Année 1974


CHAPITRE III


LE MEDIATEUR ET LA LOI, LES INSTITUTIONS, LE PUBLIC





I. Le médiateur et la loi.


Il convient, au terme de ses deux premières années d'activité, de dresser un bilan de la manière dont le Médiateur a usé des compétences qui lui ont été dévolues par la loi du 3 janvier 1973 et plus précisément de se demander quelle est sa jurisprudence en ce qui concerne sa compétence.

Il faut rappeler au préalable que le Médiateur n'est pas, en lui-même, et quelle que puisse être, par ailleurs, sa conviction personnelle, juge de ses pouvoirs : son action ne peut se développer que dans les domaines circonscrits par la loi. S'il peut interpréter plus ou moins largement tel article fixant sa compétence sur un point déterminé, les termes de la loi s'imposent à lui de manière impérative et limitent par là même cette faculté.

On étudiera successivement la jurisprudence élaborée par le Médiateur en ce qui concerne les différents articles de loi attributifs de compétence.

a) L'article 1er :

dont la lecture ne peut être isolée de celle de l'article 6 rappelé plus loin.

" Un Médiateur reçoit, dans les conditions fixées par la présente loi, les réclamations concernant, dans leurs relations avec les administrés, le fonctionnement des administrations de l'Etat, des collectivités publiques territoriales, des établissements publics et de tout organisme investi d'une mission de service public... ".

On ne peut que rappeler à ce sujet les considérations développées à propos du " critère de compétence " du Médiateur dans le Rapport de 1973.

Organiquement, le Médiateur peut connaître des réclamations intéressant tant l'Etat et les collectivités publiques territoriales que les établissements publics. Ceux-ci relèvent dans leur totalité du contrôle du Médiateur, quelle que soit leur vocation, nationale ou locale. De même, le fonctionnement de tous les établissements publics spécialisés, sans qu'il y ait lieu de distinguer ceux qui sont administratifs de ceux qui sont industriels et commerciaux, peut donner lieu à une réclamation. Enfin, il n'y a pas davantage lieu de s'interroger sur le problème de savoir si l'établissement public concerné gère une mission de service public. Le critère en la matière est très simple : dès qu'il y a personne publique, il y a compétence du Médiateur.

D'autre part, relèvent du Médiateur tous les organismes autres que les personnes publiques, dès lors qu'ils sont investis d'une mission de service public. Là encore, la loi ne fait aucune distinction selon qu'il s'agit de service public administratif ou de service public industriel et commercial.

Le législateur n'ayant généralement pas précisé si une mission de service public est impartie a un organisme, il appartient au Médiateur, compte tenu de la jurisprudence antérieure en la matière, de prendre parti sur la nature de cette mission.

En règle générale, le Médiateur considère qu'il y a mission de service public dès que l'organisme visé s'attache à la satisfaction d'un besoin d'intérêt général ou dès qu'il existe un élément, même lointain, de contrôle de l'Administration sur cet organisme.

L'application de ce critère général de compétence, déduit des conceptions les plus traditionnelles de la doctrine et de la jurisprudence en matière de service public, n'a pas, en 1974, soulevé plus de difficultés qu'au cours de l'année précédente.

Il ressort également de l'article que le Médiateur ne peut connaître d'une réclamation dès lors qu'aucun des organismes énumérés par la loi n'est concerné. Cette condition intéresse au premier chef les réclamations dans lesquelles il est demandé au Médiateur d'intervenir dans un litige strictement privé. Ces réclamations, qui sont plus fréquentes qu'on ne l'imaginerait, sont bien entendu rejetées par le Médiateur - sauf dans l'hypothèse où la réclamation fait entrevoir une contravention à une réglementation, justifiant un contrôle administratif.

b) L'article 6 :

" Toute personne physique qui estime, à l'occasion d'une affaire la concernant, qu'un organisme visé à l'article 1er n'a pas fonctionné conformément à la mission de service public qu'il doit assurer, peut, par une réclamation individuelle, demander que l'affaire soit portée à la connaissance du Médiateur. "

" La réclamation est adressée à un député ou à un sénateur. Ceux-ci la transmettent au Médiateur si elle leur paraît entrer dans sa compétence et mériter son intervention. "

La réclamation doit émaner d'une personne physique.

La situation est à cet égard la même que celle déjà mentionnée dans le Rapport de 1973, à savoir que le Médiateur n'est pas compétent pour intervenir dans une affaire concernant une personne morale. Sans doute, accueille-t-il certaines réclamations lorsqu'elles lui paraissent être la somme de réclamations individuelles (n° I-207 : association de défense de candidats au téléphone) ou lorsque le dirigeant d'une société de personnes, personnellement intéressé sur ses biens à l'aboutissement de sa réclamation, s'adresse à lui. En d'autres termes, il faut - mais il suffit - que la réclamation tende, directement ou non, à la satisfaction de l'intérêt d'une personne physique. Mais si l'intérêt d'un groupe, séparable de celui des personnes qui le composent, est seul en cause, alors le Médiateur ne peut aller plus loin dans son interprétation libérale de la loi, et doit déclarer la réclamation irrecevable.

Le Rapport de 1973 (ib.) soulignait déjà ce que cette situation pouvait avoir de paradoxal - mais il est évident que seule une réforme législative sur ce point pourra entraîner les changements que l'on peut souhaiter.

A cet égard, la proposition de loi déposée au Sénat, sous le n° 118, par MM. P. Schiélé, P. Marcilhacy, L. de Montigny et M. Nuninger propose d'élargir la compétence du Médiateur aux personnes morales sous une réserve : la réclamation d'une personne morale ne serait recevable que si les faits invoqués concernent celle-ci d'une manière directe, à l'exclusion de toute défense de ses membres. Toutefois, elle serait considérée comme une réclamation individuelle si la personne physique qui la présente au nom d'une personne morale est elle-même directement intéressée.

L'organisme critiqué doit ne pas avoir fonctionné conformément à la mission de service public qu'il doit assurer.

C'est là, de toute évidence, que se trouve le fondement du contrôle du Médiateur. Ce mauvais fonctionnement du service qui conditionne la compétence du Médiateur recouvre des faits d'ordres différents.

- Certains de ces faits ou agissements peuvent être sanctionnés juridiquement ; l'intéressé a alors le choix entre deux moyens pour faire valoir ses droits : le recours devant le juge ou l'appel au Médiateur.

L'activité du Médiateur est dans cette hypothèse limitée par les termes de l'article 11 qui lui interdit d'intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction ou de remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle.

Dans ce cas, le Médiateur - comme le juge - contrôle d'abord la légalité de l'attitude de l'Administration. Certes, le Médiateur est sans pouvoir pour redresser certaines situations, parfois graves, où l'intéressé ne peut recevoir satisfaction : l'exemple des nombreuses réclamations où une forclusion a été opposée au réclamant illustre bien cette limitation. Mais le Médiateur n'est pas tenu - contrairement au juge - de limiter son contrôle au seul aspect de la légalité de la réclamation. Son intervention se prolonge au-delà, par la recherche, compte tenu de tous les aspects sociaux, familiaux et humains, d'une solution équitable. Si la réglementation en vigueur interdit de donner satisfaction au réclamant, le Médiateur déclarera généralement au parlementaire intervenant " ne pas avoir décelé dans la réclamation le mauvais fonctionnement du service qui sert de fondement à l'action du Médiateur ". Mais, parfois, il poursuivra son action en tentant d'obtenir une mesure gracieuse en faveur de l'intéressé, ou en tentant de promouvoir auprès de l'Administration concernée une réforme des textes législatifs ou réglementaires.

- Le Médiateur contrôle également certains faits ou agissements qui ne peuvent être sanctionnés juridiquement : il s'agit là des comportements répréhensibles de l'Administration tels que négligences, formalisme excessif, retards. Ces comportements, bien que difficiles à cerner, dénotent à coup sûr un fonctionnement du service non conforme à la mission de service public, mission qui requiert de la part de l'Administration une finalité et une morale.

C'est dans ce domaine que l'on peut envisager - et souhaiter - l'extension la plus importante du contrôle du Médiateur : le juge n'ayant aucun pouvoir en la matière, c'est du seul Médiateur que relève en effet la correction de ces formes minimes, mais combien irritantes, de maladministration.

L'affaire doit être portée à la connaissance du Médiateur par une réclamation individuelle.

Si, dans la grande majorité des cas, les réclamations qui parviennent au Médiateur comportent une lettre de l'intéressé exposant son cas plus ou moins clairement, il arrive que le Médiateur soit saisi directement par un parlementaire. Celui-ci se borne parfois à transmettre un dossier déjà préparé mais où ne figure nulle intention d'en appeler au Médiateur - dossier déjà constitué précédemment pour une autre intervention, auprès du Président de la République, par exemple. Dans d'autres cas, le parlementaire expose dans sa lettre le cas de l'intéressé sans qu'aucune pièce ou dossier ne soient joints à cette lettre.

Le Médiateur ne repousse pas systématiquement des envois de ce type, mais il ne manque pas, dans sa réponse au parlementaire, d'attirer l'attention sur ce manquement aux obligations prévues par la loi.

Bien plus, le Médiateur a cru pouvoir préciser aux parlementaires qu'il ne repousserait pas les réclamations qui ne demandent pas expressément son intervention mais où les situations en cause, ne pouvant être réglées par leur seule intervention, nécessitaient la mise en œuvre des moyens d'action dévolus par la loi au Médiateur. Cet assouplissement de la procédure de saisine prévue par la loi n'a pas paru condamnable au Médiateur, dès lors que son intervention constitue le seul moyen d'éviter la persistance d'une situation contraire à l'équité.

La proposition de loi n° 118 quant à elle, suggère que les commissions parlementaires puissent transmettre au Médiateur les pétitions dont elles sont saisies, celles-ci ayant souvent trait à un problème d'inexécution par l'Administration des décisions de justice.

La réclamation doit parvenir au Médiateur par l'intermédiaire d'un parlementaire.

Le Médiateur est conscient que la nécessité, imposée par la loi, d'un " filtre " parlementaire, éloigne de lui de nombreuses personnes qui lui auraient soumis leur cas si elles avaient pu le faire directement. Ceux qui ont été victimes d'une maladministration caractérisée reculent parfois devant ce qui leur apparaît comme une procédure lointaine et complexe. Les services du Médiateur, par contre, sont encombrés de réclamations émanant d'" habitués " qui ont porté leur plainte à tous les échelons de la hiérarchie administrative - jusqu'au Président de la République - avant d'en appeler au Médiateur ; leur affaire est souvent très ancienne, trente ou quarante ans parfois, et cet important lot de vieilles affaires non réglées parce que non réglables, grève les statistiques du Médiateur. Ceux-là, certes, ne sont pas intimidés par la nécessité de faire " transiter " leur réclamation par un parlementaire. Mais ce sont les autres, les faibles, les timides qu'il faudrait protéger. En réalité, bien que souhaitée par de nombreux auteurs, qui y voient la solution idéale, la saisine directe ne paraît pas pour autant désirable. En effet, tous les pays où fonctionne le système de la saisine directe de l'Ombudsman sont des pays à faible population. Transposer ce système conduirait - en extrapolant par exemple à la France le nombre des réclamations comparé au nombre des habitants du Québec - à saisir le Médiateur d'environ 50.000 réclamations par an. Le Médiateur serait alors amené, pour lutter contre les abus administratifs, à reconstituer une imposante administration ; il serait contraint de transmettre aux ministères intéressés un tel nombre de dossiers qu'une nouvelle source de maladministration prendrait naissance.

Il faut noter que la proposition de loi n° 118 dont il a été question plus haut, n'envisage aucun élargissement de la procédure de saisine du Médiateur en la matière.

Il faut également signaler que c'est par le moyen d'une campagne d'information auprès de toutes les couches de la population que le Médiateur espère pallier en partie les inconvénients du système de la saisine indirecte.

c) L'article 7

" La réclamation doit être précédée des démarches nécessaires auprès des Administrations intéressées.

" Elle n'interrompt pas les délais de recours, notamment devant les juridictions compétentes. "

La réclamation doit être précédée des démarches nécessaires auprès des Administrations intéressées.

La position du Médiateur sur ce point n'a pas différé en 1974 de la pratique suivie en 1973 et qui est décrite dans le précédent Rapport.

Une réclamation qui parvient au Médiateur sans la mention ou sans les documents attestant que les démarches préliminaires auprès de l'Administration ont bien été effectuées est, en règle générale, considérée provisoirement comme irrecevable : le Médiateur n'en entreprend l'instruction que lorsque et si le dossier, une fois complété, fait apparaître que l'Administration a été mise en mesure de faire connaître sa position.

La démarche préalable, on le rappelle, a un caractère généralement informel et peut, clans certains cas, ne pas consister dans un véritable recours administratif, hiérarchique ou même gracieux.

La réclamation n'interrompt pas les délais de recours, notamment devant les juridictions compétentes.

Il a été précisé dans le Rapport 1973 que la loi visait, par cette disposition, aussi bien le recours contentieux que les recours administratifs, hiérarchiques ou gracieux, ouverts à l'administré.

Cela signifie, notait le Rapport de 1973, que si la saisine du Médiateur n'a pas été précédée d'une démarche pouvant être assimilée à un recours administratif gracieux ou hiérarchique, l'intéressé devra, s'il entend conserver le délai qui lui est ouvert au contentieux, former ce recours administratif dans les deux mois en général - de la décision qu'il incrimine.

La non-suspension des délais de recours est à coup sûr génératrice de difficultés pour les intéressés et le Médiateur en est conscient ; il a eu récemment à connaître d'une réclamation pour laquelle l'Administration n'a fait connaître sa position - négative - qu'après l'épuisement des délais de recours. L'intéressé avait donc, du fait de l'appel du Médiateur, perdu ses chances de faire valoir ses droits en justice. A l'heure actuelle, dès que les circonstances de l'affaire paraissent le justifier, le Médiateur ne manque pas de faire connaître au réclamant l'intérêt qu'il a à intenter un recours dans les délais requis nonobstant sa réclamation.

D'une manière générale, on peut dire que la combinaison des articles 7 et 11 de la loi place les administrés dans une situation paradoxale : l'article 7 incite en effet le réclamant à faire appel au Médiateur, sans que pour autant les voies de recours traditionnelles lui soient fermées - pourvu qu'il s'y engage dans les délais.

De nombreuses voix se font entendre pour suggérer que l'appel au Médiateur suspende les délais de recours pendant un délai que la loi fixerait : là encore, c'est au Gouvernement ou au Parlement de prendre éventuellement l'initiative d'une modification de la loi en cause, mais le Médiateur, quant à lui, s'il ne peut que se conformer aux termes de la loi qui limite sa compétence, est persuadé qu'une telle mesure élargirait substantiellement et opportunément son champ d'action. D'un esprit voisin procède la suggestion que, lorsqu'une procédure juridictionnelle est engagée, l'appel au Médiateur provoque un sursis à statuer, lui aussi de durée limitée, de la part de la juridiction saisie.

d) L'article 8 :

" Les différends qui peuvent s'élever entre les administrations et organismes visés à l'article 1er et leurs agents ne peuvent faire l'objet de réclamations auprès du Médiateur. "

Le Médiateur est tenu d'opposer une fin de non-recevoir absolue à tous les agents des Administrations et organismes visés à l'article 1er de la loi qui lui adressent une réclamation relative à un litige qui les oppose à leur Administration ou à l'organisme qui les emploie ; il va de soi, comme le Rapport de 1973 l'a relevé, qu'une réclamation formée contre une Administration ou organisme autre que celui qui emploie le réclamant est recevable.

Tout au plus, dans de rares cas, si les faits allégués par le réclamant lui apparaissent graves et révélateurs d'un mauvais fonctionnement du service, le Médiateur se croit-il autorisé à porter le dossier à la connaissance du ministre concerné : dans ce cas, il ne manque pas de lui préciser qu'étant incompétent pour connaître l'affaire, il n'en attend de réponse que pour son information, arguant du fait qu'il est de l'intérêt même de l'Administration d'expliquer une attitude apparemment incomprise.

Comme en 1973, le Médiateur, considérant que tout lien est rompu entre l'agent à la retraite et son Administration, a estimé pouvoir se saisir des réclamations émanant de retraités.

La proposition de loi n° 118 dont il a été question plus haut a jugé opportun de préciser que la disposition de l'article 8 n'exclut pas les recours formés par des retraités ou par des agents dont les fonctions ont cessé pour quelque cause que ce soit, ceux-ci n'étant plus soumis au pouvoir hiérarchique de leur Administration. Elle suggère donc de compléter l'article 8 par la phrase suivante : " Les dispositions du présent article ne sont pas applicables à ces agents après la cessation de leurs fonctions ".

Cette modification ne ferait que confirmer la pratique suivie par le Médiateur dans son interprétation de l'article 8.

e) L'article 11 :

" Le Médiateur ne peut intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction, ni remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle ".

Sous le bénéfice des observations précédemment faites à propos de l'article 7, cette disposition n'a pas donné lieu de la _Part du Médiateur à une interprétation différente de celle exposée dans le Rapport de 1973.

Le Médiateur se doit de respecter scrupuleusement les dispositions du premier volet de l'article 11 : ce n'est que dans des cas extrêmes qu'il accepte de s'intéresser au déroulement d'une procédure, et encore son contrôle ne s'exerce-t-il pas alors sur le fond mais uniquement sur les délais ou la procédure elle-même. Si les délais d'une procédure administrative lui paraissent excessifs, au point de constituer un mauvais fonctionnement du service, le Médiateur se croit parfois autorisé à en informer le Conseil d'Etat ou la juridiction saisie. De même, si la longueur de la procédure est due à la lenteur mise par l'Administration à présenter ses mémoires, le Médiateur engage une démarche afin que l'Administration soit mise en demeure de respecter ses obligations. Ce sont là des cas exceptionnels qui n'ont été générateurs d'aucune difficulté entre le Médiateur et les juridictions administratives. Vis-à-vis des juridictions judiciaires, le Médiateur, tout en s'informant du déroulement de certaines procédures, observe une plus grande réserve.

Comme il a déjà été dit dans le Rapport de 1973, le Médiateur accepte d'intervenir sur le fond dans deux cas particuliers :

- s'il y a une réelle urgence et si une décision de justice risque d'arriver trop tard en raison de conditions sociales, de santé ou d'âge du réclamant ;

- si l'examen du dossier fait apparaître des manoeuvres de l'Administration - manoeuvres lesquelles peut figurer l'action en justice introduite par l'Administration elle-même dans un but manifestement dilatoire.

Une telle " jurisprudence " ne confère pas à l'appel au Médiateur le caractère d'une voie de recours subsidiaire : elle lui conserve au contraire sa nature de voie parallèle, mais qui doit se fermer quand la suivre conduirait le Médiateur à s'opposer au juge ou à le gêner.

Conformément au second volet de l'article 11, le Médiateur écarte toute réclamation ayant déjà donné lieu à une décision juridictionnelle, c'est dire qu'il se déclare incompétent dès que la justice a statué au fond sur la base des éléments qui lui ont été fournis par le réclamant. Mais c'est dire aussi que, si le jugement a été prononcé sur un problème de recevabilité, de compétence, de forme, ou si le réclamant fait état d'éléments nouveaux dont le juge n'aurait pas eu connaissance, le Médiateur se reconnaît compétent. Il en est de même dans le cas de décisions juridictionnelles contradictoires.

Au surplus, le Médiateur, n'étant pas un organe juridictionnel, peut contrairement au juge, soulever d'office le détournement de pouvoir ou tout autre moyen ; de la même façon, il peut, pour ainsi dire, " statuer " ultra petita.

Sans remettre en cause le bien-fondé de la décision et tout en se déclarant incompétent, le Médiateur a également eu l'occasion d'attirer l'attention du Garde des Sceaux sur les conséquences inéquitables de certaines décisions de justice. On pense au cas d'un agent de la S.N.C.F. qui avait été révoqué pour vol mais dont la condamnation avait été annulée par la Cour de cassation lors d'une action en révision. Une réparation de 8.000 F lui avait été attribuée. Mais qu'est-ce que 8.000 F quand on pense au préjudice moral, au fait que l'intéressé a purgé une peine de prison, et que la S.N.C.F., qui l'a réintégré après 16 ans d'exclusion, n'a pas accepté de reconstituer sa carrière ? A l'heure actuelle, à la retraite et ne touchant qu'une pension réduite, la victime de cette erreur judiciaire peut légitimement concevoir quelque amertume (n° I-991).

On pense également à. un modeste artisan poursuivi par la malchance et la maladie, et que la mise en œuvre automatique de poursuites judiciaires avait enfoncé dans sa détresse (n° I-1277).

Le Médiateur, dans de pareils cas, n'a pas toujours connaissance des éléments d'appréciation dont le juge a disposé. Il ne critique pas les décisions intervenues et ne tente aucune démarche pour en corriger les effets. Il apprécie la situation de manière globale et parfois cette situation le choque : il considère alors comme entrant dans le cadre de sa mission de porter à la connaissance des services concernés les conséquences parfois imprévues de certains jugements.

Ainsi, même dans les cas où il est incompétent, le Médiateur ne se sent pas pour autant dégagé de tout devoir, le premier de ceux-ci lui paraissant être d'informer l'Administration de certaines réalités dont elle semble trop souvent éloignée : par-delà le cas individuel, c'est à une oeuvre d'amélioration, d'humanisation, de justice aussi, qu'il entend activement participer.


II. Le Médiateur et le Parlement.


La collaboration, voulue par le législateur, entre les parlementaires et le Médiateur s'est, dans l'ensemble, poursuivie de façon satisfaisante. Cependant certains problèmes subsistent, qui méritent d'être signalés.

D'une part, en effet, certains parlementaires se plaignent du peu d'aboutissement des affaires qu'ils transmettent au Médiateur ; celui-ci, en revanche, peut encore déplorer le manque d'étude de certains des dossiers qui lui sont adressés (cf. à ce sujet le Rapport de 1973).

Comme on l'a signalé au chapitre premier, le nombre des affaires soumises au Médiateur par les parlementaires s'est maintenu d'une année sur l'autre, avec une tendance a l'augmentation masquée par les circonstances de l'année 1974. Quant au niveau d'affaires traitées, et notamment d'affaires réglées à la satisfaction du réclamant, qui a été atteint au cours de ces deux années, il marque, comme on l'a dit aussi, un progrès appréciable.

Cependant, tout en reconnaissant les progrès accomplis dans l'étude des dossiers, un certain nombre de parlementaires estiment que le taux de résultat des saisines ne plaide pas en faveur de l'efficacité de l'institution. En effet, si les parlementaires apprécient souvent les explications détaillées fournies par le Médiateur sur des décisions qui avaient pu sembler à la fois injustes et arbitraires lorsqu'elles avaient été signifiées à l'intéressé, ils estiment néanmoins que l'enquête du Médiateur devrait être plus personnelle, plus autonome et surtout plus contraignante quels que soient les arguments et les conclusions de l'Administration.

Il a déjà été répondu plus ou moins expressément à de telles critiques dans le courant du présent Rapport, comme dans le Rapport de 1973. Mais c'est ici l'occasion de regrouper les arguments qu'on peut leur opposer :

Il est vrai que le Médiateur procède généralement à une demande de précisions adressée à l'Administration sur le point litigieux soulevé par la réclamation ; et c'est le plus souvent par écrit que le Médiateur reçoit la réponse demandée. Il n'en reste pas moins que nombre d'affaires sont traitées par des contacts directs et que le Médiateur use des pouvoirs d'enquête qui lui sont conférés par la loi, soit directement, soit par l'intermédiaire de ses proches collaborateurs, soit enfin par l'intermédiaire des institutions ou des corps de contrôle sur l'assistance desquels la loi lui permet de compter.

Il paraît injuste de reprocher à cette action son " manque d'autonomie ", c'est-à-dire, de porter la marque d'une certaine subordination à l'Administration, alors que, on le répète, la mission du Médiateur s'accomplit en grande partie à l'intérieur de l'Administration elle-même : la loi l'a voulu ainsi, et le Médiateur persiste à penser que cette solution est préférable à celle qui, l'instituant en censeur a priori du service public aurait nécessairement conduit à le placer à la tête d'une administration nouvelle lourdement structurée, et sujette de ce fait à succomber aux défauts mêmes qu'elle serait censée combattre. Il est presque inutile d'ajouter que les deux Médiateurs qui se sont succédé n'ont jamais eu l'impression d'être " au service " de l'Administration - s'ils l'ont été, c'est d'une autre manière, celle qui consiste à collaborer avec elle pour l'inciter à se transformer.

Quant au caractère insuffisamment contraignant de l'action du Médiateur, il en est là aussi comme la loi l'a voulu : le pouvoir de " recommandation " est le plus élevé de ceux qui ont été reconnus au Médiateur, et l'on a signalé plus haut (chapitre II), non seulement qu'il en avait été fait un plus grand usage en 1974, mais encore que ce pouvoir était, en fait, plus contraignant qu'il n'y paraissait à première vue. On peut certes, comme certains parlementaires l'ont proposé, donner au Médiateur le pouvoir, encore plus élevé, d'adresser des injonctions à l'Administration récalcitrante. Mais c'est là un tout autre problème qui a déjà été discuté lors des travaux préparatoires de la loi et auquel il n'appartient pas au Médiateur d'apporter une solution.

Enfin, quand le Médiateur adopte le point de vue du service public mis en cause, les explications détaillées que l'Administration lui a fournies et qu'après une étude attentive et critique, il porte à la connaissance du parlementaire intervenant, suffisent, semble-t-il, à donner à sa position un caractère motivé. On doit rappeler en outre que dans de tels cas, nombreuses sont les réponses ou, après avoir regretté de n'avoir pu régler favorablement le cas particulier qui lui était soumis, le Médiateur annonce qu'il va porter l'affaire sur un plan plus général, et y rechercher pour l'avenir la solution du problème soulevé par la réclamation.

En revanche, comme on l'a annoncé, le Médiateur serait pour sa part en droit de regretter que certains parlementaires ne jouent pas encore le rôle qui leur est imparti par la loi, à savoir ne lui transmettre une réclamation que si " elle leur paraît entrer dans sa compétence, et mériter son intervention ".

D'une part, en effet, on peut constater que le nombre des réclamations que le Médiateur a dû déclarer irrecevables est resté à peu près constant d'une année sur l'autre. D'autre part, celui des appels qui, a priori, ne méritaient manifestement pas de lui être transmis est encore assez élevé.

Le Médiateur n'ignore pas les difficultés que les parlementaires peuvent rencontrer dans cette double appréciation de la recevabilité et de l'intérêt de la demande. Il sait qu'il peut paraître fort délicat à certains de renvoyer une réclamation à son auteur, lui déclarant qu'elle ne saurait intéresser le Médiateur, ou simplement qu'elle est irrecevable. S'y résoudraient-ils, qu'il leur faudrait, à tout le moins, motiver eux-mêmes leur refus de transmission.

Mais ces motifs de refus peuvent fort bien être tirés d'une étude préalable, demandée aux services administratifs que les Présidents des deux Assemblées ont mis à la disposition de leurs collègues - services dont le Médiateur a constamment l'occasion d'apprécier la compétence et la conscience qu'ils apportent à l'élaboration de ce genre d'études.

D'autre part, comme on l'a vu, le Médiateur consent à ce que les parlementaires puissent désormais lui transmettre des affaires à propos desquelles son intervention n'aurait pas été expressément requise, mais dont le règlement nécessiterait la mise en œuvre des moyens d'intervention que la loi lui a donnés.

Cet élargissement des possibilités de saisine du Médiateur par les parlementaires balancerait la rigueur accrue que ceux-ci devraient mettre dans l'examen préalable des appels exprès au Médiateur.

Alors sans doute deviendrait-il plus aisé de faire la distinction entre les affaires qui méritent une intervention de l'institution nouvelle, et la masse, encore considérable, des classiques demandes d'" intervention parlementaire ".

Car il faut que cette distinction soit maintenue : l'accès au Médiateur est certes ouvert à tous les administrés, mais encore convient-il que les conditions mises par la loi à sa saisine soient généralement respectées.

En définitive, le Médiateur est tenu d'appliquer la loi du 3 janvier 1973 et a conscience de l'avoir fait jusqu'ici scrupuleusement. Si donc les limites de cette loi apparaissent trop étroites aux Parlementaires, il leur appartient d'envisager son adaptation, maintenant qu'ils sont mieux à même d'en apprécier les possibilités et les contraintes. Comme on l'a rappelé, une proposition de loi tendant à une telle adaptation a déjà été déposée.


III. Le Médiateur et le Comité central d'enquêtes sur le coût et le rendement des services publics.


Le Médiateur a été saisi à plusieurs reprises, par des entreprises privées qui se plaignent des retards de paiement apportés par l'Etat ou par les collectivités locales à leurs fournitures de travaux.

Pour le Médiateur, ces requêtes émanant de personnes morales sont irrecevables. Cependant, il a suggéré au Comité central d'enquêtes sur le coût et le rendement des services publics d'entreprendre une étude sur cette question particulièrement actuelle.

Le Comité ayant effectivement retenu à son programme 1974-1975 une enquête sur " les retards de paiement de l'Etat, des établissements publics et des collectivités locales ", les réclamations envoyées au Médiateur ont été transmises à la mission constituée à cette fin.


IV. Le Médiateur et la Mission Entreprises-Administration.


Il faut préciser également l'articulation de la tâche dévolue au Médiateur avec les pouvoirs de la Mission Entreprises-Administration, rattachée au Premier Ministre. Là encore il n'existe pas de double emploi entre les deux institutions.

La distinction se fait juridiquement - ratione personnae et ratione materiae.

- ratione personnae : le Médiateur a, dans l'état actuel des textes, compétence pour les seules personnes physiques.

La Mission Entreprises-Administration est compétente pour les seules entreprises ;

- ratione materiae : le Médiateur traite les réclamations individuelles concernant les décisions prises par tous les services, établissements et organismes investis d'une mission de service public lorsque le demandeur estime que ces services et organismes n'ont pas fonctionné conformément à ce critère de service public.

La Mission, de son côté, n'a pas compétence pour les réclamations portant sur les décisions individuelles. Elle traite, par contre, de toutes les autres causes de difficultés ou de mécontentement (dans les relations avec les services publics et para-publics et les établissements publics) qui tiennent aux procédures, formulaires, délais, attitudes, comportements, langages, techniques de gestion, etc.

La compétence de la Mission exclut donc les réclamations portant sur les décisions administratives. Par contre, elle s'étend à toutes ils modalités des relations quotidiennes entre les services publics et cette catégorie particulière d'administrés que constituent les entreprises individuelles ou les sociétés.

C'est qu'en effet, l'environnement administratif conditionne d'une part la qualité de la vie des administrés et, d'autre part, l'efficacité et la compétitivité des entreprises.

C'est la raison pour laquelle l'action de la Mission Entreprises-Administration se distingue de celle du Médiateur.

- Elles ne se situent pas au même niveau. Le Médiateur s'adresse aux Ministres et Secrétaires d'Etat. La Mission doit dialoguer avec les chefs d'administration et leurs collaborateurs immédiats qui sont ses correspondants désignés.

- Elles ne visent pas aux mêmes buts. L'action du Médiateur est essentiellement curative bien qu'elle n'exclue pas le droit de présenter des observations et des recommandations d'ordre général. La Mission, elle, a un rôle préventif.

A ces différences de niveaux et de buts, correspondent nécessairement des méthodes spécifiques. Celles du Médiateur sont exposées dans le Rapport de 1973 et dans le présent Rapport. L'action de la Mission est axée sur la confrontation et sur la recherche en commun des solutions les plus simples et les plus économiques pour les deux parties. Elle postule naturellement la recherche des causes profondes des cas de maladministration constatés et débouche sur le choix des actions à entreprendre pour en prévenir le retour : à titre d'exemple, la Mission a mis sur pied des groupes de simplification préventive que l'Administration peut utiliser, si elle désire, pour tester les procédures nouvelles et vérifier qu'elles sont compatibles avec les contraintes de la gestion moderne des entreprises, qu'elles soient ou non informatisées.

On le voit, les tâches du Médiateur et de la Mission Entreprises-Administration sont irréductibles l'une à l'autre ; par des chemins différents, elles tendent cependant vers un but commun : une prise de conscience collective de l'ampleur du problème et de la nécessité d'un effort de réflexion en commun.

Le Médiateur a transmis du reste à la Mission Entreprises-Administration nombre de réclamations, concernant les difficultés qui ont pu s'élever entre des entreprises et l'Administration lorsqu'elles lui ont été adressées par des parlementaires en contravention aux règles qui régissent sa compétence mais qu'elles lui paraissaient mériter une intervention.


V. Le Médiateur et les Comités d'usagers.


La nomination, à la fin de 1974, de parlementaires en mission qui président dans dix-sept Ministères ou Secrétariats d'Etat des Comités d'usagers, amène le Médiateur à préciser les contours de sa mission et son articulation avec celle dévolue aux dits Comités.

Le Médiateur étant chargé de recevoir des requêtes et des plaintes, il pouvait s'opérer une confusion dans l'esprit du public - la presse s'en est fait l'écho - avec le rôle conféré aux Comités d'usagers, à savoir : " faire entendre l'avis des intéressés et proposer toutes les formules permettant d'humaniser les rapports entre le citoyen et l'Administration ".

A l'heure actuelle, la délimitation des compétences des deux institutions paraît définie : le Médiateur reçoit les réclamations émanant des particuliers, dans leurs relations avec l'Administration ; les Comités d'usagers, en ce qui les concerne, ne doivent en aucune manière retenir et traiter des cas personnels, mais doivent s'attaquer à améliorer, sur le plan général, les procédures, et plus généralement la nature des relations qu' entretient l'Administration avec les citoyens :

- style des correspondances,

- formulaires à remplir,

- procédures et démarches,

- accueil du public (dans les Ministères, les Préfectures, les Services extérieurs),

- information générale (communiqués de presse, bulletins périodiques).

Or, le Médiateur considère que s'il a bien été institué pour recevoir les réclamations concernant, dans leurs relations avec les administrés, le fonctionnement des Administrations, la loi du 3 janvier, le fonctionnement des organismes mis en cause ; ce droit de proposition 1973 lui a donné le droit de faire des propositions tendant à améliorer s'étend également à tout ce qui, dans le domaine réglementaire, voire législatif, révèle une anomalie qui aurait pu échapper aux auteurs des textes et, mériter", de ce fait un nouvel examen.

Si l'on ajoute que les Comités d'usagers seront certainement saisis de réclamations individuelles n'entrant pas dans le cadre de leur compétence, on conçoit que des contacts très étroits soient nécessaires entre le Médiateur et les Comités naissants.

Ceux-ci transmettront au Médiateur, qui dispose des pouvoirs d'investigation appropriés, les réclamations qui leur paraîtront à première vue sérieuses. Le Médiateur, quant à lui, communiquera aux parlementaires présidant les Comités d'usagers, les propositions ou suggestions qu'il aura été amené à faire aux Ministres auprès desquels ils sont places, donnant ainsi aux Comités la possibilité, d'examiner des dossiers ayant déjà fait l'objet d'une étude approfondie et de recueillir à leur sujet l'avis des représentants qualifiés des usagers, ce qui ne peut qu'accroître la portée et la valeur des propositions qui seraient faites. Le Médiateur leur transmettra aussi les lettres qui lui paraissent constituer, non une réclamation destinée à régler un cas particulier, mais une suggestion de portée générale.

Le Médiateur s'est d'ores et déjà engagé sur cette voie en transmettant plusieurs dossiers aux Présidents des Comités d'usagers placés auprès de différents Ministres. En voici quelques exemples :

Ministère de l'Intérieur :

- Information des usagers dans le secteur des services publics concédés, par exemple les sociétés d'adduction ou de distribution des eaux. De nombreux différends opposent en effet les usagers aux sociétés concessionnaires distributrices des eaux et aux communes ou syndicats de communes, responsables de la réalisation des adductions d'eau. Les usagers se plaignent, soit de ne pas connaître les projets des collectivités locales ou de ne pas être suffisamment consultés à leur sujet, soit de ne pas être informés, ou de manière insuffisante, sur les conditions des contrats et abonnements des sociétés concessionnaires d'un service public.

- Complexité des procédures administratives, tant en ce qui concerne l'obtention que la suspension ou le retrait du permis de conduire.

Ministère de l'Economie et des Finances :

- Retrait par l'un des conjoints après le décès de l'autre, des sommes déposées sur un livret de Caisse d'Epargne postal ouvert an nom du conjoint disparu : simplification de la procédure.

Ministère de l'Equipement :

- Autonomie des procédures relatives à l'instruction des dossiers de projet de construction d'immeubles industriels et à celle des demandes d'exploitation de ces mêmes établissements industriels : coordination et synchronisation de ces procédures.

- Information préalable des administrés dans le secteur de l'urbanisme (publicité des règlements d'urbanisme, information sur la nature et la portée du permis de construire, information sur les procédures d'expropriation).

Secrétariat d'Etat aux Postes et Télécommunications :

- Suggestions concernant la mise en place de moyens de vérification directe par les usagers des opérations téléphoniques émises par un réclamant à la suite d'un litige relatif au prix d'une communication téléphonique qui lui a été réclamée dans un bureau des P. et T.


VI. Le Médiateur et les titulaires de fonctions analogues dans les autres pays.


Dès son entrée en fonctions, le premier Médiateur a senti la nécessité de s'informer, de façon aussi complète que possible, sur la nature, le rôle exact, les résultats d'activité des institutions d'objet analogue fonctionnant à l'étranger.

C'est la raison pour laquelle il a fait préparer l'étude de droit comparé qui figure dans la cinquième partie de son rapport de 1973. Il lui est aussi apparu souhaitable, comme à son successeur, d'établir avec ses " collègues " étrangers des liens aussi étroits que possible, mais ils sont difficiles à entretenir en dehors de réunions internationales, comme celle qui a été organisée en 1974 par la Commission permanente de l'Assemblée du Conseil de l'Europe, et dont on trouvera ci-après le compte rendu, établi d'après le rapport présenté sur ses conclusions à la Commission des questions juridiques de l'Assemblée.

Réunion du 4 juillet 1973.

Le 4 juillet 1973, la Commission permanente de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a décidé, par sa résolution 549, de consacrer une réunion aux systèmes nationaux d'ombudsman et à leur éventuelle extension à l'échelon européen.

Cette réunion, organisée par la Commission des questions juridiques, s'est tenue les 18 et 19 avril 1974.

Consciente de ce que la réunion proposée serait, pour les Ombudsmen et les Commissaires parlementaires des Etats membres du Conseil de l'Europe, la première occasion de se rencontrer et de discuter des questions d'intérêt commun, la Commission a décidé, en suivant les directives établies dans la Résolution 549, d'inscrire à l'ordre du jour les trois points suivants :

a) Echange d'informations et d'expériences entre les personnes titulaires de la charge d'Ombudsman, de Commissaire parlementaire ou de Médiateur.

b) Examen de l'opportunité de nommer un Ombudsman européen en vue de l'exercice de fonctions similaires.

c) Examen de l'opportunité de nommer une personnalité indépendante chargée d'assister les requérants dans l'introduction de leur requête devant la Commission européenne des, Droits de l'Homme.

Pour présenter le premier point, chaque Ombudsman a été prié de soumettre un document de travail sur la nature et l'étendue de ses fonctions, la publication de l'ensemble de ces rapports, ainsi que d'autres documents concernant la réunion, étant pour les hommes politiques, les spécialistes et les fonctionnaires gouvernementaux un instrument très utile à la poursuite des recherches et une intéressante étude de droit comparé.

Outre les membres de la Commission des questions juridiques, participaient à la réunion :

- M. Ulf LUNDUIIK, Ombudsman suédois,

- M. Nordskov NIELSEN, Ombudsman danois,

- M. Fritz-Rudolf SCHULTZ, Commissaire parlementaire allemand pour les questions militaires,

- M. Stephan Me GONAGLE, Commissaire parlementaire d'Irlande du Nord pour l'administration et Commissaire aux plaintes,

- Sir Alan MARRE, KCB, Commissaire parlementaire britannique pour l'administration,

- M. Antoine PINAY , Médiateur français,

- M. Jacques VONTOBEL, Ombudsman de la ville de Zurich,

- M. Itzak NEBENZAHL, Commissaire israélien aux plaintes émanant du public, en qualité d'observateur,

- M. James E.S. FAWCETT, Président de la Commission européenne des Droits de l'Homme,

- M. Giuseppe SPERDUTI, Vice-Président de la Commission européenne des Droits de l'Homme,

- M. Antoine FAVRE, Juge à la Cour européenne des Droits de l'Homme,

- M. Willibald PHAR, Président du Comité d'experts en matière de droits de l'homme.

Deux experts indépendants :

- M. Silvio MARCUS-HELMONS, Professeur à l'Université catholique de Louvain, Directeur du Département des Droits de l'Homme du Centre d'études européennes, et

- M. Gustaf PETREN, Juge à la Cour suprême de Suède,

- Divers observateurs.

Le débat sur le premier point inscrit à l'ordre du jour s'est ouvert sur un exposé de chacun des Ombudsmen sur les aspects les plus caractéristiques de son travail et sur l'expérience qu'il avait acquise dans l'exercice de ses fonctions. Tous les participants purent ensuite poser des questions, faire des commentaires et exprimer leur point de vue. De très précieux renseignements ont pu être ainsi rassemblés sur les différents types de services d'Ombudsman existant en Europe. Les Ombudsmen eux-mêmes ont pu se familiariser avec les fonctions et problèmes de leurs collègues, procéder à des échanges d'idées et discuter de leurs méthodes de travail.

Le second point de l'ordre du jour concernait l'une des principales propositions contenues dans la proposition de recommandation présentée par M. WIKLUND et plusieurs de ses collègues, relative à la nécessité de nommer un commissaire aux Droits de l'Homme ou d'instituer un organe équivalent au niveau européen. M. Gustaf PETREN, Juge à la Cour Suprême de Suède, accepta l'invitation que lui avait adressée la Commission de développer verbalement cette proposition à la réunion. Un échange de vues suivit son exposé.

La discussion du troisième point de l'ordre du jour fut précédée par un exposé de M. MARCUS-HELMONS. Au cours de l'échange de vues qui suivit, le Président et le Vice-Président de la Commission européenne des Droits de l'Homme exposèrent leurs points de vue personnels sur la question.

Les Ombudsmen présents précisèrent la position de leurs systèmes respectifs sur le mode de désignation et le statut de l'ombudsman, les fonctions et les domaines de compétence, sur les plaintes et les procédures. Il s'avéra que, si les pratiques suivies sur ces différents points dans les pays européens étaient quelque peu différentes, les résultats des enquêtes entreprises et les mesures correctives qui en découlent étaient, eux, très similaires.

En effet, le trait le plus remarquable des décisions de l'Ombudsman est sans doute qu'elles se révèlent efficaces en dépit de leur caractère peu contraignant. Les rapports de l'Ombudsman, en effet, n'ont pas forme de décision avec dispositif comportant injonction. Il n'a aucun pouvoir de modifier la loi ou de casser une décision administrative ou judiciaire. Si, dans certains pays, il est habilité à entamer des poursuites, civiles ou pénales, ou à demander des mesures disciplinaires, son autorité découle principalement de son droit de consulter tous les dossiers de l'administration, de son pouvoir d'exiger des fonctionnaires ou des juges qu'ils lui donnent connaissance des faits, de lancer un avertissement, de donner des conseils, de persuader, de mettre en garde ou de faire des remontrances et de présenter un rapport annuel au Parlement.

En pratique, le pouvoir indéniable de l'Ombudsman tient an droit et même au devoir qu'il a de faire connaître son point de vue sur toutes les questions qui lui sont soumises. S'il estime une plainte justifiée, il exprime ses critiques et adresse ses recommandations au service concerné dans le but de régler l'affaire et, lorsque la mauvaise administration est en l'occurrence le fruit d'une pratique ou d'une réglementation générale défectueuse, de corriger la situation dans son ensemble. Ces recommandations, bien qu'elles n'aient pas un caractère obligatoire, sont pratiquement toujours appliquées par le service intéressé.

L'Ombudsman jouit d'un tel prestige et d'une telle autorité morale que ses avis constituent presque un jugement définitif et que ses recommandations sont interprétées en pratique comme des injonctions.

Selon les cas et selon la législation du Pays, l'Ombudsman adresse ses recommandations à l'Administration, ou au Parlement, oit aux deux à la fois. Les mesures adoptées par ces organismes sur recommandation de l'Ombudsman varient grandement.

Les mesures prises par les services gouvernementaux peuvent, dans les cas mineurs de mauvaise administration, être de simples excuses présentées à la victime par le chef de service. D'autres fois, lorsque l'Ombudsman a estimé justifiée la plainte d'un particulier, il peut recommander au service de réexaminer toute l'affaire, d'annuler ou de modifier une décision antérieure, de prendre une décision précédemment refusée, d'indemniser la victime, etc. Lorsqu'une affaire individuelle a des conséquences générales ou à l'issue d'une enquête d'office, l'Ombudsman peut recommander au service concerné de réexaminer la façon dont il mène ses relations avec le public, de modifier la manière dont il traite les cas analogues, d'interpréter différemment les lois ou règlements en vigueur, d'émettre un nouveau règlement intérieur, de prévoir des instructions plus précises, etc.

Les " mesures correctives " prises par le Parlement sur recommandation de l'Ombudsman consistent surtout à adopter de nouvelles dispositions législatives. Mais en plus, comme les ombudsmen doivent soumettre au Parlement des rapports annuels et des rapports spéciaux sur leurs activités, les parlementaires, les commissions d'enquête ou les commissions spéciales pour l'Ombudsman, qui examinent ces rapports, peuvent choisir d'autres formes d'action. Ils peuvent, par exemple, se servir du rapport pour interpeller au cours d'un débat le Ministre responsable ou déposer une question écrite ; ils peuvent demander à entendre un ministre sur certains points précis que soulève le rapport oui à instaurer un débat sur le fonctionnement d'un secteur de l'administration.

En résumé, l'action de l'Ombudsman a, peut-on dire, un triple effet : un effet préventif puisque son existence même oblige l'administration à surveiller sa conduite (aussi convient-il de mesurer le succès de l'Ombudsman non point ait nombre de plaintes qu'il reçoit mais aux cas innombrables de mesures administratives qui ne donnent pas lieu à réclamation) ; un effet correcteur dans des cas particuliers et un effet correcteur général pour les améliorations qu'il recommande dans l'Administration et la législation. L'Ombudsman aide ainsi l'Etat à donner à ses citoyens le sentiment qu'ils vivent dans une société démocratique qui respecte la prééminence du droit et où l'administration publique sert les intérêts de tous.

Les sociétés contemporaines ont besoin de moyens de contrôle efficaces du pouvoir et de l'extension croissante de l'Administration publique, tant pour protéger l'intérêt général que pour sauvegarder les droits et libertés de l'individu. Dans les pays qui ne possèdent pas d'Ombudsman, on fait souvent valoir que cette institution est superflue dans un système juridique où les tribunaux administratifs fournissent déjà un moyen de contrôle approfondi des activités de l'Administration. Cette affirmation ne paraît pas fondée, pour quatre raisons :

- Aucun contrôle administratif ne peut être assez complet pour s'étendre aussi, de manière satisfaisante, au domaine où l'Administration publique n'agit pas dans l'exercice de la puissance publique, mais en tant que fournisseur de services sociaux ;

- Les tribunaux doivent, dans leur contrôle, se borner à appliquer des règles administratives générales aux cas particuliers, alors que la manière souple et informelle avec laquelle l'Ombudsman traite les cas particuliers semble mieux correspondre a un besoin de véritable équité ;

- Les tribunaux administratifs ont généralement un pouvoir beaucoup plus limité que l'Ombudsman pour évaluer le bien-fondé des décisions prises par les services gouvernementaux ou l'usage qu'ils font de leur pouvoir discrétionnaire ;

- Les procédures devant l'Ombudsman sont plus rapides, moins onéreuses et moins compliquées que devant les tribunaux.

On veut rappeler à ce sujet que la Constitution danoise de 1953 a créé simultanément la charge d'Ombudsman et un système de tribunaux administratifs, estimant que tous deux sont utiles puisqu'ils répondent à des besoins et à des objectifs différents. C'est pour les mêmes raisons que d'autres pays européens, déjà dotés d'un système complet de tribunaux administratifs, envisagent la désignation d'un Ombudsman.

D'aucuns ont exprimé des doutes quant à l'opportunité de désigner des Ombudsman nationaux en faisant valoir que les commissions de pétitions existant dans divers parlements nationaux pourraient, si elles étaient organisées à cet effet, remplir les mêmes fonctions. Il n'en est rien : les parlementaires ont d'autres fonctions et d'autres préoccupations que celles de membres des commissions de pétitions et ne peuvent ainsi s'occuper des réclamations de façon exclusive et rapide, alors que l'Ombudsman est un organe permanent, spécialisé dans les enquêtes et réclamations et agissant au nom du Parlement. Du reste, les procédures parlementaires ne sont pas conçues pour traiter des cas individuels qui nécessitent des solutions individuelles, sans impliquer nécessairement une action sur le plan législatif. Le Parlement petit contribuer à l'efficacité de l'Ombudsman en adoptant des mesures sur sa recommandation ou en se fondant sur ses rapports pour mettre en cause la responsabilité d'un ministre, mais il ne peut le remplacer. De même, les parlementaires, individuellement, n'ont ni les moyens ni le temps de s'assurer avec l'efficacité de l'Ombudsman que les citoyens ne subissent pas d'injustices de la part du Gouvernement.

Il faut mentionner aussi " l'effet préventif " de l'institution : le simple fait qu'il existe un Ombudsman incite les services publics à améliorer leur administration et à prendre en considération les conséquences éventuelles de leurs actes, qui pourraient faire l'objet d'une enquête impartiale sur la plainte d'un administré ou sur initiative de l'Ombudsman. Outre qu'il aide à résoudre les cas particuliers, l'Ombudsman rend l'Administration publique accessible et compréhensible, instaure un climat de confiance entre les citoyens et le Gouvernement et aide l'Etat à pénétrer ses citoyens du sentiment qu'ils vivent dans une société démocratique qui respecte la prééminence du droit et dont le Gouvernement est au service de tous.

Tout en assurant la protection des droits de l'individu, l'Ombudsman sert une autre cause qu' il ne faut pas négliger : par son étroite association au Parlement, notamment par les rapports qu'il lui soumet, il est une source d'informations très précieuse pour le Parlement et contribue à renforcer le contrôle parlementaire sur l'Exécutif. L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s'interroge à l'heure actuelle sur l'évolution future des institutions démocratiques en Europe. Or, à une époque où les Parlements perdent de plus en plus de leur puissance au profit de l'Exécutif et où les gouvernements ont tendance à faire de ce pouvoir un usage qui échappe au contrôle public, l'Ombudsman est un moyen éminemment important de conserver un juste équilibre entre les différents pouvoirs de l'Etat.

Les participants à la réunion ont également débattu de la proposition de recommandation visant à la création d'un Ombudsman européen. Tout comme ses homologues nationaux, cet Ombudsman aurait pour fonction de protéger les droits des citoyens contre les abus de pouvoir des Administrations publiques et de promouvoir une bonne administration en général. Il s'acquitterait de sa tâche en enquêtant sur les plaintes formulées par les particuliers contre les Administrations nationales et en enquêtant aussi, de sa propre initiative, sur les violations apparentes des Droits de l'Homme constatées dans les Etats parties à la Convention.

Il est apparu toutefois au cours de la réunion avec les Ombudsmen que cette proposition était trop ambitieuse et impossible à mettre en oeuvre, au moins au stade actuel d'intégration européenne. Concrètement, l'obstacle majeur à la nomination d'un Ombudsman européen est qu'il n'existe rien de semblable à " une Administration publique européenne ", à laquelle ce nouvel organe pourrait correspondre. Il n'existe pas actuellement entre les 17 Etats membres du Conseil de l'Europe, une législation européenne intégrée et une Administration capable d'en assurer la mise en oeuvre, sauf dans le domaine des Droits de l'Homme. Aussi, un Ombudsman européen, calqué sur les modèles nationaux, ne se trouverait-il aucune compétence propre ni aucun organe habilité à agir sur les recommandations.

La réunion avec les Ombudsmen a enfin étudié une autre proposition visant à la désignation d'une personnalité indépendante chargée d'aider les requérants à présenter leur requête devant la Commission européenne des Droits de l'Homme. Une assistance de ce genre avait été souvent réclamée par des personnes qui n'ont pas la formation juridique nécessaire pour exposer correctement leurs griefs et qui n'introduisent pas leur requête par le ministère d'un avocat (c'est-à-dire environ 90 % des requérants). Il a été également question de la nécessité d'aider certaines catégories de personnes moins favorisées (dont les travailleurs migrants, les handicapés physiques et mentaux, les détenus).

Or, il a semblé que les tâches que l'on se proposait de confier à cette personnalité ou organe nouveau sont déjà remplies dans la pratique et la procédure actuelles : en effet, un système de rapporteur a été mis en place pour traiter de chaque affaire et vise à accélérer le travail. De plus, l'assistance judiciaire est généreusement accordée. Dans ces conditions, il est apparu qu'il valait mieux modifier la Convention là où elle pourrait sembler dépassée plutôt que de greffer un nouvel organe sur l'ancien schéma. Il a été suggéré de faire porter les efforts sur l'amélioration de l'assistance fournie par le Secrétariat de la Commission aux requérants.

En conclusion, la Commission des questions juridiques a présenté à l'Assemblée parlementaire, qui l'a adopté à l'unanimité le 26 novembre 1974, le projet de recommandation suivant

L'Assemblée,

1. Se félicitant de la réunion que sa Commission des questions juridiques a tenue avec les " Ombudsman " et Commissaires parlementaires dans les Etats membres du Conseil de l'Europe (Paris, 18-19 avril 1974) ;

2. Considérant que l'" Ombudsman ", le Commissaire parlementaire ou le Médiateur remplit une double fonction d'importance primordiale : protéger les particuliers contre les abus des Administrations publiques et, plus généralement, améliorer ces Administrations ;

3. Consciente de ce qu'aujourd'hui les pouvoirs publics réglementent des aspects de plus en plus nombreux de la vie des hommes ;

4. Considérant que les Etats se sont chargés de la sauvegarde des droits et des libertés fondamentales de l'homme, mais que les empiètements de la puissance publique sur la vie privée de l'individu peuvent constituer des atteintes à ces mêmes droits et libertés ;

5. Considérant, en outre, que les formes usuelles du contrôle judiciaire ne permettent pas toujours de réagir avec une rapidité et une efficacité suffisantes à tous les aspects et à tous les détours de l'Administration moderne ;

6. Convaincue de la nécessité d'une garantie supplémentaire, à la fois plus simple, plus rapide, moins onéreuse et plus souple dans son fonctionnement que les voies de recours judiciaires actuelles ;

7. Estimant que cette garantie peut être assurée par un " Ombudsman " ou un commissaire parlementaire ;

8. Convaincue également que, par l'information et l'assistance qu'il fournit au Parlement, l'" Ombudsman " contribue à renforcer le contrôle parlementaire sur l'exécutif ;

9. Se félicitant de l'extension remarquable de l'institution de l'" Ombudsman " et du Commissaire parlementaire aux niveaux tant national que local, qui s'est produite au cours des dernières années en Europe ;

10. Recommande au Comité des Ministres d'inviter les gouvernements des Etats membres qui n'ont pas encore adopté cette institution à étudier la possibilité de désigner, tant au niveau national qu'au niveau régional et/ou local, des personnes assumant des fonctions correspondant à celles des " Ombudsman " et Commissaires parlementaires existants.


VII. Le Médiateur et le public.


Conscient de la nécessité de mieux faire connaître son Rapport de 1973, le Médiateur a entrepris une première série d'efforts dans ce sens en 1974. Une telle action avait été décidée dès le mois de mars 1974. Le décès du Président Pompidou, l'élection présidentielle, la démission du premier Médiateur en ont retardé la mise en œuvre ; à l'exception d'une rencontre, au printemps, avec des universitaires qui s'étaient intéressés à l'institution, c'est seulement à partir du mois d'octobre 1974 que les premières initiatives en matière de relations publiques ont pu être concrétisées et intensifiées dans le cadre d'un programme précis, dont l'application se poursuivra dans les mois à venir.

La création récente de l'institution a d'abord amené le Médiateur à constater que la très grande majorité du public ignorait son existence, et a fortiori la procédure à suivre pour le saisir.

Par ailleurs, il a fallu se rendre à l'évidence qu'il existait un décalage important entre les exigences d'un public sensibilisé au concept de Médiateur et les possibilités qu'offrait actuellement l'institution.

Enfin, il a été convenu, pour un premier temps, d'adopter une attitude de réserve et de discrétion. En effet, la complexité des procédures administratives, opposée à la simplicité apparente des exigences du public à l'égard du Médiateur, incitait à s'engager avec prudence dans les mécanismes de l'information.

On retiendra, de la politique de relations publiques appliquée ces derniers mois par le Médiateur, les orientations suivantes :

- Susciter, dans les premiers temps, des contacts réguliers avec les journalistes. Ceux-ci ont manifesté, d'une manière générale, un intérêt certain pour l'institution. Par ailleurs, ils ont fait part au Médiateur de nombreuses suggestions concernant des développements souhaités de ses activités. Plus de 100 journalistes se sont entretenus avec le Médiateur. Ils représentaient la presse quotidienne nationale, les magazines d'informations générales, la presse " sectorielle " et la presse de province. Les moyens audiovisuels ont également contribué à mieux faire connaître le Médiateur auprès de l'opinion publique. La télévision et les stations périphériques ont, selon l'actualité, fait mention du Médiateur ou de ses activités. Outre les articles et les émissions de radio qui ont été consacrés au Médiateur, celui-ci peut désormais compter sur des contacts suivis avec des journalistes davantage sensibilisés à l'institution et ses possibilités d'intervention.

- Rencontrer les hommes qui, en France, sont aux sources vives de l'économie, de la politique et des affaires sociales.

C'est ainsi que le Médiateur a effectué une série de visites à caractère officiel dans les principales villes de France. Ces déplacements lui ont permis d'informer et de s'informer auprès des Préfets, Parlementaires, Présidents de Chambres de commerce et d'industrie, d'agriculture et de métiers, responsables d'organismes de développement économique régionaux, représentants des forces syndicales et sociales, etc... Il les a informés de sa fonction et de sa mission. Ses interlocuteurs lui ont en retour fait part des situations locales et de réclamations qui pouvaient être portées à sa connaissance. On peut analyser succinctement comme suit les réactions de la plupart des interlocuteurs que le Médiateur a rencontré dans le cadre de sa politique d'information :

- d'une part, on a noté un réel attrait pour le concept de Médiateur, et de la sympathie pour les efforts qui étaient entrepris afin de permettre à l'institution d'assumer le plus largement possible sa responsabilité ;

- d'autre part, les observateurs ont constaté une tendance très nette, de la part de ses interlocuteurs d'opinion, à presser le Médiateur de demander un élargissement du cadre de sa mission actuelle. Cette attitude a été constante. Elle a souvent conduit le Médiateur, sans méconnaître le pouvoir exclusif du Gouvernement et du Parlement, à exprimer ses vues en la matière.

Bien entendu, les efforts qui ont été entrepris en matière d'information doivent être poursuivis. On peut trouver deux raisons à cette attitude d'ouverture vers l'extérieur :

- Il faut atteindre un niveau de notoriété suffisant pour que le Médiateur soit connu du plus grand nombre, et que cette institution soit ainsi à la portée de tous.

- Il faut expliquer, mieux et à un plus large public, les mécanismes du fonctionnement du Médiateur (saisine, instruction des affaires, etc.) afin que les dossiers qui sont actuellement proposés entrent en plus grand nombre dans la compétence du Médiateur et y soient d'un niveau d'intérêt accru (on a vu au chapitre II la valeur significative et d'intérêt général de certains dossiers particuliers permettant des propositions de réformes).

Cette fonction pédagogique de l'information est sans doute essentielle pour que le Médiateur soit de plus en plus utile et que les possibilités qui sont les siennes dans le cadre de sa mission ne déçoivent pas une opinion qui resterait mal informée.

C'est pourquoi une nouvelle politique d'information, en cours d'élaboration, sera développée en 1975. Elle consistera essentiellement à aller à la rencontre de publics sectoriels, auxquels des renseignements précis et adaptés seront communiqués sur le Médiateur. Dans cet esprit, deux plaquettes d'information ont été conçues. Elles seront progressivement diffusées auprès de publics spécialisés et d'organismes, tels que : Préfectures, Sous-Préfectures, Mairies de chefs-lieux de cantons, Chambres d'agriculture, Chambres de commerce et d'industrie, Chambres de métiers, Organisations syndicales et professionnelles, etc...



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