L'embauche en droit allemand

Par Otto Kaufmann

Chercheur au Max Planck Institut de Munich



Pour désigner la période allant des premiers contacts, c'est-à-dire de la manifestation de la volonté de procéder à un recrutement, de la prise de connaissance d'une offre de travail à la conclusion du contrat, on parle fréquemment en Allemagne du "départ d'une relation de travail", littéralement de "l'établissement de contacts en vue de la création d'une relation de travail" (Anbahnung des Arbeitsverhältnisses). L'embauche inclut donc la période précontractuelle, pendant laquelle les parties - le demandeur d'emploi et l'employeur potentiel - sont tenues d'agir de bonne foi, lorsqu'elles exercent certains droits et s'acquittent de certaines obligations (1).

Le sujet ici abordé pourrait certainement être compris comme relevant du droit comparé franco-allemand. En réalité le but de cet exposé est de donner une idée de l'embauche en Allemagne. L'embauche en droit allemand ne sera, par conséquent, traitée qu'au premier stade de la comparaison juridique, à savoir au niveau de la description et de l'explication (2). Il s'agit avant tout de la présentation de la situation au stade précontractuel, de l'analyse des principaux droits et obligations auxquels les parties en cause doivent se conformer ; le dispositif protecteur en faveur du demandeur d'emploi sera cependant prépondérant. Par la suite, il y aura une esquisse du contrat de travail.

S'agissant de l'approche d'une partie du droit allemand qui est insérée dans un ensemble plus large, il paraît utile, au préalable, de faire quelques remarques sur le droit du travail allemand et du contexte dans lequel il est ancré en général (3).

I. LE CONTEXTE DANS LEQUEL EST EXERCEE L'EMBAUCHE

Nous allons exposer ici la place du droit du travail dans l'ordre juridique allemand et les grandes lignes qui orientent le processus de l'embauche.

A. Le contexte organisationnel et juridique qui gouverne l'embauche

L'Allemagne est un Etat fédéral qui a pour principe un partage de compétences entre la fédération et les Etats fédérés (Länder). Cette double compétence se manifeste en matière législative par la participation des Länder à la législation. En matière sociale - droit du travail et droit de la sécurité sociale - la compétence est concurrente entre l'Etat fédéral et les Etats fédérés. Cela signifie que les Länder ont le droit de légiférer pour autant que l'Etat fédéral n'ait pas usé de son droit de législation. Or, en la matière, il l'a largement fait. En conséquence la législation est fédérale et par conséquent unique pour tout le pays (4). Le principe de la primauté de la loi fédérale trouve ainsi pleinement application.

La relation de travail n'est pas gouvernée par un Code du travail (5) ; un grand nombre de textes ont vocation à s'appliquer aux relations de travail.

Le BGB (Bürgerliches Gesetzbuch, Code civil) contient des dispositions spécifiques qui s'appliquent à l'embauche et au contrat de travail (6). Mais le BGB, quoique modifié à maintes reprises depuis son entrée en vigueur en 1900, est un texte qui reflète les conceptions de la société libérale du début du siècle et la fiction d'un contrat de service librement négocié entre deux partenaires égaux, ce qui ne correspond évidemment pas à la réalité. Les seules dispositions du BGB, relatives au contrat de travail, ne rendent donc pas compte de la réalité des relations de travail.

Il y a par conséquent des textes spécifiques, qui s'appliquent chacun à un domaine donné. C'est ainsi le cas de la loi sur les conventions collectives (Tarifvertragsgesetz) ou encore de la loi portant constitution sociale de l'entreprise (Betriebsverfassungsgesetz, BetrVerfG), qui contient des dispositions applicables à l'embauche et au recrutement. D'autres textes incluent des mesures protectrices particulières qu'il convient de respecter lors de l'embauche ; c'est le cas de la législation en faveur de la femme enceinte.

Or, en raison de l'insuffisance de toutes ces dispositions législatives, les règles issues de la jurisprudence revêtent une certaine importance. En droit du travail, sont compétents les tribunaux du travail (Arbeitsgerichte), organisés à un triple niveau : la première instance, l'appel et la cassation, qui est dévolue au tribunal fédéral du travail (Bundesarbeitsgericht).

Le juge interprète les différents textes et détermine la partie des normes constitutionnelles qui entrent en jeu lors de l'embauche. Une très grande importance est accordée à la Constitution (loi fondamentale, Grundgesetz), et notamment aux droits fondamentaux qui y sont contenus ; certains d'entre eux ont fait l'objet d'interprétations par les différentes juridictions, non seulement en matière de relations de travail, mais également en matière d'embauche, lors de la période précontractuelle (7).

Pour assurer le respect des droits fondamentaux, mais aussi de tous les autres textes législatifs voire jurisprudentiels, une instance juridictionnelle particulière, le tribunal constitutionnel (Bundesverfassungsgericht, BVerfG) se voit investi, en tant que juridiction suprême, de pouvoirs exceptionnels. En effet, le BVerfG peut à tout moment - à condition d'être saisi du litige - invalider les lois en vigueur, dès lors qu'il les juge contraires à la Constitution ; ses arrêts peuvent avoir force de loi (8).

B. Les procédés et principes d'embauche

Le processus d'embauche se déroule dans le respect de certaines règles. D'un côté, il y a des règles qui s'appliquent au recrutement en général, dont certaines s'appliquent impérativement lorsqu'il s'agit de travailleurs salariés étrangers. D'autres concernent l'embauche concrète, lorsque les deux parties nouent contact.
a) L'embauche en général Le recrutement des travailleurs étrangers non ressortissants d'un Etat de l'Union européenne obéit à quelques règles particulières. Ces personnes doivent obtenir, outre le permis de séjour, l'autorisation de travailler sur le territoire allemand. L'autorisation de travailler peut être générale ou spéciale (par exemple réservée à une profession) ; elle peut être limitée dans le temps. Le travailleur salarié étranger doit en faire la demande (de l'autorisation).
Depuis 1973, le recrutement de travailleurs étrangers n'a, a priori, plus lieu ; toutefois, un règlement de 1990 portant exception à l'arrêt de l'immigration du travail prévoit de notables exceptions au principe. Notamment les ressortissants turcs bénéficient de règles particulières ; ceux qui sont légalement entrés sur le territoire ont droit à l'autorisation de travailler. Par ailleurs, ils jouissent notamment dans le cadre du développement de l'association entre la Communauté économique européenne et la Turquie d'une certaine liberté de circulation et de travail, reconnue par la Cour de justice de Luxembourg (9)
. Le législateur est intervenu en matière d'activité de placement des travailleurs salariés et a confié à l'office fédéral du travail (10) (Bundesanstalt für Arbeit) l'activité de placement (11). Toutefois, l'office fédéral qui était toujours investi du monopole de placement est désormais habilité à autoriser des organismes de droit privé à opérer le placement ; conformément au droit européen, le monopole de placement n'existe donc plus.
Le recours à d'autres procédés que le placement est possible. Il s'agit en premier lieu des contacts directs et des annonces.
Une annonce peut faire naître des droits, bien qu'il n'y ait pas encore de relation contractuelle entre le demandeur et l'employeur potentiel (cf. supra). Exemple : des annonces mensongères ou promesses faites après l'embauche peuvent donner lieu à paiement de dommages - intérêts, même si les parties ne s'y sont plus reférées lors des pourparlers. La rupture abusive des pourparlers peut également donner lieu à paiement de dommages et intérêts.
C'est d'ailleurs surtout au niveau des contacts directs entre le demandeur et l'employeur potentiel que le législateur et la jurisprudence ont érigé quelques barrières au développement incontrolé de la liberté d'investigation de l'employeur.
b) L'embauche in concreto L'embauche concrète est un processus qui se déroule selon certains principes. Elle exige par ailleurs le respect de certaines règles lors de l'obtention et du traitement d'informations.




La réalisation d'un test graphologique sans accord préalable du postulant est généralement considérée comme portant atteinte au droit de la personnalité. En revanche, une partie de la doctrine considère que l'autorisation est accordée lorsque le postulant a envoyé un curriculum vitae manuscrit.

II. L'EMBAUCHE SOUMISE A CONTROLE

L'entretien d'embauche a un double but. D'une part, il s'agit de donner au demandeur d'emploi l'occasion de s'informer sur l'entreprise, sur le poste à pourvoir, de connaître les modalités de travail en détail, et enfin les qualités requises pour l'exercer. L'employeur est effectivement tenu de fournir un certain nombre de renseignements et d'explications ; il doit notamment donner une réponse aux questions indiquées ci-dessus. Le cas échéant, il doit préciser les exigences et les qualités particulières requises pour le poste à pourvoir. Il doit également prendre soin du dossier de candidature.

D'autre part, - et seul cet aspect est pris en considération ici - l'entretien sert à éclairer le futur employeur sur les qualités et facultés du demandeur.

Dans tous les cas, les deux parties doivent respecter les intérêts légitimes de l'autre. L'obligation ainsi créée consiste, avant tout, à divulguer tous faits et données concernant directement l'emploi dont on peut raisonnablement supposer qu'ils influencent de façon substantielle l'attitude de l'autre partie qui ne saurait en avoir connaissance autrement (13)

La liberté d'embauche quant au droit à renseignement peut être limitée dans l'esprit des principes qui viennent d'être évoqués. A cette fin, le législateur est intervenu pour poser certaines règles. De plus, la jurisprudence, par l'interprétation qu'elle fait des différents textes et principes, trace également des limites au droit à l'information que l'employeur exerce. Les principes de l'Etat social visent comme objectif, en la matière, la protection du demandeur ; mais on peut, à ce niveau-là, influencer le marché du travail, selon la souplesse ou la rigidité voulue et selon l'interprétation des droits de la personnalité.

A. Les restrictions à la liberté d'embauche en vertu des textes

Plusieurs textes, de portée et d'orientation très diverses, posent des règles en la matière. Il s'agit soit de textes qui imposent des obligations à l'employeur, soit de textes qui accordent des droits aux particuliers ou à des organismes tels que le conseil d'entreprise.
Le conseil d'entreprise peut exiger l'affichage des offres d'emploi dans l'entreprise ; il doit approuver les questionnaires d'embauche et les directives générales d'appréciation de toute décision d'embauche. Le conseil d'entreprise est investi de certains droits de codécision et de coopération en matière de recrutement ; il dispose même du droit de veto en matière de recrutement si certaines conditions sont réunies. A la différence des principales tâches et prérogatives dévolues au conseil d'entreprise, ses possibilités d'intervention en matière d'embauche ne sont cependant prévues par la loi portant constitution sociale de l'entreprise que dans les entreprises qui occupent plus de vingt salariés (§ 99 BetrVerfG) (14). En fait, ce sont surtout les grandes entreprises qui sont concernées. Et, dans les faits, la plupart des droits du conseil d'entreprise ne prennent effet qu'après la phase d'embauche et de recrutement.

Le véto qu'il peut opposer si le candidat concerné subit un préjudice ou si l'emploi offert ne correspond pas aux critères légaux, (ce qui est par exemple le cas lorsqu'un travailleur non ressortissant communautaire ne détient pas d'autorisation de travailler), ne confère pas pour autant au conseil d'entreprise le droit de choisir un candidat pour l'emploi à pourvoir. Le choix du candidat à recruter appartient au seul employeur.

Une loi particulière prévoit un quota de 6% de salariés handicapés dès lors que le nombre d'emplois dans l'entreprise est supérieur à seize. Toutefois, l'employeur peut se libérer de cette obligation moyennant le paiement d'une somme mensuelle (15). Cette faculté offerte à l'employeur est compatible avec la loi fondamentale (constitution) (16)

La non-discrimination en raison du sexe est un principe d'origine communautaire transposé en droit interne. Ce sont les articles (§§) 611 a et b du BGB qui visent à réaliser cette intégration (17). Le texte de ces dispositions du Code civil allemand doit être affiché dans toute entreprise occupant plus de cinq salariés (18). Cette obligation joue déjà avant l'engagement des pourparlers. Ainsi, l'employeur ne doit pas seulement respecter l'égalité des sexes lors de l'embauche, mais doit passer des annonces de façon neutre et ne pas limiter l'offre aux personnes d'un sexe déterminé. Toutefois la portée du principe de non-discrimination est limitée en raison de l'absence de sanction spécifique.

Le principe général de non-discrimination est contenu dans la loi portant constitution sociale de l'entreprise qui s'applique à tous les salariés d'une entreprise (19). Le principe d'égalité ainsi posé joue un rôle certain dans la jurisprudence relative aux restrictions imposées lors de l'embauche, mais sa portée réelle se précise avant tout après le recrutement, pendant la relation de travail.

B. Le contrôle de l'embauche par la jurisprudence

Le contrôle de l'embauche par la jurisprudence se limite presque exclusivement au droit à l'information que l'employeur veut exercer à l'égard du postulant. Si de nombreuses demandes de renseignements sont tout à fait justifiées, il est neánmoins indispensable de limiter ce droit à l'information, afin d'éviter qu'il ne se transforme en un véritable droit d'investigation. Si le droit à renseignement est soumis à contrôle, il en va de même pour l'exercice de ce droit. Le demandeur n'est pas obligé de répondre à des questions prohibées par la loi ou la jurisprudence. Il peut se protéger contre de telles questions en donnant une réponse non conforme à la vérité (20) ; seule une réponse mensongère à une question licite peut justifier un licenciement (21).

a) Les prohibitions lors de l'entretien d'embauche La jurisprudence a posé un certain nombre de règles et de principes qui aboutissent soit à l'interdiction de certaines questions soit à la limitation de leur portée. Le principe de la non-discrimination selon le BetrVerfG (§75) énoncé ci-dessus est souvent invoqué dans ce contexte.

Il est interdit de demander au postulant de fournir des renseignements sur sa confession, sur son appartenance à un parti politique ou à un syndicat professionnel. Cela signifie que ces faits ne doivent pas être pris en compte dans la décision d'embauche. Par ailleurs, ces informations ne restent pas forcément inconnues. Ainsi en est-il de l'appartenance à une confession. En effet, l'Etat percevant l'impôt d'église obligatoire que l'employeur prélève directement sur le salaire, la confession concernée est mentionnée à cet effet sur la feuille d'impôt salarial qui est remplie par l'employeur pour être remise au percepteur par le salarié, lors de la déclaration d'impôts. Mais l'interdiction de se renseigner sur l'appartenance à une organisation confessionnelle, politique ou sociale tombe lorsqu'il s'agit d'un emploi dans une entreprise ou un organisme à tendance (Tendenzbetrieb), tels que les syndicats professionnels, les institutions confessionnelles ou politiques. Dans ce cas, la finalité même de l'entreprise justifie la demande dans la mesure où l'employeur potentiel est en droit d'exiger du futur employé une attitude de conformité parfaite avec les buts poursuivis. Par ailleurs, la loi portant constitution sociale de l'entreprise (BetrVerfG) n'y trouve pas ou peu d'application.

La question sur la grossesse est potentiellement discriminatoire et par conséquent normalement prohibée. Jadis, la Cour fédérale de justice (Bundesgerichtshof, BGH) ne s'y opposait pas en arguant qu'au moment de la question, il n'y avait pas de relation de travail, tandis que des intérêts économiques et juridiques de l'employeur étaient certainement en cause (22). Mais l'admission de la question peut avoir pour conséquence d'influencer une décision personnelle de la postulante. Et la jurisprudence a, en effet, été modifiée pour plusieurs raisons, dont la plus importante est la jurisprudence de la Cour de Justice des Communauté européennes (CJCE). La Cour européenne a jugé que l'employeur méconnaît le principe de l'égalité de traitement entre l'homme et la femme, visé par la directive européenne du 9 février 1976, s'il refuse de conclure le contrat avec la postulante reconnue apte à l'emploi parce qu'il craint les inconvénients résultant d'une éventuelle grossesse (23). L'article 6 de la loi fondamentale qui stipule que la mère a le droit à la protection de la société s'oppose également à une telle question. L'article (§) 611 a BGB s'y oppose aussi parce qu'il interdit toute discrimination en raison du sexe (24). De plus, la question est incompatible avec la loi sur la protection de la femme enceinte (Mutterschutzgesetz) dans la mesure où cette loi manifeste la volonté du législateur d'accorder une protection particulière à la femme enceinte et à la mère. Une exception à cette interdiction est admise lorsque l'information vise à savoir si l'emploi peut être effectivement exercé par la postulante : elle peut être en effet objectivement inapte (emploi de danseuse, par exemple) ou encore le poste peut être dangereux pour une femme enceinte (25). De toute façon, la grossesse ne saurait être invoquée comme motif de licenciement.

b) Licéité de la demande d'informations Reconnaître la licéité des questions posées au demandeur d'emploi ne signifie nullement l'absence de cadre étroit, à l'intérieur duquel ce droit peut être exercé. Bien au contraire, il s'agit ici d'une licéité sous surveillance étroite de la jurisprudence.

En prenant en considération le fait que l'article 3 de la loi fondamentale interdit maintenant toute discrimination envers une personne atteinte d'un handicap, la nécessité de prohiber une telle question n'est pas évidente. En tout cas, l'importance que le législateur accorde au principe est manifeste. De plus, il y a une obligation à la charge des entreprises de réserver au moins 6% des emplois occupés dans l'entreprise aux personnes handicapées. La licéité de la question ne devrait donc pas faire de doute, la question n'étant pas discriminatoire. En revanche, le demandeur d'emploi handicapé n'est pas tenu de divulguer son handicap, à moins que celui-ci rende impossible l'accomplissement du travail attendu pour le poste en cause.

En Allemagne, il n'existe pas de loi visant la resocialisation et l'insertion de personnes condamnées. Mais la Cour constitutionnelle (BVerfG) a qualifié la resocialisation de personnes comme ayant une valeur égale à d'autres droits reconnus par la loi fondamentale. Pour l'embauche, cela signifie que l'employeur a le droit de se renseigner sur des condamnations pour des faits qui concernent directement la nature de l'emploi à pourvoir et qui, en cas de récidive, sont susceptibles d'être de nouveau réalisés pendant l'exécution de l'emploi. Mais toutes les autres condamnations antérieures relèvent de la sphère privée du postulant et doivent rester sans intérêt pour l'employeur. Des exemples parmi d'autres :

Les antécédents relatifs à des délits de la circulation doivent, à la demande de l'employeur, être explicités lorsqu'il s'agit de recruter un conducteur professionnel et de l'employer en cette qualité. Une condamnation pour délits sexuels s'oppose certainement au recrutement d'une personne qui doit travailler avec des jeunes. Le recrutement d'un caissier ne saurait être imposé à un employeur si le postulant a été condamné pour des délits patrimoniaux.
Mais une loi (26) précise et complète à certains égards les solutions jurisprudentielles. Ainsi, le postulant n'est nullement obligé de faire état d'une condamnation qui doit être effacée du registre ou qui ne peut être divulguée par l'administration que sous condition restrictive. Ce principe vaut aussi pour les condamnations spécifiques qui y sont mentionnées.
De plus, l'employeur n'a pas le droit de s'informer sur un procès en cours, le cas échéant le postulant n'est alors nullement obligé de répondre. En effet, le principe de la présomption d'innocence de l'article 6 al. 2 de la convention des droits de l'homme s'y oppose.

Le droit à renseignement sur l'état de santé du demandeur doit - quant aux intérêts que l'employeur y porte - être apprécié d'un double point de vue. D'une part, la loi oblige l'employeur à maintenir le salaire pendant six semaines en cas de maladie du salarié ; d'autre part, la jurisprudence réduit le recours au licenciement pour cause de maladie en imposant un certain nombre de conditions que l'employeur doit impérativement respecter. Il en résulte que le droit à renseignement en la matière est plutôt réduit, et certainement exclu lorsque la maladie est sans rapport avec l'emploi visé. Il en va différemment lorsque la maladie risque d'être incompatible avec l'emploi ou en cas de maladie contagieuse. La question sur la séropositivité du postulant est interdite, tout comme il est illicite de se renseigner sur la transsexualité. Toutes ces restrictions à l'information s'appliquent du reste aux personnes, tel le médecin d'entreprise, qui agissent pour le compte de l'employeur.

Sont permises les questions sur les antécédents professionnels, sur l'existence d'une clause de non-concurrence. Si le demandeur est lié par une telle clause, il doit même le signaler de son propre chef. Sont prohibées les questions sur les raisons qui ont mis fin à une relation de travail antérieure, sur le montant du salaire précédent. La question de savoir si le postulant a accompli son service militaire ou s'il a fait son service civil n'est également pas permise.

D'aucuns accordent au demandeur le droit de taire une période d'emprisonnement si la condamnation est sans lien avec l'emploi.

Le principe est que le demandeur peut interdire à l'employeur potentiel toute prise de renseignements auprès d'un ancien employeur ; mais, en pratique, une telle interdiction risque d'entraîner une renonciation à l'emploi visé. En revanche, il y a une incertitude sur le point de savoir si l'ancien ou encore l'actuel employeur doit ou non informer le candidat d'une demande de renseignement faite auprès de lui par le nouvel employeur potentiel. L'obligation d'assistance (Fürsorgepflicht) qui incombe à tout employeur en faveur de ses salariés semble l'exiger.

III. LA CONCLUSION ET LA FORME DU CONTRAT

La forme du contrat du travail est sans importance, l'écrit n'est pas obligatoire ; mais il peut l'être par exemple en vertu d'une convention collective. Le contrat de travail peut par ailleurs être conclu par un mineur de 15 ans au moins (des exceptions permettent de le faire à un âge plus jeune) si son représentant légal donne son accord.

En revanche, certains documents doivent obligatoirement être présentés (27). L'accord sur le paiement d'une rémunération suffit pour que le contrat soit valablement conclu. Toutefois l'absence d'une telle mention (peu probable en pratique) n'aurait pas pour conséquence la nullité du contrat, car les modalités du paiement peuvent alors être déterminées en application du BGB (28). Toutes les autres dispositions relatives à la relation de travail peuvent émaner du pouvoir de direction de l'employeur.

Mais on constate aujourd'hui un changement vers plus de vigueur. En effet, la loi transposant les principes de la directive de 1991 en droit interne est entrée en vigueur en 1995 (Nachweisgesetz) (29). Bien que cette loi n'impose pas un contrat de travail par écrit, les obligations auxquelles elle soumet les parties et notamment l'employeur, ont quasiment un effet similaire. Toutefois, le défaut d'information ne fait pas obstacle à la validité du contrat de travail.

Ainsi, l'employeur doit, dans un délai d'un mois, arrêter par écrit les éléments essentiels du contrat et remettre le document au salarié.

Le document doit notamment contenir les indications relatives aux données suivantes : les noms des parties ; la date de début de la relation de travail ; la durée s'il s'agit d'un contrat à durée déterminée ; les différents lieux de travail (avec des indications spécifiques si le lieu de travail est situé à l'étranger) ; la durée du travail ; la durée du congé annuel ; la description des activités ; les délais de licenciement et de démission ; des indications relatives aux conventions collectives, accords d'entreprise ou autres textes conventionnels applicables à la relation de travail ; les montant, composition et échéance du salaire.



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