Année 1973


DEUXIEME PARTIE




3. PERSONNELS DES COLLECTIVITES PUBLIQUES


Observations d'ensemble.

1. On a vu clans la première partie que pour accepter d'instruire la réclamation dirigée, contre une administration ou un organisme investit d'une mission de service public, par un membre du personnel de cette administration ou de cet organisme, et hors le cas exceptionnel où l'intéressé agirait comme un " administré " ordinaire, c'est-à-dire en tant que bénéficiaire ou tributaire du service à l'exécution duquel il participe d'autre part, le Médiateur estimait nécessaire qu'une double condition fût remplie : le réclamant ne devait plus pouvoir être considéré comme l'" agent ", en exercice, de l'employeur incriminé ; sa réclamation ne devait pas conduire à remettre en cause un acte pris par cet employeur dans l'exercice de ses pouvoirs, et en premier lieu du pouvoir hiérarchique.

Il s'ensuit que, même en matière de pensions, où pourtant le lien de service se trouve par définition rompu, le Médiateur ne s'est pas pour autant déclaré systématiquement compétent ; car une contestation portant sur les conditions d'attribution, ou même le montant, d'une pension de retraite, peut fort bien s'adresser, en dernière analyse, à un acte pris par l'autorité compétente dans l'exercice de son pouvoir de gestion, alors que l'intéressé était encore en activité de service.

Le Médiateur a donc très soigneusement veillé, comme l'article 8 de la loi semblait le lui commander, à ne pas s'immiscer dans l'exécution des " obligations de service ".

2. Cela rappelé, les réclamations reçues en ce domaine frappent d'abord par leur nombre, très important, et leur diversité.

Nombreuses, comme ou le verra, ont été celles qui sont relatives à la matière des pensions ; mais les interventions émanant d'agents publics en exercice forment un ensemble non moins impressionnant, et qui couvre toutes les rubriques du statut de ces agents : recrutement, avancement, positions, discipline, et même notation, etc...

Cela montre que parmi nos fonctionnaires, pourtant familiers du Journal officiel et accoutumés à l'analyse des textes, il s'en est trouvé qui n'ont pas lu, ou peut-être pas voulu lire, l'article 8 de la loi du 3 janvier 1973.

En dépit de la densité des moyens de défense offerts à l'agent public, il existerait donc, en France, une certaine " demande " en vue de la création d'un " ombudsman administratif " ; il est difficile de donner une autre interprétation aux constatations précédentes.

3. Une autre constatation est que les réclamations ici étudiées proviennent, dans leur presque totalité, de deux groupes de fonctionnaires ou agents ; ceux qui dépendent de l'Education nationale, et ceux qui dépendent du Ministère des Armées.

En ce qui concerne le premier groupe, son importance paraît à première vue s'expliquer par celle des effectifs correspondants dans l'ensemble de notre fonction publique. Mais la nature des problèmes le plus fréquemment évoqués - notamment celui des mutations du personnel enseignant - dénote sans doute l'existence de difficultés spécifiques.

Quant aux situations mettant en cause le Ministère des Armées, nombreuses sont celles qui concernent des agents de rang modeste qui, par suite de vicissitudes historiques, ont dû effectuer une partie de leur carrière dans des organismes temporaires de statut mal défini, et dont le reclassement dans les services de ce Ministère ou y rattachés, s'est opéré dans des conditions qui n'étaient pas toujours définies avec suffisamment de clarté et de rigueur.

Ce sont également des fonctionnaires subalternes ou des ouvriers d'Etat qui, par suite d'une information insuffisante, ont laissé se prescrire les délais dans lesquels ils étaient tenus d'entreprendre les démarches administratives qui leur auraient permis d'améliorer leur situation ou bien encore qui ne l'ont pas fait parce qu'ils en ignoraient la nécessité.

Le Ministre des Armées s'est déclaré conscient de la nécessité de tenter de porter remède à certaines de ces situations, marginales, mais parfois dramatiques.

4. Il y a lieu de noter enfin qu'un certain nombre de fonctionnaires ou agents retraités se sont plaints de ne pouvoir bénéficier que des avantages prévus par la législation en vigueur à la date de leur départ à la retraite, et d'être écartés, en raison seulement de cette date, de toute extension ultérieure de ces avantages.

On ne saurait, certes, oublier le principe de non rétroactivité de la loi - étendu, peut-être trop systématiquement, à tous les domaines du règlement. On sait aussi qu'en matière de pensions notamment, une jurisprudence administrative constante affirme que les droits à pension ne peuvent être appréciés à une autre date que celle à laquelle ils ont pris naissance, par radiation des cadres au décès.

Il n'empêche que la législation des pensions, comme la législation " sociale " en général, ne procède pas par attributions successives d'avantages nouveaux à l'ensemble de tous les sujets de droits éventuels mais par extensions limitées de ces avantages à des sous-ensembles que seul l'accomplissement d'un événement déterminé : être parti à la retraite à compter d'une certaine date, par exemple, privilégie. Sont donc systématiquement laissés pour compte les plus âgés de ces bénéficiaires : ce ne sont pas les moins dignes d'intérêt.

Sans vouloir remettre en cause un mécanisme que des considérations budgétaires suffisent peut-être à justifier, le Médiateur ne pouvait passer sous silence le fait que dans notre législation sociale, le principe de non-rétroactivité des lois et règlements apparaît régulièrement utilisé pour écarter l'application d'un autre principe : celui de l'égalité de tous les citoyens devant les libéralités de la loi.

Pensions.

Régime de la retraite.

- Le régime de la retraite a été l'objet de plusieurs réclamations, notamment en ce qui concerne les dispositions applicables à la femme fonctionnaire (n° 366) et aux militaires rayés des cadres pour infirmité imputable au service (n° 216).

Satisfaire ces réclamations aurait conduit à remettre en cause (cf. ci-avant) la non-rétroactivité de certaines dispositions du Code des pensions.

Cependant l'une d'elles (n° 124), soulève la question de savoir si les nouvelles dispositions de ce Code permettant aux femmes ayant un mari ou un enfant malade ou handicapé d'obtenir une pension à jouissance immédiate avant d'avoir accompli quinze ans de services, ne pourraient être étendues au cas des célibataires ayant un ascendant à charge.

Bases de la pension.

Une forte proportion des réclamations émanant de retraités tendent à une réévaluation de la pension perçue, qui supposerait une modification des bases de rémunération sur lesquelles cet avantage a été calculé. L'intervenant allègue en ces occasions, soit que l'emploi auquel il était parvenu a fait l'objet depuis son départ d'un reclassement indiciaire dont il n'a pas bénéficié en tant que retraité (nos 88, 503, 530) ; soit même que ce n'est pas le classement correspondant au dernier emploi occupé qui a été retenu en ce qui le concerne (n° 634), ou bien qu'il aurait été injustement écarté, à la fin de sa carrière, d'un avancement auquel il pouvait prétendre (n° 356) ; ou encore qu'il a été victime, avant de quitter le service, d'un déclassement injustifié (nos 373, 583).

D'autres réclamations mettent en cause l'effet, jugé néfaste, sur la situation des intervenants, de certaines mesures d'ordre statutaire (nos 82, 1033) ; d'autres enfin, les répercussions d'incidents de carrière divers et plus ou moins anciens (nos 127, 508, 753).

Toutes ces réclamations ont naturellement été déclarées irrecevables, même si certaines ont donné lieu à l'ouverture d'une information de la part du Médiateur.

Il y a lieu de noter toutefois que l'instruction d'une affaire (n° 1085), menée avec le concours du Conseil d'Etat, a conduit à la conclusion qu'il serait légitime d'offrir aux fonctionnaires retraités qui ont fait confiance à leur administration pour le règlement de leur pension, et n'auraient constaté une erreur de droit que plus de six mois après la liquidation de cet avantage, la possibilité d'obtenir la révision d'une situation dont ils ne sont pas responsables, et qui leur porte un préjudice qu'ils n'ont pas toujours été à même de déceler en temps opportun.

Il a été demandé en conséquence au Ministre de l'Economie et des Finances de faire connaître son sentiment sur le problème général ainsi posé, et sa manière de voir sur les modifications qui pourraient être apportées à l'article L 53 du Code des pensions, afin d'atténuer la rigueur de ses dispositions actuelles.

Services à prendre en compte.

La non-prise en compte pour le calcul de la retraite de certains services accomplis par le pensionné a été également un thème abondant de réclamations (nos 15, 48, 53 : services accomplis outre-mer ; n° 273 : services accomplis par les " maîtres temporaires des classes d'application " ; n° 6 " : années d'industrie " requises des professeurs de l'enseignement technique ; n° 1087 : services antérieurs à la titularisation d'une dame employée des P.T.T., etc…).

Ces demandes se heurtaient dans tous les cas à l'existence de dispositions législatives ou réglementaires sans équivoque, et n'ont pu qu'être rejetées au fond, après avoir été déclarées irrecevables.

Deux réclamations cependant (nos 642 et 790) ont attiré l'attention du Médiateur sur un problème auquel l'équité commanderait, semble-t-il, d'apporter une solution bienveillante.

Il s'agit des services accomplis, notamment pendant la dernière guerre, dans les " compagnies de travailleurs étrangers ".

D'après l'enquête effectuée, ces compagnies n'étant pas des corps de l'armée française, les services accomplis à ce titre ne peuvent être considérés que comme des services civils. Or, en l'état de la réglementation, ils ne peuvent non plus être pris en compte pour le calcul des pensions relevant du Code des pensions civiles et militaires, attendu qu'ils ne figurent ni sur la liste des services valables, ni au tableau des services validables.

Le Médiateur a demandé, dans ces conditions, une étude de la question.

Mesures d'ordre général.

Plusieurs réclamations ont porté sur les conditions d'application de mesures d'ordre général concernant les retraites. Ainsi :

- Un retraité des Antilles a soulevé auprès du Médiateur la question de l'octroi éventuel aux fonctionnaires retraités des départements français d'Amérique de la majoration de 40 % applicable à leurs traitements d'activité.

La réponse faite à l'intervenant a permis de lui préciser, après enquête, les raisons qui s'opposent à une solution, conforme aux voeux des intéressés, de ce problème connu. Le règlement de celui-ci passerait en tout cas par une révision du statut financier de la fonction publique outre-mer (n° 157).

La garantie des retraites algériennes par l'Etat français avait été mise en cause par un ancien fonctionnaire de la Sécurité sociale en Algérie, qui s'étonnait que sa pension n'ait pas fait l'objet d'une " péréquation " pour la période courant de la date d'indépendance à l'année 1970.

Il lui a été répondu, après enquête, que la France n'avait fait que garantir les retraites que le nouvel Etat algérien avait cessé de servir aux non-résidents, et que la péréquation des pensions servies aux fonctionnaires de tous les anciens cadres d'outre-mer n'avait été autorisée que par la loi de finances pour 1969 (n° 672).

- La réclamation d'un retraité des anciens cadres chérifiens a permis de lui donner les précisions nécessaires sur la garantie instaurée par le décret du 22 février 1955 et la loi n° 56-782 du 4 août 1956, et le système d'option que ces textes prévoient (n° 783).

- Une réclamation a signalé le retard constaté dans l'application de l'article 73 de la loi de finances pour 1969 à certains retraités relevant du Ministère de l'Intérieur et du Ministère de la Santé publique et de la Sécurité sociale (ex-Affaires sociales).

Ce texte a accordé le bénéfice des mesures de péréquation consécutives aux modifications de structure et indiciaires d'un emploi métropolitain d'assimilation, aux titulaires de pensions garanties concédées initialement par les régimes de retraites marocain, tunisien et par la Caisse générale des retraites de l'Algérie, ainsi qu'aux fonctionnaires et agents français qui, lors de leur radiation des cadres, appartenaient aux anciens cadres généraux et supérieurs de la France d'outre-mer et aux cadres locaux européens de l'ex-Indochine française et à leurs ayants cause, titulaires d'une pension du régime spécial du décret du 21 avril 1950 (ex-Caisse de retraites de la France d'outre-mer). Mais la mise en oeuvre de cette disposition est subordonnée à la publication d'arrêtés interministériels déterminant, pour chaque corps, les conditions de l'assimilation des emplois locaux occupés par les intéressés à des emplois métropolitains correspondants. La préparation de ces arrêtés d'assimilation incombe aux administrations de rattachement dont relèvent les bénéficiaires des pensions visées par l'article 73 précité (n° 2).

Majoration de pension.

Les conditions d'attribution de la majoration de pension pour enfant à charge ont donné lieu à une réclamation (n° 777) dont l'instruction a conduit à un examen approfondi du problème, effectué avec le concours du Conseil d'Etat. L'article L 18 du Code des pensions de retraite énumère limitativement les enfants susceptibles d'ouvrir droit à majoration. Ce texte vise, outre les enfants légitimes, naturels reconnus ou adoptifs du titulaire et de son conjoint, ceux qui ont fait l'objet d'une délégation judiciaire des droits de puissance paternelle en faveur du titulaire de la pension en application des articles L 17, premier et troisième alinéas, et 20 de la loi du 24 juillet 1889, sur la protection des enfants maltraités ou moralement abandonnés.

Les enfants recueillis par le postulant à pension, qu'il s'agisse d'orphelins ou d'enfants abandonnés, ne peuvent donc ouvrir droit à la majoration en cause dès lors qu'ils n'ont pas fait l'objet d'un jugement de délégation des droits de puissance paternelle ou de l'autorité parentale au profit du pensionné.

Cette garantie légale, qui permet de déterminer sans contestation possible la matérialité ainsi que le caractère permanent de la prise en charge de l'enfant et la date de celle-ci, a en effet été considérée par le législateur comme indispensable pour la reconnaissance du droit à la majoration de pension dont il s'agit.

Tirant les conséquences de ces dispositions, la jurisprudence administrative a confirmé l'exigence d'un tel jugement pour admettre la prise en considération des enfants recueillis (cf. T.A. Marseille, 10 juillet 1968, Fragny ; T.A. Nice, 2 décembre 1970, Wartel) et a été appelée à préciser que la nomination par le conseil de famille du pensionné aux fonctions de tuteur ne saurait être regardée comme constituant le transfert de la puissance paternelle prononcé par décision expresse (cf. T.A. Nice, 18 décembre 1969, Wolf).

Il convient cependant de remarquer que dès lors qu'un enfant est privé de ses père et mère, il cesse nécessairement d'être placé sous le régime de la puissance paternelle pour passer sous celui de la tutelle.

Il s'ensuit que les titulaires de pension auxquels a été dévolue la tutelle d'un orphelin de père et mère se trouvent privés de la majoration même s'ils ont entièrement élevé cet orphelin.

Cette situation est d'autant moins satisfaisante que le tuteur, dont la fonction est gratuite, est détenteur, vis-à-vis du mineur, de droits fort proches de ceux de la puissance paternelle (droit de garde, administration de biens) et que, par suite, il a, à l'égard de l'enfant, des devoirs à peu près équivalents.

Dès lors, on ne discerne pas très bien pourquoi le tuteur d'un orphelin, auquel le lie un titre juridique précis entraînant pour lui des devoirs, se trouve exclu du bénéfice de l'article L 18.

Aussi le Médiateur a-t-il demandé au Ministère de l'Economie et des Finances d'étudier les modalités d'une réforme du système organisé par l'article L 18 du Code des pensions, en étendant son champ d'application, notamment aux intéressés qui se trouvent dans une situation analogue à celle de l'auteur de la réclamation (pupille de la Nation recueillie par le titulaire et élevée par lui depuis le décès de ses parents).

Il convient de rappeler que le problème se pose également pour les titulaires de pensions de vieillesse du régime général de la Sécurité sociale et que des modifications de la réglementation sont déjà à l'étude.

Retraite et invalidité.

L'invalidité survenant ou s'aggravant après la mise à la retraite de l'agent entraîne des situations qui ne semblent pas toutes couvertes par la législation existante :

Une institutrice, affectée pour raisons de santé dans un " poste de réadaptation ", y avait dépassé la limite d'âge. Elle a donc demandé à être mise à la retraite pour invalidité, par application de l'article L 29 du Code des pensions - ce qui lui a été refusé, sur avis défavorable de la commission de réforme. Ayant alors obtenu sa mise à la retraite pour ancienneté de services, elle a, ultérieurement, sollicité la revalorisation de sa pension, son état de santé s'étant aggravé ; mais cette dernière demande était tardive, et la forclusion lui a été opposée (n° 1329).

Le Médiateur n'a pu que décliner sa compétence dans cette affaire. Cependant, le problème qu'elle soulève, et qui se retrouve d'ailleurs à propos des pensions du régime général de la Sécurité sociale, semble mériter attention.

Problèmes de carrière.

1. Les conditions de reclassement dans un nouveau corps, après " intégration ", semblent être une source constante de réclamations auprès du Médiateur, même de la part d'agents encore en activité de service (nos 218, 339, 875, notamment).

Toutes ces réclamations ont, comme il se devait, été déclarées irrecevables.

- Les conditions de nomination et d'avancement constituent d'autres rubriques du statut des agents publics qui ont été visées par certaines réclamations (nos 229 et 405 : nominations de médecins ; n° 279 : nomination d'un professeur de médecine titulaire de chaire à titre personnel ; n° 4 : conditions de titularisation d'une adjointe d'enseignement stagiaire ; nos 1134, 1158 : demandes tendant à la prise en compte pour l'avancement de certains services, etc...).

- Les conditions de la notation des fonctionnaires, notamment en ce qui concerne la communication de l'appréciation générale accompagnant la note chiffrée, ont aussi fait l'objet de réclamations auprès du Médiateur (nos 1092 et 1600, notamment).

- L'application des règles relatives aux positions statutaires a également été évoquée (nos 595, 1077 : congé de longue durée ; n° 646 : conditions de la réaffectation après détachement ; n° 834 : position " sous les drapeaux ").

- Enfin, un certain nombre de réclamants ont fait état de façon plus vague d'incidents de carrière divers, et demandé réparation sous des formes également diverses (nos 651, 921, 1088, 1264, notamment).

A toutes ces réclamations, l'article 8 de la loi a été opposé.

2. Le Médiateur a reçu un nombre appréciable de réclamations de fonctionnaires soulevant une question de discipline (nos 444, 625, 932, 1358, 1659, notamment).

Toutes ont donné lieu, comme il se devait, à une déclaration d'incompétence particulièrement nette.

3. Deux questions importantes - ne serait-ce que par le nombre de réclamations qu'elles ont provoquées - ont été soumises au Médiateur en matière de rémunérations :

- La première est celle des conditions de paiement aux personnels militaires de l'indemnité familiale d'expatriation en Allemagne (plus de 50 réclamations).

Des décrets de 1956 avaient modifié le régime de cette prestation en lui substituant une indemnité de séjour, moins élevée ; annulés par le Conseil d'Etat pour vice de forme sur recours des personnels civils intéressés, ils n'ont été remplacés qu'en 1963, par de nouveaux textes qui réglaient définitivement la situation, mais n'avaient évidemment pas d'effet rétroactif.

Les agents civils, forts de la décision obtenue, présentèrent dans leur majorité des demandes de rappel pour la période intermédiaire. Mais, sauf quelques cas particuliers, les personnels militaires qui, bien que non visés par l'arrêt du Conseil d'Etat, avaient la possibilité de déposer des demandes similaires, s'abstinrent de les exprimer.

L'administration opposa par la suite les règles de la déchéance quadriennale à toutes les demandes de rappel - quels qu'en soient les auteurs.

Il en est résulté une situation qui, pour conforme qu'elle apparaisse aux textes, à la jurisprudence, aux principes du droit administratif, ne saurait être jugée satisfaisante sur le plan de l'équité même si l'on considère qu'une solution conforme aux voeux des personnels intéressés serait passablement coûteuse.

Le Médiateur a donc estimé de son devoir d'examiner, à son tour, et de signaler un problème qui, s'il n'entre pas directement dans les compétences fixées par la loi du 3 janvier 1973, n'en laisse pas moins apparaître une attitude contestable des pouvoirs publics.

- La deuxième affaire (plus de 30 réclamations) met en cause les conditions de l'exécution des décisions juridictionnelles par l'administration.

A la suite d'un arrêt du Conseil d'Etat rendu en 1972 sur les recours pour excès de pouvoir présentés par deux d'entre eux, plusieurs centaines de fonctionnaires des territoires français du Pacifique ont déposé une requête gracieuse afin de se faire rembourser les retenues pour logement qui avaient été opérées sur leur traitement en exécution d'un arrêté de 1967. Le silence gardé par l'administration pendant plus de quatre mois valant rejet implicite, certains d'entre eux ont formé un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'Etat.

L'affaire étant en cours d'instruction devant la Haute Juridiction, le Médiateur n'a pu que se déclarer doublement incompétent. Mais l'information qu'il a ouverte lui a permis d'apprendre, et de signaler aux intéressés, que même si l'issue des instances en cours leur était favorable, les règles du contentieux administratif leur imposeraient encore d'intenter des recours de plein contentieux, s'ils entendent obtenir le remboursement des retenues opérées avant le dépôt des recours gracieux, remboursement auquel l'administration, qui s'en tient à la stricte formulation des décisions juridictionnelles intervenues, s'est jusqu'ici déclarée opposée.

- Une réclamation a attiré l'attention du Médiateur sur les conditions dans lesquelles les établissements d'enseignement secondaire dépendant du Ministère des Armées ont été répartis en quatre catégories, avec les conséquences qui s'ensuivent quant au classement et à la rémunération des membres du personnel de ces établissements (n° 891).

- Une autre réclamation a permis de donner aux intervenants des indications sur l'état de la procédure qui devait aboutir au classement en catégorie " B " du corps des instructeurs du plan de scolarisation en Algérie (n° 86).

- D'autres réclamations, d'objet plus limité, ont également concerné la matière des rémunérations (nos 660, 900, notamment).

4. Nombreuses ont été les réclamations mettant en cause les conditions dans lesquelles l'agent public exécute ou a exécuté son service, ou relatives à des demandes de mutation non satisfaites (nos 251, 383, 384, 432, 843, 908, 958, 1104, 1516, 1532, 1572, notamment).

La plupart de ces réclamations émanent de fonctionnaires de l'Education nationale, notamment d'instituteurs qui se plaignent de ne pouvoir bénéficier de la " loi Roustan " sur le rapprochement des époux fonctionnaires.

Les informations ouvertes à ce propos ont révélé que les difficultés signalées sont générales, et proviennent pour une grande part de la situation excédentaire des effectifs d'instituteurs, qui ne permet pratiquement plus d'affectations qu'à l'intérieur d'un même département.

5. Comme il a été annoncé ci-avant (cf. II, A, 2 : " Ministère des Affaires étrangères), le Médiateur a reçu d'assez nombreuses réclamations émanant de fonctionnaires ou d'agents en service ou ayant servi hors de France, en particulier au titre de la coopération (nos 52, 255, 359, 367, 534, 578, 591, 784, 949, notamment).

Toutes ces réclamations étaient, légalement, irrecevables. Cependant, compte tenu des difficultés particulières que pouvait entraîner pour les intéressés le fait de dépendre, et ce dans un pays étranger, à la fois de leur administration d'origine et des services charges de la coopération, plusieurs des situations exposées ont donné lieu à un examen particulier et à l'ouverture d'une information qui a parfois abouti à un règlement favorable (nos 359, 578, 255, notamment).

6. Après la cessation des fonctions, peuvent se poser pour l'agent public d'autres problèmes que ceux qui sont relatifs à la retraite.

L'intéressé peut critiquer les conditions dans lesquelles il a été mis fin à ses fonctions ; et si son départ du service est dû à une décision d'ordre disciplinaire, le Médiateur, comme on l'a rappelé, doit se déclarer particulièrement incompétent (nos 625, 1153, 1234).

Les demandes de réintégration soumises au Médiateur ont également été fréquentes, et parfois significatives de l'idée que le public - même celui des fonctionnaires - se fait de la nouvelle institution (n° 441, notamment : ancien ingénieur des Eaux et Forêts demandant au Médiateur d'aider à sa réintégration ou de lui donner son appui pour l'ouverture d'un cabinet privé).

7. A l'opposé, les problèmes de recrutement et de formation figurent également parmi les sujets traités dans les réclamations émanant d'agents publics (nos 328, 336, 790, 915, 1729).

Toutes ces réclamations ont été déclarées irrecevables, mais les informations ouvertes à propos de certaines d'entre elles ont permis de conseiller utilement l'intervenant (nos 328 et 915).

Les réclamations nos 790 et 1729, relatives à la décision prise par l'administration de ne pas organiser de concours pour le recrutement d'ingénieurs des travaux agricoles en 1970, ont donné lieu à un exposé détaillé des motifs de cette décision.

Problèmes divers.

Situation des fonctionnaires et agents des collectivités territoriales.

- Certains problèmes posés par le reclassement, en exécution des arrêtés des 17 juillet 1968, 5 juin 1970 et 4 août 1970, des cadres des services administratifs communaux, ont été évoqués par une réclamation, déclarée irrecevable (n° 38).

Le Ministère de l'Intérieur a précisé au Médiateur sa position dans cette affaire, qui semble fortement motivée.

- Une autre réclamation, également déclarée irrecevable, signalait certains retards dans l'intervention des textes permettant l'emploi à mi-temps des agents départementaux.

Les conditions de mise en œuvre de ces dispositions ont été précisées par le Ministère de l'Intérieur et le Ministère de l'Economie et des Finances sur la demande du Médiateur (n° 1).

- Les agents et cadres techniques de l'équipement dans l'agglomération parisienne voyaient leurs possibilités de promotion restreintes à la suite de la création des départements de la ceinture.

Sur l'intervention du Médiateur, les Ministères concernés (Equipement, Intérieur, Finances) ont réexaminé le problème, qui est en voie de règlement (n° 362).

- Une réclamation a eu trait à la situation des professeurs de l'enseignement technique dépendant des collectivités locales en ce qui concerne le droit de ces fonctionnaires à certaines bonifications d'ancienneté en vue de la retraite.

La réclamation a été déclarée irrecevable ; l'affaire a d'ailleurs donné lieu à une réponse ministérielle (n° 444).

- Les secrétaires de Conseils des prud'hommes sont assimilés aux agents départementaux.

L'information ouverte à propos de la situation de l'un deux a montré qu'il n'avait pas été défavorisé dans sa carrière, et qu'il n'était pas possible, comme il le souhaitait, de le maintenir en activité au-delà de soixante-cinq ans (n° 343).

Situation des agents non titulaires de l'Etat.

- La situation d'ensemble des agents non titulaires employés dans les services de l'Etat a été l'objet d'une réclamation à laquelle le Médiateur n'a pu qu'opposer les dispositions de l'article 8 de la loi (n° 360).

- Des réclamations nombreuses ont eu pour thème la situation propre aux maîtres et professeurs auxiliaires employés par l'Education nationale (nos 252, 282, 460, 704, 1064, 1299). La grande majorité des intervenants sont, soit des auxiliaires licenciés qui demandent leur réintégration, soit des auxiliaires encore en fonction qui désirent être titularisés.

Beaucoup de ces affaires ont donné lieu à une information du Médiateur, car bien qu'il n'ait pas compétence pour les instruire, le problème qu'elles posent ne laisse pas d'être préoccupant ; l'une d'elles a même abouti à un règlement favorable (n° 1064).

- Un agent du Ministère de l'Equipement a demandé au Médiateur d'intervenir en vue de faciliter sa titularisation (n° 1124) ; un autre réclamant, ancien agent du Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme, licencié sur sa demande, et n'ayant pu obtenir d'être réintégré, demandait une reconstitution de carrière, l'attribution d'un poste en rapport, et une réparation pécuniaire (n° 485).

Ces réclamations se sont bien entendu heurtées à une fin de non-recevoir.

Travail féminin.

- Une employée au Commissariat à l'énergie atomique avait été mise en congé sans solde pour élever un enfant. Elle n'a pu obtenir sa réintégration à la fin de ce congé, car le règlement du personnel en vigueur au moment de son départ, et qui n'écartait pas la possibilité d'une réintégration en pareil cas, avait été remplacé dans l'intervalle par une convention de travail plus restrictive sur ce point (n° 5).

Le Médiateur n'a pu que décliner sa compétence dans cette affaire, mais le cas mérite d'être signalé.

Logements de fonction et résidences secondaires.

Comme on l'a signalé ci-avant (cf. " action des services économiques et financiers ; fiscalité "), un nombre appréciable de réclamations ont attiré l'attention du Médiateur sur la situation des personnes qui, encore en activité, ont fait construire une habitation en prévision de leur retraite, et s'étonnent de ne pas bénéficier pour cette habitation des avantages fiscaux attachés à l'occupation de la résidence principale.

Le fait que le logement choisi pour s'y retirer, ou même pour être occupé dès que les circonstances le permettront, ne puisse être considéré que comme une résidence secondaire, semble avoir particulièrement frappé les agents publics bénéficiaires d'un logement de fonction (réclamation n° 314, notamment).

Bien que le Ministère de l'Economie et des Finances ait été amené à rappeler, en de telles occasions, les facilités accordées par les textes, notamment pour la location des logements initialement destinés à l'habitation, le problème paraît sensiblement plus vaste, et mériter d'être proposé à la réflexion des autorités compétentes.



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