Année 1975


ANNEXE C


VIE DE L'INSTITUTION



Le fonctionnement de l'institution, l'utilisation par le Médiateur de ses pouvoirs et moyens d'action comme sa jurisprudence ou ses rapports avec d'autres organismes formaient l'essentiel des développements du Rapport de 1974.

Il n'est pas apparu nécessaire de réserver une place à ces questions dans le Rapport de 1975 proprement dit puisqu'elles sont maintenant connues dans leur ensemble.

Seule une mise à jour de la vie de l'institution a paru nécessaire.


I. LE FONCTIONNEMENT DE L'INSTITUTION


Effectifs.


Ainsi qu'il a été mentionné dans l'Introduction, l'augmentation notable du nombre des réclamations soumises au Médiateur a conduit à la réorganisation de ses services.

Le Secrétariat général mis en place auprès du Délégué général depuis le 1er novembre 1975 a pour objectif de coordonner l'action de la section de l'instruction des dossiers et de celle chargée d'en exploiter les résultats en vue de la promotion des réformes, de la diffusion extérieure et de la préparation du Rapport annuel.

Les services du Médiateur comprennent, en dehors du Délégué général, du Secrétaire général et du Secrétaire général adjoint, douze assistants. Parmi ceux-ci, les huit assistants chargés de l'instruction des dossiers possèdent au moins une licence et parfois plusieurs années d'expérience administrative. Ils sont chargés de tâches de conception ou d'application au sens de la Fonction publique.

Le personnel d'exécution, quant à lui, est passé de neuf à douze.

Il est à noter que le Médiateur dispose maintenant, pour chaque grand secteur de l'Administration d'un conseiller technique à temps partiel qui travaille en étroite collaboration avec l'assistant chargé de ce secteur. Cinq chargés de mission ou chargés d'études prêtent également leur concours à temps partiel. Les uns et les autres sont recrutés parmi des hauts fonctionnaires en activité ou venant d'être mis à la retraite et possèdent tous l'expérience administrative indispensable.

C'est ainsi que deux chargés de mission ont été confirmés dans leurs précédentes fonctions :

- pour les questions de justice : un conseiller honoraire à la Cour de cassation ;

- pour les questions de sécurité sociale : un inspecteur général honoraire de la sécurité sociale.

Les conseillers techniques récemment nommés sont :

- pour les questions de sécurité sociale : un inspecteur général civil (ministère des Finances) ;

- pour les affaires étrangères, rapatriés, agriculture, industrie un sous-préfet, chargé de mission au ministère des Affaires étrangères ;

- pour l'équipement et la qualité de la vie : un Maître des Requêtes au Conseil d'Etat ;

- pour les impôts : un Directeur départemental adjoint des impôts en retraite.

Les effectifs du secrétariat du Médiateur à Grenoble n'ont pas subi de changement notable. Ils se composent d'un chargé de mission et d'un conseiller technique à mi-temps et de trois secrétaires dont l'une à mi-temps.


Crédits.


Les crédits du Médiateur pour 1975 ont été de 2.186.000 F.


Délais.


Les délais nécessaires au Médiateur pour se prononcer continuent d'être très variables, allant de quelques heures à plus d'une année. Il faut noter que les services du Médiateur sont tributaires de la plus ou moins grande diligence mise par les services administratifs à répondre à leurs demandes ; la complexité de certaines affaires, la réouverture de dossiers parfois clos conduisant à de nouvelles enquêtes (n° I-1438) comme la nécessité de saisir successivement plusieurs départements ministériels (nos I-1202, 1381) expliquent cependant, sans pour autant l'excuser, la longueur de certaines interventions. Réduire ces délais demeure le souci constant du Médiateur.

En revanche, sur simple intervention téléphonique l'ordre de fermeture d'un débit de boissons a pu être rapporté dans les quinze jours (n° II-478) (Cf. supra) et un jeune appelé a pu bénéficier, comme soutien de famille, d'une libération anticipée dès son arrivée à son corps (n° II-2151).


Modalités d'intervention.


Comme il a été mentionné dans l'Introduction, le Médiateur a largement utilisé les pouvoirs que la loi met à sa disposition. De plus en plus fréquemment il s'est fait communiquer les documents administratifs (notamment nos II-534 et I-748) dont la consultation était essentielle à son appréciation : ainsi de dossiers d'ordre médical ; même dans une affaire où " le secret concernant la défense nationale, (la) sûreté de l'Etat ou (la) politique extérieure " aurait pu lui être opposé en vertu de l'article 13 de la loi du 3 janvier 1973, il a pu prendre connaissance du dossier du réclamant (n° I-999).

Ainsi qu'il a été dit plus haut, le Médiateur n'a, cette année encore, pas eu à utiliser ses pouvoirs en matière disciplinaire ou répressive mais ces moyens d'action demeurent à sa disposition. A nouveau, le Médiateur ne peut faire état que d'un nombre très réduit de réclamations concernant les libertés publiques.


Jurisprudence du Médiateur.


Les observations présentées dans le Rapport de 1974 demeurent valables dans leur ensemble.

Le Médiateur a cependant été amené à affiner sa position en ce qui concerne sa compétence. Il a ainsi déclaré irrecevable une réclamation tendant à obtenir d'une Caisse régionale de Crédit agricole un prêt à taux bonifié (n° II-252) : les Caisses régionales sont en effet des organismes mutualistes ressortissant au droit privé et peuvent moduler leurs prêts compte tenu de leurs ressources financières ; ni la Caisse nationale de Crédit agricole ni les Ministres n'ont un pouvoir de tutelle en ce domaine. Il était donc impossible au Médiateur de les considérer comme des " organismes assurant une mission de service public " susceptibles de faire l'objet d'une intervention de sa part.

En revanche, il a cru pouvoir instruire la réclamation n° I-1158 où il était reproché à une compagnie d'assurances de ne pas avoir rempli ses obligations. Bien que cette compagnie ne soit pas soumise à la réglementation applicable aux entreprises d'assurance et échappe de ce fait au contrôle du Ministre de l'Economie et des Finances, le Directeur des assurances est cependant intervenu exceptionnellement pour que le litige soit réglé.

Confirmant sa jurisprudence antérieure, le Médiateur a considéré comme recevable la réclamation formulée par un maire et concernant la fermeture d'un cours préparatoire, estimant qu'elle aurait pu être formulée individuellement par chacun des parents d'élèves qu'elle concerne (n° I-1301).

Enfin, après avoir demandé une étude au Conseil d'Etat, le Médiateur a été amené à considérer que tout différend relatif à la carrière des agents publics, qu'il s'agisse de leur recrutement, de l'application du contrat ou des règles statutaires, ou des conditions dans lesquelles sont rompus les liens avec l'Administration, échappe à sa compétence (n° I-218) (Cf. supra, Annexe B) : il s'agissait en l'espèce des conditions dans lesquelles l'Administration n'avait pas donné suite à un contrat de coopération déjà signé.

Il faut enfin signaler que, dans un nombre de cas non négligeable, le Médiateur a accepté de " porter à la connaissance du Ministre " des réclamations qui échappaient formellement à sa compétence mais faisaient apparaître un " mauvais fonctionnement " du service. Il a eu la satisfaction de voir très souvent les situations des réclamants redressées par les services compétents.

Ainsi le Ministre de la Défense a reconnu le bien-fondé d'une réclamation concernant la durée d'un préavis de licenciement d'un agent contractuel et a versé l'indemnité qui y était rattachée (n° II-1739).

Un auxiliaire des P. et T. congédié pour insuffisance d'acuité de vision d'un oeil, alors que celle-ci a été jugée suffisante pour le soumettre aux obligations militaires, a pu bénéficier " en raison d'un assouplissement des normes " d'un nouvel examen de son dossier médical (n° II-1117).

Un jeune appelé, soutien de famille, a pu bénéficier d'une affectation plus proche de son domicile (n° I-1562).

Un modeste artisan, condamné à rembourser à la Sécurité sociale une importante somme pour défaut de déclaration d'accident du travail a pu, malgré la chose jugée, bénéficier d'une particulière bienveillance de la Caisse qui a accepté d'importants délais de paiement et une remise partielle de la dette (n° I-1218).

Un universitaire français détaché à l'étranger, et dont le forfait n'avait pas varié depuis 1966, a bénéficié d'un important redressement de ce forfait (n° I-1321).

Ces exemples illustrent la collaboration apportée par l'Administration à l'oeuvre du Médiateur et ce, même en dehors de sa compétence stricte.

En revanche, l'action du Médiateur se heurte parfois à certains principes fondamentaux auxquels il n'est pas possible de déroger. La bonne volonté du Médiateur comme celle de l'Administration ne permettent pas dans ces cas, de régler une situation, quelque injuste qu'elle puisse paraître. Ainsi une réclamante sollicitait de pouvoir récupérer sur la pension de son ex-mari des frais de justice qu'elle avait réglés mais que le jugement avait mis à la charge du mari : il lui a été répondu qu'en l'absence d'accord de l'intéressé, l'adresse de son mari ne pouvait être communiquée qu'à l'autorité judiciaire chargée d'exécuter la décision (n° 1769).

De même, des héritiers qui souhaitaient avoir accès au fichier de la sécurité sociale afin de retrouver un débiteur de la succession ont vu leur demande repoussée au motif que ce fichier ne peut être communiqué qu'en exécution d'une commission rogatoire : l'accès à ce fichier représenterait en effet une atteinte à la vie privée, dont le respect doit au contraire être protégé et défendu en vertu de l'article 9 du Code civil (n° II-1962).


Enquêtes locales.


La poursuite des interventions du Médiateur nécessite souvent des enquêtes sur place. Certaines ont été menées, sur demande du Médiateur, par les corps de contrôle des divers départements ministériels. D'autres ont fait l'objet d'enquêtes locales effectuées par le Médiateur lui-même ou par ses représentants. On peut citer, à titre d'exemple, les affaires suivantes :

1. - N° I-422 : Le réclamant faisait état d'importants retards dans le règlement du prix dû à la suite d'une vente amiable ; il demandait en conséquence des intérêts de retard. Si des améliorations ont été apportées dans quarante-cinq départements en règlement du prix des parcelles cédées à l'Etat, le Médiateur a estimé qu'une telle procédure devrait être généralisée et que des intérêts de retard devraient être payés par l'Etat au même titre que pour une expropriation. Il a émis une proposition de réforme en ce sens (cf. supra, Annexe A). En réponse à cette proposition, le Ministre de l'Economie et des Finances a fait connaître qu'il prenait les mesures nécessaires afin de sauvegarder les droits des propriétaires en cas d'accord amiable intervenu dans le cadre d'une procédure d'expropriation. Il ne lui a pas paru possible d'étendre cette solution aux cas de vente amiable pure et simple qui demeure, à l'heure actuelle, régie par le seul droit privé.

2. - N° I-639 : Une réclamante s'était vue refuser à diverses reprises des permis de construire sur des terrains qu'elle possédait.

Par la suite, la commune voisine a pris la décision d'acquérir ces terrains, mais le règlement définitif tardait à intervenir.

Le chargé de mission du Médiateur s'est rendu sur place afin que les procédures nécessaires soient achevées (demande de prêt à la Caisse des dépôts, demande de subvention à l'établissement public régional au titre de la constitution de garanties foncières, déclaration d'utilité publique, etc.). Il a ainsi débloqué l'affaire qui traînait depuis sept ans, ce qui va permettre à l'intéressée, âgée de soixante-dix-huit ans, de tirer profit d'un terrain, d'une valeur de un million de francs, inexploité depuis près de dix ans.

La remise gracieuse de la somme réclamée à l'intéressée pour n'avoir pas construit sur son terrain dans un délai de quatre ans a été demandée par le Médiateur compte tenu des circonstances de l'affaire et des retards imputables à l'Administration.

3. - N° I-685 : Malgré un certificat d'urbanisme attestant la constructibilité d'un terrain sous réserve que des servitudes architecturales soient respectées compte tenu de la situation du terrain inclus dans un site protégé, l'architecte des Bâtiments de France avait fait connaître son opposition à toute construction dans le site inscrit.

Le chargé de mission du Médiateur s'est rendu sur place. L'affaire était d'autant plus complexe que la construction d'un village de vacances situé à l'intérieur de l'ancienne enceinte du château avait été autorisée.

Depuis cette date, le Secrétaire d'Etat à la Culture a ouvert une procédure de classement du site qui empêche la délivrance d'un nouveau permis mais permettra sans doute à l'intéressée d'obtenir une indemnisation.

4. - N° I-1000 : Les réclamants estimaient qu'une procédure de remembrement en cours aurait dû être suspendue et jumelée avec les opérations d'expropriation d'une autoroute dont le tracé n'était pas encore déterminé, ceci afin d'éviter que certains d'entre eux ne soient pénalisés deux fois. Ils dénonçaient les irrégularités et la hâte avec laquelle l'Administration poursuivait l'instruction de ce dossier.

Le chargé de mission du Médiateur qui s'est rendu sur place a reconnu que la logique et le bon sens auraient dû conduire à mener de front les opérations de remembrement et de construction de l'autoroute, mais il a constaté que les opérations préparatoires à la construction de l'autoroute étaient trop peu avancées pour qu'il soit possible de surseoir au remembrement. Son intervention a eu pour effet de faire accélérer les procédures en cours, d'obtenir que 66 % des réclamations formulées devant la Commission départementale reçoivent satisfaction dans un délai normal et qu'ainsi soit menée à terme l'opération de remembrement envisagée sans que l'ordre publie soit troublé comme on pouvait le craindre lorsque le Médiateur a été saisi.

5. - N° II-1052 : Plusieurs réclamations concernant le tracé retenti pour la construction d'une autoroute et les nuisances qui en résulteraient pour les riverains des communes avoisinantes ont été soumises au Médiateur. Il a présidé une réunion d'étude qui s'est tenue à la Préfecture et où les points de vue des comités de défense comme de l'Administration ont pu s'exprimer. Les études se poursuivent. Le Médiateur a soulevé en même temps le problème de l'information du public en ce qui concerne la durée et la période des enquêtes d'utilité publique.

6. - N° I-1530 : Un sujet analogue a provoqué l'intervention personnelle du Médiateur : il s'agissait du tracé d'une rocade qui était contesté par un certain nombre de riverains. Il est apparu que le premier tracé semblait donner satisfaction aux riverains. La mise en oeuvre de ce deuxième tracé était violemment critiquée.

Le Médiateur s'est rendu sur place pour se faire préciser les conditions dans lesquelles avaient été effectuées les enquêtes d'utilité publique et de façon plus générale l'information des administrés concernés par ce projet.

Les réponses qui ont été apportées à ses questions lui ont permis de constater que l'opération avait été menée dans des formes régulières, L'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique, bien que s'étant déroulée aux environs de Pâques, avait recueilli un certain nombre d'observations. Quant à l'enquête parcellaire, elle avait eu lieu en septembre et non pendant la période de pointe de vacances comme le soutenait le réclamant.


II. LE MEDIATEUR ET LE PARLEMENT


Les rapports entre le Médiateur et le Parlement dans le cadre des dispositions de la loi du 3 janvier 1973 se sont poursuivis normalement.

A ces relations organiques se sont ajoutées deux démarches également importantes, l'une concernant une information, que l'on pourrait souhaiter permanente, des Commissions compétentes, l'autre plus circonstancielle à l'occasion de la discussion de la proposition de loi de M. Schiélé, sénateur, tendant à accroître les pouvoirs du Médiateur.

Dans le domaine de la saisine du Médiateur par un parlementaire, les critiques émanant en 1974 des députés et des sénateurs sur le plan de l'autonomie de l'action du Médiateur et de son pouvoir d'investigation paraissent avoir perdu une partie de leur importance.

Il convient néanmoins de souligner que les concours nouveaux qui ont été apportés au Médiateur par un certain nombre de hauts fonctionnaires ont permis de mettre en place dans la plupart des cas un instrument d'enquête et d'étude directe dont les résultats ont été satisfaisants.

Un certain nombre de parlementaires regrettent actuellement les délais, qu'ils estiment beaucoup trop longs, d'examen des cas adressés au Médiateur ; sans doute peut-on l'expliquer par la forte augmentation du volume des réclamations soumises au Médiateur, sans que les effectifs de ses services aient subi une croissance correspondante.

Il est nécessaire cependant que les parlementaires se rendent compte qu'il est impossible d'envisager que les services du Médiateur deviennent une seconde Administration. Dans ces conditions, il semble indispensable, ainsi que le Médiateur l'a exposé devant la Commission des affaires sociales de l'Assemblée Nationale, d'opérer entre les dossiers recevables un classement par ordre d'urgence. En effet, certaines situations doivent être réglées dans des délais très brefs sous peine de voir l'intervention du Médiateur devenir sans objet.

C'est à partir de cette distinction que l'équipe de conseillers techniques et d'assistants réunie autour du Médiateur pourra, en étroite collaboration avec l'Administration, mais sans augmentation démesurée de ses effectifs, accomplir sa tâche avec une plus grande efficacité.

Les efforts constants qu'a poursuivis le Médiateur depuis la création de l'institution afin d'accroître son efficacité doivent être portés à la connaissance du Parlement plus souvent que par la seule voie du Rapport annuel. C'est dans ces conditions que le Médiateur a décidé de se rendre en cours d'année devant les différentes Commissions parlementaires qui peuvent avoir à connaître de son action. Son intention est de les informer non seulement de l'état des requêtes en cours mais aussi des résultats obtenus et enfin des propositions plus générales de réforme qu'il a été amené à présenter aux pouvoirs publics.

C'est ainsi que la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée Nationale a procédé à l'audition du Médiateur en juin 1975.

Si cette séance de travail, à laquelle participaient de nombreux parlementaires, leur a permis d'entendre le Médiateur exposer les grandes lignes de son action, elle leur a aussi donné la possibilité de lui faire connaître directement les critiques que cette action avait pu susciter et l'orientation qu'ils souhaitaient lui voir prendre.

De telles auditions doivent être répétées au cours de l'année 1976 aussi bien devant le Sénat qu'à l'Assemblée Nationale.

Les parlementaires, malgré les observations critiques qu'ils peuvent être conduits à formuler à l'égard de l'action du Médiateur, ont été conscients qu'un grand nombre d'entre elles résultaient des dispositions de la loi du 3 janvier 1973 qui étaient, soit imprécises, soit trop limitées pour permettre au Médiateur d'intervenir avec suffisamment d'efficacité. C'est dans cette perspective qu'a été entreprise la modification de la loi, de manière à étendre la compétence du Médiateur (cf. Introduction et Annexe D pour le texte de la proposition de loi votée le 2 octobre 1975 par le Sénat).

La proposition de loi est actuellement à l'étude devant la Commission des lois de l'Assemblée Nationale qui a entendu le Médiateur à la fin de la dernière session parlementaire.

Pour sa part, le Médiateur souhaite que les parlementaires poursuivent leur effort - expressément prévu par la loi - de ne lui adresser que des requêtes recevables. Trop de réclamations irrecevables lui sont encore transmises, alourdissant la tâche de ses services déjà surchargés.

On peut regretter d'ailleurs qu'en ce qui concerne la recevabilité des requêtes, l'aide des services spécialisés des deux Assemblées qui peuvent conseiller utilement les parlementaires, ne soit pas plus sollicitée (20 % à peine des requêtes transmises leur ont été communiquées).

Après une mise en place de deux années qui implique un certain tâtonnement, il semble que les rapports entre le Médiateur et les parlementaires s'orientent vers une meilleure application de la volonté du législateur dans leur rôle respectif de la procédure. Ceci ne pourra être, dans les années à venir, que profitable aux administrés soucieux de faire respecter leurs droits et de régler leurs différends avec l'Administration.


III. LE MEDIATEUR ET L'OPINION


Dans le domaine des relations publiques, l'année 1975 a été plus particulièrement consacrée à l'application et au développement de la politique d'information dont les grandes lignes avaient été définies en 1974 (cf. Rapport de 1974) et qui peut se résumer ainsi :

- rencontrer les hommes qui, tant à Paris que dans les régions, participent à la conduite de la vie économique, politique et sociale ;

- établir ou maintenir des contacts avec la presse nationale et régionale, écrite et audiovisuelle ;

- rechercher et atteindre des publics sectoriels.

C'est ainsi que le Médiateur a poursuivi ses visites dans les métropoles régionales (Lyon, Rennes, Marseille, Metz, Bordeaux, Strasbourg, Clermont-Ferrand, Dijon, Montpellier, Poitiers) pour informer et s'informer auprès des Préfets, Parlementaires, Présidents de chambres de commerce et d'industrie, d'agriculture et de métiers, responsables d'organismes de développement régionaux, représentants des forces syndicales et sociales, de la presse, etc. Le Médiateur a également pris part à plusieurs émissions radiophoniques ou télévisées, et conférences-débats consacrées à sa fonction et à sa mission.

Trois principaux moyens ont été mis en oeuvre pour la réalisation en 1975 des actions d'information du Médiateur : une brochure présentant un résumé du Rapport de 1974 et largement diffusée ; une lettre documentaire à l'attention de la presse ; un sondage d'opinion qui a permis de mesurer la notoriété de l'institution et d'orienter les efforts d'information.

Le Médiateur a obtenu, en adoptant et respectant cette politique de relations publiques, un mouvement d'intérêt non négligeable comme peut l'indiquer l'accroissement du volume des réclamations reçues en 1975 par rapport aux années précédentes.

Il est donc évident que les efforts entrepris en ce domaine doivent être poursuivis en conservant les mêmes objectifs :

- mettre le Médiateur à la portée de tous en accroissant sa notoriété ;

- réduire le décalage qui existe dans le public entre la perception du concept du Médiateur et les possibilités qu'offre l'institution.


IV. LE MEDIATEUR ET LES COMITES D'USAGERS


Il a été fait état dans le Rapport de 1974 de la collaboration qui s'était instaurée entre le Médiateur et les Comités d'usagers mis en place à la fin de l'année 1974 auprès de chacun des dix-sept ministères et secrétariats d'Etat. La mission des parlementaires qui présidaient ces Comités a pris fin le 30 juin 1974 et les Comités ont présenté leurs rapports dont le Gouvernement a largement tenu compte.

Il ressort de l'existence parallèle pendant six mois du Médiateur et des Comités d'usagers que les deux institutions, loin d'empiéter sur leurs domaines respectifs, étaient complémentaires. Il est apparu que, leurs préoccupations étant communes sur certains problèmes, leurs efforts conjugués permettaient une action plus efficace pour " humaniser les rapports entre l'Administration et les citoyens ".

La collaboration entre le Médiateur et les Comités d'usagers a revêtu des modalités diverses, allant de la simple transmission au Comité concerné de réclamations n'entrant pas dans la compétence du Médiateur (Réclamations ne faisant pas apparaître un litige individuel ou mettant en cause une réglementation) à la concertation proprement dite. Ainsi certaines réclamations transmises par le Médiateur à des Comités ont donné lieu à des propositions formulées dans les rapports déposés par ces derniers (exemple : concertation du Médiateur avec le Président du Comité d'usagers placé auprès du Ministre de l'Intérieur sur diverses questions dont celle de la suspension du permis de conduire).

Le Médiateur a noté avec satisfaction les propositions faites par les différents Comités et notamment celles émanant des Comités placés auprès du Ministre de l'Intérieur et auprès du Secrétaire d'Etat aux Anciens Combattants et Victimes de Guerre (
V. RELATIONS INTERNATIONALES


Visites d'ombudsman étrangers.

Pendant l'année 1975, le Médiateur a reçu la visite d'ombudsman et de délégations venant de divers pays :

- sir Alan Marre, commissaire parlementaire et une importante délégation britannique ;

- M. Arthur Maloney, ombudsman de la province d'Ontario (Canada) ;

- M. J.-V. Dillon, ombudsman de l'Etat de Victoria (Australie) ;

- Comité créé en vue de la mise en place d'un ombudsman au Nigeria.

Des réunions de travail et des contacts fructueux ont permis de comparer les caractéristiques des différents systèmes de protection du citoyen face à l'Administration. Le Médiateur considère qu'un tel courant d'échanges contribue à la consolidation et à la progression de l'institution et il entend développer ces contacts.

Participation à des rencontres internationales.

Un représentant du Médiateur a assisté, en novembre 1975, au quatrième colloque international sur la Convention européenne des Droits de l'Homme qui avait pour objet de commémorer le vingt-cinquième anniversaire de la Convention et de dresser le bilan des résultats.

La France ayant ratifié la Convention le 3 mai 1974 - elle a été le dernier des pays membres du Conseil de l'Europe à le faire - ce bilan présentait un intérêt tout particulier.

En ce qui concerne plus spécialement le Médiateur, deux points méritent à cet égard d'être notés :

D'une part, la Convention est désormais intégrée à l'ordre juridique français et possède, comme tout traité régulièrement ratifié et publié, une autorité supérieure à celle des lois. Etant donné qu'en vertu de l'article premier de la Convention " Les Hautes Parties Contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au Titre I de la présente Convention ", les administrés peuvent invoquer devant les organes français compétents toute violation des droits et libertés définis aux articles 2 à 18 de la Convention européenne. Sans doute peut-on penser que la Constitution et la législation française comportent une protection au moins égale de ces mêmes droits et libertés mais l'on ne saurait exclure a priori que dans tel cas déterminé un particulier ne vienne invoquer une violation de la Convention européenne en même temps que ou à la place de celle d'un texte français. Le Médiateur étant compétent pour recevoir les réclamations concernant " le fonctionnement des Administrations de l'Etat, des collectivités publiques territoriales, des établissements publics et de tout autre organisme investi d'une mission de service public ", il est concevable qu'il puisse être saisi d'une réclamation fondée sur la violation d'un droit ou d'une liberté définis par la Convention européenne.

En second lieu, la France n'ayant pas fait la déclaration prévue à l'article 25 de la Convention européenne, à l'effet de reconnaître la compétence de la Commission européenne des droits de l'homme pour statuer sur les requêtes de " toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers ", les plaintes des personnes physiques contre une violation par l'Administration française des droits reconnus par la Convention européenne ne pourront jamais être portées directement devant les organes européens et resteront de la compétence exclusive des autorités nationales : la compétence du Médiateur telle qu'elle se trouve définie par la loi conserve dès lors sa pleine et entière portée.

L'intérêt que le système européen de sauvegarde des droits de l'homme présente pour l'institution du Médiateur a été illustré par la présence au colloque de la plupart des ombudsmans européens ou de leurs représentants.

On peut observer que, si les organes compétents français et en particulier les tribunaux et le Médiateur n'ont pas eu jusqu'ici à se pencher sur la Convention européenne des Droits de l'Homme et sur l'interprétation qui en a été donnée par la Commission et la Cour européenne des Droits de l'Homme, il en ira désormais différemment. Sans doute le Médiateur n'est-il pas saisi fréquemment de réclamations mettant en cause le respect des libertés publiques mais il lui sera d'un grand profit, lorsqu'un tel problème se posera devant lui, de se référer à la jurisprudence des organes européens tout à la fois pour arrêter sa propre position et, le cas échéant, pour conforter ses démarches auprès des autorités administratives concernées.



Retour au sommaire de l'année 1975
Retour au sommaire des rapports