Année 1975


ANNEXE E


L'OMBUDSMAN DANS LE MONDE





Comme en 1974, une mise au point s'avère nécessaire en 1975 pour rendre compte des progrès que ne cesse de réaliser à l'étranger l'institution, à laquelle le Médiateur se rattache, et que désigne le terme suédois, internationalement adopté et devenu désormais nom commun, d'ombudsman.

Pendant l'année 1975, des ombudsmen nouveaux ont été mis en place ou des institutions existantes ont été étoffées, tant dans le cadre national ou régional qu'au niveau local et dans les secteurs se prêtant au développement de l'activité d'ombudsmen spécialisés.


I. OMBUDSMEN REGIONAUX ET NATIONAUX


Les régions, provinces, cantons ou Etats membres d'Unions fédérales, en raison de leurs dimensions, fournissent aux grands pays un cadre particulièrement approprié à l'implantation de l'institution. L'échelle relativement réduite des Etats où celle-ci a germé s'y retrouve. Aussi les créations récentes les plus importantes, en Australie, au Canada, aux Etats-Unis, en Allemagne fédérale, en Italie, sont-elles intervenues à ce niveau.

Le succès de la formule, toute fois, ne se manifeste pas seulement par son expérimentation là où elle n'existe pas encore. Il se traduit également par la nécessité de renforcer, ici ou là, des structures déjà rodées, mais devenues insuffisantes pour faire face à l'accroissement constant de l'activité. Trois des systèmes d'ombudsmen les plus anciens, fonctionnant au niveau national, ont été cette année l'objet de remaniements de cet ordre : ceux de Suède, de Finlande et de Nouvelle-Zélande. Dans les trois cas s'est posé le problème de la conciliation des avantages liés à la personnalisation de la charge avec le remplacement, inévitable au-delà d'un certain volume d'affaires, du titulaire unique par une organisation collégiale.


1. Les nouveaux ombudsmen régionaux.


En Australie et au Canada, la mise en place des ombudsmen provinciaux est achevée, ou à la veille de l'être. En ce qui concerne l'Australie, nous signalions l'an dernier la promulgation, le 18 octobre 1974, de la loi instituant un ombudsman en Nouvelle Galles du Sud. Le 2 avril 1975, M. Kenneth Smithers était nommé à ce poste par le gouverneur, sur proposition du Gouvernement, pour une durée de sept ans. Son service commençait à fonctionner le 12 mai. Rappelons que cette nomination avait été précédée peu auparavant, le 1er octobre 1974, par celle de M. David Longland, Commissaire parlementaire du Queensland, dont le mandat de cinq ans et les attributions avaient été définis par une loi du 1er juillet 1974.

Depuis ces deux désignations, les habitants de tous les Etats australiens savent désormais devant qui porter leurs démêlés avec les services publics. En dehors de la Tasmanie (où, compte tenu de la faible population, la Commission des pétitions de l'Assemblée suffit à remplir utilement ce rôle), seuls les territoires, à statuts spéciaux, de l'Australie du Nord et de la capitale ne sont pas encore pourvus. Ils ne sauraient cependant tarder à l'être, étant donné que le Bill instituant un ombudsman fédéral, assisté de deux adjoints compétents pour les territoires en question, est pendant depuis l'été devant le Parlement. Le projet de loi mis au point par le Gouvernement a fait l'objet de débats à la Chambre des Représentants an cours de la dernière session d'automne. Nous n'avons pas encore été informés de son adoption par le Sénat.

Au Canada, deux nouvelles provinces ont été, en 1975, dotées l'Ontario et Terre-Neuve. La désignation, à Toronto, de M. Arthur Maloney, comblait une importante lacune, s'agissant de l'extension du système à la plus riche province anglophone. Celui-ci était chargé de constituer son équipe dès le 22 mai 1975, avant même le dépôt devant l'Assemblée, le 27 mai, du projet de loi instituant sa charge.

Cette nomination devait être officialisée le 1er septembre, après le vote du texte, lequel prévoit un mandat de dix ans. A Terre-Neuve, le Parliamentary Commissioner (Ombudsman) Act avait été adopté par le législateur dès 1970, mais il n'avait pas été promulgué. Repris et amendé en 1975, ce texte est finalement entré en vigueur, permettant la prise de fonctions, le 16 juin dernier, de M. Ambrose Peddle.

Une seule province importante du Canada fait encore exception à la généralisation de l'institution : la Colombie britannique. La question a été discutée en ce qui concerne l'Ile-du-Prince-Edouard et le Territoire du Yukon. La création d'un ombudsman pour les territoires du Nord-Ouest a été expressément écartée, leur population, malgré leur immense étendue, n'atteignant pas 40.000 habitants.

Aux Etats-Unis, l'année 1975 a vu la naissance d'un nouvel ombudsman choisi par la Législature étatique et responsable devant celle-ci : celui de l'Alaska. L'ombudsman d'Anchorage est ainsi, suivant ceux des Hawaii, du Nebraska et de l'Iowa, le quatrième ombudsman " législatif " des U.S.A. L'Ombudsman Act, entré en vigueur le 15 avril 1975, a permis la désignation, par une commission parlementaire de six membres (elle-même élue par la Législature, siégeant en formation plénière), à la majorité des deux tiers, de M. Frank Flavin, qui porte le titre d'Ombudsman et exercera ses attributions en principe pendant cinq ans.

A côté des ombudsmen " législatifs ", qui seuls répondent à la définition stricte de la chose, existent aux Etats-Unis, dans le cadre des Etats membres, en assez grand nombre, des organismes plus ou moins indépendants des administrations contrôlées et investis de pouvoirs quasi contentieux. On les nomme ombudsmen " exécutifs ". Semblables instances de recours ont été mises en place, notamment, en Caroline du Nord, en Caroline du Sud, en Illinois, au Kentucky, au Montana, en Oregon. Le cas du New Jersey peut être cité en exemple. Une loi du 13 mai 1974 y instituait un Department of the Public Advocate, comprenant, à côté de sections s'occupant, entre autres, des établissements pénitentiaires et psychiatriques, une Division of Citizen Complaints and Dispute Settlement. Cette dernière division, chargée d'instruire toutes les requêtes d'administrés critiquant le mauvais fonctionnement d'un service public, rapporte ses conclusions et ses propositions au Public Advocate, chef du département. M. Stanley Van Ness, nommé Avocat publie le 21 mai 1974, faisait état, au 30 juin 1975, pour sa première année de charge, de 5.060 réclamations. Sa compétence exceptionellement étendue en matière de défense du particulier a suscité l'intérêt des instances gouvernementales de plusieurs Etats et de nombreux groupements de citoyens. Il pourrait se faire que le modèle du New Jersey soit imité ailleurs.

Plus près de nous, en République fédérale d'Allemagne, le Dr Johannes-Baptist Rosier occupe, depuis le 16 mai 1974, et pour huit ans, les fonctions de Mandataire du Citoyen de Rhénanie-Palatinat. Cette magistrature présente l'aspect original d'être rattachée à la Commission des pétitions de l'Assemblée provinciale, commission dont M. Rosler était d'ailleurs, avant sa nomination, le président. Pendant le second trimestre 1974, il fut saisi de 1.949 affaires, chiffre qui dénote un succès rapide de l'institution, le Land comptant trois millions et demi d'habitants. La création d'autres Bürgerbeauftragten a fait l'objet de discussions dans les Lander de Bade-Wurtemberg, Rhénanie-du-Nord, Westphalie et Hesse. A notre connaissance, ces débats n'ont pas été suivis jusqu'à présent de concrétisations.

En Italie, le Dr Italo De Vito occupe, depuis mai 1975, en Toscane, le poste de Difensore Civico, créé par la loi régionale no 8 du 21 janvier 1974. Ses comptes rendus d'activité doivent être en principe transmis semestriellement au Conseil régional. Le premier de ces documents n'est pas encore connu mais, d'après une communication de son auteur, les premiers mois d'expérience permettraient de constater que le cadre régional, en rapprochant l'ombudsman de l'administré, renforcerait la rapidité et l'efficacité des interventions. En dehors de la Toscane, les statuts régionaux du Latium et de la Ligurie prévoient également l'existence de défenseurs civiques, mais les législations nécessaires n'ont pas vu le jour.


2. Les collèges d'ombudsmen à compétence nationale.


Dans quelques pays moyennement peuplés, la surcharge de l'ombudsman national a entraîné l'abandon du principe de l'unicité du titulaire au profit d'une division des tâches entre plusieurs ombudsmen, responsables chacun personnellement d'un secteur déterminé. La Suède avait ouvert la voie à cet égard en 1967. Elle a été suivie, en 1975, par la Finlande et la Nouvelle-Zélande.

En Suède, une instruction sur les Commissaires du Parlement, adoptée par le riksdag le 14 décembre 1967, avait remplacé les deux ombudsmen, l'un civil l'autre militaire (JO et MO), qui oeuvraient auparavant parallèlement, par trois justitieombudsman se partageant sur un pied d'égalité la surveillance, spontanée ou déclenchée par des plaintes, des administrations civile, militaire, judiciaire, pénitentiaire, sociale. Deux suppléants complétaient ce brain-trust. Le système, à l'usage, parut devoir être repensé. Le nombre des plaintes reçues en un an passait d'environ 1.800 à plus de 3.000 en 1974. En outre, un défaut de coordination était susceptible d'apparaître entre les actions menées par trois JO dont aucun ne bénéficiait d'une prééminence vis-à-vis de ses collègues. En mai 1972, le Parlement avait constitué une commission chargée d'étudier les principes gouvernant l'institution et les problèmes posés par celle-ci. Les travaux de ce comité devaient aboutir à la publication, en avril 1975, d'un volumineux rapport contenant, outre une étude poussée des pratiques suivies par de nombreux ombudsmen étrangers, un ensemble important de propositions de réformes. Parmi celles-ci figure la réorganisation du service sur la base de la désignation de quatre ombudsmen (au lieu de trois), dont un aurait le statut de directeur de l'office et de son secrétariat, et le pouvoir de donner à ses pairs quelques directives générales (mais aucune instruction particulière). Il n'y aurait plus de suppléants. Chacun des trois autres JO resterait personnellement responsable des décisions prises dans sa sphère d'attribution, mais des délégations de pouvoirs dans des domaines limités pourraient être consenties à des fonctionnaires qualifiés du service (par exemple pour décider du rejet des affaires ne méritant pas intervention). La nouvelle constitution de la Suède (remplaçant celle de 1809) étant entrée en vigueur le 1er janvier 1975, le riksdag devrait avoir adopté très récemment une nouvelle instruction sur les Commissaires du Parlement, s'appuyant sur les nouveaux articles de la loi fondamentale et mettant en oeuvre les recommandations du rapport précité. Ce texte devrait prendre effet le 1er janvier 1976.

En Finlande, l'exemple suédois ne pouvait manquer d'être médité et bientôt suivi. Le statut et les attributions de l'ombudsman sont définis par l'article 49 de la constitution de 1919 (modifiée en 1971) et l'instruction du 9 décembre 1971, lesquels prévoient l'élection par le Parlement d'un ombudsman et d'un ombudsman adjoint. Une commission, qui en avait été chargée par le Gouvernement, produisit le 15 avril 1975 un projet tendant à remplacer le système antérieur par une organisation comprenant deux ombudsmen à part entière, flanqués de deux suppléants, le poste d'adjoint étant supprimé.

En Nouvelle-Zélande, le Parliamentary Commissioner (Ombudsman) Act de 1962 a été remplacé par un nouvel Ombudsman Act, adopté par le Parlement le 26 juin 1975. Ce texte prendra plein effet à compter du 1er avril 1976. Désormais, sir Guy Powles, qui a dirigé l'institution depuis ses débuts, en 1962, prend le titre d'Ombudsman en Chef. Il est secondé par deux ombudsmen MM. G.R. Laking et A.E. Hurley. L'ombudsman en chef a pour mission de répartir les tâches entre les ombudsmen et de coordonner leur action et il remplit, en outre, personnellement des fonctions d'ombudsman. Tous trois ont même compétence et mêmes pouvoirs. Le siège de l'institution reste fixé à Wellington et deux bureaux sont ouverts, l'un à Auckland, l'autre à Christchurch. L'ombudsman résidant à Auckland a compétence pour recevoir les plaintes dirigées contre les autorités locales de l'lle du Nord et l'ombudsman résidant a Wellington est chargé du même travail pour l'île du Sud, en liaison avec le bureau de Christchurch, confié à un délégué. L'ombudsman en chef réside à Wellington et, en collaboration avec celui des deux ombudsmen qui demeure dans la capitale, s'occupe des requêtes concernant les pouvoirs centraux. Le principe collégial mis au point en Suède commence, on le voit, à faire recette.

Ce renforcement des effectifs était commandé par l'extension du domaine de compétence de l'ombudsman, extension que la nouvelle loi avait pour principal objet de réaliser. La juridiction de celui-ci, jusqu'à présent limitée aux administrations et établissements centraux, englobera également à partir d'avril prochain le vaste secteur des autorités et organismes locaux. Le léger droit dont l'acquittement était exigé du requérant lors du dépôt de son dossier est, en outre, supprimé. On estime que l'ensemble des réformes introduites devrait entraîner le triplement du volume des affaires à traiter.


II. OMBUDSMAN LOCAUX


Le contrôle par ombudsman des administrations territoriales et municipales peut être conçu de deux manières. Ou bien il est exercé par un ombudsman national (ou régional), relevant des pouvoirs publics centraux et, par conséquent, indépendant des autorités contrôlées. Ou bien, au contraire, il est confié à un ombudsman rattaché au pouvoir local lui-même et chargé par celui-ci de surveiller en son nom les services subordonnés. Cette dernière formule est appliquée dans de grandes agglomérations urbaines qui, par l'importance de leur population et de leur appareil bureaucratique, atteignent les dimensions propices à l'installation d'un ombudsman. Les deux systèmes se rencontrent et l'un et l'autre ont connu de notables développements au cours de l'année écoulée.


1. Le contrôle externe des pouvoirs locaux.


La question de savoir si l'ombudsman national (ou régional) doit ou non avoir compétence pour critiquer les pouvoirs locaux a été agitée dans tous les pays lors de la création de l'institution. Le principal argument militant contre la compétence large n'est pas, contrairement à ce qu'on pourrait croire, d'ordre théorique. Le risque d'atteinte au principe de l'autonomie locale, même dans les pays pratiquant le self-government, a fortiori dans ceux qui ne connaissent qu'une simple décentralisation, n'est pas sérieux. L'objection majeure est d'ordre purement pratique. Il s'agit, en cantonnant la compétence, d'éviter l'encombrement de la barre. Cela est particulièrement vrai dans les pays de Common Law, où de très larges pans de l'administration relèvent traditionnellement du Gouvernement local. C'est pourquoi les affaires locales ont été à l'origine soustraites à la connaissance des ombudsmen de Nouvelle-Zélande, de Grande-Bretagne, de la plupart des provinces du Canada. En Australie, elles relèvent de l'ombudsman dans les Etats peu ou moyennement peuplés, mais elles lui échappent dans les deux Etats les plus peuplés : le Victoria et la Nouvelle Galles du Sud.

Dans un deuxième temps, quand l'institution a acquis de bonnes assises, en annexe le domaine local à sa sphère d'attributions. Le Cas de la Nouvelle-Zélande a été mentionné ci-dessus. En Grande-Bretagne, nous l'avons signalé l'an dernier, l'extension du système s'est accompagnée de la désignation de Commissioners for Local Administration. La promulgation du Local Government Act du 8 février 1974 a permis la constitution des deux commissions pour l'Administration locale d'Angleterre et du Pays de Galles. Leurs membres sont nommés par la Couronne sur proposition du Secrétaire d'Etat. Ils sont trois pour l'Angleterre : la Baronne Serota, Président, et MM. F.P. Cook et D.B. Harrison. Le Commissaire pour le Pays de Galles est M. D.W. Jones-Williams. Le Commissaire parlementaire pour l'Administration (centrale) est membre de droit des deux commissions, mais il n'a pas les pouvoirs d'enquête des Commissaires pour l'Administration locale.

Les trois Commissaires pour l'Angleterre résident à Londres et sont compétents dans les limites des zones qui leur sont respectivement attribuées. Le Commissaire du Pays de Galles a son siège à Cardiff. Les requérants doivent, par écrit, saisir d'abord l'autorité concernée et cette dernière transmet la demande au Local Commissioner. Au 31 mars 1975, les Local Commissioners d'Angleterre avaient reçu, en un an, 473 requêtes, dont 126 avaient donné lieu à enquête. A la même date, le Commissaire du Pays de Galles rapportait avoir été saisi, en un semestre, de 75 plaintes et en avoir rejeté 38 pour incompétence.

En mai 1975, le Local Government (Scotland) Act recevait la sanction royale. M. Robert Moore a été nommé Local Commissioner pour l'Ecosse et son bureau d'Edimbourg a dû ouvrir ses portes le 1er janvier 1976.


2. Le contrôle interne : les ombudsmen urbains.


Mis à part le cas de la ville de Zürich, en Suisse, le cadre urbain n'a été utilisé jusqu'à ce jour pour l'expérimentation du système ombudsmanien qu'en Israël et aux Etats-Unis.

En ce qui concerne Israël, nous avons précédemment signalé l'existence, depuis 1966, de l'ombudsman municipal de la ville de Jérusalem. Ce dernier est nommé par le conseil municipal et ses attributions ont été définies par un arrêté pris en la forme réglementaire par ce même conseil, auquel il rend compte chaque année de ce qu'il a fait. M. Shelomo Kaddar, ancien ministre en Tchécoslovaquie, titulaire de l'emploi depuis l'origine, déclare avoir eu 667 affaires inscrites à son rôle en 1974 et en avoir examiné 639, dont 284 justifiées. Un Bureau des Plaintes existe aussi, depuis 1971, dû à l'initiative de l'exécutif municipal de Tel-Aviv-Yafo. M. Yehuda Greener, qui le dirige, reçoit plus de huit mille plaintes par an. Enfin, le 30 mai 1974, le conseil municipal de Haïfa créait, à son tour, la charge de Commissaire aux Plaintes, et le maire nommait à cet emploi, le 1er juin, un ancien universitaire, M. Jacob Levav. Le 31 mai 1975, ce dernier révélait avoir reçu 1.090 plaintes au cours de sa première année de mandat.

Aux Etats-Unis, des ombudsmen locaux ont été créés soit par une ville, soit par un comté, soit conjointement par des assemblées municipale et territoriale. Possèdent à l'heure actuelle un système présentant les caractéristiques d'un ombudsman les villes et les comtés suivants : Atlanta (Géorgie, depuis 1974) ; Dayton-Montgomery County (Ohio, depuis 1971) ; Detroit (Michigan, depuis 1974) ; Jackson County (Missouri, depuis 1973) ; Jamestown (New York, depuis 1970) ; Lexington-Fayette County (Kentucky, depuis 1974) ; Seattle-King County (Washington, depuis 1968) ; Wichita (Kansas, depuis 1972).

Le conseil municipal d'Atlanta (500.000 habitants), par une instruction du 20 mai 1974, créait un office d'ombudsman à la tête duquel le maire de la ville plaçait, le 26 août 1974, M. Perey Harden. Celui-ci, dans son premier rapport, du 31 décembre 1974, fait savoir qu'il fut contacté 1.243 fois au cours du deuxième semestre 1974, sous la forme de 1.159 communications téléphoniques, 12 lettres et 72 visites. Dans 461 cas, il s'agissait de véritables réclamations, et dans 782 cas de simples demandes de renseignements. Il obtint la refonte de deux textes réglementaires et le redressement ou l'amélioration des pratiques suivies dans plusieurs services.

Le nouveau statut de la ville de Detroit (1.500.000 habitants), du 6 novembre 1973, faisait place à un ombudsman, nommé par le conseil municipal, pour dix ans. Tous les agents et services de la ville sont placés sous sa juridiction, à l'exception des bénéficiaires de mandats électifs. Au bout de dix ans, un référendum sera organisé sur l'utilité de l'institution et l'opportunité de la maintenir. Elu en septembre 1974, M. Forrest Green commençait à travailler le 12 novembre et, le 31 décembre de la même année, il avait déjà reçu 694 réclamations.

Le statut de la ville de Lexington et du comté urbain de Fayette, de 1972, instituait la fonction d'Avocat du Citoyen. La première nomination, prononcée par le conseil de district urbain, celle de M. Julius Berry, n'intervenait cependant qu'en décembre 1974. Fin juin 1975, celui-ci avait fait l'objet en six mois de 1.563 sollicitations, dont 438 requêtes proprement dites. Plus récemment encore, le 15 avril 1975, un amendement au statut de la ville de Berkeley, en Californie (116.000 habitants), posait le principe de la création d'un Citizen's Assistant. On constate le progrès et l'expansion rapides de la notion d'ombudsman urbain outre-Atlantique.


III. OMBUDSMEN SPECIALISES


On sait que l'expérimentation de l'ombudsman par secteurs connaît une faveur de plus en plus marquée. Les nombreux domaines dans lesquels il a paru apporter une solution ne sauraient, dans les limites restreintes de la présente revue, être indiqués que pour mémoire. La santé publique et les services hospitaliers déterminent le champ d'intervention des Health Service Commissioners britanniques et des Nursing Home Ombudsmen américains (celui de Caroline du Sud, notamment). Des ombudsmen universitaires et scolaires font leur apparition aux U.S.A. D'autres ombudsman sont attachés à la défense des droits linguistiques (Canada), à la protection des minorités ethniques (Etats-Unis, Nouvelle-Zélande), à la sauvegarde de l'environnement (Etats-Unis). Certains, opérant en matière économique, sont chargés de faciliter les relations entreprises-administrations (Etats-Unis). La garantie des libertés publiques devrait être un domaine d'application privilégié du mécanisme, mais un ombudsman spécialisé dans le contrôle des autorités de la police n'existe qu'en Israël. On rattache encore à la famille des ombudsmen - mais il y a là peut-être quelque abus - des organes dont les pouvoirs débordent le secteur public stricto sensu et s'étendent aux conflits du secteur privé. Les uns règlent les litiges d'assurance (Suisse, Etats-Unis). Les autres sont concernés par les mass media, la presse, la radio, la télévision (Suède, Pays-Bas, Etats-Unis). On ne saurait clore cette liste en omettant de mentionner la défense du consommateur par voie d'ombudsman telle qu'elle est organisée en Suède, en Norvège, au Danemark et bientôt en Finlande.

Il est deux domaines pour lesquels l'ombudsman a une vocation traditionnelle : celui des Armées et celui des prisons. Nous nous bornerons à évoquer les innovations intervenues dans l'année en matière militaire et pénitentiaire.


1. Les nouveaux ombudsmen militaires.


Rappelons qu'en règle générale, dans la plupart des pays, l'ombudsman n'a pas été institué pour être l'examinateur des réclamations des soldats et gradés. Il n'en va autrement que dans les Etats nordiques, où son contrôle s'étend indifféremment aux administrations civile et militaire : c'est le cas au Danemark, en Finlande, en Suède. Dans ce dernier pays, avait été mis en place, en 1915 pour la première fois, un ombudsman exclusivement habilité à connaître des causes militaires, lequel fonctionna jusqu'en 1967. Ce MO fut pris comme modèle par les promoteurs d'ombudsmen spécialisés en matière militaire. Semblables magistratures existent à l'heure actuelle en Norvège, en République fédérale d'Allemagne et en Israël.

En ce qui concerne la R.F.A., le poste de Commissaire parlementaire aux Armées, dont la création, on le sait, remonte à 1957, a fait l'objet cette année d'un changement de titulaire. A M. Fritz Rudolf Schultz, qui l'occupait depuis 1970, a succédé M. Karl Wilhelm Berkhan. M. Berkhan est le cinquième Commissaire parlementaire aux Armées, les trois premiers ayant été MM. Von Grolman (1959-1961), Heye (1961-1964) et Hoogen (1964-1970). Il a été élu par le Bundestag le 19 mars 1975, avec 416 voix sur 464 suffrages exprimés. Il était seul candidat. Mais, en mars, une première élection avait opposé deux autres postulants, un membre du S.P.D. et un de l'opposition, lesquels n'avaient ni l'un ni l'autre recueilli le nombre de voix nécessaires. M. Berkhan (S.P.D.) a acquis, depuis plus de vingt ans qu'il exerce des mandats de député, une grande expérience de la vie parlementaire. Il était Secrétaire d'Etat parlementaire à la Défense depuis 1969.

Au terme de son mandat quinquennal, M. Schultz avait déposé, le 27 février, son dernier rapport annuel, dont la discussion eut lieu plus tôt qu'à l'ordinaire. Il y insiste notamment sur l'importance du rôle incombant à l'autorité hiérarchique dans la prise en charge de la défense des intérêts matériels des subordonnés. Il existe également, notons-le, outre-Rhin, une association représentative des intérêts des militaires, la Deutscher Bundeswehrverband qui, d'ailleurs, s'inspire souvent dans ses revendications des observations ou propositions faites par le Wehrbeauftragter.

Un quatrième ombudsman militaire a fait son apparition en 1975, en Australie. Le 2 janvier 1975, le Ministre désignait M. D.O. Hay pour remplir, à titre intérimaire, les fonctions de Defence Force Ombudsman, anticipant ce faisant sur la discussion par le Parlement du Bill instituant la charge, lequel était déposé à la Chambre des représentants en mai. D'après le projet de loi, l'ombudsman militaire australien, haut fonctionnaire fédéral est nommé par le gouverneur général et il est chargé d'instruire les plaintes des militaires concernant leurs droits et de soumettre chaque année au Ministre un rapport destiné à être présenté au Parlement. Pour son premier semestre d'activité, M. Hay faisait état, au 30 juin 1975, de 102 réclamations, dont 71 entraient dans sa compétence.


2. Les nouveaux ombudsmen pénitentiaires.


Les prisons ont constitué, dès l'origine de l'institution, un secteur de choix pour le déploiement des investigations de l'ombudsman. Une population privée de liberté devait tout naturellement éveiller la sollicitude de ce défenseur des libertés. Il y a lieu de rappeler que le Commissaire parlementaire à la justice (Justitieombudsman), en Suède, s'adonnait primitivement avant tout à la haute surveillance de la justice. Il n'a développé son contrôle sur l'Administration proprement dite que depuis le début du XXe siècle. Au XIXe siècle, il concentrait son attention sur les tribunaux, les auxiliaires de la justice (parquet, police) et les prisons. A cette observation il faut en ajouter une autre. Le premier ombudsman, le constituant Mannerheim (1810-1823), subissant l'influence des idées, en vogue à l'époque, de Beccaria, s'était vivement intéressé aux lieux de détention, dont l'état, à la fin du XVIIIe siècle, laissait grandement à désirer. Cette prédilection fit naître une tradition, perpétuée par ses successeurs. En Finlande, il parut aller de soi, quand on introduisit l'ombudsman, que les établissements pénitentiaires fissent partie de son domaine réservé. Au Danemark, le premier ombudsman, le Professeur Hurwitz, avait occupé auparavant la chaire de criminologie de l'université de Copenhague et acquis une renommée mondiale dans cette discipline. Aussi consacra-t-il volontiers du temps aux visites de détenus.

En Amérique du Nord, cet aspect sui generis de la mission d'un ombudsman parut mériter d'être spécialement pris en considération. Les lois canadiennes et américaines fondant l'institution contiennent presque toutes des dispositions destinées à en faciliter la saisine par les prisonniers, notamment en garantissant leur correspondance avec l'ombudsman contre toute censure. De fait, les ombudsmen provinciaux se penchent souvent sur leur cas, entre autres au Québec et en Iowa. A telle enseigne que les administrations pénitentiaires apparurent bientôt comme justifiant à elles seules l'expérimentation d'ombudsmans spécialisés.

Au Canada, l'Enquêteur correctionnel fédéral, en fonctions depuis le 1er juin 1973, a pleins pouvoirs pour répondre aux plaintes des détenus et pour agir d'office quand bon lui semble, à l'intérieur du domaine relevant du Solicitor General, qui le nomme et à qui il rend compte une fois par an. Le poste est occupé par Mlle Inger Hansen.

Aux Etats-Unis, une proposition de loi a été déposée à la Chambre des Représentants, tendant à la création d'un ombudsman correctionnel fédéral. Des expériences pilotes sont en cours au niveau des établissements relevant des autorités locales, dans le comté de Humboldt (Californie) et dans la ville de Saint-Louis (Missouri) ainsi qu'à New York. Mais c'est surtout dans le cadre des administrations pénitentiaires dépendant (les Etats que l'on assiste à une véritable floraison d'ombudsmen spécialisés en la matière. Des organes de recours, à statuts variés, existent actuellement au Connecticut, en Caroline du Sud, en Indiana, au Maryland, au New Jersey, en Oregon, au Wisconsin, ainsi qu'au Kansas, au Michigan et au Minnesota. Le cas de ces trois derniers Etats peut être cité en exemple.

Au Minnesota, M. Theatrice Williams, nommé Ombudsman for Corrections par décret du Gouverneur, dès 1972, débutait dans ses fonctions avant que n'ait été mise en chantier la législation créant son emploi. Cette dernière (entrée en vigueur le 1er juillet 1973) vint légaliser a posteriori l'institution d'un ombudsman, choisi par l'exécutif et responsable devant lui seul, avec pouvoirs d'examen de doléances et d'action d'office. En juin 1975, M. Williams avait reçu, en un an, 1.262 requêtes de détenus (sur un effectif incarcéré d'environ 6.000 individus) et 35 provenant du personnel des prisons.

Au Kansas, une loi entrée en application le 1er juillet 1974 place, auprès du Secrétaire d'Etat à l'administration pénitentiaire, un comité consultatif de citoyens (Citizens' Advisorg Board), lequel, à son tour, nomme un Ombudsman for Corrections. Ce dernier, M. Preston Barton, prenait son service le 15 septembre 1975.

Au Michigan, enfin, en 1973, la Législature territoriale se signalait par son initiative d'établir un Legislative Corrections Ombudsman, doté des attributs essentiels d'un authentique commissaire parlementaire. M. James Spivey, élu par le Conseil législatif, commençait à travailler le 11 mars 1974. Une déclaration d'inconstitutionnalité, toutefois, obligea le Parlement à revoir ses textes. Une nouvelle loi, conforme cette fois-ci, put être promulguée le 16 mai 1975. Comme tous les ombudsmans pénitentiaires, celui du Michigan intervient tantôt sur sollicitation, tantôt proprio motu, mais - là réside son originalité - c'est au nom et pour le compte du pouvoir législatif qu'il agit.

On constate qu'en 1975 la vitalité de l'ombudsman n'a fait que se confirmer. En 1976, son succès généralisé sera solennellement consacré, puisque c'est en septembre prochain que doit en principe se tenir la première conférence mondiale réunissant les ombudsmans, commissaires parlementaires, mandataires ou défenseurs des citoyens, médiateurs des cinq continents. Cette manifestation devrait marquer la solidarité unissant les différents responsables d'une institution, qu'un indéniable esprit commun anime, en dépit de la multiplicité de ses appellations et de ses variantes. La rencontre aura lieu à Edmonton, au Canada, grâce à l'hospitalité du Dr. Randall Ivany, dont la charge d'ombudsman, celle de l'Alberta est la plus ancienne de l'Amérique.




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