L'applicabilité directe des normes communautaires


L'expression "applicabilité directe " recouvre en fait deux notions distinctes :

- l'immédiateté des normes communautaires
Les normes communautaires font partie intégrante des droits nationaux dès leur publication au Journal Officiel des Communautés Européennes ou leur notification à leur destinataire. Leur pénétration dans les ordres juridiques ne nécessite aucun acte de réception intermédiaire.
( CJCE 1964, Costa c/ ENEL Rec.,1964, p. 1141, concl. M. LAGRANGE : " L'ordre juridique communautaire constitue un ordre juridique propre, intégré au système juridique des Etats membres ".)
ATTENTION : La transposition des directives est une mesure d'exécution du droit communautaire non un acte de réception.

- l'effet direct des normes communautaires
Les normes communautaires créent des droits et obligations pour les individus et peuvent donc être invoquées directement devant le juge national par ceux-ci.
(CJCE 5/02/1963, Van Gend en Loos, Rec.,1963, p.3, concl. K. ROEMER)
ATTENTION : Cela ne concerne pas toutes les normes communautaires ; certaines conditions ont été fixées par la jurisprudence de la CJCE.

I L'IMMEDIATETE


Au sein de l'Union Européenne deux approches du droit international coexistent.

Ainsi, dans les Etats dits "monistes " tels que la France, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Grèce, les traités internationaux produisent leurs effets dans l'ordre juridique interne dès leur entrée en vigueur sans qu'aucun acte de réception ne soit nécessaire.

Au contraire, dans les Etats "dualistes ", le traité international ne peut produire ses effets dans l'ordre interne que si une norme nationale (acte de réception) l'y introduit.

Par le principe d'immédiateté, la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) a pris parti pour une conception moniste du droit communautaire.

Ainsi, la CJCE oblige tous les Etats membres, quelle que soit leur attitude vis à vis du droit international, à permettre l'application immédiate du droit communautaire et leur interdit de subordonner celle-ci à l'adoption d'un acte national de réception.

Le droit communautaire originaire (les traités, émanant des Etats membres ) et les actes de droit dérivé (actes émanant des institutions communautaires ) sont soumis à ce principe de façon automatique. Au contraire, le principe de l'effet direct ne concerne que certains actes, ou certaines dispositions d'actes communautaires réunissant les conditions fixées par la jurisprudence.

II L'EFFET DIRECT

A-Normes concernées :

1- le règlement communautaire


Les traités le précise de façon expresse : Article 249 du Traité d'Amsterdam : " Le règlement est directement applicable dans tout Etat membre. "

La CJCE a seulement précisé qu'il s'agit d'un effet direct complet, c'est à dire que le règlement peut être invoqué par un particulier aussi bien dans un litige l'opposant à un Etat membre que dans un litige l'opposant à un autre individu. ( CJCE 10/10/1973 Variola, 34/73, p. 981, concl. H MAYRAS).

2- les dispositions des actes communautaires répondant aux critères posés par la CJCE.


Ainsi, la CJCE juge qu'une disposition est d'effet direct si elle est CLAIRE et PRECISE (elle ne présente aucune ambiguïté quant à son contenu ), et s'il s'agit d'une norme COMPLETE.

( caractère inconditionnel de l'acte qui fait qu'il se suffit à lui-même, sans qu'aucun autre acte des institutions communautaires ou nationales soit nécessaire ).

Remarque: On parle d'effet direct VERTICAL si la norme communautaire peut être invoquée dans un litige entre un individu et un Etat membre, et d'effet direct HORIZONTAL si elle peut l'être dans un litige entre deux particuliers.

D'autre part, on distingue l'EFFET DIRECT COMPLET (effet direct horizontal et vertical), et l'EFFET DIRECT LIMITE (effet direct vertical seulement)

B-L'effet direct

1- Les directives


La majorité de la doctrine a longtemps jugé que les directives ne pouvaient pas avoir d'effet direct pour 3 raisons :

- l'article 249 du traité d'Amsterdam ne le précise pas comme il le fait pour le règlement.

- Les directives ont pour destinataires les Etats membres, non leurs ressortissants.

- par définition, la directive n'est pas une norme complète puisqu'elle doit être transposée par les Etats.

Cependant la jurisprudence de la CJCE a réfuté cette doctrine en décidant que, si en principe les directives n'ont pas d'effet direct, il n'en est pas toujours ainsi dans les faits. La CJCE a ainsi jugé qu'à titre d'exception une directive peut être d'effet direct pour les dispositions claires et inconditionnelles qu'elle comprend lorsque l'Etat contre lequel elle est invoquée a négligé de la transposer dans le droit interne ou a adopté des actes contraires à cette directive. Par conséquent la directive en question ne peut être invoquée par un particulier qu'après l'expiration du délai de transposition. D'autre part, il ne peut s'agir ici que d'un effet direct vertical puisque les directives s'adressent aux Etats, non aux individus.

Les décisions communautaires visées elles aussi par l'article 249, ne sont également d'effet direct que par exception pour leurs dispositions claires et complètes.

Par contre, les avis et les recommandations ne peuvent jamais avoir d'effet direct car ils sont dépourvus d'effet contraignant pour leurs destinataires, on ne peut donc pas les invoquer contre eux.

2-L'effet direct et le juge national


L'effet direct d'une norme ou d'une disposition communautaire s'impose au juge national qui doit en conséquence appliquer celle-ci au litige dans lequel elle est invoquée par un particulier. Il doit donc écarter la norme nationale qui lui serait contraire.

D'autre part, s'il ne sait pas si une norme communautaire invoquée est ou non d'effet direct, le juge national doit surseoir à statuer pour poser à la CJCE une question préjudicielle en interprétation.



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