ne se contente pas de commettre des abus de droit à l'encontre de débiteurs honnêtes, ou de petits débiteurs, mais qu'elle peut en commettre aussi en faveur de débiteurs malhonnêtes, ou tout au moins plus habiles. Ainsi, joue-t-elle de l'abus de droit dans les deux sens, pour ainsi dire.

    Le Médiateur ne manque évidemment pas de combattre les effets de cette singulière attitude chaque fois qu'il en a l'occasion. Mais ce ne peut être qu'au " coup par coup ", et il serait éminemment souhaitable qu'une directive du Pouvoir exécutif vienne rappeler à l'Administration, et notamment à l'administration fiscale, la nécessité d'ajuster l'emploi des pouvoirs dont elle dispose à l'ampleur réelle des litiges, comme à la situation matérielle de ses débiteurs, et aux garanties morales qu'ils peuvent offrir.

    II - DIFFICULTES LIEES A L'INTRODUCTION DE L'INSTANCE.


    Les difficultés rencontrées par l'administré au niveau de l'introduction de l'instance peuvent prendre, d'abord, deux aspects directement opposés :

    1. L'intéressé peut être gêné dans son intention de soumettre l'affaire qui le préoccupe aux tribunaux. Il peut même être empêché de le faire.

    En ce domaine, les obstacles sont d'ordre financier (insuffisances de l'aide judiciaire) ; juridique (le justiciable peut être atteint par l'expiration d'un délai de forclusion qu'il ignorait, qu'il a négligé, ou qu'il n'a pas été en mesure d'interrompre (ces délais sont parfois très brefs, compte tenu de l'évolution des moeurs et du fait que le délai " légal " d'absence de son domicile - c'est-à-dire la durée des congés payés - est passé de 15 jours en 1939 à 4 semaines aujourd'hui. De plus, certains délais s'ouvrent du fait d'une absence de décision de l'Administration, notamment en matière de contentieux fiscal, où le silence de l'Administration pendant six mois équivaut à un rejet de la réclamation et fait courir le délai de recours contentieux de deux mois ouvert au contribuable. C'est d'ailleurs une anomalie générale et importante de notre droit administratif que de faire dépendre ainsi des droits contentieux du décompte d'un silence... (dans la majorité des cas de quatre mois)) ; psychologique enfin (affronter la majesté de la justice pour s'attaquer aux pouvoirs publics peut faire peur même si l'on n'est pas un " homme simple ").

    Certes, ces différents obstacles ne sont pas le fait direct d'une administration " plaidante ". Ils résultent plutôt d'un certain état de la législation ou de la réglementation. Mais ils sont quand même le fait des " pouvoirs " et il est impossible de les ignorer, d'autant qu'ils font le pendant à l'attitude inverse de l'Administration, dont il va être question ci-après, quand elle oblige l'administré à plaider.

    2. L'Administré peut, à l'inverse, être entraîné, condamné pour ainsi dire, à prendre la voie contentieuse, son adversaire - et ici, essentiellement, l'Administration - ayant écarté d'emblée toute idée d'arrangement à l'amiable, alors même que sa responsabilité était patente ; elle va parfois, jusqu'à ne pas exécuter un arrangement déjà conclu.

    Dans le même ordre d'idées, une place particulière doit être faite aux " recours abusifs " - parce que manifestement dépourvus de toute chance de succès - qu'il arrive à l'Administration de former contre une décision ayant confirmé et sanctionné sa responsabilité.

    3. Mais l'Administration peut aussi, d'elle-même, introduire une instance ou un recours à seule fin de " faire dire le droit " sur une question de principe, et de fixer ainsi, si cela se peut, un point de jurisprudence.

    Elle ne se comporte plus, alors, en véritable " adversaire " de l'administré, mais il arrive, comme on le verra, qu'elle l'entraîne ainsi dans une procédure qui, quel qu'en soit le résultat, peut le placer dans une situation qui choque l'équité.

    1. Les obstacles à l'action en justice de l'administré.

    a) Obstacles d'ordre financier : les insuffisances de régime de l'aide judiciaire.

    De nombreux réclamants, auxquels l'aide judiciaire a été refusée, demandent au Médiateur d'intervenir pour faire lever cet obstacle, ou se bornent à déplorer qu'ils aient dû engager leur action sans avoir bénéficié de cette aide.

    Bien souvent, l'équité commanderait que ces refus soient rapportés. Mais la loi a posé des conditions strictes à l'octroi de l'aide judiciaire, notamment en fixant des plafonds de ressources, et il est impossible au Médiateur d'aller contre sa rigueur - L'affaire suivante est, à cet égard, significative :
    - Affaire IV 2312 :
    En difficultés avec son ex-mari pour obtenir les pensions alimentaires dues pour leurs deux enfants, la réclamante obtient du juge le relèvement de celles-ci. Mais son ex-mari fait appel, et l'intéressée se trouve engagée dans un nouveau procès, en vue duquel elle demande l'aide judiciaire, qui lui est refusée. Pourtant les ressources de cette réclamante, pensions comprises, dépassent le plafond en vigueur de 200 F seulement.

    Le Médiateur ne peut que répondre en invoquant le caractère strict des conditions d'obtention de l'aide judiciaire, qui lui ôte toute possibilité d'intervenir plus avant.

    Il n'empêche que de telles affaires donnent à penser que le régime de l'aide judiciaire, tel qu'il est aujourd'hui fixé par la loi n° 72-11 du 3 janvier 1972 et son décret d'application n° 72-809 du 1er septembre 1972, pourrait supporter quelques améliorations.

    En ce qui concerne les plafonds de ressources, l'article 2 de la loi dispose :

    " Le demandeur à l'aide judiciaire doit justifier que ses ressources mensuelles sont inférieures à :

    - 1 620 F pour bénéficier de l'aide judiciaire totale ;

    - un montant fixé par décret, variable selon les juridictions et la nature des affaires, dans la limite de 2 700 F, pour bénéficier de l'aide judiciaire partielle (plafonds fixés par la loi de finances pour 1978, n° 77-4007 du 30 décembre 1977).

    Ces plafonds sont affectés de correctifs pour charges de famille. Ils pourront être révisés par une disposition de la loi de finances. "

    On peut se demander, d'abord, si ces plafonds, et notamment les plus récemment fixés, correspondent bien à la réalité économique et sociale de l'année pour laquelle ils s'appliquent.

    De plus, la procédure de rehaussement des dits plafonds a quelque chose d'incertain, puisqu'elle est laissée à l'initiative du législateur, et, derrière les lois de finances, à celle du ministère chargé des finances...

    Un système de relèvement automatique, indexé sur un ensemble d'" indicateurs " écartant toute exagération possible, par exemple sur le barème de l'impôt sur le revenu en fonction du quotient familial, serait sans doute préférable.

    Certes, l'article 16 de la loi de 1972 permet, dans certains cas exceptionnels, d'accorder l'aide judiciaire même lorsque le plafond de ressources est dépassé. Mais cet important palliatif ne serait nullement incompatible avec le système ci-dessus proposé.

    Quant aux correctifs dont peuvent être affectés les plafonds de ressources, ils sont fixés à l'article 67 du décret : le conjoint à charge, le descendant à charge, l'ascendant à charge " rapportent " chacun 185 F (chiffres posés dans le décret d'application de la loi de finances susvisée).

    Là encore, on peut se demander si de tels chiffres sont suffisamment " réalistes ".

    Mais plus grave est le fait que les prestations compensatoires et pensions alimentaires versées au conjoint divorcé pour l'entretien des enfants puissent entrer dans le total des ressources, alors que les prestations familiales en sont exclues (art. 15 de la loi, art. 27, 2° du décret), bien qu'elles aient au fond même objet, et que le terme de " prestations compensatoires ", généralement employé par le code civil depuis la récente réforme du divorce, laisse par lui-même entendre qu'il s'agit là de ressources bien spéciales, destinées à réparer un préjudice matériel et moral, plutôt qu'à figurer dans un patrimoine.

    Enfin, il n'est pas question de critiquer la nécessité du rôle du Procureur de la République dans le nouveau système de l'aide judiciaire. Mais ce rôle est fort étendu : il reçoit et traite " administrativement " les demandes ; il donne son avis sur la demande au bureau d'aide judiciaire qui en est saisi ; il assiste à la délibération de ce bureau, et peut même en provoquer une nouvelle ; il partage avec ledit bureau le droit d'y faire entendre le demandeur ; enfin, sauf exception, c'est à lui seul que revient le pouvoir de déférer la décision d'un bureau au bureau " supérieur ".

    C'est ce dernier monopole qui paraît quelque peu critiquable : assurément, il a été institué pour éviter les appels abusifs des personnes auxquelles l'aide judiciaire aurait été légalement refusée. Mais si les plafonds de ressources dont il a été question ci-avant s'avèrent, dans la réalité des faits, trop bas, est-il juste d'ôter ainsi, à tous les demandeurs, tout droit personnel de recours ?

    En définitive, il semble au Médiateur qu'il y ait encore quelque chose à améliorer dans le régime de l'aide judiciaire (cf. section B).

    b) Obstacles d'ordre juridique : les forclusions et prescriptions.

    Le Médiateur a depuis longtemps dénoncé les principaux défauts du régime français des forclusions et prescriptions. Ce sont :
    - la sous-information de l'administré en ce domaine ;
    - l'inégalité (trop fréquente, et toujours profitable à la première) des délais dont disposent respectivement, pour engager une action de même objet, l'Administration et les administrés;
    - l'excessive diversité, en général, des délais de forclusion ou de prescription, et, en particulier, l'excessive brièveté de certains de ceux qui courent contre l'administré ;
    - les incertitudes qui pèsent trop souvent sur le point de départ du délai (cf. plus haut).

    Ce vaste problème, a été étudié dans son ensemble dans le rapport du Médiateur pour 1976 (pp. 64 à 108), et repris dans le rapport de 1977 (pp. 47 à 51). On rappellera que, dans un premier temps, le Médiateur a décidé de concrétiser ses vues en ce domaine par une proposition de réforme (" synergie n° 7 "), qui s'appuie étroitement sur une étude antérieure du Conseil d'Etat.

    Cette proposition est actuellement en cours d'application et même de généralisation, car dans sa rédaction originelle, elle ne vise que les délais pour engager une procédure juridictionnelle, alors que le Médiateur souhaiterait que l'on s'intéresse aussi aux délais d'" ordre administratif " - en somme à tout délai, de quelque nature qu'il soit, dont l'expiration risque de faire perdre un droit quelconque à l'administré. D'autres généralisations sont également envisagées, de manière à donner plus d'ampleur aux mesures initialement proposées.

    Au-delà même, le Médiateur ne perd pas de vue l'exemple de la République fédérale d'Allemagne où depuis longtemps le problème des forclusions et prescriptions semble réglé au mieux des intérêts des administrés. A ce sujet, il suffira de rappeler que contrairement à la pratique française, le recours n'est ouvert qu'à partir du moment où l'intéressé en a été avisé par écrit et que lui a été précisé l'autorité administrative ou le tribunal compétent : si cette information est omise ou erronée, le pourvoi demeure recevable dans le délai d'un an qui suit l'acte contesté (cf. rapport de 1976, pp. 97 et suivantes).

    Dans le cadre de ce thème général, n'entrent strictement que deux aspects du problème en question : la sous-information de l'administré, et la possibilité de le relever d'une forclusion ou d'une prescription qui ne serait pas due à sa seule négligence.

    Une des idées forces du Médiateur en ce domaine est, en effet, que nul, désormais, en France, ne devrait plus être forclos ou prescrit que de son propre fait. - C'est dire que la " charge de l'information " en la matière devrait retomber entièrement sur la puissance publique (Administration et Justice), et qu'un " système d'excuses " devrait permettre de relever de la forclusion ou de la prescription tout administré excipant d'un motif d'inaction valable - y compris évidemment le défaut d'information.

    Les mesures envisagées en la matière, ainsi que d'autres qui tendraient, quoique moins directement, à faciliter l'action en justice de l'administré (amélioration du régime même des forclusions et prescriptions) seront exposées en détail à la section B ci-après.

    c) Obstacles d'ordre psychologique : la crainte de plaider contre les " Pouvoirs " :

    L'Administration fait peur, surtout à l'échelon local, où l'agent public représente encore de nos jours une sorte de puissance féodale, qu'il ne fait pas bon se mettre à dos.

    Et si l'administré passe outre, s'il ose se plaindre " en plus haut lieu ", alors il devra redouter le " retour de bâton ", la vengeance d'un service mis en échec : le Médiateur commence à être saisi d'un certain nombre de situations de ce genre, ce qui est préoccupant.

    Mais sur tout cela, plane la crainte révérencielle que l'homme simple éprouve vis-à-vis de tous les détenteurs d'un pouvoir : il y a les potentats locaux, il y a les directeurs d'administration centrale et les ministres plus lointains encore…

    Mais ce que notre administré ne sait pas, ou pas encore suffisamment, c'est qu'il existe en France depuis 1973 une institution parfaitement indépendante des pouvoirs : c'est évidemment le Médiateur, qui ne doit de comptes à aucune autre autorité, et qui n'hésitera jamais à mettre son indépendance dans la balance, chaque fois qu'il faudra faire écarter du règlement d'une affaire toutes considérations étrangères au droit ou à l'équité.

    Tout administré doit éprouver, au moins de façon latente, la crainte d'aller en justice contre l'Administration, et ce qu'il y a derrière. Mais, mis à part les chicaniers, et les personnes elles-mêmes " appuyées " par une quelconque autorité, il existe des gens courageux, obstinés, ou même simplement confiants dans les institutions de leur pays - et ils ont heureusement raison dans la grande majorité des cas.
    - L'affaire II 2644 offre un bel exemple du courage et de l'obstination nécessaires face à une administration que l'on sent, en l'espèce, un peu trop sensible aux pressions extérieures :
    Depuis 1972, l'intéressé essayait, tant par la voie gracieuse que par la voie contentieuse, de faire cesser les nuisances que lui causaient les installations d'un hôtel voisin.

    Ce n'est qu'en 1978, et grâce aux interventions pressantes et répétées du Médiateur, qu'est apparue la possibilité d'un règlement à l'amiable du litige, qui donnerait enfin satisfaction au demandeur.

    Le Médiateur poursuit ses efforts en vue de la signature d'un protocole d'accord définitif.

    2. L'Administré condamné à ester.

    N'importe qui peut être contraint de soutenir une action en justice comme demandeur ou comme défendeur.

    Mais nulle part cette pression n'apparaît plus injuste, ni même plus difficile à comprendre, que lorsqu'elle est exercée par une administration dont la responsabilité est patente, et qui malgré cela, ayant apparemment écarté d'emblée toute idée d'arrangement à l'amiable, oblige l'administré en litige avec elle à se pourvoir devant les tribunaux, ou l'entraîne dans un recours a priori abusif contre la décision qui a confirmé cette responsabilité.
    - Affaire V 606 :
    L'E.D.F. avait construit un transformateur à proximité de l'habitation du réclamant.

    En dépit du caractère incontestablement disgracieux de cette implantation – l'instruction du dossier l'a prouvé – l'E.D.F. n'en a pas moins contraint l'intéressé à saisir le tribunal administratif d'une requête tendant à la démolition de l'ouvrage, ou, à défaut, au versement d'une indemnité.

    Le tribunal vient de donner raison à ce réclamant. Mais, dès avant la sentence, le Médiateur avait rappelé que, depuis la loi du 24 décembre 1976 modifiant celle du 3 janvier 1973 qui l'institue, il a la faculté, même si l'Administration a obtenu une décision de justice en sa faveur, de lui adresser une recommandation en vue de l'inciter à renoncer au droit qui lui a été reconnu, ou à accepter un arrangement à l'amiable, lorsque l'équité le commande.
    - Affaire IV 64 :
    Le réclamant reprochait à sa commune de n'avoir pas respecté l'engagement qu'elle avait pris, en 1972, d'acquérir une parcelle de terrain lui appartenant.

    Le préfet compétent soutenait que l'on avait affaire à une simple promesse de vente, d'ailleurs rendue caduque par un changement ultérieur de la municipalité. Il invitait en conséquence l'intéressé à se pourvoir devant les tribunaux.

    Or, l'examen des pièces du dossier a montré qu'il s'était agi dès l'origine d'une promesse ferme, et que, selon le code civil, le contrat de vente était dès lors parfait : il y avait bien eu déclaration de volonté des deux parties, manifesté par un accord " sur la chose et le prix ".

    Le Médiateur vient d'inviter le Maire à exécuter ce contrat, en reconnaissant, sans autre forme de procès, une responsabilité qui dès l'origine était patente.
    - Affaire IV 162 :
    En 1970, EDF-GDF entreprend une construction sur un terrain contigu aux immeubles appartenant à trois personnes, toutes clientes de l'avocat du réclamant qui a porté l'affaire devant le Médiateur.

    Les travaux entraînent des mouvements de terrain qui endommagent gravement ces immeubles.

    Une longue procédure judiciaire s'ensuit, qui aboutit en 1974, puis en 1976, à deux jugements du Tribunal Administratif : le premier ordonne diverses expertises - toujours en cours - en vue de répartir les responsabilités entre le maître d'oeuvre et ses sous-traitants ; le second, fixe une indemnité correspondant à la perte de valeur vénale déjà subie par les immeubles, mais réserve l'indemnisation définitive jusqu'à la date à laquelle les mouvements de terrain auront cessé.

    Les intéressés saisissent alors le Médiateur en proposant une solution nouvelle : l'acquisition par EDF-GDF des immeubles endommagés. L'entreprise nationale s'y refuse, au motif qu'il lui serait interdit de procéder à des opérations immobilières.

    Il ne fait pas de doute que, dès l'origine, la responsabilité de l'Administration était évidente. Certes, elle était difficile à évaluer et à répartir, et l'on a vu que le montant de l'indemnisation définitive demeurait, pour un temps, à fixer. Mais rien, a priori, n'empêchait qu'un accord de principe sur un arrangement à l'amiable soit conclu, et même que des indemnités d'attente soient versées aux propriétaires sinistrés.

    Cet arrangement, ce sont ces derniers qui, sept ans après le proposent, en demandant à l'entreprise nationale d'acheter leurs immeubles.

    Le refus qui leur a été opposé se heurte à de solides arguments de droit et de fait : aussi est-ce cette solution de vente à l'E.D.F., la plus équitable aux yeux du Médiateur, que celui-ci va s'efforcer de faire prévaloir, de manière à mettre un terme à une procédure judiciaire dont on n'aperçoit pas la fin.
    - Affaire III 1183 :
    Une personne âgée avait cédé à l'Etat, en 1965, une parcelle de terrain d'environ 800 m2, sous réserve de l'acquisition ultérieure par l'Etat du reste de sa propriété, couvrant une superficie d'environ 3 600 m2.

    L'Etat avait accepté cette réserve, en précisant qu'il ne pourrait y donner suite que dans la mesure où l'opération d'achat projetée serait dotée des crédits nécessaires, et ferait l'objet d'un avis favorable de la Commission départementale de contrôle des opérations immobilières.

    Or, l'Etat n'a pas procédé à cette acquisition supplémentaire. L'intéressée a alors cherché à se défaire de la parcelle initialement mise en vente et demandé à cet effet un permis de construire qui lui fut refusé.

    Devant ces refus de l'Administration, l'intéressée s'est trouvée contrainte d'intenter une instance judiciaire : elle a demandé au Tribunal Administratif que l'Etat soit condamné à acquérir le restant de sa propriété ; elle a été déboutée, mais non pour des raisons de fond.

    Dans cette affaire, l'Administration apparaissait fautive sur plusieurs points :
    - elle n'avait fait aucune diligence pour réunir les conditions (posées par elle) à l'acquisition (cependant promise) du surplus du terrain ;
    - profitant de cette promesse, elle avait fixé pour l'achat de la première parcelle un prix manifestement insuffisant ;
    - les héritiers de la réclamante, décédée entre temps, lui ayant fait connaître leur volonté de vendre à d'autres le surplus de terrain, elle s'était bornée à répondre qu'ils n'avaient qu'à demander un permis de construire, et, en cas de refus, à engager un recours devant la juridiction administrative.

    Dans ces conditions, le Médiateur a demandé au ministre compétent, qui en a accepté le principe, de s'engager dans la voie d'une indemnisation à l'amiable, et finalement, les parties intéressées sont tombées d'accord sur le versement aux intéressés d'une indemnité, en contrepartie de l'abandon par eux de toute action judiciaire ultérieure contre l'Etat.

    Cette affaire, déjà citée au rapport de 1977 (" Une proposition pour l'avenir ", section 1. P. 28) s'est, en définitive, bien terminée.

    Mais, une fois de plus, son déroulement confirme le goût excessif de notre Administration pour les réponses du type : " Si vous n'êtes pas satisfait, adressez-vous à la Justice ".

    Les exemples précédents ont montré des administrés condamnés à s'engager dans une procédure juridictionnelle en dépit de la responsabilité incontestable de l'Administration : l'affaire V 2561 - quoique intéressante à d'autres points de vue (cf. ci-après III et IV) - nous fait voir l'administré entraîné dans un recours, très vraisemblablement abusif, contre une décision qui a déjà sanctionné la responsabilité du service public.

    Les réclamants avaient fait appel devant le Tribunal Administratif d'une décision d'une commission de remembrement.

    Or, au cours de l'instance devant ce tribunal, la partie adverse - c'est-à-dire le Ministère de l'Agriculture - a complètement dédaigné de se défendre, si bien que le tribunal a dû faire application en l'espèce de l'article 9 de la loi du 22 juillet 1899 modifiée (cf. ci-après III) et que l'Administration défenderesse a finalement été " réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans le recours ".

    Cette leçon ne semble pas avoir suffi, puisque la même administration a déféré la décision intervenue à la censure du Conseil d'Etat...

    A moins qu'elle ne s'y montre plus loquace et plus persuasive, ce dernier recours offre toutes les caractéristiques d'un recours abusif - sans compter la désinvolture dont l'Administration a fait preuve dans la précédente étape de la procédure, tant envers l'administré qu'envers les juges, en gardant un silence a priori inexplicable.
    - Affaire II 3071 :
    La réclamante est veuve d'un enseignant tué, en service, dans un accident d'automobile ; le conducteur responsable de cet accident était un autre enseignant.

    Les droits à réparation intégrale, à la charge du Trésor, sont admis en première instance puis en appel, l'accident étant réputé accident de service.

    Mais l'agence judiciaire du Trésor se pourvoit en cassation ; et bien que ce recours ne soit pas suspensif, le Trésor refusait de payer l'indemnité car l'intéressée, qui se trouve en situation difficile, ne pouvait constituer les garanties exigées en pareil cas par un décret des 16-19 juillet 1793 (l'aménagement, voire l'abrogation de ce texte désuet fait d'ailleurs l'objet d'une proposition de réforme du Médiateur (n° FIN 78-41)). Finalement, un règlement favorable est intervenu dans cette affaire. Mais la réclamante, veuve avec un enfant d'âge scolaire à charge, aura attendu cinq ans pour obtenir le paiement d'une indemnité qui lui était due, et que rendaient particulièrement nécessaire sa situation personnelle et les études de son fils.

    Car les circonstances de l'espèce étaient telles qu'en toute éventualité, le Trésor public aurait été forcément désigné comme débiteur de l'indemnité, l'imputabilité de l'accident au service étant déjà chose jugée.

    On observera de plus, que si la Cour de Cassation avait suivi la thèse de l'agence judiciaire du Trésor, l'indemnité allouée en première instance aurait été à la charge de la compagnie d'assurance couvrant l'auteur de l'accident. Il n'en était donc que plus injuste d'exiger de la veuve impécunieuse des sommes qu'en toute hypothèse elle n'aurait pas eu à restituer...

    Les précédentes analyses conduisent à deux constatations :

    a) Dans toutes ces affaires où l'administré se trouve contraint à " faire de la procédure ", par une administration dont la responsabilité apparaît incontestable, l'intervention du Médiateur se révèle déterminante : par une action soutenue, inlassable, parfois très délicate, il obtient, tôt ou tard, le règlement de l'affaire par un arrangement à l'amiable, fondé avant tout sur l'équité : par là, il exécute sa mission dans ce qu'elle a de plus essentiel.

    Il est vrai que ces arrangements à l'amiable se heurtent encore parfois à une telle hostilité des administrations, que certaines d'entre elles emploient tous les moyens pour ne pas respecter l'accord qu'elles avaient pourtant conclu dès l'origine avec l'administré :
    - Affaire V 2346 :
    La réclamante est victime, en 1973, d'un accident de la circulation provoqué par un véhicule de l'Administration ; la responsabilité de celle-ci est patente, et n'est d'ailleurs pas contestée.

    En 1978, l'administration en cause offre à l'intéressée de l'indemniser, moyennant son désistement de toute action ultérieure.

    Bien que la victime juge l'offre insuffisante, elle accepte cette proposition. Mais au moment de payer, les services invoquent la prescription quadriennale des créances contre les personnes publiques...

    Il va sans dire que le Médiateur poursuit son intervention, en vue d'amener l'administration à respecter ses engagements.
    b) La deuxième constatation est que les situations exposées présentent une grande similitude avec celles qui illustraient la " Proposition pour l'avenir " formant le thème général du précédent rapport du Médiateur, et dont l'objet était " l'institution d'un système permettant une réparation plus rapide et plus complète des préjudices subis par les administrés " (pp. 25 à 40 du rapport de 1977).

    Il faut dire que d'après une étude récente, menée par un membre du Conseil d'Etat et un membre de la Cour des Comptes (MM. Bernard et Ratier), les bases d'un tel système existent déjà (pas d'obstacles juridiques aux règlements amiables ; existence dans le budget de chaque ministère d'un chapitre comportant des crédits évaluatifs, qui permettent de tels règlements).

    Mais il reste à harmoniser la désignation de ces chapitres, variable suivant les ministères, et surtout la politique de ceux-ci en matière de règlements amiables, notamment par la création d'une commission supérieure d'arbitrage, à laquelle seraient soumis les cas litigieux.

    Ainsi les difficultés que l'on vient de dénoncer pourraient-elles être plus facilement évitées, l'administration de bonne foi étant systématiquement conduite à choisir l'indemnisation à l'amiable, de préférence à la mise en oeuvre, trop souvent abusive, des procédures juridictionnelles.

    3. L'Administration entraîne l'administré dans une instance destinée à faire trancher une question de principe.


    Une Administration - par hypothèse responsable du dommage subi par un administré, et qui ne le conteste pas, ou ne le conteste plus - décide d'engager une action ou de former un recours en vue de faire trancher par le juge une question de principe que soulève le litige, et par-là, peut-être, de faire fixer un point de jurisprudence.

    La légitimité d'une telle action ne souffre pas de critique ; et d'ailleurs, comme on l'a déjà remarqué, l'Administration ne se comporte pas à cette occasion en véritable " adversaire " de l'administré.

    Mais du fait que celui-ci va se trouver entraîné dans une procédure, alors qu'il pouvait espérer un règlement à l'amiable, et qu'à l'issue de cette procédure il peut, soit par extraordinaire succomber - auquel cas il perdrait tout, et au-delà même de ce qu'il avait escompté gagner, soit triompher - mais après avoir exposé des frais dont certains, non remboursables, viendront en déduction de l'indemnisation qui lui paraissait acquise au départ, on est amené à constater que l'action de l'Administration, pour fondée qu'elle soit, peut aboutir à placer l'administré dans une situation où l'équité ne trouvera pas son compte.

    On peut se demander s'il n'existe vraiment pas d'autre moyen de " faire dire le droit ".

    L'affaire analysée ci-après n'illustre pas le cas étudié ici dans toute sa pureté, car on n'y voit pas l'Administration reconnaître sans réticence sa responsabilité, même après avoir succombé en première instance, et au moment de former son " recours de principe ". Mais elle est au moins significative quant aux conséquences de telles actions ou recours du point de vue de l'équité :
    - Affaire II 1104 :
    A la suite de pluies diluviennes, les propriétés du réclamant et de deux de ses voisins ont été prises, en 1972, dans des glissements de terrain qui ont provoqué d'importants dégâts aux immeubles, nécessitant même l'évacuation immédiate de deux d'entre eux.

    Les propriétaires sinistrés ayant estimé que les dommages subis étaient imputables au défaut d'entretien d'un aqueduc situé sous la route nationale avoisinante, se sont pourvus devant le Tribunal Administratif qui, après expertise, a déclaré l'Etat entièrement responsable des dégâts causés aux propriétés et l'a condamné à verser une indemnité aux intéressés.

    Cependant, sur l'avis donné par le Conseil Général des ponts et chaussées, et d'après lequel les mouvements de terrain ayant affecté ces propriétés relèveraient d'un phénomène géologique de beaucoup plus vaste étendue, et dont les causes seraient sans commune mesure avec le défaut d'entretien d'un ouvrage d'art isolé, le Ministère de l'Equipement a déféré les jugements rendus dans les trois affaires à la censure du Conseil d'Etat.

    Le Médiateur avait envisagé de demander à l'Administration de renoncer à son appel. Mais il s'est avéré que ce n'était pas possible, le ministère évoquant dans ses conclusions une question de principe, sur laquelle il entend que le Conseil d'Etat se prononce.

    Il s'agit donc bien en l'espèce d'un recours formé pour faire dire le droit sur une question de principe et - apparemment - sans malveillance aucune envers la partie adverse.

    Mais l'équité commanderait que, même si l'Administration obtenait totalement gain de cause devant le Conseil d'Etat, elle ne réclame pas aux propriétaires intéressés la totalité des sommes qu'ils seraient amenés à lui rembourser après les avoir perçues, et déjà dépensées en honoraires d'avocats... C'est dans cette optique, où le souci de l'équité balance la légitimité des motifs qui ont conduit l'Administration à prolonger la procédure, que le Médiateur poursuivra son intervention après le prononcé de la sentence du Conseil d'Etat.

    III - DIFFICULTES NEES EN-COURS D'INSTANCE.


    Les difficultés qu'un administré peut rencontrer pendant le déroulement d'une procédure juridictionnelle ont naturellement des causes, et présentent des aspects multiples et variés.

    Mais dans l'exécution de sa mission, et en raison même de la nature de cette mission, le Médiateur n'est conduit à affronter ces difficultés que sous deux de leurs espèces, d'importance d'ailleurs inégale pour ce qui le regarde :
    1. Les plus importantes résultent des lenteurs de la procédure, et, essentiellement, des lenteurs dues à l'administration engagée dans l'instance, car on sait que le Médiateur ne s'occupe des procès entre personnes privées que de façon marginale.
    2. Toutefois il s'en occupe, car il entre dans sa compétence de veiller à la bonne exécution du service public de la Justice, que l'Administration soit ou non partie au procès.

    D'où une seconde espèce de difficultés à examiner : celles qui ont ou auraient pour source l'attitude critiquable de toute personne participant à l'exécution de ce service : magistrats, auxiliaires de justice, avocats, officiers publics et ministériels, experts, conseils juridiques.

    1. Les lenteurs de procédure.

    a) Les lenteurs dues à l'Administration.

    On a vu au II ci-avant (affaire V 2561) que l'Administration engagée dans une instance contre un particulier pouvait y faire preuve d'une telle inertie, que le juge administratif se trouve contraint de lui faire application des dispositions de l'article 9 de la loi modifiée du 22 juillet 1899.

    C'est le lieu de rappeler qu'aux termes de cet article, " Le Président du Tribunal Administratif adresse une mise en demeure à l'Administration ou à la partie qui n'a pas observé le délai qui lui est imparti (pour déposer son mémoire) en exécution de l'article 6 ; en cas de force majeure, un nouveau et dernier délai peut être accordé. Si la mise en demeure reste sans effet ou si le dernier délai assigné n'est pas observé, le tribunal statue. Dans ce cas, si c'est le demandeur qui n'a pas respecté le délai, il est réputé s'être désisté ; si c'est la partie défenderesse, elle sera réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans le recours ".

    Telles sont les armes données au juge pour " secouer " l'inertie de l'Administration, et la sanction que celle-ci encourt lorsqu'elle pousse cette inertie, comme dans l'affaire évoquée, jusqu'à ses dernières limites.

    Mais le malheur veut que les manifestations de cette inertie soient nombreuses, et conduisent parfois la justice administrative dans une impasse, ainsi qu'il ressort d'une lettre récemment adressée au Médiateur par le Président d'un Tribunal Administratif.

    Ce magistrat expose que tous les tribunaux administratifs dans le ressort desquels sont établis des services de recouvrement de la redevance R.T.F. ont été saisis, en 1976, de recours formés par des agents de l'ancien O.R.T.F., intégrés d'office dans des corps " latéraux " des services extérieurs du Trésor.

    Or, le tribunal qu'il préside n'a pu obtenir aucun mémoire en défense de l'administration - en l'occurrence le Ministère du Budget - malgré la mise en jeu de tous les moyens de procédure dont il dispose (cf. ci-dessus). En particulier, la dernière mise en demeure a été faite en janvier 1977, sans aucun succès.

    La difficulté essentielle tient à ce que ces recours, tous semblables dans leur argumentation, tendent à des reconstitutions de carrière : il est donc impossible de statuer sur le simple vu des requêtes, car le seul effet des mises en demeure est de réputer les faits constants, " ce qui n'avance à rien ". Pour apprécier les droits prétendus des requérants à un reclassement, il serait indispensable de connaître la position du ministre, et en particulier les notes obtenues par les intéressés.

    Cet état de fait, dure depuis plus de dix-huit mois, et le tribunal en cause reçoit des lettres de requérants qui s'étonnent de n'avoir aucune nouvelle de l'instruction de recours déposés il y a deux ans et plus : le Président de ce tribunal n'hésite pas à en faire porter la responsabilité par le Ministère du Budget qui, sachant que les mises en demeure ne conduisent à rien dans ce type de litige, et que les tribunaux administratifs sont tellement surchargés qu'ils jugent les affaires dans un délai moyen de trois ans, " profiterait de la situation pour bloquer les instructions ".

    Pour sortir de cette situation, le magistrat propose des suggestions se situant sur deux plans différents :

    a) Le Médiateur devrait intervenir auprès de l'Administration pour recommander l'envoi des défenses devant les tribunaux administratifs. - C'est ce qu'il fait déjà, chaque fois qu'il en a l'occasion, mais nécessairement de façon sporadique : le Médiateur n'a pas le pouvoir réglementaire, et c'est au Gouvernement qu'il appartiendrait d'émettre en ce domaine des directives de portée générale.

    b) Les tribunaux administratifs, lorsqu'ils sont saisis, comme en l'espèce, de recours identiques, dispersent leurs efforts ; des échanges multiples de correspondance en découlent, et des jugements contradictoires risquent d'intervenir : " bref, la juridiction administrative dans son ensemble perd du temps, gaspille l'argent public, et petit donner l'image d'une institution inefficace ".

    Le remède à cette situation serait dans l'instauration d'un mécanisme qui permettrait aux présidents de tribunaux administratifs, lorsqu'ils sont saisis de requêtes multiples et éparpillées mais ayant même objet au fond (en bref formant " séries ", dans la langue des tribunaux), de demander au Conseil d'Etat de désigner un seul tribunal (celui de Paris, déjà surchargé, étant exclu) pour connaître de tous les dossiers d'une même " série ", nonobstant les règles de la compétence territoriale. Le magistrat ajoute que la " série " qu'il a évoquée est loin d'être la seule qui accable actuellement la juridiction administrative.

    Le Médiateur estime parfaitement valable cette suggestion, qui pourrait faire l'objet d'une de ses " propositions de réforme ".

    A ces considérations générales sur le problème des lenteurs devant la justice administrative (voir aussi à ce sujet le rapport de 1975, pp. 123 à 126 (Les lenteurs des procédures juridictionnelles)), il paraît opportun d'ajouter l'analyse d'un cas concret.
    - Affaire II 240 :
    En 1972 et 1973, une entreprise avait passé des marchés avec un office public d'H.L.M. en vue de la construction de logements.

    Cette construction ayant subi des retards, que l'entreprise imputait à l'inexécution des clauses du marché par l'office, la dite entreprise en saisissait le tribunal administratif qui décidait, en décembre 1977, la résiliation des marchés aux torts et griefs de l'office, et ordonnait une expertise afin de permettre le règlement des comptes.

    Ce jugement était peu après déféré par l'office à la censure du Conseil d'Etat.

    Mais cette procédure d'appel risquant de durer pendant de longs mois, et de causer par-là de graves préjudices à une petite entreprise, dépourvue de moyens de trésorerie importants, le Médiateur est intervenu auprès du Conseil d'Etat ; il en a reçu l'assurance que la haute juridiction s'efforcerait de se prononcer dans les meilleurs délais.

    Cette affaire illustre la volonté du Médiateur d'aider au raccourcissement des procédures administratives, dût-il s'adresser pour cela au plus haut niveau.

    Elle offre aussi un exemple des difficultés qui peuvent résulter d'un recours de l'administration contre une première décision défavorable : ce recours est peut-être fondé, mais il peut mettre la partie privée dans une situation difficile.

    Enfin, il est un secteur de la justice administrative où les lenteurs de la procédure sont monnaie courante depuis de nombreuses années, et portent des conséquences particulièrement graves : c'est celui des tribunaux des pensions.

    La réforme du contentieux des pensions a, de longtemps aussi, préoccupé le Médiateur. Une première proposition d'ensemble, fondée sur l'étude menée par un membre du Conseil d'Etat, a tourné court : lors des sessions d'arbitrage qui se sont tenues en 1977 sous l'égide du Premier Ministre, il a été seulement décidé d'élargir les conditions de recrutement des juges des pensions, et la loi, votée en 1978, qui concrétise certaines propositions de réforme du Médiateur, a sanctionné ces décisions.

    Mais l'essentiel - c'est-à-dire la réforme de structure des juridictions de pensions - reste à faire : bien que la tâche s'avère plus difficile qu'il n'y paraissait initialement, le Médiateur ne perd pas de vue cet important problème.

    b) Les lenteurs des expertises

    Ce problème a fait l'objet d'un examen d'ensemble dans le rapport du Médiateur pour 1977 (pp. 69 à 72).

    On ne l'évoquera donc ici que pour signaler qu'en dépit des textes intervenus en la matière (décret du 17 décembre 1973 sur la réforme de l'expertise, décret du 12 septembre 1974 améliorant les mesures d'instruction devant les juridictions prud'homales), le nombre de réclamations dénonçant au Médiateur la durée excessive de certaines mesures d'instruction n'a pas sensiblement décru.

    Cette durée peut même dépasser l'imagination quand on constate, comme dans l'affaire V 1447, qu'une expertise relative à la gestion des biens d'une internée, ordonnée en 1971 par un jugement de grande instance confirmé en appel un an plus tard, n'a pas reçu à ce jour le moindre commencement d'exécution.

    2. L'exécution défectueuse du service public de la justice

    L'instruction des réclamations dirigées contre une personne appartenant à telle ou telle catégorie d"'agents" chargés de ce service (des magistrats aux conseils juridiques) se révèle le plus souvent fort délicate.

    D'une part, en effet, beaucoup de ces réclamations apparaissent dictées par la seule amertume, et ne contiennent aucun élément susceptible d'étayer une accusation précise. D'autre part, il est évident que l'honorabilité des magistrats, comme celle des membres des professions judiciaires, se présume.

    Il arrive toutefois, que, sans que cette honorabilité soit en rien mise en cause, une erreur, sinon une faute, puisse être reprochée à l'une de ces personnes.

    L'affaire analysée ci-après en offre un exemple ; mais elle témoigne aussi d'un certain désordre dans l'évolution d'une réglementation, lequel ne saurait évidemment être imputé à une personne déterminée...
    - Affaire IV 2114 :
    Le réclamant avait été en 1974 condamné pour complicité de banqueroute à une amende de 1000 F, et, solidairement avec le principal coupable et un autre prévenu, au paiement de frais de justice très élevés.

    L'un des co-condamnés ayant bénéficié d'une amnistie, il restait solidairement débiteur avec l'autre - auteur principal du délit - d'une somme d'environ 110 000 F.

    L'insolvabilité présumée de son codébiteur l'a amené alors à solliciter du Ministère du Budget, qui a soumis cette demande au Conseil d'Etat, la remise de la solidarité, sous réserve du paiement de sa quote-part, proposition conforme à un avis antérieur du Procureur de la République.

    Mais, à la suite d'une intervention auprès du Garde des sceaux, ce même procureur a, quelques mois après, émis un avis contraire au précédent.

    Or, à l'époque, la réglementation en vigueur disposait que l'autorité compétente pour prendre la décision sur une demande en remise de frais de justice était tenue par l'avis du Ministère Public. Le second avis ayant annulé le premier, il n'était, donc plus possible au Ministère du Budget d'accorder dans cette affaire la remise sollicitée, d'autant que le Conseil d'Etat, informé de l'incident, avait estimé que compte tenu des circonstances de l'affaire et de la situation matérielle du débiteur, il n'y avait pas lieu d'accorder cette remise.

    Et bien que l'autorité habilitée à statuer sur les demandes de remise des frais de justice ne soit plus, maintenant, liée par l'avis du ministère public (décret n° 76-1030 du 10 novembre 1976 modifiant en ce sens le décret n° 72-1037 du 17 novembre 1972), il n'a pas semblé possible au Ministère du Budget de revenir sur sa décision de rejet.

    Le régime de la solidarité est à l'heure actuelle fixé par la loi n° 75-624 du 11 juillet 1975. En particulier, la solidarité peut être prononcée pour les amendes et frais de justice à l'encontre d'un prévenu qui s'est entouré de coauteurs ou de complices insolvables - mais il faut pour cela une décision spéciale et motivée du tribunal.

    Mais ces dispositions ne s'appliquant qu'aux décisions de justice rendues définitivement après le 31 décembre 1975, l'intéressé ne pouvait, non plus, s'en prévaloir.

    Finalement, le réclamant a commencé à s'acquitter de sa dette. Son co-condamné ayant fait de même, il a semblé opportun au Ministère du Budget de limiter, dans l'immédiat, le recouvrement des sommes dues à la quote-part de l'intéressé.

    Cette affaire donne d'abord l'occasion de déplorer l'attitude du représentant du ministère public qui, à quelques mois de distance, a donné sur une même question deux avis diamétralement opposés.

    Il faut regretter aussi l'évolution désordonnée d'une réglementation qui, en un peu plus de quatre ans, règle, de façons elles aussi diamétralement opposées, la question de la valeur de l'avis du ministère public sur les demandes de remise de frais de justice.

    En revanche, on notera avec satisfaction l'extrême bonne volonté manifestée dans cette affaire par les services du Ministère du Budget (9692. – 3).

    Outre la difficulté d'instruire celles des réclamations de ce genre qui peuvent l'être, il faut noter que, dans biens des cas, le Médiateur se verra contraint de décliner dès l'abord toute compétence :
    - Affaire IV 1449 :
    Le réclamant se plaignait d'avoir été débouté par un tribunal de l'action qu'il avait intenté pour malfaçons contre le maître d'ouvrage chargé de construire sa maison.

    Il faisait valoir que le cours de la procédure aurait été, sinon vicié, du moins influencé par le " poids " de ce maître d'ouvrage - une importante société de construction.

    Mais aucun organisme ou agent public n'étant mis en cause par la réclamation, le Médiateur n'a pu que déclarer celle-ci irrecevable.

    IV - DIFFICULTES NEES APRES LA CLOTURE DE L'INSTANCE PAR JUGEMENT


    D'après le contenu des réclamations reçues en ce domaine par le Médiateur, ces difficultés se répartissent en deux grandes catégories :
    1. Les réclamations les plus nombreuses continuent à poser le problème de l'exécution des décisions de justice par l'Administration - c'est-à-dire, dans bien des cas encore, celui de leur inexécution.

    Ce dernier aspect du problème, illustré par des exemples dans chacun des rapports du Médiateur, a fait l'objet dans le précédent d'une revue des moyens actuellement affectés à la lutte contre cette forme de mésadministration (rapport de 1977, pp. 54 à 56).

    On ne présentera ici que quelques nouveaux exemples, mais significatifs en ce qu'ils soulèvent les questions concrètes que pose, ou même risquera de poser dans l'avenir, l'exécution d'une décision de justice : quelles sont, par exemple, les obligations qui résultent, pour l'Administration, de l'annulation définitive d'une décision de refus (et l'on verra que, selon le cas, ces obligations peuvent sensiblement différer) ? - Comment interpréter la portée de certaines annulations, notamment à l'égard des tiers ? - Comment, enfin, éviter les conséquences dommageables que pourrait avoir, dans certains contextes, le maintien de l'annulation par la juridiction de recours ?
    2. La deuxième catégorie soulève un problème qui n'aurait sans doute jamais revêtu une telle ampleur, si les compléments apportés à l'article 11 de la loi du 3 janvier 1973 par celle du 24 décembre 1976 n'étaient venus donner au Médiateur, sinon plus de pouvoirs, du moins davantage de possibilités d'action dans les affaires ayant fait l'objet d'une procédure juridictionnelle.

    Il s'agit plus précisément de savoir si, et par quels moyens, il est possible de corriger les effets manifestement contraires à l'équité d'une décision de justice définitive, donc devenue inattaquable par les voies de droit.

    Il ne faut pas se dissimuler les implications juridiques du problème étudié : la loi de 1973 interdisait au Médiateur de " remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle " ; la loi de 1976 ajoute qu'il a, ce nonobstant, " la faculté de faire des recommandations à l'organisme mis en cause ".

    Mais quel pourra être le contenu de ces recommandations ? S'il s'agit de réparer, en équité, les conséquences de la décision, l'Administration sera invitée à octroyer à l'Administré ce à quoi plus rien ne l'oblige - Je le veux bien, répondra-t-elle souvent, mais sur quel budget ? : là encore, on constate que le système d'indemnisation proposé par le Médiateur dans son rapport de 1977 apporte la seule solution possible dans de tels cas.

    Mais bien plus, si la réparation demandée est assise sur une critique des fondements juridiques de la décision en cause, le Médiateur ne risque-t-il pas, alors, de se voir reprocher une sorte d"'abus d'équité " - comme il existe des " abus de droit " - fondé, il est vrai, sur la nécessité de choisir entre les deux dispositions légales ci-dessus rappelées, et apparemment contradictoires ?

    On retrouve, une fois de plus, l'ambiguïté des rapports entre le Médiateur et le Juge Gouverné par l'équité, le premier ne peut aller contre la souveraineté de décision du second. Mais il est, comme on le verra, des situations où l'équité commande.

    1. Exécution ou inexécution des décisions de justice par l'Administration
    - Affaire III 2890 :
    Le tribunal administratif avait annulé un refus implicite d'autorisation de lotissement, et une décision de sursis à statuer prise par le Préfet à l'encontre du requérant.

    Celui-ci demanda alors l'exécution du jugement, en faisant valoir que l'annulation par le juge administratif de décisions dont il contestait la légalité obligeait l'administration à lui donner immédiatement l'autorisation de lotissement sollicitée.

    Mais cette interprétation était erronée : une jurisprudence constante du Conseil d'Etat dispose que l'annulation contentieuse d'une décision de rejet ne rend pas pour autant le demandeur titulaire d'une autorisation, même tacite ; elle oblige simplement l'Administration à procéder à une nouvelle instruction de la demande, et, selon les prolongements récents de la même jurisprudence, cette nouvelle instruction sera faite en fonction de la situation de fait et de droit existant à la date à laquelle elle sera amenée à se prononcer de nouveau (cf. Conseil d'Etat, sections, 7 décembre 1973).

    Or, entre temps, la création d'une zone d'aménagement différé et la publication d'un plan d'occupation des sols classant le terrain de l'intéressé en zone non constructible, avaient rendu inexécutable le projet primitif de lotissement.

    Dans ces conditions, le Médiateur a conseillé à l'intéressé de se pourvoir en indemnisation des préjudices subis devant le tribunal administratif.
    - Affaire IV 1220 :
    Deux viticulteurs se plaignaient de l'inexécution d'un jugement du tribunal administratif, annulant des décisions du Ministère de l'Agriculture qui leur avaient refusé l'autorisation de transférer leur " droit de replantation ".

    Le Médiateur a fait remarquer que si l'annulation contentieuse d'une décision de refus n'oblige pas automatiquement l'Administration à accorder ce qu'elle avait refusé (cf. l'affaire précédente), les motifs du jugement rendu en l'espèce étaient rédigés de telle sorte qu'ils impliquaient nécessairement la délivrance de l'autorisation sollicitée.

    Le Médiateur poursuit l'instruction de cette affaire. Le Ministère de l'Agriculture a accepté d'exécuter pleinement le jugement d'annulation ; mais le Ministère du Budget a élevé de nouveaux obstacles à cette solution.
    - Affaire V 2561 (déjà citée aux II et III précédents).
    La décision d'une Commission de remembrement faisait grief aux réclamants en ce que l'équivalence en valeur de productivité réelle de leurs apports n'avait pas été respectée.

    Cette décision a été portée devant un tribunal administratif, qui l'a annulée, puis devant le Conseil d'Etat, qui vient de confirmer l'annulation.

    Bien qu'il soit de jurisprudence constante que l'annulation, au profit d'un propriétaire, d'une opération de remembrement peut entraîner la remise en cause de droits acquis par des tiers, les intéressés - vraisemblablement mal informés – ont interprété cette annulation comme leur donnant simplement droit à indemnité. Ils ont pensé en effet que ses répercussions sur l'ensemble du remembrement leur paraissant inimaginables, ils se trouvaient finalement avoir perdu l'attribution litigieuse, " sans qu'elle soit remplacée par autre chose ".

    Le Médiateur vient de demander aux réclamants s'ils désirent, ou non, obtenir l'exécution " normale " du jugement, avec toutes ses conséquences sur les droits des tiers. Cette affaire - particulièrement instructive – pose donc ici deux problèmes supplémentaires :

    D'abord celui, mentionné plus haut, de l'information des justiciables sur les conséquences exactes de l'annulation contentieuse des décisions qui leur ont fait grief. Comme on l'a vu pour les affaires précédentes, la matière est vaste, et l'information à donner passablement nuancée : il semble pourtant au Médiateur qu'un tel effort d'information devrait être entrepris ; il serait d'ailleurs dans la ligne de celui qui est en cours à propos des forclusions et prescriptions (cf. ci-avant III).

    Mais on peut se demander aussi pourquoi la Commission de remembrement en cause n'a pas statué de nouveau sur la réclamation des intéressés, et, cette fois, en assurant l'exécution correcte des sentences qui ont annulé sa première décision. On trouve ici le rare exemple de l'inexécution d'une décision juridictionnelle par un organisme juridictionnel…
    - Affaire II 267 :
    Une pharmacienne demande le transfert de son officine, qui lui est refusé par arrêté préfectoral.

    Bien qu'un tribunal administratif ait annulé cet arrêté pour motivation insuffisante, un second arrêté rejette de nouveau la demande ; mieux encore, un troisième accorde à un autre pharmacien une licence de création d'officine à l'endroit même où la réclamante souhaitait transporter la sienne…

    L'intéressée s'est naturellement pourvue en excès de pouvoir contre ces deux dernières décisions du Préfet. Mais, si elles venaient a être annulées, et si la décision du tribunal administratif tardait trop, l'exécution de la chose jugée risquerait de se heurter à d'insurmontables difficultés : une autre officine aurait peut-être été déjà ouverte, et la situation de ce fait serait, finalement et de toutes façons, préjudiciable à la réclamante.

    Le Médiateur a, en conséquence, demandé au Président du tribunal administratif compétent de hâter l'examen de la cause dans toute la mesure du possible.

    2. Interventions du Médiateur après chose jugée
    - Affaire III 2727 :
    Le litige repose sur l'interprétation à donner à certaines dispositions du décret du 20 janvier 1950, qui a institué la coordination entre le régime général de l'assurance vieillesse et le régime spécial applicable aux militaires de carrière.

    En effet, la Caisse nationale d'assurance vieillesse a généralisé l'application de ce texte à tous les assurés ayant appartenu successivement à un régime spécial - le régime militaire pour l'intéressé – et au régime général, sans faire la distinction entre ceux qui comptent moins de quinze ans et ceux qui comptent plus de quinze ans d'affiliation à ce dernier régime.

    Aux termes de l'art. 3, alinéa, 3, paragraphe 2 du décret en question, " le régime général des assurances sociales sert à l'intéressé une fraction de la pension d'affiliation au dit régime, par rapport à l'ensemble des périodes d'affiliation à l'un ou l'autre régime prises en compte pour l'ouverture du droit à la dite pension ".

    Il faut rappeler à ce propos que les conditions requises par la Sécurité Sociale pour prétendre à une pension de vieillesse impliquent une durée de cotisations d'au moins quinze ans : il est donc clair que l'on ne doit faire appel à plusieurs régimes que s'il en est dans lesquels le minimum de quinze ans n'a pas été atteint, et que l'on ne totalise que les périodes inférieures à ce minimum.

    En outre la disposition précitée du décret de 1950, en utilisant les termes " pour l'ouverture du droit à pension ", limite explicitement la portée du texte, lequel ne peut viser que les assurés n'ayant pu totaliser, au moment de la liquidation de leur pension, les quinze ans exigés par le régime général.

    A ces assurés, le système de coordination prévu par le décret offre alors la possibilité de bénéficier quand même d'une pension de vieillesse si leurs différentes périodes de cotisations au titre des divers régimes forment un total d'au moins quinze ans.

    Mais pour les autres, qui, comme le réclamant, justifient de plus de quinze ans d'affiliation au régime général, l'application qu'a faite du texte la Caisse nationale d'assurance vieillesse entraîne des conséquences contraires à l'équité, et même à la simple logique.

    Pour ces assurés en effet, il ne s'agit pas d"'ouverture de droits ", mais de " droits acquis" par plus de quinze ans de cotisations, droits qui demandent à être honorés et garantis. Il est donc normal que les intéressés désirent voir prendre en compte la totalité de la période pendant laquelle ils ont cotisé au régime général, et se refusent à bénéficier d'une pension réduite par l'application d'un décret qui, en réalité, ne les concernait pas.

    Ainsi, non seulement le réclamant ne touche aucune pension à titre militaire qui aurait pu se cumuler avec sa retraite du régime général, mais encore voit-il cette dernière affectée d'une réduction établie en fonction du régime spécial militaire, qui ne lui apporte aucun avantage...

    Cette affaire a été portée au contentieux, et le réclamant a obtenu satisfaction devant la Commission de première instance de la Sécurité Sociale. Le directeur régional de la Sécurité Sociale, sur la base d'une interprétation erronée des textes, a fait appel : la Cour l'a débouté. Il s'est pourvu en cassation. La Cour de Cassation a cassé ces décisions, et la Cour de renvoi a rendu son arrêt dans le sens indiqué par la Cour Suprême, en ordonnant le reversement des sommes prétendument perçues à tort par le réclamant.

    Quoi qu'il en soit de ces décisions, cette affaire montre qu'un texte, élaboré à l'origine dans l'intérêt des assurés, peut à la suite d'une interprétation extensive, porter finalement préjudice à certains d'entre eux.

    Devant cette situation, le Médiateur se demande à quelle autorité il pourrait être fait appel pour que l'équité l'emporte finalement sur une interprétation abusive des textes. Il a proposé au ministère compétent qu'à tout le moins, le réclamant soit dispensé de reverser les sommes dites indues, en admettant que les décisions successives rendues en sa faveur lui créaient à l'époque un droit moral à considérer ces sommes comme des revenus légitimes, et donc à les dépenser, jusqu'au jour où est intervenu l'arrêt de la Cour de Cassation...

    Cette proposition, qui peut apparaître comme une véritable hérésie juridique, montre à quel point peut être préoccupant, pour le Médiateur, le conflit entre l'équité et le droit dont il a été question ci-avant, face à la " chose inéquitablement jugée ".

    D'autres décisions de justice, à la fois mal fondées en droit et en équité, ont également fait l'objet d'interventions du Médiateur. Ainsi de l'affaire IV 2975, où l'interprétation trop stricte, par une Cour d'Appel, du règlement intérieur modèle des Caisses d'allocations familiales, a abouti à retirer aux parents d'une élève de l'enseignement secondaire, qui travaillait comme ouvreuse de cinéma pendant les fins de semaine, le bénéfice des prestations familiales pour la période pendant laquelle leur enfant exerçait cette activité annexe.

    Mais il est heureusement des cas où, le conflit entre l'équité et le droit étant moins accusé, la position du Médiateur s'en trouve renforcée. Ainsi, par exemple, lorsqu'une erreur commise par l'administré dans le choix de la voie juridictionnelle à suivre a abouti à un arrêt de la juridiction supérieure défavorable à l'intéressé, mais sans que cette juridiction ait statué sur le fond (affaire IV 2862).

    V – CONCLUSION : LINEGALITE GENERALE DE SITUATION ENTRE L'ADMINISTRATION ET L'ADMINISTRE AVANT, PENDANT ET APRES LES PROCEDURES JURIDICTIONNELLES.


    De tout ce qui précède, plusieurs conclusions peuvent être dégagées. Mais la principale apparaît être celle-ci : le recours aux procédures juridictionnelles, comme en général l'utilisation de la voie contentieuse, portent trop souvent la marque d'une inégalité difficilement admissible entre l'Administration et les administrés.

    Cette inégalité résulte d'abord de l'inégale importance des charges que représente le coût d'une procédure pour l'Administration et les administrés. Ce coût est toujours lourd pour un particulier, et bien souvent constitue pour lui un dissuasif puissant. Mais pour l'Administration, il n'est que marginal, et même le plus souvent, elle n'en a pas la notion... De toute façon la charge contentieuse est faible par rapport au budget d'ensemble des services.

    Cet état de choses peut, naturellement, recevoir diverses explications, dont certaines ont été mentionnées plus haut. Mais la plus évidente, et la plus immédiate, est que l'agent public n'est pas astreint aux mêmes contraintes de temps, d'argent, et aussi pourrait-on dire, de soumission envers la justice et ses décisions que le simple administré.

    Ainsi les services du contentieux de notre Administration peuvent-ils, sans troubles excessifs de conscience, entraîner l'administré dans des procédures abusives, dédaigner de répondre aux mises en demeure des tribunaux, et traiter d'assez haut les décisions de ceux-ci.

    L'appétit contentieux de l'Administration - parfois fort proche, à plus d'un égard, de la mauvaise foi - a atteint des sommets dans l'affaire III 2296, déjà mentionnée au rapport de 1977 (p, 15), comme ayant fait l'objet de la première " injonction " du Médiateur.

    A la suite d'une expropriation de terrains détournés de leur destination sociale, sous l'effet de certaines pressions, par l'organisme expropriant, cette affaire a en effet donné lieu, depuis 1952, à deux procédures judiciaires extrêmement longues et complexes, dont la seconde vient seulement de s'achever.

    La première, engagée à partir d'une demande en rétrocession des terrains expropriés, ne s'achève qu'en 1970, après cassation et renvoi devant une Cour qui déclare cette rétrocession impossible et ouvre aux requérants la voie de la réparation indemnitaire.

    La seconde procédure engagée de ce chef conduit à deux arrêts d'appel qui donnent pleine satisfaction aux intéressés.

    Mais l'Administration défère ces décisions à la censure de la Cour de Cassation, laquelle confirme la première et vient tout récemment de confirmer la seconde.

    Et la même Administration ne se contente pas de la voie judiciaire : se voyant condamnée, elle avait, par deux fois, opposé à la demande la prescription quadriennale des créances contre les personnes publiques, soutenant qu'en l'espèce, le régime applicable à cette prescription était, non le régime institué par la loi du 31 décembre 1968, mais régime antérieur, qui donne compétence en la matière aux tribunaux administratifs.

    Bien que battue sur ce point, et par les derniers arrêts de Cour d'Appel, et par un jugement de grande instance ultérieur, elle n'en élève pas moins le conflit, de sorte que l'affaire fait l'objet d'une troisième procédure devant le Tribunal des conflits, lequel, une nouvelle fois, donne raison aux requérants, en tranchant en faveur de la compétence de la juridiction judiciaire. Il faut ajouter qu'une quatrième procédure avait dû être engagée par les intéressés, par précaution, auprès de la juridiction administrative...

    Il paraît difficile de faire mieux dans l'utilisation exhaustive des moyens de chicane, d'autant que l'Administration n'a pas oublié d'évoquer en l'espèce le décret de 1793 dont il a été question ci-avant, et qui exige des créanciers du Trésor la fourniture d'une caution lorsqu'une instance en cassation est engagée...

    Les mesures qui permettraient de supprimer ces véritables privilèges de l'Administration en matière contentieuse, notamment en ce qui concerne les appels abusifs, feront naturellement l'objet de suggestions à la section B ci-après. Mais déjà on peut dire que l'aménagement des procédures d'indemnisation à l'amiable (cf. plus haut II) réduirait la tendance de nos administrations à " faire du contentieux ", et par conséquent le domaine des inégalités dénoncées.

    SECTION B - LES PROPOSITIONS DU MEDIATEUR


    Un certain nombre de propositions qui, aux yeux du Médiateur, seraient de nature à améliorer la situation de l'administré dans le domaine des procédures préjuridictionnelles et juridictionnelles ont été présentées ou esquissées à la section précédente.

    Il a paru utile de les récapituler ci-après en les précisant le cas échéant, Naturellement, cette récapitulation se fera dans l'ordre des rubriques qui divisent la section A. :

    I - EN MATIERE D'ABUS DE DROIT COMMIS PAR L'ADMINISTRATION DANS L'UTILISATION DES VOIES D'EXECUTION PREJUDICTIONNELLES.


    - Le Médiateur estime nécessaire qu'une directive générale prescrive à tous les services d'ajuster plus précisément la nature et la portée des voies d'exécution choisies à l'importance des créances à recouvrer, ainsi qu'à la situation personnelle des débiteurs, et aux garanties d'ordre moral qu'ils peuvent présenter ;

    - Par ailleurs il devrait être prescrit à l'administration fiscale de ne faire jouer la solidarité qu'après épuisement des voies d'exécution contre le codébiteur défaillant.

    II - EN MATIERE DE DIFFICULTES LIEES A L'INTRODUCTION DE L'INSTANCE.


    1. Obstacles à l'action en justice de l'Administré

    a) Problèmes de l'aide judiciaire.

    - Sans préjudice des récentes mesures tendant à diminuer le " coût de la justice ", le Médiateur suggère un système de rehaussement automatique des plafonds de ressources, assis sur un ensemble d"' indicateurs " choisi de manière à écarter toute possibilité d'attribution indue de l'aide judiciaire, ou sur le barème de l'impôt sur le revenu en fonction du quotient familial ;
    - Il suggère également que soient exclues des ressources plafonnées les prestations compensatoires et pensions alimentaires versées aux divorcés ;
    - Enfin, l'attribution exclusive aux parquets du droit de faire appel des décisions de refus soulève - au moins - une question de fait, évidemment liée à celle du plafond de ressources ;

    A ces suggestions, il conviendra peut-être d'ajouter celles qui ont été rapportées dans un récent article de presse (" Le Monde " du 7 octobre 1978) : extension du bénéfice de l'aide judiciaire à toutes les instances et à tous les stades des procédures, y compris au niveau des consultations préalables à l'engagement d'une instance, nouvelles modalités de financement de l'aide judiciaire, etc. - bien que la question n'en soit encore qu'au niveau européen (cf. résolution du Comité des ministres du Conseil de l'Europe, n° 78-8 du 2 mars 1978).

    Le Médiateur se mettra en rapport avec le Ministre de la Justice afin de discuter tous les aspects de cet important problème.

    b) Forclusions et prescriptions

    Les mesures contenues dans la proposition de réforme " synergie 7 du Médiateur ", doivent être reprises et élargies, et leur application poursuivie énergiquement.
    - En ce qui concerne l'amélioration de l'information du public, les mesures mises à l'étude ou en cours d'exécution à la suite de la proposition ci-dessus rappelée sont nombreuses et importantes :
    - Est envisagée une action générale d'information sur les forclusions et prescriptions, avec utilisation de tous les moyens (médias et supports) de porter cette action à la connaissance du plus large public. Une information spécifique sera en outre conçue, afin de toucher certaines catégories de ce public. Simultanément, le Conseil d'Etat poursuivra l'action d'information qu'il a entrepris dans le domaine de la justice administrative ;
    - Toutes les administrations, et les greffes de toutes les juridictions, tant administratives que judiciaires, seront invités à mentionner, dans la notification des décisions qui ne donnent pas totale satisfaction au demandeur, le délai avant l'expiration duquel il faut se pourvoir en cas de contestation, et, le cas échéant, la procédure particulière à suivre ;
    - La date de première présentation d'une lettre recommandée avec avis de réception - qui constitue le point de départ du délai de recours chaque fois qu'une notification est exigée - devra figurer clairement sur l'enveloppe dans tous les cas où un avis de passage sera laissé parce que le destinataire était absent. Une mention sera même portée sur cet avis de passage, avertissant le destinataire que la lettre qui l'attend peut contenir l'annonce d'un délai courant contre lui.

    L'Administration des Postes a déjà mis à l'essai le modèle des nouveaux avis de passage.

    On pourrait également étudier l'utilisation par l'Administration d'un modèle d'imprimé spécifique, dans tous les cas d'envoi d'une lettre recommandée faisant courir un délai.
    - En ce qui concerne la possibilité, pour l'administré ou le justiciable, d'échapper à la forclusion ou d'en être relevé, les mesures envisagées - qui s'ajoutent d'ailleurs à une évolution ancienne et constante de la jurisprudence vers la réduction du nombre des fins de non-recevoir pour cause de forclusion - apparaissent nettement moins générales :
    - Une disposition réglementaire devrait stipuler que lorsque les délais de recours contre des décisions juridictionnelles sont inférieurs à deux mois, ils ne seront opposables qu'à condition d'avoir été mentionnés dans la notification ;
    - Une autre disposition réglementaire donnerait au juge le pouvoir de décider que la forclusion n'est pas encourue ou que le requérant peut en être relevé, toutes les fois que la tardiveté du recours formé contre une décision implicite de rejet prise par l'Administration apparaîtra imputable à celle-ci.

    On voit qu'il resterait beaucoup à faire. On serait en tout cas encore loin de la mise en place du " système d'excuses " évoqué à la section A précédente.
    - Quant aux mesures tendant à l'amélioration du régime des délais de forclusion et de prescription, et qui devraient faciliter elles aussi l'action en justice de l'administré (Il est rappelé à ce sujet (cf. Section A) que l'amélioration de ce régime devrait concerner tous les délais - qu'ils soient de nature administrative aussi bien que de nature juridictionnelle - dont l'expiration risque de faire perdre un droit à l'administré, en quelque matière que ce soit) elles sont les suivantes :
    - Les administrations ont déjà été invitées à faire l'inventaire des délais inférieurs à deux mois, avec une proposition motivée de maintenir ou de supprimer ces exceptions au délai " de droit commun ", qui devrait être de deux mois.

    Cet inventaire et ces propositions font actuellement l'objet d'un examen conjoint par le Médiateur et les administrations intéressées ;
    - Le Médiateur avait suggéré qu'une disposition législative établisse, au profit des débiteurs des personnes publiques, une prescription quadriennale comparable à celle qui est instituée, au profit des personnes publiques créancières, par la loi du 31 décembre 1968 - à moins qu'il n'existe une prescription particulière instituée par un texte ;

    Après discussion, il semble que l'on s'oriente plutôt, pour les créances autres que fiscales, vers un abandon du régime de la prescription quadriennale, tel qu'il est fixé par la loi de 1968.

    Le Médiateur se rallierait à toute solution qui rétablirait la symétrie de droit entre Administration et administré en ce domaine.
    - Une autre disposition unifierait les délais de prescription des titres de perception établis par les comptables des impôts, qu'il s'agisse de droits indirects ou d'impôts directs. Le délai serait pour tous de quatre ans ;
    - Une dernière disposition, reprise dans la loi du 17 juillet 1978 (texte qui concrétise, notamment, une vingtaine de propositions de réforme du Médiateur), a établi, en matière de prescription, une parfaite symétrie des droits et obligations de l'administré et des Caisses dans le domaine de la Sécurité Sociale.

    2. L'Administré condamné à ester (cf. également section A, V - CONCLUSION)


    Il faut, en l'aménageant comme indiqué à la section A, poursuivre l'instauration d'un système permettant une réparation plus rapide et plus complète des préjudices subis par les administrés, (cf. pages 25 à 40 du rapport du Médiateur pour 1977).

    L'amélioration des procédures de règlement amiable ne manquera pas, en effet, de réduire l'appétit de contentieux de nos administrations, et donnera peut-être à leurs responsables la mentalité commune, qui préfère un arrangement à un long procès.

    3. L'Administré entraîné dans une procédure destinée à faire dire le droit.


    Il faudrait qu'à défaut de tout autre moyen de faire dire le droit sur une question de principe, l'Administration soit tenue de rembourser l'administré des frais qu'a entraînés pour lui une action au contentieux, et cela quel que soit le résultat de cette action.

    III – DIFFICULTES NEES EN-COURS D'INSTANCE


    a) Lenteurs de procédure dues à l'Administration
    - Il est inacceptable que l'Administration puisse bloquer le fonctionnement de la justice en ne produisant pas ses mémoires en défense ou le ralentir abusivement en tardant à les présenter. Le Médiateur demande que de telles pratiques soient interdites et, s'il y a lieu, sévèrement sanctionnées ;

    - Le Médiateur élaborera une proposition de réforme tendant à ce que, lorsque plusieurs tribunaux administratifs sont saisis de causes similaires formant " série ", l'un d'entre eux soit désigné par le Conseil d'Etat pour traiter toutes ces causes, nonobstant les règles de la compétence territoriale ;

    - Il maintient sa proposition de réforme du contentieux des pensions pour mettre fin aux délais excessifs de la procédure actuelle.

    b) Lenteurs des expertises
    Il faut poursuivre et accentuer l'effort entrepris pour réduire la durée des mesures d'instruction (cf. rapport de 1977, pp. 69 à 72)

    c) Vers l'instauration de procédures d'urgence devant la juridiction administrative.
    Les conflits relatifs aux opérations de remembrement peuvent être portés devant trois degrés de juridictions (commissions départementales de remembrement, tribunal administratif, Conseil d'Etat).

    Il en résulte que lorsque ces voies de recours sont épuisées, ce qui ne peut avoir lieu qu'après plusieurs années, il est extrêmement difficile de revenir sur des opérations d'attribution de lots, de bornage, etc…, réalisées depuis longtemps (cf. affaire V 2561, citée à la Section A).

    Le Médiateur propose en conséquence que la possibilité d'instaurer en la matière une procédure d'urgence devant la juridiction administrative soit examinée au plus tôt. En outre, les recours formés devant cette juridiction devraient suspendre l'exécution, par les commissions locales et départementales, des opérations de remembrement contestées.

    IV – DIFFICULTES NEES APRES LA CLOTURE DE L'INSTANCE PAR JUGEMENT



    1. Exécution des décisions de justice par l'Administration

    Il faudra naturellement utiliser à plein les moyens affectés à la lutte contre l'inexécution des décisions de justice par l'Administration, tels qu'ils ont été énumérés et décrits par le Médiateur dans son rapport de 1977 (pp. 54 à 56) (Ces moyens sont les suivants : l'attribution par la juridiction administrative de dommages-intérêts dans les cas les plus scandaleux d'inexécution ; l'action de la commission du Rapport du Conseil d'Etat ; l'exercice par le Médiateur de son pouvoir d'injonction ; - quant au projet de loi sur les astreintes en matière administrative, il a été adopté par le Sénat en troisième lecture, mais l'Assemblée Nationale n'a pu encore en débattre définitivement).

    Pour sa part, le Médiateur compte faire un usage prudent, mais plus fréquent, du pouvoir d'injonction qui lui a été donné par la loi du 24 décembre 1976.

    -Il convient d'engager, avec le concours du Conseil d'Etat, une action destinée à informer les justiciables des conséquences concrètes des décisions d'annulation rendues à leur profit. Cette action pourra s'inscrire dans la ligne de l'effort général entrepris en matière de forclusions et prescriptions.


    2. Interventions du Médiateur après chose jugée

    - Il doit être admis qu'une décision rendue conformément au droit, mais dont les conséquences blessent manifestement l'équité, n'interdit nullement un geste de libéralité envers l'administré qui a succombé. Somme toute, ce serait peut-être là le seul cas où l'Administration ne serait pas tenue d'exécuter strictement les décisions de justice qui la concernent...

    - Pour que ce geste ne se heurte pas à des impossibilités budgétaires, il faudra faire entrer les situations de l'espèce dans le champ d'application des mesures destinées à faciliter les règlements amiables, mentionnées à plusieurs reprises dans les pages qui précèdent.

    Retour au sommaire de l'année 1978
    Retour au sommaire des rapports