Année 1977


BILAN PAR MINISTERE


PREMIER MINISTRE

SECTION 1
Les problèmes généraux concernant l'ensemble
des départements ministériels



1. Les problèmes soulevés par l'application abusive du principe de non-rétroactivité de la règle de droit.

a) Ces problèmes avaient déjà été exposés dans le rapport de 1975 (pp. 93 à 97). Ils ont fait également l'objet d'un abondant commentaire au rapport de 1976 (pp. 49 à 63).

Ce dernier commentaire reprenait les considérations développées en 1975, analysait les conclusions de l'étude demandée au Conseil d'Etat sur le sujet, décrivait enfin en détail, au titre des " mesures d'exploitation ", la proposition de réforme " Synergie 5 ", destinée à faire céder l'application de la règle de non-rétroactivité dans un domaine limité : essentiellement celui des pensions de vieillesse de la Sécurité Sociale.

Rappelons que les mesures de rétroactivité suggérées dans cette proposition portaient sur les matières suivantes :
1. Durée d'assurance à prendre en compte pour le calcul des pensions de vieillesse du régime général ;
2. Prise en compte des dix meilleures années d'activité pour le calcul du salaire moyen intervenant dans la détermination de la pension ;
3. Majoration de la durée d'assurance en faveur des mères de famille ;
4. Suppression de la condition de " stage " pour l'ouverture du droit à pension de vieillesse ;
5. Choix de leur régime d'affiliation pour l'assurance maladie par les titulaires de pensions de vieillesse relevant de régimes différents ;
6. Situation des tributaires du code des pensions civiles et militaires de retraite qui ont quitté le service sans droit à pension.

Cette synergie 5 a reçu un accueil de principe favorable de la part du Ministre chargé de la Sécurité Sociale. Mais celui-ci n'a pas manqué de faire valoir le coût élevé des mesures proposées, et la difficulté de les mettre en oeuvre dans la situation financière que connaît actuellement le régime général.

Il faut noter toutefois que la première des mesures suggérées, à savoir la revalorisation forfaitaire des pensions de vieillesse liquidées avant l'entrée en vigueur (1er janvier 1975) du maximum actuel de durée d'assurance à prendre en compte pour le calcul des pensions (37 ans et demi ou 150 trimestres), a été en grande partie satisfaite, puisque trois revalorisations successives ont porté les pensions liquidées jusqu'au 31 décembre 1972 à un taux correspondant à l'application de la durée maximale d'assurance prévue pour 1972, soit 136 trimestres.

b) Mais il y a plus grave que cet insuccès relatif de la première " synergie " lancée par le Médiateur en ce domaine :

D'abord l'Administration continue à parler de " principe ", de non-rétroactivité de la règle de droit alors que le Conseil d'Etat, dans son étude ci-dessus rappelée, avait fortement insisté sur le fait que ce principe n'a pas d'application hors du domaine de la loi pénale.

Cette observation peut paraître de pure forme, mais on sait que bien souvent " les mots obligent "...

Ensuite, l'Administration n'a pas compris la position du Médiateur, pourtant clairement exposée dans ses deux derniers rapports.

On croit que le Médiateur est parti en guerre, sans nuances, contre la non-rétroactivité des textes partout où elle se rencontre : cela est inexact.

A la vérité - et il l'a dit - il n'a jamais été question pour le Médiateur de méconnaître les obstacles, et notamment ceux d'ordre financier, qui pouvaient s'opposer à la rétroactivité d'une loi ou d'un règlement.

Mais ce qui crée, au fond, ces obstacles, c'est le nombre plus ou moins important des personnes qui bénéficieraient de la rétroactivité - comparé d'ailleurs au nombre plus ou moins grand des bénéficiaires immédiats et futurs du texte.

Et c'est pourquoi, dans son rapport de 1975, le Médiateur avait tenté un effort de clarification, en distinguant trois " cas de figure " :
- petit nombre des bénéficiaires " immédiats " par rapport à celui des exclus ;
- nombre sensiblement égal des bénéficiaires et des exclus ;
- petit nombre des exclus par rapport à celui des bénéficiaires immédiats.

Or même dans la seconde hypothèse, où l'obstacle financier est a priori considérable, on a vu le Gouvernement et le Parlement porter un coup sérieux (cf. ci-dessus) à la non-rétroactivité des textes pris pour la réforme de l'assurance vieillesse.

Mais la troisième hypothèse, où pourtant aucun argument d'ordre budgétaire ne peut être sérieusement avancé, s'est trouvée encore illustrée cette année par d'incompréhensibles refus d'accepter la rétroactivité - refus opposés ou inspirés, naturellement, par l'administration des finances.

On aboutit ainsi à des situations inéquitables.

c) Dans ces conditions, le Médiateur est décidé à poursuivre sur de nouvelles bases son effort contre l'application abusive de la règle de non-rétroactivité.

Ces bases seront les suivantes :

- Faire des propositions précises et limitées portant sur les situations les plus choquantes ;
- Obtenir des administrations qu'elles chiffrent, au moins approximativement, le coût de la rétroactivité des textes, notamment en matière sociale - ce qui permettrait, comme dans le domaine des pensions de vieillesse, de proposer des améliorations forfaitaires, conduisant dans le temps à l'égalité des droits des " anciens " et des " nouveaux " ;
- Plus généralement, dresser un véritable catalogue, où les mesures de rétroactivité jugées souhaitables seraient classées suivant l'ordre d'" iniquité décroissante " des textes à rendre rétroactifs, et en tenant compte :
- du coût budgétaire net de la mesure envisagée ;
- de son coût administratif, résultant de la nécessité de réexaminer des situations anciennes ;
- du fait qu'il y a deux espèces de rétroactivité possibles : l'une, intégrale, dans laquelle les situations anciennes sont révisées en remontant à la date de création des droits de leurs titulaires ; l'autre, partielle, qui accorde les avantages nouveaux prévus par le texte à ces mêmes titulaires de situations anciennes, mais seulement pour maintenant et pour l'avenir, c'est-à-dire à compter de la date d'effet de ce texte.

Le Médiateur ne cache pas sa préférence pour cette seconde forme de rétroactivité, moins équitable certes, mais assurément moins coûteuse que la première : en un mot, beaucoup plus praticable.

2. Les problèmes soulevés par les forclusions et prescriptions.

Comme les précédents, ces problèmes ont déjà fait l'objet d'un examen approfondi dans le rapport de 1976 (pp. 64 à 99). Y était notamment analysée, dans le plus grand détail, l'étude menée par le Conseil d'Etat sur le sujet à la demande du Médiateur, et les conclusions, en forme de propositions, de cette étude se trouvaient intégralement reproduites (pp. 95 et 96).

Le Médiateur avait un moment songé à exploiter ces conclusions par la voie de négociations " bilatérales " avec chacun des départements ministériels concernés.

Mais cette procédure est apparue trop fragmentaire - donc trop lente - et à la demande du Secrétariat Général du Gouvernement, les conclusions du Conseil d'Etat ont fourni le thème d'une proposition de réforme du Médiateur (" synergie " n° 7) qui a été adressée dans le courant de l'été 1977 à tous les ministres et secrétaires d'Etat.

On trouvera ci-après le texte des propositions formulées dans cette synergie :

a - L'amélioration de l'information du public en matière de forclusion et prescriptions.

1° - Il est suggéré en ce domaine de mettre au point un programme d'information du public sur les raisons d'être des forclusions et des prescriptions et sur les principaux délais en vigueur (Rapport du Médiateur pour 1976, pp. 70 et 71).

En dehors de l'action que poursuit le Conseil d'Etat, l'effort d'information du public pourrait porter :

- sur la généralisation des errements déjà suivis par certaines administrations, dont notamment le Ministère de l'Equipement, qui font apparaître clairement dans leurs décisions l'existence de voies de recours et des délais dans lesquels les contestations doivent être formées. Cet effort doit être développé, et pourrait s'étendre à toutes les décisions administratives qui s'insèrent dans une procédure organisée et font - l'objet d'une présentation " standardisée " : tous les formulaires administratifs comme les lettres de notification des décisions juridictionnelles devraient désormais faire apparaître ces mentions (cf. Rapport de 1976, pp. 78-79 et ci-après, II, suggestion n° 2) ;

- sur les problèmes soulevés par les notifications faites par lettre recommandée (Rapport de 1976, p. 79 et ci-après, II, suggestion n° 3).

En définitive, le Médiateur ne peut qu'inviter le Gouvernement à prendre dès que possible les mesures nécessaires afin que soient définis :

- Le contenu du programme général d'information du public en matière de forclusions et de prescriptions ;

- Les moyens (médias et supports) de porter ce programme à la connaissance du plus large public ;

- Le cas échéant, le contenu d'une information plus spécifique, qui serait destinée à certaines catégories de ce public.

b - La limitation du nombre des forclusions.

Il est suggéré à cet effet :

2° - De recommander par voie d'instructions à toutes les administrations et aux greffes des juridictions qui ne le font pas encore de mentionner dans la notification des décisions, le délai avant l'expiration duquel il faut se pourvoir en cas de contestation, et, le cas échéant, la procédure particulière à suivre (cf. à ce sujet Rapport du Médiateur pour 1976, pp. 78-79, 86-87 et 88).

3° - Que la date de première présentation d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception - qui constitue le point de départ du délai de recours chaque fois qu'une notification est exigée - figure clairement sur l'enveloppe dans tous les cas où un avis de passage est laissé parce que le destinataire était absent (Rapport de 1976,p. 79).

4° - De prescrire à toutes les administrations de faire l'inventaire des délais inférieurs à deux mois et d'en faire parvenir le résultat à la Commission du rapport et des études du Conseil d'Etat, avec une proposition motivée de maintenir ou de supprimer les dispositions qui instituent ces exceptions au délai de droit commun de deux mois (Rapport de 1976, pp. 82-83).

5° - De prendre une disposition réglementaire selon laquelle lorsque les délais de recours contre des décisions juridictionnelles sont inférieurs à deux mois, ils ne seront opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés dans la notification (Rapport de 1976, pp. 83.).

6° - D'élaborer une disposition réglementaire permettant au juge administratif de décider que le délai de recours n'a pas couru lorsque l'intervention d'une décision implicite de rejet n'a pu être décelée du fait de l'administration (Rapport de 1976, p. 77).

Le mécanisme des recours contre les décisions implicites de rejet est généralement ignoré des administrés, sur lesquels il fait planer des menaces de forclusion non négligeables.

La disposition projetée donnerait au juge le pouvoir de décider que la forclusion n'est pas encourue ou que le requérant peut en être relevé, toutes les fois que la tardiveté du recours contre la décision implicite serait imputable au fait de l'administration.

7° - Dans le domaine dit " périfiscal " (Rapport de 1976, pp. 87-88)

- de procéder au recensement des textes relatifs à divers prélèvements obligatoires (taxes diverses, redevances, etc.) pour lesquels le renvoi au régime des contributions directes est formulé par le législateur ou l'autorité réglementaire ;

- de prendre une mesure de caractère général fixant, et harmonisant , dans ces hypothèses, les règles de procédure et de délai à suivre par les redevables qui veulent former un recours ;

- de réviser dans le même sens le décret du 24 août 1961 modifié relatif aux taxes parafiscales.

c - L'amélioration du régime des prescriptions.

Les suggestions suivantes sont présentées en ce domaine :

8° - Prendre une disposition législative établissant au profit des débiteurs des personnes publiques une prescription quadriennale comparable à celle dont bénéficient les personnes publiques en vertu de la loi du 31 décembre 1968, dans tous les cas où il n'existe pas une prescription particulière instituée par un texte (Rapport de 1976, pp. 88 à 93).

Le Médiateur n'a cessé de dénoncer le caractère inégalitaire de la situation faite à l'administré face à certaines prérogatives injustifiables de la puissance publique. Aussi insiste-t-il pour que la disposition projetée soit élaborée au plus tôt et soumise sans délai au Parlement.

9° - Élaborer une disposition législative réduisant de 10 à 4 ans le délai de prescription des titres de perception établis par les comptables de la Direction Générale des Impôts, notamment en matière de TVA et de droits indirects (Rapport de 1976, p. 92).

Il s'agit d'une de ces prescriptions particulières qui, dans notre droit, " divergent " de part et d'autre de la prescription quadriennale : la prescription en question ne paraît justifiée par aucune considération spécifique, et rien ne semble s'opposer à ce que soit instituée en ce domaine la même prescription de quatre ans que pour les créanciers d'impôts directs.

10° - Reprendre, à l'occasion de la révision en cours du Code Général des Impôts, la rédaction des textes relatifs aux délais de réclamation et de prescription (Rapport de 1976, p. 93).

11° - Instituer, par la modification des articles L 395 et L 465 du Code de la Sécurité Sociale, une prescription de deux ans à l'encontre des Caisses de Sécurité Sociale, en matière de prestations d'assurance maladie ou d'accidents du travail et de maladies professionnelles, conformément à ce que ces mêmes articles imposent déjà aux ayants droit, et étendre cette règle à tous les régimes autre que le régime général (Rapport de 1976, pp. 94-95).

En ces deux matières, l'action de l'assuré - ou de la victime de ses ayants droit - se prescrit par deux ans. En revanche l'action des Caisses en répétition de l'indu se prescrit par 30 ans - délai du droit commun.

Rien ne justifie ces discordances et leur disparition a été elle aussi, demandée à plusieurs reprises par le Médiateur (notamment dans sa proposition de réforme n° STR 76-19, relative aux délais en matière de Sécurité Sociale).

Seules certaines de ces propositions ont été examinées lors des réunions d'arbitrage tenues au Secrétariat Général du Gouvernement en septembre et octobre 1977 (cf. ci-après section 2).

- C'est ainsi que le Ministère de l'Economie et des Finances a accepté de réduire à 4 ans les délais de prescription existant en matière de T.V.A., droits d'enregistrement et droits indirects (proposition n° 9).

Ces dispositions, qui auront pour contrepartie un alignement des pouvoirs des comptables des Impôts sur ceux du Trésor, seront incluses dans le " code de procédure fiscale " actuellement en préparation au Ministère, et qui devait être déposé devant le Parlement au cours de sa session d'automne.

- Le même Ministère, afin de donner suite à la proposition du Conseil de réduire à 5 ans toutes les prescriptions supérieures à ce délai (cf. Rapport de 1975, p. 91 : l'idée de cette réduction figure dans le corps de l'étude du Conseil, mais n'est pas reprise dans les propositions finales), va étudier le problème des créances non fiscales, pour lesquelles la prescription trentenaire du Code Civil existe encore.

- Quant à la proposition n° 11 (alignement des délais en matière de Sécurité Sociale), elle a été amplement satisfaite à la suite des discussions qui ont porté sur une autre proposition de réforme ponctuelle celle-là, relative à la matière (cf. ci-après, section 2).

- Par ailleurs, il faut noter que la proposition n° 3 (mentions à porter sur les avis de passage relatifs aux lettres recommandées) a reçu très vite l'accord du Ministre chargé des Postes et Télécommunications ; celui-ci a fait élaborer des documents qui devraient donner toute satisfaction.

L'essentiel reste évidemment à faire. Mais il est important qu'à la réunion d'arbitrage où a été évoquée la proposition SYN 7, il ait été décidé :

- que le Premier Ministre adresserait à toutes les administrations concernées l'étude du Conseil d'Etat faite à la demande du Médiateur (cette étude est évidemment beaucoup plus explicite que la proposition de réforme SYN 7, où l'on se contentait de renvoyer à l'analyse de l'étude faite dans le rapport de 1976) ;

- que les conditions d'application des conclusions de cette étude seraient examinées au cours d'une nouvelle réunion tenue au Secrétariat Général du Gouvernement.

Que le Premier Ministre ait ainsi décidé de prendre à son compte ces très importantes questions ne peut que réjouir le Médiateur, qui était certes beaucoup moins bien armé pour le faire.

3 - Les problèmes de l'information des administrés.

Dans ses deux précédents rapports (1975, pp. 86 et suivantes, 1976, pp. 111 et suivantes), le Médiateur s'est efforcé de donner des problèmes de l'information des administrés - et, plus généralement, de la communication administrative - une vue aussi cohérente et aussi complète que possible.

Il n'y a pas, semble-t-il, à revenir sur ces considérations, théoriques certes, mais qui seules pourraient servir de base à une politique de l'information administrative de suffisante ampleur.

En ce qui concerne la propre action du Médiateur en ce domaine, le rapport de 1976 (pp. 118 à 136) mentionnait les initiatives suivantes :

a) Information des assurés sociaux sur l'accès à la retraite.

Le texte (pp. 118 à 128) présentait une analyse complète du contenu de la proposition de réforme " synergie n° 2 " consacrée à ce sujet.

La proposition de réforme en question a reçu de tous ses destinataires un accueil particulièrement favorable. Mais, comme on vient de le dire, et comme le rapport de 1976 le soulignait déjà, une concertation s'impose avec les responsables des principaux régimes de retraite : le Médiateur s'efforce de la hâter.

b) Information des ressortissants du Code des pensions civiles et militaires de retraite en ce qui concerne la majoration de pension pour enfants à laquelle ils peuvent avoir droit.

Le problème, posé dans la proposition de réforme " FIN 76-15 ", et mentionné pp. 128 et 129 du Rapport de 1976, a sensiblement évolué depuis la discussion de cette proposition lors des réunions d'arbitrage tenues au Secrétariat Général du Gouvernement (ci-après, section 2). Les points suivants semblent aujourd'hui acquis :

- L'information donnée aux fonctionnaires qui n'ont pas encore pris leur retraite apparaît acceptable, sous réserve d'une nouvelle rédaction du chapitre consacré aux majorations pour enfants dans le livret remis aux agents qui vont quitter le service ;

- Quant à l'information des agents qui sont déjà à la retraite, jusqu'ici inexistante, elle sera assurée suivant des modalités à étudier, mais qui en tout état de cause devront être " légères " : donc pas d'envoi de documents volumineux, mais par exemple des " annonces " utilisant divers médias.

Le Médiateur suit, et suivra naturellement de très près la mise en oeuvre de ces décisions.

En revanche, l'attribution automatique de la majoration pour enfants - souhaitée par le Médiateur, et par le Ministre de l'Intérieur - a paru excéder les possibilités techniques de certaines administrations, et surtout réveiller les craintes que leur inspire toute simplification tant soit peu radicale...

c) Amélioration de l'information des demandeurs de permis de construire (rapport de 1976, pp. 129 et 130).

Dans une proposition de réforme (EQ 76-8) adressée au Ministre de l'Equipement, le Médiateur avait demandé que soit étudiée une nouvelle rédaction de l'accusé de réception de la demande d'un permis de construire, de manière à faire apparaître la possibilité de retrait d'un permis tacite dans les délais du recours contentieux, et à mettre le demandeur en garde contre les risques qu'il courrait à se prévaloir prématurément d'un tel permis - par exemple en commençant immédiatement ses travaux.

Le Ministère a élaboré et diffusé un nouvel imprimé à la suite de cette proposition. Mais le texte ne fait que souligner l'" intérêt ", pour le demandeur, de prendre contact avec les services de l'Equipement avant d'user de son permis tacite - ce qui paraît bien faible, car pour éviter toute équivoque, c'est une recommandation expresse qui devrait être faite à l'intéressé de prendre contact avec les services, de manière à lui rendre évidents les risques encourus.

Le Ministère a promis d'en tenir compte dans la rédaction de l'imprimé en question, qui doit être revu à brève échéance.

Plus généralement, les mesures récemment annoncées par le Ministère de l'Equipement : installation de services de " consultations administratives et juridiques ", demande simplifiée de permis de construire pour les " aménagements sommaires ", délivrance immédiate de certaines autorisations par des " services guichets "... devraient améliorer sensiblement l'information des administrés dans l'ensemble du domaine du permis de construire.

d) Amélioration de l'information des administrés en matière d'expropriation (rapport de 1976, pp. 130 à 132, relatives à la proposition de réforme " Synergie 1 ").

Les problèmes que posait l'insuffisante information des expropriés (quant au déroulement de la phase judiciaire de l'expropriation et quant au régime fiscal de l'indemnité d'expropriation) sont maintenant en passe d'être résolus, par les modifications qui vont être apportées à un certain nombre d'imprimés, mais aussi de textes. Un groupe de travail interministériel, animé par le Médiateur, a été chargé de cette tâche, qui devait être achevée à la fin de 1977.

Mais la proposition de réforme " Synergie 1 " soulevait aussi d'autres problèmes, qu'une étroite collaboration avec les départements ministériels concernés (Justice et Equipement) a permis de résoudre, si bien qu'un accord général sur le contenu de cette proposition s'est trouvé consacré lors des réunions d'arbitrage tenues au Secrétariat Général du Gouvernement.

On reviendra sur l'ensemble de ces problèmes à la section 3 du présent chapitre, où le " point " sera fait sur les différentes " synergies " élaborées par le Médiateur.

4 - Le problème de l'inexécution des décisions de justice :

L'année 1977 a elle aussi apporté son lot d'affaires où était en cause l'attitude de l'Administration devant l'exécution des décisions de justice rendues contre elle.

Cependant, la lutte contre l'inexécution de ces décisions se poursuit ; de nouveaux moyens lui ont même été affectés :

a) Les intérêts moratoires

Depuis longtemps, le Conseil d'Etat a pris pour règle de sanctionner les cas les plus scandaleux d'inexécution par des dommages intérêts distincts des simples intérêts de retard. Mais, comme le fait remarquer le doyen VEDEL (" Le Monde " du 6 mai 1977), encore faut-il que cette condamnation annexe soit elle-même exécutée.

b) L'action de la " Commission du Rapport " du Conseil d'Etat.

Le décret du 30 juillet 1963 (art. 58) et celui du 28 janvier 1969 (art. 6) ont ouvert aux ministres la faculté de demander au Conseil d'Etat d'éclairer l'Administration sur les modalités d'exécution d'une décision ou d'un jugement.

Malheureusement, le nombre de ces demandes d'éclaircissement est resté jusqu'ici très faible, ce qui est d'autant plus étonnant que parmi les excuses les plus fréquemment avancées par l'Administration à propos de l'inexécution d'un jugement figure en bonne place la difficulté de choisir les mesures propres à assurer l'exécution de la sentence...

Mais l'objet principal du décret de 1963 était évidemment de permettre aux justiciables de saisir la Commission du rapport de l'inexécution des décisions de la juridiction administrative rendues à leur bénéfice.

Lorsqu'on étudie les documents émanant de cette commission, on relève deux remarques à peu près constantes :

- Les justiciables se heurteraient moins à une volonté délibérée de l'Administration de refuser l'exécution de la chose jugée, qu'à l'inertie, à la négligence, parfois à l'ignorance des services.

- L'exécution des décisions juridictionnelles présente souvent pour l'Administration de réelles difficultés.

Il n'en demeure pas moins que l'action de la Commission du Rapport s'est révélée efficace puisque, pour ne citer qu'un chiffre, 170 mesures d'exécution, sur un total de 364 réclamations, étaient intervenues entre l'entrée en vigueur du décret du 30 juillet 1963 et le 15 septembre 1975.

c) Le pouvoir d'injonction du Médiateur.

On a vu (1re partie, A, " Bilan chiffré ") que la loi du 24 décembre 1976 avait ajouté à l'art. 11 de la loi du 3 janvier 1973 un alinéa ainsi conçu :

" (Le Médiateur) peut en outre, en cas d'inexécution d'une décision de justice passée en force de chose jugée, enjoindre à l'organisme mis en cause de s'y conformer dans un délai qu'il fixe. Si cette injonction n'est pas suivie d'effet, l'inexécution de la décision de justice fait l'objet d'un rapport spécial présenté dans les conditions prévues à l'art. 14 et publié au Journal Officiel ".

On a vu aussi que le Médiateur n'avait usé qu'une fois jusqu'ici de son pouvoir d'injonction, mais qu'il était bien décidé à la faire chaque fois que cela lui paraîtrait nécessaire.

Certes, comme le disait le rapport de 1976 (p. 29), ce n'est pas une tâche facile pour le Médiateur que l'usage de ce nouveau pouvoir. Mais on ne saurait pour autant partager le pessimisme du doyen VEDEL (loc. cit.) lorsqu'il affirme que " la résistance de l'administration à l'injonction n'a d'autre conséquence que sa mention dans un rapport spécial du Médiateur publié au Journal Officiel, qui, hélas ! en a vu bien d'autres ".

En effet, le rapport du Médiateur est publié au Journal Officiel ; mais il est aussi adressé au Président de la République et au Parlement : il paraît difficile de lui faire une publicité plus autorisée...

Sans compter la volonté du Médiateur, et l'indépendance de sa position, qui peuvent elles aussi faire leur effet, surtout si l'opinion publique en est saisie.

d) Le projet de loi sur les astreintes.

Le projet de loi soumis au Parlement sous le n° 2936 et adopté par le Sénat, comporte deux dispositions principales :

- Il permet au Conseil d'Etat, sur requête de la partie intéressée, de prononcer des astreintes à l'encontre de la personne publique qui n'exécute pas, ou n'exécute que partiellement ou tardivement, la décision d'une juridiction administrative.

Toutefois, il faut noter que le prononcé de l'astreinte n'appartient qu'au seul Conseil d'Etat. Par ailleurs, le bénéfice de l'astreinte ne profite pas dans sa totalité au justiciable lésé : la partie qui dépasse la réparation légitime de la victime ira donc à un Fonds spécial (Fonds d'action locale).

- Il rend les agents responsables du retard ou de l'inexécution, justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière. Celle-ci peut prononcer des amendes équivalant au traitement annuel brut du fonctionnaire incriminé.

Comme le projet de loi n° 3229, dont il sera question à la section 2 ci-après, ce projet n'a malheureusement pu être discuté au cours de la législature qui vient de s'achever.

SECTION 2
L'action du Premier Ministre
en matière de réformes proposées par le Médiateur



1 - Comme on l'a mentionné dans la 1re partie du présent rapport (A, section 1 : Bilan chiffré), l'année 1977 a vu pour la première fois le Premier Ministre intervenir dans les modalités d'examen et la suite à donner aux propositions de réforme élaborées par le Médiateur.

Cette intervention, on l'a également signalé, a son origine dans les mesures adoptées par le Conseil des Ministres du 11 mai 1977, " en vue de permettre une exploitation des propositions de réforme faites par le Médiateur dans son rapport pour 1976 ". Dans la pratique, nombre des propositions qui ont ultérieurement été soumises à la procédure décidée par le Conseil ne figuraient pas au rapport de 1976, et beaucoup n'avaient été élaborées qu'en 1977.

Les mesures adoptées peuvent se résumer ainsi :

1. Les Ministres et Secrétaires d'Etat étaient invités à achever l'instruction des propositions de réforme avant le 15 juillet 1977 ;

2. A cette date, ils devaient adresser au Secrétariat Général du Gouvernement deux listes : celle des propositions ayant recueilli leur accord ; celle des propositions auxquelles ils ne pensaient pas pouvoir donner suite, en indiquant les motifs de leur refus ;

3. Des réunions devaient être tenues, soit pour obtenir que le Ministre principalement intéressé revienne sur une décision négative, soit pour arbitrer d'éventuels désaccords entre départements ministériels concernés par une même affaire.

4. " Afin d'en souligner la commune inspiration et d'en accroître l'impact auprès du public, les textes législatifs élaborés par le ministère compétent sur la base des propositions retenues seront regroupés dans un projet de loi unique qui pourrait être déposé devant le Parlement au cours de la session d'automne ".

La lettre par laquelle le Premier Ministre rappelait ainsi aux Ministres et Secrétaires d'Etat les décisions du Conseil du 11 mai 1977 se terminait par les deux alinéas suivants :

" Je voudrais enfin appeler votre attention sur l'intérêt qui s'attache à ce que les propositions du Médiateur reçoivent une suite et puissent ainsi contribuer à l'illustration de la politique engagée par le Gouvernement en vue d'améliorer les relations entre l'administration et le public ".

" Je vous demande en dernier lieu de veiller personnellement à ce que soit réelle et suivie la collaboration entre vos services et ceux du Médiateur, collaboration nécessaire tant à la qualité des propositions qu'à celle des réponses qui pourront y être apportées ".

Ainsi l'action réformatrice du Médiateur, " officialisée " par l'art. 9 in fine de la loi n° 76.1211 du 24 décembre 1976 complétant celle du 3 janvier 1973, a-t-elle reçu en 1977 un appui dont on ne saurait sous-estimer la portée.

D'abord parce que les propositions de réforme du Médiateur voient ainsi consacrées, et par la plus haute autorité gouvernementale, leur importance ainsi que l'urgence de leur donner suite.

Ensuite parce que des procédures ont été instituées, qui permettent leur examen exhaustif, et leur adoption ou leur rejet finals dans les meilleures conditions d'objectivité. - On peut d'ailleurs espérer que ces procédures seront reconduites au-delà de l'année 1977.

Enfin, parce qu'il est important qu'un texte unique regroupe tout ce qu'il y a de législatif dans les propositions du Médiateur : le Parlement et l'opinion ne peuvent manquer d'être frappés de cette consécration de son rôle.

2 - On a pu lire également au bilan de la 1re partie les résultats chiffrés des arbitrages rendus par le Premier Ministre.

On a appris à cette occasion qu'une vingtaine de dispositions législatives émanant du Médiateur figuraient dans le projet de loi " portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'Administration et le public " déposé devant l'Assemblée Nationale le 18 novembre 1977 sous le numéro 3229.

Voici une brève analyse de ces dispositions ; elles ont pour objet :

En matière de service national :

- D'assouplir les conditions d'exemption du service national des fils ou frères des militaires décédés au cours ou des suites de l'accomplissement de ce service (Art. premier et 2 du projet de loi) ;

- De permettre la validation pour la retraite des services effectués dans les armées alliées, pendant les deux grandes guerres, par des militaires étrangers naturalisés français ultérieurement, dans les mêmes conditions que pour les Français de naissance (Art. 3).

En matière de pensions militaires d'invalidité.

D'autoriser le versement de la majoration de pension de veuve de guerre, en cas de carence de la titulaire, à la personne qui assure effectivement la charge des enfants (Art. 5) ;

- D'élargir le recrutement des tribunaux des pensions, mesure législative préalable aux dispositions à prendre pour accélérer la procédure contentieuse en ce domaine (Art. 6 et 7) ;

- De permettre aux réformés militaires du contingent, bénéficiaires de l'indemnité de soins, de racheter, en recourant à l'assurance volontaire vieillesse du régime général de la Sécurité Sociale, les cotisations correspondant à la période pendant laquelle ils ont été dans l'impossibilité de travailler (Art. 8 à 11).

En matière de Sécurité Sociale.

- De mettre en symétrie les droits des organismes de Sécurité Sociale et ceux des assurés, en alignant à deux ans les délais de prescription dont les premiers disposent pour le recouvrement des prestations, et cela dans un certain nombre de domaines : assurance maladie, accidents du travail, trop-perçus en matière de prestations de vieillesse et d'allocation supplémentaire du Fonds National de Solidarité. Les nouvelles mesures sont rendues applicables au régime de la mutualité sociale agricole et au régime spécial d'assurances sociales d'Alsace-Lorraine (Art. 12 à 19) ;

- D'introduire dans le code des pensions de retraite des marins une disposition instituant le partage de la pension de réversion entre la veuve et l'ex-épouse divorcée, au prorata de la durée de chaque mariage. - Cette mesure est prise en application de la loi n° 75-617 du 11 juillet 1975 qui a remanié la législation du divorce (Art. 20). L'application de cette loi à tous les " régimes spéciaux " - pour lesquels cette matière ne relève pas de la loi - sera poursuivie d'autre part.

En matière de travail et de main-d'oeuvre :

- De permettre au salarié licencié de refuser le paiement en une seule fois de l'indemnité de délai-congé s'il peut en résulter une surimposition à l'impôt sur le revenu du fait de la progressivité de cet impôt (Art. 24).

- Dans le même esprit, des mesures administratives ont été prises pour pallier les conséquences fiscales de la mensualisation du paiement des pensions.

En matière fiscale et financière :

- De permettre à l'administration fiscale de dégrever d'office, dans un délai (4 à 6 ans) sensiblement plus long que par le passé, les personnes qui auront été indûment imposées à la contribution foncière (Art. 25).

- D'obliger la juridiction répressive saisie d'une action tendant à la condamnation d'une personne en application de l'une des dispositions du Code Général des Impôts prévoyant des sanctions pénales, à statuer sur le prononcé et la durée de la mesure prévue à l'article 50 de la loi n° 52-401 du 14 avril 1952 (Art. 26).

(Cette mesure exclut du droit d'obtenir des marchés publics les entreprises dans lesquelles une personne, condamnée en application d'une des dispositions ci-dessus mentionnées du Code des Impôts, occupe une situation de dirigeant ou d'associé).

3 - La juxtaposition d'articles concernant des sujets aussi divers peut assurément donner l'impression d'un assemblage hétéroclite de dispositions ponctuelles, sans commune mesure avec l'ampleur des difficultés auxquelles se heurtent les administrés.

Mais, en premier lieu, le Médiateur ne choisit pas ses sujets de réforme ; ils lui sont imposés par les réclamations qui lui parviennent : c'est ce qui fait la vertu concrète de son activité réformatrice, mais c'est aussi ce qui tend à en limiter l'ampleur.

Ensuite, les disparates constatées cachent une organisation. C'est ainsi que les articles du projet de loi peuvent se répartir en deux groupes :

- ceux qui répondent à la volonté du Médiateur de promouvoir l'équité, et d'abord dans la loi (articles 2 à 4, 7 à 10, 22) ;

- ceux qui constituent la première application d'un principe que le Médiateur n'a cessé de rappeler, celui de la symétrie des droits et obligations respectifs des administrations et des administrés.

On dit couramment que le droit administratif est inégalitaire par essence. Le Médiateur estime que ce principe est trop souvent appliqué abusivement : il ne peut légitimement jouer que lorsque - et dans la mesure où - l'exercice de prérogatives de puissance publique le rend nécessaire.

Il est par contre inacceptable lorsqu'il conduit à des dissymétries que rien ne justifie. C'est le cas notamment en matière de forclusions et de prescriptions.

Les articles 11 à 19 tendent à rétablir cette symétrie dans les relations des assurés avec les régimes de Sécurité Sociale. Il s'agit de mettre fin à une situation inégalitaire qui heurte à juste titre les administrés. Le Médiateur a décidé de s'attaquer à de telles situations chaque fois que les doléances qui lui sont transmises lui en montreront la survivance.

Notons toutefois qu'il peut y avoir des symétries dangereuses pour l'administré : la mesure concernant les mutations cadastrales (article 25) procède de cette constatation. En cas d'erreur d'imposition à la taxe foncière le contribuable imposé à tort ne pouvait réclamer le remboursement de l'impôt que pendant le délai de 2 ans pendant lequel l'administration pouvait exercer son " droit de reprise " sur le véritable contribuable, même si le paiement indu s'était prolongé pendant un plus grand nombre d'années. L'article 25 met fin à cette " symétrie " anormale en dissociant les deux aspects de ce problème fiscal.

Enfin les dispositions retenues dans la loi ne sont bien souvent que le couronnement d'un édifice de règles (40 décrets et arrêtés, sans compter les instructions, circulaires, etc.) dont l'ensemble seul permettra la mise en oeuvre pratique de la réforme.

C'est ainsi, par exemple, que l'article 20 étend aux veuves de marins les dispositions de la loi du 11 juillet 1975 qui stipulent que la pension se répartit entre la veuve et la ou les femmes divorcées dans certaines conditions au prorata de la durée respective de chaque mariage.

Dans ce cas, le code des pensions de retraite des marins ne pouvait être modifié que par la loi. Mais il n'est pas le seul visé, car à l'occasion de l'examen de cette proposition, il a été décidé que tous les régimes spéciaux de retraite seraient invités à modifier leurs règlements internes pour les conformer à la volonté du législateur.

Le Médiateur n'a cessé de rappeler que cette volonté doit être respectée et que, passé un certain délai, la non-application de la loi devenait inacceptable.

SECTION 3 : Les synergies



Rappelons tout d'abord ce qu'il faut entendre par " Synergies " :

Parmi les propositions de réforme faites par le Médiateur, il a été jugé nécessaire de faire une place à part à des propositions " d'objet plus ample, où sont traitées et critiquées toutes les dispositions législatives ou réglementaires - à quelque partie du droit positif qu'elles appartiennent, ainsi que tous les comportements administratifs - à quelque service qu'il faille les imputer, dont l'administré peut subir les effets convergents dans une situation donnée " (Rapport de 1976, p. 35).

Le rapport cité ajoutait : " Les propositions de ce type ont pu être appelées " synergies ", en raison du caractère coordonné de l'action qu'elles suggèrent à tous les services intéressés en vue de résoudre l'ensemble des problèmes posés - action évidemment plus efficace et cohérente que celle qui consisterait à résoudre ces problèmes isolément ".

La synergie apparaît en somme comme la réponse du Médiateur, dans son action réformatrice, à ce phénomène de " convergence " qui accumule sur la tête d'un même administré les effets de textes ou de comportements défectueux ou mal coordonnés.

Le Médiateur a jusqu'ici élaboré 7 Synergies :
N° 1 : " L'administré devant l'expropriation pour cause d'utilité publique ; quatre problèmes liés ".
N° 2 : " L'accès à la retraite et ses difficultés ".
N° 3 : " Régime de Sécurité Sociale et régime fiscal des gérants majoritaires de S.A.R.L. ".
N° 4 : " Mise en oeuvre de l'harmonisation des régimes de Sécurité Sociale ; examen de quelques dysharmonies subsistantes ou nouvellement introduites ".
N° 5 : " Application du principe de non-rétroactivité de la règle de droit en matière de législation sociale ; six propositions de réforme ".
N° 6 : " Proratisation " en matière de pensions de vieillesse et de pensions complémentaires dans les régimes spéciaux ".
N° 7 : " Exploitation des conclusions de l'étude menée par le Conseil d'Etat à la demande du Médiateur et relative aux problèmes soulevés par le régime des forclusions et prescriptions ".

La plupart de ces synergies ont déjà été annoncées, citées, voire commentées, au rapport de 1976 (Syn. n° 5 : pp. 15 et 57 à 63 ; Syn. n° 2 : pp. 20, 31 et 32, 118 à 128 ; Syn. n° 7 : p. 24 ; Syn. n° 4 : p. 27 et 162, 163 ; Syn. n° 6 : pp. 163, 164 ; Syn. n° 1 : pp. 38, 130 à 132, 205 à 207 ; Syn. n° 3 : note p. 38).

En ce qui concerne le présent rapport, le point a déjà été fait précédemment sur les synergies suivantes :
- Syn. n° 5 (cf. section 1 ci-avant, " problèmes soulevés par l'application abusive du principe de non rétroactivité de la règle de droit ") ;
- Syn. n° 7 (ib. " problèmes soulevés par les forclusions et prescriptions ") ;
- Syn. n° 2 (ib. " problèmes de l'information des administrés ").

En outre, il a été traité - partiellement - de la Syn. n° 1 sous la même rubrique " information " de la même section 1. Par ailleurs, les problèmes soulevés par les synergies n° 4 et 6 font l'objet d'une étude approfondie et actualisée dans la suite de la présente partie, à la rubrique relative au Ministère de la Santé et de la Sécurité Sociale (cf. infra).

Reste donc ici à compléter le commentaire de la synergie n° 1 et à faire celui de la synergie n° 3.

Synergie n° 1

Cette synergie avait pour objet, rappelons-le, d'améliorer la situation de l'administré devant certaines contraintes de la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique.

Comme on l'a dit, les mesures tendant à améliorer son information ont été commentées plus haut (Section 1, rubrique " information des administrés ") : on n'y reviendra donc pas, encore qu'elles soient essentielles.

Mais par ailleurs, le Médiateur et les départements ministériels intéressés ont mis au point un certain nombre de dispositions propres à améliorer la situation de l'exproprié sur d'autres plans, et qui, elles, nécessitaient toutes la modification des textes en vigueur :

a) Extension de délais en faveur des expropriés :

Le deuxième alinéa de l'article L. 13.2 du code de l'expropriation impose aux propriétaires et usufruitiers d'appeler et de faire connaître à l'expropriant les fermiers, locataires, ceux qui ont des droits d'emphytéose, d'habitation ou d'usage et ceux qui peuvent réclamer des servitudes, dans la huitaine qui suit la notification faite à eux par l'expropriant, en vue de la fixation des indemnités, soit de l'avis d'ouverture de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique, soit de l'acte déclarant cette dernière, soit de l'arrêté de cessibilité, soit de l'ordonnance d'expropriation.

Faute d'avoir été dénoncée à l'expropriant, l'une de ces personnes non connue de celui-ci et par conséquent non indemnisée peut intenter une action en dommages intérêts contre le propriétaire ou l'usufruitier.

Il importait donc d'étendre le délai imparti à ces derniers afin de mieux leur permettre de remplir leur obligation. D'où la modification suivante au code de l'expropriation, qui porte ce délai à trente jours :

" Au deuxième alinéa de l'article L. 13.2 du code de l'expropriation les mots " dans la huitaine qui suit cette notification " sont remplacés par les mots dans les trente jours qui suivent cette notification ".

b) Obligation de ventiler les indemnités fixées à l'amiable en matière d'expropriation :

Aux termes de l'article L. 12-6 du code de l'expropriation, le jugement fixant les indemnités d'expropriation rendu par le juge de l'expropriation doit distinguer, notamment, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont calculées.

Cette ventilation a, entre autres avantages, celui de permettre de déterminer exactement, le cas échéant, le montant des sommes qui seront soumises à l'imposition des plus-values prévues par la loi n° 76-660 du 19 juillet 1976.

N'étant pas obligatoire en matière d'accords amiables, une telle manière de faire n'est pas toujours pratiquée, aussi l'exproprié peut être imposé indûment. Sans doute la situation est régularisée ultérieurement si l'exproprié en fait la demande au service des impôts compétent, mais elle lui cause un trouble et parfois un préjudice.

Pour que cet état de choses ne se produise plus il convient de rendre applicable les dispositions de l'article L. 12.6 susvisé aux actes de cession amiable passés après déclaration d'utilité publique, aux ordonnances de donné acte de cessions amiables consenties avant la prise d'une déclaration d'utilité publique et aux traités d'adhésion à une ordonnance d'expropriation.

L'adjonction suivante au Code de l'expropriation doit permettre de réaliser cet alignement - très souhaitable - de la situation des cédants amiables sur celle des expropriés après décision de justice :

" Il est ajouté à l'article L. 13.6 du code de l'expropriation un deuxième alinéa ainsi libellé : Il en est de même pour les actes de cession amiable passés après déclaration d'utilité publique, les ordonnances de donné acte de cessions amiables consenties avant la prise d'une déclaration d'utilité publique et les traités d'adhésion à une ordonnance d'expropriation ".

c) Augmentation du délai d'appel contre les jugements des juges de l'expropriation.

Le délai de quinze jours dont disposent actuellement les expropriants et les expropriés pour interjeter appel devant la Cour d'Appel du jugement du juge de l'expropriation est trop court pour leur permettre de prendre une décision pleinement réfléchie. C'est ainsi que certains appels sont formés hâtivement à titre de mesure conservatoire et font l'objet ensuite de désistements. En portant à trente jours le délai d'appel, de telles formalités inutiles seraient évitées.

D'où la modification proposée au Code de l'expropriation :

Au deuxième alinéa de l'article L. 13.21 les mots " dans le délai de quinze jours " sont remplacés par les mots " dans le délai de trente jours ".

Ces dispositions n'ont pas été discutées lors des réunions d'arbitrage tenues au Secrétariat Général du Gouvernement (ci-avant section 2), car le Ministre de l'Equipement considérait qu'elles étaient toutes d'essence réglementaire et non législative.

Le Premier Ministre a bien voulu appuyer la demande de " délégalisation " des matières touchées par ces textes présentée peu après au Conseil Constitutionnel.

Celui-ci a donné son agrément à la délégalisation proposée, sauf en ce qui concerne la modification de l'article L. 12.6 du Code de l'expropriation (extension de délais en faveur des expropriés).

C'est pourquoi les mesures analysées en b) et c) ci-dessus font l'objet de décrets en préparation, tandis que le maintien au niveau législatif de la mesure mentionnée en a) a conduit le Gouvernement à présenter un amendement tendant à l'insérer, après l'article 24, dans le projet de loi n° 3229, rassemblant les résultats des arbitrages rendus sur celles des propositions du Médiateur qui étaient de nature législative (ci-avant, section 2).

Synergie n°3

En matière sociale, les gérants majoritaires de sociétés à responsabilité limitée sont exclus de l'affiliation au régime général de la Sécurité Sociale - alors que cette affiliation est obligatoire pour les gérants minoritaires, ainsi que pour les présidents-directeurs et les directeurs généraux des sociétés anonymes (article L. 242 du Code de la Sécurité Sociale).

En matière fiscale, alors que les gérants minoritaires de SARL jouissent du régime applicable aux bénéficiaires de traitements ou salaires, la rémunération des gérants majoritaires est imposée, entre leurs mains, au titre de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, mais est considérée comme un élément de leur part dans les bénéfices sociaux, et placée en conséquence sous le régime applicable aux bénéfices industriels et commerciaux (article 62 du Code Général des Impôts).

La distinction faite, dans les deux législations, entre gérants minoritaires et gérants majoritaires reposait sur l'idée que les premiers pouvaient être assimilés à des salariés et les seconds considérés en fait comme leurs propres employeurs.

Mais les conséquences de cette distinction ont été, sur le plan social, assez lourdes pour avoir provoqué deux types de réactions de défense :

- chaque fois que cela a été possible, les majoritaires de fait ont organisé une minorité de droit ;

- à défaut, ils ont cherché dans la société anonyme un statut personnel de salarié, qui d'une part leur donnait l'accès au régime général de la Sécurité Sociale, le bénéfice des caisses de retraites des cadres, etc…, et d'autre part les plaçait sous un régime fiscal nettement plus avantageux (droit à la double déduction préliminaire, etc...).

Cette " fuite " devant la S.A.R.L. a provoqué en France une véritable prolifération des sociétés anonymes.

Ainsi, la réalité économique que la loi prétendait saisir lui a pratiquement échappé. Il est évident, en effet, que s'il y a environ 89 000 S.A. de plus en France qu'en République fédérale d'Allemagne, par exemple, un pourcentage très élevé de cette différence est constitué de fausses S.A., fondées pour échapper aux règles appliquées aux gérants de S.A.R.L. et à leurs conséquences sociales très lourdes.

Le but visé n'a donc pas été atteint et le législateur se trouve aujourd'hui devant une situation complètement différente des objectifs qu'il s'était fixés.

Il paraît donc, en premier lieu, souhaitable de mettre fin à une situation génératrice de distorsions et de complications inutiles.

Sur le plan économique, au moment où l'on s'efforce d'aider les P.M.E. et de favoriser le redressement du taux de natalité des entreprises, il ne paraît pas opportun de maintenir des obstacles à l'adoption des structures juridiques inventées (ou adoptées en France) en 1925 pour favoriser cet essor.

Sur le plan social, cette discrimination ne semble plus avoir de justification à une époque où se multiplient les mesures tendant à l'harmonisation des régimes de Sécurité Sociale et à l'extension de la Sécurité Sociale à tous les Français.

Enfin, l'évolution récente de la législation fiscale rend possible la révision des dispositions actuelles :

En effet, on peut déduire de certaines dispositions des lois de finances pour 1976 et 1977 que désormais, les rémunérations perçues par les dirigeants de sociétés quels qu'ils soient - donc aussi bien les gérants majoritaires de S.A.R.L. que les dirigeants de S.A. - sont, à la condition que ces dirigeants détiennent plus de 35 % des droits sociaux, traitées comme des salaires au-dessous d'un certain plafond, comme des bénéfices distribués au-dessus. C'est là un pas important vers l'harmonisation des situations faites aux dirigeants de sociétés par la loi fiscale.

Quand le Médiateur propose - et c'est l'objet même de la synergie étudiée - que les gérants majoritaires de S.A.R.L. soient soumis au même régime fiscal que les dirigeants de S.A., et au même régime de Sécurité Sociale que les gérants minoritaires, il a donc la conviction d'être dans le droit fil de la double évolution qui se poursuit en ce domaine : celle du droit fiscal et celle du droit social.


MINISTERE DE LA JUSTICE


I. BILAN

Pour l'année 1977, le Médiateur a été saisi de 272 réclamations, ce qui représente 7,6 % de l'ensemble des requêtes.

On peut remarquer un léger accroissement, par rapport à l'année précédente, où le nombre des dossiers traités dans le secteur Justice était de 209.

Les principales requêtes que le Médiateur a été amené à examiner concernent pour la plupart les problèmes posés par la non-exécution des jugements par l'Administration, l'aide judiciaire, ou des plaintes contre divers auxiliaires de justice et officiers ministériels (avocats, notaires, commissaires-priseurs).

Toutefois, le Médiateur observe que c'est la lenteur de la justice qui entraîne le plus de difficultés pour l'administré. Parmi les causes de cette lenteur, le recours accru à l'expertise en est une des principales et a donc attiré plus particulièrement l'attention du Médiateur cette année.

II. PROBLEMES LIES A LA LENTEUR DES EXPERTS

Le propre d'une bonne justice n'est pas seulement de dire le droit Il faut encore qu'elle le dise dans des délais convenables.

Attendre des années pour entrer en possession d'un bien qui vous revient et pour bénéficier d'un avantage qui apparaît comme dû, est de plus en plus mal accepté par les citoyens.

La justice est chère. La justice est lente.

La première de ces deux critiques devrait tomber à la suite de la loi intervenue le 30 décembre 1977. Le Médiateur croit devoir insister sur la seconde, qui repose pour une grande part sur les inconvénients du recours de plus en plus fréquents à la procédure de l'expertise.

1° Le problème de l'expertise :

Pratiquement tous les domaines de la vie courante peuvent faire l'objet de litiges susceptibles d'être soumis au juge, celui-ci intervenant aussi bien en matière de licenciement que d'expropriation, de Sécurité Sociale que d'indemnisation des victimes de guerre.

Au fur et à mesure que l'Etat social prend chaque jour davantage en charge le citoyen, où le droit, par le biais de la multiplication des réglementations, fait son entrée normale dans le quotidien, le recours à la justice devient plus fréquent. De nouveaux plaignants vont la saisir d'autant plus que l'on s'oriente vers un moindre coût de celle-ci.

Plus sollicité, le juge se heurte à de nombreux problèmes techniques auxquels le droit seul ne peut apporter de solution satisfaisante. Comment, par exemple, déterminer avec précision le taux d'invalidité d'une pension ou le degré de fragilité d'une construction ?

Devant la complexité des différends, le rôle essentiel tend à passer du juge à un auxiliaire indispensable : l'expert.

Cette situation est normale : Pour pouvoir se prononcer en toute connaissance de cause, le juge a besoin d'un spécialiste, mais dans le même temps, on attend beaucoup de la justice - et donc de l'expertise - qui doit être neutre, objective, juste. Or l'expertise, elle, n'est que relative et valable à un moment technique donné. La partie qui n'est donc pas satisfaite de l'expertise la conteste d'autant plus vivement qu'elle conditionne en fait la décision finale du juge, l'expert se substituant pratiquement à lui.

Ce rôle essentiel dévolu à l'expert peut avoir des conséquences préjudiciables au bon fonctionnement de la justice.

2° Les conséquences :

a) la lenteur dans l'expertise, facteur de retard dans la procédure.

Ce phénomène s'observe dans tous les domaines. Des exemples concrets vont le montrer.

- Ainsi dans une affaire mettant en cause une entreprise de construction (Affaire II. 18), la négligence et la passivité de l'expert désigné par le Conseil d'Etat a retardé considérablement la solution du litige, la Haute Assemblée ayant attendu ses conclusions pour rendre une décision.

Cinq ans ont été nécessaires aux experts pour pouvoir définir la responsabilité de l'architecte dans un litige relatif à un glissement de terrain aux conséquences meurtrières (Affaire III.2430).

En matière de liquidation et de partage de succession, les délais exigés par les experts ont entraîné des retards importants dans l'inscription des affaires aux rôles des tribunaux (un an dans l'Affaire II.771 et plus de deux ans dans une autre Affaire IV.1367).

Enfin, un expert a mis plus d'un an pour pouvoir se prononcer sur le rétablissement d'une pension militaire préalablement supprimée (Affaire I.1016).

Que ce soit en matière sociale ou médicale, dans le domaine de l'urbanisme, du bornage des propriétés ou du droit successoral, les délais exigés par une expertise tendent à devenir insupportables pour les requérants.

Cette lenteur de l'expertise existe aussi à tous les stades de la procédure juridictionnelle. Notamment avant que le juge ait rendu sa décision, il a besoin des conclusions de l'expert pour se prononcer en tout état de cause (cf. affaires précitées). Parfois, l'expertise est nécessaire pour déterminer les modalités d'application d'un premier jugement : Ainsi M.L. a intenté devant le Tribunal d'Instance une action en vue d'obtenir la vente des biens immobiliers de la succession de ses parents et le partage du produit de celle-ci. Le Tribunal, qui a conclu au partage en nature, a nommé un expert afin de déterminer les lots revenant à chaque partie appelée à la succession. L'expert a tardé à déposer son rapport et a rallongé alors les délais d'exécution du jugement (Affaire II.771 précitée).

b) Quelles sont les causes de la lenteur des expertises ci-dessus dénoncée ?

Il peut s'agir de causes purement techniques : l'expert va rencontrer des difficultés pour rassembler toutes les pièces d'un dossier, dont par exemple un avocat se désaisira tardivement et avec mauvaise volonté (Affaire 1481). Quelquefois, l'expertise en soi est complexe, longue et imbrique étroitement le droit et la technique : une enquête de sécurité à propos de bâtiments scolaires préfabriqués a demandé la collaboration de multiples experts et des opérations de contrôle très nombreuses et variées (Affaire II.104).

D'autres causes sont liées à l'expert lui-même : l'ensemble du jugement repose sur un seul expert qui se montre défaillant pour des raisons de santé (Affaire II.771 précitée) ou par simple négligence (Affaire II.18 précitée). L'expert peut aussi renoncer à sa mission pour des raisons personnelles (Affaire III.368 précitée).

Il peut arriver que l'expert soit récusé par l'une des parties elle-même (Affaire SN° 37) ou que les décisions initiales de plusieurs experts soient contestées par le requérant qui demande alors une seconde expertise - longtemps après la première d'ailleurs. Cette contestation retarde alors d'autant l'issue du procès ou la bonne exécution du jugement (Affaire II.2073).

Enfin, mentionnons la rareté des experts dans des branches techniques très spécialisées.

c) La lenteur de l'expertise provoque un préjudice certain pour les administrés :

Les exemples abondent, qui montrent les dommages causés par des expertises trop longues.

Ainsi en matière d'urbanisme, tant qu'une décision juridictionnelle définitive n'est pas intervenue, il est impossible pour Monsieur D. de construire une maison... et le même expert se contredit à un mois d'intervalle...

Tant de retard est manifestement source d'un préjudice financier pour Monsieur D. (affaire III.2073). De même les négligences de l'expert n'ont pas permis à Monsieur P. de poursuivre les travaux d'une piscine qu'il devait réparer à titre professionnel (affaire IV.333).

Dans un autre domaine, pour obtenir le versement d'une pension d'invalidité, qui conditionne la vie quotidienne d'un administré, il faut attendre les conclusions de l'expert qui en détermine le taux et le montant. Tout retard de sa part peut-être gravement préjudiciable à l'intéressé (affaire III.538 précitée).

Enfin le Médiateur croit devoir évoquer le cas douloureux de ce couple de vieillards, âgés de 80 ans, qui attendent depuis plus de deux ans le partage judiciaire d'une succession pour pouvoir, en disposant du produit de cette succession entrer en maison de retraite (affaire IV.1367 précitée).

Devant ces errements, quelle est la position du Médiateur ?

3° La position du Médiateur

Il prend note de certains progrès survenus en la matière, en particulier par le biais de deux décrets.

Le premier en date du 17 décembre 1973, entré en application le 1er février 1974, stipule que le juge civil " impartit le délai dans lequel l'expert devra donner son avis ". Ce texte témoigne d'un souci évident de contrôler la durée de l'expertise et a d'ailleurs été bien accueilli par les magistrats. Le Médiateur avait déjà attiré en son temps l'attention du Garde des Sceaux sur ce problème (Rapport 1973 p. 220).

Le second texte, un décret du 12 septembre 1974, donne en matière prud'homale les moyens de remédier aux défauts des anciennes procédures d'instruction (notamment avec le rôle assigné au bureau de conciliation qui peut ordonner toutes mesures d'instruction même d'office ...). Ces dispositions devraient permettre une meilleure pratique de l'expertise et une réduction de la durée des procédures, mais elles impliquaient le renforcement en moyens du Secrétariat des juridictions concernées.

Toutefois, il n'est pas encore possible de préciser si ces décrets ont entraîné dans les faits un raccourcissement des procédures engagées, mais il est indéniable qu'ils donnent désormais la possibilité de pallier les inconvénients dus à la lenteur des expertises.

Le Médiateur constate cependant que le nombre de réclamations dénonçant les errements en ce domaine n'a pas décru et que, pour bien des requérants, le problème demeure. Il attire donc une fois encore l'attention de l'Administration sur ce point.

Mal nécessaire, l'expertise est un phénomène qui doit être encadré

L'effort entrepris doit se poursuivre.

III. PROPOSITIONS DE REFORME, RECOMMANDATIONS, INJONCTIONS

a) Propositions de réforme :

Une proposition de réforme émise en 1975 a fait l'objet d'un rappel auprès du Ministre. Elle concerne la réforme de la procédure du règlement judiciaire et du statut des syndics. (cf. JUS-75.8 Rapport 1976 pp 235-236).

La proposition de réforme JUS.76.5 relative à la procédure à laquelle est subordonnée la vente des véhicules accidentés, abandonnés dans des garages en Alsace-Lorraine, et toujours à l'étude dans les services (cf. Rapport 1976 pp 234-235).

Une autre proposition de réforme (FIN. 76-22) intéresse à la fois le Ministère de la Justice et le Ministère de l'Economie et des Finances et a déjà fait l'objet d'une mention dans le rapport 1976 (p. 189). Elle vise à accroître le rôle d'informateur de la Commission des Opérations de Bourse en matière de fusion, fusion-absorption ou fusion-scission de sociétés. Les entreprises concernées seraient tenues de fournir de plus grandes précisions à leurs actionnaires lors de ces opérations sous le contrôle de la Commission.

b) Recommandations, Injonctions :

Au titre du Ministère de la Justice, le Médiateur n'a pas eu recours à ces procédures cette année.

IV. CONCLUSION

Le Médiateur se félicite de ses rapports avec le Ministère de la Justice. Cette Administration fait preuve d'une grande compréhension dans l'examen de cas souvent complexes et délicats qui lui sont soumis, notamment sur le plan humain.

Bien que plus que toute autre tenue par le respect strict du droit, ses réponses n'en révèlent pas moins un souci réel d'équité.

MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES


I. BILAN

En 1977, le Médiateur a été saisi de 62 réclamations qui représentent 1,7 % de l'ensemble des requêtes reçues en ce domaine.

On peut signaler une légère diminution des dossiers par rapport à l'année précédente (67 réclamations avaient été examinées en 1976).

Les affaires instruites dans ce domaine par le Médiateur sont peu nombreuses mais très variées et concernent aussi bien des problèmes d'ordre social comme la prise en compte pour la retraite d'activités exercées en Allemagne par un travailleur français ou d'ordre historique comme la demande de remboursement d'emprunts russes.

Mais le Médiateur s'est étonné du nombre de dossiers relatifs à la protection matérielle et individuelle des français à l'étranger : contrats rompus unilatéralement, indemnités diverses non versées aux coopérants, nationalisation de biens. C'est pourquoi il a cru devoir attirer plus particulièrement l'attention du Département sur l'importance de cette question.

II. LES PROBLEMES POSES PAR LA PROTECTION DES FRANCAIS A L'ETRANGER

L'expansion économique de la France à l'étranger (expansion que de multiples interventions publiques visent à favoriser) suppose la présence de nombreux français à l'étranger.

Le développement et la coopération culturelle et technique impliquent également une politique de détachement et d'expatriation.

Or, force est de constater ce paradoxe, que les conditions juridiques et sociales de cette double politique ne sont pas réunies.

1° Les difficultés rencontrées :

- Sur le plan contractuel en particulier, il est souvent difficile pour des français expatriés ou ayant résidé outre-mer de se voir régler des sommes parfois importantes dont l'Etat d'accueil est débiteur à leur égard.

Ainsi dans l'affaire III.719, le requérant, coopérant technique en Algérie pendant huit ans, se plaint de ne pouvoir obtenir le paiement de la " part algérienne " des rémunérations qui lui sont dues pour une période de six mois. Les démarches répétées effectuées auprès des autorités locales sont restées vaines.

Il arrive également que des Français ayant exercé une activité hors de France se heurtent à l'inertie ou au refus des pouvoirs publics étrangers lorsqu'il s'agit de préjudices qu'ils ont subi au cours de leurs séjours : Madame G. (affaire III.2085) ne parvient pas à se faire verser la totalité d'une indemnité qui lui était due par l'Etat Cubain, à la suite de l'appropriation par celui-ci de biens appartenant à la famille de la réclamante.

On ne peut passer sous silence les difficultés rencontrées par les français cherchant à faire valider les droits à la retraite qu'ils ont acquis auprès d'organismes étrangers auxquels l'Etat français a donné sa garantie, qu'il s'agisse de services concédés (cheminots de Tunisie - IV.2316 / Electricité et Gaz d'Algérie III.1481) ou de caisses de retraites locales (Algérie IV.1956, Maroc IV.2788, Tunisie IV.1391).

Par ailleurs les entreprises françaises travaillant à l'étranger n'ont pas toujours les moyens de faire respecter par la partie adverse - souvent l'administration économique étrangère - les engagements contractuels auxquels elle a souscrit. Elles sont la plupart du temps démunies devant des législations qu'elles ignorent et dont elles sont finalement victimes.

- Sur le plan individuel, l'efficacité de la protection accordée aux administrés français est aussi contestable :

Ainsi des français blessés au cours d'accidents survenus à l'étranger rencontrent souvent des difficultés considérables pour se faire indemniser : victime d'un accident d'automobile en Algérie, Monsieur T. a obtenu de la justice de ce pays un droit à des indemnités que la société nationale d'assurance responsable refuse de lui verser (affaire IV.1540).

Il convient également de rappeler que bien des litiges sont liés à la fin de la colonisation et en sont d'autant plus délicats à régler : on peut évoquer à ce sujet l'affaire IV.1220 concernant l'application de l'accord franco-marocain de 1974 pour l'indemnisation d'une propriété ayant appartenu à M. B. au Maroc.

Le Médiateur a été par ailleurs saisi d'une autre affaire (III.1021) datant de la période où la France exerçait encore des responsabilités en Algérie : En effet Monsieur BR. ancien militaire de carrière a causé un accident alors qu'il était en service à Mers-el-Kebir.

Après avoir quitté l'Algérie, en dépit d'un jugement rendu par la juridiction militaire française conformément aux accords franco-algériens en vigueur, il fut condamné par défaut et à son insu par un tribunal algérien. De retour dans ce pays quelques années plus tard, il fut arrêté et bien qu'il eut été contraint de verser des dommages intérêts importants, il fut empêché pendant deux mois de quitter le territoire algérien en dépit d'une intervention active des services diplomatiques français. Le requérant demande à être indemnisé du préjudice qu'il a subi à la suite du différend qui l'a opposé aux autorités algériennes.

Quelles sont alors les causes du paradoxe évoqué ?

La protection des ressortissants français n'est pas aisée à mettre en oeuvre, car elle implique - et les affaires soumises au Médiateur en la matière le soulignent - une certaine mise en cause de la souveraineté de l'Etat étranger dans ses relations avec la France. Dès lors dans un domaine qui relève quasiment des actes de gouvernement, il convient d'adopter une attitude de réserve qui respecte le principe essentiel de non-ingérence dans les affaires d'une autre puissance : Le gouvernement français - et à plus forte raison son administration - ne peut pas toujours assurer la protection de ses ressortissants avec toute l'efficacité et la rigueur souhaitées, - à partir du moment où cette action relève de la diplomatie et des relations interétatiques.

Il convient également de rappeler que bien des affaires ne mettent pas en cause directement la responsabilité de l'Administration française. En effet celle-ci n'est pas nécessairement engagée dans le litige qui oppose un ressortissant français aux autorités étrangères. Elle peut seulement faciliter, par une action souple, l'heureux déroulement d'un différend auquel elle n'est pas partie.

Enfin l'efficacité de toute intervention se révèle encore plus aléatoire en l'absence de toute convention internationale ou loi particulière régissant l'objet du litige. Dans le silence des textes ou des accords, seule l'action diplomatique a quelques chances de réussir.

2° La position du Médiateur

Le Médiateur assurément ne méconnaît pas les efforts fournis par les services diplomatiques français à l'étranger, mais il ne peut ignorer que même en l'absence de tout mauvais fonctionnement de ceux-ci, la protection des citoyens hors des frontières n'est pas assurée de façon satisfaisante.

D'une part, il souligne la lenteur anormale dans les démarches entreprises. Cette lenteur n'est pas uniquement le fait de l'administration consulaire ou des Ambassades, mais elle est également imputable à l'Etat étranger. A partir du moment où le problème s'avère ne pouvoir être résolu qu'au niveau diplomatique, les négociations sont beaucoup plus longues compte tenu de l'importance de l'enjeu et des susceptibilités à ménager. Elles doivent alors être menées directement par le gouvernement français.

Le Médiateur propose donc, ainsi qu'il l'a déjà fait dans une lettre adressée au Premier Ministre, deux axes de réflexion :

- En premier, il conviendrait de sensibiliser les services français à l'étranger sur la nouvelle dimension que revêt le problème de la protection de nos ressortissants. En effet, le côté diplomatique voire politique de cette action devrait l'emporter sur l'aspect purement juridique ou administratif, qui permet trop souvent à l'Administration de restreindre ses possibilités d'intervention dans ce domaine.

- Il s'avère également nécessaire d'accentuer le rôle d'" assistance technique " de ces services diplomatiques et consulaires, notamment en multipliant des " antennes françaises " et en améliorant la qualité du service rendu. Sur ce point précis, il serait souhaitable de les rendre aptes à mieux aider les particuliers et les entreprises françaises en les informant. Cette information pourrait être fournie aussi bien dans le domaine juridique (droits des Français au regard de la législation étrangère - avocats susceptibles de les défendre) qu'économique (garanties et avantages offerts par le pays d'accueil).

Enfin une meilleure coordination entre les différents services devrait être envisagée afin que des affaires de départements différents puissent être traitées dans les meilleurs délais en évitant que des conflits de compétence ne retardent l'examen des dossiers.

Ainsi la réussite de la présence française à l'étranger est fonction de ce rôle nouveau assigné à l'Administration hors frontières.

III. PROPOSITIONS DE REFORME, RECOMMANDATIONS, INJONCTIONS

De par la nature des activités propres à ce Ministère, le Médiateur n'a pas eu l'occasion de formuler des propositions de réforme ni de recourir aux procédures de recommandations ou d'injonctions.

IV. CONCLUSION

Le Médiateur remarque que l'instruction des dossiers qu'il soumet au Ministre des Affaires Etrangères nécessite de longs délais pour des réponses qui n'apportent pas de solution tant sur le plan du droit que sur celui de l'équité.

Cependant, il est conscient que le caractère imprécis et parfois dilatoire de ces réponses est dû pour l'essentiel aux difficultés qui peuvent surgir lorsque les intérêts de puissances étrangères sont en jeu.

Certes les impératifs de l'action diplomatique exigent souvent de l'Administration une grande prudence, que le Médiateur ne méconnaît pas, mais dont trop de français mal informés de leurs droits sont encore victimes.

MINISTERE DE L'INTERIEUR


I. BILAN

Le Médiateur a été saisi en 1977 de 257 réclamations qui représentent 7,2 % de l'ensemble des requêtes.

On peut constater un certain accroissement des dossiers par rapport à 1976.

Les affaires traitées couvrent une variété très grande de domaines, qu'il s'agisse de problèmes relatifs aux étrangers (naturalisation, expulsions), à la vie courante (état civil, recherche des personnes disparues) ou politique (élections) des Français.

Une grande part des réclamations concerne les litiges opposant les administrés à leur municipalité à propos par exemple de ventes de terrains, d'irrigation ou de concession de cimetière.

- Deux thèmes ont particulièrement retenu l'attention du Médiateur.

Le premier met en lumière les difficultés, rencontrées par les administrés lorsqu'ils contestent un acte de police.

Le second thème permet au Médiateur de montrer que dans un cas précis : celui de l'expulsion des locataires, la compréhension de l'Administration a permis de résoudre ce problème dans des conditions satisfaisantes.

II - A. PROBLEMES POSES PAR LA VALIDITE DES PROCES VERBAUX

Tout Etat, si libéral qu'il se veuille, a besoin d'une Administration particulière - gendarmerie, police, garde champêtre - non pour préserver systématiquement l'ordre social existant mais plus simplement pour protéger le citoyen contre les atteintes à sa sécurité.

Investie d'une mission délicate et nécessaire, police ou gendarmerie n'en échappent pas pour autant au respect de la légalité.

Pourtant, trop souvent la parole d'un agent assermenté ne peut être mise en doute, tandis que les affirmations des administrés sont frappées d'une présomption de mauvaise foi.

C'est ce phénomène anormal que le Médiateur se doit de dénoncer sans méconnaître cependant les difficultés de la tâche de l'Administration chargée de maintenir la paix publique.

1° Le problème.

a) La pratique du procès verbal provoque des contestations souvent justifiées :

A l'occasion de certaines infractions constatées, l'agent dresse un procès verbal et sanctionne pénalement l'auteur de l'infraction.

L'Administré - averti ou non - ne peut se défendre que devant le supérieur hiérarchique de l'agent ou le juge, souvent sans succès.

A travers certains dossiers, le Médiateur a pu analyser les circonstances pour le moins discutables dans lesquelles les administrés ont fait l'objet d'un procès verbal.

Dans l'affaire IV.2172, Monsieur V. a été pénalisé pour avoir laissé son véhicule en stationnement interdit à Paris, comme le précise le procès verbal, alors qu'il pouvait prouver qu'il se trouvait en province avec sa voiture, au même moment.

Monsieur H. a été condamné à une amende de 120 Francs pour usage prohibé d'une plaque minéralogique composée de chiffres autocollants alors que cette pratique est légale. La condamnation a été infligée au vu du procès-verbal, qui consignait les faits constitutifs de l'infraction (affaire III.2161 précitée - 1ère partie - B - Section 1).

Madame L. a été verbalisée pour conduite dangereuse en automobile. Contrairement au procès-verbal, Madame L. estime - et des témoins confirment ses assertions - que son comportement sur la route était tout à fait prudent (affaire IV.1020).

Il convient aussi de rappeler l'affaire de Monsieur B. (cf. 1ère partie - B - section précitée) qui a dû acquitter une amende à la suite d'une mention erronée portée sur son permis de conduire et qui l'aurait obligé à porter des lunettes en conduisant alors qu'en fait cette mention ne pouvait pas s'appliquer à la catégorie de véhicule possédé par l'intéressé. Le jugement a été prononcé sur la base du procès-verbal, qui constatait simplement que Monsieur B. ne portant pas de verres correcteurs, était en infraction (affaire III.1610).

b) Les exemples analysés précédemment soulignent les graves conséquences pouvant résulter de la pratique inconsidérée du procès-verbal :

En effet le procès-verbal a toujours force de preuve. C'est à l'administré de démontrer qu'il n'est pas coupable de l'infraction qui lui est reprochée. Mais en réalité, de nombreux obstacles s'opposent à l'administration de cette preuve. D'une part, la parole du simple citoyen n'a pas de poids suffisant face à celle d'un agent assermenté, investi d'une véritable mission publique et représentant une parcelle de l'autorité de l'Etat. D'autre part, un particulier hésitera à saisir le supérieur hiérarchique de l'auteur du procès-verbal, lequel désavoue rarement son subordonné, soit par solidarité, soit pour ménager des susceptibilités trop vite froissées et pouvant créer ultérieurement des tensions préjudiciables à la bonne marche du service.

Le juge de son côté se fonde souvent sur le procès-verbal comme pièce unique (affaires III.1610 et 2161 précitées). Il ne remet pas en cause la parole de l'agent, enregistre quasi automatiquement l'infraction et prononce la sanction.

Réclamer une nouvelle expertise se révèle souvent vain (les affaires en cause concernent des sommes peu élevées) ou impossible (en raison de l'absence de témoins, ou bien quand les faits reprochés n'ont laissé aucune trace matérielle).

Parfois aussi l'intéressé renonce au prétoire par lassitude ou crainte inconsciente du juge qui pourrait aggraver la charge retenue contre lui.

Une fois encore des exemples concrets s'imposent :

- Dans l'affaire IV.2172 précitée, une enquête sérieuse n'a pu aboutir, aucun témoignage n'ayant pu être recueilli. La bonne foi de Monsieur V. n'est pas reconnue à la suite d'une simple déclaration de sa part.

- Certes l'administration peut reconnaître son erreur, mais la procédure administrative puis judiciaire est enclenchée et présente un caractère irréversible. Ainsi dans l'affaire III.1610 précitée malgré la reconnaissance tardive par l'administration de sa faute, Monsieur B. sera condamné car il n'a pu faire interrompre les procédures engagées. L'Administration a beau paraître embarrassée, tergiverser, la sanction n'en subsiste pas moins.

Il est donc presque impossible pour un administré de fournir la preuve susceptible de remettre en cause le caractère incontestable de la déposition de l'Administration.

2° Les conséquences.

Un tel comportement administratif traduit à l'évidence une absence de confiance dans les citoyens : leur bonne foi est systématiquement ignorée, leur parole n'est pas prise en considération - Toute présomption de vérité bénéficie aux assermentés.

Ce manque de confiance est lié à une conception de l'administré qui vise à le considérer comme un irresponsable - alors que, de son côté, l'administration n'est pas infaillible -. D'où l'aggravation des rapports souvent déjà tendus entre particuliers et agents chargés du maintien de l'ordre.

De façon bien plus grave, cette attitude de l'administration peut aller jusqu'à la remise en cause de la liberté individuelle : la procédure contradictoire, indispensable avant toute sanction, devient une illusion. L'arbitraire fait son apparition : en réalité la condamnation n'est pas prononcée par le juge, mais par l'agent qui décide seul non seulement de son opportunité mais aussi de sa gravité.

Il convient de souligner qu'une polémique qui paraît déplacée pour des infractions insignifiantes, peut en fait se justifier dans des cas beaucoup plus sérieux et de nature à porter atteinte aux fondements des libertés individuelles (défense réduite, automaticité des peines).

3° La position du Médiateur.

Elle se doit dans ces conditions d'être nuancée. Le Médiateur ne cherche pas à remettre en cause le fonctionnement de la police ou à critiquer, comme on se complait aujourd'hui souvent à le faire, les forces chargées de maintenir l'ordre public, mais il croit devoir attirer l'attention de l'Administration sur le fait qu'elle n'est pas à l'abri des erreurs et que le citoyen n'est pas un irresponsable.

Il mérite d'être écouté et dans certains cas particulièrement litigieux l'administration ou le juge doit prendre en considération les circonstances de l'affaire, son déroulement et accorder le bénéfice du doute à l'administré.

A un autre niveau, une telle attitude dépend des mesures nouvelles qui pourraient être envisagées dans la formation et la politique de recrutement des agents assermentés.

Ce n'est que dans cet esprit qu'un climat de confiance réciproque pourra renaître entre des citoyens inquiets et une Administration sérieuse mais faillible.

II - B. PROBLEMES POSES PAR LES EXPULSIONS DE LOCATAIRES

En ce qui concerne le second problème - les expulsions de locataires qui ne se trouvent pas en mesure de faire face au paiement de leur loyer - le Médiateur a eu l'occasion d'instruire de nombreuses requêtes (entre autres affaires IV.2004, IV.1704, IV.634, IV.734) dont la plus significative a été l'affaire III.2224. Celle-ci a posé un problème de principe permettant au Médiateur de définir une position nette en ce domaine :

- Madame B. âgée de 81 ans a sollicité en 1976 l'intervention du Médiateur pour que soit enfin exécutée une ordonnance en date du 13 mai 1965 par laquelle le Président du Tribunal de Grande Instance prescrivait l'expulsion de ses locataires, couple âgé de 80 ans, ne pouvant payer son loyer.

Le concours de la force publique n'a pas été accordé contre s locataires impécunieux en raison de leur grand âge et de leur situation économiquement faible. L'Etat fut régulièrement condamné par le Tribunal Administratif à verser à Madame B. une indemnité pour non-exécution d'une décision de justice.

Le Médiateur a estimé particulièrement choquant que la propriétaire, elle aussi très âgée, soit dans l'obligation de saisir par trois fois le juge administratif, sans que l'administration à laquelle elle s'était préalablement adressée ait accepté spontanément de réparer financièrement le préjudice subi, imposant aussi à l'intéressée la lenteur d'une procédure juridictionnelle et les frais qu'elle entraîne.

Après des interventions réitérées, le Médiateur a obtenu du Ministre de l'Intérieur, que dans le cas où pour des raisons d'humanité ou d'ordre public, le Préfet refuse d'accorder le concours de la force publique pour l'exécution d'un jugement d'expulsion, l'Etat verse, sans attendre une décision de justice, une indemnité au propriétaire lésé.

Cette indemnité est calculée conformément à la jurisprudence, abondante en la matière, ou éventuellement par référence aux sommes allouées par le premier jugement condamnant l'administration pour non-exécution d'une décision de justice.

L'Etat qui a payé en lieu et place d'un occupant sans titres peut demander au propriétaire de le subroger dans ses droits vis-à-vis de l'occupant et peut ainsi rentrer ultérieurement dans les frais engagés.

Dans cette perspective, le problème de l'expulsion de locataires trouve une solution certes provisoire, mais qui a le mérite de concilier les intérêts des parties en présence. L'action du Médiateur en ce domaine complète alors heureusement les garanties offertes par le juge.

De telles affaires soulignent encore la souplesse qu'introduirait dans les procédures administratives la création d'un fonds d'indemnisation (1ère partie).

III. PROPOSITIONS DE REFORME, RECOMMANDATIONS, INJONCTIONS

Le Médiateur n'a pas eu recours aux deux premières procédures en 1977.

Toutefois, pour la première fois, il a utilisé une injonction à l'égard du Préfet de Paris.

La ville de Paris a exproprié pour le compte de l'Office Public de H.L.M., des terrains appartenant aux consorts D.

L'Office, n'ayant pu obtenir la dérogation qu'il souhaitait aux charges et servitudes grevant les terrains en question, les a rétrocédés à l'Etat, qui les a détournés de leur destination sociale initiale.

Les consorts D. ont alors engagé une action en rétrocession qui a dû être tranchée par la Cour de Cassation. La Cour d'Appel de renvoi a estimé que la rétrocession était impossible mais qu'une indemnité devait être versée aux requérants.

Ceux-ci ont engagé une nouvelle instance en indemnité auprès de la Cour de Paris qui a rendu deux arrêts à cette occasion. Le premier accordait aux plaignants une provision sur indemnité d'un montant de 9 millions tandis que le second plus récent, confirmait la provision en la complétant et jugeait l'affaire au fond.

Le Médiateur saisi de l'affaire a adressé au Préfet de Paris une injonction tendant à l'exécution du premier arrêt, son caractère exécutoire n'étant pas remis en cause par le pourvoi en cassation récemment déposé par l'office.

Cette injonction dont le Premier Ministre vient d'être saisi revêt une importance particulière sur le plan des principes, le Médiateur ne pouvant admettre que l'administration qui se montre parfois intransigeante à l'égard des débiteurs ose se dérober à ses obligations envers ses créanciers (affaire III.2296).

IV. CONCLUSION

Les relations du Médiateur avec le Ministre de l'Intérieur sont profitables aux administrés.

Depuis la nouvelle organisation adoptée, les réponses sont rapides, sérieuses et efficaces.

Par l'attention qu'ils accordent aux dossiers qui leurs sont soumis par l'Inspection Générale de l'Administration, correspondant du Médiateur, les services témoignent de l'intérêt porté à la mission de ce dernier.

MINISTERE DE LA DEFENSE


I. BILAN

En 1977, Le Médiateur a reçu 104 réclamations concernant la Défense. Elles représentent 2,9 % de l'ensemble des requêtes.

On constate une certaine diminution par rapport à l'année précédente durant laquelle 118 dossiers avaient été examinés.

Le Médiateur, n'a pas cru devoir sélectionner un thème particulier concernant cette Administration.

En effet, les réclamations relatives au Ministère de la Défense présentent un caractère spécifique à bien des égards.

D'une part, en ce qui concerne les personnels militaires, engagés ou appelés, l'article 8 de la loi du 3 janvier 1973 interdit au Médiateur de connaître des litiges qui mettent en cause le principe hiérarchique.

Dans ce cas, les problèmes soulevés sont sensiblement comparables à ceux des agents publics : tel sous-officier s'estimera lésé car il n'a pas obtenu le grade qu'il estimait avoir mérité, tel officier pensera que son avancement n'a pas été conforme à ses capacités ou à ses voeux.

Or, il existe au sein des forces armées un système propre de recours susceptible de prendre en considération les requêtes des militaires.

D'autre part, il convient de rappeler que certaines activités des services de la Défense sont couvertes par le secret de Défense qui en tout état de cause échappe alors à la compétence du Médiateur.

Celui-ci peut cependant intervenir dans des différends concernant d'anciens militaires. Il s'agit essentiellement d'affaires relatives à des pensions, soit qu'un administré sollicite une révision de sa pension militaire à la suite d'une erreur de l'administration (affaire n° II.3126), soit qu'un certain nombre de veuves d'anciens militaires marocains fassent valoir leurs droits à la réversion de la pension militaire servie à leurs époux (affaire n° IV.284).

Mais, dans tous ces cas, la décision finale n'appartient pas au Ministère de la Défense, mais à celui de l'Economie et des Finances.

Dès lors le secteur de la Défense se présente sous un double aspect :

La plupart des réclamations adressées à ce département ressortissent en réalité à d'autres administrations, soit les Anciens Combattants, soit la Fonction Publique (pour laquelle seront évoqués infra les problèmes de l'avancement des agents publics).

Par ailleurs, le Ministère de la Défense n'a pas à proprement parler d'administrés, mais des agents pour lesquels le Médiateur ne peut intervenir.

Certes dans certains cas, le Médiateur n'hésite pas à attirer l'attention de cette Administration sur la situation sociale ou familiale de jeunes gens en vue de leur permettre éventuellement soit un report d'incorporation (affaire n° III.3161) soit des exemptions de service (affaire n° IV.2635), mais ces interventions restent cependant limitées et revêtent souvent un caractère personnel.

Plus rarement le Médiateur a été saisi de quelques affaires opposant l'armée à un citoyen à la suite de dommages causés par des véhicules ou des manoeuvres militaires. Le litige le plus significatif à cet égard a été l'affaire II.2576.

Il s'agissait en l'occurrence de dégâts importants causés par des " bangs " supersoniques à une propriété civile. Des enquêtes sur place, des expertises multiples effectuées dans des conditions souvent difficiles n'ont pu permettre, jusqu'à présent de conclure clairement à la responsabilité de l'armée de l'air.

Une proposition de loi visant à la création d'un Médiateur militaire a été déposée à l'Assemblée Nationale.

Le Médiateur a été entendu à cette occasion par la Commission de la Défense. Il a rappelé les avantages comparés des institutions analogues existants dans le monde. Il a eu outre souligné les insuffisances du système français actuel au regard notamment du caractère strict du principe hiérarchique et des nécessités de la discipline qui entraînent en fait la réduction des garanties prévues par les statuts et l'organisation de la Défense.

Le Médiateur a indiqué aux membres de la Commission qu'il n'était pas hostile à la mise en place d'un Médiateur militaire à condition que les problèmes de Défense soient exclus de sa compétence et que son intervention n'ait pas pour effet de remettre en cause le principe hiérarchique.

II. PROPOSITIONS DE REFORME, RECOMMANDATIONS, INJONCTIONS

a) Propositions de réforme.

Aucune nouvelle proposition de réforme n'a été formulée en 1977.

b) Recommandations.

Une recommandation a été adressée (affaire n° IV.288) au Ministre de la Défense afin qu'il exécute une décision du Tribunal Administratif le rendant débiteur à l'égard d'assistantes sociales des Armées.

Le Médiateur est intervenu afin que cette Administration accepte de relever l'intéressée de la déchéance quadriennale qu'elle lui opposait. Le Ministère de la Défense a estimé que le Ministère de l'Economie et des Finances était seul compétent pour prendre une décision mais ce dernier, quant à lui, a maintenu qu'il appartenait aux seuls services de la Défense de renoncer à opposer la déchéance quadriennale, en précisant qu'il ne refuserait pas le paiement de la dépense si elle était ordonnancée par le Ministère de la Défense. Le Médiateur a donc renouvelé sa recommandation initiale.

c) Injonctions.

Cette procédure n'a pas été utilisée en 1977 à l'encontre du Ministère de la Défense.

III. CONCLUSION

Le Médiateur estime que le Ministère de la Défense devrait faire preuve d'une plus grande souplesse dans l'application des textes, et se montrer plus réceptif aux demandes dont le Médiateur est saisi sur le plan de l'équité.

Il serait souhaitable que cette Administration ne cherche pas à différer l'exécution d'une décision de justice pour des raisons d'ordre purement financier.

MINISTERE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES


I. BILAN

Après le domaine social et par ordre d'importance, les affaires gérées par le Ministère de l'Economie et des Finances constituent le second secteur d'activité du Médiateur.

Très nombreux (762) sont les dossiers concernant des questions financières. Sur ce chiffre, les 3/4 des réclamations posent un problème de fiscalité : mise en cause et de la réglementation elle-même et de son application par les services ; contestations, aussi, sur les modalités du contrôle. Le dernier 1/4 a trait à toutes les autres branches de l'activité financière : assurances, contrôle des prix, défense des épargnants, respect des contrats dans l'exécution des marchés publics...

Le Ministère de l'Economie et des Finances gère, en outre, l'énorme secteur des pensions civiles et militaires - alors que la gestion administrative des personnels de l'Etat est assurée par les différents ministères sous la coordination des services du Premier Ministre.

A cette énumération, il faut ajouter, enfin, que du fait du contrôle qu'il exerce sur la dépense publique, ce Ministère intervient dans toute une série d'affaires qui relèvent, au fond, de la compétence d'un autre département ministériel.

Certaines difficultés afférentes à des affaires de pensions seront abordées au titre de la Fonction Publique.

Sous le présent chapitre, il a paru nécessaire d'étudier deux groupes de problèmes liés à l'activité des services fiscaux :

- Dans le premier groupe figurent des cas dans lesquels la règle - ou l'application qui en est faite - vient sanctionner un administré pour une faute ou une négligence dont la responsabilité incombe en fait à un tiers.

- Le second groupe d'affaires fait apparaître que la rigueur de la loi peut conduire à sanctionner le contribuable même lorsque sa bonne foi n'est pas suspectée ou lorsque, par manque d'information, il a commis une erreur à son détriment.

Le Médiateur ne prétend pas épuiser ici tous les problèmes qui lui sont soumis en matière fiscale. Les questions soulevées font cependant apparaître des causes assez communes des difficultés rencontrées.

On se contentera d'évoquer les autres secteurs de l'activité financière sous la rubrique des propositions de réforme.

II. DEUX ANOMALIES PARMI D'AUTRES

A. La loi - ou l'application qui en est faite - ne sanctionne pas toujours les véritables responsables.

Il n'est pas de bonne administration qu'un contribuable se trouve pénalisé pour une faute ou une négligence dont la responsabilité incombe en fait à un tiers - que ce tiers soit un autre administré ou, plus grave encore, une autre administration ou collectivité publique.

De telles anomalies peuvent cependant résulter soit d'une mauvaise application de la loi, soit des lacunes de la loi elle-même.

Les litiges de cette sorte ne sont pas nouveaux et on les retrouve chaque année.

1° - En matière de dettes fiscales, le principe de la solidarité des codébiteurs est une garantie nécessaire pour le Trésor ; il ne saurait être utilisé comme une facilité pour le comptable de l'impôt, facilité aboutissant à sanctionner les contribuables ponctuels.

A cet égard, une affaire (n° II.2696) est particulièrement significative :

Deux cohéritiers recueillent une succession. L'un - le réclamant - acquitte le montant des droits de succession qui lui incombent. L'autre ne paie pas.

Bien que l'Administration possède une sûreté réelle pour le recouvrement de sa créance, puisqu'elle a pris une hypothèque légale sur un immeuble appartenant au débiteur défaillant, elle ne poursuit pas la réalisation de son gage, mais se retourne contre le débiteur ponctuel et l'oblige, sous la menace d'une saisie de son mobilier, à régler la dette de son cohéritier. Ce premier paiement fait, elle le poursuit en recouvrement des pénalités de retard (à hauteur de 15 000 F). Au Médiateur qui s'en étonne, l'Administration répond qu'elle a, par remise gracieuse, réduit des 2/3 cette pénalité (initialement fixée à 35 000F).

Subrogé dans les droits du Trésor, l'intéressé dut engager des frais d'avocat pour faire saisir l'appartement gagé et rentrer ainsi dans ses fonds.

Les services, pour justifier la mise en oeuvre de cette procédure, avancent qu'ils ne font dans ces affaires qu'utiliser les moyens mis à leur disposition par le Code Civil (articles 1200, 1203 et 1204).

Le Médiateur, quant à lui, ne saurait admettre une telle pratique. En effet, l'Administration, compte tenu de la nature même de ses prérogatives et de ses privilèges, ne peut s'assimiler à un créancier de droit privé. En se déchargeant de toute la procédure sur le contribuable régulier, elle recourt en fait à une solution de facilité qui peut friser - comme en l'espèce - l'abus du droit.

Aussi le Médiateur estime-t-il qu'il serait équitable de poser pour principe :

- Que la solidarité ne pourra être utilisée pour la créance principale que lorsque l'Administration aura fait jouer toutes les sûretés dont elle dispose et épuisé les voies de droit contre le débiteur récalcitrant.

- qu'en aucun cas, le contribuable ponctuel ne pourra être poursuivi en paiement des pénalités. Cette mesure serait d'autant plus normale que le débiteur solidaire n'est pas en mesure de prévenir les défaillances de son codébiteur, et que les pénalités ne doivent sanctionner que les fautes dont on est personnellement responsable.

2° - Les dispositions mêmes de la loi peuvent aboutir aux anomalies dénoncées. Un exemple particulièrement net, celui de l'article 705 du Code Général des Impôts, relatif aux mutations à titre onéreux des biens ruraux.

Cet article prévoit l'application d'un taux réduit (0,60 % au lieu de 11,80 %) de la taxe de publicité foncière due sur les cessions de biens ruraux lorsque l'acquéreur est exploitant en vertu d'un bail consenti par le vendeur.

Ce régime de faveur est toutefois subordonné à l'accomplissement d'une condition fondamentale : que le bail ait été déclaré ou enregistré depuis au moins deux ans. Si cette condition n'est pas remplie, l'acquéreur se voit alors taxé au taux de droit commun (11,80 %).

Cette condition vise à sanctionner les obligations de déclaration annuelle des locations verbales reconduites tacitement et de paiement du droit de bail. Mais les litiges résultent du fait que l'obligation de déclarer incombe au bailleur seul : alors que c'est ce bailleur seul qui devrait être sanctionné en cas de défaillance, le refus du taux réduit aboutit à pénaliser le fermier qui ne porte, lui, aucune responsabilité en l'affaire (cette anomalie n'a d'ailleurs pas échappé à l'Administration compétente puisqu'elle a précisé, dans une instruction, que le preneur pourrait se substituer au propriétaire pour déposer la déclaration. Toutefois, aucun texte ne prévoit cette procédure ; d'autre part, le fermier n'est pas nécessairement informé de la défaillance du bailleur.

Il faut aussi préciser que c'est le bailleur qui, en cas de paiement tardif du droit au bail, se trouve redevable des intérêts de retard).

L'application de ces dispositions est à la source de nombreuses réclamations soumises au Médiateur (Affaires n° III.3121, IV.761, IV.2108, IV.2164 etc ...) : les intéressés estiment particulièrement injuste de se voir lourdement pénalisés (dans l'affaire IV.2108, le réclamant se trouvait redevable d'un supplément d'impôt de 60 800 F), alors que, dans les faits, ils exploitaient depuis plusieurs années (dix ans parfois) le bien cédé.

Le Code Général des Impôts s'impose aux services fiscaux. Il apparaît donc que c'est le texte lui-même de l'article 705 qu'il faut amender de manière à ce que soient dissociées l'application de la sanction - qui doit frapper la défaillance du bailleur - et l'application du régime de faveur consenti au preneur lorsqu'il est déjà exploitant.

Le fait de l'exploitation peut être aisément constaté, par l'imposition aux bénéfices agricoles ; c'est ce critère qu'il faut retenir, en prévoyant que le taux réduit s'appliquera pour tous les terrains ayant donné lieu à une telle imposition au cours des deux années qui ont précédé la vente. Une telle disposition serait de nature à résoudre équitablement le problème.

3° - L'application automatique aux contribuables des pénalités de retard en cas de déclaration de succession tardive ou de paiement hors délai des droits de mutation par décès constitue une troisième manifestation de l'anomalie dénoncée.

Le délai pour l'enregistrement des déclarations de succession est de six mois à compter du jour du décès lorsque le de cujus était domicilié en France (article 641 du C.G.I.).

Toute formalité de l'enregistrement devant être précédée du paiement des droits exigibles, les déclarations de succession ne peuvent être enregistrées que si le dépôt est accompagné du versement de l'impôt correspondant (article 1701 du C.G.I.).

Tout retard dans le paiement des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques qui doivent être versés au comptable de la Direction Générale des Impôts donne lieu à l'application d'une indemnité de retard égale, pour le premier mois, à 3 % du montant des sommes dont le versement a été différé, et pour chacun des mois suivants, à 1 % de ce montant (C.G.I., article 1727). Cette indemnité, qui présente le caractère prédominant d'une réparation civile, est susceptible de remise gracieuse. Mais il est de règle de retenir sur la pénalité encourue une somme au moins égale au montant des intérêts dont le Trésor a été privé du fait du paiement tardif des droits simples.

Tel est l'état actuel du droit et de la doctrine administrative en la matière :

En outre, une jurisprudence constante décide que le délai de 6 mois court contre le légataire qui n'a pas obtenu la délivrance de son legs, et contre le légataire institué par un testament dont la validité est contestée.

L'examen de plusieurs dossiers a montré que l'application - même souple - de ces règles pouvait laisser subsister des situations d'iniquité incontestable. Ainsi, par exemple lorsque le redevable des droits de succession a dû attendre que soit tranchée l'action en nullité engagée contre le testament (affaire n° II.1551) ou lorsque la division des héritiers n'a pas permis de respecter les délais (affaire n° IV.1298).

De façon constante, l'Administration considère qu'elle n'a pas à subir les conséquences de situations auxquelles elle reste étrangère. Elle accepte toutefois de tenir compte de certaines circonstances exceptionnelles, en réduisant les pénalités exigées ; mais, comme il l'a été indiqué précédemment, elle laisse dans tous les cas à la charge du contribuable le montant des intérêts dont le Trésor a été privé du fait du retard dans le paiement des droits dus.

Si cette position peut déjà parfois sembler bien sévère, elle aboutit à des situations parfaitement anormales lorsque la responsabilité du retard intervenant dans la déclaration de succession ou dans le paiement des droits incombe en fait à une collectivité publique.

Ainsi dans les affaires :

- N° II.2890 : les intéressés avaient bien souscrit la déclaration et acquitté les droits dans les délais ; seule une indemnité d'expropriation afférente à un immeuble n'avait pas été intégrée dans la déclaration, la procédure d'expropriation n'ayant été achevée et le paiement de l'indemnité n'étant intervenu que longtemps après. Dès que possible, les colégataires avaient produit une déclaration rectificative de succession et payé les droits de mutation complémentaires. Ils s'étaient cependant vus réclamer la pénalité de retard, réduite par la suite au montant des intérêts moratoires.

L'Administration justifie ici l'application de pénalités de retard en faisant valoir que l'indemnité d'expropriation finalement versée est réévaluée et augmentée du montant des intérêts de retard au taux légal : elle estime dès lors normal que parallèlement, le retard dans le paiement des droits de succession soit sanctionné dans les conditions habituelles.

Mais cet argument n'est pas satisfaisant car il ne tient pas compte du préjudice résultant pour l'administré des délais de liquidation et de paiement des sommes dues par la collectivité et de l'obligation qui lui est faite de liquider d'autres actifs pour acquitter un impôt qui aurait du être normalement payé sur l'indemnité d'expropriation.

De plus, les intérêts à 4 % touchés par les héritiers constituent pour eux un revenu taxable ; ils sont donc amputés de l'impôt sur le revenu, alors que la pénalité qui leur est infligée ne peut faire l'objet d'aucune déduction sur leurs revenus imposables. L'Administration oublie donc là de tenir compte dans son raisonnement d'un élément non négligeable.

- Dans une autre affaire (n° III.2183), les circonstances sont analogues à celles du dossier cité ci-dessus, mais en outre, l'indemnité d'expropriation constitue ici le seul actif successoral.

L'article 1722-4 du Code Général des Impôts prévoit que dans le cas où un terrain réservé par un P.O.S. pour une voie ou un ouvrage public vient à faire l'objet d'une transmission pour cause de décès, les ayants droit du propriétaire décédé peuvent, sur justification que l'immeuble en cause représente au moins la moitié de l'actif successoral et sous réserve de présenter la demande d'acquisition dans le délai de 6 mois à compter de l'ouverture de la succession, exiger qu'il soit sursis au recouvrement des droits de succession, tant que le prix du terrain n'a pas été payé et à concurrence du montant de ce prix.

En réalité, les contribuables se trouvent rarement en état d'invoquer les dispositions de ce texte : soit qu'ils ne remplissent pas toutes les conditions - assez restrictives - exigées pour bénéficier de cette possibilité, soit qu'ils en ignorent l'existence même - ce qui est fréquent.

Il apparaît bien nettement, à l'examen des dossiers portés à la connaissance du Médiateur, que l'état actuel du droit en ce domaine n'est pas satisfaisant, car il ne tient pas suffisamment compte de certaines réalités pourtant difficilement niables. C'est pourquoi le Médiateur suggère d'apporter quelques modifications qui, estime-t-il, seraient de nature à faire disparaître au moins les situations les plus choquantes :

4° - Dans la déclaration d'une succession, deux éléments peuvent être distingués :

- la déclaration de l'existence et de la consistance des biens composant l'actif successoral,

- la déclaration de l'évaluation de ces biens.

L'obligation de déclarer la consistance de la succession dans les six mois peut être maintenue sans difficulté (ainsi que l'application des pénalités de retard en cas de non-respect de cette obligation).

Par contre, l'obligation de procéder à une estimation devrait pouvoir être différée en cas de litige (attesté par un acte de procédure).

5° - L'obligation de payer les droits de succession ne devrait pouvoir être exigée, dans tous les cas où un bien est " gelé ", que dans les six mois qui suivent le règlement du prix de ce bien. Le paiement différé ne pourrait bien évidemment pas - comme dans l'hypothèse précédente - donner lieu à l'application des pénalités de retard.

B. La loi peut, par sa rigueur, sanctionner même le contribuable de bonne foi.

Il est bien certain que pour la bonne marche des services publics, les administrations doivent pouvoir disposer de moyens exorbitants du droit commun, sans lesquels elles risqueraient d'être paralysées dans leur action.

Si le droit administratif est inégalitaire, ce n'est pas par essence mais par nécessité. Cette inégalité ne trouve sa justification que lorsque - et dans la mesure où - l'exercice de prérogatives de puissance publique s'impose pour faire prévaloir l'intérêt général. Utiliser ces prérogatives à d'autres fins, tirer ainsi parti de sa position dominante, constituent pour l'Administration un véritable abus de pouvoir.

Dans ce domaine, les abus ne sont pas rares. Le Médiateur en a déjà donné maints exemples dans ses rapports précédents. L'examen de dossiers fiscaux lui en a fourni de nouvelles manifestations.

Pour des raisons qu'il ne lui appartient pas de discuter, le Médiateur constate qu'en matière fiscale, c'est généralement à l'administré qu'incombe la charge de la preuve des faits allégués ou de sa bonne foi. Dans certains cas extrêmes (comme dans l'article 168 du C.G.I. relatif à l'évaluation forfaitaire minimale du revenu imposable d'après les éléments du train de vie), la preuve contraire n'est pas admise.

Mais il paraît étonnant que lorsque la bonne foi du contribuable n'est pas discutée, les services fiscaux ne soient pas contraints d'en tirer la conclusion logique.

Deux exemples parmi d'autres viennent conforter cette observation.

1° - Prix réel et valeur vénale.

Lorsqu'une mutation à titre onéreux intervient, ou bien l'acte qui le constate fait état du prix réellement payé, ou bien les parties en dissimulent une part en réglant un " dessous de table ".

Pour permettre au service des impôts d'agir sans qu'il soit besoin d'établir la dissimulation, souvent très difficile à prouver, la loi a prévu que les droits de mutation sont assis sur le prix déclaré ou sur la valeur vénale du bien si celle-ci est supérieure au prix déclaré (articles 666 et 667 du Code Général des Impôts).

Cette possibilité, offerte aux agents de l'Administration par des textes très anciens (elle a été prévue pour les cessions d'immeubles par la loi du 22 primaire An VII, et étendue aux cessions de fonds de commerce par la loi du 28 février 1872) est très largement utilisée.

Si la mise en application d'une procédure de redressement est parfaitement légitime dans les cas où il y a fraude manifeste, il est anormal que les services utilisent une telle possibilité tout en reconnaissant dans le même temps que la sincérité du prix figurant dans l'acte n'est pas mise en doute.

C'est pourtant exactement ce qui s'est passé dans plusieurs affaires soumises au Médiateur, et notamment dans l'affaire N° III.2450 : l'intéressé avait acquis en 1974 un fonds de commerce de boulangerie – pâtisserie dont la valeur d'acquisition (30 000 F) n'était pas contestée par les services fiscaux ; il avait cependant fait l'objet d'un redressement pour insuffisance de déclaration de la valeur d'acquisition (cette valeur ayant été portée à 60 000 F par les agents du Fisc).

Les services fiscaux justifient cette procédure en faisant valoir que les textes de la loi ne comportant aucune restriction, ils ont, lorsqu'ils sont amenés à constater que la valeur vénale réelle d'un bien est supérieure au prix ou à l'évaluation indiquée par les parties, non seulement la possibilité mais encore l'obligation de faire reconnaître amiablement ou judiciairement la véritable valeur vénale de ce bien, quelle que soit la sincérité des contractants. Ils estiment en effet qu'ils manqueraient à leur mission en s'abstenant de redresser une insuffisance au motif que ce prix est bien celui convenu par les parties, car ils contreviendraient alors aux dispositions de l'article 1930-3 du Code Général des Impôts qui interdit toute remise ou modération des droits d'enregistrement et de la taxe de publicité foncière. Ils ajoutent qu'il est cependant tenu compte de la bonne ou mauvaise foi du contribuable lors de la fixation de la pénalité encourue.

Sans méconnaître les difficultés auxquelles se heurte l'Administration pour sanctionner les dissimulations de prix, le Médiateur estime que la possibilité de redresser le prix figurant dans un acte de vente ne doit pas être détournée de son objet.

Il n'est pas douteux, en effet, que le législateur a voulu, par le biais des insuffisances de prix, permettre de sanctionner les dissimulations dont l'existence ne peut pas être établie par des preuves certaines. On ne saurait en revanche soutenir que cette législation a pour but de permettre d'asseoir les droits sur une valeur vénale théorique lorsqu'elle est supérieure au prix. Il suffit, pour s'en convaincre, de rappeler qu'en cas d'adjudication publique, le prix ne peut pas être contesté même s'il reste bien au-dessous de celui obtenu en appliquant les barèmes administratifs.

Au reste, le prix de vente est celui qui résulte du jeu normal de l'offre et de la demande et il est bien certain que si le vendeur a accepté de céder au prix convenu, c'est qu'il n'a pas trouvé, par ailleurs, un prix plus intéressant.

Enfin, l'application d'une pénalité - même réduite - à l'indemnité de retard reste des plus discutables, car, lors de la rédaction de l'acte, aucune disposition légale ou réglementaire n'impose aux deux parties en présence de déclarer une valeur fiscale pour l'assiette des droits. Dès lors, à partir du moment où ils déclarent le prix convenu, il n'y a de leur part aucune faute. Par voie de conséquence, il ne devrait y avoir aucune sanction.

Si l'Administration en applique une, même modérée, c'est bien qu'elle doute de la sincérité du prix.

Il faut ajouter, enfin, que dans de telles situations, le contribuable se trouve dans un état d'infériorité certain puisque, pour se défendre, il devra aller devant la commission de conciliation ; or, celle-ci est présidée par le Directeur des Services Fiscaux qui est, dans l'affaire, en même temps juge et partie ! (le Médiateur, estimant cette situation anormale, a demandé que la composition de cette commission soit modifiée : elle devrait en effet, à son sens, être présidée par un magistrat (proposition de réforme FIN-77-34)).

Il pourra aussi recourir à l'expertise, mais devra alors se lancer dans une procédure longue et coûteuse. Dans la plupart des cas, il préfèrera payer pour être tranquille.

2° - Réévaluation du fonds de commerce.

De nombreux commerçants ont saisi le Médiateur pour des affaires relatives à la réévaluation des éléments incorporels de leurs fonds de commerce lors de leur passage du régime du forfait au régime réel simplifié d'imposition (affaires n° II.2280, III.2061, III.2122, IV.168, IV.1629).

Ces dossiers sont caractéristiques de la difficulté rencontrée par le contribuable pour faire admettre qu'il a pu, en toute bonne foi, commettre une erreur susceptible d'être rectifiée.

Modifiant l'orientation de leur politique, les pouvoirs politiques ont, à partir de 1970, cherché à inciter les contribuables à opter pour le régime réel d'imposition. Dans cette optique, ils ont institué un nouveau système, dit " du réel simplifié ". Ce régime qui réduit considérablement les obligations comptables et fiscales exigées par le " réel normal " s'applique aux petites et moyennes entreprises dont le chiffre d'affaires se situe entre 500 000 F (chiffre limite au-delà duquel il n'est plus possible de bénéficier du forfait) et 1 000 000F.

Ce régime simplifié présentait toutefois pour les intéressés un inconvénient majeur, en ce qu'il leur faisait perdre le bénéfice - qui leur était accordé dans le régime forfaitaire - de l'exonération de la taxation sur les plus-values.

Pour les encourager malgré tout à opter pour le bénéfice réel, l'Administration les a autorisé à réévaluer leur fonds de commerce en franchise d'impôt et à le porter à sa valeur réelle au jour de l'option - les plus-values devant donc, par la suite, être calculées sur la base de cette nouvelle valeur.

Un grand nombre de commerçants ont alors utilisé les possibilités offertes par cette réglementation.

Mais, par la suite, il est apparu que l'option avait été prise par certains commerçants l'année où, ayant franchi le seuil au-delà duquel le régime du réel devient obligatoire, ils auraient précisément dû passer de plein droit à ce dernier régime. L'Administration a dès lors estimé que les intéressés ne pouvaient bénéficier des dispositions précitées et que la réévaluation de leurs fonds de commerce constituait une opération imposable - et imposable au taux plein de l'impôt sur le revenu. En raison de la progressivité du taux de cet impôt, certains contribuables ont ainsi fait l'objet d'une imposition supplémentaire très importante.

Comme, dans la majorité des cas, il s'agissait de petits exploitants ayant pour ressources leur seule activité professionnelle, ces derniers risquaient de se voir contraints d'aliéner leurs fonds de commerce si le recouvrement était poursuivi.

Une telle obligation paraît particulièrement inopportune et injuste.

En effet, si l'on s'en tient au but recherché par l'instauration du régime simplifié d'imposition, il est évident que le législateur n'a pas voulu, par le biais de ce texte, sanctionner les maladresses de ceux qui accepteraient de répondre à son appel.

De plus, la taxation effectuée au taux plein de la plus-value constatée est particulièrement sévère si l'on observe que cet impôt aurait pu être différé très légalement jusqu'au moment de la cession de l'entreprise et qu'alors, il n'aurait été établi qu'au taux réduit de 15 % prévu - par la loi du 12 juillet 1965 - pour les plus-values à long terme.

Il ne semble pas possible non plus de soutenir que les situations litigieuses résultent de décisions de gestion opposables aux intéressés : de telles décisions impliqueraient en effet un choix entre deux possibilités dont les responsables auraient pu exactement mesurer la portée ; on ne saurait sérieusement soutenir qu'en réévaluant leurs fonds de commerce, les commerçants concernés se doutaient que cette simple passation d'écriture comptable serait génératrice d'une imposition supplémentaire, alors qu'ils n'en tirent aucun profit immédiat.

On ne peut pas ne pas tenir compte, enfin, du fait que l'on se trouve ici en présence d'un texte relativement récent, dont l'application pose des problèmes délicats et qui, en outre, régit une matière en pleine évolution : on doit souligner à cet égard que les lois de finances pour 1977 et 1978 ont autorisé la réévaluation en franchise d'impôts des actifs non amortissables, puis amortissables : une écriture de réévaluation passée aujourd'hui serait sans incidence fiscale.

Pour tenir compte de tous ces éléments, le Médiateur estime que le bénéfice de l'erreur commise de bonne foi devrait être accordé à tous les contribuables intéressés par les dispositions en cause. A l'égard à cette bonne foi, il serait alors équitable de les autoriser à contre-passer cette simple écriture comptable qui n'a rien changé à leur entreprise, en leur permettant de la repasser ultérieurement dans le cadre des dispositions nouvelles.

Une telle décision serait de nature à mettre fin à la situation paradoxale créée par la position de principe adoptée actuellement par les services.

III. PROPOSITIONS DE REFORME, RECOMMANDATIONS, INJONCTIONS

a) Propositions de réforme.

Excepté la proposition (FIN 77-33) relative au régime actuel de la caution en matière de remboursement de crédits de T.V.A., toutes les propositions ayant trait à des problèmes fiscaux ont déjà été évoquées dans le développement de ce chapitre ; elles ne seront donc pas reprises ici.

Quatre propositions, relatives à diverses autres questions financières ont été élaborées en 1977. Il s'agit des propositions :
- FIN. 77-28, tendant à améliorer l'information des entreprises lors de la parution des textes modifiant la réglementation économique.
- FIN. 77-29, relative à la protection de l'administré dans la procédure de contrôle des prix.
- FIN. 77-31, relative aux conséquences d'un changement d'activité survenu en cours d'année sur l'évaluation de la patente (principe de l'annualité de l'impôt).
- FIN. 77-35, tendant à modifier certains textes sur l'actionnariat.

b) Recommandations.

Excepté deux recommandations, l'une effectuée sur le dossier n° II-2696, relative à la mise en oeuvre du principe de solidarité (cf. supra), et l'autre sur le dossier n° II-1776, dans laquelle l'Administration a admis la possibilité de déduire du revenu imposable les dépenses faites sur les logements en vue d'économiser l'énergie, toutes les recommandations adressées au Ministère de l'Economie et des Finances concernaient la matière des pensions de l'Etat et, comme telles, ont été traitées dans le chapitre relatif au Secrétariat d'Etat à la Fonction Publique.

c) Injonctions.

Aucune injonction n'a été adressée à ce Ministère.

IV. CONCLUSION

Le Médiateur ne peut que se féliciter des rapports qu'il a tant avec les administrations centrales qu'avec les chefs des services extérieurs. Ceci est d'autant plus remarquable que les dossiers transmis sont nombreux et que lors de l'instruction préliminaire, il est parfois très difficile d'apprécier les arguments avancés par l'administré.

On doit cependant noter certaines lenteurs.

Parfois, ces lenteurs trouvent en partie leur explication dans la complexité du dossier ou dans la crainte de donner à la réglementation - pour des raisons d'équité notamment - une interprétation qui risque de faire précédent.

Mais il faut noter, aussi, une certaine insensibilité à l'urgence des affaires : entreprises en difficulté, que l'on met en faillite en bloquant inutilement - quoique réglementairement - un crédit de TVA important (affaire n° IV-94) ; contribuables menacés de saisie alors qu'une réclamation fondée, présentée depuis de nombreux mois, n'est pas encore satisfaite (SN-335) ; réticences à régler les sommes dues depuis plus d'un an à un titulaire de marché dont la créance n'est pas discutée, etc...

Indépendamment des problèmes qui relèvent de sa responsabilité directe, le Ministère de l'Economie et des Finances est appelé à intervenir en de nombreuses matières pour lesquelles il exerce une compétence de tutelle.

Il est évident qu'en ces domaines, règne une certaine ambiguïté.

La vigilance du pouvoir de tutelle incite à en appeler au tuteur pour toute décision et, à la limite, conduit les services dépensiers à esquiver leurs responsabilités.

Du côté des services financiers, la crainte du précédent et la nécessité de maintenir l'observation des règles conduit à une certaine crispation qui bloque la recherche de solutions équitables, au risque de créer des situations humainement douloureuses.

Souvent aussi, les services donnent l'impression de se " renvoyer la balle ", oubliant qu'un administré attend qu'on lui rende justice...

MINISTERE DE L'EQUIPEMENT ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE


I. BILAN

Le Médiateur a reçu cette année 347 dossiers concernant ce secteur, soit environ 10 % de l'ensemble des dossiers reçus. Une certaine stabilité du nombre des réclamations a donc été enregistrée par rapport à l'année dernière car 343 dossiers avaient été comptabilisés.

L'importance de certaines affaires ou questions sur lesquelles le Médiateur a été amené à se pencher, avec la ferme volonté d'y apporter une solution, ne permet pas de leur consacrer ici la place et le développement qu'elles mériteraient.

Ainsi en est-il, par exemple, de plusieurs séries d'affaires, différentes par leurs données ou leur enjeu, mais touchant le même objet ou soulevant des critiques sur le plan de l'équité. Peuvent être mentionnés, à cet égard, les problèmes relatifs aux expropriations.

L'Administration s'installe avant que les procédures ne soient réglées (affaire n° III.2169).

Des expropriations sont abandonnées sans compensation pour les intéressés (affaires n° III.1813, IV.338).

D'autres donnent lieu à une indemnisation jugée insuffisante (affaire n° IV.561).

Certaines enfin sont effectuées sans que l'Administration ait tenu compte des observations des enquêteurs (affaire n° IV.154).

Le Médiateur a pu constater que dans ce domaine des décisions étaient parfois prises arbitrairement.

De nombreux litiges se greffent également autour de la délivrance, de la validité ou du retrait des documents d'urbanisme, notamment : certificats d'urbanisme, permis de construire, certificats de conformité. Et, bien évidemment, surgissent maintes difficultés lorsque des constructions, y compris celles des hangars ou de simples cabanes - cf. affaire n° IV.568 - ont été édifiées sans autorisation.

Le fait que les services de l'Equipement fassent preuve curieusement soit d'un excès de rigueur soit d'un excès de bienveillance laisse à penser qu'il existe en matière d'urbanisme une sorte de jurisprudence dérogatoire que le Médiateur s'efforce de dépister.

Enfin, sur la liste abondante et non exhaustive des dossiers délicats dont a eu à connaître le Médiateur, figurent les demandes de primes à la construction et les réclamations concernant l'application de la loi d'orientation foncière en matière de taxe locale d'équipement.

Les premières parce que les cas de rejet, de suspension ou de non-versement effectif des primes (souvent par manque de crédits disponibles) ont été très durement ressentis par les intéressés et généralement mal justifiés par l'Administration.

Les secondes, qui, par la majorité cependant, consistaient en des demandes d'exonération de cette taxe, ont révélé des abus et des injustices de la part de l'Administration.

Ainsi pour le classement des bâtiments bénéficiant de tarif privilégié (résidences principales classées comme bâtiments agricoles cf. dossier n° IV.203).

Se réservant d'examiner plus à fond ces motifs d'insatisfaction des intéressés, le Médiateur se bornera cette année à analyser en détail un problème qui, en raison du nombre des réclamations reçues, retient quotidiennement son attention.

II. INCIDENCES DE LA REGLEMENTATION EN MATIERE D'URBANISME SUR L'EXERCICE DU DROIT DE PROPRIETE

Un exemple : le gel des terrains bâtis et non bâtis.

A. - La politique actuelle de l'urbanisme est cohérente.

1) - Les règles générales d'utilisation des sols sont bonnes.

a) Après plusieurs tâtonnements (différentes lois instituant des projets d'aménagement puis des plans d'urbanisme directeur et de détail...), on est arrivé à une politique d'ensemble, à une politique de l'urbanisme rationnelle dont la nécessité n'est pas contestable en elle-même.

Ainsi voit-on la législation en matière d'urbanisme s'orienter autour de trois axes :

- une exigence de programmation,

- une exigence de protection des intérêts individuels.

- une exigence de participation de l'ensemble des parties intéressées.

b) Chacun reconnaît l'utilité et la nécessité des plans d'occupation des sols (P.O.S.), de même que la création de zones (Z.A.C., Z.A.D., Z.I.F.) dans lesquelles les services publics peuvent bénéficier de réserves de terrains.

A titre d'exemple, on sait que les P.O.S. garantissent notamment :

- la sécurité, à long terme, des exploitations agricoles,

- la préservation des sites et des paysages naturels,

- la maîtrise du sol et de l'environnement,

- une organisation de l'espace.

Les P.O.S. ont été envisagés et créés pour le bien de tous ; ils répondent à des préoccupations d'intérêt général. Leur bien-fondé n'est pas discutable.

Bien qu'ils créent directement des obligations aux particuliers, leur utilisation n'est pas mise en doute car ils tendent à éviter le retour aux erreurs de ces vingt-cinq dernières années.

Ils sont reconnus légitimes parce qu'ils ne sont pas l'expression d'une décision unilatérale mais font appel à la participation de tous.

En effet, les pouvoirs publics doivent tenir compte, au cours de leur élaboration, des observations recueillies lors des enquêtes publiques. Depuis 1967, l'élaboration des P.O.S. a permis d'éliminer l'appréciation subjective des responsables locaux et de l'Administration en fondant leurs décisions sur des documents précis.

Cette procédure d'élaboration n'est pas secrète, c'est un travail collectif, assurant mieux que les réglementations antérieures la protection des citoyens contre l'arbitraire.

2) - Mais le Médiateur constate qu'en dépit des avantages issus de la loi d'orientation foncière de 1967 et des textes qui l'ont complétée, bases solides d'un nouvel urbanisme, des injustices subsistent.

Beaucoup de propriétaires, comme en témoignent les dossiers dont le Médiateur a eu connaissance, se sentent véritablement lésés par les interdictions et conséquences graves provenant des plans et règlements d'urbanisme, les P.O.S. en particulier.

Parfois, l'intérêt général vient effectivement troubler les intérêts particuliers. Or, si les administrés acceptent une gêne relative au nom de l'intérêt public, ils refusent légitimement une sujétion abusive, et, a fortiori, les iniquités qu'elle secrète.

B. - Effets des P.O.S. portant préjudice au droit de propriété.

En choisissant des emplacements publics ou réservés, en délimitant les terrains en secteurs de constructibilité différente et en assignant à chaque secteur des règles propres de construction, les P.O.S. ont sur la propriété privée des incidences importantes, parfois contestables.

Sans remettre en cause le principe des P.O.S. il faut bien constater que la situation intérimaire créée par le gel des biens entraîne pour les propriétaires des sujétions graves de conséquences et inacceptables parce qu'elles traduisent de véritables abus venant de l'Administration qui s'engage par exemple dans des projets qu'elle ne réalise pas toujours.

A l'appui, des réclamations qu'il a reçues, le Médiateur pourrait, à cet égard, citer de nombreux cas.

Un propriétaire se verra privé du droit de faire construire, sur son terrain acheté à cette intention, la maison qu'il comptait habiter lors de sa mise à la retraite. Des frais ont été engagés, des prêts parfois réalisés en pure perte.

Un projet de percée d'une voie urbaine n'est toujours pas réalisé dix ans après sa première étude (affaire n° II. 611). Il empêche le réclamant de disposer librement de sa propriété, celle-ci étant grevée de servitudes.

Un autre projet routier rend inconstructible durant plus de trois ans un terrain que la collectivité publique tarde à acquérir (affaire n° IV.661).

Ces inconvénients proviennent du fait que n'a pas été mise en place une politique financière à la mesure de l'ambition initiale.

Cette carence est douloureusement ressentie à l'échelon local. En témoigne le grand nombre de plaintes dénonçant l'excès de pouvoir des maires qui réservent des terrains sans disposer de moyens financiers suffisants pour les acquérir en temps voulu.

Si l'on peut admettre que la mise en place de la nouvelle réglementation entraîne un gel momentané des bien privés, celui-ci ne doit pas se prolonger exagérément. Ne serait-ce que parce que les abus vont à l'encontre du consensus nécessaire à la poursuite de la politique d'aménagement de l'espace.

Le gel n'est admissible que si la collectivité a un volant financier suffisant pour traiter les opérations envisagées (achat, expropriation, construction). Dans le cas contraire, elle lèse le propriétaire.

Par ailleurs, il existe d'autres causes de difficultés dans l'application de la réglementation.

La complexité et la longueur de la procédure d'élaboration des P.O.S. font peser une gêne sur le propriétaire. C'est le grave problème des délais variables entre la prescription, la publication et enfin l'approbation des P.O.S.

Tant que le P.O.S. n'est pas publié, l'autorité administrative peut décider de surseoir à statuer sur les demandes de permis de construire, les terrains sont gelés, mais les impôts perçus au bénéfice de la collectivité intéressée sont renouvelés chaque année.

On peut mesurer les conséquences de ce vide juridique dans les communes dont les P.O.S. n'ont pas été rendus publics. A ce sujet, il est regrettable de constater que sur le nombre de P.O.S. mis à l'étude bien peu ont été publiés (sur 8264 P.O.S. prescrits, 3225 seulement ont été rendus publics dont 894 approuvés. Environ 40 % des communes de plus de cinquante mille habitants sont couvertes par des P.O.S. applicables).

Et cette période de transition n'est pas prête de se terminer. En effet, les P.O.S. devaient remplacer les anciens plans d'urbanisme avant le 1er janvier 1975. Mais cette date limite, maintes fois dépassée, a été encore, le 28 décembre 1977, reculée jusqu'au 1er juillet 1978, dans certains cas jusqu'au 1er juillet 1980 et dans d'autres même jusqu'au 1er janvier 1981.

Enfin, comme l'on sait, un P.O.S. n'est jamais définitif. Il peut être révisé et modifié ce qui représente parfois plusieurs mois de délais et de formalités et ce qui aggrave l'insécurité.

Confrontés à cette diversité des procédures, des délais et des décisions administratives, les particuliers sont placés dans des situations parfois inadmissibles et toujours faites d'incertitude et d'attente.

C. - La position du Médiateur.

Pour limiter les inconvénients signalés, le Médiateur pense qu'il faut agir sur plusieurs points.

a) Le premier concerne les délais.

Le Médiateur souhaite que les P.O.S., une fois prescrits, soient élaborés et publiés le plus rapidement possible. A l'occasion des réclamations qu'il reçoit, il s'enquiert d'ailleurs de la date probable de publication des P.O.S. incriminés - et des motifs la retardant éventuellement - en vue de l'accélérer dans la mesure du possible.

Il rappelle aux requérants les conditions dans lesquelles ils peuvent mettre la collectivité en demeure d'acquérir un terrain ou une propriété réservés ou classés dans le cadre d'un P.O.S. Pour ne citer qu'un exemple, c'est exactement ce en quoi a consisté son action à la suite de la réclamation n° III.2403 par laquelle l'intéressé se plaignait de ne pouvoir obtenir un permis de construire en vue d'édifier une maison sur un terrain classé dans une zone destinée à servir d'appui à la construction d'une station d'épuration et d'un parking. L'intéressé a été invité à effectuer les formalités de mise en demeure qui s'imposaient. La commune a, dès lors, procédé à l'acquisition dudit terrain, gelé par elle depuis 1972.

Pour sa part, le Médiateur souhaite surtout que les options choisies dans les P.O.S. par les autorités responsables correspondent aux moyens financiers dont elles disposent. Ainsi, les requérants qui mettraient la collectivité en demeure d'acquérir leur bien pourraient sans difficulté obtenir satisfaction.

Il lui semble également essentiel qu'une date fixant la fin de la publication des P.O.S. soit correctement calculée et enfin respectée.

b) Mais le Médiateur se demande si on ne peut pas aller plus loin dans la protection des administrés victimes du comportement d'une Administration peu soucieuse de leurs intérêts légitimes.

A cet égard, des propositions de réforme tendant à modifier les textes ou les comportements inadaptés ont été émises par le Médiateur.

L'une d'entre elles, évoquée ci-dessous, va dans le sens du rétablissement de l'équité là où elle semble quelque peu maltraitée.

Cependant, l'exonération de la taxe foncière suggérée dans cette proposition ne saurait constituer à elle seule le remède légitime et efficace que les intéressés sont en droit d'espérer. Il serait possible d'envisager un dédommagement systématique des victimes, dès le début du gel et pendant toute sa durée, qui ne passerait pas seulement par le biais d'une exonération fiscale.

Un groupe de travail a été invité à " affiner " la notion de gel des immeubles. Lorsque le catalogue des procédures et situations pouvant aboutir à geler un terrain sera dressé, on y verra plus clair... Ce projet pourra être repris.

Ce projet semble d'autant plus opportun qu'en matière d'urbanisme, on est arrivé à un point de rupture. Auparavant, la non-maîtrise des sols et un vide juridique étaient à déplorer. Aujourd'hui, des risques d'excès, des abus sont à craindre. Il est temps d'en prendre conscience et de réagir.

III. PROPOSITIONS DE REFORME, RECOMMANDATIONS, INJONCTIONS

a) Propositions de réforme :

Dans la proposition de réforme n° FIN 77-30 du 31 mars 1977, le Médiateur suggère l'adjonction, à l'article 1394 ou 1355 du Code Général des Impôts, d'une exemption de la contribution foncière pour les propriétés non bâties qui font l'objet d'une interdiction dans une zone délimitée dont l'acquisition est projetée à terme par une collectivité publique.

L'exemption s'appliquerait pendant toute la période d'interdiction de céder et cesserait soit dès l'acquisition, soit lors de la remise à la disposition du propriétaire, qui pourrait alors disposer librement du bien (cas de modification des limites de la zone " gelée ").

Les cotisations des terrains ainsi rendus indisponibles seraient supportées par la commune ou réparties entre les autres contribuables qui doivent être collectivement bénéficiaires de l'opération projetée.

Bien que cette proposition se heurte à des difficultés, il est probable que l'enquête du groupe de travail cité ci-dessus permettra de dégager les solutions qui s'imposent.

b) Recommandations, injonctions :

Le Médiateur n'en a pas formulé d'autres que celles déjà mentionnées sous la rubrique à laquelle elles ont déjà été rattachées. On peut se référer, à cet égard, à la recommandation satisfaite concernant une indemnisation pour dommages de guerre (cf. 1ère partie Bilan chiffré) et à l'injonction évoquée au titre du Ministère de l'Intérieur.

IV. CONCLUSION

Les rapports entre le Médiateur et le Ministère de l'Equipement sont bons.

Le Ministère de l'Equipement n'est pas insensible notamment aux recommandations qui lui sont adressées pour remédier à des situations inéquitables.

En ce qui concerne son domaine d'action, il convient de différencier les affaires qui sont examinées et traitées par les administrations centrales et celles qui sont soumises à l'avis des préfets.

Indépendamment des motifs pouvant les justifier, force est de constater que les délais de réponse aux questions du Médiateur sont plus longs lorsque ces réponses émanent des préfets.

Le Médiateur regrette également que ces dernières, plus fréquemment peut-être que celles de ses autres correspondants, se bornent parfois à donner la référence de la loi ou du règlement justifiant en droit une décision prise.

A cet égard, le Médiateur a, fin novembre 1977, adressé à l'ensemble de ses correspondants - dont les préfets - une circulaire ayant pour objet de préciser les conditions dans lesquelles doivent être examinées les réclamations transmises.

Le Médiateur recommandait, surtout dans le cas de requêtes nécessitant une étude technique approfondie, qu'après examen personnel et au besoin une enquête sur place, ils prennent position avec le souci de dégager une solution pratique et de bon sens.

Une réflexion critique et objective ne peut qu'améliorer la qualité du travail demandé à chacun en vue de résoudre avec le plus d'efficacité possible l'ensemble des problèmes juridiques et humains soumis au Médiateur.

Puisse le Médiateur être mieux entendu.

MINISTERE DE L'EDUCATION


I. BILAN

En ce qui concerne le domaine de l'Education, de l'Université et de la Jeunesse, le Médiateur a reçu 186 réclamations pour l'année 1977. Elles représentent 5,2 % de l'ensemble des requêtes qui lui ont été adressées.

Par rapport à 1976 (138 dossiers) on peut noter une certaine augmentation des plaintes qui pour une grande part est due à l'accroissement du nombre des litiges entre l'Administration et ses agents. De telles plaintes portent essentiellement sur des problèmes de recrutement, de titularisation, de mutation, ou de validation de service, mais sont irrecevables aux termes de l'article 8 de la loi du 3 janvier 1973.

Les autres différends concernent soit la pédagogie soit l'intendance.

Parmi ces requêtes, le Médiateur estime que les difficultés soulevées par la fermeture d'écoles en zone rurale ou de montagne méritent d'être examinées de façon plus approfondie, dans la mesure où elles mettent en jeu un problème de cohérence politique.

II. PROBLEMES POSES PAR LA COMPATIBILITE DE L'ACTION PROPRE D'UN MINISTERE AVEC LA POLITIQUE GENERALE DU GOUVERNEMENT

La question du développement harmonieux des activités sur l'ensemble du territoire est de celles que s'attachent à résoudre les gouvernements successifs depuis la fin de la guerre. En dépit du célèbre cri d'alarme dénonçant " Paris et le désert français ", le déséquilibre économique entre les zones denses qui se sont encore densifiées et les zones moins favorisées ne se résorbe que trop lentement.

Des communes rurales se dépeuplent. Des régions entières de montagne se vident de leurs habitants. Dans tous ces villages désertés, les services publics disparaissent.

Comment ne pas remarquer la contradiction qui existe entre l'action menée par le Ministère de l'Education qui vise, dans un souci de rationalité, à regrouper donc à supprimer certaines écoles, et la politique plus générale des pouvoirs publics en matière d'aménagement du territoire qui cherche à revitaliser les régions défavorisées.

Une telle contradiction n'a pas échappé au Médiateur saisi à maintes reprises par des administrés et des élus locaux de ce délicat problème.

1° La politique suivie en matière de fermeture d'école.

Devant le dépeuplement accentué de certaines zones rurales ou montagnardes, le Ministère de l'Education, dans un but d'efficacité, regroupe dans un établissement unique les élèves d'écoles jugées trop coûteuses.

A cet effet l'Administration élabore une carte scolaire qui définit la répartition optimale des moyens (nombre d'écoles) et des hommes (postes vacants) en fonction des crédits disponibles.

Les regroupements envisagés - commandés par les impératifs budgétaires - permettent de libérer des postes, de rationaliser l'enseignement tout en le diversifiant.

Par ailleurs, les pouvoirs publics conduisent une politique d'aménagement rural qui n'est pas toujours compatible avec les buts poursuivis par le Ministère de l'Education.

2° La politique générale d'aménagement rural.

Elle cherche à contrebalancer le poids considérable de Paris face au " désert français " et à revitaliser en même temps les zones les plus défavorisées tant sur le plan démographique qu'économique. Il s'agit aussi de préserver une vie locale réelle dans ces régions. A cet égard le gouvernement a mis encore récemment l'accent sur la nécessité d'une politique pour la montagne (Conseil des Ministres du 23 novembre 1977).

Le maintien sur place des services publics vitaux, dont l'école, est un des moyens privilégiés à la disposition de la puissance publique pour mener à bien cette action. En effet, les aides plus directes telles que primes d'installation, exemptions fiscales, contrats régionaux d'aménagement rural ne sont pas à négliger, mais dans la décision d'un chef d'entreprise, elles comptent moins que l'infrastructure existant dans la région considérée. De ce point de vue, les dossiers soumis au Médiateur en matière de fermeture d'écoles font apparaître un manque de coordination.

3° La position du Médiateur.

En effet, il semble difficile à la fois de poursuivre les objectifs aboutissant à la fermeture d'écoles et de tenir compte des autres impératifs qui conditionnent le maintien d'une vie locale animée.

La suppression des établissements scolaires accélère le départ des populations rurales vers les centres où doivent être regroupés les élèves. Or l'exode rural dissuade les entreprises, privées de main-d'oeuvre locale, de venir s'installer.

De plus, l'absence d'équipements collectifs et d'emplois n'incite pas à l'installation de nouveaux habitants dans les communes où l'école a été fermée.

Le Médiateur ne peut que dénoncer une telle contradiction : il serait peut-être plus logique d'affecter davantage de crédits pour le fonctionnement d'une école qui permet de redonner vie à une commune toute entière que de verser des primes pour attirer des entreprises qui en tout état de cause ne viendront pas. Plutôt que de recourir à des moyens artificiels ou aléatoires pour revitaliser des communes, il conviendrait alors d'intégrer les procédures existantes en matière scolaire dans la politique générale de rééquilibrage des activités sur le territoire national, c'est-à-dire garder ouvertes certaines écoles en apparence " non rentables ".

Ainsi l'affaire IV-1445, est significative à cet égard. La commune de S. est située dans une zone défavorisée de Bourgogne. Elle-même réussit à maintenir une certaine activité grâce à la qualité de ses équipements collectifs qui a permis l'installation de jeunes ménages.

Mais l'école de ce village n'a accueilli en 1976 que 9 élèves. Dès lors conformément aux textes en vigueur, le Recteur prononça la fermeture de l'école, le seuil réglementaire de 12 élèves n'ayant pas été atteint.

Le Médiateur a cru devoir souligner l'incohérence d'une telle décision qui contribue à terme à entraîner le départ des parents des élèves obligés de fréquenter des écoles situées dans des communes éloignées. Et pourtant S. est classée dans " une zone défavorisée hors montagne " et bénéficie à ce titre de toute l'attention des pouvoirs publics.

Or l'expansion de la commune est freinée par la fermeture du dernier service public existant, l'école, mais par ailleurs des crédits importants sont dégagés pour revitaliser une région qui s'appauvrit.

Dans une autre affaire (affaire II-2389) semblable à la précédente sur bien des points, l'école de T. commune de haute montagne a été fermée par application stricte et aveugle de critères numériques : 5 élèves seulement étaient inscrits sur les dix qui étaient requis s'agissant d'une commune de montagne. L'administration n'a pas tenu compte du fait que cette fermeture ne ferait qu'accentuer les problèmes d'isolement et de communication posés aux agriculteurs de la vallée.

Le Médiateur souligne combien il est illogique d'adopter dans le domaine de fermeture d'écoles, une attitude systématique qui conduirait à aller à l'encontre de l'intérêt général de la collectivité.

Il ne sert alors à rien de prôner une politique de meilleure répartition des activités économiques et des hommes sur l'ensemble du territoire si on accepte délibérément la mort de certaines communes privées de leurs centres vitaux.

C'est pourquoi le Médiateur, qui est intervenu avec succès dans les deux cas ci-dessus présentés, suggère que soit menée une politique globale d'aménagement - scolaire et économique - inséparable d'une étude au cas par cas des fermetures d'écoles. Celles-ci loin d'être systématiquement maintenues, pourraient faire l'objet d'un examen circonstancié qui prendrait en considération les données géographiques, économiques et même psychologiques propres à chaque situation. Dès lors le critère du nombre d'élèves ne devrait pas être privilégié par rapport à tous les autres facteurs. Un assouplissement dans ce domaine est à souhaiter.

Ainsi dans l'affaire commune de B (SN° 209) le Médiateur a estimé justifier la fermeture de l'école du village dans la mesure où l'intérêt général était d'envoyer les enfants dans des communes voisines bien desservies, et disposant de meilleures conditions d'enseignement. A cette occasion, tous les éléments de cette affaire ont été examinés et c'est en fonction des différents critères retenus (géographiques, économiques, humains) que la décision a été prise.

En tout état de cause, le Médiateur attire l'attention sur le fait que même, indépendamment des autres politiques, les objectifs poursuivis par le Ministère de l'Education en matière de fermeture d'écoles ne sont pas exempts de critiques. Ainsi on peut relever quelques errements significatifs, lorsque par exemple, la suppression d'une école s'avère plus coûteuse que le maintien du poste de l'instituteur et l'entretien des locaux. Cette suppression entraîne en effet des frais souvent considérables pour la commune notamment en matière de transport scolaire et de cantine (affaire n° IV-1445, commune de S. précitée). L'aspect humain du problème ne saurait par ailleurs être négligé. En effet, il arrive que la fermeture d'une école oblige les enfants à des déplacements inconsidérés parce que la distance entre les établissements scolaires d'accueil et la commune de départ a été mal appréciée par les bureaux. L'expérience a montré que beaucoup de fonctionnaires ignorent l'existence des hameaux qui composent une commune, la distance qui les sépare du centre de la commune et les incidences que cet état de fait comporte notamment sur les dépenses occasionnées pour le ramassage scolaire. Ainsi, les chiffres peuvent varier, comme dans l'affaire commune de S., de 9 km évalués par l'administration à 20 km effectifs à parcourir. La réalité locale échappe trop souvent dans de tels cas à une administration mal informée...

III. PROPOSITIONS DE REFORME, RECOMMANDATIONS, INJONCTIONS

a) Propositions de réforme

L'ensemble des litiges concernant le Ministère de l'Education et porté à la connaissance du Médiateur n'a pas fait l'objet de propositions de réforme, s'agissant surtout de problèmes individuels ne mettant pas en cause le fonds de la législation en vigueur et non susceptible de généralisation. Seule une étude cas par cas peut alors se justifier.

b) Recommandations - Injonctions

Pour l'année 1977, le Médiateur n'a pas eu l'occasion d'utiliser ces procédures à l'égard du Ministère de l'Education.

IV. CONCLUSION

Le Médiateur se félicite des délais tout à fait corrects dans lesquels le Ministère a instruit les dossiers qui lui ont été transmis.

Mais il remarque que trop souvent les notes reçues sont laconiques et ne répondent pas avec la précision voulue à la question posée ; quelquefois même celle-ci ne semble pas du reste susciter l'intérêt qu'elle mérite.

Parfois, les services de l'Education, qui par ailleurs peuvent se montrer très coopérants, se retranchent derrière " le mur de la législation " n'estimant pas utile d'examiner en équité les requêtes des administrés.

MINISTERE DE L'AGRICULTURE


I. BILAN

Les réclamations concernant ce Ministère sont relativement nombreuses chaque année. En 1977, elles ont cependant quelque peu diminué puisque 112 dossiers (soit 3,1 %) ont été enregistrés contre 136 (soit 4,2 %) l'année dernière.

Chacun connaît les difficultés auxquelles sont confrontés les agriculteurs - propriétaires, exploitants, éleveurs, producteurs... - du fait que pour la plupart d'entre eux, leurs revenus sont directement liés aux exigences économiques et parfois même aux conditions climatiques.

Il est donc peu étonnant de ressentir, à travers leurs réclamations, une véritable inquiétude - ou même du désarroi - lorsqu'ils ne peuvent obtenir rapidement ce que légitimement ils réclament. Il en est ainsi surtout en ce qui concerne les diverses formes d'aides destinées à garantir un niveau de vie décent pour les agriculteurs (primes, prêts, subventions, indemnités).

En plus des litiges assez fréquents qui les opposent à la Mutualité Sociale Agricole ou aux Caisses de retraite agricole, les agriculteurs ont soumis au Médiateur bon nombre de réclamations mettant en cause notamment certains organismes ou établissements publics sous tutelle du Ministère de l'Agriculture (Office National des Forêts : pour obtenir un poste, à propos de chemins forestiers ; établissements d'enseignement agricole : à l'occasion de concours ; SAFER au sujet de rétrocession de parcelles de terrain etc...).

C'est dire que l'attention du Médiateur n'a pas été, cette année en matière d'agriculture, spécialement attirée par un thème majeur. Mais de l'ensemble des dossiers dont il a eu connaissance, deux catégories de questions importantes se sont dégagées et lui ont paru devoir être retenues. Ce sont :

- les problèmes liés aux opérations de remembrement,

- les difficultés relatives au remboursement, par l'Etat français des montants compensatoires lors des importations de vin.

II. A. PROBLEMES LIES AUX OPERATIONS DE REMEMBREMENT

Malgré les difficultés qu'il crée et les critiques qu'il suscite, le principe du remembrement ne semble pas remis en cause. Il continue à être demandé par des agriculteurs qui voient en lui l'un des moyens d'accroître la productivité de leur exploitation.

Cependant les agriculteurs acceptent très mal les dégâts causés à l'environnement et les atteintes portées aux ressources biologiques par les travaux connexes aux opérations de remembrement ou d'aménagement foncier.

Et, bien évidemment, ils ne supportent pas - le Médiateur peut en témoigner - de se sentir lésés lors de telles opérations.

Or, " les géomètres manquent tellement de tact " a-t-on pu lire trop souvent...

1° Le but des opérations de remembrement.

Dans le cadre des actions sur les structures foncières, les opérations de remembrement visent à éviter le morcellement excessif des parcelles qui rendrait impossible une utilisation rationnelle du sol. Elles permettent de constituer des exploitations rurales d'un seul tenant ou à grandes parcelles bien groupées, et contribuent à l'amélioration de la rentabilité des exploitations agricoles.

Aussi le remembrement se présente-t-il comme une opération d'intérêt public confié par le législateur à des organismes de caractère paritaire (Commissions communales, Commissions départementales, Comité supérieur consultatif) qui collaborent avec les autorités publiques (Préfets, Services du Génie rural et Ministre de l'Agriculture) pour exécuter ces opérations.

Les études techniques entreprises montrent qu'environ 500 000 hectares devaient être soumis annuellement au remembrement.

C'est dire que, chaque année, une grande part de propriétaires fonciers aura à connaître du remembrement, voire à y participer pour ne pas dire à le subir.

2°Ce qui est contesté par les particuliers :

- La complexité et les lenteurs des procédures relatives au remembrement : elles ont été largement dénoncées par le Médiateur les années précédentes (cf. rapport 1975 p. 117 à 119 et rapport 1976 p. 212, 213).

- La répartition elle-même :

Les propriétaires contestent les attributions qui leur sont faites lorsque, par exemple, les terres qui leur sont assignées sont plus éloignées que celles qu'ils possédaient (cas n° IV. 1465).

A ce titre, et compte tenu des réclamations que le Médiateur a reçues à ce sujet, il convient de préciser que la notion de rapprochement des terres - qui faisait référence à l'emplacement des bâtiments d'exploitation - ne constitue plus un critère indispensable puisqu'elle a été évincée par celle de regroupement parcellaire.

En effet, depuis la loi du 11 Juillet 1975, " sauf accord des propriétaires et exploitants intéressés le nouveau lotissement ne peut allonger la distance moyenne des terres au centre d'exploitation principale, si ce n'est pas dans la mesure nécessaire au regroupement parcellaire ".

Autour de cette notion, et particulièrement lorsqu'elle n'est pas respectée, se greffent bien des difficultés.

- Le non-respect de l'équivalence en valeur de productivité réelle des parcelles cédées et reçues.

Lors de la nouvelle distribution, la superficie des parcelles reçues doit être équivalente en valeur de productivité réelle à celles des terres que l'intéressé possédait antérieurement.

Les commissions communales procèdent aux attributions en fonction des catégories de terrains qu'elles déterminent elles-mêmes d'après la productivité naturelle des sols et les cultures pratiquées. Or, les dossiers soumis au Médiateur montrent que ces déterminations sont souvent remises en cause. Il y a donc là un problème de légitimité et de compétence des commissions.

Pour le Médiateur, une vigilance particulière est donc souhaitable en ce domaine, tant de la part des commissions que des intéressés eux-mêmes.

- Mais les litiges les plus nombreux portent sur les travaux connexes réalisés lors du remodelage parcellaire.

a) des engagements sont pris mais ne sont pas respectés ; des erreurs et des abus sont commis.

En témoignent divers dossiers soumis au Médiateur :
- un chemin de desserte n'est pas établi (IV.792),
- un autre est détruit inutilement,
- des exploitations se trouvent insuffisamment desservies,
- des voies d'accès sont abusivement élargies,
- une haie est détruite au lieu d'être simplement recépée (IV.531),
- une source a été supprimée (IV.264).
Constituent également des abus les réalisations d'ouvrages trop coûteux ou d'intérêt mineur.

Les réclamations montrent à ce sujet que les frais inhérents aux opérations de remembrement sont, dans certains cas, jugés excessifs par les propriétaires ou même difficilement justifiables, surtout lorsqu'ils ne bénéficient pas desdites opérations (cf. réclamation n° II.431).

Que dire des dépenses nécessitées pour réparer des erreurs commises...

b) des travaux sont entrepris sans prévisions suffisantes pour éviter certains excès et effets néfastes.

Si le remembrement permet des gains de productivité par une utilisation plus rationnelle du matériel et des conditions de travail meilleures, il est permis de s'interroger sur les conséquences préjudiciables au milieu naturel entraînées par ces travaux.

Les dégâts observés sont nombreux et variables en intensité ; il est d'ailleurs encore difficile d'appréhender tous les effets des travaux connexes sur l'équilibre du milieu rural. Cependant, les bouleversements qui ont pu être constatés a posteriori par les agriculteurs suffisent pour dénoncer le manque de prévision et de prévention qui aurait dû s'imposer.

3° La position du Médiateur.

a) Proscrire la démesure et le systématisme. Agir avec discernement.

Il est grand temps de tenir compte des accidents et anomalies enregistrés à l'issue des expériences de remembrement. L'arasement des haies, le défrichement des bois, l'assèchement des ruisseaux, les effets climatiques, biologiques, hydrologiques qui en résultent risquent de compromettre à long terme la productivité des sols.

Ces perturbations de l'équilibre dynamique des milieux naturels constituent un véritable appel à la prudence que le Médiateur se doit de réitérer.

Il s'agit de " retrouver le bocage perdu " là où il est vital, il s'agit surtout de prendre les mesures nécessaires pour restaurer les équilibres compromis et guider la réalisation de toutes les opérations futures dans le cadre nouveau de l'aménagement rural.

Une meilleure connaissance du monde naturel et rural, une meilleure concertation sur place entre les responsables et les bénéficiaires des opérations foncières, enfin une meilleure information de tous sur les techniques et les conséquences du remembrement devraient favoriser la prise de conscience maintenant impérative, des limites du regroupement parcellaire.

b) Combattre les iniquités.

Bannir les excès est un premier pas dans la lutte contre les iniquités qu'ils engendrent.

Pour cela, il semble nécessaire de continuer à prendre des mesures à l'image des décisions législatives qui viennent d'être adoptées concernant l'impact de certains travaux.

Faire des études prévisionnelles suffisamment sérieuses pour que soient prises en compte toutes les implications éventuelles des aménagements sur le milieu devrait limiter les perturbations. Seraient aussi évitées bon nombre de dépenses inconsidérées et de réparations coûteuses.

Cette oeuvre implique la mobilisation de tous les groupes concernés par le remembrement

Mais est-elle suffisante pour faire disparaître toutes les iniquités ? Le Médiateur n'en est pas sûr.

Bien des erreurs commises - et révélées essentiellement par des réclamations individuelles - ont leur source dans un manque de contrôle des travaux des géomètres et des décisions des commissions. Lorsque le Médiateur a l'attention attirée sur l'une de ces erreurs, il lui est possible d'intervenir auprès des services mis en cause pour qu'elle soit corrigée. Mais quelle garantie offrir à celui qui affirme : " Ils (les fonctionnaires) font arracher inutilement des kilomètres de talus et replantent ensuite des haies de conifères coupe-vent : double bénéfice ? ".

" Utiliser les ficelles de la guérilla judiciaire " et les recours possibles devant les tribunaux, jusqu'au Conseil d'Etat, ne fait parfois qu'ajouter à la confusion et retarder les solutions. Une meilleure concertation, sous l'égide des Directions Départementales de l'Agriculture, entre agriculteurs, ingénieurs, géomètres et élus locaux, permettrait d'établir des projets qui entraîneraient moins d'injustices notamment pour l'évaluation des parcelles avant et après le remembrement.

Pour autant, ne serait pas résolu le problème déjà signalé (cf. Rapport 1975 p. 119) concernant la difficulté d'exécuter les décisions de la juridiction administrative lorsqu'elles annulent totalement ou partiellement une opération de remembrement.

En effet, les décisions des commissions de remembrement sont remises en cause parfois trop tardivement pour que l'on puisse envisager une redistribution des terres ou une destruction des travaux entrepris.

Devant la complexité du problème de remembrement, le Médiateur en arrive à se demander notamment si la législation actuelle sur l'héritage en matière agricole - malgré l'institution d'une attribution préférentielle des propriétés avec versement d'une soulte aux membres de la famille qui n'en bénéficient pas - ne devrait pas être révisée.

Une législation nouvelle - qui pourrait comporter des avantages fiscaux - devrait effectivement inciter à ne pas partager les terres entre plusieurs héritiers.

II. B. LES DIFFICULTES RELATIVES AU REMBOURSEMENT PAR L'ETAT FRANÇAIS DES MONTANTS COMPENSATOIRES DUS AU TITRE DE L'IMPORTATION DE VINS ETRANGERS

Bien qu'il s'agisse d'une affaire délicate, puisque située à l'échelon communautaire, le Médiateur, conscient de son importance, a tenu à en exposer le déroulement.

1° Les faits.

Plusieurs sociétés françaises importatrices de vins italiens se sont plaintes auprès du Médiateur de ne pas percevoir le remboursement des montants compensatoires auquel elles avaient droit. Ces aides sont destinées à amortir les variations monétaires existant entre les divers pays de la communauté européenne. Les fonds correspondant à ces montants proviennent du Fonds Européen d'Organisation de Garantie Agricole (F.E.O.G.A.) mais c'est l'Office National Interprofessionnel des Vins de Tables (O.N.I.V.I.T.) qui devait, en l'occurrence, effectuer le remboursement.

2° Le mauvais fonctionnement de l'Administration et l'importance de cette affaire.

L'ampleur de cette affaire tient au fait que d'une part, de nombreuses sociétés étaient concernées et que d'autre part, des sommes importantes étaient en jeu (plusieurs dizaines de milliards d'anciens francs).

L'Administration française, qui servait d'intermédiaire dans l'acheminement d'un budget européen, ne refusait pas le paiement. Elle reconnaissait même le bien-fondé des réclamations successives qui lui étaient adressées mais différait, sans donner de raison, ce paiement des sommes dues. L'une des sociétés attendait depuis un an alors que normalement, l'Administration doit payer la subvention deux mois après la présentation du dossier d'importation. Ce retard était inadmissible. Le Médiateur est intervenu.

3° L'efficacité de cette intervention.

Une issue favorable a pu être réservée à l'ensemble des litiges opposant les réclamants à l'O.N.I.V.I.T. puisque les difficultés d'ordre administratif rencontrées par cet organisme ont finalement été surmontées, le retard complètement résorbé et les sommes dues intégralement versées.

Le Médiateur s'en est réjoui d'autant plus que la Commission Européenne de Bruxelles avait condamné l'attitude adoptée par l'Administration française dans cette affaire.

III. PROPOSITIONS DE REFORME, RECOMMANDATIONS, INJONCTIONS

a) Propositions de réforme :

Aucune proposition de réforme nouvelle n'a été entreprise cette année.

b) Recommandations :

A la suite de l'appropriation par l'Etat, au titre de " bien vacant et sans maître ", d'un terrain qu'il possédait dans une commune, un requérant souhaitait obtenir le paiement d'une indemnité compensatrice.

Les parcelles appropriées avaient été attribuées à l'Etat lors de la publication d'un procès-verbal de remembrement lui conférant un titre dont la valeur ne pouvait être contestée que pendant cinq ans devant la commission départementale de remembrement.

Le requérant pouvait légitimement ignorer que la mise en oeuvre d'une procédure de remembrement était susceptible d'abréger la durée de la prescription trentenaire qui - en l'espèce - était revendiquée et ne jouait qu'au profit exclusif de l'Etat. Aussi le Médiateur a-t-il formulé une recommandation pour que soit recherché un arrangement amiable entre les parties concernées.

A la suite de son intervention, l'affaire a reçu une évolution favorable.

Le Médiateur a également obtenu satisfaction pour une affaire similaire.

c) Injonctions :

Le Médiateur n'a pas eu recours à cette procédure.

IV. CONCLUSION

Dans ce domaine où les réclamations mériteraient, dans bien des cas, des enquêtes sur place, le Médiateur apprécie la netteté des réponses qui lui sont adressées ainsi que l'esprit de coopération qui les anime.

Toutefois, le Médiateur regrette que, pour quelques affaires d'une grande complexité, le Ministère mette des délais excessifs pour trouver la solution adéquate.

MINISTERE DE L'INDUSTRIE, DU COMMERCE ET DE L'ARTISANAT


I. BILAN

En 1977, le Médiateur a reçu 92 réclamations au titre de ce Ministère. Elles représentent 2,5 % de l'ensemble des requêtes reçues.

On peut remarquer par rapport à 1976 une certaine baisse des dossiers (101 avaient été traités l'année dernière).

Les réclamations instruites couvrent des domaines différents :

Par exemple, elles sont relatives aux statuts et rémunérations de certaines catégories d'artisans (ainsi les remorqueurs dépanneurs) ou concernent la résiliation de baux commerciaux.

D'autres affaires portent sur les conditions d'ouverture de commerces ou d'hôtels.

Mais c'est dans un domaine particulier, celui de l'aide spéciale compensatrice accordée en 1972 aux artisans et commerçants, que le Médiateur a eu à résoudre les litiges les plus délicats, sources d'iniquités flagrantes.

II. PROBLEMES SOULEVES PAR LA LEGISLATION EN MATIERE D'AIDE SPECIALE COMPENSATRICE

Par l'indemnité viagère de départ, les pouvoirs publics ont offert des facilités aux agriculteurs pour quitter la terre.

Grâce à l'aide spéciale compensatrice ce sont les commerçants et artisans âgés et désireux de prendre leur retraite qui ont fait l'objet de la sollicitude du législateur.

Or paradoxalement, des lois votées dans l'intérêt d'une catégorie sociale particulière n'ont pas satisfait ceux qu'elles avaient pour dessein d'aider, et en ont lésé certains.

C'est l'indignation de ces commerçants et artisans qui se traduit dans les nombreuses réclamations que le Médiateur a été appelé à connaître.

1° Le but de l'aide accordée.

Un vaste ensemble législatif (Loi n° 72-657 du 13 juillet 1972, Loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973, Loi n° 77-531 du 26 mai 1977) et réglementaire, ayant une finalité essentiellement sociale, a été mis en place depuis 5 ans : l'aide spéciale compensatrice a été créée en vue de fournir une aide spécifique aux commerçants et artisans âgés qui, souhaitant cesser leur activité, n'arrivent pas à vendre leur fonds.

Il est donc fait recours à la solidarité nationale pour favoriser leur départ à la retraite dans des conditions décentes.

Cependant maintes réclamations ont mis en évidence les faits suivants :

- Les textes en eux-mêmes laissent subsister des zones d'ombres, sources d'iniquités.

- La mauvaise coordination des différents textes entre eux entraîne également des injustices.

2° Les problèmes soulevés.

A. Les zones d'ombre dans les textes.

Afin de respecter le but poursuivi par les pouvoirs publics les textes ont été conçus pour réserver l'aide à ceux qui en ont réellement besoin et qui ont vraiment exercé pendant un certain temps la profession d'artisan ou commerçant.

D'où les conditions strictes imposées par la loi.

a) Aide réservée à ceux qui en ont besoin : le problème du montant des ressources.

- Une des conditions pour pouvoir obtenir le bénéfice de l'aide spéciale compensatrice est liée au montant des ressources des demandeurs, qui ne doivent pas dépasser un certain plafond.

- Ainsi un artisan ou commerçant dont les revenus totaux sont inférieurs à 1,5 fois le chiffre limite prévu pour l'attribution de l'allocation supplémentaire du fonds national de solidarité et dont les ressources autres que celles tirées de l'exploitation du fonds ou de l'entreprise artisanale sont inférieures à ce même chiffre limite, peut se voir allouer l'aide spéciale compensatrice.

- Si ses revenus totaux sont compris entre 1,5 et 2 fois le chiffre limite prévu pour l'attribution du fonds national de solidarité, il recevra une aide dégressive rétroactive, selon des modalités conformes aux dispositions de la loi du 30 décembre 1973 et du décret du 28 janvier 1974.

Un exemple chiffré (tiré de l'affaire N° III-1546) va mettre en évidence que l'application de ces règles peut conduire à des inégalités flagrantes.

- Monsieur X dispose de 15 000 F de revenus totaux annuels. Ce chiffre est inférieur au plafond de 1,5 X 10 900 (chiffre limite prévu pour l'allocation du F.N.S.) soit 16 350.

Cependant, dans ces 15 000 F, 12 000 F ne proviennent pas de l'activité de l'entreprise et sont donc supérieurs au plafond fixé de 1 X 10 900 F soit 10 900 F.

Bien qu'ayant un revenu commercial relativement modeste (15 000 F - 12 000 F = 3 000 F), Monsieur X ne pourra pas bénéficier de l'aide spéciale compensatrice.

Monsieur Y, par contre, qui a des revenus totaux annuels de 18 000 F (dont 11 000 F tirés de son activité commerciale) obtiendra, lui, l'aide dégressive rétroactive.

Dans ces conditions, il semble particulièrement inéquitable qu'un commerçant artisan, ayant un revenu commercial ou artisanal faible (3 000 F par an) et méritant donc d'être aidé au moment où il abandonne son fonds, ne touche aucune allocation, tandis qu'un autre bénéficiera d'une forme d'aide bien que ses revenus soient supérieurs à ceux du premier.

b) Aide réservée à ceux qui sont de " vrais " commerçants ou artisans : le problème des délais.

- Il faut que celui qui sollicite l'aide ait été quinze ans chef d'entreprise artisanale ou commerçante, dont cinq ans passés dans l'entreprise dirigée au moment de la demande d'aide spéciale.

Certes un décret récent (77-1323 du 1er décembre 1977) a assoupli cette double condition en permettant de la réduire dans certains cas respectivement de 18 mois et de 6 mois. Il n'en demeure pas moins que le Médiateur a été saisi de nombreux cas dans lesquels les conditions ne sont pas remplies, souvent de très peu, pour des raisons dues à des mutations économiques trop rapides. Les demandes sont alors rejetées systématiquement.

Les textes sont donc insuffisamment élaborés, même si chaque loi constitue en elle-même un progrès réel sur certains points.

B. La mauvaise coordination entre les différents textes.

- Par ailleurs une coordination insuffisante peut entraîner des injustices manifestes. Un nouvel exemple va le montrer (IV-129).

- Monsieur Z a cessé son activité en janvier 1973 pour cause d'invalidité reconnue. Il avait moins de 60 ans et demande alors à bénéficier de l'aide spéciale compensatrice.

Or, la loi du 13 juillet 1972 ne s'applique pas aux personnes de moins de 60 ans, même invalides.

La loi du 27 décembre 1973 prend en considération les invalides de moins de 60 ans et leur attribue une aide, mais cette loi n'a aucun caractère rétroactif.

Toutefois le décret du 28 janvier 1974, pris en application de la loi de 1973 précitée, prévoit que les personnes qui ont cessé leur activité entre le 31 décembre 1972 et le 1er janvier 1974, peuvent bénéficier d'une aide particulière sur fonds sociaux, à condition que leurs ressources soient comprises entre deux chiffres limite. Or, Monsieur Z dispose de ressources inférieures au premier chiffre limite et ne peut bénéficier de ce fait de l'aide particulière prévue.

Ainsi, certains commerçants ou artisans ne rentrent dans aucune des catégories évoquées dans les textes précités. Il est anormal qu'ils ne puissent bénéficier d'une aide sur fonds sociaux au motif que leurs ressources sont insuffisantes. Il y a donc contradiction avec l'esprit même qui a présidé à l'élaboration de ces textes et qui visait à faciliter le départ à la retraite des artisans et commerçants démunis.

3° La position du Médiateur

Le but de la loi de 1972 était louable : indemniser des commerçants ou artisans aux revenus modestes, souvent victimes des mutations économiques et qui souhaitent cesser leur activité.

Afin d'atteindre ce but et pour éviter tout abus, on a créé un appareil législatif lourd - trois lois, de nombreux décrets - qui, par sa complexité a conduit à des situations absurdes.

A vouloir prendre trop de précautions dans un domaine où la sensibilité est vive, on en arrive à donner un sentiment de frustration à ceux qui auraient dû bénéficier de ces textes votés en leur faveur. En outre, de nouvelles iniquités sont apparues du fait de la trop grande subtilité de la réglementation. Le Médiateur s'étonne d'autant plus des résultats obtenus que la loi elle-même pourrait donner à l'administration les moyens d'exercer une action plus juste et plus efficace.

C'est ainsi que le Médiateur insiste sur le rôle essentiel qui devrait revenir, dans la pratique, aux commissions instituées par les textes, que ce soit celles chargées de l'attribution de l'aide ou celle qui accorde les dispenses.

Plutôt que de leur imposer des limites chiffrées formelles pour accorder ou refuser l'aide, il serait préférable de leur permettre de prendre comme critère de leurs décisions le caractère réel et prouvé par tous moyens de l'activité commerciale ou artisanale exercée ainsi que la situation sociale des intéressés.

Ce n'est que dans cette hypothèse que serait réalisé un véritable assouplissement des conditions de délais qui respecterait néanmoins l'esprit de la réforme originelle.

Plus qu'une modification profonde des lois et règlements régissant la matière, c'est une interprétation plus souple de ces textes qui s'impose d'autant plus qu'eux-mêmes en donnent les moyens.

Par ailleurs et plus immédiatement, le Médiateur suggère des modifications techniques afin de réparer les iniquités dénoncées. Ainsi conviendrait-il d'améliorer la coordination des différents textes : par exemple, supprimer le montant des ressources en deçà duquel l'intéressé ne peut injustement percevoir aucune aide.

III. PROPOSITIONS DE REFORME, RECOMMANDATIONS, INJONCTIONS

a) Propositions de réforme :

- Les difficultés résultant de la législation en matière d'aide spéciale compensatrice vont amener le Médiateur à formuler une proposition de réforme visant à éliminer les injustices précédemment dénoncées.

- La proposition de réforme I.C.A. 75.2 qui a fait l'objet d'une relance auprès du Ministre de l'Industrie est toujours à l'étude dans les services.

Elle concerne la modification de la réglementation du recouvrement des redevances annuelles dues par les titulaires de brevets industriels. Il s'agit essentiellement d'un problème de meilleure information des administrés : en effet un certain nombre de titulaires de brevets - faute d'information - s'étaient vus privés de leurs droits pour n'avoir pas payé en temps voulu les redevances instituées par la loi.

En 1977, le Médiateur a soumis aux administrations concernées, une proposition de réforme (SYN 3) visant les régimes sociaux et de Sécurité Sociale des gérants majoritaires de SARL, afin de faire disparaître la discrimination actuelle entre les gérants de Société Anonyme et ceux de SARL, qui touche nombre de commerçants.

b) Recommandations – Injonctions :

Pour l'année 1977, le Médiateur n'a pas eu recours à ces procédures.

IV. CONCLUSION

Le Médiateur croit devoir souligner le caractère satisfaisant dans son ensemble de ses relations avec le Ministère de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat et des établissements publics placés sous sa tutelle.

Il apprécie le sérieux avec lequel les requêtes sont examinées. Par ailleurs les réponses du Ministère interviennent le plus souvent dans des délais convenables.

Il se doit également d'insister sur les efforts réels de ces services pour apporter aux administrés une information claire et solide en matière d'abonnement et de facturation de gaz et d'électricité.

Cependant, cette Administration a tendance à appliquer la réglementation de façon trop stricte sans tenir compte des intérêts légitimes des administrés, comme c'est le cas parfois pour l'EDF. Ce manque de souplesse peut conduire au maintien de situations particulièrement inéquitables.

MINISTERE DE LA SANTE ET DE LA SECURITE SOCIALE


I. BILAN

Avec 831 réclamations pour 1977 - soit 23,5 % du total des dossiers soumis au Médiateur - la prédominance du secteur social ne s'est pas démentie cette année. Cette prédominance n'est pas étonnante si l'on en juge par l'importance des questions posées : celles relatives à la vieillesse d'abord, avec tous les problèmes qui lui sont liés : montant de la retraite, attribution des pensions de réversion, existence des retraites complémentaires... Mais aussi tous les problèmes de la maladie, de l'invalidité, des aides à la famille, au chômage...

Dans la majorité des cas, ce sont la législation et la réglementation applicables qui sont mises en cause. La complexité de cette législation et de cette réglementation les rend difficilement compréhensibles pour l'administré ; il est bien certain aussi qu'elles aboutissent à des iniquités et à des illogismes peu acceptables.

Lorsque, à l'occasion de l'étude d'un dossier, le Médiateur décèle une lacune de la réglementation, il en propose l'amélioration aux pouvoirs publics. Cette année cependant, il a estimé préférable de surseoir à l'élaboration de propositions nouvelles pour porter son effort sur la discussion et l'aboutissement de propositions élaborées antérieurement.

Dans l'ensemble des questions soumises au Médiateur en matière sociale, les multiples problèmes nés des dysharmonies existantes entre les différents régimes de Sécurité Sociale ont particulièrement retenu son attention.

II. LES DIFFICULTES DE LA MISE EN OEUVRE DE L'HARMONISATION DES DIVERS REGIMES DE SECURITE SOCIALE

Bien que l'ordonnance du 4 octobre 1945 et la loi du 22 mai 1946 aient posé le principe d'un régime de Sécurité Sociale unique et étendu à tous les Français, il existe en France non pas une Sécurité Sociale, mais des Sécurités Sociales parallèles créées à des dates différentes et assurant des protections très inégales contre les différents risques sociaux.

L'institution d'un régime unique s'est en effet heurtée dès le départ à l'hostilité des travailleurs indépendants (hostilité qui se manifesta même par des grèves) et à l'opposition des bénéficiaires de régimes spéciaux, qui virent finalement leur régime spécial maintenu, mais à titre provisoire seulement (article L3 du Code de la Sécurité Sociale).

La diversification - conséquence de l'individualisme - n'a fait que s'aggraver par la suite sous la pression des diverses catégories sociales : se situent bien dans cette tendance la création, par la loi du 17 janvier 1948, de régimes autonomes d'assurance vieillesse au profit des travailleurs non salariés non agricoles ; l'institution, par la loi du 17 janvier 1952, d'un régime de retraite propre aux exploitants agricoles ; l'extension, mais dans un cadre strictement professionnel, du bénéfice de l'assurance maladie aux exploitants agricoles et aux travailleurs indépendants (extension réalisée par les lois du 25 janvier 1961 et du 12 juillet 1966). La récente loi de généralisation de la Sécurité Sociale a été une nouvelle manifestation de ce réflexe.

Pourtant, nombreuses sont les difficultés nées du fait que l'étendue de la protection accordée aux assurés varie d'un régime à l'autre. La diversité de ces régimes et l'insuffisante coordination existant entre eux entraîne des conséquences souvent douloureuses pour les administrés, les inconvénients du système se trouvant encore aggravés par l'évolution démographique à l'intérieur de chaque catégorie sociale et par les effets de la mobilité professionnelle. La création et l'extension des régimes complémentaires ont contribué à rendre le problème encore plus aigu et difficile à résoudre, l'administration se voyant maintenant dans l'obligation de gérer un système très largement contractuel, mais avec un pouvoir de décision très limité.

La loi de Finances pour 1974 et la loi du 24 décembre 1974, en posant - ou plus précisément, en reposant - les principes de généralisation et d'harmonisation des régimes de Sécurité Sociale (avec, en contrepartie de l'harmonisation, le mécanisme de la compensation des charges financières entre régimes), traduisent le souci des pouvoirs publics de pallier cette situation. Certaines des mesures qu'elles prévoyaient ont été réalisées ou sont sur le point de l'être ; d'autres n'ont pu, par contre, aboutir. Elles restent - de toute façon - très insuffisantes, des mesures complètes d'harmonisation se heurtant en effet, non seulement aux limites des facultés contributives de la nation, mais aussi à l'opposition farouche de certaines catégories socioprofessionnelles.

Section 1. - LES INCONVENIENTS DE LA DIVERSITE

De nombreux inconvénients résultent de cette diversité : inégalités de traitement, iniquités véritables même dont sont victimes les administrés, complexité de la réglementation, lourdeur de la gestion...

L'étude des dossiers soumis au Médiateur en a fait apparaître un si grand nombre qu'il est impossible d'en donner une liste exhaustive. Seules quelques-unes des dysharmonies les plus marquantes seront ici mises en lumière.

Certaines de ces dysharmonies semblent résulter essentiellement de considérations financières, sans qu'aucun obstacle de fond ne s'oppose à leur disparition. D'autres, par contre, bien que liées également à des problèmes financiers, découlent en outre d'une philosophie spécifique à certains systèmes d'organisation et ne pourront sans doute disparaître sans un bouleversement profond des principes qui les régissent.

La diversité des exemples présentés ici et des domaines qu'ils recouvrent illustre bien la complexité du système de protection sociale des Français, et la difficulté d'en reprendre la maîtrise.

A. - Quelques exemples en matière d'assurance maladie :

a) Le montant des prestations en nature de l'assurance maladie varie selon le régime d'affiliation de l'assuré.

Le salarié du Commerce et de l'Industrie voit ses consultations chez le médecin et ses frais pharmaceutiques remboursés à des taux allant de 75 à 100 % (le remboursement intégral intervenant en cas de maladie longue et coûteuse ou pour les médicaments dits " indispensables ") (Il faut toutefois signaler que certains médicaments dits " de confort " ne sont plus maintenant remboursés qu'à 40 %) ; ses frais d'analyses et de cures thermales (en ce qui concerne les soins tout au moins) sont pris en charge à 100 %.

L'assuré qui relève du régime des artisans, des commerçants ou des membres des professions libérales, voit ces mêmes dépenses remboursées, respectivement, aux taux de 50 % pour les consultations (80 % en cas de maladie longue et coûteuse) et de 80 % pour les analyses et cures thermales (réclamations n° II-2899, III-275, III-1545).

Celui qui relève du régime spécial de la R.A.T.P., de la S.N.C.F. ou des Mines, bénéficie de la gratuité des soins, mais à la condition de consulter un médecin agréé. S'il se trouve dans l'impossibilité matérielle de satisfaire à cette condition (il est, par exemple, installé à la campagne où il n'existe pas de médecin agréé de la R.A.T.P.), ses frais médicaux sont alors remboursés sur les mêmes bases que dans le régime général.

En réalité, si l'organisation des régimes spéciaux soulève un problème à part, la disparité la plus grave, subsistant jusqu'à une date récente en matière d'assurance maladie, concernait les différences très importantes entre la situation faite aux ressortissants du régime général et celle des assujettis au régime des non-salariés. Ces différences ont été très sensiblement atténuées avec l'intervention du décret n° 77-856 du 26 juillet 1977 qui a accordé, à compter du 1er août dernier, aux commerçants, artisans et membres des professions libérales, en matière de frais d'hospitalisation et de longue maladie, des garanties très proches de celles dont bénéficient les salariés du régime général. Certaines inégalités demeurent cependant, en ce qui concerne notamment le remboursement des frais de petits risques.

b) Assurance maladie des retraités : les droits ne sont pas identiques et ne sont pas ouverts dans les mêmes conditions suivant le régime d'assurance vieillesse auquel le retraité est rattaché.

Une première disparité découle de la précédente : dans tous les régimes en effet, le remboursement des frais de maladie s'effectue pour les pensionnés sur les mêmes bases que pour les actifs ; les dysharmonies existantes se répercutent donc à ce niveau ; les améliorations apportées en la matière se répercutent bien évidemment, elles aussi.

Une seconde différence, fondamentale, subsiste : le pensionné du régime général est dispensé de tout paiement de cotisations pour l'assurance maladie ; les pensionnés des autres régimes continuent à être redevables de telles cotisations.

Nombreuses sont les réclamations soumises au Médiateur en ce domaine (n° III-91, III-1174...), réclamations émanant de retraités qui, titulaires de plusieurs pensions, demandent leur rattachement au régime général, plus avantageux.

Un progrès certain a été marqué en la matière par la loi du 4 juillet 1975 portant généralisation de la Sécurité Sociale.

Avant l'intervention de cette loi, les retraités ayant exercé plusieurs activités professionnelles étaient inscrits au régime d'assurance maladie dont avait relevé leur " activité principale ". Ce système, logique en soi, rendait particulièrement douloureuse la perpétuation au moment de la retraite de discriminations déjà difficilement supportables en période d'activité.

Depuis 1975, l'assuré polypensionné reste - sauf demande expresse de sa part - affilié au régime d'assurance auquel il est rattaché depuis au moins trois ans lors de la cessation de son activité professionnelle ou de l'ouverture de ses droits à pension de réversion.

Cette disposition est satisfaisante, mais elle ne règle malheureusement le problème que pour l'avenir. Même si l'harmonisation, au fur et à mesure de sa réalisation, doit atténuer la rigueur de la règle, l'équité commanderait que la possibilité ouverte par la loi de 1975 soit accordée à tous les poly-pensionnés, sans condition de date.

c) Disparités dans les règles régissant l'octroi des prestations en espèces.

Le salarié du régime général peut, en cas de maladie et sous certaines conditions, se voir servir des indemnités journalières (égales en principe à la moitié de son salaire de base) pendant une période de trois ans au maximum à compter de la date d'interruption du travail. Ces trois années seront prises en compte, pour sa retraite, dans le calcul de ses années de service.

Le non-salarié non-agricole n'a droit à aucune indemnité journalière.

Quant au bénéficiaire d'un régime spécial qui, malade, a épuisé ses droits à émoluments (3 mois à plein traitement, 9 mois à demi-traitement, en cas de maladie ordinaire), il se trouve automatiquement, soit placé en position de disponibilité, soit admis d'office à la retraite s'il est reconnu définitivement inapte. Les périodes correspondant à la mise en disponibilité ne sont pas prises en considération pour le calcul de sa pension.

C'est ce dont s'est plaint auprès du Médiateur un réclamant, agent de la Banque de France. Victime d'un accident, l'intéressé n'avait pu recommencer à travailler à l'expiration de son congé de maladie. Il ne s'était trouvé apte à reprendre son service qu'après une période de disponibilité de plus de deux ans. Son employeur lui avait bien versé, pendant ces deux années, une allocation bénévole. Mais dans les régimes spéciaux, aucun règlement ni aucune décision administrative générale ne permettent de valider pour la retraite de telles périodes (dossier n° III-1264).

B. - En matière d'assurance invalidité, l'insuffisance des régimes de non-salariés est évidente.

Les salariés du régime général, du régime agricole, ou d'un régime spécial, sont couverts contre tous les risques éventuels : non seulement maladie ou vieillesse, mais également chômage, invalidité, décès. En matière d'assurance maladie, ils peuvent également bénéficier aussi bien des prestations en espèces que des prestations en nature.

Pour les travailleurs non salariés non agricoles, les lois du 17 janvier 1948 et du 12 juillet 1966 n'ont garanti que les risques vieillesse et maladie maternité (pour les seules prestations en nature).

A vrai dire, certaines des catégories concernées se sont progressivement couvertes contre les autres risques, grâce à l'institution de régimes complémentaires. Mais ces disparités fondamentales dans les régimes de base créent des injustices criantes, que le Médiateur se doit de signaler.

1° - Une première catégorie de problèmes résulte du caractère particulièrement inégalitaire des régimes complémentaires des non-salariés, comparés au régime de base des salariés, en ce qui concerne la couverture de ces différents risques.

L'exemple du système de l'assurance invalidité est à cet égard particulièrement significatif.

Le Code de la Sécurité Sociale a prévu (dans son livre III) la possibilité pour les professions libérales, artisanales, industrielles et commerciales, de créer des régimes complémentaires pour le risque invalidité. En application de ces textes, des régimes complémentaires obligatoires ont été créés pour plusieurs de ces catégories sociales (un décret du 24 août 1963 a ainsi couvert les professions artisanales, et un décret du 8 janvier 1975 les professions industrielles et commerciales. Il faut signaler par contre que les professions libérales ne sont pas toutes couvertes en ce domaine).

Les difficultés résultent du fait que ces régimes complémentaires, créés par les organismes autonomes d'assurance vieillesse des non-salariés, prévoient des conditions d'attribution nettement plus rigoureuses que celles qui sont requises pour les salariés du régime général. Issus d'une philosophie radicalement opposée à celle qui régit l'organisation de ce régime général, ils ne pouvaient qu'être très différents de lui.

Dans le régime général en effet, l'invalidité est considérée comme la suite logique de la maladie et elle est, comme telle, prise en charge sans discontinuité par les caisses primaires d'assurance maladie. L'assuré qui peut justifier de certaines conditions d'immatriculation (douze mois au moins au 1er jour du mois au cours duquel est survenue soit l'interruption de travail suivie d'invalidité, soit la constatation médicale de l'état d'invalidité résultant de l'usure prématurée de l'organisme) et d'un certain nombre d'heures de travail (800 heures au cours des 4 trimestres civils précédant l'interruption du travail ou la constatation de l'état d'invalidité) et dont l'état d'invalidité a fait l'objet d'une constatation médicale, peut prétendre à une pension au titre de cette invalidité. Lorsqu'il atteint 60 ans, sa pension est transformée en pension vieillesse pour inaptitude au travail, et la liquidation se fait sur les mêmes bases que si l'intéressé avait 65 ans.

Les régimes complémentaires couvrant ce risque pour les non-salariés considèrent au contraire l'invalidité comme une forme prématurée de la vieillesse et en confient la gestion aux caisses vieillesse.

Des disparités très importantes découlent de cette différence d'optique : elles se traduisent essentiellement par une sévérité accrue des conditions (de stage, médicales, etc.) exigées pour l'attribution d'une pension d'invalidité. Elles entraînent également l'attribution de prestations moins importantes.

Par exemple :

- Dans le régime général, l'assuré social doit être victime d'une réduction des 2/3 de sa capacité de travail ou de gain ; il pourra, sous certaines conditions, continuer à exercer une activité rémunérée. Dans les régimes de non-salariés, l'invalidité doit être totale et définitive, empêchant ainsi l'intéressé de se livrer à une activité rémunératrice quelconque (ces différences dans les règles d'attribution entraînent des différences dans les règles autorisant le cumul d'une pension d'invalidité avec les revenus d'une activité non-salariée ou salariée).

- Dans le régime des artisans, " l'état d'invalidité... ne peut en aucun cas être reconnu avant le premier jour du sixième mois civil suivant celui au cours duquel l'assuré intéressé a cessé toute activité " (Article 8 du règlement annexé à l'arrêté du 17 décembre 1975). Rien de tel n'existe dans le régime des travailleurs salariés.

On s'interroge sur les motifs de cette réglementation. Dans une proposition de réforme (n° STR 76-27), le Médiateur en a demandé la suppression.

- Le régime général prévoit qu'en cas d'invalidité, l'assuré peut bénéficier d'une majoration de sa pension pour tierce personne.

Le travailleur indépendant est privé d'une telle prestation (réclamation n° IV-2348).

2° - Cette situation inégalitaire est encore aggravée par l'insuffisance (pour ne pas dire l'absence) de la coordination entre ces régimes. C'est au moment du passage d'un régime à l'autre que les inconvénients de ce défaut de coordination apparaissent. Le Médiateur en a connu de nombreux exemples ; deux sont particulièrement douloureux et choquants.

- Dans le premier cas, l'intéressé a travaillé dans l'entreprise de son père en qualité de salarié pendant de nombreuses années. Ses cotisations au régime général ont toujours été réglées très régulièrement. Le 1er juin 1974, il succède à son père à la tête de l'affaire familiale ; il effectue toutes les formalités nécessaires, tant auprès de la caisse primaire qu'auprès de l'organisme des non-salariés (en l'occurrence, le régime des artisans).

Le 23 juin 1974, il est victime d'un accident de la circulation qui le met dans l'incapacité absolue d'exercer une activité professionnelle. Il perd, à compter du 30 juin 1974, tout droit à l'assurance maladie du régime général, mais peut à partir de cette date être pris en charge par le régime d'assurance maladie des non-salariés.

Mais il n'en va pas de même en ce qui concerne son assurance invalidité : l'intéressé n'a pas eu le temps de remplir les conditions de stage (un an d'immatriculation) exigées par le régime des non-salariés, il remplit auprès du régime général toutes les conditions requises pour bénéficier de l'assurance invalidité, mais il a malheureusement perdu tous ses droits auprès de ce régime le 30 juin 1974, en application de l'article L.253 du Code de la Sécurité Sociale.

Bien qu'ayant été régulièrement inscrit et ayant régulièrement cotisé dans les deux régimes sans solution de continuité, l'intéressé ne peut bénéficier d'aucune pension d'invalidité, ni dans un régime, ni dans l'autre (affaire n° II-473).

- Dans le second cas au contraire, le réclamant a exercé une activité non-salariée pendant de nombreuses années, de 1964 à 1974. Il prend une activité salariée à compter du 1er octobre 1974. Le 26 décembre 1974, il se voit obligé d'arrêter son travail car il est atteint d'une maladie grave. Le régime général, dont il relève, lui verse les indemnités journalières auxquelles il a droit pendant 6 mois, soit jusqu'au 25 juin 1975. Mais il ne remplit pas les conditions requises (un an d'immatriculation) pour que ce régime continue à lui verser des indemnités journalières au-delà de ce délai de 6 mois, ou puisse lui accorder une pension d'invalidité. Le régime des non-salariés refuse également de le prendre en charge, puisqu'il n'est plus affilié à ce régime et n'y verse plus de cotisations.

Comme dans le cas précédent, cet assuré se voit privé de la protection qu'il pouvait légitimement espérer, puisqu'il avait cotisé auprès de l'un ou de l'autre régime régulièrement et sans interruption.

La récente loi de généralisation de la Sécurité Sociale a prévu une amélioration des règles permettant le maintien des droits acquis dans un régime obligatoire (le délai devant être porté de 1 à 3 mois). Mais des situations telles que celles qui viennent d'être analysées ne seront pas entièrement résolues par cette nouvelle disposition. Le Médiateur estime urgent qu'une coordination véritable soit instaurée concernant les délais d'acquisition et de perte des droits dans les différents régimes.

La question est ardue car se pose ici le problème de la coordination entre un régime de base légal et un régime complémentaire. Elle ne doit pourtant pas être insoluble !

C. - En matière d'assurance vieillesse.

Certaines améliorations ont été apportées récemment en la matière : la plus importante a consisté à aligner les régimes d'assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales sur le régime général des salariés (loi du 3 juillet 1972).

Malgré cela, de nombreuses distorsions subsistent :

1° - Pensions de réversion

- Les règles de cumul d'une pension de réversion avec un avantage personnel de vieillesse varient selon les systèmes.

Le conjoint d'un agent de l'Etat ou d'une entreprise nationalisée peut cumuler intégralement sa pension de réversion avec sa pension propre. Mais dans le régime général, ainsi que dans les régimes alignés, le cumul des deux pensions est soumis à un plafond de ressources.

Les réclamations sur ce thème sont très fréquentes (le Médiateur avait demandé, en 1976, qu'une réforme permette à tous les pensionnés, quelque soit leur régime, de cumuler intégralement l'ensemble des avantages auxquels ils peuvent avoir droit. Mais les pouvoirs publics n'estiment pas qu'une telle réforme soit possible actuellement, compte tenu de l'importance des charges qui en résulteraient).

- La loi du 11 juillet 1975 portant réforme du divorce prévoit que la pension de réversion peut être partagée, au prorata des années de mariage, entre les conjoints veufs et divorcés. Mais cette règle ne s'applique pas dans certains régimes spéciaux (E.D.F., S.N.C.F., R.A.T.P., Mines... ; réclamation n° II-1037 par exemple).

- Tous les régimes subordonnent l'octroi d'une pension de réversion non seulement à une condition de mariage, mais en outre à une condition de durée de ce mariage.

La durée exigée varie cependant selon les régimes : de deux ans dans le régime général, elle varie dans les régimes spéciaux de deux à six ans.

2° - La règle des 15 ans.

Beaucoup plus fondamentales sont les disparités qui résultent de la condition exigée, dans les régimes spéciaux, d'avoir accompli 15 années de services pour avoir droit à une pension de ce régime, avec le problème, corollaire, des cotisations perdues. Les disparités ici dénoncées sont le résultat des différences profondes existantes dans l'économie générale des différents systèmes de Sécurité Sociale.

a) Durée minimale de services exigée, dans les régimes spéciaux, pour l'ouverture du droit à pension de retraite.

La loi n° 75.3 du 3 janvier 1975 " portant diverses améliorations et simplifications en matière de pensions ou allocations des conjoints survivants, des mères de famille et des personnes âgées " a supprimé (articles 12 et 13) l'exigence d'une durée minimale d'assurance pour l'ouverture du droit à un avantage vieillesse du régime général, et rendu la " pension " de vieillesse proportionnelle à la durée d'assurance effective.

Ce texte signifie en clair que " tout trimestre cotisé est validé ". Il n'y a donc pas de cotisations perdues.

Mais bien que ce texte se présente comme l'une des étapes de l'harmonisation progressive des divers régimes de Sécurité Sociale (prescrite par la loi du 24 décembre 1974), ces dispositions ne s'appliquent qu'aux ressortissants du régime général (et des régimes alignés) et laissent donc à l'écart les régimes spéciaux, qui continuent d'exiger une durée minimum d'activité de quinze années pour l'ouverture d'un droit à prestation de vieillesse. Le régime des exploitants agricoles également continue à exiger, pour l'attribution d'une pleine pension, une durée d'activité professionnelle agricole de 15 années (il dispose en outre que l'assuré doit avoir acquitté au moins cinq années de cotisations).

Le Médiateur a été saisi de multiples réclamations sur cette question : réclamations d'agents qui avaient relevé pendant plusieurs années du régime des fonctionnaires ou d'un régime spécial, mais qui n'avaient pu parfaire dans ce régime leur droit à pension (dossiers n° II-277, II-1476, III-2412, III-2399, IV-97, IV-2646, etc…) ; les exemples pourraient à cet égard être multipliés.

La règle est difficilement acceptée par la majorité des intéressés ; elle devient inadmissible pour celui qui, ayant totalisé un peu moins de 15 ans dans un régime, se voit refuser par ce régime une pension proportionnelle.

Les cas de ce genre sont hélas fréquents. Un exemple, celui du dossier n° II-1481 : le requérant a totalisé 14 ans, 11 mois et 10 jours de services miniers et assimilés valables pour la retraite. Comme il ne remplit pas la condition des 15 années de services exigées, le régime des Mines ne peut que lui refuser toute pension proportionnelle. S'il avait relevé du régime général, l'intéressé se serait vu d'emblée attribuer une pension proportionnelle calculée sur 59 trimestres d'assurance.

Les inconvénients du système ont été progressivement atténués :

- par l'intervention, dans un premier temps, du décret du 20 décembre 1931 qui a organisé, pour la première fois, une coordination entre le régime général de retraites et celui des pensions civiles et militaires : ce texte offrait aux intéressés la possibilité de choisir entre le remboursement intégral du montant des retenues pour pension et un remboursement partiel de ces mêmes retenues assorti d'une réaffiliation au régime général des assurances sociales. Le choix en faveur de cette seconde solution devait être concrétisé par une demande de rétablissement dans ses droits auprès du régime général, effectuée en même temps que la demande de remboursement des retenues ; la démarche devait, sous peine de forclusion, être effectuée dans un délai de cinq années à partir de la date de radiation des cadres.

- par l'intervention, ensuite, du décret n° 50.133 du 20 janvier 1950 : le nouveau texte prévoit que le versement des cotisations dues au titre de la réaffiliation au régime de l'assurance vieillesse est supporté intégralement par l'Etat et qu'il est effectué obligatoirement par l'administration dans l'année qui suit le départ de l'agent, sans que celui-ci ait à en formuler la demande.

Si ce décret a réglé de façon plus satisfaisante le problème des pensions dont les droits ont été ouverts après sa promulgation, il n'a pas permis de trouver une solution équitable pour les pensions liquidées avant cette date, lorsque les intéressés, mal ou tardivement informés, n'ont pas demandé à temps leur réaffiliation au régime général. Ces personnes se trouvent alors dans l'obligation, pour obtenir la prise en compte de ces services, d'effectuer auprès du régime général la totalité du versement des cotisations personnelles et patronales, dûment réévaluées, alors que les cotisations nécessaires avaient déjà été versées, durant leurs années d'activité, auprès de (et par) l'administration qui les employait (réclamations n° IV-2536, IV-2850, etc.).

Seule l'application rétroactive du texte de 1950 permettrait de résoudre ces litiges. Mais l'administration n'estime pas qu'une telle solution s'impose en l'espèce.

Le Médiateur ne peut accepter ce point de vue. Il estime que l'Administration ne peut opposer le coût financier d'une assurance vieillesse pour laquelle les cotisations ont été régulièrement perçues à l'époque.

D'une façon générale, il pense que le maintien de cette exigence de 15 années minimales de services n'est pas ou n'est plus justifié.

D'une part, la règle se révèle souvent source de complications et de lenteurs, dues à la lourdeur des formalités qui résultent de la nécessité de maintenir, pour les régimes concernés, les règles de coordination qui existaient de manière générale avant l'intervention de la loi du 3 janvier 1975 (d'après une enquête effectuée au plan national par le Ministère de l'Agriculture, les difficultés de la coordination - qui se sont aggravées depuis la suppression de la coordination dans les autres régimes - conduisent à un triplement des délais normaux de traitement des dossiers (six mois au lieu de deux)). Elle aboutit aussi, dans certains cas à pénaliser l'assuré qui reçoit parfois moins au titre de la coordination que s'il avait touché une pension au titre de l'un des régimes auxquels il a cotisé.

D'autre part, la " prime de fidélité " que constituait la règle des 15 ans pouvait se justifier à une époque où la stabilité de la main-d'oeuvre était recherchée et où les régimes spéciaux étaient privilégiés. Elle n'a pas de sens à une époque où la mobilité des travailleurs est une condition du progrès général. Elle devient choquante à partir du moment où le régime général ouvre des droits à pension pour tout trimestre cotisé. De " privilégiés ", les régimes spéciaux deviennent sur ce point discriminatoires.

b) problème des cotisations perdues

La loi n° 72.1223 du 29 décembre 1972 " portant généralisation de la retraite complémentaire " prévoit, pour les salariés et anciens salariés du régime général de Sécurité Sociale ou des assurances sociales agricoles, l'affiliation obligatoire à une institution de retraite complémentaire.

Mais les dispositions de ce texte ne s'appliquent pas aux salariés qui relèvent d'un régime spécial de retraite.

En réalité, les régimes spéciaux fournissent à leurs ressortissants - s'ils ont 15 ans de services - des avantages de vieillesse au moins égaux à ceux qui résultent, pour le salarié du régime général, du cumul de sa pension de vieillesse et de sa retraite complémentaire. Aucun problème ne se pose donc pour l'assuré qui a pu constituer, dans un régime particulier, tous ses droits à la retraite. Mais les personnes ayant quitté ce régime avant d'avoir effectué les 15 années requises se voient refuser le bénéfice d'une retraite complémentaire tenant compte de l'activité accomplie dans ce régime, la coordination interrégimes n'étant prévue que pour la fraction des cotisations correspondante à la pension de base, mais non pour celle correspondant à la retraite complémentaire (elle a cependant été prévue, pour les fonctionnaires, dans le cadre de l'I.R.C.A.N.T.E.C.).

Ainsi, selon le déroulement de sa carrière, selon la ou les entreprises dans lesquelles il a travaillé, selon la date à laquelle il a pris sa retraite, le salarié a ou n'a pas droit à la validation de tous ses services pour sa retraite complémentaire, bien qu'il ait cotisé de façon continue.

Un tel vide juridique est source d'iniquités profondes et injustifiables. Nombreux sont les réclamants qui viennent s'en plaindre auprès du Médiateur (dossiers n° I-619, I-1643, II-277, III-1624, III-2244, etc.). Là encore, les exemples pourraient être multipliés.

Le Médiateur estime qu'un système de " proratisation " des pensions de vieillesse et des retraites complémentaires serait susceptible de combler ce vide ; il a fait, dès 1976, une proposition de réforme en ce sens (syn n° 6).

La " proratisation " se définit comme la prise en charge par chaque organisme gestionnaire d'un régime de protection sociale, de la part de la pension de vieillesse correspondant aux cotisations versées par un assuré de ce régime, et calculée au prorata de son temps d'affiliation.

Un tel système, étendu à tous les régimes obligatoires légaux et s'appliquant intégralement à l'intérieur de chaque régime, y compris les régimes spéciaux, permettrait de mettre fin aux injustices engendrées par la situation actuelle.

Mais la mise en oeuvre de cette proposition se heurte à l'hostilité de certaines administrations - de celle du Ministère de l'Economie et des Finances en particulier.

Cette administration fait valoir, en effet, qu'une telle modification, en supprimant l'exigence d'un minimum de 15 années d'activités pour la reconnaissance d'un droit à pension, entraînerait un bouleversement profond de toute l'économie de la réforme réalisée par la loi du 26 décembre 1964, dont l'une des caractéristiques est précisément constituée par cette disposition. Faisant valoir que la législation des assurances sociales et celle des pensions civiles et militaires de retraite sont essentiellement distinctes en raison des particularités de carrière de leurs tributaires respectifs, elle estime que la transposition dans l'une de ces législations des réformes apportées à l'autre ne peut être envisagée de manière systématique.

Cette même administration fait observer, en outre, que le paiement prorata temporis de pensions par les régimes spéciaux, s'il venait à être généralisé, conduirait, en cas d'activités successives relevant de régimes différents, à supprimer le plafond des annuités rémunérables au titre de l'assurance vieillesse, ce qui rendrait difficilement tolérable le maintien d'un tel plafond pour les seules personnes ayant constamment relevé du même système de retraite.

On se heurte là, en effet, à la limite générale des 37 années et demie (150 trimestres) admise, depuis 1975, pour le calcul de la pension de vieillesse.

Les arguments opposés par cette administration pour refuser cette réforme ne sont cependant pas sans critiques. Le Médiateur a d'ailleurs constaté que certains régimes spéciaux (en particulier celui des marins et celui des mineurs) s'orientaient vers un tel système. Il trouve en outre ici l'occasion de redire combien lui semble injuste et inadapté le maintien de toute limite dans les durées d'assurance prises en compte pour le calcul des pensions de vieillesse.

Les exemples d'iniquités résultant du manque d'harmonisation des différents régimes de Sécurité Sociale pourraient être multipliés. Ceux qui viennent d'être analysés montrent suffisamment les inconvénients du système.

A ces inconvénients il faut ajouter, d'ailleurs, les difficultés de gestion administrative, sources de coûts plus élevés, les risques accrus d'erreurs de la part des caisses : comment déterminer, par exemple, si le commerçant qui a également une activité d'artisan (le cordonnier qui vend des chaussures, l'horloger qui répare les réveils) doit être assujetti au régime des commerçants ou à celui des artisans ? L'affiliation dépend de l'activité principale de l'intéressé, laquelle peut varier d'une année à l'autre. Chaque cas devient un cas d'espèce ; la solution n'est pas aisée.

Ce système, qui oblige à saisir la complexité des situations, conduit à des complications incompréhensibles pour l'assuré et très coûteuses pour les services gestionnaires.

Pour l'administré, cet état de fait et de droit peut, comme on l'a vu, entraîner certaines mauvaises et même douloureuses surprises ; il éprouve alors un sentiment profond d'injustice, se sentant victime d'un système qui a pourtant été voulu et imposé en son nom par les responsables de son groupe socioprofessionnel.

A vrai dire, grâce aux améliorations progressives apportées à différents régimes (en particulier celui des commerçants et artisans) et à la généralisation - réalisée récemment - de la Sécurité Sociale, certaines des inégalités les plus criantes ont en partie disparu, et l'on peut estimer que, mis à part les membres des professions libérales et les exploitants agricoles en matière de vieillesse, chaque assuré bénéficie dans son régime d'une protection à peu près satisfaisante.

Les problèmes résultent essentiellement des conséquences des mutations socioprofessionnelles et de la mobilité professionnelle, et ils sont alors sources d'iniquités graves. La mobilité professionnelle est un fait : on ne peut ne pas en tenir compte. La nécessité de trouver une solution aux problèmes posés devient d'autant plus urgente que les circonstances économiques actuelles exigent de la population active une mobilité accrue.

Section 2. - LES DIFFICULTES DE L'HARMONISATION

Tous ces problèmes n'ont bien évidemment pas échappé aux pouvoirs publics qui, en 1974, ont prévu l'harmonisation des régimes de Sécurité Sociale pour le début de l'année 1978 ; mais cette harmonisation s'est, jusqu'ici, en grande partie révélée impossible ; et pourtant le champ d'application de la réforme avait été, dès le départ, volontairement limité.

A. - Les textes prévoyant l'harmonisation et les progrès déjà réalisés.

L'article 28 de la loi de Finances pour 1974 dispose qu'au 1er janvier 1978, au sein des différents régimes de base, sera institué dans les trois branches : assurance maladie, assurance vieillesse et prestations familiales, un système de protection sociale minimum applicable à tous les Français.

La loi n° 74.1094 du 24 décembre 1974 reprend cette disposition en précisant que l'objectif fixé doit être atteint par l'harmonisation progressive des régimes de base obligatoires légaux et par l'admission au bénéfice d'une protection sociale de tous les Français non encore affiliés à l'un de ces régimes.

Cette loi dispose également que l'harmonisation des prestations doit s'accompagner d'une harmonisation des cotisations l'harmonisation des prestations en effet " doit avoir pour contrepartie un même effort contributif des différents groupes socioprofessionnels " ; cette harmonisation des cotisations " sera réalisée au rythme de la mise en oeuvre de la protection de base commune ".

Dans les deux textes de loi précités, les mécanismes de la généralisation et de l'harmonisation sont en outre liés à celui de la compensation générale des charges financières entre les régimes.

En réalité, l'idée de l'harmonisation ne date pas de 1974 : déjà auparavant, la nécessité s'était imposée d'un rapprochement des différents régimes de Sécurité Sociale ; cette nécessité s'était fait sentir surtout en ce qui concerne la protection des travailleurs non salariés des professions non agricoles.

Ceux-ci en effet, au moment de la création de leur régime (d'assurance vieillesse en 1948 et d'assurance maladie en 1966), avaient tenu à s'organiser dans le seul cadre de leur catégorie socioprofessionnelle. Mais très vite la faiblesse de leur protection (surtout en matière d'assurance maladie) par rapport à celle dont bénéficiaient les assurés du régime général, leur était apparue difficilement supportable - même si cette faiblesse résultait en fait du faible montant des cotisations qu'ils acceptaient de verser.

Dès avant 1974, certaines mesures d'harmonisation étaient donc déjà intervenues avec :

- la loi du 6 janvier 1970, qui a étendu - mais en maintenant de sérieuses limites - la couverture maladie instituée à l'origine (voir supra).

- la loi du 3 juillet 1972 qui a accordé aux non-salariés l'alignement de leur régime d'assurance vieillesse sur celui du régime général,

- la loi d'orientation du commerce et de l'artisanat - dite " loi Royer " - du 27 décembre 1973, qui, beaucoup plus ambitieuse, pose le principe de l'alignement total du régime sur celui des salariés dès le 1er janvier 1978.

Dans cette ligne et depuis 1974, ont pu être en grande partie ou totalement harmonisés :
- le régime d'assurance maladie des professions industrielles, commerciales, artisanales et libérales (cf. supra).

Naturellement, l'amélioration de la protection s'est accompagnée d'une hausse des cotisations dues.
- Le régime des prestations familiales : la dernière étape de l'harmonisation a été en ce domaine réalisée au 1er janvier 1978. Depuis cette date en effet il n'existe plus en France qu'un seul régime de prestations familiales - allocations familiales proprement dites et complément familial, nouvellement créé. Pour la première fois, les prestations et le montant de ces prestations sont identiques, quelque soit l'activité professionnelle du chef de famille. En outre, la condition d'activité professionnelle exigée jusqu'ici pour bénéficier de la plupart des prestations familiales a été supprimée.
- A ces deux réformes fondamentales, il faut également ajouter un certain nombre de réformes, intervenues récemment, qui s'adressent sans discrimination aux ressortissants de tous les régimes : ainsi, la loi du 4 juillet 1975 généralisant la protection contre le risque maladie aux jeunes demandeurs d'emploi, aux ayants droit de l'assuré décédé... ; les lois du 2 juillet et du 31 décembre 1975 relatives à la situation des détenus au regard de leur protection sociale ; la loi du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées...

B. - L'harmonisation prévue par la loi n'a cependant pas pu être entièrement réalisée à la date fixée.

Et pourtant la portée de la réforme avait été, dès le départ, volontairement limitée.

- La loi du 24 décembre 1974 dispose, en son article 1er : " les régimes de base obligatoires légaux seront progressivement harmonisés ". Le texte ne vise que ces seuls régimes de base.

Sont donc exclus du champ d'application de la réforme tous les régimes complémentaires qui, pourtant, ont acquis ces dernières années une importance considérable, en ce qu'ils complètent de façon souvent très substantielle la protection accordée aux assurés par les seuls régimes de base (on a déjà souligné l'importance de ces régimes complémentaires pour les non-salariés non-agricoles. On peut ajouter aussi qu'ils sont fondamentaux, pour les salariés, en matière d'assurance vieillesse).

La loi, toujours dans son article 1er, limite expressément l'institution du " système de protection sociale commun à tous les Français " aux trois branches
- assurance maladie-maternité,
- assurance vieillesse,
- prestations familiales.

Volontairement, elle ne prévoit rien en ce qui concerne les risques :
- accidents du travail,
- chômage,
- invalidité - décès.

En matière d'assurance maladie, elle ne précise pas si sont visées par l'harmonisation, en même temps que les prestations en nature, les prestations en espèce.

En réalité il était presque logique que, dans la loi, l'objectif de l'harmonisation se limite aux trois risques : maladie, vieillesse, prestations familiales : puisque seuls ces trois risques sont couverts dans tous les régimes de base (seules les prestations en nature pour l'assurance maladie).

Si l'harmonisation ne pouvait viser que les régimes de base, elle ne pouvait guère viser en même temps tous les risques éventuels encourus par les assurés.

Même ainsi limitée, l'harmonisation prévue n'a pu être réalisée en ce qui concerne :
- le régime d'assurance vieillesse des professions libérales ;
- les régimes d'assurance (tant maladie que vieillesse) des exploitants agricoles.
- les régimes organisés dans le cadre de catégories spéciales (régimes spéciaux).

Compte tenu des problèmes posés, l'harmonisation dans ces domaines ne pourra se faire sans heurts profonds.

Section 3. - LES CAUSES DE CES DIFFICULTES

Les obstacles qui freinent la mise en oeuvre de la réforme sont nombreux et tiennent à de multiples causes.

La première entrave est d'ordre psychologique : en effet l'opposition des intéressés, qui est à l'origine du système actuel, demeure tenace.

Cette résistance s'explique par la force des réflexes catégoriels, par une certaine crainte, aussi, de se trouver intégré dans un système qui pourrait désavantager... En réalité, cette crainte ne semblerait trouver sa justification qu'en raison du délicat problème du financement des prestations nouvelles que la mise en place de l'harmonisation ne peut manquer d'offrir.

L'évolution des mentalités ne peut, certes, qu'être lente. Les discussions qui ont accompagné l'élaboration de la dernière loi de généralisation de la Sécurité Sociale sont la preuve qu'une telle évolution est loin d'être achevée. Il est toutefois très regrettable que des réformes adoptées à l'heure actuelle puissent perpétuer le démantèlement de la Sécurité Sociale, au lieu de se faire dans le sens de l'harmonisation prescrite et souhaitable.

Malheureusement, en dehors de ce premier obstacle d'ordre psychologique, le système actuel est tel que la mise en oeuvre de la réforme se heurte, dans tous les domaines, à d'énormes problèmes d'organisation et de structures.

En effet, les différents régimes de Sécurité Sociale se sont construits un peu comme des terrains sédimentaires (le plus ancien, celui des marins, datant de 1682), par des couches successives qui ne se recouvrent pas exactement.

Chacun, en se créant, s'est doté d'institutions propres et a édicté ses propres règles, aussi bien en ce qui concerne l'étendue de la protection assurée qu'en matière de financement du régime.

1° - La gestion des différents régimes se fait dans le cadre d'organisations administratives spécifiques à chacun d'eux.

On se contentera de rappeler succinctement que :

- Le régime général est, depuis 1967, géré fondamentalement par trois Caisses Nationales (d'Assurance Maladie, d'Assurance Vieillesse et d'Allocations Familiales (en théorie, cette dernière caisse est chargée de gérer les prestations familiales versées aux " salariés de toutes professions ". Dans la réalité des choses, sa compétence ne s'est étendue ni aux salariés du secteur agricole, ni à ceux des régimes spéciaux. L'unification prescrite au niveau de la C.N.A.F. n'apparaît en fait que sur le plan financier)) dirigées par des conseils d'administration composés par moitié de représentants des employeurs et de représentants des salariés.

Pour la liquidation des dossiers, sont subordonnées à ces organismes nationaux tout un réseau de caisses régionales ou locales.

- Les organisations autonomes des travailleurs non-salariés non-agricoles sont gérées, pour l'assurance maladie, par des caisses mutuelles régionales interprofessionnelles ; pour l'assurance vieillesse, par des caisses de base (caisses professionnelles ou interprofessionnelles locales pour les artisans, caisses professionnelles régionales ou nationales pour les professions industrielles), coiffées par une Caisse Nationale de Compensation (respectivement la Caisse Nationale de Compensation de l'Assurance Vieillesse Artisanale, la C.A.N.C.A.V.A., et la Caisse de Compensation de l'Organisation Autonome Nationale de l'Industrie et du Commerce, l'O.R.G.A.N.I.C. Caisses de base et caisses de compensation sont toutes des organismes de droit privé).

La liquidation des dossiers est, dans tous les cas, confiée à des organisations conventionnées (Sociétés mutualistes ou, même, Compagnies d'Assurance privées).

Il convient d'insister ici sur le refus des professions libérales de s'organiser, en matière vieillesse, dans un cadre interprofessionnel : il n'existe en effet pour ces professions aucun système de compensation à ce niveau. Leurs régimes sont gérés par des caisses (15 sections professionnelles correspondant aux diverses professions) financièrement autonomes et ayant chacune leurs règles et leurs mécanismes propres. Les catégories concernées sont en effet si jalouses de leur spécificité qu'elles ne conçoivent pas de s'organiser dans un cadre plus élargi que celui d'une profession définie de matière stricte (le Médiateur a été saisi d'une réclamation (n° I-518) dans laquelle l'intéressé, qui avait été successivement avocat et conseiller juridique, n'avait pu obtenir une pension en coordination entre les deux régimes de la C.N.B.F. et de la C.A.V.I.T.E.C., aucune règle ne prévoyant de coordination entre ces deux professions pourtant très voisines).

Ce réflexe catégoriel aboutissait, avant ces derniers mois, à l'exclusion de tout système d'assurance de certaines professions trop peu importantes pour s'organiser dans leur seul cadre (réclamations émanant d'un professeur d'expression orale et d'une traductrice, par exemple). Il est encore cause, actuellement, des difficultés de fonctionnement de ces régimes et de l'impossibilité de réaliser l'harmonisation prescrite - et pourtant bien souhaitable - en matière d'assurance vieillesse.

- Le régime agricole est géré dans le cadre de la mutualité sociale agricole, celle-ci prenant en charge aussi bien les salariés que les exploitants agricoles. Ce régime unique est doté, dans chaque circonscription, de caisses uniques à vocation générale (ayant même compétence pour les salariés en matière d'allocations familiales (cf. ci-avant)).

- Les régimes spéciaux, quant à eux, sont gérés dans le cadre de leur propre organisation (un exemple, celui du régime minier ; il est composé :

- D'une caisse nationale de Sécurité Sociale dans les Mines, compétente en matière de vieillesse.

- D'une Union régionale de sociétés de secours minières, compétente pour les prestations familiales et pour la couverture d'une partie des risques accidents du travail (en cas d'incapacité permanente).

- A la base : de sociétés de secours minières, compétentes pour l'assurance maladie maternité, et pour la seconde partie du risque accidents du travail (incapacité temporaire et indemnités journalières)). Certains régimes qui ne sont que partiellement spéciaux (fonctionnaires civils de l'Etat, agents des collectivités locales, personnels des industries électriques et gazières, etc.), sont rattachés pour certains risques (essentiellement les prestations en nature de l'assurance maladie) au régime général de la Sécurité Sociale.

2° - Chaque régime a ses règles propres en ce qui concerne l'étendue de la protection accordée à ses ressortissants.

Il a déjà été signalé à plusieurs reprises que les risques pris en charge variaient considérablement selon les régimes.

En outre, chaque régime de base a ses règles propres en ce qui concerne la définition :
- des bénéficiaires du régime,
- de l'ouverture du droit aux prestations,
- du montant des prestations servies.

Il est impossible d'entrer ici dans le détail de chaque système. Les exemples cités au cours de ce chapitre n'ont pu donner qu'un aperçu des disparités existantes ; celles-ci sont en réalité si diversifiées qu'elles recoupent tous les domaines de la réglementation.

On ne saurait, en tout état de cause, trop répéter - même si cela paraît une évidence - que ces différences profondes sont, avec le développement qui en résulte du secteur complémentaire de la protection, à la source du sentiment d'injustice si souvent ressenti par l'administré en ce domaine.

3° - Tous ces régimes, enfin, fonctionnent grâce à des ressources financières d'origines très diverses.

Le régime général est financé par des cotisations assises sur les salaires dans les limites d'un certain plafond (les trois branches : assurances sociales, accidents du travail et maladies professionnelles, et prestations familiales sont, théoriquement, financées et équilibrées séparément (à l'intérieur même du secteur assurances sociales, le risque vieillesse est lui aussi équilibré séparément). Le premier de ces secteurs est financé par une double cotisation, patronale et salariale. Par contre, les secteurs accidents du travail - maladies professionnelles, et prestations familiales, sont financés par des cotisations patronales seules).

La plupart des autres régimes, ne parvenant pas à s'équilibrer avec l'unique apport des cotisations, nécessitent en outre des subventions de l'Etat ou se voient attribuer des taxes affectées.

Ainsi :

- Les régimes des professions indépendantes non agricoles sont financés d'une part par des cotisations (calculées sur le revenu professionnel) payées par les assurés (on se contentera de rappeler que l'alignement de ces régimes (à l'exclusion de celui des professions libérales en matière de vieillesse) ont entraîné corrélativement un alignement - déjà bien avancé - des cotisations payées (taux, plafond...)), d'autre part par une contribution de l'Etat dont le montant est fixé par la loi de Finances.

- En matière agricole, les cotisations versées par les exploitants sont assises sur le revenu cadastral des exploitants et sont calculées selon un système de répartition. Cette méthode originale pose dans les faits de nombreux problèmes, dont un essentiel, qui est l'insuffisance très nette des ressources qu'elle procure. Le régime agricole est en réalité très largement financé grâce au budget des prestations sociales en agriculture (le B.A.P.S.A., créé en 1949), voté chaque année en même temps que le budget général de l'Etat (les cotisations des salariés agricoles sont assises, comme dans les autres régimes de salariés, sur les salaires versés. Chaque année, un état évaluatif des prestations dues aux salariés est annexé au B.A.P.S.A.).

- Il faut ajouter, avant de conclure ce chapitre relatif aux modalités de financement des différents régimes de Sécurité Sociale, que le régime général contribue à l'équilibre d'un certain nombre de régimes spéciaux, en perte de vitesse (tels celui des Mines, de la S.N.C.F., de la R.A.T.P....), dans le cadre de la compensation interrégimes (loi du 24 décembre 1974) (on peut se demander si le recours toujours accru aux charges salariales est le seul mode possible de financement du régime général et s'il n'y aurait pas lieu de le compléter - pour alléger les charges des entreprises de main-d'oeuvre - par des cotisations basées sur le chiffre d'affaires des entreprises).

Ces quelques rappels montrent combien sont isolés, les uns par rapport aux autres, les différents systèmes de Sécurité Sociale. Ils permettent de prendre conscience de l'énorme difficulté de modifier certains éléments de l'édifice sans en bouleverser l'ensemble.

Mais la loi du 24 décembre 1974 a prévu que " les mesures (d'harmonisation) prises ne pourront mettre en cause les avantages acquis par les différents régimes ", ni porter atteinte à " l'existence d'institutions de protection sociale propres aux différents groupes socioprofessionnels qui en sont actuellement dotés ". Nulle part, elle ne parle d'harmoniser les procédures ou les structures. On ne peut donc que conclure de cet ensemble que les auteurs de la réforme de 1974 n'ont pas voulu d'un bouleversement fondamental du système actuel (les déclarations gouvernementales qui ont accompagné la discussion et le vote de la dernière loi de généralisation de la Sécurité Sociale vont d'ailleurs dans le même sens du respect des structures). De même d'ailleurs, la loi d'orientation du Commerce et de l'Industrie, du 27 décembre 1973, prévoyait que l'alignement des régimes des travailleurs indépendants non agricoles devait se faire dans le respect des structures.

Devant la nécessité d'améliorer la situation actuelle sans bouleversement radical, le Médiateur a adopté une démarche pragmatique qui, grâce à l'élimination méthodique des dysharmonies les plus criantes, devrait permettre d'accorder à tous des prestations minimales de base identiques. Sans prétendre épuiser la liste des aménagements souhaitables, il a voulu contribuer à son établissement en proposant, outre diverses mesures ponctuelles, deux thèmes d'action : l'harmonisation (SYN. 4) et la proratisation (SYN. 6) (l'essentiel de ces propositions a déjà été analysé tout au long de ce développement, sous différentes rubriques).

La loi du 24 décembre 1974 ne définit pas l'harmonisation. Elle ne fixe donc - dans son champ d'application - qu'un horizon, un optimum.

Elle ne mentionne la diversité des régimes existants que pour stipuler qu'il ne sera pas porté atteinte aux droits acquis par leurs bénéficiaires.

C'est dire que, dans l'esprit de la loi, les disparités actuelles sont appelées à disparaître et que les régimes complémentaires devraient à leur tour être " harmonisés ".

Les problèmes qui se posent alors sont ceux des modalités de cette harmonisation généralisée et des délais nécessaires pour la mener à bien.

Dans cet esprit, les propositions du Médiateur se situent à des niveaux différents. Elles ont d'ailleurs des coûts très inégaux, mais dont l'addition excède manifestement les possibilités budgétaires d'une année. Toutes ces propositions ne peuvent donc être tenues simultanément. Mais il paraît indispensable qu'elles soient examinées conjointement et insérées dans un programme pluriannuel selon des priorités à définir et qui tiendraient compte des fréquences observées et des attentes des administrés.

C'est un programme de ce genre que le Médiateur souhaiterait susciter. Il pourrait constituer une partie du volet social d'un programme de législature.

III. PROPOSITIONS DE REFORME, RECOMMANDATIONS, INJONCTIONS

a) Propositions de réforme.

Devant la nécessité de faire aboutir les propositions élaborées antérieurement, le Médiateur n'a pas voulu multiplier les propositions nouvelles.

Trois seulement peuvent être citées ici :
- L'une (STR. 77-31) concerne les conditions d'attribution de l'allocation logement aux accédants à la propriété en cas de substitution de prêt.
- La seconde (STR. 77-33) est relative au versement d'indemnités journalières réduites pour des assurés malades exerçant une activité professionnelle à temps partiel.
- La dernière (STR. 77-34) concerne les droits des demandeurs d'emploi aux prestations de la Sécurité Sociale.

b) Recommandations.

Une seule mérite d'être signalée : elle a été faite sur le dossier n° IV-467 et concerne l'application, aux agents non titulaires de l'Etat, des dispositions de l'article 291 du Code de la Sécurité Sociale relatives à la réduction, en cas d'hospitalisation, du montant de l'indemnité journalière.

Le principe est que l'agent continue à percevoir son traitement, déduction faite du montant des indemnités journalières. Le Ministère de l'Economie et des Finances a considéré qu'il fallait tenir compte du montant théorique intégral de ces indemnités et non des sommes effectivement perçues à ce titre par l'intéressé.

Le problème d'ordre général est réglé en ce sens pour l'avenir, depuis l'intervention du décret n° 75-695 du 21 juillet 1976. Mais le Médiateur poursuit l'instruction du dossier concerné, qui n'entre pas dans le champ d'application des nouvelles mesures. Il estime, en effet, qu'il serait inacceptable d'arguer du principe de non-rétroactivité pour refuser d'appliquer des mesures qui sont venues mettre fin à une interprétation erronée des textes antérieurs.

c) Injonctions.

Aucune injonction n'a été adressée à ce ministère.

IV. CONCLUSION

Le Médiateur ne peut que se féliciter de la collaboration que l'Administration est toujours prête à lui apporter pour la solution des litiges en matière sociale. Il apprécie particulièrement le sérieux avec lequel sont menées - notamment par l'Inspection Générale des Affaires Sociales et les Directions régionales de la Sécurité Sociale - les enquêtes nécessaires à l'appréciation de certains conflits.

On peut estimer que grâce a cette volonté de coopération, lorsqu'une réclamation légitime n'est pas satisfaite, ce sont rarement les services qui doivent être mis en cause, mais plus souvent la réglementation elle-même.

On ne peut cependant que regretter - dans l'intérêt même des administrés - que les compétences du Médiateur ne couvrent ni les régimes complémentaires de retraite, ni les régimes d'allocations de chômage gérés par les A.S.S.E.D.I.C. Cette absence de compétence tient naturellement au caractère contractuel de ces régimes.

Le Médiateur, ne pouvant rester indifférent aux doléances qu'il reçoit en ces domaines, s'est forcé d'établir avec les organismes responsables - et notamment avec l'A.G.I.R.C. et l'A.R.R.C.O., ainsi qu'avec l'U.N.E.D.I.C. - des relations de travail qui ont permis un réexamen par ces organismes de certains conflits. Malheureusement, l'activité du Médiateur se trouve limitée à ces " bons office " ; il n'est pas en sa compétence de proposer les réformes qui permettraient d'atteindre les causes des iniquités constatées.

SECRETARIAT D'ETAT AUX POSTES ET TELECOMMUNICATIONS


I. BILAN.

En 1977, 115 réclamations - 2,5 % du total - ont concerné le service des Postes et Télécommunications.

Mis à part quelques dossiers ayant trait au fonctionnement de la Poste, les affaires les plus importantes - en nombre et en gravité - ont continué à mettre en cause le service du téléphone. C'est à ce seul secteur que le Médiateur s'attachera cette année.

II. LES PROBLEMES POSES PAR LE FONCTIONNEMENT DU SERVICE DU TELEPHONE.

Il serait injuste de méconnaître les efforts fait par l'Administration des P et T pour améliorer les services rendus aux usagers du téléphone, mais les réclamations soumises au Médiateur montrent que les relations de ce service avec ses administrés demeurent entachées d'un malaise incontestable. Les causes de mécontentement sont variées et semblent résulter souvent, de la difficulté qu'éprouve ce service à s'adapter à certaines exigences commerciales de l'activité qu'il gère.

1° - Les manifestations du malaise.

Les thèmes des réclamations, qui d'ailleurs n'ont guère varié par rapport aux années précédentes, sont divers :

- Ils concernent, pour une part importante, les problèmes de desserte téléphonique : nombreux sont en effet les requérants qui souhaiteraient voir leur demande d'installation ou de transfert de téléphone satisfaite plus rapidement.

Cette source de mécontentement est en réalité liée au retard - maintes fois dénoncé - pris par la France pour développer en ce domaine une infrastructure suffisante. Les efforts actuellement poursuivis pour résorber ce retard devraient rendre la question moins aiguë.

- Ils ont trait aussi à la mauvaise compréhension par l'administré du système dit de " l'utilisateur déclaré " en cas de location d'un logement muni d'une ligne téléphonique : dans ce système, le locataire qui souhaite avoir l'usage d'une telle ligne peut figurer dans l'annuaire et reçoit les factures à son nom. Cependant c'est le titulaire de l'abonnement qui demeure juridiquement responsable de sa ligne et, en tant que tel, finalement redevable des taxes à acquitter.

Fréquentes sont les réclamations émanant de propriétaires qui se sont vus, soudain, dans l'obligation de payer des sommes très importantes, à la suite de la disparition d'un locataire défaillant. Dans la plupart des cas, les intéressés n'avaient pas compris qu'ils risquaient de se trouver ainsi mis en cause.

L'Administration, quant à elle, estime que l'information des administrés sur ce point est suffisamment claire ; elle considère en outre que pour les propriétaires concernés, les avantages du système de l'utilisateur déclaré en compensent largement les inconvénients : rien dit-elle, n'empêche en effet les intéressés, pour éviter les risques inhérents au maintien de leur responsabilité, de mettre fin à leur abonnement téléphonique dès qu'ils n'ont plus l'usage personnel de leur installation. Mais ils perdent alors en même temps tout droit sur la ligne ainsi cédée - et notamment le droit au transfert du poste.

Toutefois, abandonner ses droits en la matière, c'est courir un risque d'attente en cas de nouvelle demande d'une ligne ; c'est devoir aussi payer une nouvelle taxe de raccordement. Le jour où l'infrastructure nécessaire permettra de créer des lignes sans délai et sans frais trop élevés pour le bénéficiaire, le système de l'utilisateur déclaré tombera sans nul doute en désuétude.

Mais on ne peut attendre cette échéance qui, pour l'ensemble du réseau français, reste lointaine. Il est en effet nécessaire et dès maintenant possible de donner au " client " des services téléphoniques la possibilité d'un choix. Il suffit de lui ouvrir une alternative en lui permettant, s'il donne en location, d'opter pour un système de cession d'abonnement et de reprise de contrat en fin de bail, le droit au transfert restant acquis à la personne qui aura initialement payé la taxe de raccordement.

Les parties auraient, en outre, la possibilité de se transférer la " propriété " de la ligne par simple acte sous-seing privé. Ce système de cession reprise serait assorti d'une taxe de transfert de dossier d'un montant réduit, 100 F par exemple.

La mise en place de ce système souple ne devrait pas soulever de difficultés insurmontables... puisqu'il est, en fait, appliqué par EDF-GDF depuis longtemps.

- Les conditions d'exercice du droit au transfert d'abonnement ont aussi retenu l'attention du Médiateur, à l'occasion de l'examen de quelques dossiers, il a constaté les anomalies suivantes :

Lorsque le titulaire d'une ligne était amené à déménager avant d'avoir fini de payer les bimestrialités de la taxe de raccordement, il se voyait offrir le choix entre l'abandon pur et simple de l'abonnement et des sommes déjà versées ou l'exercice du droit au transfert sous réserve du paiement aux termes conventionnels des bimestrialités non encore échues.

S'il optait pour le transfert, il découvrait alors avec étonnement :

- qu'à chaque relevé bimestriel, il se faisait facturer la taxe d'abonnement pour un service téléphonique qu'il n'utilisait plus,

- qu'après la dernière échéance de la taxe de raccordement, il devait continuer à payer la taxe d'abonnement jusqu'à ce qu'il soit en mesure (parfois plusieurs années plus tard) de demander de bénéficier de son droit de transfert.

Cette situation injustifiable a fait l'objet d'une proposition de réforme (PT 77-4) qui a reçu rapidement satisfaction.

- Le coût du téléphone constitue le quatrième thème essentiel des réclamations.

- Les contestations concernent en premier lieu le montant de la taxe de raccordement : l'usager admet mal que le coût de cette taxe soit identique, que l'installation elle-même existe ou soit à créer.

Relevant qu'en cas d'installation préexistante, l'Administration n'avait à couvrir aucun frais réel de raccordement, le Médiateur avait suggéré de ne faire alors payer à l'administré qu'une somme représentative des frais d'ouverture des dossiers.

Compte tenu de la diminution des ressources qu'entraînerait une telle modification, l'Administration n'estime pas possible d'adopter actuellement la mesure proposée.

- Mais les contestations portent, surtout, sur le montant des redevances téléphoniques elles-mêmes.

L'examen de l'attitude adoptée en ce domaine par l'Administration semble bien révéler la cause profonde du malaise qui affecte ses relations avec les usagers.

2° - La cause profonde du malaise.

L'administration des Postes et Télécommunications éprouve quelques difficultés à s'adapter à son rôle de prestataire d'un service commercial. C'est là son handicap majeur. Le mode actuel de facturation des redevances téléphoniques en constitue la manifestation la plus évidente.

L'absence de facturation détaillée prive l'usager de tout moyen de contrôler sa consommation. A cet égard, l'automatisation du réseau interurbain - avec la disparition, corrélative, du ticket - est souvent perçue comme une régression de la qualité du service rendu.

Les réclamations des administrés mettant en cause le montant de leurs redevances téléphoniques ne sont certes pas toujours justifiées - les consommateurs appréciant souvent mal l'utilisation qu'ils font, ou qui est faite par des tiers à leur insu, de leur téléphone. Néanmoins, l'exigence d'une information exacte apparaît légitime, et ce d'autant plus qu'il est admis par tous que le système du compteur n'est pas parfait puisqu'il peut être actionné par des impulsions d'origine externe, en dehors de toute communication.

L'Administration affirmait, jusqu'à une date récente, qu'elle n'était pas en mesure de fournir une facturation détaillée des communications téléphoniques.

On conçoit mal qu'une entreprise commerciale normale puisse refuser à ses clients une facture précise, établissant le décompte des biens vendus ou des services rendus.

Les pouvoirs publics ont annoncé, il y a quelques mois la mise au point, pour la fin de l'année 1979, d'un système de facturation détaillée. Mais le projet actuel prévoit certaines limitations, et en particulier que ce service supplémentaire sera payant. Ceci n'est pas normal car de toute évidence, c'est au fournisseur - les Postes et Télécommunications - qu'il appartient d'apporter la preuve de ses facturations. Il faut en outre espérer que le coût de ce service ne sera pas dissuasif.

Les autres manifestations du malaise éprouvé par les usagers, et évoqué au début de ce chapitre, relèvent de la même inadaptation de cette administration à sa vocation commerciale. En cherchant à masquer certaines réalités (insuffisance du réseau téléphonique, manque de crédits), elle édicte parfois des règles peu claires pour l'administré. Sans nier les contraintes de service public, ni oublier les progrès déjà accomplis, le Médiateur croit devoir insister sur cette nécessité d'une mutation des réglementations et des attitudes.

Les difficultés de cette mutation, les résistances psychologiques auxquelles elle se heurte, conduisent à s'interroger sur l'adéquation d'une structure administrative et d'un régime budgétaire à la bonne gestion d'un service industriel et commercial.

La forme juridique adoptée par les services publics de même nature (E.D.F., Charbonnages de France) est exemplaire à cet égard.

III. PROPOSITIONS DE REFORME, RECOMMANDATIONS, INJONCTIONS.

Les propositions de réforme présentées par le Médiateur découlent des observations ci-dessus.

Elles concernent :
- P.T. 77-1 : la facturation des communications téléphoniques,
- P.T. 77-2 : le système de l'utilisateur déclaré,
- P.T. 77-3 : la taxe représentative des " frais forfaitaires " d'accès au réseau,
- P.T. 77-4 : l'exercice du droit au transfert d'abonnement.

Les trois premières propositions n'ont pas encore été discutées.

La quatrième, par contre, a reçu rapidement satisfaction. Il a été décidé notamment :

- que la redevance d'abonnement ne serait plus perçue,
- que l'abonné qui a opté pour le transfert recevrait - après avoir achevé de payer la taxe de raccordement - une attestation lui permettant d'obtenir, le moment venu, la priorité et le tarif réduit attachés aux transferts.

Aucune recommandation ni injonction n'a été adressée en 1977 à ce Secrétariat d'Etat.

IV. CONCLUSION

Le Médiateur ne peut que regretter le succès très relatif de ses interventions auprès de l'Administration des Postes et Télécommunications.

Plusieurs facteurs expliquent la faiblesse de ses résultats :

- D'abord, le fait que les réclamations portent sur la technique même des télécommunications, ce qui diminue d'autant les possibilités de réexaminer les dossiers dans le sens d'un assouplissement de la position déjà adoptée vis-à-vis de l'usager.

- Le manque de moyens dont cette administration dispose rend également plus difficile la satisfaction des demandes dont elle est saisie.

Enfin, force est de constater que le monopole dont cette administration bénéficie ne l'incite pas toujours à mener une politique de nature commerciale - malgré les efforts indéniables accomplis à cet égard par la direction commerciale de ce ministère.

Il faut néanmoins signaler que le Secrétariat d'Etat aux Postes et Télécommunications fait de son mieux pour donner une suite favorable aux demandes d'installations téléphoniques émanant de personnes âgées.

SECRETARIAT D'ETAT AUX ANCIENS COMBATTANTS


I. BILAN

Pour l'année 1977, le Médiateur a été saisi de 114 réclamations qui représentent 3,2 % de l'ensemble des requêtes reçues.

On peut signaler un léger fléchissement par rapport à l'année précédente.

Outre les problèmes de retraite ou d'invalidité qui correspondent à des préoccupations quotidiennes des Anciens Combattants, le Médiateur a été également saisi de requêtes relatives à l'attribution de la carte du combattant, à l'obtention du titre d'interné déporté et à la reconnaissance de maladies imputables au service.

Toutefois c'est sur une question précise source d'iniquités particulièrement graves, que le Médiateur a estimé devoir attirer cette année, l'attention du Secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants, avec une insistance particulière.

II. PROBLEMES SOULEVES PAR L'INDEMNISATION DES VICTIMES D'ACCIDENTS DUS A LA MANIPULATION D'ENGINS DE GUERRE

Pour la France, les guerres sont finies depuis longtemps ; leurs sinistres séquelles pourtant, n'ont pas totalement disparu. Combien d'enfants de Verdun ou d'ailleurs, alors qu'ils se promenaient dans d'anciens champs de bataille, ont été blessés par un engin abandonné et n'ont pu, en raison du caractère rigoureux de la loi, être indemnisés.

Ce n'est pas le nombre de requêtes en ce domaine qui a attiré l'attention du Médiateur, mais la gravité du problème qu'elles posent, les injustices qui en découlent et dont sont victimes le plus souvent de jeunes adolescents.

1° - Le Problème.

- Les faits.

Il arrive qu'un enfant, jouant dans un terrain vague, trouve un objet curieux ou même banal. Il l'emporte chez lui afin de l'examiner ou il le manipule sur place. Il s'en amuse volontiers.

C'est alors que cet objet d'apparence inoffensive, mais qui en réalité est un engin de guerre, explose et le blesse grièvement.

Une part de tels accidents est due à l'imprudence de victimes trop jeunes : le jeune C. âgé de 11 ans (affaire II.2630) emporte une grenade chez lui et se mutile sévèrement. Dans l'affaire S. (affaire III.1196) un garçon de 14 ans est blessé par la faute d'un camarade qui manipulait un engin explosif. Enfin D. (affaire I.548) fume auprès de barils d'essence endommagés, abandonnés par les allemands après la guerre. Son visage est entièrement brûlé.

D'autres accidents peuvent se produire à la suite du maniement d'engins insolites qui attirent l'attention : le jeune M. (affaire I.291) est défiguré par l'explosion d'une bombe camouflée en stylo. B. âgé de 17 ans est amputé par une grenade qui avait l'apparence d'un briquet (affaire III.1935) tandis qu'une inoffensive boite à clous dissimulait en fait un détonateur et rend infirme V. (affaire II. 1369).

L'équité et la logique voudraient donc que ces jeunes victimes perçoivent une pension civile de guerre, aucune faute n'ayant en général été commise de leur part, tout au plus une négligence due à leur âge.

Or, ce droit à pension est enfermé dans des conditions tellement strictes qu'elles rendent, dans ces cas, son application illusoire.

- Les textes et la jurisprudence.

C'est l'article L 195 du code des pensions civiles et militaires d'invalidité qui détermine les conditions permettant de bénéficier du droit à pension, à savoir :

" Sont également réputées causées par des faits de guerre, les blessures ou la mort provoquées, même après la fin des opérations militaires, par des explosions de projectiles, des éboulements ou tous autres accidents pouvant se rattacher aux événements de la guerre par suite de l'état des lieux (" laisser les lieux en l'état " signifie ne pas manipuler ou transporter l'engin) ainsi que la mort survenue ou les blessures reçues au cours d'exécution de travaux imposés par l'ennemi, en captivité ou en pays envahi ".

"... Lorsque la blessure, la maladie ou la mort sont dues à une faute inexcusable de la part des victimes, elles ne donnent droit à aucune indemnité ".

L'Administration se réfère à ce texte pour rejeter les réclamations.

- La jurisprudence, pour sa part, se montre d'interprétation stricte : " Seuls peuvent ouvrir droit à pension de victime civile les accidents qu'un lien direct de cause à effet rattache à l'état des lieux sur lesquels les opérations militaires se sont déroulées et qu'une telle relation fait défaut dans le cas où l'accident est imputable à l'explosion d'un engin transporté par la victime (ou un tiers), en dehors des dits lieux, même s'il n'y a pas de faute imputable à la victime en raison de son jeune âge ou des circonstances dans lesquelles l'accident s'est déroulé ".

C'est ainsi qu'en ont décidé dans tous les cas les différentes Cours régionales des pensions saisies.

En cas de manipulation ou de transports de l'engin, ces juridictions estiment qu'il y a eu modification de l'état initial des lieux. Elles rejettent toute demande de rente d'invalidité (affaire II.2690 / I.291 précitées et aussi affaire IV.321). Une cour des pensions a même estimé que le transport de l'engin dangereux constituait en soi une faute inexcusable (affaire II.1633).

Cette interprétation rigoureuse des textes par le juge pouvait facilement se justifier en 1919 : à une époque où devaient être indemnisées de nombreuses victimes de guerre, où les charges entraînées par la reconstruction de la nation étaient très lourdes, il n'était pas possible de prendre en considération tous les accidents dus à des engins de guerre. En outre la population était beaucoup plus sensibilisée qu'aujourd'hui à ces risques, nombreux, et devait se montrer prudente. Du reste les zones de combats plus restreintes étaient plus aisément délimitées et interdites d'accès.

Au contraire en 1977, le petit nombre d'accidents de ce genre, la grande dispersion sur le territoire des derniers engins de guerre non éclatés, sont autant de facteurs justifiant un assouplissement de la loi qui actuellement est source de bien des iniquités.

- l'iniquité qui en résulte.

Les injustices ont une double origine : les victimes, et l'état des lieux.

En effet il convient de souligner d'abord que les victimes sont jeunes, souvent des enfants et de ce fait, la notion de faute inexcusable perd de sa signification. Par ailleurs il est évident que lorsqu'on trouve un objet sur le sol, on est tenté de le ramasser : s'il est banal, par réflexe naturel sans penser qu'il peut s'agir d'un explosif camouflé et s'il est insolite, par pure curiosité.

En ce qui concerne l'état des lieux, la dispersion des zones dangereuses, leur faible densité en engins explosifs désarment la vigilance de la population qui en ce domaine s'atténue.

Or, ni la jeunesse des victimes, ni les circonstances de l'accident ne suffisent pour ouvrir le droit à pension même si ces éléments peuvent supprimer la notion de faute inexcusable. L'engin ne doit en aucun cas être manipulé ou transporté.

Le Médiateur dénonce donc cette iniquité : on ne saurait mettre en balance la modicité de la pension versée et la gravité des blessures subies par les victimes. En outre elles sont très jeunes et leur avenir est compromis. Enfin il convient de rappeler que leur nombre n'excède pas la vingtaine par an.

2° - La position du Médiateur.

- la démarche du Médiateur auprès de l'Administration.

Il a cru devoir attirer l'attention du Secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants sur les iniquités entraînées par l'application de la législation en vigueur. Il précise que le déplacement d'engins dans de faibles limites ne devrait pas être regardé comme une modification de l'état des lieux et qu'une victime d'un engin camouflé devrait être indemnisée.

L'Administration pour sa part estime que l'autorité de la chose jugée par la Commission Spéciale de Cassation des Pensions s'impose à elle. Elle demeure toutefois consciente de la sévérité de la législation en ce domaine et cherche à en atténuer les rigueurs. Elle a donc demandé dans cet esprit au Médiateur d'analyser le problème dans son ensemble pour faciliter une éventuelle réforme.

- la démarche du Médiateur auprès du Conseil d'Etat.

Il a demandé à la Haute Assemblée une étude pour faire le point de la question. Au vu des conclusions de cette étude, il a élaboré une proposition de réforme tendant à modifier la loi (article L 195 précité) dans un sens plus souple. D'une part, les victimes d'engins de guerre devraient être indemnisées sans qu'il y ait référence à l'état des lieux. D'autre part, il conviendrait de réexaminer les cas précédemment rejetés sans que le droit à pension ait un effet rétroactif.

- l'amorce de revirement de la jurisprudence.

Cette action du Médiateur est confortée par un assouplissement de la jurisprudence.

Dans une décision récente, la juridiction saisie (Commission Spéciale de Cassation des Pensions) a estimé que la circonstance qu'un projectile abandonné soit, non pas heurté, mais ramassé et manipulé, ne constitue pas nécessairement en elle-même et dans tous les cas un fait de nature à s'opposer au droit à pension. (Décision du 23 juillet 1976 - MAHMOUD ben M'HAMED EL BAHRI N° 25170).

En attendant que cette jurisprudence soit confirmée par des décisions ultérieures, il convient d'intervenir sur le plan législatif afin qu'une iniquité anachronique puisse être réparée dans les meilleurs délais.

Le Médiateur s'y emploie.

III. PROPOSITIONS DE REFORME, RECOMMANDATIONS, INJONCTIONS

a) Propositions de réforme.

Deux autres propositions élaborées par le Médiateur les années précédentes ont fait l'objet d'un arbitrage par le Premier Ministre.

L'une a trait aux lenteurs - maintes fois dénoncées - de la procédure devant les juridictions de pensions militaires d'invalidité (AC-73-3).

Une première mesure - législative - a été adoptée et incluse dans le projet de loi n° 3229 - AN (articles 5 et 6) : Elle élargit les possibilités de recrutement des membres des tribunaux départementaux et des cours régionales des pensions.

L'autre (AC 73-1) est relative à l'attribution du supplément familial de pension à la personne qui a la charge effective des enfants d'une victime de guerre (projet de loi n° 3229 - AN article 4).

b) Recommandations et injonctions.

Aucune recommandation ni injonction n'ont été adressées au Secrétariat d'Etat en 1977.

IV. CONCLUSION

Le Médiateur a tout lieu de se féliciter de ses rapports avec le Secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants.

Les délais d'instruction des dossiers auprès de cette administration ont tendance à s'améliorer.

Il convient de noter la bonne volonté du Secrétariat d'Etat qui n'hésite pas à effectuer des recherches approfondies pour nombre d'affaires.

Bien qu'il soit encore trop prisonnier de la règle de droit, le contenu de ses réponses est souvent satisfaisant au regard de l'équité.

SECRETARIAT D'ETAT AUX UNIVERSITES


I. BILAN

En ce qui concerne le domaine de l'Université (de l'Education et de la Jeunesse) le Médiateur a reçu, en 1977, 186 réclamations soit environ 5,2 % de l'ensemble des dossiers dont il a eu connaissance cette année.

On note donc une certaine augmentation du nombre des plaintes par rapport à l'année dernière où 138 réclamations avaient été enregistrées.

Parmi ces réclamations, ont fait l'objet d'intervention, et ont généralement abouti les affaires classiques soulevant les difficultés rencontrées par les étudiants lors des inscriptions en Faculté, à des concours ou examens et soulignant une fois de plus l'abondance et la complexité des formalités à accomplir dans ce domaine (problème de la constitution des dossiers, des équivalences, etc...).

Quant au nombre important de demandes irrecevables, les mêmes remarques que celles qui ont été faites pour le Ministère de l'Education conservent ici toute leur valeur.

II. MALGRE L'ARTICLE 8, LE MEDIATEUR NE PEUT RESTER INDIFFERENT A UN CAS FLAGRANT DE MAUVAISE ADMINISTRATION

La presque totalité des dossiers soumis au Médiateur et qui concernent le Secrétariat d'Etat aux Universités émanent, en effet, d'agents de ce département ministériel en conflit avec leur administration.

Il en est donc peu qu'il puisse instruire, puisque l'article 8 de la loi du 3 janvier 1973 lui interdit d'intervenir dans les différends qui opposent les administrations et leurs agents.

Néanmoins, le sens fondamental de la mission que le législateur a entendu donner au Médiateur étant de lutter contre la mauvaise administration, il ne peut rester sans réagir devant certains cas flagrants qui lui sont soumis, même si une interprétation stricte de ses pouvoirs devrait l'amener à se déclarer incompétent.

C'est la position qu'il a prise dans l'affaire n° II.448.

1° - Les données de l'affaire.

Un chercheur du Centre National de la Recherche Scientifique, section astronomie, est en conflit avec cet organisme auquel il reproche une attitude discriminatoire à son égard.

- Préjudices allégués par l'intéressé :

a) Un " piratage " de ses travaux : avant d'être envoyé en mission aux Etats-Unis, cet agent aurait été selon lui, sommé (fin 1964 - début 1965) de communiquer ses idées et les résultats de ses recherches à un autre chercheur - qui n'aurait pas manqué, selon les dires de l'intéressé, de les utiliser pour sa thèse.

Pour parvenir à ses fins, l'Administration aurait employé diverses manoeuvres :

- Tentatives, en 1966, pour retarder et empêcher la parution d'un article comportant une étude théorique originale faite par l'intéressé. Ce retard aurait pu permettre une exploitation de cette étude par son concurrent direct ou par d'autres, peu scrupuleux.

- Démarches auprès de sa femme pour qu'elle convainque son mari de céder aux pressions et de s'exiler aux U.S.A.

b) Menaces de sanction disciplinaire.

c) Refus de promotion et d'aide : l'Administration (en 1973) lui aurait refusé un avancement ainsi que de lui accorder le financement et le matériel expérimental nécessaires à la vérification et à la continuation de ses recherches.

Elle aurait également refusé de mettre une secrétaire à sa disposition, de lui verser des frais de mission à l'étranger et aurait même tenté, dans ce que l'intéressé qualifie d'ultime étape, de le rayer des cadres de la recherche française.

- Le point de vue de l'Administration :

Cette solution aurait été envisagée parce que l'intéressé refusait de communiquer la moindre précision sur ses recherches et même de fournir un rapport d'activité - conformément à l'article 42 du décret du 9 décembre 1959 relatif au statut du personnel chercheur du C.N.R.S. Ce rapport était le seul élément qui puisse permettre à la commission de la section d'astronomie de se prononcer sur la compétence professionnelle de cet agent.

Au printemps 1974, la commission demandait que l'intéressé soit mis en demeure de déposer ce rapport détaillé sous peine de sanction disciplinaire (article 32 du même décret). N'ayant pu obtenir ce document malgré ses demandes réitérées, la commission formulait - en novembre 1974 - une proposition de licenciement de ce chercheur, mesure subordonnée à la saisine de la commission paritaire.

2° - Le laxisme de l'Administration.

En réalité, l'enquête menée par le Médiateur lui a permis de se rendre compte que le vrai problème n'était pas celui soulevé par le requérant mais plutôt celui que ce dernier posait à son administration qui, en définitive, le payait depuis des années sans jamais voir le moindre résultat de son travail.

L'Administration était d'ailleurs bien d'accord avec cette interprétation.

Dans ces conditions, l'inertie dont elle a fait preuve dans cette affaire a semblé particulièrement laxiste au Médiateur.

En effet, dès 1971, la section d'astronomie suggérait bien la création d'une commission pour étudier les solutions permettant d'aider éventuellement ce chercheur, mais cette suggestion était demeurée sans effet.

L'Administration a fait preuve d'autant moins de fermeté que la procédure disciplinaire envisagée s'est révélée bloquée.

En effet, la commission paritaire siégeant même en conseil de discipline a refusé de se prononcer sur le cas de l'intéressé estimant qu'il s'agissait d'un problème à résoudre par la Direction. Or, aucune sanction n'a été décidée. Le Médiateur estime donc que l'Administration n'a, de ce fait, pas fait son travail et a témoigné d'un laisser-aller exagéré.

En mai 1976, la section d'astronomie dont dépendait le chercheur, en l'absence de communication de ses résultats scientifiques ou d'éléments nouveaux, proposait de " laisser les choses en l'état ", considérant que, pour ce qui la concernait, il n'y avait rien à faire.

Ainsi, la situation de cet agent restait anormalement inchangée, faute de décision claire et nette de la part de l'Administration.

3° - La position du Médiateur.

Dans cette affaire, le Médiateur s'est trouvé dans une situation paradoxale puisque son rôle n'a pas consisté à défendre l'intéressé mais plutôt l'Administration contre elle-même.

Pour le Médiateur, il n'est en effet pas concevable que les administrés, en tant que contribuables, aient à supporter le coût d'un agent d'un service public qui refuse de soumettre au moindre contrôle le travail pour lequel il a été recruté. Face à une Administration qui, en se dérobant, n'hésite pas à fuir ses responsabilités, le Médiateur ne peut rester insensible.

Jugeant inadmissible l'acceptation par l'Administration d'un état de fait qu'elle tardait à clarifier, le Médiateur avait proposé d'autres solutions, mais elles n'ont pu aboutir.

Dès lors, pour le Médiateur cette situation ne saurait se prolonger davantage. Il a donc demandé au Secrétariat d'Etat aux Universités d'intervenir auprès du Directeur du CNRS auquel il appartient seul de prendre la décision susceptible de mettre un terme à cette affaire.

III. PROPOSITIONS DE REFORME, RECOMMANDATIONS, INJONCTIONS

Le Médiateur n'a pas été amené à en formuler, aucun problème ni aucune affaire ne méritant l'emploi de l'une de ces procédures pour les résoudre.

IV. CONCLUSION

En contrepartie du fait que son intervention est souvent limitée et qu'il ne transmet pas la majorité des requêtes qui lui sont soumises - alors que certaines pourtant témoignent de situations véritablement difficiles - le Médiateur est en droit d'attendre que le Secrétariat d'Etat aux Universités porte aux dossiers dont il est saisi une attention particulière et les examine dans des délais rapides.

C'est le but qu'il s'est fixé mais qu'il n'a pas encore pleinement atteint.

SECRETARIAT D'ETAT A LA FONCTION PUBLIQUE


I. BILAN

En 1977, 63 dossiers ont été soumis au Médiateur et concernent la Fonction Publique. Ils représentent 1,7 % de l'ensemble, soit un accroissement sensible par rapport à l'année précédente durant laquelle 25 réclamations ont été enregistrées.

Ces chiffres ne représentent pas la totalité des affaires intéressant ce secteur parce qu'un certain nombre de requêtes sont transmises directement aux Ministères dont dépendent les agents considérés. Elles sont donc comptées au titre de ces administrations.

Le Médiateur croit devoir rappeler qu'il n'est pas compétent, aux termes de l'article 8 de la loi du 3 janvier 1973, pour connaître des litiges opposant un agent public en activité à son administration.

Toutefois il lui est possible d'instruire les réclamations de ces agents, une fois qu'ils ont cessé leurs fonctions.

C'est pourquoi le Médiateur a été appelé à traiter maints dossiers relatifs par exemple à la révision, à la revalorisation ou au rappel de pensions de fonctionnaires ainsi qu'à la prise en compte de certains services pour la liquidation des retraites des agents publics.

Parmi ces réclamations, le Médiateur a choisi d'approfondir le problème dû aux incidences du retard des travaux d'avancement sur la retraite des agents.

II. INCIDENCES DU RETARD DES TRAVAUX D'AVANCEMENT SUR LA RETRAITE DES AGENTS

Le calcul de la pension de vieillesse des agents publics est fonction du dernier grade qu'ils ont occupé.

Or, de nombreux dossiers montrent le mauvais déroulement du travail administratif en ce domaine. Les errements relevés à cette occasion ont des répercussions sensibles sur le calcul des pensions, régi par ailleurs par des règles très strictes.

1° - La règle des six mois.

Il convient dans un premier temps d'analyser brièvement la réglementation en matière de pension :

L'article L.15 du Code des pensions civiles et militaires prévoit qu'un agent public bénéficie d'une retraite correspondant à son dernier grade à condition qu'il l'ait occupé pendant au moins six mois.

De son côté, l'article L.55 du même code précise qu'une fois liquidées, les pensions ne peuvent être révisées que dans les conditions suivantes :

- à tout moment en cas d'erreur matérielle (par exemple erreur sur l'âge du requérant ou dans le décompte des années de service).

- dans un délai (ce délai qui était de six mois, a été porté à un an à la demande du Médiateur, à la suite d'une proposition de réforme, par la loi n° 77-574 du 7 juin 1977 (article 22)) de un an à compter de la notification, en cas d'erreur de droit (par exemple application erronée d'un décret).

La jurisprudence pour sa part veille à l'application rigoureuse de ces règles simples.

2° - Les faits.

Mais la réalité se présente sous un jour différent. Des exemples vont le souligner :

- Monsieur C. (affaire I.1121), préposé conducteur aux Postes et Télécommunications a sollicité et obtenu son admission à la retraite à compter du 30 juin 1972.

Alors qu'il aurait dû cesser ses fonctions le 29 juin au soir, l'intéressé a accompli le 30 juin une journée de travail supplémentaire. Or, par arrêté du 24 juin 1972 notifié le 30 juin, Monsieur C. a été promu au grade supérieur, celui de préposé chef avec effet pécuniaire rétroactif au 1er janvier 1972.

Mais au 30 juin 1972, date de sa radiation des cadres, l'agent n'a donc effectivement perçu les émoluments correspondants à son nouveau grade que pendant cinq mois et 29 jours. Par suite sa pension n'a pas été calculée en fonction de ce grade.

En l'absence de toute erreur de droit, l'Administration a rejeté une demande de révision de sa pension.

- Dans une autre affaire Monsieur L. à la retraite depuis mai 1976 se voit notifier en août 1976 une promotion prenant effet en 1976. Il souhaiterait obtenir une révision de sa pension tenant compte de la promotion dont il a fait l'objet. Il ne comprend pas le refus qui lui est opposé (IV.1343).

3° - La position du Médiateur.

Le Médiateur estime que la législation actuelle est bonne. La règle des six mois a été conçue afin d'éviter l'arbitraire, c'est-à-dire soit des nominations pour ordre, soit des nominations d'agents publics à la veille de leur départ à la retraite pour leur permettre de percevoir une pension pour un grade qu'ils n'ont pas occupé et... qu'ils ne méritent pas nécessairement.

C'est donc une règle de bon fonctionnement interne de l'Administration donnant la garantie aux contribuables que la pension versée correspond à un grade effectivement occupé.

Mais l'Administration a tant de retard dans la gestion de son personnel qu'elle continue à rendre la règle des six mois vide de sens, incompréhensible.

Il est courant de voir une décision d'avancement entrer en vigueur avec un retard de plus de six mois (affaire n° IV.1383). Pour Monsieur V. (affaire n° IV. 1296) un nouvel échelon a été accordé le jour de sa retraite, alors qu'il a fallu près de deux ans pour la préparation du tableau d'avancement (fin 1971 - milieu 1973), et que le droit à une promotion à l'ancienneté était ouvert dès l'origine.

Il est également illogique de nommer au grade supérieur des agents déjà à la retraite (affaire n° IV.1343).

Occuper un grade signifie exercer une fonction précise et posséder une certaine place dans la hiérarchie. On ne nomme pas rétroactivement et inutilement à une responsabilité... que l'on n'est plus en mesure d'assumer.

Deux cas illustrent les conséquences de ces anomalies :

Madame V. demande à prendre sa retraite avant la limite d'âge. Elle apprend neuf mois après avoir quitté son poste qu'elle fait l'objet d'une promotion avec effet rétroactif courant quelques jours avant la date qu'elle a choisie pour sa retraite.

Elle n'en touchera pas pour autant une pension tenant compte de cette promotion.

Avertie à temps, elle aurait pu demander la modification de la date d'effet de son admission à la retraite, et aurait alors comptabilisé six mois d'occupation dans son grade, mais cette procédure aurait entraîné des bouleversements importants dans la gestion du personnel de l'administration concernée sans compter les préjudices personnels devant être supportés par l'agent. En tout état de cause, les conséquences du mauvais fonctionnement dans le travail d'avancement sont patentes (affaire n° IV. 1527).

- Monsieur L. prend sa retraite lui, à la limite d'âge. Cinq mois après son admission à la retraite, il apprend qu'il est nommé rétroactivement à un grade supérieur deux mois avant la cessation de ses fonctions. Parce qu'il ne bénéfice pas de six mois d'ancienneté dans son nouveau grade, cette promotion n'a aucune influence sur le montant de sa pension et est inutile au regard du droit à pension. L'intéressé a de la peine à admettre cette situation (affaire n° IV. 1343 précitée). De toute façon il n'aurait pas pu modifier la date de son départ à la retraite prévue par la loi.

Quels remèdes apporter à des situations illogiques et mal acceptées ? Le Médiateur préconise la solution suivante : il suffit d'appliquer les textes en vigueur régissant l'élaboration des tableaux d'avancement. Il doit y avoir concordance entre la nomination et l'entrée en fonction des intéressés. Ce n'est qu'exceptionnellement que cette nomination pourrait revêtir un caractère rétroactif. Le problème se réduit alors à une simple question de gestion prévisionnelle du personnel de l'Administration.

En réalité on s'aperçoit que ces retards étant constants, il suffirait de les rattraper une bonne fois pour assainir la situation. Peut-être y aurait-il lieu de revoir, pour la simplifier, une procédure dont les délais sont considérables.

Ajoutons aussi qu'il n'est pas normal qu'entre la date de la décision et le paiement du nouveau traitement les délais varient de quatre à six mois.

Les règles étant ce qu'elles sont, l'agent qui souhaiterait prendre une retraite anticipée doit être en mesure de fixer la date de son départ en toute connaissance de cause.

D'autre part aucune promotion ne devrait intervenir après la mise à la retraite des agents.

C'est donc par une réforme du travail d'avancement dans le sens de la logique - on nomme un agent pour qu'il occupe effectivement un grade et on le nomme avant la date d'effet de sa promotion - que l'on mettra fin à des situations non seulement absurdes mais ressenties comme inéquitables.

Une telle réforme serait d'autant plus aisée que le recours aux techniques informatiques devient plus fréquent.

III. PROPOSITIONS DE REFORME, RECOMMANDATION, INJONCTION

a) Propositions de réforme.

Le Médiateur a soumis au Ministère de l'Economie et des Finances des propositions de réforme qui intéressent également la Fonction Publique.

Il convient de les évoquer ici :

1. FIN 76-25 : Remboursement des frais de déplacement des agents non titulaires des DOM appelés à venir en Métropole pour subir les épreuves d'un concours ou d'un examen.

Il s'agit ici encore d'un problème d'information des agents de l'Etat qui ignorent, suivant le service auquel ils appartiennent, les conditions de remboursement de leurs frais de déplacement pour venir en Métropole.

2. FIN 76-26 : Validation pour la retraite des services à temps partiel accomplis par les auxiliaires de l'Etat.

A l'occasion de cette proposition de réforme, le Médiateur suggère que les services accomplis à mi-temps par tous les contractuels de l'Etat avant leur titularisation soient pris en compte pour la liquidation de leur retraite.

Le Ministère compétent a fait savoir qu'en application du décret du 21 juillet 1976 qui organise le travail à mi-temps dans la Fonction Publique il était prêt à prendre un arrêté permettant de valider ces services.

Le Médiateur ne peut se satisfaire de cette réponse. Le travail à temps partiel est parfois imposé par les besoins du service (dans les Postes notamment). D'autre part la loi du 3 janvier 1975 et le décret du 24 février 1975 prescrivent que pour le régime général des travailleurs salariés tout trimestre cotisé est validé pour la retraite. Il est anormal que les cotisations d'agents de l'Etat employés à temps partiel - dans l'intérêt du service - puissent être " perdues ", maintenir la règle actuelle, c'est entretenir artificiellement une cause inutile de conflit.

3. FIN 77-27 : Pour ménager les habitudes des retraités tout en permettant l'extension progressive de la mensualisation du paiement de leur pension, le Médiateur a proposé un système dans lequel la possibilité serait offerte aux pensionnés d'obtenir l'étalement des arrérages supplémentaires sur l'année de la mensualisation et les deux années suivantes.

Le Ministère de l'Economie et des Finances a accepté d'étendre à tous les régimes de retraite privés les mesures d'étalement sur deux années dont bénéficiaient les retraités du secteur public (Instruction du 18 octobre 1977).

b) Recommandation.

Une seule recommandation a été directement adressée au Secrétariat d'Etat à la Fonction Publique. Elle concerne l'attribution de l'allocation pour perte d'emploi en cas de démission d'un agent titulaire, cette démission ayant été motivée par la mutation du conjoint (affaire II.50). Le Médiateur n'a pu encore, vu la complexité du problème, obtenir satisfaction. Cette affaire fait l'objet d'un nouvel examen de l'Administration, mais nécessite des délais de réflexion.

D'autres recommandations ont été transmises au Ministère de l'Economie et des Finances, dont dépendait la décision finale.

Citons notamment la recommandation émise au titre de l'affaire n° II-607 : Le requérant demandait le bénéfice de l'article 74 du décret 65-773 du 9 septembre 1965 accordant une pension proportionnelle aux agents n'ayant pas accompli 15 ans de services civils et militaires. Cette recommandation est à l'étude et n'a pas encore reçu de réponse satisfaisante.

Par contre la recommandation sur l'affaire n° III.236 concernant la validation de services civils et militaires accomplis avant l'acquisition de la nationalité française a été satisfaite ainsi que celle concernant une pension d'invalidité (affaire n° II.1634).

Reste en attente de réponse la recommandation relative à la demande de validation, pour la retraite complémentaire, de périodes d'activité salariées exercées à la Compagnie Nationale Air-France (affaire n° III.1328).

Enfin après un premier refus et deux études du Conseil d'Etat le Médiateur a obtenu que le ministre accorde en équité une pension d'invalidité à Mademoiselle B. (affaire n° I.1834).

c) Injonction.

Aucune n'a été adressée à cette Administration en 1977.

IV. CONCLUSION

La complexité de la réglementation et la crainte du précédent ne permettent pas toujours au Secrétariat d'Etat à la Fonction Publique d'examiner les affaires transmises par le Médiateur avec toute la souplesse souhaitable.

Cependant les délais d'instruction sont satisfaisants.

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