Les Cahiers du GERSE n° 2






LE PARLEMENT EUROPEEN - LES PARLEMENTS NATIONAUX

Céline CANALS

I. LE PARLEMENT EUROPÉEN

Les dispositions concernant le Parlement européen sont pour l'essentiel contenues dans le chapitre 14 du Traité d'Amsterdam et leur apport semble bien mince au regard de la volonté initiale de renforcer la légitimité démocratique de l'Union européenne.

Le Chapitre 14 contient essentiellement des dispositions concernant d'une part les procédures législatives (A) et d'autre part l'organisation et la composition du Parlement européen (B). Nous examinerons ensuite l'évolution du rôle du Parlement européen dans les deuxième et troisième piliers (C).

A. Accroissement du rôle du Parlement européen par la simplification des procédures législatives et par le recours accru à la procédure de codécision

Le Traité d'Amsterdam ne retient plus que trois procédures législatives : la codécision l'avis conforme et la consultation. Ce principe souffre cependant une exception : la procédure de coopération est maintenue dans le domaine de l'Union économique et monétaire. Ce domaine excepté, le nombre de procédure législative est donc limité à trois, conformément à la majorité des propositions faites à ce sujet.

1. L'avis conforme du Parlement européen

La procédure de l'avis conforme est d'une part maintenue dans quatre domaines où elle était déjà prévue :

- pour la procédure d'adhésion (article 0 du Traité sur l'Union européenne, TUE) ;

- concernant les fonds structurels et de cohésion (article 130 D du Traité sur la Communauté européenne modifié par le TUE) ; à noter ici que le projet de Traité d'Amsterdam tel qu'il avait été proposé par la présidence néerlandaise prévoyait pour ce domaine la procédure de codécision ;

- pour l'adoption d'une procédure électorale uniforme pour l'élection des membres du Parlement européen (article 138 §2 TCE - à ce sujet, voir infra) ;

- pour la conclusion de certains accords internationaux : il s'agit des accords prévus à l'article 228 §3, 2ème alinéa, notamment les accords d'association. Le Traité d'Amsterdam n'a donc apporté aucune modification sur ce point, alors que le Parlement européen souhaitait la généralisation de l'avis conforme pour tous les accords internationaux.

L'avis conforme du Parlement européen est en outre prévu par une nouvelle disposition : l'article F a) prévoit son avis conforme pour les sanctions applicables en cas de violation grave et persistante des droits fondamentaux par un Etat membre.

Comme on peut le constater, le Traité d'Amsterdam n'a pas introduit la nécessité de l'avis conforme du Parlement européen pour la modification des Traités. Une modification de l'article N du TUE exigeant l'avis conforme du Parlement européen lors de la révision des Traités aurait certes conféré un véritable pouvoir constitutionnel à celui-ci, modifiant le visage de l'UE, mais s'abstenir de le faire ne joue pas dans le sens d'un renforcement de la légitimité de l'Union.

2. La procédure de codécision

L'examen de la nécessité d'élargir la procédure de codécision était explicitement prévu à l'article 189 B. Le Traité d'Amsterdam fait de cette procédure la règle quasi générale pour l'adoption des textes. Elle est notamment prévue dans tous les cas où la procédure de coopération s'appliquait (sauf dans le domaine de l'UEM). La procédure de codécision est donc ainsi d'application :

- pour de nouvelles dispositions du traité : par exemple pour l'adoption de mesures d'encouragement à l'emploi (article 5 Traité d'Amsterdam), pour la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de la Communauté (article 209 A), pour la coopération douanière, etc.

- pour des dispositions existantes du traité qui auparavant relevaient soit de la procédure de coopération (règles visant à interdire toute discrimination en raison de la nationalité, article 6 CE, ou encore décisions d'application relatives au Fonds social européen, article 125), soit de la procédure de consultation (règles relatives à la sécurité sociale des travailleurs migrants de la Communauté, article 51) ou encore de l'avis conforme (dispositions visant à faciliter l'exercice du droit des citoyens de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, article 8 A §2).

- et bien sûr dans tous les domaines où la codécision avait déjà été prévue par le TUE.

Cette extension du recours à la procédure de codécision constitue l'avancée la plus substantielle concernant le renforcement des pouvoirs du Parlement européen et de la légitimité démocratique : la plupart des textes de droit dérivé seront ainsi adoptés au terme d'une procédure où les pouvoirs du Parlement européen et du Conseil sont équivalent, et donc où les représentants des peuples européens pourront empêcher l'adoption d'un texte. En outre, le Traité d'Amsterdam a simplifié la procédure de codécision, cette simplification pouvant aussi être analysée comme un renforcement de l'autorité du Parlement européen (voir article de S. RIVOL).

3. La procédure de consultation

Le Parlement européen restera consulté dans certains domaines où il n'a pas été décidé d'appliquer la codécision.

B. Organisation et composition du Parlement européen : améliorations techniques de portée limitée

Les dispositions du Traité d'Amsterdam concernant l'organisation et la composition du Parlement européen ont une portée toute relative. Elles concernent :

1. Le nombre de membres du Parlement européen

Conformément aux propositions faites lors des travaux préparatoires, et notamment à l'avis du Parlement européen lui-même, l'article 137 CE est modifié pour prévoir que " le nombre des membres du Parlement européen ne dépasse pas sept cent ", disposition indispensable notamment éviter le blocage de cette institution et dans la perspective de l'élargissement. En outre, le Traité prévoit que " le nombre des représentants élus dans chaque Etat membre doit assurer une représentation appropriée des peuples des Etats réunis dans la Communauté ".

2. La procédure électorale uniforme

On avait pu penser que le Traité d'Amsterdam serait l'occasion de progresser dans la voie de l'élection des membres du Parlement européen selon une procédure électorale uniforme dans les Etats membres. On sait qu'une telle procédure, laissée lettre morte, était prévue à l'article 138 §3 CE. Le Traité d'Amsterdam marque en fait un retrait par rapport à la formulation antérieure de cet article : le projet élaboré par le Parlement doit permettre l'élection au suffrage universel directe selon une procédure uniforme dans tous les Etats membres " ou conformément à des principes communs à tous les Etats membres ". Il s'agit donc de permettre de rapprocher les procédures en vigueur dans les Etats membres si l'uniformisation des procédures demeure impossible. Cette nouvelle formulation permettra-t-elle de progresser dans ce domaine ? Actuellement, tous les Etats membres ont adopté pour cette élection un scrutin à la représentation proportionnelle, les listes étant nationales ou régionales, à l'exception du Royaume-Uni, qui a préféré le scrutin majoritaire à un tour. L'adoption de " principes communs à tous les Etats membres " signifie-t-elle réussir à mettre d'accord tous les Etats quant au choix entre scrutin majoritaire et représentation proportionnelle ? La formule marque en tout cas la volonté de ne pas abandonner les efforts pour aboutir à un rapprochement à ce sujet.

3. Le statut des membres du Parlement européen

Un paragraphe 4 est ajouté à l'article 138, pour permettre au Parlement européen, après avis de la Commission et avec l'approbation du Conseil statuant à l'unanimité, de fixer le statut et les conditions générales d'exercice des fonctions de ses membres. Le statut des membres du Parlement européen résultait jusque là à la fois de règles nationales et de règles communautaires (Acte portant élection des représentants à l'Assemblée au suffrage universel direct et Règlement du Parlement européen).

4. Le siège du Parlement européen

Enfin, un protocole annexé au Traité et concernant le siège des institutions, officialise le siège du Parlement européen et met fin aux controverses : le Parlement européen a son siège à Strasbourg où se tiendront douze périodes de sessions, y compris la session budgétaire, les commissions parlementaires continueront de se réunir à Bruxelles et le Secrétariat général du Parlement européen reste implanté à Luxembourg. Le Protocole officialise donc la situation existante.

C. Deuxième et troisième piliers : bilan nuancé

1. Justice et affaires intérieures : progression du rôle du Parlement européen

En raison de la " communautarisation " d'une partie du troisième pilier, le Parlement européen a obtenu un droit de regard plus grand concernant les questions de justice et d'affaires intérieures, notamment en ce qui concerne la politique des visas, les conditions d'octroi de permis de séjour, les procédures d'asile ou les règles de coopération judiciaire civile. L'article G du Traité d'Amsterdam prévoit ainsi que le Parlement européen doit être consulté avant que le Conseil ne statue ; en outre, après une période transitoire de cinq ans après l'entrée en vigueur du Traité, le Conseil pourra décider, après consultation du Parlement européen, de rendre applicable la procédure de codécision à tout ou partie des domaines visés dans ce titre. Le Traité prévoit d'ores et déjà que la procédure de codécision sera d'application, après la période transitoire de cinq ans, en ce qui concerne les procédures et conditions de délivrance des visas par les Etats membres et les règles en matière de visa uniforme.

En outre, dans les domaines qui ne sont pas intégrés dans le pilier communautaire (coopération policière et judiciaire en matière pénale), le droit d'information du Parlement, prévu à l'ancien article K. 6, est élargi par le Traité d'Amsterdam : le nouvel article K. 11, s'il maintient l'information régulière du Parlement européen quant aux travaux menés dans ce domaine, prévoit en outre la consultation obligatoire du Parlement avant l'adoption par le conseil de décisions-cadres, décisions et conventions.

2 Politique étrangère et de sécurité commune : droit de regard limité à travers le financement de la PESC

La même avancée que celle obtenue dans le domaine de la justice et des affaires intérieures n'a pu être obtenue concernant la PESC. Le nouvel article J. 11 reprend sans modification les dispositions de l'ancien article J. 7. Le rôle du Parlement européen n'est donc pas modifié dans ce domaine : il restera simplement consulté sur les principaux aspects et les choix fondamentaux de la PESC et sera tenu régulièrement informé de l'évolution de la politique étrangère et de sécurité de l'Union.

C'est en fait à travers le financement de la PESC que le Parlement aura un droit de regard indirect sur les actions conduites dans ce cadre. En effet, un " Accord interinstitutionnel entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission européenne relatif à des dispositions concernant le financement de la politique étrangère et de sécurité commune " prévoit que les dépenses de la PESC sont imputées au budget des Communautés européennes et seront traités comme des dépenses non obligatoires, c'est-à-dire pour lesquelles le Parlement européen a autorité (1). C'est donc par accord entre le Parlement européen et le Conseil que chaque année sera fixé le montant des dépenses opérationnelles de la PESC à imputer au budget des Communautés ainsi que la répartition de ce montant entre les articles du chapitre " PESC " du budget.

C'est aussi cet accord interinstitutionnel qui en fait élargit la consultation et l'information du Parlement dans le domaine de la PESC. Il prévoit à cet effet que le Parlement sera consulté une fois par an par la présidence du Conseil sur un document du Conseil présentant les principaux aspects et les choix fondamentaux de la PESC, y compris leurs implications financières pour le budget des Communautés. Il doit en outre être régulièrement informé de l'évolution et de l'exécution des actions PESC.

De plus, chaque fois que le Conseil adoptera, dans le domaine de la PESC, une décision entraînant des dépenses, il devra communiquer immédiatement et dans chaque cas au Parlement européen une estimation des coûts envisagés. Une fois par trimestre, la Commission devra informer l'autorité budgétaire de l'exécution des actions PESC et des prévisions financières pour le reste de l'exercice.

Que conclure quant à la portée des modifications apportées par le Traité d'Amsterdam au rôle du Parlement européen ? Il est indéniable que l'extension de la procédure de codécision, et la simplification qui lui a été apportée, constitue une réelle avancée, renforçant le Parlement européen dans la procédure législative et accroissant le caractère démocratique de celle-ci. Les autres dispositions ont une portée plus technique et plus limitée.

Il convient également de souligner l'importance accrue de l'information du Parlement dans le domaine de la PESC et sa consultation qui devient dans certains cas obligatoire en matière de sécurité intérieure.

Pourtant, force est de constater que quelques propositions importantes n'ont pas abouti. Ainsi, aucun droit d'initiative législative n'a été accordé au Parlement, ce droit d'initiative restant entièrement de la compétence de la Commission. De même, les propositions tendant à renforcer le rôle du Parlement en matière de contrôle de la Commission, voire même à prévoir un contrôle du Parlement sur le Conseil, n'ont pas abouti.

II - LE RÔLE DES PARLEMENTS NATIONAUX : DANS LA CONTINUITÉ DU TRAITÉ SUR L'UNION EUROPÉENNE

Les dispositions concernant le rôle des Parlements nationaux sont sans surprise par rapport aux propositions formulées. On sait que la proposition la plus ambitieuse était la proposition française de création d'une seconde chambre européenne composée de représentants des parlements nationaux : cette propositions n'avait reçu aucun soutien.

C'était par une Déclaration que le Traité de Maastricht avait abordé la question du rôle des Parlements nationaux. Le Traité d'Amsterdam y consacre lui un Protocole : " Protocole sur le rôle des Parlements nationaux dans l'Union européenne ". Aucune disposition concernant ceux-ci n'est donc intégrée dans le corps même du Traité, alors que certaines propositions allaient en ce sens.

Deux types de dispositions peuvent être adoptées pour permettre aux Parlements nationaux d'être actifs dans la construction communautaire :

- la première voie concerne le contrôle qu'ils exercent sur leur propre gouvernement pour ce qui concerne les activités de l'Union. Ainsi que le rappelle le Protocole, ce contrôle " relève de l'organisation et de la pratique constitutionnelle propres à chaque Etat membre ". Aucune décision communautaire ne saurait donc être prise à ce sujet.

- Le second axe concerne les aménagements qui peuvent être apportés au niveau communautaire, pour leur permettre justement d'exercer ce contrôle de leur gouvernement, ce qui recouvre notamment leur information et la possibilité qui peut leur être reconnue d'exprimer leur point de vue. C'est à ce niveau que le Protocole pose des principes nouveaux, dont la portée n'est certes pas révolutionnaire, mais qui ont le mérite de clarifier la situation et de faciliter les procédures mises en oeuvre au niveau interne.

Deux types de dispositions ont été adoptées :

1. Reconnaissance du droit à l'information des Parlements nationaux

Le Protocole prévoit tout d'abord que les documents de consultation de la Commission (livres blancs, livres verts et communications) doivent être transmis " rapidement " aux Parlements nationaux. De même, les Parlements nationaux recevront communication des propositions législatives de la Commission, mais par le biais de leur propre gouvernement. La Commission doit donc transmettre ses propositions " suffisamment à temps " pour que les Parlements reçoivent ces propositions en temps utiles. En effet, si les Etats membres ont tous aménagé des procédures internes permettant à leur Parlement de ne pas se sentir " dessaisi " des affaires communautaires (telle la procédure de l'article 88-4 de la Constitution en France), les Parlements nationaux recevaient parfois les propositions beaucoup trop tard pour que leur point de vue puisse être pris en compte par leur gouvernement. Il fallait donc que décision soit prise au niveau communautaire de leur garantir un délai suffisant pour leur permettre d'exprimer leur avis auprès de leur gouvernement. C'est pourquoi, et c'est là l'avancée essentielle, le Protocole prévoit que les propositions législatives de la Commission ne seront pas inscrites à l'ordre du jour du Conseil avant un délai de six semaines, ce qui constituait donc la condition indispensable pour permettre aux Parlements d'en débattre avec leur gouvernement.

Cependant, c'est uniquement par la voie de la Conférence des Organes Spécialisés dans les Affaires Communautaires (COSAC) que les Parlements peuvent faire connaître leur point de vue aux institutions communautaires.

2. Reconnaissance du rôle de la COSAC

Un large consensus s'était dessiné quant à la nécessité de reconnaître le rôle de la COSAC, seule forme de coopération interparlementaire qui se soit avérée efficace. Elle se voit donc reconnaître la possibilité de soumettre " toute contribution qu'elle juge appropriée à l'attention des institutions de l'UE ". Certains domaines sont plus particulièrement visés : l'application du principe de subsidiarité, l'espace de liberté, de sécurité et de justice, ainsi que les droits et libertés des individus.

Si c'est donc par la voix de la COSAC que les Parlements nationaux peuvent se faire entendre collectivement au niveau communautaire, le Protocole prend cependant le soin de préciser que " les contributions soumises par la COSAC ne lient en rien les Parlements nationaux ni ne préjugent leur position "

Aurait-on pu aller plus loin dans la reconnaissance du rôle des Parlements nationaux dans l'Union européenne ? Rien n'est moins sûr. Maintenant qu'est prise la décision au niveau communautaire de leur garantir un délai suffisant pour examiner les propositions, c'est aux gouvernements qu'il revient d'écouter leur voix, ou d'adopter des procédures internes plus efficaces, par exemple selon le modèle danois.



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