Année 1975


ANNEXE A


DEVELOPPEMENTS CORRESPONDANT AUX MATIERES EVOQUEES DANS LE RAPPORT DE SYNTHESE



SECTION I. - LES ACTIONS DU MEDIATEUR


A. LE REDRESSEMENT DE SITUATIONS INDIVIDUELLES


1. L'action quotidienne du Médiateur.


Les actions groupées sous cette rubrique constituent le principal - du moins en volume - de l'activité du Médiateur.

Suivant leur résultat, on les répartira en trois catégories. Elles peuvent avoir abouti :

a) au déblocage d'un dossier en souffrance

b) au redressement d'une erreur de l'Administration

c) à l'assouplissement de son attitude.

a) LE DEBLOCAGE DE DOSSIERS EN SOUFFRANCE

1. Dans une première éventualité, les intéressés ont demandé l'ouverture ou la reconnaissance d'un droit, mais ne parviennent pas à obtenir satisfaction. Ici, les réclamations concernent essentiellement le secteur social, et en particulier, l'octroi d'une pension de vieillesse ou les bases de sa liquidation.

On citera d'abord le cas extrême, et pourtant assez fréquent, où le plaignant affirme avoir déposé une demande et n'avoir obtenu aucune réponse. Après enquête auprès de la Caisse, il apparaît qu'aucune trace du dossier n'a pu être retrouvée et le plaignant est invité à renouveler sa demande. Y a-t-il erreur ou mauvaise foi du réclamant ? Négligence de la Caisse ? L'instruction ne peut guère permettre de répondre à cette question ; mais il est à noter que dans de nombreux cas, l'intéressé obtient finalement satisfaction.

Plus ordinairement entrent en jeu des difficultés et des lenteurs qui résultent, souvent, de la complexité des dossiers à instruire. Ainsi, lorsque l'intéressé a occupé plusieurs emplois, les recherches concernent des périodes anciennes, et sont donc longues et difficiles. Lorsque l'assuré a cotisé auprès de régimes différents ou lorsqu'il a travaillé à l'étranger (n° II-223), les difficultés s'accroissent encore. Le problème n'est d'ailleurs pas nouveau et a été exposé dans les précédents Rapports.

Dans ce domaine, l'action du Médiateur produit un double effet, à l'égard des Caisses et à l'égard des intéressés eux-mêmes :

- En ce qui concerne les Caisses, elle permet tout d'abord de remédier, si nécessaire, au manque de diligence de ces organismes et de hâter la liquidation de la pension.

Dans certains cas dignes d'intérêt, et lorsque les difficultés ne peuvent être résolues rapidement, le Médiateur obtient une liquidation provisoire de la pension (Cf. infra, Annexe B, n° I-1436), palliant ainsi des lenteurs inévitables. Il est certain qu'une " préliquidation " systématique des dossiers - procédure déjà mentionnée au Rapport de 1974 permettrait d'apporter une solution satisfaisante au problème ainsi posé.

- Aux assurés, le Médiateur est en mesure d'expliquer le processus complexe et souvent ignoré du traitement du dossier, et d'exposer que les lenteurs ne sont pas toujours dues à la négligence des services concernés. Il est à signaler à ce sujet que certains réclamants ralentissent eux-mêmes le processus en ne répondant pas, ou en le faisant tardivement ou de façon incomplète, aux demandes de renseignements des Caisses.

2. Dans un tout autre domaine, un second type de blocage a été souvent constaté : il arrive fréquemment que des administrés se plaignent des délais mis par une collectivité publique pour faire effectuer des travaux dont l'inexécution comporte pour eux des conséquences dommageables. L'Administration ne conteste pas son obligation, mais les choses traînent en longueur ; le réclamant a d'ailleurs parfois attendu deux ans, trois ans ou plus, avant de saisir le Médiateur. Or il est apparu que l'intervention de ce dernier permettait en général une exécution rapide (en quelques mois, dans certains cas) des travaux en cause.

Les mêmes remarques s'imposent lorsqu'il s'agit pour l'Administration de régler une indemnité destinée à compenser un préjudice, quelle qu'en soit l'origine (remembrement, expropriation, travaux d'équipements publics, etc...). Lorsque l'Administration a négligé pendant cinq ans - comme il est arrivé au Médiateur de le constater - de régler sa dette, on passe du simple manque d'empressement à l'obstruction caractérisée (Cf. infra, Annexe B, n° II-1267).

Il est apparu que les ministères concernés auxquels le Médiateur avait rapporté de tels cas, sont parfaitement conscients de la nécessité de réformer ces abus.

3. Il faut signaler enfin que l'intervention du Médiateur permet souvent d'accélérer la réponse des services administratifs aux lettres de tous types reçues des administrés : demandes de renseignements, demandes destinées à se faire reconnaître un droit, réclamations ou recours gracieux formés par les intéressés. Après instruction, il est apparu que dans de nombreux cas, les demandes adressées à l'Administration étaient fondées et auraient pu être plus rapidement satisfaites. La lenteur déjà relevée (cf. Rapport de 1973 ; Rapport de 1974) de nos services publics demeure donc, malheureusement, un défaut bien vivant.

Il en est de même pour la réponse aux recours gracieux. Ceci est surtout vrai en matière fiscale : lorsque le contribuable demande l'étalement de ses dettes ou la remise des pénalités, une prompte réponse de l'Administration lui est évidemment nécessaire pour organiser son budget (Par exemple : n° II-1050 (non-réponse à un recours gracieux en matière fiscale) ; n° II-729 (deux années nécessaires au secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants et Victimes de Guerre pour rejeter un recours gracieux...).

Enfin, en ce qui concerne la reconnaissance d'un droit, la non-réponse de l'Administration équivaut certes, passés certains délais, à un rejet implicite, et peut donc faire l'objet d'un recours devant les tribunaux administratifs. Mais ne serait-il pas plus simple d'informer nettement et rapidement les intéressés de la solution applicable a leur cas, ce qui permettait d'éviter des situations ambiguës qui mettent des années à se dénouer ?

Le Médiateur est forcé de constater qu'un nombre relativement élevé de dossiers traînent dans les services administratifs et qu'il lui suffit d'une simple demande de renseignements auprès de l'Administration pour que l'affaire ou le litige se règle. Il est regrettable que tant de dossiers qui ne posent aucun problème juridique ou technique particulier viennent alourdir les rôles de l'institution.

On rappellera enfin que le Médiateur n'est pas tenu, comme le juge, de se limiter de manière stricte à la demande expressément formulée par le réclamant. Aussi est-il arrivé dans plusieurs cas que l'intéressé obtienne finalement plus, ou autre chose, que ce qu'il avait d'abord demandé (Cf. infra, Annexe B, n° I-905).

b) LE REDRESSEMENT DES ERREURS DE L'ADMINISTRATION

Il est admissible que l'Administration se trompe. Il l'est moins que les administrés aient, dans certains cas, tant de peine à lui faire reconnaître son erreur. Les difficultés sont alors de deux sortes :

Ou bien l'Administration a été avertie de l'erreur mais les services n'ont pas tenu compte de la réclamation : par manque d'initiative, il n'est venu à l'esprit d'aucun fonctionnaire que le litige, pour être résolu, pouvait nécessiter un nouvel examen des éléments du dossier. La machine administrative, une fois mise en route, ne veut plus s'arrêter et on aboutit à des situations aberrantes : comme celle de ce P.D.G. qui avait régulièrement démissionné en 1962, et dont le successeur avait été régulièrement inscrit au registre du commerce, et qui s'est vu poursuivre dix ans après par une U.R.S.S.A.F. pour non-paiement des cotisations dues par la société pour l'année 1963. Il faut préciser que les poursuites ont été jusqu'à la saisie de ses meubles personnels (n° II-360).

Dans d'autres cas, on s'aperçoit que l'erreur a bien été constatée et enregistrée, mais n'a pas été " répercutée " au niveau d'un autre service, également concerné. C'est le cas, en particulier, en matière fiscale, où les services de l'assiette sont nettement séparés des services du Trésor, si bien qu'une réclamation régulièrement adressée à l'inspecteur des Impôts peut très bien ne pas être transmise aux services du recouvrement. On touche évidemment ici à un problème d'organisation défectueuse des services (Cf. infra, Annexe B, n° II-661).

Dépassant la recherche et la rectification de l'erreur de fait, le Médiateur peut également être amené - comme le juge, mais sans évidemment disposer des mêmes moyens - à contrôler la régularité de certains actes de l'Administration ; à déceler et faire rectifier l'erreur de droit - pouvant aller jusqu'à l'application d'une doctrine erronée - commise par un service ; à intervenir pour que soit fixée l'interprétation d'un texte, ou résolue la contradiction constatée dans l'interprétation d'une réglementation ou d'une jurisprudence.

En agissant ainsi, le Médiateur " dit le droit" : il sort donc quelque peu du cadre de sa mission ordinaire, mais sans franchir les limites de compétence que la loi, dans sa lettre, lui a assignées.

Il a été fait mention, ci-dessus, des erreurs de l'Administration que l'action du Médiateur permettait de déceler : il s'agissait alors plutôt d'erreurs matérielles.

Mais il peut arriver qu'un service public fonctionne mal parce qu'il fonde ses décisions sur une réglementation ou sur une jurisprudence mal comprises ou sur une doctrine erronée (Ex. : les affaires n° II-986 : erreur sur la réglementation à appliquer n° I-1505 : application d'une doctrine erronée).

Les trois cas se sont présentés au Médiateur. De ces trois situations, la troisième - application d'une doctrine erronée - est probablement la plus difficile à cerner, et à faire admettre et rectifier.

Outre cette nécessité de déceler les erreurs de droit qui ont pu être commises par l'Administration lors de l'examen d'une affaire, il est indispensable, parfois, d'interpréter une réglementation peu claire en elle-même. Le rôle du Médiateur sera alors d'amener l'autorité compétente à prendre un texte susceptible d'éclairer la ou les dispositions obscures. Ainsi par exemple, le Médiateur a-t-il demandé au Ministre de l'Equipement des précisions sur l'interprétation à donner de la loi n° 74-1117 du 27 décembre 1974 concernant l'élaboration des Plans d'occupation des sols et le problème du " gel " des terrains (Cf. infra).

C) L'ASSOUPLISSEMENT DE L'ATTITUDE DE L'ADMINISTRATION

On peut à cet égard établir une gradation dans l'attitude de l'Administration et, par conséquent, dans le mode d'intervention du Médiateur.

- Dans certains cas, la position de l'Administration se révèle, à l'étude des dossiers, beaucoup trop rigide, et, de ce fait, génératrice de conséquences injustes. Cette rigidité peut se manifester soit par une interprétation exagérément restrictive des textes législatifs ou réglementaires en vigueur, soit par une appréciation rigoureuse à l'excès des circonstances elles-mêmes de l'affaire.

Dans de telles hypothèses, le Médiateur devant le refus sans appel de l'Administration, peut toujours recourir à la recommandation, et c'est par ce moyen, comme on l'a vu, qu'un certain nombre d'affaires ont pu se régler dans le sens souhaité par lui (cf. infra). Mais la recommandation doit rester une arme exceptionnelle, et bien souvent le Médiateur n'a pas eu besoin d'y recourir, l'Administration ayant rectifié sa position après un second, parfois un troisième examen des éléments du dossier (Cf. infra, Annexe B, n°II-61).

- Pour une seconde catégorie d'affaires, aucun reproche ne pouvait être fait à l'Administration, et la solution appliquée dans l'espèce était correcte. Cependant, eu égard aux circonstances particulières de chaque affaire, il apparaissait, après un nouvel examen du dossier, qu'une certaine souplesse serait plus équitable et tout simplement plus humaine : de nombreuses affaires ont pu être réglées dans ce sens (Cf. infra, Annexe B, nos 967 ; I-618 ; I-546 ; I-1539).

L'insuffisance parfois constatée dans la cohérence interne de tous les textes concernant un même sujet (Cf. infra) résulte de la complexité des problèmes posés et des nombreuses ramifications qu'implique un traitement complet de ces problèmes. Des contradictions sont, en pratique, inévitables.

Dans la mesure où, fréquemment, plusieurs services peuvent être compétents pour étudier un même sujet, pareille observation vaut en ce qui concerne la coordination dans l'action menée par les différents services publics compétents pour un même problème. Cette coordination devrait normalement se faire au niveau ministériel, mais il peut arriver qu'elle soit défaillante : l'interprétation contradictoire d'un texte ou d'une jurisprudence par deux services chargés d'étudier une même question (Il s'agit de l'affaire n° I-149, qui a donné lieu, de la part du Médiateur, à une proposition étudiée infra) en constitue une illustration.

Il est évident - mais il est primordial de le souligner - que l'efficacité de l'action du Médiateur, dans bien des cas, dépend de la collaboration que les ministères acceptent d'instituer dans leurs relations avec lui (Cf. infra, Annexe B, n° I-535 ; I-1492 ; I- 677).

Il convient d'ajouter, en ce qui concerne le secteur fiscal, quelques remarques. De nombreux réclamants mettent en cause le Ministère de l'Economie et des Finances, lui reprochant de les avoir imposés sur des bases fausses, et se plaignent du manque de garanties que leur laisserait le système actuel de contrôle. Mais il faut reconnaître que l'expérience (lu Médiateur en ce domaine ne laisse pas l'impression que ces reproches et ces plaintes soient absolument fondées. Par exemple, en cas de taxation d'office, l'imposition ainsi déterminée n'est pas en principe soumise à l'avis de la commission départementale ; dans plusieurs affaires cependant, les services fiscaux ont accepté de soumettre cette taxation à l'avis de cette commission et de s'y conformer (Cf. infra, Annexe B, n° I-826).

De même, lorsqu'il s'avère qu'une imposition est fondée, l'Administration n'a pas la possibilité de la réviser ou d'en faire remise sauf à des conditions précises). Mais le Médiateur, dans cette hypothèse, a constaté que l'Administration se montrait plutôt libérale pour admettre l'étalement des dettes dont les réclamants sont redevables ; ou pour accepter la remise des pénalités encourues. Dans certains cas, on peut même parler de bienveillance à l'égard des contribuables (Cf. infra, Annexe B, n° I-511 ; I-1111).


2. L'adoption des recommandations du Médiateur.


L'année 1975 a connu une plus grande utilisation par le Médiateur du pouvoir qui lui est conféré par l'article 9 de la loi du 3 janvier 1973 de " recommander " aux Administrations le redressement de situations individuelles lorsque le droit ou l'équité paraissent l'exiger.

Comme les années précédentes, le Médiateur n'a pas eu recours à la procédure de publication, sous la forme d'un rapport spécial, prévue au deuxième alinéa de l'article 9 : l'accord des Administrations concernées a toujours été obtenu par la voie amiable.

Parmi les dix-huit recommandations formulées en 1975 par le Médiateur, certaines ont d'ores et déjà reçu satisfaction. D'autres, plus récentes, n'ont pas encore reçu de réponse ou font l'objet de divergences avec les départements ministériels concernés. Dans un cas, enfin, le Médiateur s'est rangé aux arguments avancés par l'Administration pour repousser la recommandation.

a) RECOMMANDATIONS SUIVIES D'EFFET

N° 810 : Recommandation tendant à faire obtenir au profit des ex-receveurs des P.T.T. et des personnels de recette d'Algérie, le paiement des remises sur placement de bons du Trésor auxquels ils estimaient avoir droit au titre d'opérations effectuées en 1961 et 1962 (adressée au Ministre de l'Economie et des Finances le 3 décembre 1974).

L'Administration craignait en répondant favorablement à l'intéressé de déclencher une avalanche de demandes. Il n'en reste pas moins que sur décision ministérielle, une imputation au compte spécial restait possible. C'est la solution que le Médiateur a recommandée pour tous les comptables en cause.

Le Ministère a fait droit à la recommandation en ce qui concernait le réclamant, mais n'a pas accepté d'étendre cette solution à tous les comptables intéressés dont certains ne l'étaient que pour des sommes minimes.

Tout en se félicitant de la solution intervenue, le Médiateur considère cette restriction comme regrettable.

N° 1608 : Recommandation tendant à la réparation des dommages mobiliers et immobiliers imputables à des déflagrations supersoniques (adressée au Ministre de la Défense le 20 janvier 1975).

Une heure après une déflagration supersonique la maison du plaignant s'était effondrée. Ce dernier avait vu sa demande d'indemnité rejetée par le ministère de la Défense. En effet, la charge de la preuve est, dans ces affaires, répartie entre la victime et l'autorité militaire. La victime doit prouver l'existence d'un lien de cause à effet entre la déflagration et le dommage ; cette condition est nécessaire et suffisante puisque la loi a créé en la matière un système de responsabilité pour risque. C'est à l'autorité militaire, en revanche, qu'il appartient éventuellement de prouver que la victime a commis une faute susceptible d'atténuer ou même de supprimer sa responsabilité.

C'est ce qu'avait tenté de faire le ministère de la Défense en soutenant que les dégâts causés à la maison de l'intéressé étaient consécutifs à l'affaissement d'une maison voisine elle-même " de construction archaïque et laissée sans le moindre entretien depuis de longues années ".

Il faut souligner ici que l'Administration ne peut se retrancher derrière la faute d'un tiers pour s'exonérer de sa responsabilité qui est, comme on l'a vu, fondée sur le risque. Cet argument est donc apparu sans valeur en droit.

L'Administration faisait par ailleurs valoir que l'effondrement ne s'était produit qu'une heure après la déflagration mais il était très possible que le " bang " ait produit des fissures n'ayant pas entraîné un effondrement immédiat.

Le Médiateur a donc recommandé à l'Administration de faire droit à la réclamation de l'intéressé. Le Ministre de la Défense s'est rangé à ses arguments.

N° 1372 : Recommandation tendant à obtenir de l'Etat français qu'il prenne en charge le remboursement des frais de mission exposés par un coopérant servant en Algérie, ce pays n'ayant pas rempli ses obligations (adressée au Ministre des Affaires étrangères le 3 février 1976 et au Ministre de l'Economie et des Finances le 12 juin 1975).

Les départements concernés ont fait savoir au Médiateur que les frais concernant tous les coopérants en cause (266 dossiers) seraient pris en charge sous certaines conditions.

N° I-469 : Recommandation tendant à obtenir, pour le réclamant, la réparation du préjudice subi par lui du fait de la délivrance, par l'Administration, d'un permis de construire irrégulier (adressée au Ministre de l'Equipement le 3 avril 1975).

Le réclamant, qui avait été autorisé à construire un immeuble à usage mixte (habitation et commerce de boulangerie), avait dû, à la suite d'une décision de justice, cesser l'exploitation de son fonds de commerce et payer une indemnité au propriétaire d'un autre commerce de boulangerie situé dans le même centre commercial. Les tribunaux compétents avaient en effet jugé que la construction litigieuse aurait dû, conformément au règlement du lotissement sur laquelle elle se trouvait, être réservée à l'habitation.

L'intéressé avait alors estimé que, en lui délivrant un permis de construire qui aurait dû normalement lui être refusé, l'Administration avait commis une faute dont il demandait réparation. Mais il ne lui était plus possible de demander d'indemnité à l'Etat par la voie contentieuse, les délais de recours étant expirés.

Se plaçant sur le terrain de l'équité, le Médiateur a examiné, avec le concours du Conseil d'Etat si, en vertu des principes généraux et de la jurisprudence applicable au cas d'espèce, le réclamant pouvait prétendre à une indemnité.

L'illégalité du permis et la faute de l'Etat étaient établis de façon indiscutable. Or, le Conseil d'Etat a posé le principe que la délivrance d'un permis de construire irrégulier constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat envers le bénéficiaire de ce permis (arrêt du Conseil d'Etat Dame Maury du 3 novembre 1972).

Il a, dès lors, paru équitable au Médiateur de recommander au Ministre compétent de réexaminer le dossier du réclamant, pour que soit indemnisé le préjudice subi, à condition qu'il soit direct, actuel et certain et qu'il justifie des éléments précis du dommage dont il demandait réparation.

Le Ministre de l'Equipement a décidé de donner une suite favorable à la demande du Médiateur et a invité l'intéressé à fournir tous les documents utiles permettant la vérification tant de l'origine que du montant des sommes réclamées.

N° 1325 : Recommandation relative au problème de la portée juridique du certificat d'attribution de l'indemnité viagère de départ (adressée au Ministre de l'Agriculture le 12 juin 1975).

Les intéressés, sur les conseils de l'Association départementale pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles avaient présenté une demande d'attribution de l'indemnité viagère de départ qui, leur avait-on affirmé, leur serait accordée au taux le plus élevé, soit 3.000 F par an chacun.

C'est d'ailleurs à ce taux que leur indemnité a été liquidée, dans un premier temps, par décision du Préfet.

Par la suite l'Association départementale pour l'aménagement des structures agricoles ayant réexaminé les textes d'un oeil différent a estimé que les intéressés ne pouvaient pas prétendre à l'attribution de l'I.V.D. au taux de restructuration (3.000 F). Une nouvelle décision a donc ramené de 3.000 F à 1.500 F les droits de chacun des intéressés.

La question se posait de savoir quelle était la portée juridique exacte du certificat préfectoral d'attribution de l'I.V.D. S'agissait-il d'une décision attributive et donc créatrice de droits ? Dans ce cas, la première décision du Préfet aurait dû s'appliquer puisqu'elle n'avait pas été retirée dans le délai du recours contentieux. S'agissait-il, au contraire, d'une décision simplement recognitive de droits : dans ce cas, le Préfet n'aurait pas outrepassé ses pouvoirs en rectifiant, hors délai contentieux, une première décision irrégulière.

C'est cette seconde position qui était défendue par le Ministre de l'Agriculture qui s'appuyait sur les textes qui prévoient que le certificat prévu par le décret du 17 novembre 1969 se borne à constater que le demandeur satisfait à toutes les conditions générales et particulières et donc a droit au bénéfice de l'I.V.D. Le certificat n'a d'autre finalité que celle d'un titre de paiement.

Le Médiateur, en revanche, reprenant les conclusions de l'étude effectuée par le Conseil d'Etat et s'appuyant sur les textes, la jurisprudence et les formulaires actuellement utilisés pour notifier l'attribution de l'I.V.D. (Monsieur... a droit au bénéfice de l'indemnité...) considérait que le certificat est une décision attributive et donc créatrice de droits. Il a donc recommandé au Ministre de l'Agriculture de reprendre l'examen de l'affaire en cause.

Ce dernier a fait savoir au Médiateur qu'il reconnaissait le bien-fondé de la position expliquée ci-dessus et qu'il faisait parvenir aux Préfets une circulaire rappelant la nature juridique du certificat d'attribution de l'I.V.D. (décision créatrice de droits).

N° I-464 : Recommandation concernant l'imputabilité au service d'une affection ayant entraîné une invalidité à 100 % (adressée le 24 juillet 1975 au Ministre de l'Economie et des Finances).

Le réclamant avait contracté au Mali une encéphalite virale alors qu'il était en poste au titre de la coopération technique.

Après avoir bénéficié d'un congé de maladie et avoir repris son travail en France, l'intéressé avait vu les séquelles de sa maladie réapparaître entraînant une asthénie générale. Il bénéficia alors d'un congé de maladie avec plein traitement pendant cinq ans, le comité médical départemental ayant estimé que la maladie était imputable au service.

Au terme de cette période de cinq ans, le comité médical décida que le plaignant était définitivement inapte à exercer ses fonctions, que l'invalidité ne pouvait être évaluée à moins de 100 % et que le bénéfice de l'aide d'une tierce personne devait lui être accordé. Le comité ne se prononça pas sur l'imputabilité au service.

Consultée sur ce point, la Commission centrale de réforme du ministère de l'Agriculture affirma alors que les infirmités dont souffrait le plaignant n'étaient pas imputables au service : l'intéressé fut donc invité à faire valoir ses droits à pension au titre d'une invalidité non imputable au service.

A la suite de l'étude menée avec le concours du Conseil d'Etat, il est apparu que la Commission centrale de réforme n'était pas compétente pour examiner l'imputabilité au service de l'invalidité du plaignant et que par ailleurs la procédure suivie par cette Commission avait été irrégulière.

Le Ministère de l'Agriculture se montrait disposé à faire réunir le comité médical départemental pour statuer définitivement sur ladite imputabilité. Le Ministère de l'Economie et des Finances également concerné avait émis en revanche d'expresses réserves sur la proposition de révision de pension de l'intéressé, faisant notamment valoir le caractère définitif de la décision de radiation des cadres.

Il est cependant apparu au Médiateur que la situation du plaignant était susceptible de modification tant en droit qu'en équité :

il a en conséquence recommandé au Ministre des Finances :

- de retirer les arrêtés de radiation des cadres et de concession de pension ;

- de faire réexaminer le cas de l'intéressé par la Commission départementale de réforme ;

- de prendre de nouveaux arrêtés, de portée rétroactive tenant compte de l'appréciation médicale portée par la Commission de réforme.

Le Ministre de l'Economie et des Finances a accepté de faire droit à cette recommandation.

b) RECOMMANDATIONS EN COURS D'ETUDE

N° I-1137 : Recommandation suivie d'une proposition de réforme relative à la péréquation des pensions des attachés principaux de préfectures rayés des cadres avant le 1er octobre 1968 (adressées au Ministre de l'Economie et des Finances le 17 septembre 1975).

L'intéressée, attaché principal de préfecture a été admise à la retraite et sa pension liquidée sur la base d'un traitement de l'indice 725.

Postérieurement à la radiation des cadres de la réclamante, le décret du 4 mars 1970 a effectué une réforme statutaire du corps des chefs de division, attachés principaux et attachés de préfecture. Cette réforme supprime la classe exceptionnelle du grade d'attaché et améliore sensiblement la fin de carrière de ces fonctionnaires. Les anciens attachés de classe exceptionnelle ont été reclassés au quatrième échelon du grade d'attaché de première classe avec le bénéfice de l'indice 765.

A la suite de l'instruction menée par le Médiateur avec le concours du Conseil d'Etat, il est apparu que l'échelonnement indiciaire des attachés principaux n'étant pas modifié, certains d'entre eux se trouvaient placés dans une situation plus défavorable que s'ils n'avaient pas été promus au grade supérieur.

L'article 2 du même décret les autorisait à renoncer à leur promotion, pour être reclassés en qualité d'attachés de première classe, cinquième échelon. Pour les retraités, l'article 11 du décret du 11 avril 1974 ouvre la même possibilité.

Dans l'état actuel de la réglementation, l'intéressée ne pouvait obtenir satisfaction quant à la revalorisation de sa pension de retraite qu'en acceptant les propositions du Ministre de l'Intérieur, c'est-à-dire en renonçant à son grade, ce qu'elle refusait de faire pour des raisons matérielles et morales.

Sa réclamation était cependant fondée ; l'article 2 du décret du 6 mars 1970 et l'article 11 du décret du 11 avril 1974 sont en effet illégaux. Lorsque ces deux textes ont été présentés par le Gouvernement à la section des finances du Conseil d'Etat, celle-ci en avait fait la remarque, et avait disjoint les deux articles en question.

Dès lors que les articles L. 15 et L. 16 posent le principe de l'application aux retraités des réformes indiciaires et statutaires, et que l'article L. 20 prévoit qu'"en aucun cas, la pension allouée au titre de la durée des services ne peut être inférieure à celle qu'aurait obtenue le titulaire s'il n'avait pas été promu à un emploi ou grade supérieur ", les retraités placés dans la situation de la réclamante paraissent bien avoir droit au bénéfice de l'indice 765 : il y avait donc lieu de donner satisfaction à l'intéressée.

Il est apparu au Médiateur que la solution de son cas particulier devrait au surplus s'accompagner du remplacement de l'article 11 du décret du 11 avril 1974 par de nouvelles dispositions relatives aux retraités rayés des cadres avant le 1er octobre 1968. Ces dispositions devraient intervenir sous la forme d'un décret d'assimilation établi en application de l'article L. 16 du Code des pensions : les attachés principaux issus d'une promotion au choix parmi les attachés de classe exceptionnelle, et reclassés au quatrième échelon de leur nouveau grade ou à un échelon inférieur, retraités avant le 1er octobre 1968, devraient être assimilés aux attachés de première classe, cinquième échelon. Il ne saurait être question d'imposer à ces retraités de renoncer au bénéfice de leur promotion.

Le Médiateur a émis une recommandation suivie d'une proposition de réforme en ce sens. Des divergences subsistent à ce sujet entre le Médiateur et le ministère concerné.

N° II-866 : Un cas analogue a fait également l'objet d'une recommandation dans le même sens le 12 novembre 1975.

N° II-1171 : Recommandation relative à l'attribution d'une pension de réversion à la veuve d'un ouvrier de la S.N.C.F. (adressée au Secrétaire d'Etat aux Transports le 25 septembre 1975).

L'intéressée, veuve d'un ouvrier de la S.N.C.F. s'était vu refuser le bénéfice d'une pension de réversion pour elle et ses cinq enfants au motif que son mari, au moment de son décès, ne totalisait pas quinze ans de services, mais quatorze ans, onze mois et vingt-sept jours selon le décompte effectué par la Direction du personnel.

Ce calcul, cependant, ne tenait pas compte de la totalité des services militaires effectués par cet ouvrier qui avait devancé l'appel et avait été maintenu sous les drapeaux en raison des événements d'Algérie.

Si l'on ajoutait la totalité des services militaires réellement effectués et les années de services à la S.N.C.F. l'intéressé comptait plus de quinze années de services et sa veuve aurait dû pouvoir bénéficier d'une pension de réversion.

Or, le règlement de la S.N.C.F. ne prévoit la prise en compte que des seuls services effectués par les appelés. Cette position est d'ailleurs contraire à celle adoptée par l'Administration militaire.

Sans méconnaître les efforts déployés par la S.N.C.F. pour la recherche d'une solution à cette situation difficile, le Médiateur a estimé nécessaire de recommander à l'Administration d'admettre l'intéressée au bénéfice d'une pension de réversion. L'affaire est à l'étude au secrétariat d'Etat aux Transports et à la S.N.C.F.

N° I-673 : Recommandation relative à la responsabilité de l'Administration dans les difficultés d'une entreprise créée en vue de la reconversion d'un complexe minier (adressée au Ministre de l'Industrie et de la Recherche le 3 octobre 1975).

Le réclamant, un industriel, avait créé une société dans le cadre de la reconversion d'un bassin minier. Il se plaignait du comportement des Charbonnages de France qui, au cours de la vie de cette société, en auraient entravé la bonne marche ; il mettait en cause également les conditions dans lesquelles celle-ci avait été liquidée, à la suite du refus de concordat qui lui avait été opposé par les pouvoirs publics. Il estimait anormal de voir mettre à sa charge personnelle une partie des dettes de la société en cause. Il demandait, en conséquence :

- la décharge des dettes susvisées ;

- l'apurement, par l'Administration, du solde du passif social de la société afin d'obtenir sa réhabilitation personnelle ;

- le versement d'une indemnité compensatrice en raison du préjudice moral et matériel subi.

L'examen du dossier a été mené avec le concours du Conseil d'Etat. Cette étude ayant conclu au bien-fondé d'une partie de la réclamation, le Médiateur a demandé au Ministre compétent de reprendre l'examen du dossier et d'étudier certaines mesures susceptibles d'apporter une réparation - au moins partielle - à l'intéressé : il a en particulier recommandé de garantir le règlement des dettes mises à la charge personnelle du réclamant et d'obtenir l'abandon définitif des droits du Trésor restés en suspens à l'égard de l'ancienne société. Il ne lui a pas, par contre, paru possible de soutenir la prétention du réclamant tendant à l'indemnisation du préjudice moral et matériel subi.

Cette recommandation a paru au Médiateur de nature à mettre un terme équitable à un litige ancien. Les Charbonnages de France procèdent actuellement à son étude.

N° 662 : Recommandation relative à la création d'une officine de pharmacie dans une Z.U.P. (adressée au Préfet de la région Nord Pas-de-Calais le 14 octobre 1975).

Les réclamants, pharmaciens, contestaient le permis de construire accordé à une concurrente en vue de créer une officine à 250 mètres de la leur.

Ce permis avait par la suite été annulé par le Tribunal administratif et la responsabilité de l'Administration, qui l'avait délivré en violation du cahier des charges de la zone à urbaniser en priorité (Z.U.P.), pouvait être engagée.

Le Médiateur a recommandé au Préfet d'intervenir auprès de la société départementale d'Equipement et du promoteur pour que, dès que possible, un autre local soit mis à la disposition de la pharmacienne dont le droit d'exploiter une pharmacie sur le territoire de la commune n'a jamais été contesté. Une solution est en cours d'élaboration.

N° 1614 : Recommandation concernant le rétablissement d'un réclamant d'origine italienne dans ses droits à toucher les majorations de sa rente servie par la Caisse des dépôts et consignations (adressée au Ministre de l'Economie et des Finances le 17 octobre 1975).

Le plaignant a bénéficié d'une rente " accident du travail " servie par la Caisse des dépôts et consignations jusqu'au 1er mars 1965. A cette date, il a été informé qu'il ne pourrait plus désormais jouir de cette rente, les dispositions de la loi du 26 décembre 1964 ne permettant plus de prendre en charge les majorations de rente des étrangers.

A l'étude, il est apparu que la solution retenue par la Caisse n'était pas conforme au droit. Lors d'une affaire similaire en effet, la Cour de Cassation avait estimé que le juge du fond devait surseoir à statuer jusqu'à la décision de la juridiction administrative sur la légalité du décret du 2 septembre 1965 limitant à certains étrangers le bénéfice des avantages institués par la loi du 26 décembre 1964.

Le Conseil d'Etat, saisi, a alors estimé que le décret incriminé tendait à fixer les conditions dans lesquelles certaines catégories d'étrangers sont admises au bénéfice de la loi indépendamment de toute convention internationale.

Il ne ressort en effet ni des termes, ni des travaux préparatoires de la loi du 26 décembre 1964, que le législateur ait entendu exclure du bénéfice de ces dispositions les étrangers qui sont en mesure de se prévaloir d'une convention internationale qui leur confère le même droit que les ressortissants français aux avantages sociaux prévus par la législation française.

L'Italie a ratifié la convention de Genève du 10 juin 1925 concernant l'égalité de traitement des travailleurs étrangers et nationaux en matière de réparation des accidents du travail. L'intéressé a donc droit aux avantages accordés par la loi du 26 décembre 1964, le décret sus-mentionné ne peut l'en priver.

C'est donc illégalement que les majorations de sa rente ont été suspendues.

Le Médiateur a recommandé au Ministre de l'Economie et des Finances de reprendre l'examen de ce dossier.

La situation du plaignant est actuellement étudiée par le ministère du Travail, le ministère de l'Economie et des Finances ayant déjà donné un avis favorable.

N° II-862 : Recommandation concernant la prise en compte dans le calcul de la retraite du réclamant de services effectués au titre des chantiers de Jeunesse (adressée au Ministre de l'Economie et des Finances le 27 octobre 1975).

Titulaire d'une pension militaire proportionnelle, le réclamant n'avait pu obtenir la prise en compte, pour sa retraite, des trois années de services effectuées en qualité de commissaire-assistant aux chantiers de Jeunesse. Le Ministre de la Défense reconnaît qu'il y a eu erreur dans la liquidation de la pension et que cette erreur était imputable à l'Administration. Mais s'agissant d'une erreur de droit, l'Administration refuse de procéder à une révision de la pension, car si l'intéressé a bien contesté la décision erronée dans les délais de recours contentieux, il ne s'est pas pourvu contre la décision du rejet qui, de ce fait, est devenue définitive.

Une stricte application du droit n'a donc pas permis au ministère de la Défense de donner satisfaction à l'intéressé.

Cependant, ce département avait soumis au ministère de l'Economie et des Finances un projet de révision de la pension du réclamant en vue d'y faire figurer les services que celui-ci avait accomplis dans les chantiers de Jeunesse, mais le projet n'a pas été retenu par le Service de contrôle de ce Ministère.

Le Médiateur a donc recommandé au Ministre de l'Economie et des Finances, avec qui subsistent encore des divergences, de réviser la pension du réclamant selon les modalités indiquées ci-dessus.

N° II-50 : Recommandation concernant l'attribution d'une allocation pour perte d'emploi (adressée au Secrétaire d'Etat auprès du Premier Ministre pour la Fonction Publique le 12 novembre 1975).

La réclamante, ex-employée dans les services des Mines, avait quitté volontairement son travail à la suite d'une mutation d'office (le son conjoint, militaire de carrière. Elle sollicitait l'attribution à son profit de l'allocation pour perte d'emploi, mais l'Administration lui avait fait savoir qu'il ne lui était pas possible de faire droit à sa demande, l'ordonnance du 13 juillet 1967 limitant le bénéfice de l'allocation pour perte d'emploi aux agents non titulaires de l'Etat et des établissements publics ayant fait l'objet de licenciement.

Le Médiateur avait cependant eu à connaître d'une réclamation similaire dans laquelle le Ministre de l'Education avait estimé que la cessation volontaire de fonctions pour cause de mutation du conjoint pouvait être assimilée au cas de force majeure admis par la jurisprudence comme ouvrant droit au bénéfice de l'allocation pour perte d'emploi : les tribunaux qui ont eu à connaître des problèmes posés par le versement de cette allocation ont, en effet pour certaines catégories de personnels, assimilé à un licenciement la cessation de fonction pour un motif de force majeure.

Se fondant sur ces éléments, le Médiateur a recommandé aux services compétents de faire droit à la demande de l'intéressée.

Cette affaire fait encore l'objet de divergences entre le Médiateur et le Secrétaire d'Etat.

N° I-946 et N° II-1237 : Recommandations (suivies d'une proposition de réforme) concernant le mode de calcul de la pension civile de deux anciens sous-officiers titulaires d'une pension proportionnelle (adressées au Ministre de l'Economie et des Finances le 10 décembre 1975).

Les deux réclamants ont accompli une carrière militaire de sous-officier qui leur a ouvert droit à une retraite proportionnelle. Puis ils ont occupé, à partir de 1949 ou de 1950 des emplois civils jusqu'en 1973 ou 1974. Ils se sont aperçus alors que, contrairement à leurs espoirs, la pension civile ne tenait pas compte de tous les services civils, mais seulement de ceux accomplis après le 26 février 1963, date d'effet de la loi du 23 février 1963, dont les articles 51 et 52 ont modifié dans un sens favorable l'acquisition de droits à pension proportionnelle.

Les deux réclamants avancent le même argument d'équité, tiré de ce que l'Administration les a laissés verser les retenues pour pension pendant toute la durée de leur carrière civile. Elle les a même incités à " racheter " les cotisations afférentes à des années de service d'auxiliaire ou de stagiaire.

L'un des réclamants se plaint, lui, de ne pas avoir été informé de la loi de 1963 et de ne pas avoir été à même d'exercer l'option qu'elle prévoyait. Cet argument conduit à examiner la manière dont l'Administration a appliqué l'article 52 de la loi du 23 février 1963.

Cet article permet aux retraités militaires nommés à un emploi civil d'opter entre :

- la renonciation à leur pension militaire et l'acquisition des droits à pension au titre civil en vue d'obtenir une pension unique rémunérant la totalité de leur carrière ;

- conserver la pension militaire et acquérir des droits à pension civile au titre du nouvel emploi.

L'option exercée par les intéressés est expresse et irrévocable.

Or, il est apparu que la liquidation des pensions civiles des intéressés reposait sur une interprétation inexacte de la loi du 23 février 1963 et qu'ils étaient en droit d'obtenir la prise en compte dans la liquidation de leur pension civile des services civils accomplis avant le 26 février 1963, dès lors qu'ils ont été accomplis dans un emploi de titulaire, de stagiaire ou d'auxiliaire dont la durée a été validée.

Cette interprétation, il faut le reconnaître, n'est ni certaine, ni évidente, car l'article 92 est loin d'être clair. Mais dans les cas d'espèce, l'hésitation permise sur le sens qu'il convient de donner à la loi paraît devoir jouer en faveur des intéressés qui avancent de sérieux arguments d'équité.

C'est la raison pour laquelle le Médiateur a cru pouvoir recommander au Ministre la prise en compte de tous les services civils des réclamants dans la liquidation de leur pension. Une pareille disposition lui a paru devoir être étendue également par une nouvelle interprétation de la loi, à tous les agents dans la même situation. Cette recommandation suivie d'une proposition de réforme n'a pas encore reçu de réponse.

N° II-1343 : Recommandation concernant le paiement des arrérages d'une pension d'invalidité dont le droit a été reconnu par jugement d'un tribunal des pensions (adressée au Ministre de la Défense le 16 décembre 1975).

Un tribunal des pensions avait reconnu au plaignant un droit à pension au taux de 30 %.

L'Administration avait fait appel de ce jugement, mais la Cour régionale l'avait confirmé et l'Administration a été conduite à déférer cet arrêt à la censure de la Cour de Cassation des pensions adjointe temporairement au Conseil d'Etat. Cette saisine n'étant pas suspensive, le problème s'est posé de savoir si l'Administration était tenue de verser à l'intéressé des allocations provisoires d'attente.

L'Administration a répondu par la négative arguant essentiellement du fait que si le tribunal des pensions indique dans ses motifs qu'il y a lieu de reconnaître au requérant un droit à pension définitive, ce terme n'était pas repris dans son dispositif qui seul lie l'Administration.

Mais l'étude du Conseil d'Etat a montré que si l'Administration reconnaissait l'existence de l'arrêt de la Cour régionale des pensions, elle n'en tirait pas toutes les conséquences. La Cour, en effet, à la suite du tribunal des pensions, reconnaissait bien à l'intéressé le droit à pension. En conséquence le plaignant pouvait prétendre au versement des arrérages de pension échus.

Le Médiateur a donc recommandé au Ministre de la Défense de faire droit à la requête de l'intéressé, rappelant qu'au cas où le juge de cassation donnerait raison au Ministre, les sommes versées resteraient acquises au pensionné. L'Administration ne saurait, ni en droit, ni en équité, se refuser à exécuter la décision litigieuse. Le fait qu'il n'y ait pas de répétition possible de l'indu à l'encontre du réclamant, ne saurait dispenser l'Administration des obligations qui lui incombent d'exécuter le jugement rendu, lors même que la position des juges du fond se trouverait ultérieurement infirmée par le juge de cassation.

Le Ministre de la Défense n'a pas encore fait connaître sa réponse.

N° II-710 : Recommandation concernant l'attribution à un fonctionnaire de la majoration prévue par l'article L 18 du Code des pensions civiles et militaires de retraite en faveur des titulaires de pensions de retraite qui ont élevé trois enfants (adressée au Ministre de l'Economie et des Finances le 29 décembre 1975).

Le droit à majoration en faveur des titulaires d'une pension de retraite peut être accordé du chef des enfants issus d'un mariage précédent du conjoint à condition que ces enfants aient été élevés par le titulaire de la pension pendant au moins neuf ans.

Le plaignant s'est marié le 3 septembre 1975 et l'un des trois enfants a cessé d'être à sa charge le 30 août 1966. De ce fait, la condition de neuf ans n'était pas remplie pour cet enfant ; c'est pourquoi la demande de l'intéressé a été rejetée, et la décision, faute d'avoir été contestée en temps utile, est devenue définitive.

Cependant, l'intéressé, dès avant son mariage, vivait en concubinage notoire et avait donc à sa charge les enfants issus du premier mariage de sa concubine, enfants pour lesquels il percevait les prestations familiales.

Entre temps, une nouvelle jurisprudence du Conseil d'Etat a établi que la période de neuf ans devait être décomptée dès le moment où le titulaire a eu la charge effective des enfants, quelle qu'ait été la date à laquelle ont été formés les liens du mariage.

Tenant compte de tous ces éléments, le Médiateur a recommandé au Ministre de l'Economie et des Finances de faire droit à la demande de l'intéressé. Le Ministre n'a pas encore fait connaître sa réponse.

c) RECOMMANDATION ABANDONNEE PAR LE MEDIATEUR

Dans un cas enfin, le Médiateur, après avoir adressé une recommandation au Ministre de la Défense, a renoncé à poursuivre son intervention en faveur du réclamant.

N° I-748 : Il s'agissait ici d'une nouvelle affaire de dégâts causés à un immeuble par un bang supersonique.

L'Administration soutenait que les dégâts étaient causés par le mauvais entretien de l'immeuble, donc par la faute de la victime elle-même ; mais les premiers éléments d'information recueillis sur cette affaire reconnaissaient l'existence d'une déflagration d'où aurait pu résulter le dommage. L'Administration par ailleurs n'apportait pas la preuve de la faute de la victime. Le Médiateur avait donc cru pouvoir recommander au Ministre de la Défense d'accorder une indemnisation à la plaignante.

A la suite d'une enquête complémentaire, il est cependant apparu que les faits litigieux n'avaient pu être situés à une date à peu près précise par l'intéressée qui, au surplus, n'avait fait procéder au constat que près d'un an après le moment où les dégâts s'étaient produits. Enfin, les rapports établis par les Régions aériennes rapports qui n'avaient pas été portés à la connaissance du Médiateur avant sa recommandation - n'ont pas permis d'établir l'existence d'une déflagration supersonique pendant la période considérée.

Dans ces conditions, et bien qu'il ait déploré la maladresse commise par l'Administration qui n'avait pas contesté nettement l'existence d'une relation entre le " bang " et les dégâts, le Médiateur s'est rangé aux arguments avancés par le Ministre de la Défense pour repousser sa recommandation.



B. LES AMELIORATIONS APPORTEES AU FONCTIONNEMENT DES SERVICES


Prolongeant son action de redressement des situations individuelles, le Médiateur a entendu développer son action sur un plan plus général en apportant sa contribution au vaste mouvement de réforme administrative.

L'examen de plusieurs réclamations a fait apparaître en effet que le fonctionnement défectueux de certains services était dû à la mauvaise organisation de ceux-ci. Mais le problème général qui se posait a généralement pu être réglé - il faut insister sur ce point - grâce à la collaboration des ministères, lesquels se sont prêtés aux réorganisations nécessaires.

Le Médiateur n'a que rarement utilisé la procédure de la " proposition tendant à améliorer le fonctionnement de l'organisme concerné " prévue à l'article 9 de la loi du 3 janvier 1973.


1. Les améliorations apportées au fonctionnement des services avec le concours de l'Administration.


Les services concernés ont été essentiellement ceux des Caisses d'assurance-maladie et d'assurance-vieillesse. Mais le secteur social n'a pas été le seul mis en cause : on verra plus loin que l'intervention du Médiateur a permis, notamment, d'améliorer le fonctionnement de la commission de retrait du permis de conduire.

Dans les cas soumis au Médiateur, le mauvais fonctionnement constaté était dû à des causes diverses qu'il convient de mettre en lumière :

Ainsi, il est bien connu que les Caisses de sécurité sociale sont, comme de nombreux services administratifs, surchargées de travail, et beaucoup de réclamants mettent en cause les très longs délais de règlement de leur dossier (Cf. supra). L'une de ces Caisses ayant été particulièrement mise en cause auprès du Médiateur, l'autorité de tutelle décida d'y effectuer des contrôles, afin d'assurer des délais d'examen plus convenables (N° II-1503) (Autre exemple l'affaire n° II-2419 : lenteurs dans la délivrance de papiers provenant des archives militaires ; le Contrôle Général des Armées a été invité à améliorer la fourniture des renseignements).

C'est également un lieu commun de dénoncer le phénomène de la " paperasserie administrative ". Les pouvoirs publics, conscients du problème, prennent parfois des mesures de simplification destinées à faciliter aussi bien la vie des services que celle des administrés. Mais il arrive que la mise en oeuvre pratique de ces mesures entraîne dans un premier temps des complications imprévues.

C'est ce qui s'est produit, par exemple, en matière sociale, lorsqu'il s'est agi d'utiliser les attestations annuelles d'activité ouvrant droit aux prestations en nature (Il s'agit des prestations versées au titre de remboursement de soins, par opposition aux " prestations en espèces ", destinées à se substituer aux salaires) de la sécurité sociale. Certains assurés, qui n'avaient pas compris le principe, ont fait parvenir aux Caisses leur attestation en dehors de tout envoi de dossier médical, sans la joindre, comme il leur était prescrit, à leur première demande de remboursement. Une Caisse, n'ayant pas imaginé qu'elle pouvait exploiter ces attestations parvenues isolément, se croyait obligée d'exiger, lors de chaque demande de remboursement, une attestation d'activité salariée. Après intervention du Médiateur, elle accepta de rétablir la situation (n° II-614).

Ce dernier exemple met en lumière le manque d'initiative, la passivité de certains personnels du service public, attitudes qui bloquent des situations aisément modifiables. On est souvent étonné que le poids de la routine soit si lourd, qu'il soit si difficile d'imaginer le moindre changement dans l'organisation des services.

Un autre exemple relatif au fonctionnement de la commission de suspension du permis de conduire permettra d'éclairer encore mieux ce propos.

Un réclamant, convoqué devant cette commission au début de l'après-midi, en même temps que l'ensemble des contrevenants, n'avait pu comparaître que quatre heures après.

Le Médiateur ayant attiré sur ce point l'attention du ministère, celui-ci a adressé aux Préfets une circulaire les invitant à prendre toutes les dispositions utiles susceptibles de mettre un terme à ces pratiques, et à aménager en particulier les horaires de convocation, une attente d'une heure paraissant le maximum tolérable, en tout état de cause (n° I-1491).

Il semble après coup bien simple de combler de telles lacunes pourquoi dans ces conditions la solution de ces problèmes intervient-elle si difficilement ? Certes, l'intérêt du service est un principe essentiel dans l'organisation de l'Administration. Mais ce principe ne saurait être l'alibi d'attitudes comme la facilité ou le manque d'imagination : au-delà de l'intérêt du service, il y a celui de l'administré, et c'est la finalité première de l'Administration que de servir son public, en ayant pour fin le respect nécessaire il est regrettable qu'elle l'oublie aussi souvent.


2. Les améliorations apportées au fonctionnement des services par l'adoption des propositions du Médiateur.


Le Médiateur a formulé, en 1975, trois propositions qui ont toutes trois reçu un accueil favorable des services concernés.

N° II-1788 : Proposition tendant à améliorer le fonctionnement du service du téléphone (adressée au Secrétaire d'Etat aux Postes et Télécommunications le 3 décembre 1975).

Le Médiateur a été saisi à plusieurs reprises de réclamations formulées par des candidats abonnés se plaignant de devoir acquitter la taxe de raccordement au taux en vigueur depuis le 1er janvier 1975 alors que l'Administration les avait avisés, dans les derniers mois de l'année 1974, de la réalisation prochaine de leur installation suivant les conditions tarifaires en vigueur à l'époque (500 F).

A ces candidats, le Médiateur a rappelé le principe selon lequel le fait générateur du contrat liant l'abonné à l'Administration est la mise en service de l'installation.

Il a néanmoins estimé qu'il serait souhaitable, en vue d'améliorer les relations entre administrés et services publics, que l'Administration précise expressément qu'il n'y aura contrat - et donc prix définitif - que lors de la mise en service de l'installation, étant entendu que, jusqu'à cette date, aucun engagement n'existe et que le candidat abonné peut annuler sa demande sans engager sa responsabilité. Cette précision éviterait les nombreuses erreurs d'interprétation auxquelles donne lieu la rédaction des formulaires actuellement utilisés. Le Médiateur a adressé une proposition en ce sens au Secrétaire d'Etat aux P. et T. qui a fait connaître qu'un effort particulier allait être entrepris par l'Administration afin de mieux informer le public des mesures qu'elle est amenée à prendre.

N° II-2055 : Proposition tendant à remplacer le terme " taxe de raccordement " par une nouvelle dénomination (adressée au Secrétaire d'Etat aux Postes et Télécommunications le 31 octobre 1975).

L'attention du Médiateur avait été attirée sur le fait que le montant de la " taxe de raccordement " du téléphone était le même pour la reprise d'une ligne déjà en service que pour les installations nouvelles. Cette mesure était mal ressentie par les utilisateurs à qui la taxe était réclamée alors qu'aucune installation supplémentaire n'était à prévoir.

Le Secrétariat d'Etat aux P. et T. avait fait valoir que le montant de la taxe était précisément déterminé en tenant compte de la réutilisation totale ou partielle des lignes abandonnées par leur ancien titulaire, de façon que l'ensemble des clients soit soumis au même tarif, plutôt que de favoriser certains d'entre eux fortuitement privilégiés par l'existence d'une installation ancienne à leur nouveau domicile.

L'argument a paru valable au Médiateur qui a cependant estimé que le terme même de " taxe de raccordement " pouvait prêter à confusion dans la mesure où il suggérait l'exigence de travaux à entreprendre. Il a donc proposé au Secrétaire d'Etat aux P. et T. de mettre à l'étude une nouvelle dénomination de cette taxe.

Le Secrétaire d'Etat a fait connaître que la nouvelle appellation de " frais forfaitaires d'accès au réseau " avait été retenue et qu'elle a été utilisée lors du dernier décret portant modification des tarifs.

N° I-149 : Proposition concernant la coordination entre les services administratifs dans la prise des décisions (adressée au Ministre de l'Economie et des Finances le 27 juin 1975).

Un réclamant s'était plaint que deux décisions contradictoires aient été prises, au sujet d'une même affaire le concernant, par deux bureaux différents du service des pensions au ministère de l'Economie et des Finances, et ce à deux jours d'intervalle. Cette contradiction provenait d'une interprétation divergente, par les deux bureaux en cause, de la jurisprudence applicable au cas d'espèce.

Pour éviter de telles anomalies, qui peuvent laisser penser aux intéressés que la réglementation n'est pas toujours appliquée avec la rigueur nécessaire, le Médiateur a estimé souhaitable que, lorsque deux bureaux du même service sont compétents pour examiner des réclamations de même nature, et quelle que soit la situation géographique des personnes ou des biens, une certaine liaison soit prévue entre eux, de manière à ce qu'il existe une unité de doctrine en ce qui concerne l'interprétation des textes et l'application de la jurisprudence. Il a adressé une proposition en ce sens au Ministre de l'Economie et des Finances. Celui-ci a informé le Médiateur que, bien que s'agissant d'un cas isolé résultant de circonstances exceptionnelles, il prenait les mesures nécessaires afin d'éviter que pareille contradiction ne puisse se renouveler.



C. - LES MODIFICATIONS LEGISLATIVES ET REGLEMENTAIRES PROPOSEES PAR LE MEDIATEUR


La loi du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur lui donne le pouvoir d'intervenir pour régler les différends qui opposent, sinon en droit du moins en équité, l'Administration aux personnes physiques.

Ce pouvoir lui permet à la fois de mettre en lumière l'imprécision d'un texte ou l'insuffisance des législations et réglementations en vigueur, de signaler la passivité ou la lenteur de l'Administration dans l'exécution d'une application trop stricte de la loi, à partir de l'analyse des réclamations individuelles qui lui sont soumises.

La mission du Médiateur consiste non seulement à humaniser les rapports entre l'Administration et le citoyen-usager mais aussi à ne pas laisser en l'état les insuffisances ou les anomalies d'un texte sans pour autant que l'économie générale en soit modifiée.

De là est apparue la nécessité de promouvoir des réformes et le Médiateur, animé par le souci de faciliter l'adaptation des pratiques administratives ou des textes réglementaires ou législatifs aux aspirations nouvelles de la société contemporaine est devenu, par la nature des choses un véritable détecteur et promoteur de réformes.

Au cours des années précédentes, le Médiateur a présenté diverses propositions de réforme. Certaines d'entre elles ont abouti favorablement, d'autres ont permis l'amélioration ou une meilleure adaptation d'un texte législatif ou réglementaire, d'autres enfin sont en cours d'étude.

Le Médiateur considère que ses premières propositions ne devaient pas être abandonnées et que l'examen des plus significatives d'entre elles devait être poursuivi au même titre que celui des propositions de réformes plus récentes.


1. Affaires sociales.

Les propositions de réforme concernant ce secteur ont permis d'étudier les problèmes suivants.

a) LES PENSIONS

1973-1974
La plupart des régimes spéciaux n'accordent actuellement une pension de réversion qu'à la veuve et non au veuf (cf. Rapport de 1973, p. 83, n° 108 et n° 14).

C'est ainsi qu'un réclamant s'étonnait de ne pouvoir espérer aucun avantage de réversion dans le cas où sa femme décéderait la première, alors que, dans le cas contraire, la réversion serait acquise à sa veuve (n° 108).

Le Médiateur a donc souhaité que soit étudiée une extension à tous les régimes de l'ouverture du droit à réversion au conjoint survivant quel que soit son sexe.

Le Ministère du Travail a apporté, à ce sujet, les informations ci-après :

i/ " Lorsqu'il s'agit d'un veuf ou d'une veuve, le régime des fonctionnaires et assimilés n'ouvre droit à pension de réversion que pour cette dernière, sans condition d'âge. La pension de réversion n'est accordée au veuf qu'à partir de l'âge de 60 ans sous réserve qu'il n'existe pas d'enfants mineurs ou d'enfants infirmes majeurs, lesquels bénéficieraient en priorité de la pension de réversion. Toutefois, si le veuf est atteint d'une infirmité ou d'une maladie incurable le rendant définitivement inapte au travail, cette pension est accordée sans condition d'âge.

Certains régimes spéciaux (agents de la S.N.C.F., de la R.A.T.P., de la Compagnie Générale des Eaux) n'accordent une pension de réversion au veuf qu'à la double condition d'antériorité du mariage et d'inaptitude au travail liée à une infirmité ou à une maladie incurable dont l'intéressé était atteint au décès de sa femme.

D'autres régimes spéciaux (notamment les marins et les clercs de notaires) ne prévoient aucune disposition à l'égard des veufs.

ii/ Lorsqu'il s'agit d'un divorcé ou d'une femme divorcée, le conjoint divorcé et non remarié affilié à ce régime, est assimilé au conjoint survivant, lorsque le divorce n'a pas été prononcé contre lui.

La pension de réversion est éventuellement partagée entre le veuf et l'ex-époux divorcé, au prorata de la durée respective de chaque mariage.

Dans certains régimes spéciaux notamment la S.N.C.F., le régime minier, les marins, les femmes divorcées mais non les divorcés, peuvent sous certaines conditions bénéficier de tout ou partie de la pension de réversion. "

Sans pour autant qu'il soit possible d'harmoniser les conditions d'octroi des pensions de réversion au veuf ou à l'ex-époux divorcé en raison de la réglementation complexe qui caractérise chaque régime, le Médiateur reste néanmoins attentif à l'évolution de la coordination et de l'harmonisation des régimes de sécurité sociale qui devraient aboutir à un système plus équitable et unifié.
Le problème du passage de l'assurance-maladie à l'assurance-invalidité a fait l'objet de diverses réclamations auprès du Médiateur.

Dans le dossier n° 111, la réclamante se plaint d'une part de n'avoir pas été placée en état d'invalidité et d'autre part de n'avoir pas été reconnue inapte au travail en vue de bénéficier d'une pension vieillesse à ce titre.

Le Médiateur a donc demandé au ministère du Travail de régulariser par un texte réglementaire les dispositions de la circulaire du 4 mai 1972 de la Caisse nationale d'assurance-maladie des travailleurs salariés. Cette circulaire a institué une procédure associant le médecin traitant pour le contrôle précoce des assurés, indemnisés au titre de l'assurance-maladie, de manière à permettre le passage à l'assurance-invalidité dès la stabilisation de l'état.

Le problème est toujours à l'étude à la Direction de la sécurité sociale.

1975
Des personnes retraitées, ayant cotisé à différents régimes bénéficient des prestations dans le régime où elles ont cotisé le plus longtemps. Or, certains retraités, qui ont terminé leur activité professionnelle en profitant de la couverture du régime général, trouvent particulièrement injuste qu'au temps de la retraite, ils doivent payer une cotisation pour n'obtenir en contrepartie que des prestations réduites.

Le Médiateur a été saisi de nombreuses réclamations concernant cette disparité de situation entre les régimes salariés et non salariés (n° II-1145 et n° II-923).

Il a donc demandé au Ministère du Travail que soit étudiée, dans le cadre de la généralisation de la sécurité sociale à tous les Français, la suppression à brefs délais des cotisations pour les non-salariés retraités et le versement des prestations à un taux identique a celui du régime général.

L'adoption de cette réforme améliorerait le sort des retraités non salariés aux ressources modestes.

Le Ministère du Travail a précisé que :

" Des améliorations (Cf. infra) ont été apportées en ce sens par l'article 8 de la loi du 4 juillet 1975 tendant à une généralisation de la sécurité sociale, et par l'article 9 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat qui prévoit un alignement progressif des dispositions applicables aux cotisations d'assurance maladie-maternité des artisans ou commerçants retraités sur celles du régime général.

Par ailleurs, la loi n° 74-1094 du 24 décembre 1974 a prévu une harmonisation des régimes de base de sécurité sociale pour réaliser un système de protection commun à tous les Français. L'harmonisation sera réalisée au rythme de la mise en oeuvre de la protection de base commune.

Dans l'attente d'une harmonisation plus complète, les prestations servies par le régime des travailleurs non salariés ont été étendues aux frais d'optique, de cure thermale, de transport, de soins et de prothèses dentaires. "
Selon les dispositions du Code des pensions de retraite civiles et militaires, la pension de réversion est répartie entre les épouses ayants droit au prorata des années de mariage.

Certains régimes de retraite appliquent des règles différentes en divisant la pension de réversion par parts égales.

Il en résulte des disparités de situation qui sont mal comprises par les affiliés à ces régimes particuliers (n° II-1037).

Compte tenu de l'évolution récente des législations de la famille et du divorce, le Médiateur a proposé au secrétariat d'Etat aux Transports que soit étudiée la généralisation de la règle du partage " prorata temporis " actuellement en vigueur pour les agents de l'Etat.

Le ministère a répondu que :

" La loi n° 75-617 du 11 juillet 1975 sur la réforme du divorce faisait obligation de régler désormais le problème dans le sens souhaité.

En effet, cette loi dispose dans son article 12 que le Gouvernement prendra les dispositions nécessaires pour adapter aux régimes de retraite légaux et réglementaires la règle du partage entre veuves et divorcées au prorata des années de mariage.

La S.N.C.F., la R.A.T.P. et la C.A.M.R. (Caisse autonome mutuelle de retraite des agents de chemins de fer secondaires) procèdent actuellement aux modalités d'application de la loi précitée. "

b) LA SECURITE SOCIALE

1973-1974

Plusieurs réclamations (cf. Rapport de 1973, nos 203 et 566 et plus récemment n° II-232) posent le problème de la non-inscription sur les feuilles de soins du montant des honoraires des médecins non conventionnés.

Or, si ces derniers ne portent pas les mentions exigées par la sécurité sociale, celle-ci ne rembourse pas les malades. L'attitude de ces médecins a pour conséquence de pénaliser les assurés sociaux sans qu'eux-mêmes soient l'objet de sanctions.

Devant les cas qui lui ont été à nouveau soumis en 1975, le Médiateur a réitéré sa suggestion de voir sanctionner de façon plus efficace l'attitude de ces médecins.

Le Ministère du Travail a rappelé que :

" Le décret n° 72-480 du 12 juin 1972 définit notamment les indications qui doivent obligatoirement figurer sur les feuilles de maladie pour ouvrir droit aux prestations.

C'est en toute connaissance que ces dispositions ont été prises, étant remarqué qu'en ce qui concerne plus particulièrement l'obligation d'inscription des honoraires, elle résulte également de l'article 1994 du Code général des impôts. "

Les recommandations du Conseil national de l'ordre des médecins n'étant pas toujours suivies d'effets, le Médiateur suggère au ministère des Finances la mise à l'étude de l'éventualité d'une amende pénalisant les médecins pour la non-inscription des honoraires.

Il souhaite par ailleurs que l'article 1994 du Code général des impôts : " Les praticiens sont tenus d'indiquer sur les feuilles de maladie le montant des honoraires qui leur sont versés par les assurés ", soit complété de manière suivante " sous peine de sanction pénale ".
Les sanctions prévues en cas d'oubli de paiement des cotisations à l'article 5 de la loi n° 66-509 du 12 juillet 1966 modifiée, " assouplies " ensuite par une circulaire ministérielle du 14 décembre 1972, paraissant encore sévères, le Médiateur avait attiré l'attention du ministère du Travail sur cette question (cf. Rapport de 1973 n° 1270).

Le ministère a fait état dans sa réponse d'un projet de décret en Conseil d'Etat qui était en cours d'examen dans les départements ministériels compétents.

Ce décret (n° 75-1109 du 2 décembre 1975) est paru au J.O. du 4 décembre 1975, page 12377.

Il reconnaît aux travailleurs non salariés non agricoles la possibilité d'être rétablis dans leurs droits aux prestations - sous certaines conditions - lorsque pour des raisons de force majeure ou de bonne foi, dûment prouvées, ils n'ont pas acquitté les cotisations dont ils sont redevables dans le délai de trois mois suivant la date d'échéance.
Dans l'état actuel de la législation sociale, les frais relatifs aux actes de la médecine préventive (vaccination antigrippe et examen de santé) n'entrent pas dans la catégorie des dépenses remboursables au titre de l'assurance-maladie (cf. Rapport de 1973, nos 281 et 1272).

Le Médiateur a demandé à connaître l'état présent des études qui ont été menées à ce sujet par le Ministère du Travail.

Le ministère a apporté les précisions ci-après :

" Ces cas particuliers font l'objet d'un nouvel examen dans le cadre du groupe qui étudie actuellement, en vue de la préparation du Vlle Plan, l'ensemble des problèmes de la prévention et notamment le rôle de la sécurité sociale en ce domaine. "

1975

Les cotisations d'assurance-vieillesse sont imputées sur les salaires de l'année au cours de laquelle ils ont été versés. Cette façon de procéder a toujours été celle des caisses d'assurance-vieillesse, et elle a été confirmée (cf. notamment la réclamation n° I-1618).

Or, si pour des raisons indépendantes de l'assuré intervient, soit une erreur matérielle des caisses, soit un retard de règlement des cotisations par l'employeur, c'est l'assuré qui en supportera les conséquences fâcheuses.

En effet, si les cotisations avaient été enregistrées dans les délais, le salaire moyen annuel de base sur lequel a été calculée la pension aurait été supérieur.

Le Médiateur a donc proposé, afin d'éviter de pénaliser un assuré qui n'a commis aucune faute, que soit étudiée une amélioration de la réglementation et que soient revues les dispositions de l'article 71 du décret du 29 décembre 1945 et de l'article 74 nouveau VII et VIII du même décret, afin d'en supprimer les conséquences défavorables pour la détermination du salaire annuel moyen.

Le ministère a donné à ce sujet les précisions suivantes :

" Le décret n° 72-230 du 24 mars 1972 relatif au recouvrement des cotisations de sécurité sociale et reprenant l'obligation de la déclaration annuelle des salariés a prévu sous certaines conditions que les rémunérations dues au titre d'un mois ou d'une fraction de mois qui sont payées dans les quinze premiers jours du mois suivant, peuvent être rattachées au mois correspondant à laquelle elles se rapportent.

Par ailleurs, en cas d'erreur matérielle de la Caisse, l'assuré peut toujours apporter la preuve de paiement du salaire et du précompte en temps voulu par la présentation des fiches de paye ou la production de tous autres documents ayant une valeur probante certaine à cet égard.

Sur ce point, la jurisprudence - Cour de cassation, arrêt du 14 mars 1962 - va jusqu'à admettre la preuve du précompte par présomptions graves, précises et concordantes.

Quant au retard mis par un employeur dans le paiement des cotisations, il n'a pas d'incidence pour la détermination des droits de l'assuré à une prestation de vieillesse, si lesdites cotisations ont en temps utile l'ait l'objet d'un précompte sur le salaire de l'intéressé à condition que celui-ci soit en mesure de le justifier.

La publication du décret n° 73-1212 du 29 décembre 1973 a permis de prendre en considération toutes les cotisations arriérées d'assurance-vieillesse quelle que soit la période à laquelle elles se rapportent et quelle que soit la date de leur versement.

L'assuré se trouve ainsi garanti contre les défaillances de l'employeur. Mais ce texte est apparu d'application difficile. En effet de même que la demande de régularisation de cotisations arriérées doit émaner exclusivement de l'employeur, le versement de la part patronale doit être de même effectué par l'employeur.

Les cotisations doivent être versées non seulement pour le risque-vieillesse, mais aussi pour tous les autres risques ; la plupart des personnes intéressées par la régularisation autorisée n'ont pu toutefois en bénéficier car très souvent, l'employeur en cause a disparu ou bien ne souhaite pas procéder lui-même à une régularisation qui s'avère onéreuse.

Pour pallier ce double inconvénient, le décret n° 75-109 du 24 février 1975 modifiant l'article 6 du décret du 29 décembre 1973 a allégé la charge de l'employeur par la suppression des pénalités de retard se rapportant aux cotisations afférentes à une période antérieure de plus de cinq ans à la date de versement des cotisations.

Les versements effectués au titre des cotisations arriérées donnent lieu au report du compte de l'assuré des salaires ayant servi à leur calcul et ce, au titre de chacune des années civiles correspondantes. "

Ces améliorations successives à la réglementation existante répondent au souhait exprimé par le Médiateur de donner une interprétation plus souple au décret du 29 décembre 1945 qui, ne prenant pas en considération les cotisations arriérées d'assurance-vieillesse, pénalisait l'assuré en cas d'une erreur matérielle des Caisses ou du retard du règlement des cotisations par l'employeur.

c) AIDE SOCIALE ET AIDE A LA FAMILLE

1973-1974
Le Médiateur avait souhaité que soit envisagée l'étude des mesures simplificatrices de la procédure d'octroi de l'allocation de l'éducation spécialisée des mineurs infirmes (cf. Rapport de 1973, n° 483 et Rapport de 1974).

Dans sa réponse, le ministère du Travail a apporté les précisions favorables ci-dessous :

" L'article 9 de la loi 75-534 du 30 juin 1975 (J.O. du 1er juillet), dite d'orientation en faveur des personnes handicapées créant une allocation d'éducation spéciale, accompagnée éventuellement d'un complément modulé en fonction des dépenses entraînées par le handicap de l'enfant doit se substituer à compter du 1er octobre 1975 à l'allocation d'éducation spécialisée des mineurs infirmes ainsi qu'aux autres prestations de sécurité sociale et d'aide sociale versées jusqu'à présent au titre des enfants handicapés. "

Cette substitution d'une seule allocation à plusieurs prestations attribuées et servies par des organismes différents constitue en soi une simplification considérable, d'autant que cette allocation sera attribuée par une commission départementale de l'éducation spéciale compétente pour tous les problèmes d'éducation et soins créés par le handicap de l'enfant.
Le Médiateur a été saisi de plusieurs réclamations concernant les retards intervenus dans l'octroi de l'aide sociale résultant de l'obligation alimentaire.

L'affaire n° 628 (cf. Rapport de 1973) est à cet égard significative. Le réclamant déplorait le retard apporté à lui octroyer le bénéfice de l'aide sociale, mais ce retard provenait principalement du l'ait que le bureau compétent s'était en vain retourné contre le fils du demandeur domicilié au Mexique.

Le Médiateur s'est enquis auprès du ministère de la Santé des délais d'octroi de l'aide sociale et de la récupération sur les débiteurs d'aliments.

Le ministère a apporté les précisions ci-après concernant les procédures :

" Les Commissions d'admission d'aide sociale fixent, en tenant compte du montant de la participation éventuelle des débiteurs d'aliments, la proportion de l'aide consentie par les collectivités publiques.

Dans ces conditions, l'aide sociale ne peut intervenir que pour la part des frais non couverts par les débiteurs d'aliments et les bureaux compétents faute de ne pouvoir récupérer rapidement la part qui revient à ces débiteurs, n'hésitent pas à se retourner contre eux.

Toutefois dans les cas les plus urgents (aide médicale ou à domicile par exemple), l'aide sociale est accordée immédiatement dans sa totalité.

L'admission d'urgence n'a qu'un caractère provisoire : elle doit être prononcée par le Maire et faire l'objet d'une décision définitive de la part de la Commission d'admission compétente.

Il convient malgré tout de préciser que dans les cas les plus dignes d'intérêt, les procédures d'urgence font, la plupart du temps, l'objet d'une confirmation de la Commission d'admission. "

Le Médiateur reconnaît que les procédures actuellement en vigueur apportent des garanties appréciables concernant la récupération sur les débiteurs d'aliments.

Il souhaite toutefois que cette récupération génératrice de retard ne soit pas effectuée lorsque ces débiteurs ont été abandonnés dans leur enfance, par leurs parents (n° II-2792).

Suppression de l'allocation-logement en cas de chômage.

Le Médiateur a demandé au Ministère du Travail que soit entreprise une étude sur le problème soulevé par la suppression de l'allocation-logement lorsque le locataire ne peut plus payer son loyer (par exemple en cas de chômage).

Le ministère a répondu que :

" Un certain nombre de mesures ont été prises récemment en faveur des familles touchées par le chômage. Le décret n° 75-546 du 30 juin 1975 précise notamment que le montant de l'allocation-logement pourra être augmenté de façon à tenir compte de la diminution des ressources du ménage : l'allocation versée est calculée habituellement sur le revenu qui était celui de la famille l'année précédente ; une attestation de chômage total durant trois mois consécutifs permettra d'effectuer un abattement de 30 % sur le revenu de l'année précédente qui sert de base au calcul de l'allocation-logement ; en cas de chômage partiel, l'abattement sera de 20 %. "

Le Médiateur estime que ces améliorations restent insuffisantes et que lorsqu'un locataire rencontre des difficultés le plus souvent passagères, l'allocation-logement devrait être, dans ce cas, versée directement à l'organisme H.L.M. ou à un compte au nom du propriétaire du logement.

1975

Plusieurs réclamations en cours d'instruction au ministère du Travail ont posé au Médiateur des problèmes relatifs à l'application de la loi du 13 juillet 1972 : aides instituées en faveur de certaines catégories de commerçants et d'artisans âgés.

Le bénéfice de l'aide spéciale compensatrice ne peut être retenu que si le réclamant a exercé une activité commerciale depuis au moins quinze ans.

L'application stricte de cette loi peut paraître inéquitable dans le cas où le réclamant, bien que n'ayant pas atteint les quinze années de gestion de fonds sous son propre nom, l'exploitait en fait avec son époux.

Le Médiateur a donc suggéré que la loi du 13 juillet 1972 soit alignée sur le décret du 31 mars 1966 (art. 18) pour tenir compte de ce qui a été récemment admis dans les régimes d'assurance-vieillesse (les professions industrielles et commerciales, à savoir qu'il y a eu continuité dans l'exploitation lorsque la reprise du fonds de commerce est motivée par une question de santé.

Le ministère a donné la réponse ci-après :

" La loi du 13 juillet 1972 a prévu qu'en cas de décès d'un adhérent en activité, dont la situation ouvrait droit à l'aide spéciale compensatrice, le conjoint survivant pouvait présenter une demande " du chef du décédé " en étant dispensé de remplir par lui-même les conditions de durée d'activité.

Ces dispositions ont été complétées par une instruction du 19 novembre 1975 (règle 111, disposition ab) qui précise que lorsque le titulaire du fonds a dû cesser ses activités pour cause de maladie, son conjoint garde ses droits à l'aide spéciale compensatrice sur la base du calcul des quinze années de gestion commune. "

Le Médiateur considère que le cumul des deux carrières constitue une amélioration de la réglementation en vigueur.

Amélioration de l'aide publique dans le cas de chômage partiel (salarié ayant plusieurs employeurs).

Dans le cadre de la législation actuellement en vigueur les allocations d'aide publique, en ce qui concerne le chômage partiel, sont réservées aux salariés qui étaient occupés dans un emploi permanent par un employeur durant quarante heures par semaine.

Si le salarié a plusieurs employeurs et que, en raison des circonstances économiques, il se trouve licencié par l'un d'entre eux, il ne peut prétendre au bénéfice de l'allocation d'aide publique (n° II-542).

Le Médiateur a proposé que soit étudiée, sous le double aspect de l'efficacité et de l'équité, une amélioration de l'allocation d'aide publique, dans le cas des salariés occupés par plusieurs employeurs et qui sont privés de l'un de leurs emplois.

Le ministère a fait connaître que :

" En cas de réduction d'activité, les salariés ayant plusieurs employeurs ont la possibilité de bénéficier des allocations publiques pour privation partielle d'emploi, à condition de justifier avoir été occupés, à raison de quarante heures par semaine, au cours des douze mois précédant leur mise au chômage partiel.

Quant aux personnes ayant fait l'objet d'une mesure de licenciement alors qu'elles conservent d'autres emplois à temps partiel, elles peuvent être admises aux allocations d'aide de chômage complet, si elles ont perdu leur activité principale.

Toutefois les rémunérations qu'elles continuent à percevoir sont prises en compte dans le calcul de l'aide publique qui leur est allouée. "


2. Economie et finances.


Les propositions de réforme concernant ce département ont permis d'étudier les problèmes suivants.

a) LA FISCALITE

1973-1974
Le Médiateur avait demandé un examen des moyens de rendre moins rigoureuse l'application du principe de l'annualité de l'impôt en matière de contributions locales (cf. Rapport de 1973).

Il avait notamment suggéré au ministère des Finances de donner des instructions aux services locaux afin que soit examiné avec une particulière bienveillance le cas des personnes qui doivent payer la taxe d'habitation alors que les locaux restent libres après le décès de l'occupant.

Le ministère a donné à ce sujet les précisions suivantes :

" En cas de décès en cours d'année d'une personne assujettie à la taxe d'habitation, aucun dégrèvement ne saurait être envisagé en faveur des héritiers, en vertu du principe de l'annualité.

Toutefois, l'Administration a la possibilité d'accorder une remise gracieuse de la taxe en tenant compte de la situation de fortune des héritiers et de l'importance de la succession.

Mais, en raison de la diversité des situations susceptibles de se présenter, aucune mesure générale n'a été jusqu'à présent adoptée. "

Le Médiateur suggère que soit poursuivie l'étude de cette question (Cf. infra).
Le Médiateur s'était informé des nouvelles dispositions mises à l'étude et relatives aux conditions d'utilisation en France d'un véhicule immatriculé à l'étranger.

Le but de ces dispositions a pour effet d'éviter de nombreux cas de double imposition des voitures automobiles personnelles, utilisées à des fins professionnelles (cf. Rapport de 1973, n° 449).

Le ministère a précisé au Médiateur que la réforme envisagée a fait l'objet d'un arrêté du 23 mai 1975 publié au J.O. du 1er juin 1975 (p. 5465 à 5469), relatif à certaines catégories de personnes pouvant bénéficier de la franchise temporaire.
Le Médiateur avait souhaité que soit examinée la possibilité de déduire des revenus déclarés, dans une mesure à fixer et moyennant certaines conditions, les salaires versés à la tierce personne au titre des dépenses nécessitées par l'emploi d'infirmières ou de garde-malades (cf. Rapport de 1974).

Il a aussi suggéré au ministère des Finances un relèvement substantiel de l'abattement spécial en faveur des personnes titulaires d'une carte d'invalide et disposant d'un revenu imposable inférieur à certaines limites.

Ce plafond de ressources et cet abattement spécial devraient être calculés de telle sorte que le contribuable infirme puisse rémunérer correctement, et dans la limite d'un plafond à fixer, la tierce personne dont l'assistance est indispensable pour les actes de la vie quotidienne.

Le ministère a donné à ce sujet la réponse suivante :

" L'article 2 de la loi de finances pour 1976 contient une disposition dans le sens souhaité par le Médiateur.

En effet, le montant de l'abattement spécial dont bénéficient les personnes invalides est augmenté de 22 %.

Il passe de 2.300 F à 2.800 F pour les personnes dont le revenu global n'excède pas 17.000 F et de 1.150 F à 1.400 F pour celles dont le revenu global est compris entre 17.000 F et 28.000 F.

Ce dispositif permettra d'exonérer de l'impôt sur le revenu les personnes invalides dont le revenu en 1975, n'a pas dépassé 21.250 F pour un ménage (2 parts de quotient familial) et 15.000 F pour une personne seule (1 part de quotient familial). "

Le Médiateur estime que les dispositions contenues dans la loi de finances sont insuffisantes.

Il dénonce la situation qui est faite aux invalides avant besoin d'être assistés, et dont les revenus s'opposent à la prise en charge par l'aide sociale d'une tierce personne.

Une solution équitable à des cas individuels particulièrement douloureux doit donc être recherchée.

b) LES PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES

1973-1974

Le Médiateur souhaitait que soit hâtée la prise des derniers arrêtés d'assimilation permettant l'application de l'article 73 de la loi de finances pour 1969, relatifs à la péréquation de certaines pensions de retraite (Rapport de 1973 n° 2).

Dans sa réponse, le ministère des Finances a fait connaître :

" Que la circulaire annoncée pour demander à tous les ministères de prendre les arrêtés d'assimilation, a été diffusée le 6 février 1975 sous le timbre de la Direction du budget et porte le n° B 2 A 6.

Bien que la plupart des arrêtés d'assimilation soient d'ores et déjà intervenus, les services de ce département procèdent actuellement au recensement des pensions d'outre-mer non encore révisées en vue de les communiquer aux Administrations concernées qui n'auraient pas encore pris l'initiative de la préparation de ces arrêtés. "

c) LA COMMISSION DES OPERATIONS DE BOURSE : FONCTIONNEMENT ET POUVOIRS

1973-1974
Le Médiateur avait interrogé le ministère des Finances sur la situation actuelle des études entreprises sur les conditions dans lesquelles peut s'exercer le contrôle de la C.O.B. sur la nomination des commissaires aux comptes.

" Le ministère de la Justice, la Commission des opérations de bourse et le département continuent l'étude de ce point qui soulève de graves difficultés, eu égard au double impératif du respect des droits individuels des commissaires aux comptes et du plein accomplissement de leur mission. "

Le Médiateur reste donc attentif aux conclusions des études entreprises sur cette question.

1975
Des personnes ayant souscrit des parts dans des sociétés civiles de placement immobilier ne peuvent, si ces sociétés ont été mises en règlement judiciaire et si un litige survient entre ces sociétés et la Commission des opérations de bourse, revendre leurs parts et disposer de leurs économies.

En effet, dans le cadre de la réglementation actuelle, la C.O.B. peut seulement formuler des recommandations et ne dispose pas de moyens juridiques pour se substituer aux dirigeants de sociétés et proposer elle-même à l'assemblée générale des associés les mesures qui s'imposent.

En conséquence, si les dirigeants des sociétés ne suivent pas les recommandations de la C.O.B., aucune solution ne peut être trouvée et les différends durent ainsi plusieurs années (n° II-338).

Afin de rechercher une issue positive à des situations juridiques bloquées, et, par suite, une solution équitable en faveur des associés, le Médiateur a proposé que soit étudiée une extension des pouvoirs de la C.O.B.

Le Ministère de la Justice qui a été également interrogé sur ce point a répondu au Médiateur que :

" Il envisageait favorablement l'étude d'une réforme des pouvoirs de la C.O.B., qui pourrait s'opérer, soit par une modification de l'ordonnance du 28 septembre 1967 créant cet organisme, soit par des adjonctions à la loi du 31 décembre 1970 relative aux sociétés civiles faisant appel à l'épargne.

Cette réforme devrait être étudiée en collaboration étroite avec le ministère de l'Economie et des Finances qui a la tutelle de la C.O.B.

Le problème de l'extension des pouvoirs de cette commission est d'ailleurs envisagé actuellement mais uniquement pour les sociétés commerciales. "

Le Médiateur reste donc attentif aux propositions formulées par le Garde des Sceaux dans le sens qu'il les a souhaitées.


3. Equipement.


1973-1974
Le Médiateur avait, dès 1973, demandé que soit entreprise une étude des mesures propres à améliorer les procédures d'enquête préalable aux déclarations d'utilité publique, notamment en ce qui concerne l'information des administrés (cf. Rapport de 1973).

- Dossier n° I-319 : problème de l'insuffisance d'information préalable à l'expropriation.

- Dossier n° 1-860 : enquête publique préalable au déclassement d'un chemin pendant les mois de grandes vacances.

Le Ministère de l'Equipement a précisé dans sa réponse :

" Que la question soulevée par le Médiateur a fait l'objet d'un rapport interministériel dont les conclusions doivent être transmises incessamment au Premier Ministre.

Ces conclusions (Cf. infra) contiennent un certain nombre de propositions portant notamment sur :

- l'organisation de l'information du public " en amont " des enquêtes publiques ;

- l'amélioration pratique des modalités des enquêtes et de l'exploitation de leurs résultats.

Elles pourraient être mises en oeuvre rapidement par une directive du Premier Ministre et par la modification du décret n° 59-701 du 6 juin 1959. "

1975
Plusieurs réclamations ont posé au Médiateur le problème de " gel " des terrains, propriétés de particuliers, du fait de l'élaboration d'un P.O.S. (n° 1240).

Il est apparu que la prorogation des délais pour l'élaboration et la mise en oeuvre des P.O.S. par la loi du 27 décembre 1974 avait parfois des conséquences sociales regrettables notamment dans le cas des personnes âgées, ou parvenant à la retraite, qui souhaitent disposer rapidement, soit de revenus procurés par la vente d'un bien, soit d'une habitation pour y passer la fin de leur vie.

Des exemples récents ont du reste montré que des terrains pouvaient rester " gelés " 3, 4, 5 ans voire plus longtemps encore.

Cette situation paraissant inacceptable, le Médiateur a demandé au ministère de l'Equipement quelle interprétation il convenait de donner à la loi du 27 décembre 1974.

Le ministère a donné des précisions qui vont dans le sens souhaité par le Médiateur :

" La loi n° 74-1117 du 27 décembre 1974 a pour seul objet de prolonger la date de validité des plans d'urbanisme directeurs (P.U.D.) jusqu'au 1er janvier 1977.

En aucun cas, le sursis à statuer ne petit excéder deux ans comme le précise l'article L. 123-5 du Code de l'urbanisme.

A l'issue de ce délai, une décision définitive doit, sur simple confirmation par l'intéressé du maintien de sa demande, être prise par l'autorité chargée de la délivrance de l'autorisation.

Si le P.O.S. est rendu public, la décision d'accord ou de refus doit être fondée sur la base de ce document. Si par contre le P.O.S. n'est pas rendu publie, la décision ne peut être fondée que sur la base des dispositions en vigueur avant la prescription du P.O.S., c'est-à-dire, dans le cas présent, sur la base du plan d'urbanisme directeur approuvé et mis en révision.

La loi du 27 décembre 1974, en reportant de deux ans la date limite de validité des plans d'urbanisme directeur, ne modifie en rien les conditions d'application des mesures de sauvegarde qui ne peuvent faire l'objet d'aucune prorogation.

Par ailleurs, le projet de loi portant réforme de l'urbanisme et de la politique foncière prévoit deux dispositions favorables aux administrés.

La première tend à éviter que plusieurs sursis à statuer successifs soient proposés à une même demande d'autorisation. En ce sens, l'article 28 du projet comporte une disposition indiquant que la durée totale des sursis ordonnés ne peut excéder quatre ans.

La seconde ramène à deux ans le délai de trois ans prévu pour l'achat d'un emplacement réservé, après mise en demeure du propriétaire (cf. art. 36 du projet de loi). "
Le Médiateur a eu connaissance de la longueur excessive des délais de règlement du prix d'achat d'un immeuble acquis à l'amiable par l'Administration en vue d'une opération d'utilité publique (cf. réclamation n° I-422).

Dans le cas cité en référence, le délai de trente-huit mois séparant la promesse de vente du paiement du prix, ne peut être considéré comme normal et reflète un mauvais fonctionnement du service public.

Consciente des lenteurs dans le paiement du prix d'acquisition (estimé au jour de la promesse de vente), l'Administration a appliqué dans 45 départements le régime d'exécution des opérations foncières institué par le décret n° 67-568 du 12 juillet 1967 qui est de nature à améliorer le déroulement des procédures des acquisitions par l'Etat et les collectivités locales.

Tout en reconnaissant que ces mesures sont susceptibles de réduire les délais de paiement, le Médiateur a estimé néanmoins qu'il était équitable d'aller au-delà et de prévoir, en matière d'acquisition à l'amiable, le versement d'intérêts au vendeur par analogie avec ce qui existe en matière d'expropriation (décret n° 61-164 du 13 février 1961 - art. 17).

Le Ministère de l'Economie et des Finances a donné la réponse ci-après :

" Deux cas sont susceptibles de se présenter :

i/ Les promesses de vente recueillies par l'Etat sont intervenues dans le cadre du droit commun et portent sur des immeubles librement mis en vente par leur propriétaire, antérieurement à toute procédure d'utilité publique.

Dans cette hypothèse, l'obligation du paiement d'intérêts par l'acheteur est réglée par l'article 1652 du Code civil et il appartient au vendeur d'en faire une condition de la vente ou, à défaut, de mettre en demeure le débiteur du prix de lui verser des intérêts par une sommation de payer.

Les garanties ainsi données par le droit privé paraissent de nature à sauvegarder suffisamment les droits des vendeurs.

ii/ Les promesses de vente recueillies par l'Etat constatent un accord amiable obtenu dans le cadre d'une procédure d'expropriation, postérieurement à l'intervention de la déclaration d'utilité publique.

Dans cette situation, l'exproprié peut réclamer les intérêts lorsque l'indemnité a été fixée à l'amiable, mais cette possibilité est subordonnée, soit à la passation de l'acte de cession amiable ayant pour effet de réaliser le transfert de propriété et de fixer le montant de l'indemnité, soit à l'intervention d'un traité d'adhésion, dans le cas où l'ordonnance d'expropriation est déjà intervenue.

Le ministère considère alors qu'il est équitable de faire application de l'article 17 du décret susvisé du 13 février 1961 qui prévoit le paiement d'intérêts après l'expiration d'un délai de trois mois à partir de la levée de la promesse de vente, sauf si le retard apporté à la rédaction de l'acte définitif est le fait de l'exproprié lui-même.

Des instructions ont été préparées dans ce sens et sont en cours de notification aux services départementaux. "

Les mesures proposées par le Ministre sont de nature à sauvegarder les droits des propriétaires en cas d'accord amiable intervenu dans le cadre d'une procédure d'expropriation.

Elles ne s'étendent pas toutefois aux accords amiables intervenus antérieurement à toute procédure de déclaration d'utilité publique et le Médiateur estime que, dans ce cas, les droits des vendeurs ne sont pas suffisamment sauvegardés.

Il souhaite donc que la réforme en cours de révision soit complétée sur ce point.


4. Agriculture.
Qualité de la vie et environnement.

1975
Le Médiateur, prenant en considération l'évolution récente de la réglementation en faveur de l'environnement et de la qualité de la vie, a proposé au ministère de l'Agriculture que soit complétée la nomenclature des établissements classés en y incluant les élevages de gibiers (faisans ou perdrix par exemple) au même titre que les élevages de volailles.

En effet, il semble qu'il soit logique d'assimiler ces gibiers aux oiseaux de basse-cour puisqu'ils sont nés et élevés en captivité.

Les nuisances qu'ils causent au voisinage (odeurs et bruits notamment) sont de même nature que celles des élevages de volailles soumis à la loi du 17 décembre 1917, relative à la nomenclature des établissements dangeureux, insalubres ou incommodes.

Il était donc justifié que cette anomalie dans la réglementation fasse l'objet d'une étude prenant en compte l'impératif de la qualité de l'environnement (n° II-985).

Le ministère a donné à ce sujet la réponse suivante :

" Actuellement, la nomenclature des établissements dangereux, insalubres ou incommodes soumis aux dispositions de la loi modifiée du 19 décembre 1917 - et notamment la disposition n° 58 concernant les établissements détenant des gibiers - est incomplète et ne correspond pas à la situation actuelle. La liste des espèces visées est à la fois imprécise et insuffisante : par exemple, elle ignore les lièvres dans les établissements d'élevage et d'engraissement. Elle comporte en outre des chevauchements : les sangliers - prévus dans les établissements d'élevage ou d'engraissement - peuvent être également considérés comme des animaux sauvages lorsqu'ils sont dans des parcs.

Le Ministère de l'Agriculture souhaite la révision de la nomenclature actuelle. Cette révision pourrait intervenir à l'occasion de la préparation des décrets d'application qui seront pris à la suite de la refonte, actuellement en préparation de la loi modifiée du 19 décembre 1917. "


5. Justice et intérieur.

1973-1974
Le Médiateur a interrogé le ministère de la Justice sur l'opportunité de certaines mesures d'exécution, eu égard à la modicité de la dette.

Un réclamant se plaignait notamment du caractère, selon lui abusif eu égard à la modicité de sa dette, d'une saisie immobilière ordonnée contre lui (cf. Rapport de 1973).

Le ministère a répondu que :

" La Commission de réforme du Code de procédure civile doit consacrer l'intégralité de son activité à l'élaboration d'une réforme des voies d'exécution et plus spécialement de la saisie-arrêt de droit commun et de saisie-immobilière.

Par ailleurs une étude approfondie a été entreprise sur cette question et l'Université de Paris vient de procéder à une enquête sociologique consignée dans un rapport préliminaire qui est à l'étude à la Chancellerie. "

1975
Une réclamation (n° II-1289) pose les problèmes du déroulement de la procédure du règlement judiciaire et du statut des syndics. Malgré l'ancienneté du dossier (1950) on peut estimer qu'à l'époque l'intéressé a été victime de l'administration de la Justice.

En effet, dans la procédure du règlement judiciaire interviennent les juges commissaires et les syndics. Les juges commissaires, commerçants, peuvent n'avoir que des connaissances juridiques succinctes à ce sont, en fait, les syndics juristes qui instruisent et préparent les décisions.

Par conséquent, le travail du syndic est des plus délicats. Il doit faire preuve à la fois de rigueur, de minutie, d'humanité, et aussi d'un certain désintéressement.

Or, selon le statut actuel, la rétribution des syndics est proportionnelle aux créances et aux ventes de la liquidation. La tentation n'est-elle pas grande pour certains syndics de multiplier les actes de procédures, d'accueillir des créances plus ou moins justifiées, de faire échouer un concordat pour pouvoir ensuite faire vendre les immeubles ?

Afin de renforcer la protection des justiciables au moment où la récession de l'activité économique accroît les faillites, le Médiateur suggère que soit :

- modifié le système de rémunération des syndics. Il faut mettre un terme à la rémunération proportionnelle aux ventes de la liquidation ;

- organisé le contrôle efficace des syndics. Le contrôle actuel par le juge-commissaire paraît insuffisant. Quant à celui du procureur, il est tardif et ne se déclenche qu'en cas de plainte ;

- étudiée l'institution d'un magistrat professionnel, à plein temps, auprès de chaque Tribunal de Commerce. Ce magistrat aurait pour tâche de surveiller les procédures et de conseiller éventuellement les justiciables.

Le ministère a donné au Médiateur les précisions suivantes :

" La refonte du statut des syndics du règlement judiciaire a fait l'objet de la part de la Chancellerie de deux projets de loi et de trois projets de décrets d'application.

L'originalité essentielle des textes en préparation consiste à séparer les deux professions jusqu'alors confondues dans un même statut et à établir une liste nationale d'administrateurs englobant toutes les personnes exerçant des missions comportant la gestion des biens d'autrui. Ces administrateurs dont le titre est protégé pourront, soit être désignés par toute juridiction, soit prêter leur concours à titre conventionnel à toute personne ou entreprise qui les solliciteront.

Il est prévu de doter les syndics de faillite d'un statut plus élaboré portant notamment sur les conditions d'accès à la profession et sur un contrôle et une discipline renforcée.

Ces différents projets ont été communiqués pour avis d'une part aux professionnels, d'autre part aux ministères intéressés qui ont dans l'ensemble donné leur accord aux grandes lignes de la réforme.

Par ailleurs, la commission Monguilan chargée plus spécialement de la réforme des Tribunaux de Commerce a également émis un avis favorable sous réserve de quelques aménagements de détail.

Lorsque sera connu l'avis demandé ultérieurement à la commission Montarnal qui doit proposer au Gouvernement les mesures propres à remédier aux difficultés des entreprises, aura lieu la réunion interministérielle qui permettra d'arrêter les lignes essentielles de la réforme.

Cette réforme pourrait alors être insérée dans l'ensemble des mesures législatives que le Gouvernement compte proposer prochainement au Parlement dans le cadre de la réforme de l'entreprise. "


6. Défense.


1973-1974
Le Médiateur avait suggéré au ministère de la Défense que soit entreprise l'étude d'une meilleure information des jeunes gens, incorporables, sur les garanties dont ils peuvent bénéficier en cas d'accident survenu en permission.

Le ministère a communiqué à ce sujet les observations ci-après :

" Dès le début de l'année 1975, le Ministre de la Défense a prescrit aux services compétents de mettre en place les moyens de réaliser cette information.

A l'heure actuelle (Cf. infra), les jeunes gens dont il s'agit sont renseignés sur ce sujet par :

- un dépliant qui leur est remis au moment de leur passage dans un centre de sélection, c'est-à-dire plusieurs mois avant leur incorporation ;

- une brochure Français, voici votre armée, qu'ils reçoivent au moment de leur incorporation.

En outre, une note d'information concernant les soins médicaux, l'hospitalisation, la réforme et le décès des militaires a été mise en place auprès des unités, où les jeunes gens ont la possibilité de la consulter.

Cette notice, qui constitue un véritable guide du service de santé des Armées, a été remise également aux maires, aux élus et aux services sociaux qui peuvent avoir à connaître des cas intéressant les militaires de leur ressort.

On y trouve des informations concernant notamment :

- les conditions dans lesquelles une blessure ou une affection est reconnue imputable au service et ouvre droit à pension militaire d'invalidité ;

- les conditions dans lesquelles les jeunes gens ont accès aux services médicaux et hospitaliers des Armées, y compris pendant leur permission. "

Il n'en demeure pas moins que les jeunes appelés ne bénéficient d'aucune couverture pendant leur permission et doivent prendre les dispositions nécessaires afin de s'assurer eux-mêmes. L'effort d'information entrepris doit donc être intensifié.


7. Anciens combattants.


1973-1974
Le Médiateur avait attiré l'attention du ministère sur la possibilité, dans certains cas, de servir le supplément familial de traitement prévu à l'article 51-3 du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre à une autre personne que la titulaire de la pension de veuve de guerre qu'il complète (cf. Rapport 1973, n° 1072) : droit au supplément familial de pension demandé par un grand-père à qui a été confiée par jugement la garde des enfants de sa fille, titulaire de la pension et actuellement internée.

Le Secrétaire d'Etat aux Anciens combattants a fait connaître que :

" L'instruction n° 75-74 B 3 du 11 juin 1975 de la Direction de la comptabilité publique autorise le paiement du supplément familial à la veuve dont les enfants ont été confiés à une autre personne par décision de justice prise au titre de l'assistance éducative prévue par l'article 375-8 du Code civil.

Dans cette hypothèse, il appartient au tiers qui a la charge effective des enfants de se retourner vers la mère pour lui réclamer le versement de ce supplément familial.

Le problème soulevé peut donc, actuellement, recevoir une solution.

Le secrétariat d'Etat aux Anciens combattants envisage toutefois de compléter l'article L. 51 par des dispositions prévoyant, en cas de carence de la mère, le versement du supplément familial à la personne qui assume la charge effective et permanente des enfants. "
L'attribution de diverses indemnités versées aux anciens combattants en réparation des préjudices matériels subis est subordonnée à la reconnaissance préalable de l'un des titres de déporté et d'interné prévus par les articles L. 272 et L. 286 et suivants du Code des pensions militaires d'invalidité et victimes de la guerre.

Le Médiateur avait interrogé le secrétariat d'Etat aux Anciens combattants sur le cas des déportés et internés politiques apatrides qui au regard de la législation sont exclus des indemnisations des pertes de biens (Rapport de 1973, n° 1317). Le département a répondu que, s'agissant d'étrangers ou d'apatrides résidant sur notre territoire au moment où ils ont fait l'objet de mesures de déportation ou d'internement, le législateur fait une distinction tenant compte du motif de ces mesures.

Lorsqu'il s'agit d'étrangers ou d'apatrides déportés ou internés pour faits de résistance, leur situation est à tous égards identique à celle des Français.

Par contre, lorsqu'il s'agit de personnes qui ont été victimes de telles mesures pour des motifs autres, le principe constant, sauf exception fixée par la loi, est que la solidarité nationale qui joue en faveur de l'indemnisation de nos compatriotes victimes de guerre, n'a pas à intervenir s'agissant d'étrangers ou d'apatrides.

En second lieu, la législation de la République Fédérale Allemande et notamment la loi du 19 juillet 1957 prévoyait expressément la possibilité d'indemniser sur le budget fédéral ces étrangers ou apatrides à condition qu'ils aient été victimes " sociales " ou " politiques ".

La forclusion est opposée à de telles demandes depuis le 1er janvier 1959. Le Médiateur reste conscient de l'iniquité du système actuel.


8. Transports.


1973-1974
L'article 44 de la loi du 22 mars 1924, dispose que " sous réserve des traités de réciprocité " passés entre la France et les pays étrangers les réductions sur les prix de transports prévues au titre des familles nombreuses ne sont applicables qu'aux citoyens français (cf. Rapport de 1974, n° I-107).

Le Médiateur souhaitait connaître les résultats des études envisageant certaines mesures à mettre en oeuvre en faveur des travailleurs immigrés dont, éventuellement, l'extension des réductions en cause.

Le Ministère du Travail a donné la réponse suivante :

" Le Conseil des Ministres du 21 mai 1975 a admis le principe de la généralisation des titres de réduction pour l'ensemble des travailleurs immigrés. Cette mesure s'inscrivant dans le cadre de la politique du regroupement familial, seul le nombre d'enfants résidant en France sera pris en compte lors de la délivrance des cartes de réductions " Familles nombreuses ".

Le Secrétaire d'Etat aux Transports, le Secrétaire d'Etat chargé des Travailleurs Immigrés préparent ainsi un décret en application de la décision prise par le Gouvernement.

Par ailleurs, le Secrétaire d'Etat aux Transports a prévu l'inscription au budget de 1976 d'un crédit de 15 millions. En effet, le remboursement par le budget de l'Etat de la perte des recettes qui résulte pour la S.N.C.F. et la R.A.T.P. des réductions qui lui seront ainsi imposées doit d'ores et déjà être prévu dès l'entrée en vigueur de cette mesure, soit le 1er janvier 1976 ".


9. Education.


1973-1974
Le Médiateur avait suggéré au ministère de l'Education une amélioration du système actuel d'attribution des bourses d'enseignement ; en particulier, la rigidité du barème fondé sur les ressources familiales et les points de charge devraient être assoupli pour tenir compte des situations particulièrement dignes d'intérêts ou très voisines des limites fixées (cf. Rapport de 1973).

Le ministère a précisé que les améliorations suivantes ont été apportées :

" a) Simplification des formalités et aménagement des procédures :

La fiche d'état civil est supprimée ainsi que l'imprimé de déclaration des ressources. Les familles justifieront de leurs revenus soit par la production du document mécanographique établi par l'administration fiscale et adressé aux contribuables, soit par une " déclaration sur l'honneur " pour les familles non imposables.

En outre, les demandes de bourses devront être déposées auprès des secrétariats d'établissements avant le 31 janvier 1976, ce qui permettra aux rectorats et inspections académiques d'informer les familles des décisions d'octroi ou de refus de bourse avant le 31 mai 1976.

b) Innovation en la matière : le Ministre a demandé à l'agence nationale pour l'emploi d'informer systématiquement chaque nouveau chômeur de la possibilité qui lui est offerte de solliciter une bourse provisoire pour ses enfants et ceci même au-delà de la date limite de dépôt des demandes de bourses.

c) Relèvement du plafond des ressources et modification des points de charge :

Les plafonds des ressources au-dessous desquels une bourse petit être accordée seront relevés de 12 % et la part de bourse sera portée de 147 F à 157,50 F, soit une augmentation de 7,11 %.

De la même manière, le crédit complémentaire spécial mis chaque année à la disposition des recteurs et des inspecteurs d'Académie pour aider les familles se trouvant dans des situations difficiles mais dont les ressources dépassent les plafonds prévus, sera porté de 12 à 15 % de la somme consacrée aux bourses nouvelles pour l'année scolaire 1976-1977.

Afin d'aider les familles les plus défavorisées, le Ministre a décidé qu'un point de charge supplémentaire serait attribué dans les trois cas suivants :

i/ quand le père ou la mère du candidat élève seul un ou plusieurs enfants (3 points au lieu de 2 précédemment) ;

ii/ quand le candidat boursier habite dans une commune rurale de moins de 2.000 habitants qui ne possède pas d'établissement scolaire du second degré (cette situation n'était pas prise en considération auparavant) ;

iii/ quand un enfant de la famille du candidat est atteint d'une infirmité permanente ne donnant pas droit à une allocation d'éducation spécialisée (2 points au lieu de 1 attribué précédemment). "

Ces mesures prises en fonction des moyens disponibles représentent une amélioration certaine du régime antérieur, tant sur le plan de la réglementation que sur celui des possibilités offertes aux familles d'obtenir l'aide de l'Etat.



D. LES PROGRES REALISES EN MATIERE D'INFORMATION DU PUBLIC


Chargé d'un contrôle sui generis de nos services publics, à partir de l'" écoute " de leurs usagers, le Médiateur se trouve naturellement placé au coeur du problème de la communication entre Administration et administrés.

S'il est devenu courant de dénoncer la manie du secret de notre Administration, de s'effrayer de la profondeur du fossé dont elle s'entoure, on commence aujourd'hui à percevoir que l'Administration n'a jamais fait en cela que profiter de l'absence, en France, d'un véritable droit à l'information reconnu aux individus.

Cette situation, à bien des égards choquante, a conduit depuis quelques années les pouvoirs publics à commander des études sur un problème qui, parallèlement, attire de plus en plus l'attention des spécialistes du droit et de la science administrative.

Dans l'étude de ce problème, trois distinctions s'imposent successivement :

- Il y a une communication qui s'établit de l'Administration vers ce qui l'environne, et en premier lieu le public : c'est l'information " sortante ", ou " descendante " ;

- Mais il faut, à l'évidence, considérer aussi l'information dans son trajet inverse, qui, de l'administré, peut l'amener aux plus hauts niveaux de l'appareil administratif ; information " entrante ", puis " ascendante " ;

- L'Administration peut émettre (ou retenir, ou refuser d'émettre) des informations de nature très diverse. De sa communication ou de sa rétention, il est donc naturel - sinon tout à fait exempt d'arbitraire - de distinguer la communication ou la rétention de pièces, de dossiers, de documents en général - toutes choses évidemment matérielles : au " défaut d'information ", fera ainsi pendant la " non-communication de documents ".

La non-communication des motifs d'une décision administrative est un cas particulier de défaut d'information, mais quand on parle de la " non-motivation des décisions administratives ", on a en vue quelque chose d'assez profondément différent : là, ce qui importe, c'est la nature de la décision et le contenu de ses motifs ; et s'il y a problème de communication, c'est avant tout celui que pose la licéité ou l'opportunité de cette communication.

Le Médiateur, on va le voir, a rencontré de très bonne heure les problèmes de l'information sortante ou entrante. Mais ce n'est que depuis peu que les réclamations en nombre suffisant l'ont mis en présence des difficultés soulevées par la non-communication des documents et par la non-motivation des décisions administratives.

Le défaut d'information.

Le Médiateur avait déjà souligné, dans son Rapport de 1973 avec quelle fréquence les appels qu'il recevait le mettait en présence d'une insuffisante information du réclamant et combien fondamentale lui apparaissait l'idée qu'à l'origine de telles situations, il y avait la méconnaissance, par l'Administration, de ce véritable devoir d'information qui lui incombe, parce qu'il est de l'essence même du service public.

Du grand nombre des appels de ce genre se dégageaient d'ailleurs ces constatations évidentes : nul ne peut accepter sans peine une décision dont il ne comprend pas le sens ou la raison ; et en corollaire, toute décision comprise est mieux acceptée.

Or, il est à noter - en 1975 comme pour les années précédentes - que maintes affaires soumises au Médiateur concernaient une décision par laquelle l'Administration avait fait une exacte application de la règle (législative ou réglementaire), sans pour autant prendre la peine d'expliquer sa décision ni même de rappeler cette règle.

Dans de tel cas, le Médiateur ne peut évidemment faire obtenir satisfaction au réclamant.

Mais il se doit - et il l'a fait, systématiquement, depuis les débuts de sa mission - d'adresser à cet administré qu'il déçoit, une réponse où, au moins, celui-ci pourra trouver toutes les informations nécessaires, et souvent avec le plus grand détail, sur les raisons qui justifiaient la décision critiquée. Ainsi renseigné, aucun point de l'affaire n'ayant été laissé dans l'ombre, le réclamant retire, au moins de son contact avec le Médiateur, le réconfort d'avoir été traité en interlocuteur véritable, puisque digne d'être complètement informé.

Telle a donc été la première " entrée " du Médiateur dans le problème de la communication administrative : jouer lui-même le rôle d'informateur, au lieu et place d'une Administration trop souvent insoucieuse d'expliciter les règles sur lesquelles son action s'appuie, et le processus de leur application.

Et comme les réclamations rejetées sont nombreuses, comme même le réclamant satisfait reçoit, lui aussi, une réponse articulée, il s'ensuit que ce rôle d'informateur occupe une place considérable dans les activités de l'institution.

La responsabilité de l'Administration en la matière n'est cependant pas toujours aussi diffuse : dans nombre de cas, le défaut d'information à sa charge apparaît suffisamment circonscrit - il se manifestera, par exemple, dans la lettre particulièrement hermétique adressée à un administré (Cf. infra, Annexe) - pour que le Médiateur puisse fonder sur une base précise une intervention qui souvent aboutira à l'amélioration de la situation dénoncée, ou à un engagement de l'améliorer.

C'est ainsi qu'à la suite de la réclamation (n° I-795) - rejetée - d'un appelé au service militaire qui, victime d'un accident au cours d'une permission, s'en était vu refuser la réparation, le Médiateur est intervenu afin que soit apportée aux appelés une information plus étendue sur leurs droits. A la suite de cette demande, le ministère de la Défense fait maintenant figurer dans deux notices distribuées aux appelés la mention qu'ils sont garantis " sauf faute caractérisée de leur fait... contre toute risque d'accident, mais uniquement pendant le séjour à l'unité... et sur les trajets directs lors de l'appel, des permissions... et de la libération " (Cf. supra).

De même, un des résultats de sa " recommandation et proposition " n° 1085 en date du 10 octobre 1974, et relative aux dispositions de l'article 55 du Code des pensions (Cf. infra, Annexe B), a été d'engager le ministère de l'Economie et des Finances et le secrétariat d'Etat à la Fonction publique dans l'élaboration commune d'un document qui répondrait aux principales préoccupations des fonctionnaires devant partir à la retraite, notamment en ce qui concerne leurs droits et leurs obligations, ainsi que la procédure à suivre, et qui serait adressé à chaque agent avant l'âge normal de son départ à la retraite. Il ne fait pas de doute qu'un tel document préviendrait bien des erreurs, et tarirait la source de bien des litiges dont, comme on le sait, le Médiateur est fréquemment, et parfois indûment, saisi.

Par ailleurs, le Médiateur a constaté avec satisfaction l'étendue de l'effort déployé par l'institution de la Mutualité sociale agricole pour améliorer l'information de ses adhérents : organisation de structures spécialisées chargées de la " fonction information ", à la fois dans les Caisses et à l'échelon national ; amélioration de l'information écrite an moyen de documents divers et par la simplification des imprimés à remplir par l'adhérent ; amélioration aussi de l'information orale, et extension de l'information audiovisuelle ; recherches, enfin, sur l'efficacité de l'information, tenant compte, en particulier, des moments de la vie de l'adhérent où le besoin d'information est le plus pressant, et dans cette optique, développement de la " préliquidation " des droits, amélioration des notifications comme des demandes d'avantages de vieillesse, etc. Toutes ces actions forment un ensemble très complet, et qui pourrait être cité en exemple à bien des services de notre Administration.

On peut également noter dès maintenant que la circulaire adressée le 14 octobre 1975 par le Ministre du Travail aux directeurs régionaux de la sécurité sociale et qui est relative à l'amélioration des formulaires administratifs utilisés par les organismes de sécurité sociale, reproduit les considérations sur le problème de l'information des administrés développées par le Médiateur dans son Rapport de 1973.

La non-communication de documents : vers la reconnaissance d'un droit à l'information.

Les affaires où ce problème s'est posé (Cf. infra, Annexe B, nos I-1434 ; I-1621 ; II-154 ; II-163) ont porté surtout sur les difficultés rencontrées par les réclamants pour obtenir communication de documents ou de dossiers médicaux les concernant, ou concernant un très proche parent. Aussi réduit soit-il, cet éventail d'affaires montre que la communication des documents administratifs aux intéressés eux-mêmes, ou à des tiers intéressés, est chez nous mal organisée, et que, quand elle l'est, ce n'est pas sans réticence que l'Administration se dessaisit de ce qu'elle considère comme sa " propriété ".

C'est que, comme on l'a fait observer (C. Braibant, N. Questiaux, C. Wiener : " Le contrôle de l'Administration et la protection des citoyens ". Editions Cujas, Paris, 1973), la France est " un des pays où le secret des affaires demeure le mieux défendu ". Alors que, dans d'autres systèmes juridiques, la publicité de l'action administrative est de principe général, nous continuons à vivre sous une " règle du secret ", règle d'ailleurs non écrite, mais renforcée par l'obligation de discrétion imposée aux fonctionnaires ainsi que par une réglementation très stricte de l'accès aux archives, et qui n'admet d'exceptions que dans les domaines limités (administration communale, adjudications, urbanisme...).

Mais le problème vient d'être étudié de façon approfondie, dans son deuxième rapport (" La coordination documentaire. L'accès du public aux documents administratifs. " (La Documentation Française, Paris, 1974.)), par la " Commission de coordination de la documentation administrative ", constituée auprès du Premier Ministre en novembre 1971, et le Médiateur ne peut que se déclarer d'accord sur les constatations faites et les propositions émises par cette Commission.

Il paraît incontestable, en effet, que l'instauration d'un droit à l'information reconnu aux individus aurait diverses conséquences, toutes bénéfiques, comme d'" accroître la protection de l'Administration " contre elle-même, de contrebalancer ses prérogatives, de " renforcer son contrôle, de tirer enfin (toutes) les " conséquences du droit de citoyenneté ".

Le Médiateur estime donc an plus haut point souhaitable, avec la Commission, que les principes généraux de ce droit à l'information soient posés le plus tôt possible par le législateur.

Il lui est apparu, toutefois, que la liste des documents à l'égard desquels la Commission estime qu'un droit à l'information doit être reconnu, était, curieusement, limitée à des documents " généraux ", qui ne reflètent l'activité administrative que dans ce qu'elle a de proprement " réglementaire ". Il considère que la loi envisagée devrait également traiter de l'accès possible des intéressés aux documents particuliers constituant le " dossier de leur affaire ".

Rappelons qu'il demandait déjà, dans son Rapport de 1974 qu'une " réflexion approfondie soit conduite sur l'ensemble du problème de ce qu'il est convenu d'appeler " la transparence administrative ", c'est-à-dire l'accès des citoyens aux travaux et documents des services publics ". Et, d'ailleurs, le premier objectif de son action en matière de promotion de réformes ne s'intitulait-il pas " une information étendue et une administration transparente " ?

L'obligation de motiver ne saurait cependant être absolue dans tous les systèmes juridiques qui la posent en principe, il est exclu qu'elle puisse porter atteinte à des intérêts publics ou privés. De plus, lorsque la décision est favorable à l'intéressé, cette obligation ne s'impose pas.

Sous ces réserves, le Médiateur estime que comme le " droit de la communication ", un " droit de la motivation " devrait être organisé, également par une loi, dans le cadre de la reconnaissance du " droit à l'information " en général.

La non-motivation des décisions administratives (Cf. infra, Annexe B, nos 1275 ; I-218 ; I-125).

Dans l'ensemble, la non-motivation des décisions qu'on leur oppose est très mal ressentie par les administrés. Ce problème, voisin de celui posé par la non-communication des documents administratifs, est d'ailleurs tout aussi actuel, et tout aussi débattu (Cf. Braibant, Questiaux, Wiener, op. cit.).

Sans méconnaître les difficultés auxquelles se heurterait une communicabilité généralisée des motifs - en particulier la surcharge administrative qu'elle entraînerait - il apparaîtrait souhaitable qu'au moins les décisions de refus soient motivées, de manière que la contestation de la décision puisse porter sur les motifs qui l'ont inspirée.

C'est la solution adoptée dans certains des pays étrangers qui ont posé en règle générale de droit l'obligation de motiver. Mais on sait que notre pays n'est pas dans ce cas, et qu'abstraction faite des textes qui imposent cette obligation dans des domaines spéciaux, c'est la jurisprudence qui s'efforce de la généraliser.

Information " entrante " et " ascendante ".

En ce qui concerne l'information entrante, le Médiateur signalait déjà dans son Rapport de 1973 l'importance que revêtait l'amélioration des imprimés et formulaires administratifs, dans le sens de la clarté et de la simplicité.

Son intérêt pour la question ne s'est pas démenti depuis, et il a eu plusieurs occasions, en 1975, de signaler à l'Administration compétente l'opportunité de transformer certains de ces imprimés (notice diffusée par l'U.C.A.N.S.S. (Union des caisses nationales de sécurité sociale) sous le titre " notions générales sur les avantages vieillesse de la sécurité sociale " notamment).

On rappellera d'autre part (cf. supra) que l'action d'information entreprise par l'institution de la Mutualité sociale agricole fait une large place à l'amélioration des formulaires et imprimés.

Quant à la circulaire du Ministre du Travail en date du 14 octobre 1975, elle appelle à une révision générale des formulaires utilisés par les bénéficiaires et les tributaires de la sécurité sociale, révision qui devra se faire suivant une procédure aussi déconcentrée que possible, et avant tout fondée sur la concertation avec les intéressés. Dans la définition des critères d'examen des formulaires, le Ministre insiste notamment sur la nécessité d'employer pour leur rédaction un langage simple, d'y éviter le style comminatoire, d'y expliciter les demandes de l'Administration ainsi que les motifs des rejets, d'y désigner avec précision le service expéditeur, et le cas échéant, d'y mettre en évidence les délais de forclusion ou de recours ; la présentation matérielle des documents fait aussi l'objet de directives, tendant à la simplification et à l'allégement de la tâche imposée à l'administré.

L'initiative du Ministre du Travail répondait en particulier aux préoccupations du Comité d'usagers institué auprès de lui ; - il est bon de rappeler à ce propos que les Comités d'usagers se sont attaqués au problème de l'imprimé administratif dans toute sa généralité : le Médiateur se tient naturellement attentif à la suite donnée à leurs travaux, dans ce domaine comme dans les autres.

Le Médiateur favorise également la circulation de l'information ascendante stricto sensu, c'est-à-dire dans son trajet vers les sommets de la hiérarchie administrative. En informant les pouvoirs publics à un haut niveau, tant sur le fonctionnement défectueux de certains services que sur I'interprétation erronée qui est faite de certaines réglementations (Cf. supra), ainsi que par l'ensemble de l'action qu'il mène en faveur de la promotion de réformes, il fait en effet prendre conscience à l'Administration de tous les problèmes qui peuvent se poser à la base. C'est ainsi, par exemple, que des retards dans la liquidation d'une pension due à la carence d'une caisse algérienne, ont été portés à la connaissance du ministère du Travail pour qu'il en soit fait état dans le cadre des négociations franco-algériennes sur la sécurité sociale.

Le Médiateur contribue de cette façon à rendre moins fondé l'un des reproches les plus couramment adressés à notre appareil administratif, à savoir que " l'information n'y monte pas ".

En conclusion, le Médiateur demeure fidèle, sur ces problèmes, à la position d'ensemble exposée dans son Rapport de 1973 (sans aucunement tenir pour négligeables les initiatives prises par les pouvoirs publics pour améliorer la communication entre Administration et administrés, notamment par la création d'institutions ad hoc (cf. Rapport de 1974), il persiste à considérer - et il n'est pas le seul que la seule approche du problème qui puisse laisser espérer sa solution radicale, est une approche psychologique. Il pense qu'une information " portable " devrait remplacer dans la plus large mesure possible l'information " quérable ". C'est ce devoir qui devrait entrer dans la conscience administrative, et faire de chaque fonctionnaire - pas seulement de l'agent de guichet - le véritable et le meilleur promoteur de cette communication tant recherchée. Mais tout cela supposerait, évidemment, un changement considérable dans les mentalités et, partant, dans les programmes de formation de nos fonctionnaires.

Dans la ligne indiquée par la Commission de coordination de la documentation administrative, le Médiateur propose que des dispositions d'ordre législatif et réglementaire viennent, le plus tôt possible :
Aujourd'hui l'expérience acquise depuis 1973, et les nouveaux problèmes rencontrés conduisent le Médiateur, en accord avec les conclusions convergentes de tant de spécialistes, et les travaux de commissions ci-dessus mentionnés, à déclarer aux pouvoirs publics qu'il est temps de prendre en ce domaine les premières dispositions qui s'imposent dans la poursuite de ces objectifs.

SECTION II. - LES PROBLEMES NON ENCORE RESOLUS


A. LA MISE EN CAUSE DE PRINCIPES


1. Principes de portée générale.

a) LES CONSEQUENCES INEQUITABLES DU PRINCIPE DE NON-RETROACTIVITE DE LA REGLE DE DROIT

Depuis les débuts de l'institution, l'examen de nombreuses réclamations a conduit le Médiateur à la conviction que dans certains domaines - et principalement en matière sociale - l'application systématique du principe de non-rétroactivité de la règle de droit (auquel il faut ajouter le principe de non-rétroactivité des décisions de jurisprudence, dont se prévaut également l'Administration) devait dans de nombreux cas être considérée comme contraire, non seulement a la simple équité, mais peut-être aussi, soit à l'esprit véritable des dispositions de l'article 2 du Code civil, soit à la hiérarchie des " principes généraux du droit " dégagés par la jurisprudence administrative.

Cette conviction, le Médiateur en a fait part à chaque occasion au département ministériel concerné - sans nourrir aucune illusion sur le résultat concret que pouvaient avoir de telles prises de position. Il l'a publiquement exposée, en l'appuyant d'un commencement de discussion théorique, dans son Rapport de 1973, et rappelé dans le Rapport de 1974 (n° I-1173 ; n° 1099 ; ibid., al. 3 et 4 : n° 964 ; cf. aussi n° 767 et nos I-177 et I-689).

Certes, " la loi ne dispose que pour l'avenir ", et le principe de non-rétroactivité des actes administratifs a été élevé depuis longtemps par la jurisprudence au rang des principes généraux du droit ayant valeur législative.

Mais, outre que la règle posée à l'article 2 du Code civil, n'étant pas d'ordre constitutionnel, n'interdit pas au législateur de faire, s'il lui paraît bon, des lois rétroactives ; outre que le principe jurisprudentiel correspondant admet de notables exceptions, il semble difficilement contestable que si la règle de non-rétroactivité s'est établie avec tant de force à travers toutes les sources de notre droit, c'était dans le but essentiel d'éviter la détérioration imprévue de situations juridiques, nées du contrat ou de la loi, et que leurs titulaires pouvaient croire stables.

Or, les cas exposés au Médiateur nous placent dans l'hypothèse exactement inverse : ce que la loi, la jurisprudence ou le règlement nouveau apporte, ce sont des avantages, non des préjudices, et l'on conçoit mal que l'" avantage imprévu " requière comme le " préjudice imprévu ", l'existence d'un principe de garantie - d'autant plus que personne n'a jamais songé à critiquer dans un autre domaine le principe, non moins bien établi, de la rétroactivité des lois pénales plus douces...

Ne faut-il pas, dans ces conditions, avoir poussé un peu loin l'" esprit de symétrie ", pour en être venu à considérer comme allant de soi l'application du principe de non-rétroactivité de la règle de droit, en un domaine où sa justification théorique semble bien n'avoir jamais existé ?

On ne saurait pourtant nier que cette extension, théoriquement abusive, conserve un certain nombre de justifications pratiques :

Il est vrai, par exemple, qu'émettre des lois ou des règlements rétroactifs en matière sociale obligerait souvent à une révision coûteuse, difficile, dans certains cas impossible, des situations anciennes.

Il est à peine besoin de remarquer que lorsque le nouveau texte apporte une novation importante dans la situation juridique des sujets de l'ancienne loi - par exemple, en assortissant les nouveaux droits de nouvelles obligations - une discrimination peut paraître s'imposer, et la non-rétroactivité se justifier. Il en est ainsi, notamment, en matière de statut de la fonction publique, où il n'existe pas de droits acquis - encore que, même dans ce domaine, il y aurait matière à discussion.

Enfin on ne peut sérieusement écarter l'incidence des choix budgétaires et des choix politiques qui les sous-tendent : il est à l'évidence extrêmement tentant, pour un Ministre qui ne dispose que d'une " enveloppe budgétaire " ... par définition insuffisante…, de distribuer sa manne de façon sélective : les bénéficiaires, " gens de l'avenir ", auront la plus grosse part, sinon le gâteau tout entier ; les exclus, " gens du passé ", recevront " quelque chose " par une autre voie. L'opération revêt ainsi une apparence " progressiste " qui pourrait faire illusion, si l'on perdait de vue que le progrès social ne nécessite pas, ou tout au moins pas de façon aussi systématique, le sacrifice des plus vieux au profit des plus jeunes.

Il n'est pas dans les intentions du Médiateur d'engager une lutte systématique contre de tels agissements ; il souhaiterait simplement qu'on n'invoque plus à leur propos la majesté intangible d'un principe abusivement appliqué, et qu'à partir d'une analyse, rendue ainsi beaucoup plus souple, de la situation des ensembles de personnes concernées par une éventuelle amélioration de leur sort, Gouvernement et Parlement s'efforcent d'adopter des solutions moins dogmatiques, plus adaptées, plus conformes à l'équité et même à la justice.

On considérera, dans cet esprit, les trois principaux cas qui peuvent se présenter :

- si le nombre des personnes choisies pour être les bénéficiaires de l'avantage nouveau est faible, et doit demeurer faible pendant une longue période, par rapport à celui des exclus, la non-rétroactivité peut s'admettre, sinon se justifier - à la condition toutefois que l'avantage consenti soit assez modéré (au moins au début) pour ne pas créer, dès le début, une distorsion qui serait vivement ressentie par la masse des exclus ;

- mais dans la situation moyenne, où à une masse importante de " bénéficiaires d'avenir ", s'oppose une masse comparable de titulaires de situations anciennes, l'auteur du texte se trouve soumis à des contraintes peu compatibles entre elles : les crédits dont il dispose sont amples - ce qui, en toute rigueur, devrait le conduire à accorder un avantage égal à tous ; mais leur montant, tout de même limité, ferait que cet avantage serait faible : il est alors extrêmement tentant, comme on l'a signalé plus haut, d'opérer une dichotomie entre bénéficiaires et exclus ; les premiers seront substantiellement satisfaits (progressivement, si les crédits disponibles ne permettent pas le passage immédiat à l'opulence pour tous) ; les seconds, livrés désormais au sort des " prestataires non contributifs ", pourront cependant bénéficier d'avantages " de rattrapage ", dont l'évaluation " équitable " ne pourra Manquer de donner lieu à d'infinies discussions. Telle est exactement la situation que le Gouvernement doit aujourd'hui affronter, face aux porte-parole des exclus, partiels ou totaux, de la " réforme " de l'assurance-vieillesse (cf. infra) ;

- à l'opposé du premier cas, lorsque la masse des bénéficiaires pour l'avenir écrase celle des " anciens ", aucun argument budgétaire ne vient plus s'opposer à la rétroactivité de l'avantage, quelle que soit l'importance de celui-ci ; c'est le cas, notamment, d'un bon nombre de dispositions prises en matière de pensions civiles et militaires, surtout lorsque les avantages octroyés avaient un fondement d'ordre plutôt qualitatif (non pas totaliser tant de trimestres d'assurances, mais, par exemple, avoir élevé un orphelin à son foyer, ou devoir assister un parent infirme...). Dans de tels cas, le Médiateur ne devrait pas être seul à considérer que l'application du principe de non-rétroactivité constitue un non-sens.

Le problème de l'application du principe de non-rétroactivité de la règle de droit semble avoir pris aujourd'hui une particulière acuité, puisque c'est une véritable " émotion parlementaire ", grossissant depuis plusieurs années, que l'on devine résumée et comme exaspérée dans de récentes questions posées au Gouvernement sur ce sujet.

Les plus significatives de ces questions ont porté sur deux " progrès " récents de notre législation sociale ; les nouvelles modalités de calcul des pensions de vieillesse de la sécurité sociale fixées par la loi du 31 décembre 1971 sur la réforme de l'assurance-vieillesse ; l'octroi aux ayants cause des femmes fonctionnaires ou agents de collectivités locales du droit à pension de réversion (art. 12 de la loi de Finances rectificative pour 1973, et décret n° 74-844 du 7 octobre 1974). Leurs auteurs s'y élevaient naturellement contre la non-rétroactivité de ces dispositions.

Notons tout de suite qu'effectivement, c'est la situation de personnes exclues du bénéfice des avantages nouveaux qu'une loi ou un règlement apportait en matière de pensions de vieillesse ou de retraite, qui forme le thème de la quasi-totalité des réclamations à partir desquelles le Médiateur a été conduit à s'interroger sur l'application du principe de non-rétroactivité de la règle de droit : on trouvera, à l'Annexe B (Cf. infra, les affaires nos II-1081 et II-1358 ; I-1568), l'analyse des plus marquantes de ces réclamations.

Il est bien évident que lorsque l'auteur d'un texte de loi ou de règlement fait dépendre le bénéfice de l'avantage qu'il octroie (l'ouverture d'un droit ou l'amplification d'un droit existant) de la position, par rapport à une date de référence, d'un certain événement ayant marqué la " vie administrative ", ou même la vie tout court, des sujets de droits régis par l'ancienne législation, il divise ipso facto ces sujets en deux catégories antagonistes : celle des bénéficiaires et celle des exclus, des " laissés pour compte ". Mais c'est une pétition de principe que d'invoquer le principe de non-rétroactivité de la règle de droit pour postuler que cette division doive être opérée, systématiquement, dans tous les cas et dans tous les domaines (en matière de pensions de vieillesse comme en matière de constructibilité de terrains...) - comme si le bénéfice de toutes les lois et de tous les règlements devait être nécessairement subordonné à des conditions discriminatoires, devenant même des conditions injustes, lorsqu'elles se fonderaient uniquement sur l'inégalité des âges et la diversité du cours des existences humaines...

Où cela est-il écrit ? Et où est-il écrit, en particulier, que la distribution d'une masse donnée de crédits, permettant d'améliorer le sort d'une catégorie de personnes, ne puisse s'effectuer également entre toutes ces personnes ? Dans de telles circonstances, le principe de non-rétroactivité ne devrait-il pas, au contraire, s'effacer devant cet autre, de rang assurément plus élevé : celui de l'égalité de tous les citoyens devant les libéralités de la loi - pour ne pas dire devant la loi tout court ?

Et quant à proclamer, non seulement que le principe de non-rétroactivité des lois serait partout intangible, mais encore que sa stricte et constante observation constituerait la condition nécessaire de tout progrès législatif... c'est d'abord outrer de façon tout à fait illégitime la thèse de ceux qui souhaiteraient simplement une application moins systématique de ce principe ; et c'est aussi donner à croire que ce progrès ne saurait se faire que dans l'inégalité, et sous la dépendance exclusive de choix budgétaires, dont la " rationalité " - en matière sociale précisément - apparaît assez difficile à établir.

C'est sur ces bases que le Médiateur a demandé au Conseil d'Etat d'étudier le problème, de manière à ce que puissent être dégagées, sinon une doctrine, du moins les directions d'une pratique, qui permettrait d'introduire plus d'équité et de justice, en même temps que plus de cohérence, dans le développement de notre législation, notamment en matière sociale.

b) LES PROBLEMES POSES PAR LA FORCLUSION

De nombreuses réclamations soulèvent, à titre principal ou accessoire, un problème de forclusion.

La question préoccupe depuis longtemps le Médiateur, qui lui consacrait déjà un développement dans son Rapport de 1973 ; il a demandé au Conseil d'Etat d'en faire une étude exhaustive à partir des deux constatations principales qui s'imposent à l'examen des dossiers de l'espèce :

- Les délais de forclusion sont trop souvent ignorés de ceux qu'ils menacent. D'où l'idée d'une amélioration nécessaire, sur ce point, de l'information des administrés.

- Il y a des forclusions qui peuvent paraître inéquitables, voire injustes. C'est l'impression, en particulier, que l'on ressent dans bien des cas lorsque s'appliquent les véritables privilèges que la loi accorde à l'Etat débiteur ou créancier, au détriment de ses créanciers ou débiteurs individuels. D'où cette deuxième idée qu'il serait souhaitable, et peut-être possible, d'introduire un peu plus d'équité dans ce genre de rapports entre la puissance publique et les administrés.

Forclusion et information.

Trop souvent la forclusion semble venir sanctionner la simple ignorance de l'administré, et non pas sa " négligence consciente ", qui en serait pourtant le seul fondement légitime (cf. Rapport de 1973, loc. cit.). S'appuyant sur la maxime que " nul ne devrait pouvoir perdre son droit que de son fait exclusif ", le Médiateur estime qu'aucune forclusion ne devrait plus être prononcée sans que la preuve ait été préalablement faite que l'administré a été pleinement et par tous les moyens, renseigné sur son droit.

C'est proposer de renverser la " charge de la preuve " ; c'est dire à l'Administration que l'exercice de son " devoir d'information " (Cf. supra) s'impose à elle de façon particulièrement impérative lorsque le défaut d'information peut porter sa conséquence la plus grave la forclusion.

Cette information pourrait être améliorée de bien des manières :

On songera d'abord à quelques modifications élémentaires dans le mode de notification des décisions : obligation de mentionner en caractères particulièrement apparents les délais du recours et les formes de son exercice ; obligation, même pour les services de la juridiction ou de l'Administration concernée, de faire figurer en clair, sur la notification, la date de forclusion applicable à l'espèce (Il est vrai que, comme un réclamant le déplore (voir l'analyse de sa réclamation à l'annexe B), toutes les notifications de jugement ne doivent pas nécessairement porter l'indication des délais de recours... ce qui apparaît à peine croyable). A ce dernier sujet, l'examen de toutes les situations possibles montre qu'il ne pourrait jamais y avoir problème en cas de mention erronée : si la date figurant sur la notification dépasse le terme légal exact, l'intéressé bénéficiera légitimement de cette prolongation, l'erreur commise ne pouvant lui être opposée ; dans le cas inverse, il ne sera admis à agir que jusqu'à ce terme légal.

On a songé aussi à créer dans les institutions administratives une sorte d'" organisme d'appel " qui pourrait être conduit, dans certains cas exceptionnels, à relever de la forclusion ceux qui en auraient été les victimes, non par négligence de leur part, mais faute d'une information préalable que l'Administration dont ils relevaient ne leur aurait pas fournie, ou leur aurait mal fournie.

La proposition est généreuse, mais on peut craindre qu'elle ne conduise, soit à l'institution d'un troisième degré de juridiction administrative, soit à celle d'un " Médiateur administratif ".

De plus, les problèmes de la forclusion n'intéressant évidemment pas uniquement les agents publics, c'est vers des solutions plus générales, et encore plus difficiles à mettre en oeuvre, que l'on devrait nécessairement se tourner.

Mais, comme on l'a noté, il existe certainement d'autres moyens d'améliorer l'information des personnes menacées de forclusion, ou de sanctionner le défaut d'information en ce domaine : l'étude demandée au Conseil d'Etat sur le problème les fera sans doute apparaître.

Les injustices de la forclusion.

Une réclamation notée au Rapport de 1973 et reprise sous la rubrique du " légalisme administratif " a montré l'aspect inéquitable que pouvait revêtir, notamment en matière de sécurité sociale, ce qu'on peut appeler le " privilège de l'Etat créancier ". En effet, lorsqu'une somme a été versée à tort à un prestataire, l'Administration dispose, pour récupérer cette somme en exerçant l'action en " répétition de l'indu ", du délai de trente ans visé aux articles 1235 et 2375 du Code civil. En revanche, le ressortissant de la sécurité sociale qui est titulaire d'une créance contre cette institution, doit faire valoir ses droits dans un délai de deux ans, sous peine de les voir éteindre par la déchéance édictée à l'article L. 395 du Code de la sécurité sociale.

Il y a là un déséquilibre difficilement acceptable ; et d'ailleurs, comme le Rapport cité en fait mention, le Ministre alors chargé de la sécurité sociale acceptait parfaitement l'idée que ce déséquilibre puisse disparaître, puisqu'il estimait souhaitable et possible d'aligner les droits des organismes de sécurité sociale en matière de prescription acquisitive - lorsque les prestations indues auraient été acquises de bonne foi - sur les obligations limitant le recouvrement de ses créances par l'assuré social. Le Médiateur considère que cette prise de position va dans le sens de la justice et souhaiterait vivement qu'un projet de modification, sur ces bases, du Code de la sécurité sociale, soit rapidement mis au point.

Quant au " privilège de l'Etat-débiteur ", les règles applicables à la déchéance (quadriennale ou quinquennale) des créances sur les collectivités publiques en sont la manifestation la plus nette, et pour ainsi dire la plus " voyante ".

Le Médiateur a eu plusieurs occasions de mettre en doute le caractère inéquitable de ces déchéances :

- L'une lui a été fournie par l'affaire du paiement aux personnels militaires de l'" indemnité familiale d'expatriation " en Allemagne. (Rapport de 1973). Il ressort de l'analyse de ces nombreux dossiers que lorsqu'une affaire est soumise à la juridiction administrative, on peut dire que le temps travaille pour l'Administration : quelque favorable aux administrés que puisse être la décision finale des juges, le couperet de la déchéance aura permis d'éliminer, entre temps, une bonne partie des intérêts en cause.

- L'examen du cas des assistantes sociales de l'Etat dont la loi n° 55-402 du 9 avril avait rendu la titularisation possible, aux conditions fixées par un décret qui devait être pris dans les deux mois, autoriserait sur ce point des conclusions plus optimistes, tout au moins pour l'avenir.

En effet, la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 dispose que l'Administration ne peut invoquer la prescription pour s'opposer à l'exécution d'une décision passée en force de chose jugée.

Mais certaines assistantes sociales (Cf. infra, Annexe B, l'affaire n° I-80), qui avaient obtenu de la juridiction administrative la condamnation de l'Etat à une réparation pécuniaire destinée à compenser le retard apporté à leur titularisation effective (le Conseil d'Etat, dans des arrêts du 9 juin 1967, ayant estimé que cette titularisation n'aurait pas dû excéder le délai " raisonnable " d'un an après la date de la loi), se sont vues quand même frappées par la déchéance quadriennale, la loi précitée du 31 décembre 1968 n'ayant pas de portée rétroactive, et son article 9 précisant même qu'elle n'est pas applicable aux créances éteintes avant la date de son entrée en vigueur, soit le 1er janvier 1969.

Il y a là quelque chose de profondément choquant, puisque la forclusion dont les intéressés ont été victimes provenait du fait de l'Administration elle-même... ; et si l'on ne peut que s'incliner devant la volonté du législateur de 1968 de ne pas donner à son texte de portée rétroactive, du moins le Médiateur estime-t-il que l'Administration pourrait, en équité, reconsidérer les situations en cause.

Depuis le 1er janvier 1969, l'Etat peut donc se trouver parfois contraint de renoncer à l'exécution de son privilège de débiteur. Mais encore faut-il qu'il ait en face de lui une décision judiciaire passée en force de chose jugée, ce qui laisse intact le problème de fond de la validité des déchéances.

Il est juste d'ajouter que, dans certains cas l'Administration a pu, de son propre mouvement, renoncer à l'application de la déchéance quadriennale (voir à l'Annexe B, l'analyse de la réclamation du créancier d'une collectivité publique secondaire en Algérie) (Cf. infra, l'affaire n° I-939). Elle l'a fait aussi, sur l'intervention du Médiateur, dans une affaire où le réclamant ne s'était pas montré particulièrement diligent, mais où elle aurait pu faire preuve de plus d'initiative (N° I-1353).

D'autres affaires, également analysées à l'Annexe B (Cf. infra, les affaires nos II-1365 ; 1673 ; et les affaires déjà citées nos II-2339 et I-80), ont montré les différents aspects que pouvait prendre le problème de la forclusion, sous sa forme la plus générale :

- Ainsi certains réclamants n'hésitent-ils pas à alléguer un défaut d'information pour s'élever contre une forclusion encourue.

- L'Administration, par ailleurs, manie parfois de façon extrêmement critiquable l'arme de la forclusion (par exemple en l'invoquant tardivement, ou en invoquant, et par deux fois, une forclusion inexistante... ; ou encore en commettant une erreur de droit grossière sur le point de départ d'un délai de recours). L'intervention du Médiateur l'a cependant amenée, dans les espèces citées, à revenir sur sa position, et à donner satisfaction au réclamant. Elle a même accepté dans un cas où la forclusion apparaissait régulièrement encourue, et son attitude irréprochable, d'accorder à l'intéressé les trois quarts de la réparation qu'il avait tardivement demandée.

- Enfin, apparaît dans plusieurs réclamations le problème posé par la non-rétroactivité de textes de loi qui ont levé les forclusions encourues dans certaines matières (pensions civiles et militaires : loi du 31 juillet 1962), et de certaines jurisprudences administratives (interprétation de l'article L. 18 du Code des pensions, relatif au droit à la majoration pour enfants).

En définitive, s'il ne paraît pas opportun d'ouvrir la possibilité de lever les forclusions qui demeurent nécessaires pour assurer la stabilité des situations juridiques, il convient de s'attacher à réduire les conséquences parfois inéquitables qu'elles engendrent.

Cela pourrait se faire, dans la ligne de ce qui a été dit plus haut, en développant au maximum l'information des titulaires de droits soumis à péremption. Quant aux " injustices " de la forclusion ci-dessus relevées, elles conduisent à considérer comme souhaitables et urgents, non seulement un " alignement " des délais, qui ferait disparaître les privilèges de l'Etat débiteur ou créancier, mais, plus généralement, une uniformisation aussi poussée que possible des délais de la forclusion, délais dont l'extrême diversité, telle qu'on peut la constater aujourd'hui, apparaît peu fondée, et en tout cas génératrice d'une confusion néfaste aux administrés.

Le Médiateur attire l'attention des pouvoirs publics sur cette nécessaire harmonisation, et souhaite que ses efforts ouvrent la voie à une solution équilibrée, reposant sur la pleine connaissance par les administrés de la limite de leurs droits.

c) L'ETAT DEBITEUR ET LE VERSEMENT D'INTERETS MORATOIRES

A l'occasion de l'étude ci-dessus sur les problèmes de la forclusion, il a été fait mention des prérogatives de l'Etat débiteur en ce qui concerne la déchéance, soit biennale (en matière de sécurité sociale), soit quadriennale.

Les prérogatives de l'Etat débiteur ne se limitent cependant pas à un déséquilibre entre les délais applicables à l'Administration et aux administrés. Il sera question ici d'un second type de prérogatives de l'Etat débiteur : le non-versement d'intérêts de retard au créancier.

Rappelons tout d'abord qu'un administré qui doit de l'argent à l'Etat se voit réclamer par ce dernier des pénalités en cas de retard de paiement. Ces pénalités représentent en fait, selon l'argumentation même de l'Administration, les intérêts sur la somme due.

On pourrait donc logiquement soutenir l'hypothèse inverse : pourquoi l'Etat débiteur ne verserait-il pas également une indemnité complémentaire à l'administré lésé par un retard de paiement ?

Mais actuellement, l'Etat n'est tenu au versement d'intérêts moratoires que lorsqu'il y a jugement.

En matière fiscale, jusqu'à un arrêt récent, un contribuable ne pouvait, en cas d'impôts versés à tort, prétendre à l'attribution de dommages et intérêts, que dans le cas où l'Etat succombait dans une instance fiscale (art. 1956 et 1957-1 du Code général des impôts).

Par ailleurs, la procédure d'indemnisation spéciale ne peut s'appliquer qu'en cas de faute d'exceptionnelle gravité de la part du fisc (n° I-211).

On doit noter cependant que la jurisprudence a subi récemment en cette matière un revirement d'importance : jusqu'à présent, en effet, les remboursements accordés par simple décision du directeur des services fiscaux statuant sur simple réclamation de l'intéressé, ne pouvaient - en vertu des principes énoncés ci-dessus - donner lieu à l'attribution d'intérêts moratoires.

Or, un arrêt du Conseil d'Etat du 30 octobre 1975 tend à considérer cette pratique comme " restreignant illégalement le champ d'application de l'article du Code général des impôts prévoyant le versement d'intérêts ".

Il en résulte que les remboursements d'impôts obtenus sur simple réclamation à l'Administration ouvrent maintenant droit aux intérêts moratoires (au taux du droit civil, soit actuellement 9,50 %), au même titre que ceux qui résultent d'une décision des tribunaux. Cette nouvelle jurisprudence non rétroactive, ne pourra s'appliquer aux cas dont le Médiateur avait été saisi ; il n'en demeure pas moins qu'elle va dans le sens de cet équilibre des situations respectives de l'Administration et de l'administré, qui est un souci constant du Médiateur.

Mais le problème du versement d'intérêts se pose dans bien d'autres domaines.

Ainsi, en matière d'équipement, ce n'est que lorsqu'il y a expropriation, et que l'indemnité est fixée par le juge de l'expropriation, que l'Administration est tenue au versement d'intérêts. En revanche, il n'en est pas de même en cas de vente dans le cadre d'une opération d'utilité publique, ou de simple vente amiable.

Or, il arrive qu'entre la promesse de vente et le versement du prix, il s'écoule un délai plus ou moins long. Le prix, fixé au moment de la promesse de vente, ne peut être par la suite modifié, si bien que le vendeur peut se trouver lésé (A ce sujet, cf. supra).

En ce qui concerne, enfin, les mesures de désintéressement gracieux, il est apparu également, lors de l'examen d'une réclamation, que l'Administration ne pouvait être tenue à verser des intérêts moratoires. Il s'agissait en l'espèce d'indemniser les armuriers installés en Algérie et dont les stocks avaient été saisis par le Commissariat de police. Ceux d'entre ces derniers qui avaient saisi la juridiction administrative, en se fondant sur la responsabilité pour faute du ministère des Armées, s'étaient vus accorder une indemnité assortie d'intérêts légaux. Ceux, en revanche, qui avaient bénéficié de la mesure de désintéressement gracieux prise par décision ministérielle du 15 juillet 1973 en faveur de l'ensemble des armuriers d'Algérie, n'avaient pu y prétendre.

Or, l'indemnisation a été établie d'après le prix des marchandises estimé à l'époque, c'est-à-dire il y a plus de dix ans... il paraît inutile de préciser ce que les créances ainsi arrêtées peuvent représenter aujourd'hui.

On peut conclure que si les prérogatives exorbitantes de la puissance publique se conçoivent lorsque cette dernière en use pour faire prévaloir un intérêt général qui ne peut manquer de léser des intérêts particuliers, en revanche, une telle distorsion entre les droits et les devoirs de l'Administration et ceux de l'administré, ne peut qu'entraîner chez ce dernier un sentiment, sinon d'injustice, du moins d'amertume, fort préjudiciable à l'esprit de concertation qui devrait tout au contraire présider aux rapports de l'Etat et des citoyens.


2. Principes régissant un secteur particulier de la législation.


a) LE PRINCIPE DE L'ANNUALITE DE L'IMPOT ET SES AMENAGEMENTS

Conséquence directe du principe de l'annualité budgétaire, le principe de l'annualité de l'impôt, d'application stricte, conduit à fixer pour l'année entière l'imposition des contribuables, en fonction de leur situation constatée au 1er janvier de l'année considérée.

En conséquence, les revenus perçus au cours d'une année ne pourront être rattachés qu'à l'imposition établie pour cette même année. En revanche, les modifications intervenues en cours d'année, fût-ce à l'avantage du contribuable, ne peuvent produire d'effet immédiat sur sa situation fiscale.

La garantie de stabilité qui en découle compense sans doute partiellement les inconvénients d'une situation figée par une périodicité annuelle. Ces inconvénients n'en ont pas moins été maintes fois dénoncés à l'occasion de réclamations adressées au Médiateur en 1975, comme d'ailleurs pendant les deux années précédentes.

Si, en effet, le Code général des impôts a prévu des aménagements de nature à atténuer la rigueur de ce principe de l'annualité - essentiellement en ce qui concerne la fiscalité directe locale et, de façon plus limitée, l'impôt sur le revenu des personnes physiques, les conditions fixées pour en bénéficier ont été expressément et limitativement prévues.

Ces aménagements, de par leur portée, ne sauraient en tout cas constituer de véritables " dérogations " au principe de l'annualité de l'impôt.
Ce problème avait déjà été évoqué par le Médiateur dans ses Rapports de 1973 et 1974, en ce qui concerne la taxe foncière et la taxe d'habitation. Le Parlement a renoncé à officialiser le principe d'une répartition " prorata temporis " de la charge fiscale lorsque des modifications interviennent en cours d'année, cette répartition ne pouvant provenir dans l'état actuel du droit que d'un accord entre les contribuables intéressés.

L'examen des affaires de 1975 n'a pu que conduire le Médiateur à maintenir ce constat :

- Ainsi le problème est particulièrement sensible lorsqu'un propriétaire vend un terrain soumis à la contribution foncière en début d'année, ou lorsqu'un locataire quitte son logement dans la même période (n° I-1649). Propriétaire ou locataire au 1er janvier de l'année, les intéressés sont bien redevables des taxes afférentes à toute l'année en cours. Certes, le vendeur ou l'ancien locataire peuvent se faire rembourser par l'acquéreur ou le nouvel occupant, " prorata temporis ", les taxes acquittées pour l'année entière. Mais il s'agit là d'une convention privée, dans laquelle l'Administration fiscale ne saurait intervenir pour contraindre les parties.

Le Médiateur a cependant relevé une hypothèse dans laquelle un fractionnement de la charge foncière apparaît possible : le problème était de savoir si l'exploitation d'un immeuble seulement deux mois par an justifiait une réduction des cotisations d'impôt foncier.

Le dégrèvement de la contribution foncière peut en effet être accordé en cas d'inexploitation d'un immeuble à usage industriel ou commercial, à partir du premier jour du mois suivant le début de l'inexploitation, et jusqu'au dernier jour du mois au cours duquel l'inexploitation a pris fin.

Il s'agit là d'un aménagement notable du principe de l'annualité de l'impôt foncier, mais le dégrèvement est soumis à la condition que l'inexploitation soit indépendante de la volonté du contribuable. Cette condition limite donc sensiblement la portée de l'assouplissement, et ne saurait en particulier s'appliquer aux exploitations périodiques.

La réglementation est à la fois plus précise et plus souple en ce qui concerne le fractionnement de la patente : en effet, lorsqu'un commerçant cesse définitivement son activité en cours d'année, et s'il produit un certificat de radiation du registre du commerce, la décharge de patente est de plein droit prononcée pour la période restant à courir jusqu'à la fin de l'année. La jurisprudence du Conseil d'Etat a même rapproché le point de départ de la période de décharge à la date réelle de cessation d'activité, même lorsque les formalités de radiation ont été accomplies tardivement, mais à condition toutefois que le certificat de radiation soit produit.

On pourrait parler, dans ce dernier cas, d'une réelle " dérogation " au principe de l'annualité de l'impôt : mais la perception de la patente étant liée à l'exercice effectif d'une activité commerciale, la dérogation va pour ainsi dire de soi (n° II-1918).

Il demeure, au plan général de la fiscalité directe locale, que l'application stricte du principe de l'annualité de l'impôt conduit à des situations inéquitables. Refusant d'exercer un pouvoir de contrainte à l'encontre des redevables " de fait " d'une contribution à des charges fiscales, l'Administration fiscale ne s'oppose pas à ce que ces redevables conviennent d'un fractionnement de ces charges. Il peut sembler paradoxal que l'Administration, acquiesçant à ce principe, se contente d'encourager les contribuables à parvenir à un accord amiable qui semble difficile à obtenir.
Lorsqu'au cours d'une année, un contribuable réalise un revenu exceptionnel, c'est-à-dire un revenu dont le montant dépasse la moyenne des revenus d'après lesquels il a été imposé au cours des années précédentes, il a paru opportun d'éviter que la progressivité de l'impôt n'aboutisse à soumettre ce revenu à une imposition excessive.

Dérogeant au principe de l'annualité, selon lequel les revenus perçus au cours d'une année doivent être imposés au titre de cette même année, le Code général des impôts prévoit que le contribuable peut demander une répartition de la charge fiscale supplémentaire sur l'année de la réalisation de ces revenus et les quatre années antérieures. La même solution a été retenue lorsqu'il s'agit de la disposition d'un revenu différé, tel qu'un rappel de traitement.

Si de telles dispositions sont de nature à apporter une atténuation sensible de la charge fiscale, elles peuvent cependant parfois sembler insuffisantes : ainsi lorsqu'un rappel de traitement n'est perçu, par la faute de l'employeur, que plusieurs années après, les charges fiscales du contribuable ont pu être modifiées dans l'intervalle, et le bénéfice de l'étalement de ce " revenu différé " peut ne pas compenser la perte réelle subie.

Le problème peut se présenter avec plus d'acuité encore en ce qui concerne les indemnités de préavis versées lors d'un licenciement en fin d'année. Ces indemnités étant considérées comme ayant le caractère d'une rémunération, sont imposables au titre de l'année de leur encaissement. La charge fiscale supplémentaire qui en résulte pour le chômeur peut paraître difficilement supportable, étant précisé qu'il ne peut bénéficier de l'étalement de ce revenu différé (n° I-1325).

Une telle réglementation apparaît trop stricte dans les circonstances économiques actuelles. Il serait opportun de faire bénéficier de l'étalement des revenus exceptionnels les licenciés pour motifs économiques qui perçoivent, à l'occasion de ce licenciement, des indemnités augmentant " artificiellement " leurs revenus, ou bien de considérer que l'encaissement de ces indemnités devrait être rattaché aux revenus imposables de l'année suivant le licenciement.

b) SECURITE SOCIALE : LE PRINCIPE DE L'INTANGIBILITE DE LA PENSION UNE FOIS LIQUIDEE
Dès lors que l'intéressé a reçu la notification de la liquidation de ses droits à l'assurance-vieillesse, cette liquidation ne peut plus, si elle a été effectuée sur la demande expresse de l'assuré, être remise en cause pour tenir compte, notamment, de versements afférents à une période postérieure à la date à laquelle a été arrêté son compte individuel d'assurances sociales, ou de dispositions nouvelles plus favorables intervenues postérieurement à sa demande de liquidation : c'est ainsi que l'article 71 § 3 du décret n° 45-0179 du 29 décembre 1945 formule le principe en question.

Ces dispositions ont été rappelées, notamment, à un réclamant qui contestait le point de départ de sa pension, fixé au 1er septembre 1972, et demandait qu'en raison de la poursuite de son activité et du versement de cotisations jusqu'au 31 décembre 1972, la date d'entrée en jouissance de sa pension soit reportée au 1er janvier 1973, ce qui lui aurait permis par ailleurs d'obtenir un avantage calculé, en application du décret du 29 décembre 1972, sur le salaire annuel moyen correspondant aux cotisations acquittées au cours de ses dix meilleures années civiles d'assurance depuis 1947 (réclamation n° II-1379).

Certes, il a été admis, par mesure de bienveillance (circulaire de la Caisse nationale d'assurance-vieillesse des travailleurs salariés n° 28/75 en date du 25 février 1975), que la liquidation d'une pension de vieillesse pourrait être annulée et reportée à une date postérieure à celle initialement fixée par l'assuré, en vue de lui permettre de bénéficier des dispositions plus favorables, lorsque la notification de cette pension est intervenue postérieurement à la date d'effet des textes nouveaux améliorant le régime des avantages de vieillesse. Mais, indépendamment de cette mesure, qui ne peut s'appliquer que très exceptionnellement, aucune dérogation au principe de l'intangibilité des retraites concédées n'est admise, et les assurés sociaux en ignorent trop souvent l'existence, bien que le caractère définitif de la liquidation des pensions soit signalé à leur attention dans l'imprimé qu'ils doivent remplir lorsqu'ils demandent la liquidation de leurs droits au regard de l'assurance-vieillesse.

C'est pourquoi, dans le souci d'une meilleure information des candidats à une pension de vieillesse, l'article 20 de la loi du 3 janvier 1975, qui apporte diverses simplifications en matière de pensions de vieillesse du régime général, prévoit que les caisses et services gestionnaires de l'assurance-vieillesse sont tenus d'adresser périodiquement à leurs ressortissants les informations nécessaires à la vérification de leur situation au regard des régimes dont ils relèvent.

D'autre part, la Caisse nationale d'assurance-vieillesse des travailleurs salariés s'oriente vers un précalcul de la pension à 59 ans. Le résultat de ce calcul, adressé à l'assuré avec un extrait de compte, lui permettrait, d'une part de faire son choix en connaissance de cause quant à la détermination de sa date de départ à la retraite, d'autre part de vérifier si son compte comporte des périodes présentant des lacunes.
Les pensions de vieillesse étant attribuées en contrepartie de cotisations, le montant d'une pension déjà liquidée ne peut être modifié que par la prise en compte, au vu des preuves fournies par l'assuré, de trimestres d'assurance non validés par l'organisme liquidateur.

C'est en effet à l'assuré d'apporter la preuve (au moyen de fiches de paie, d'attestations d'employeurs certifiées conformes aux livres de paie, ou de tous autres documents ayant une valeur probante à cet égard) que des cotisations ont été retenues sur son salaire.

La rigueur de cette réglementation pose cependant le problème des personnes ayant exercé une activité salariée au cours de la période comprise entre le 1er juillet 1930 (date d'entrée en vigueur du régime des assurances sociales) et le 31 décembre 1945 et qui sont, par suite de disparition des entreprises qui les employaient à cette époque, de destructions d'archives dues à des faits de guerre ou de mise au pilon de bordereaux de versements datant de plus de trente ans, dans l'impossibilité d'apporter la preuve qu'elles ont versé les cotisations de retraite exigées par la législation.

A cet égard, il a été admis que cette période pourrait cependant être prise en considération s'il existe un " faisceau de sérieuses présomptions " permettant de supposer que les cotisations dues ont bien été versées (Cf. également infra, Annexe B, l'affaire n° II-194).

Toutefois, si une possibilité de rachat de cotisations a été ouverte par la loi du 13 juillet 1962 en faveur des travailleurs dont le salaire excédait le chiffre limite fixé pour l'assujettissement aux assurances sociales entre le 1er juillet 1930 et le 1er janvier 1947, ou dont l'affiliation au régime général des assurances sociales n'a été rendue obligatoire qu'à une date postérieure au 1er juillet 1930 (réclamation n° I-1513), aucune possibilité de rachat analogue n'était envisagée pour les salariés dont les employeurs avaient négligé d'opérer le précompte des cotisations sur leurs salaires (réclamations n° II-194, II-457, II-608).

Mais le versement rétroactif de cotisations d'assurance-vieillesse pour ces périodes d'activité est désormais possible dans la mesure où le décret n° 75.109 du 24 février 1975 permet, sous certaines conditions, à l'employeur, d'effectuer la régularisation des cotisations arriérées, pour les périodes antérieures à l'entrée en jouissance des droits à pension de vieillesse des assurés.

Les cotisations ainsi versées sont prises en considération pour le calcul des pensions de vieillesse, quelle que soit la date de leur versement.

Ces nouvelles mesures ont été rappelées à plusieurs réclamants afin que les périodes non validées pour le calcul de leur pension puissent être régularisées par leur employeur (réclamations nos II-1285 et II-1521) sous réserve, cependant, que ce dernier puisse être retrouvé et accepte de verser les cotisations arriérées, la loi ne permettant pas de poursuivre l'employeur au-delà de cinq ans. Il y a là un problème de justice sociale qui reste posé.

Le Médiateur ne propose pas, quant à lui, d'abandonner le principe de l'intangibilité des pensions une fois liquidées - encore que, tant du point de vue de la logique que de celui du droit, le bien-fondé de ce principe ne lui paraisse pas hors de toute contestation : on ne voit pas très bien, en effet, au nom de quoi (si ce n'est la " commodité du service "...) il serait interdit à un citoyen de revenir sur sa décision de retraite, sous peine de reprendre une activité sans profit pour ses vieux jours.

Il ne peut, en tout cas, s'empêcher de relever que les mesures prises pour atténuer la rigueur des effets dudit principe ont été bien timides ou bien tardives.

C'est ainsi, par exemple, qu'en matière d'intangibilité " absolue ", la solution réside, à l'évidence dans le " précalcul " de la retraite : mais dans combien de temps ce procédé aura-t-il été généralisé ?

Quant à l'intangibilité " relative ", toutes les mesures intervenues n'empêchent pas que, dans bien des cas, il soit très difficile, voire impossible, à l'assuré, d'apporter la preuve de son affiliation. Le Médiateur ressent vivement, et il en fait part aux parlementaires intervenants dans ses réponses, l'injustice de telles situations. Sans mettre en doute l'esprit de libéralité avec lequel les Caisses de sécurité sociale appliquent la notion de " faisceaux de présomptions sérieuses ", il lui semble qu'une formule pourrait être trouvée qui, tout en évitant les demandes injustifiées, permettrait à des hommes et à des femmes dont on peut prétendre qu'ils ne sont pas restés inactifs entre 1930 et 1945 de faire valider leurs droits. Il a mis la question à l'étude.

c) SECURITE SOCIALE : LE PRINCIPE D'HARMONISATION DES REGIMES ET SA MISE EN OEUVRE

Le système français de sécurité sociale se caractérise par la coexistence de multiples régimes s'appliquant à des catégories socio-professionnelles diverses et dans lesquels les règles de financement, les taux de cotisations, le montant des prestations sont très différents, tant en ce qui concerne l'assurance maladie-maternité que l'assurance-vieillesse. Il en résulte des disparités et des injustices qui sont fréquemment portées à la connaissance du Médiateur.

Elles concernent notamment :

- les règles de liquidation des pensions de vieillesse ;

- les conditions d'ouverture des droits à l'assurance-maladie des titulaires de pensions ou retraites ;

- les droits au bénéfice d'un régime complémentaire de retraite.i/ De nombreuses réclamations - dont les plus significatives sont analysées à l'annexe B (Cf. infra, les affaires nos II-2443, II-886, II-149, II-2254, II-240.) - ont posé le problème de la situation faite aux ressortissants de certains régimes spéciaux de sécurité sociale - essentiellement fonctionnaires civils de l'Etat et militaires - qui, ayant quitté leur emploi avant d'avoir accompli quinze ans de services, ne peuvent prétendre à aucun droit à pension.

Selon la réglementation en vigueur depuis 1950 (décret n° 50-133 du 20 janvier 1950), les tributaires du Code des pensions civiles et militaires de retraite ont la faculté, dans les cinq années suivant leur radiation des contrôles, de demander, soit le remboursement des retenues pour pension opérées sur leur traitement ou leur solde, soit leur affiliation rétroactive au régime général de la sécurité sociale, en vue de la prise en compte " automatique " des services passés.

Mais si, dans ce délai de cinq ans, aucune de ces possibilités n'a été utilisée, la régularisation des droits ne peut intervenir que par un rachat des cotisations vieillesse correspondant à la contribution personnelle et à celle de l'Etat, calculées sur le traitement ou la solde perçue durant la période d'activité.

La même possibilité d'obtenir le rétablissement de leurs droits, assortie de la même obligation de rachat, a été étendue par décision administrative, aux personnes qui, ayant quitté le service publie avant l'entrée en vigueur du décret précité du 20 janvier 1950 sans avoir accompli le temps de service requis pour l'attribution d'une pension, avaient négligé d'exercer l'option qui leur était offerte par les dispositions antérieures organisant la coordination entre le régime des assurances sociales et celui des pensions civiles et militaires (décret du 20 décembre 1931).

Or, quelle que soit la date à laquelle ils ont quitté le service, de nombreux réclamants refusent le rachat de cotisations qui leur est imposé, se déclarant victimes d'une " iniquité ".

De telles situations sont devenues particulièrement choquantes avec la promulgation de la loi n°75-3 du 3 janvier 1975, " portant diverses améliorations et simplifications en matière de pensions ou allocations des conjoints survivants, des mères de famille et des personnes âgées ", laquelle, en ses articles 12 et 13, supprime l'exigence d'une durée minimale d'assurance pour l'ouverture du droit à un avantage de vieillesse, et rend la " pension " de vieillesse (la notion de " rente " ayant disparu) proportionnelle à la durée d'assurance effective.

En effet, et bien que le texte se présente comme un des éléments du plan d'harmonisation progressive des divers régimes de sécurité sociale fonctionnant en France (Harmonisation prescrite, on le sait, dans la loi n° 74-1094 du 24 décembre 1974.), les dispositions précédentes ne s'appliquent qu'aux ressortissants du régime général (et des régimes déjà alignés plus ou moins complètement sur celui-ci) et laissent donc entièrement à l'écart la situation des assujettis aux régimes spéciaux.

On objectera, il est vrai, que ces régimes spéciaux ont la particularité d'offrir à leurs ressortissants des avantages plus complets ou plus substantiels que les autres régimes.

Mais on peut se demander, de façon tout aussi légitime, si une mesure qui, comme ici, réduit " l'avance " générale de ces régimes sur les autres, en les grevant d'un " retard " inattendu sur un point précis (quoique fort important) correspond bien au concept d'une harmonisation équitable laquelle supposerait plutôt, semble-t-il, l'alignement progressif de tous les régimes sur le ou les plus favorisés, que sur une sorte de régime d'" avantage moyen ", obtenu en compensant le maintien d'avantages relatifs par la création d'infériorités relatives.

C'est dans cet esprit que le Médiateur a adressé au Ministre de l'Economie et des Finances une proposition de réforme (Cf. supra), où il est suggéré " qu'une législation identique (aux dispositions précitées de la loi du 3 janvier 1975) soit élaborée au profit des fonctionnaires qui accomplissent moins de quinze années de service public, et qu'intervienne aussi, dans les meilleurs délais, une harmonisation dans la reconnaissance des droits à pension entre les régimes de retraite quels que soient les bénéficiaires (fonction publique ou secteur privé) ".

ii/ Autre infériorité relative des régimes " spéciaux " - autre anomalie, donc, dans le processus général de l'harmonisation : les droits d'un retraité aux prestations de l'assurance-maladie ne sont pas ouverts dans les mêmes conditions suivant le régime d'assurance-vieillesse auquel le pensionné est rattaché.

C'est ainsi que pour les retraités du régime général (salariés du commerce et de l'industrie), le droit au remboursement des soins est ouvert, sans versement de cotisations correspondant, même si la pension a été liquidée pour une période d'un seul trimestre de cotisations (art. 11 du décret du 24 février 1975, pris dans le cadre de l'art. 14 de la loi du 3 janvier précitée).

Dans d'autres régimes au contraire - notamment celui des fonctionnaires et des militaires, et ceux applicables aux travailleurs non-salariés - les titulaires de pensions de vieillesse doivent obligatoirement verser une cotisation pour pouvoir bénéficier de l'assurance-maladie.

Deux exemples illustrent l'injustice qui en résulte pour les retraités de ces derniers régimes par rapport à ceux du régime général des salariés :
Il s'ensuit qu'un fonctionnaire qui bénéficie, par exemple, de deux pensions : l'une calculée sur 20 annuités au régime des fonctionnaires (ou des militaires), l'autre sur 10 annuités au régime général des salariés, doit obligatoirement verser une cotisation pour bénéficier de l'assurance-maladie (n° II-2443).

Le problème se posait d'ailleurs de façon générale. En effet, la loi du 12 juillet 1966 prévoyait que les personnes ayant exercé plusieurs activités professionnelles devaient cotiser au régime dont avait relevé leur " activité principale ", le droit aux prestations ne pouvant leur être ouvert que sous ce régime.

L'" activité principale ", pour les personnes titulaires de deux ou plusieurs prestations de vieillesse relevant de régimes différents, telle qu'elle était définie à l'article 7 du décret du 15 décembre 1967, était celle qui correspondait au régime sous lequel la personne considérée comptait le plus grand nombre d'années de cotisations.

Or, de nombreux réclamants continuaient à solliciter leur rattachement au régime général pour le bénéfice des prestations en nature de l'assurance-maladie (Rapport de 1973 ; Rapport de 1974), bien que leur " activité principale " ait relevé d'un régime de non-salariés non agricoles, en raison des avantages que le régime général présentait par rapport aux régimes spéciaux des professions artisanales, industrielles, et commerciales, ou libérales (nos II-1025 et II-1500).

Ce problème de la détermination du régime responsable des prestations dues aux " polypensionnés " ne doit plus, cependant, se poser dans l'avenir.

Les nouvelles règles d'affiliation fixées par l'article 8 de la loi du 4 juillet 1975 tendant à la généralisation de la sécurité sociale prévoient en effet que, par dérogation à la législation en vigueur, l'assuré social (ou ses ayants-droit) continue, sauf demande expresse de sa part, de relever du régime d'assurance-maladie et maternité auquel il est rattaché depuis au moins trois ans au moment de la cessation de son activité professionnelle ou de l'ouverture de ses droits à pension de réversion.

Depuis le 1er juillet 1975 (date d'entrée en vigueur de ces dispositions), les assurés titulaires de plusieurs pensions ont donc le choix de leur régime en ce qui concerne l'attribution des prestations de l'assurance-maladie.

iii/ Une troisième lacune de l'harmonisation nous est révélée par les nombreuses réclamations (voir annexe B, les affaires citées ci-avant), émanant de personnes qui, ayant travaillé dans des entreprises où s'applique un régime spécial de retraites - essentiellement S.N.C.F. et entreprises ferroviaires anciennes - n'ont pu, pour des raisons diverses selon l'espèce, y constituer ou y parfaire leurs droits à une pension, et se voient aujourd'hui refuser le bénéfice d'une retraite complémentaire tenant compte des années passées au service de ces entreprises, au motif que les dispositions de la loi n° 72-1223 du 29 décembre 1972, " portant généralisation de la retraite complémentaire au profit des salariés et anciens salariés ", ne s'imposent pas aux entreprises qui assurent à leur personnel un régime spécial de retraite (Cependant voir l'affaire n° II-240 où une solution favorable a pu être trouvée).

Ce refus apparaît particulièrement paradoxal lorsqu'il est opposé à des " agents " qui, n'ayant pas appartenu au personnel permanent, " statutaire ", de l'entreprise, n'ont pas, en réalité, été soumis à son régime spécial de retraite, mais ont bénéficié simplement d'une affiliation au régime général (on en trouvera plusieurs exemples en annexe).

Même s'agissant d'agents des " cadres permanents ", il est également paradoxal, comme le fait observer l'un d'eux, ancien agent de la S.N.C.F. (n° II-2254, déjà cité), de constater qu'un retraité de cette société nationale qui a travaillé ensuite dans d'autres entreprises, peut cumuler sa retraite de la S.N.C.F. avec celles qu'il a pu acquérir dans ses autres emplois, alors qu'à l'inverse, les services accomplis à la S.N.C.F. par un salarié qui n'y a pas pris sa retraite ne peuvent être pris en compte pour compléter celle-ci (Dans les régimes complémentaires de retraite du secteur privé - notamment ceux que regroupe l'" A.G.I.R.C. " (Association Générale des Institutions de Retraite des Cadres) - une " reconstitution de carrière " est au contraire prévue.

C'est ainsi que les années de service n'ayant pas donné lieu à cotisations, parce qu'elles étaient antérieures soit à la mise en application du régime (1947), soit à l'extension de ce régime, donnent lieu à une validation gratuite effectuée en principe, dans les mêmes conditions que l'inscription de " points " en contrepartie de cotisations.).

Certes, le département ministériel compétent a, à plusieurs reprises, annoncé au Médiateur que des études étaient en cours pour tenter de remédier à de telles situations, et même plus généralement, pour " dégager les principes, les méthodes, et les mécanismes qui pourraient être mis en oeuvre en ce qui concerne l'ensemble des régimes spéciaux de retraite ".

Mais on a vu que certaines de ces situations pouvaient - assez paradoxalement d'ailleurs - recevoir une solution favorable, et cela sans grandes difficultés (cf. le cas n° II-240, cité plus haut en note).

A plus forte raison devrait-il en être de même du cas de toutes les personnes qui n'ont pas été effectivement assujetties au régime spécial de l'entreprise : c'est celui, justement, des agents non titulaires de l'Etat, des collectivités publiques, et des entreprises nationales (auxiliaires et contractuels).

Or, pour les agents de l'Etat, par exemple, a été créée une Caisse spéciale de retraites complémentaires, l'I.R.C.A.N.T.E.C., gérée par la Caisse des dépôts : ne serait-il pas juste et expédient d'étendre l'affiliation auprès de cet organisme aux agents civils et militaires qui quittent le service avant d'avoir accompli le nombre d'années requis pour obtenir le bénéfice d'une retraite ? Et la solution ne pourrait-elle être généralisée au profit des non-titulaires des collectivités publiques et du secteur parapublic ?

Resterait, évidemment, l'iniquité fondamentale qu'il y a à refuser - sauf l'exception déjà citée - le bénéfice de la retraite complémentaire à un salarié, pour le seul motif qu'il a, pendant un temps, cotisé, en tant que " titulaire ", à un régime spécial.

Cette iniquité est d'ailleurs de même nature que celle dont il a été question au paragraphe ci-dessus : là encore, une extension des droits des assujettis au régime général place les " bénéficiaires " des régimes spéciaux en situation d'infériorité - et, autre similitude, cette injustice tombe à plein sur des personnes qui n'ont pu parfaire leur droit à pension.

Conclusion.

Le système français de sécurité sociale s'est constitué peu à peu par la création de " régimes " différents s'appliquant limitativement à certains groupes socio-professionnels, le plus ancien d'entre eux étant celui des marins du commerce qui a été créé par Colbert.

A ce jour, ce système présente de grands avantages : la quasi-totalité de la population est couverte (environ 98 %), les principaux risques de la vie sont prévus, et la condition générale des citoyens et notamment celle des salariés est incontestablement meilleure qu'elle ne l'était il y a un demi-siècle. Mais il présente de graves inconvénients Sa complexité d'abord : l'existence de multiples " régimes " parallèles, s'appliquant chacun à une catégorie limitée de citoyens - le régime dit général n'étant en définitive que le plus important des régimes dits spéciaux - entraîne des problèmes parfois difficiles de compétence et des règles de coordination compliquées et, surtout, des disparités injustes entre les prestations servies par chacun de ces régimes. Enfin, le coût élevé de la gestion.

Pourtant, dès 1945, lors de la création de la sécurité sociale par les ordonnances d'octobre 1945, le principe de la fusion de tous ces régimes (à l'exception de celui des professions agricoles et forestières) avait été posé. Ces dispositions se retrouvent encore actuellement dans le Code de la sécurité sociale, articles L. 2 et L. 3 et dans le décret du 8 juin 1946, article 61. De même, une loi en date du 22 mai 1946 avait prévu l'affiliation au régime général de la sécurité sociale des travailleurs non salariés non agricoles (commerçants, artisans, et professions libérales). Mais ayant provoqué l'hostilité des intéressés, cette loi n'a jamais été appliquée et a dû être abrogée.

La situation anarchique actuelle sera vraisemblablement modifiée dans les années prochaines en application de la loi n° 74-1094 du 24 décembre 1974 qui prévoit en son article premier :

" Un système de protection sociale commun à tous les Français sera institué, au plus tard le 1er janvier 1978, dans les trois branches : assurance maladie-maternité, vieillesse, prestations familiales.

" Pour réaliser cet objectif, les régimes de base obligatoires légaux de sécurité sociale seront progressivement harmonisés et tous les Français non encore affiliés à l'un de ces régimes seront admis au bénéfice d'une protection sociale dans des conditions tenant compte de leurs capacités contributives.

" L'institution de ce système doit avoir pour contrepartie un même effort contributif des assurés des différents groupes socioprofessionnels. L'harmonisation des cotisations sera réalisée au rythme de la mise en œuvre de la protection de base commune. "

Malheureusement ce texte prévoit aussi :

" Ces mesures d'harmonisation ne pourront mettre en cause les avantages acquis par les différents régimes, ni porter atteinte à l'existence d'institutions de protection sociale propre aux différents groupes socio-professionnels qui en sont actuellement dotés. "

Ces dispositions sont insuffisantes, et n'amélioreront pas le fonctionnement des organismes de sécurité sociale. En effet, nombreux sont les citoyens qui au cours de leur existence ont exercé, soit simultanément soit successivement, des activités relevant de régimes différents : lors de leur départ en retraite, les difficultés que l'on connaît à l'heure actuelle ne seront pas résolues.

Le moment semble donc venu d'opérer une grande réforme, et de repenser totalement notre système de sécurité sociale en partant de quelques idées simples que l'on peut schématiser comme suit :
Ce régime de base pourrait être financé :

- d'une part, par des cotisations personnelles, notamment pour les salariés, permettant le calcul des prestations en espèces telles que : indemnités journalières en cas de maladie ou de maternité, pensions d'invalidité et pensions de vieillesse ;

- d'autre part, par une cotisation patronale, calculée non plus sur les salaires, mais sur le chiffre d'affaires, de façon à ne plus défavoriser, comme à l'heure actuelle, les entreprises dites de " main-d'oeuvre " ;

- enfin, par des crédits venant du budget de l'Etat
Ces régimes complémentaires seraient financés par des cotisations des intéressés (salariés et employeurs ou travailleurs non salariés).

Toutefois, la mise en oeuvre d'une réforme aussi importante serait longue et délicate ; c'est pourquoi il importerait d'étendre dès maintenant les dispositions libérales de la loi du 3 janvier 1975 à l'ensemble des régimes de sécurité sociale, et notamment à ceux s'appliquant aux fonctionnaires de l'Etat, des collectivités publiques et des entreprises nationales telles que la S.N.C.F. et la R.A.T.P.


B. LES PROBLEMES POSES PAR CERTAINES PROCEDURES


1. Les procédures en matière de cadastre.


Les énonciations cadastrales n'ont pas, en France, de valeur juridique. Elles constituent des documents de nature essentiellement fiscale, et ne valent donc pas titre de propriété pour les transactions entre particuliers.

Les opérations de rénovation du cadastre, organisées au plan régional et local, sont inévitablement à la source d'erreurs d'attribution ou de délimitation de parcelles, soit du fait de l'ancienneté ou de l'imprécision, ou même de l'absence de titres de propriété, soit du fait de l'absence de limites apparentes sur les terrains.

L'initiative de l'Administration, en l'espèce le travail du géomètre expert, consiste à constater l'accord des propriétaires sur la position des limites apparentes, et pour les autres limites, à retenir le mode de représentation au plan paraissant le plus judicieux. Dans un rôle ainsi conçu, le représentant de l'Administration n'a donc aucune qualité pour s'ériger en juge ou en arbitre des différends relatifs au droit de possession ou de propriété.

Dans le but d'éviter ces litiges, les propriétaires sont étroitement associés aux diverses opérations, tant en cours de travaux que lors de la communication individuelle des résultats. Ils disposent d'un délai de vingt jours pour présenter leurs observations lorsqu'ils entendent contester l'exactitude d'une limite ou d'une attribution. Dans ce cas, et sur justification produite, l'erreur peut être immédiatement rectifiée.

Le Médiateur a cependant été saisi d'une affaire particulièrement regrettable où le propriétaire concerné, bien qu'ayant exercé son droit de réclamation dans le délai imparti, n'a pu obtenir la rectification de l'erreur dénoncée (n° II-825). L'Administration paraît, dans ces conditions, mal fondée à imposer à ce propriétaire, après des années, une procédure de rectification longue et coûteuse, seul moyen en l'espèce d'obtenir une nouvelle inscription conforme à la réalité de la matrice cadastrale.

En effet, à l'achèvement de la rénovation, qui s'étend parfois sur plusieurs années, les documents cadastraux sont réputés conformes à la situation des propriétés.

Lorsque les propriétaires n'ont pas contesté les énonciations du plan cadastral, soit par ignorance, soit par négligence, la rectification implique l'accord des propriétaires concernés. En ce cas il s'agit d'opérations d'ordre essentiellement privé, relevant exclusivement du domaine du géomètre-expert-foncier, qui établit un document d'arpentage contresigné des propriétaires intéressés. Sa production auprès du service du cadastre permet la modification du plan cadastral (n° I-1360).

Si la procédure amiable échoue, il appartient au juge judiciaire de trancher le litige. Les erreurs de contenance ou d'attribution de parcelles sont à l'origine du plus grand nombre de requêtes adressées au Médiateur (nos II-1074, II-1130, II-999) qui, lorsque les propriétaires n'ont pas fait les diligences nécessaires avant la clôture des opérations de rénovation, n'a pu, ainsi que le fait l'Administration, que confirmer aux auteurs des réclamations l'existence des deux seules voles possibles : la procédure amiable ou contentieuse.

Il peut paraître anormal que, dans ces litiges d'ordre privé il est vrai, mais dont l'origine est une erreur figurant dans les documents cadastraux du fait de l'Administration, celle-ci se contente de renvoyer les propriétaires dos-à-dos et d'entériner l'accord amiable ou les effets de la décision judiciaire.

Si l'erreur commise lors de la rectification cadastrale n'est pas de nature à léser un propriétaire qui peut, lors d'une transaction, faire état d'une contenance sur titre, il n'en reste pas moins qu'au plan fiscal les rectifications de contenance cadastrale, et a fortiori d'attributions de parcelles, présentent un intérêt certain.

Il peut paraître souhaitable, sans aller jusqu'à attraire l'Administration devant le juge, de l'inviter, au moins, à prendre parti lors de la procédure engagée.

On peut enfin suggérer, pour éviter un important contentieux, que l'Administration associe aussi étroitement que possible les propriétaires concernés aux opérations de rénovation du cadastre en cours ou à venir, la tâche d'information paraissant le rôle essentiel de l'Administration en l'espèce.


2. Les procédures de remembrement.


Le Médiateur a été fréquemment saisi de réclamations relatives à la réorganisation foncière et au remembrement rural. Dans la plupart des cas, des décisions juridictionnelles étaient intervenues, rendant légalement le Médiateur incompétent. Toutefois, l'importance des questions soulevées a conduit, le plus souvent, à procéder à une étude approfondie (les affaires qui lui étaient soumises (nos I-459, I-1637, II-1028).

En ce domaine, trois points méritent d'être soulignés :

i/ En premier lieu, la procédure relative au remembrement est complexe ; en voici brièvement le schéma :

a) Institution par arrêté préfectoral d'une Commission communale de réorganisation foncière et de remembrement dans toute commune où, soit les propriétaires, soit les exploitants, soit les services intéressés ont signalé l'utilité d'un aménagement foncier.

b) Délimitation par la Commission communale du périmètre de remembrement qui doit être approuvé par la Commission départementale.

En cas de litige, la question est soumise par le Préfet au Ministre de l'Agriculture.

c) Les réclamations des intéressés sont portées devant la Commission départementale, présidée par un magistrat. Celle-ci doit statuer dans un délai de deux mois.

d) Les décisions de la Commission départementale peuvent être attaquées devant le Tribunal administratif (pour incompétence, excès de pouvoir, vice de forme, violation de la loi).

En cas de rejet de sa demande, le demandeur peut se pourvoir devant le Conseil d'Etat.

En cas d'annulation de la décision, l'affaire est renvoyée devant la Commission départementale.

e) Un arrêté préfectoral ordonne la clôture des opérations de remembrement.

ii/ En second lieu, on constate que cette procédure est constamment " ouverte ", ce qui permet de préserver au mieux les droits des intéressés.

iii/ Mais - et c'est le point essentiel - il en résulte des lenteurs, d'autant plus regrettables que nombreux sont les intérêts particuliers en cause et que les recours ne sont pas suspensifs (un particulier peut ainsi se voir obligé d'abandonner une terre dont il a été mis, quelques années auparavant, en possession provisoire).

Ces lenteurs se situent à plusieurs niveaux :

- au niveau de l'examen des réclamations par les Commissions communales et départementales ;

- devant les tribunaux administratifs : c'est ainsi qu'un réclamant avait attaqué devant le Tribunal administratif la décision d'une Commission départementale, rendue en 1966. Un arrêt de rejet intervenait en 1969. Le demandeur s'étant pourvu devant le Conseil d'Etat, celui-ci annulait en 1971, soit cinq ans après la décision initiale, le jugement du Tribunal administratif (n° I-1304 ; cf. également infra, annexe B, n° I-1292) ;

- lors du réexamen, par les Commissions départementales des affaires ayant fait l'objet de décisions juridictionnelles.

- Quant aux raisons de ces lenteurs, il faut les rechercher d'abord dans l'engorgement des Commissions communales, des Commissions départementales et des tribunaux, engorgement qui tient :
On notera à ce propos le cas d'un propriétaire, qui se plaignait de la non-exécution d'un arrêt rendu par le Tribunal administratif.

L'enquête a montré que le Tribunal, surchargé, n'avait pu examiner en même temps les recours qui lui étaient soumis. La Commission départementale ne pouvait donc se prononcer, et devait attendre la décision du Tribunal administratif sur la totalité des affaires (n° II-1028).

Les " instructions complémentaires " engendrent aussi des retards : il s'agit d'éviter de nouvelles erreurs mais la procédure n'en est pas moins encore allongée.

Ainsi, une réclamante se plaignait de ce que la Commission départementale ne se soit pas encore prononcée après les jugements rendus par le Tribunal administratif. Or, la Commission avait estimé nécessaire de désigner deux membres délégués pour procéder à une étude complémentaire sur le terrain.

D'autres retards sont imputables aux Commissions elles-mêmes l'article 30-1 du Code rural prévoit qu'une décision annulée doit être suivie dans le délai d'un an d'une nouvelle décision, mais les Commissions départementales se réunissent rarement dans les délais impartis.

D'autres enfin doivent être mis à la charge des intéressés (réclamations tardives, absences, etc...).

En conclusion, il semble nécessaire de réduire les défauts signalés sans porter préjudice aux droits des intéressés. Demander aux préfets de surveiller l'activité des Commissions est déjà de nature à se rapprocher des buts recherchés : garantie des droits des intéressés et rapidité de la procédure.

Le Médiateur estime cependant qu'il faut aller plus loin et suggère qu'une procédure d'urgence soit instituée afin que la décision de la Commission départementale ne puisse être remise en cause trop tardivement et que, par là même, une redistribution des terres difficilement réalisable ne soit imposée aux exploitants.


3. Les procédures d'enquêtes publiques (Cf. supra. Ce sont deux autres aspects de la question qui font ici l'objet d'un examen particulier).


Les enquêtes publiques sont capitales dans le déroulement des opérations d'utilité publique. Elles doivent assurer aux intéressés deux types de garanties : quant à l'information qu'ils sont en droit de recevoir sur l'avenir de leur propriété ; quant aux critiques qu'ils peuvent faire sur le projet envisagé.

Le maximum doit donc être fait par les pouvoirs publics pour que ces garanties soient réelles.

Or de nombreuses réclamations adressées au Médiateur ont contesté les conditions de déroulement des enquêtes publiques.

L'attention du ministère avait déjà été attirée par le Médiateur dans son Rapport de 1974 sur la date choisie pour effectuer ces enquêtes. L'Administration avait affirmé que, désormais, l'époque de l'enquête serait soigneusement choisie, de préférence hors des périodes de vacances.

Pourtant, au cours de l'année, de nouvelles réclamations ont fait état d'enquêtes effectuées au mois de juillet, ou durant des périodes englobant de nombreux jours de congé : week-end de Pâques par exemple, ce qui réduit d'autant plus la période d'enquête proprement dite. Notons que bien souvent la durée totale de l'enquête est inférieure au maximum légal. Cette pratique est parfaitement licite - la durée totale devant se situer entre un minimum (15 jours) et un maximum (30 jours) fixé par la loi. Cependant, étant entendu que les dimanches et jours fériés sont comptés comme jours d'enquête, il conviendrait d'encourager les pouvoirs publics à opter, compte tenu de l'importance de l'opération, pour des enquêtes " longues ". Ne pourrait-on pas proposer avec le Comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics une durée de 30 jours francs ?

D'autres réclamations ont déploré l'absence trop souvent constatée du commissaire enquêteur au bureau où se déroule l'enquête. Les administrés ont alors l'impression qu'ils ne peuvent pas être informés, et que leurs critiques ne sont jamais prises en considération.

De telles pratiques sont plus que regrettables : elles dénaturent en fait la procédure elle-même, et inspirent aux intéressés la conviction que, de toute façon, l'Administration toute-puissante fera uniquement ce que bon lui semblera. Elles sont contraires à l'esprit de concertation que le Médiateur souhaite voir s'instaurer entre l'Administration, agissant au nom de l'intérêt général, et les administrés, dont les droits doivent être garantis.


4. Constatation par les fonctionnaires chargés de l'Inspection du travail des infractions relatives au droit du travail.


Un réclamant se plaignait que deux procès-verbaux dressés par un inspecteur des lois sociales en agriculture et susceptibles de motiver des poursuites pénales contre son employeur, n'aient pas été transmis au procureur de la République (n° II-559).

Cette réclamation a donné lieu à une étude approfondie.

Le problème est le suivant :

Faisant partie intégrante d'une hiérarchie administrative, l'inspecteur se doit de transmettre au directeur départemental ou au directeur régional dont il dépend, tous les procès-verbaux qu'il dresse.

Ce dernier est-il juge de l'opportunité de la transmission des procès-verbaux au procureur de la République ? En pratique il est apparu que les directeurs départementaux, obéissant plus souvent à des instructions ministérielles qu'à leur initiative propre, ne transmettaient pas au Parquet ou transmettaient tardivement certains procès-verbaux.

Or, les textes qui régissent les compétences et la procédure sont les suivants :

Le Code de procédure pénale dispose en son article 19 : " les officiers de police judiciaire sont tenus d'informer sans délai le procureur de la République des crimes, délits et contraventions dont ils ont connaissance. Dès la clôture de leurs opérations, ils doivent lui faire parvenir directement l'original ainsi qu'une copie certifiée conforme des procès-verbaux qu'ils ont dressés... ".

L'article 40 du même Code précise également : " le Procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner. Toute autorité constituée, tout officier publie ou fonctionnaire, qui dans l'exercice de ses fonctions acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit, est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ".

Il en résulte que le directeur départemental auquel est transmis le procès-verbal ne peut en aucun cas décider de ne pas le transmettre au Parquet. Le contrôle qu'il exerce est un contrôle non d'opportunité, mais de forme. De plus, si l'inspecteur concerné s'oppose à son supérieur sur le problème de la forme et n'approuve pas les critiques de ce dernier, le procès-verbal doit être transmis au Parquet dans sa forme originelle.

Le directeur départemental a, toutefois, en transmettant un procès-verbal sur lequel il est en désaccord au fond, la possibilité d'y joindre ses appréciations personnelles.

Rappelons que, de toute façon, le procureur de la République a, en vertu du principe de l'opportunité des poursuites, compétence pour apprécier la suite qui doit être donnée aux procès-verbaux dont il est saisi ; à ce titre, il peut décider de classer sans suite tel procès-verbal d'un inspecteur du Travail.

Le Médiateur a estimé qu'il était de son devoir, face à certains errements de services administratifs qui relèvent d'un mauvais fonctionnement, de transmettre au Premier Ministre les conclusions de cette étude. Le Médiateur souhaite que soient mises en harmonie la pratique administrative et la législation existante à ce sujet, de telle sorte que l'autorité hiérarchique ne puisse arrêter définitivement un procès-verbal destiné au procureur de la République, mais qu'elle puisse faire connaître à ce dernier son sentiment sur la valeur des procès-verbaux qu'elle transmettrait.


5. Le caractère non contradictoire de certaines mesures d'" instruction administrative " et ses conséquences.


Il est clair que lors d'un litige privé, les personnes en cause cherchent une autorité indépendante pour les départager. Elles choisissent un expert, un fonctionnaire, un juge, chargé, soit de présenter un rapport auquel les parties s'engagent à se soumettre, soit de dire le droit et de redresser les situations qui lui sont contraires.

Le problème en revanche est très différent lorsque les personnes en cause sont d'une part l'Administration et de l'autre une personne privée. Cette situation a été souvent rapportée au Médiateur, à propos, en particulier, de dommages causés par un service public.

Dans ce cas, en effet, on assiste au processus suivant :

Pour évaluer le dommage, l'Administration envoie sur place un enquêteur relevant de ses services. Ainsi l'Administration, loin d'être complètement indépendante dans cette procédure, se trouve être à la fois juge et partie, et les risques de manque d'objectivité se trouvent alors accrus.

Le Conseil d'Etat, auquel le Médiateur avait demandé son avis à propos d'une des réclamations dont il avait été saisi (n° 1608), a émis à ce sujet la conclusion suivante :

" Cette enquête ne présente évidemment pas les garanties d'impartialité d'une mesure d'instruction ordonnée par un tribunal ; en particulier, elle n'a pas un caractère réellement contradictoire même lorsqu'elle a lieu en présence de l'intéressé. "

L'Administration, par ailleurs, se fonde sur le rapport d'enquête établi de cette façon pour rendre sa décision. Or, il est apparu dans plusieurs réclamations que ce rapport d'enquête était contestable, et que l'Administration ayant pris position à partir de ce document, avait mal apprécié les causes réelles des préjudices subis par les réclamants, ou bien avait mal estimé le montant de l'indemnité à attribuer (On donnera cet exemple chiffré, tiré de l'affaire n° II-688 : l'expert du ministère avait proposé de 500 à 1.000 F, un expert civil agréé a proposé 1.500 F ; en définitive le réclamant a obtenu 13.000 F).

On se trouve donc en présence d'une situation de déséquilibre, où le " poids " de l'Administration fausse le jeu juridique normal. Certes, beaucoup de ces litiges pourraient trouver leur solution par la voie contentieuse, avec les garanties que cela entraîne. Mais il est regrettable, justement, que ce type de litige ne puisse être réglé de façon satisfaisante au simple niveau de l'enquête et de l'expertise contradictoire.

Une objection doit être écartée ici, celle de la gratuité ; en effet, lors de l'enquête effectuée par l'Administration, l'autre partie ne supporte aucun frais : il en irait autrement si l'expertise était réellement contradictoire. Mais n'en est-il pas de même lorsque l'on fait appel à un huissier pour un litige privé ? Et y a-t-il là un argument suffisant pour écarter l'idée d'une procédure qui garantirait mieux les droits des intéressés ?

Tel n'est pas l'avis du Médiateur, qui souhaite vivement qu'une procédure équitable soit suivie dans l'exécution des mesures d'" instruction administrative ".


6. Les lenteurs des procédures juridictionnelles.


Si le Médiateur ne peut intervenir dans les procédures juridictionnelles ni remettre en cause les décisions juridictionnelles, il peut, du moins, être tenu informé du fonctionnement des juridictions, et retrouve sa pleine compétence pour intervenir lorsque lui sont dénoncées les lenteurs apportées par les tribunaux pour statuer sur les litiges soumis à leur examen ; ces lenteurs sont en effet assimilables à un mauvais fonctionnement du service publie tel qu'il est défini à l'article 6 de la loi du 3 janvier 1973.

Le Médiateur a ainsi eu l'occasion de procéder à l'instruction de nombreuses requêtes faisant état de lenteurs excessives constatées dans le déroulement de procédures juridictionnelles, tant devant les juridictions judiciaires que devant les juridictions administratives.

L'examen de ces réclamations a montré que les retards incriminés tiennent le plus souvent à la pénurie des effectifs, qui entraîne des délais de jugement excessivement longs : des procédures de quatre, cinq ans, voire plus, ne sont pas chose rare.

Mais la surcharge actuelle des tribunaux ne constitue pas la seule cause des lenteurs dont se plaignent les justiciables : il en existe d'autres, ainsi que le révèle l'examen des affaires ci-après évoquées.

Devant les juridictions judiciaires :
Il faut toutefois noter la complexité inhérente à la matière, qui entraîne nécessairement des délais de procédure assez longs, sans que puisse être retenu à proprement parler le mauvais fonctionnement des services judiciaires appelés à en connaître. En effet, la créance privilégiée du salarié est en général assez aisément réglée. En revanche, en ce qui concerne la créance chirographaire, l'attente risque d'être plus longue, le syndic devant se retourner contre les débiteurs de la société en liquidation pour pouvoir procéder au règlement (n° I-1136). Les délais sont bien sûr allongés lorsque la créance elle-même est contestée. Il faut alors attendre que le tribunal en ait fixé le montant (n° II-1185).

Des lenteurs ont été également signalées au Médiateur en ce qui concerne la liquidation des successions.

Ici encore, ces retards sont le plus souvent dus à la complexité des situations, et l'examen des requêtes n'a généralement pas révélé un mauvais fonctionnement des services judiciaires, ni une faute à la charge des auxiliaires de justice appelés à en connaître.

Parfois, il est apparu que les parties elles-mêmes n'apportaient pas toute la diligence nécessaire au bon déroulement des opérations de liquidation, et, à plusieurs occasions, le Médiateur a été conduit à orienter leurs actions en vue de traiter le règlement de l'affaire.

Dans certains cas cependant, l'instruction du cas a montré que le retard était effectivement dû à un mauvais fonctionnement clés services judiciaires.

Ainsi, une succession particulièrement complexe (n° II-1426 : 6 cohéritiers dont 2 mineurs) était bloquée faute d'obtenir une ordonnance du juge des tutelles permettant au représentant légal d'accepter la succession. Il est apparu que ce magistrat avait dû constituer plus de 1.300 dossiers de tutelle ou de curatelle depuis le 1er janvier 1974.

Cette surcharge de travail, si elle explique le retard incriminé, ne l'excuse pas, et cette affaire illustre la pénurie actuelle des moyens judiciaires mis au service des administrés.

Dans d'autres cas (n° II-771), les lenteurs sont imputables au dépôt tardif d'un rapport d'expertise : le Médiateur demeure frappé de la place que tiennent, parmi les causes des lenteurs mises par les tribunaux à régler des litiges, le manque de diligence, et dans certains cas, les erreurs des experts commis.
Il est à noter sur ce point que le décret du 17 décembre 1973, entré en vigueur le 1er février 1974, met fin pour l'avenir à cette difficulté née de la mauvaise volonté d'une partie, puisqu'il prévoit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, le juge peut ordonner la poursuite de l'instance.
A la suite de l'intervention du Médiateur, le Président de la section commerciale a décidé de tenir deux séances supplémentaires en vue de permettre une résorption au moins partielle des retards incriminés.

Devant les juridictions administratives :

On retrouve les mêmes problèmes que ceux précédemment évoqués, et le Médiateur a été conduit à saisir à de nombreuses reprises le Conseil d'Etat, en vue de vérifier le bon déroulement des procédures, et de veiller à ce que celles-ci ne connaissent aucun retard excessif.

Les causes des retards incriminés sont également variées et tiennent :
Aussi parait-il souhaitable que le problème des expertises et des délais qu'elles requièrent soit étudié à fond.

Le même problème se pose, avec une particulière acuité, en ce qui concerne la procédure devant les juridictions des pensions (nos II-18, 1481, I-35).

Soit enfin, et encore, à la pénurie actuelle des effectifs qui entraîne des délais de jugement anormalement longs.

En matière d'excès de pouvoir, le retard à juger a pour conséquence particulièrement grave de vider souvent de toute portée pratique la décision d'annulation rendue (n° II-396).

Sur les 25 tribunaux administratifs de la métropole, trois seulement avaient, au 15 septembre 1974, un stock d'affaires à juger inférieur à une année de jugement, et se trouvaient, par conséquent en mesure de rendre leurs décisions dans un délai raisonnable.

Pour certains, en revanche, le stock des dossiers atteignait deux à trois années de jugement.

Le Gouvernement a mis au point un plan de renforcement des effectifs des Tribunaux administratifs qui prévoit la création de 44 emplois en quatre ans. 11 emplois ont été créés en 1974, 10 en 1975, 12 en 1976, le solde, soit 11 emplois, doit l'être en 1977.

Par ailleurs, un effort exceptionnel de recrutement est fait. A cette fin, le statut des membres des Tribunaux administratifs du 12 mars 1975 permet l'organisation pendant cinq ans d'un recrutement complémentaire au recrutement de l'E.N.A. En 1975, 19 conseillers ont été recrutés (5 par l'E.N.A., 13 par le recrutement complémentaire, le dernier étant un officier reclassé dans les Tribunaux administratifs).

Pour 1976, 7 postes sont offerts aux élèves de l'E.N.A., 13 au recrutement complémentaire ; avec dés nominations au tour extérieur et des détachements de fonctionnaires auprès des Tribunaux administratifs, tous les emplois vacants, y compris les emplois créés au dernier budget, seront pourvus.

Le Médiateur espère que ces mesures seront suffisantes pour assainir une situation dont la dégradation se répercute à l'heure actuelle sur nombre de problèmes dont il est fait état dans le présent Rapport (notamment, sur les procédures de remembrement, voir supra).


C. LA VALEUR JURIDIQUE DE CERTAINS ACTES ET DOCUMENTS ADMINISTRATIFS



1. Valeur juridique du certificat d'attribution de l'indemnité viagère de départ en agriculture.


La question a été étudiée dans la section 1 (Recommandation n° 1325).


2. Valeur juridique et utilité du certificat d'urbanisme.


Avant l'intervention des nouveaux textes concernant la matière - loi n° 71-581 du 16 juillet 1971 et décret n° 72-613 du 3 juillet 1972, devenus les articles L. 410 et suivants du Code de l'urbanisme - le certificat n'était qu'une simple note de renseignements donnant des indications sur les possibilités offertes par un terrain en vue d'y édifier une construction, au moment même où elle était délivrée.

Depuis l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions, ce certificat est devenu un acte administratif susceptible de faire l'objet de recours en annulation dans les cas où il serait entaché d'excès de pouvoir.

Aux termes de l'article L. 410-1 du Code de l'urbanisme, le certificat a pour objet de donner à l'administré une information aussi complète que possible sur les possibilités d'utilisation d'un terrain pour la construction ou la réalisation d'une opération déterminée, compte tenu des dispositions d'urbanisme et des limitations administratives au droit de propriété applicables dans le secteur où se situe ce terrain, ainsi que sur l'état des équipements publics existants ou prévus.

Les renseignements ainsi donnés ne sont pas susceptibles d'être remis en cause, s'ils sont suivis dans les six mois, à compter de la délivrance du certificat (ou dans un délai supérieur, mais qui ne saurait excéder un an s'il s'agit d'une opération déterminée, ce délai étant alors fixé par le certificat lui-même), de la demande de permis de construire (ou d'autorisation en vue de la réalisation de ladite opération), accompagnée de plans s'y conformant.

En ce sens, le certificat d'urbanisme apporte une garantie au futur constructeur, qu'il s'agisse du propriétaire du terrain ou d'un acquéreur éventuel, puisque celui-ci sera assuré d'obtenir le permis de construire (ou l'autorisation sollicitée), nonobstant les dispositions contraires d'un plan d'occupation des sols qui aurait été rendu publie entre temps.

Mais, si, en introduisant les nouvelles dispositions, l'intention du législateur a été d'accorder des garanties sérieuses au constructeur muni d'un certificat d'urbanisme, il semble qu'en fait ces garanties se révèlent souvent illusoires. L'examen de certaines réclamations dont le Médiateur a eu à connaître l'a conduit à s'interroger sur la valeur probante et l'utilité pratique de cet acte (Cf. infra, Annexe B, les réclamations nos I-1545 et II-1844). En effet :

- Ce certificat ne fait l'objet d'aucune publication. Ce défaut de publicité permet à l'Administration de retirer un certificat d'urbanisme illégal et, surtout, aux tiers, d'en contester à tout moment la légalité. Comme il n'est en outre, et de toute façon, valable que six mois, ce manque de stabilité n'assure que des garanties très douteuses aux administrés.

- Seules les dispositions d'urbanisme invoquées lors de la délivrance du certificat ne peuvent être remises en cause dans un délai de six mois ; celles qui concernent les limitations administratives au droit de propriété peuvent l'être à tout moment. La référence ainsi faite aux seules dispositions d'urbanisme réduit sensiblement la sécurité juridique des candidats constructeurs.

De telles constatations font bien ressortir l'ambiguïté de la nature du certificat d'urbanisme. Tel qu'il est conçu actuellement, ce certificat est plus qu'une simple notice de renseignements, mais il n'est pas un acte juridique " à part entière ". De profondes transformations seront encore nécessaires si l'on veut en faire véritablement un acte créateur de droits. Mais si l'on va dans cette voie, l'on peut légitimement se demander quelle sera alors son utilité pratique vis-à-vis du permis de construire ? La multiplicité des documents - certificat d'urbanisme et permis de construire concernant le droit de construire sera-t-elle de nature à accroître la sécurité juridique recherchée à la fois par les constructeurs et par les tiers ? La question reste posée.



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