Les Cahiers du GERSE n° 2






DE LA CONFÉRENCE INTERGOUVERNEMENTALE AU TRAITÉ D'AMSTERDAM

Olivier AUDEOUD

Professeur à l'Université Nancy 2 et à l'Université de Paris X, Nanterre

Directeur du GERSE

" Le Conseil européen réuni à Amsterdam les 16 et 17 juin 1997 a conclu avec succès la Conférence intergouvernementale en parvenant à un consensus sur un projet de traité. Celui-ci ouvre la voie au lancement du processus d'élargissement, conformément aux conclusions du Conseil européen de Madrid " ; ainsi commencent les conclusions de la Présidence relatives au Conseil européen d'Amsterdam (1).

Le rendez-vous d'Amsterdam, fixé par le Traité de Maastricht s'est donc bien tenu, et s'est terminé par un projet révisant le traité d'Union et les traités communautaires. L'article N du traité de Maastricht prévoyait que " Une Conférence des représentants des gouvernements des États membres sera convoquée en 1996 pour examiner conformément aux objectifs énoncés aux articles A et B des dispositions communes, les dispositions du présent traité pour lesquelles une révision est prévue ". Cependant, malgré l'ouverture des négociations officielles dans les délais, il y avait des doutes sur le respect d'un échéancier aboutissant au terme de la présidence néerlandaise. Le Conseil européen a donc conclu une nouvelle révision, mais largement incomplète au regard des enjeux européens.

Cette troisième révision "générale" des traités communautaires, après l'Acte unique (entré en vigueur 1.7.1987) et le traité de Maastricht (entré en vigueur 1.11.1993) devait marquer une étape nouvelle de la construction européenne à l'aube du nouveau millénaire et à la veille des élargissements. Son contexte était politiquement sensible. D'une part la CIG avait été proposée pour satisfaire certains États qui souhaitaient une communautarisation plus poussée des piliers intergouvernementaux et n'avaient accepté le statu quo qu'avec la garantie d'une nouvelle négociation. D'autre part le débat qui avait accompagné l'acceptation du traité de Maastricht obligeait les États à tenir compte d'un souci de transparence et de ménagement des opinions qui limitait en soi les marges de négociations. La révision devait également inclure les conditions institutionnelles des élargissements qui n'avaient pu être négociées pour le traité de Maastricht.

En introduction à ce Cahier du GERSE sur le traité d'Amsterdam il convient de retracer le contexte de ce traité en évoquant le cadre et le déroulement de la CIG (I), en soulignant le rôle des présidences et le caractère inachevé de la négociation, puis (II) les principales positions des États membres et le contexte du traité d'Amsterdam au regard des autres négociations européennes, enfin nous concluerons en constatant que depuis le livre blanc de la Commission sur le marché in térieur et la proposition de constitution européenne débattue par le Parlement européen, au milieu des années 1980, une négociation continue des traités est en cours, confirmée par le traité d'Amsterdam (III).

I. LE CADRE ET LE DÉROULEMENT DE LA CIG

Officiellement programmée par le traité de Maastricht en 1993 pour 1996, la CIG avait été préparée par de nombreuses initiatives (2) avant que d'être initiée, et à l'inverse de la préparation du traité de Maastricht, le débat était ouvert et public (3). Les institutions européennes, les forces politiques et sociales, les groupements d'intérêts les plus variés, les universitaires (4) ont participé dès avant l'ouverture des négociations officielles, à ce qui paraissait une vaste négociation générale. Le sommet d'Essen en 1993 avait donné le ton en décidant que au-delà d'un simple "toilettage" des traités tel qu'initialement prévu par l'article N du traité de l'Union européenne, les négociateurs devaient réformer le processus de décision européen et réexaminer l'ensemble des traités. Dès la fin 1995, le rapport final du président du groupe de réflexion sur la CIG de 1996, intitulé "stratégie pour l'Europe" (5) inscrivait une réelle ambition de négociation. Le Conseil européen de Madrid, des 15 et 16 décembre 1995, a ainsi conclu que la Conférence devrait se concentrer sur trois domaines :

- une "Union plus proche des citoyens", ce qui recouvre notamment les questions relatives à la justice et aux affaires intérieures ainsi que la lutte contre le chômage ;

- les institutions au sein d'une Union plus démocratique et plus efficace ;

- le renforcement de la capacité d'action externe de l'Union.

La Conférence a été initiée au Conseil européen de Turin le 29 mars 1996, date du quarantième anniversaire d'une Conférence intergouvernementale qui négociait le futur traité de Rome, et s'est achevé, comme prévu au Conseil européen d'Amsterdam les 16 et 17 juin 1997.

A. Le cadre intergouvernemental de la CIG : une conférence "cadrée" par les États assurant successivement la présidence

Le caractère intergouvernemental de la CIG résulte de l'article N du traité :

" Le Gouvernement de tout État membre ou la Commission peut soumettre au Conseil des projets tendant à la révision des traités sur lesquels est fondée l'Union.

Si le Conseil, après avoir consulté le Parlement européen et, le cas échéant, la Commission, émet un avis favorable à la réunion d'une conférence des représentants des Gouvernements des États membres, celle-ci est convoquée par le président du Conseil en vue d'arrêter d'un commun accord les modifications à apporter aux dits traités

Les amendements entreront en vigueur après avoir été ratifiés par tous les États membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives ".

Conformément à l'art. N le gouvernement italien a soumis au Conseil, par une lettre du 8 janvier 1996 du Représentant permanent de l'Italie "le projet tendant à la révision des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne". Le projet italien, très court avec trois paragraphes, propose de réunir une conférence comme prévue à l'art N du traité sur l'Union européenne. Les domaines à examiner seraient ceux prévus par le traité et "les questions mentionnées dans les conclusions des Conseils européens de Bruxelles (10 et 11 décembre 1993), et de Corfou (24 et 25 juin 1994), dans l'accord de Ioannina et dans certains textes interinstitutionnels ". Enfin il reprend les conclusions du Conseil européen de Madrid et décline les trois axes de travail : "rapprocher l'Europe des citoyens" ; permettre à l'Union de mieux fonctionner et la préparer à son élargissement ; doter l'Union d'une plus grande capacité d'action à l'extérieur.

Les avis, de la Commission en date du 28 février 1996 et du Parlement européen, en date du 13 mars 1996, suivis d'un avis du Conseil du 25 mars 1996 furent tous favorables, permettant à la Présidence de convoquer une Conférence des représentants des gouvernements des États membres le 29 mars 1996 à Turin, en même temps qu'une réunion du Conseil européen consacrée essentiellement à la CIG proprement dite.

La première phase de la Conférence, assurée par la présidence italienne marque le respect de la procédure prévue par les traités (6). Les premières négociations devaient "cerner les principaux enjeux sur la base des orientations données par le Conseil européen de Turin". La présidence a ainsi présenté au sommet de Florence, les 21 et 22 juin 1996, un rapport sur l'état d'avancement des travaux. Ce rapport énonce les questions en discussion et indique les tendances que la présidence juge être apparues dans cette première phase, sans chercher à dégager des compromis ; déjà, la présidence a pu faire des propositions de rédaction, notamment sur les droits fondamentaux, la citoyenneté de l'Union, la transparence, la subsidiarité, la personnalité de l'Union, et quelques suggestions pour les deux piliers intergouvernementaux.

Le Conseil européen de Florence ayant constaté que "l'analyse des problèmes est à présent suffisamment avancée" demande à la Conférence de "se consacrer à la recherche de solutions équilibrées aux questions politiques essentielles qui ont été soulevées". Il est confié à la présidence irlandaise de préparer "un cadre général pour un projet de révision des traités".

La méthode retenue par les négociateurs pour cette deuxième phase, sous la présidence irlandaise, a consisté à distinguer ce qui pouvait donner lieu à un accord assez rapidement formalisable. Tel a été le cas, notamment, pour les deuxième et troisième piliers. La présidence irlandaise a présenté, au Conseil européen de Dublin les 13 et 14 décembre 1996 un "cadre général pour un projet de révision des traités". Ce document, selon la présidence irlandaise "pourrait constituer une base utile pour les futurs travaux" et s'efforce "de refléter de manière équilibrée les travaux qui ont eu lieu dans le cadre de la Conférence". Il est manifeste que les négociateurs ont renvoyé aux plus hautes autorités politiques la recherche du compromis sur la question essentielle des institutions.

Les propositions de révisions sont formalisées en trois modes : une révision des traités communautaires visant notamment sur les droits fondamentaux, la citoyenneté, l'insertion d'un nouveau titre sur l'emploi, des précisions sur la protection des consommateurs et les réseaux transeuropéens, la procédure décisionnelle, la fraude aux intérêts financiers communautaires ; une révision du Traité sur l'Union européenne concernant l'amélioration de la PESC et de la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, avec un nouvel article organisant la sanction contre un État ayant violé les principes du traité ; des déclarations, protocoles ou propositions d'articles dont l'insertion n'est pas précisée, lesquelles visent des sujets variés, l'autonomie institutionnelle du Comité des régions, la personnalité juridique de l'Union, le rôle des parlements nationaux dans l'Union, la libre circulation des personnes, l'asile et l'immigration.

La présidence néerlandaise a confirmé le cadre général irlandais et a proposé un addendum afin de fixer le support des négociations (7). La négociation s'est accélérée avec notamment le travail important du groupe dit de Patijn, qui a réuni sous la présidence du Secrétaire d'État néerlandais aux affaires étrangères, les représentants personnels des ministres des affaires étrangères à la CIG. Le Sommet de Noordwijk les 26 et 27 mai 1997 a confirmé la volonté de conclure la CIG dans les délais à Amsterdam. Les chefs d'État ou de gouvernement se sont efforcés de trouver un compromis sur la question délicate des institutions. A l'issue du sommet, le 30 mai la Conférence des représentants des gouvernements des États membres a retenu les "textes consolidés du projet de traité" (8) présentant l'ensemble des modifications et ajouts, mais avec encore des variantes, enfin un "projet de traité d'Amsterdam" (9) a été soumis par la présidence qui le présente comme "le fruit des travaux menés à ce jour par la CIG, qui constitue le mécanisme officiel de révision des traités".

L'aboutissement de la CIG à Amsterdam a été officiellement consacré. La révision a été arrêtée, mais la formalisation n'étant pas complète, le texte définitif n'y a pas été signé. La signature a été différée en octobre. Sur le fond la négociation est close sur une révision minimale et un statu quo.

Quant à la forme des traités communautaires elle reste totalement imparfaite avec les trois traités communautaires, le traité d'Union et les nombreuses déclarations ou protocoles. La fusion des traités communautaires, la suppression des clauses devenues inutiles et la simplification des procédures restent une ardente demande des juristes, pour une révision ultérieure qui est déjà très sérieusement envisagée.

Les présidences successives ont préparé le cadre de la révision des traités, mais le traité dit d'Amsterdam reflète surtout l'absence de consensus sur l'essentiel et les difficultés des négociations.

B. Un traité formellement inachevé

A Amsterdam, la Conférence intergouvernementale, réunie au niveau des chefs d'État ou de gouvernement est parvenue à un accord sur un projet de traité, le Document adopté (10), mais selon les conclusions de la présidence du Conseil européen, "il sera procédé à la mise au point juridique et à l'harmonisation finales indispensables des textes en vue de la signature du traité en octobre 1997 à Amsterdam". Un délai de trois mois a été fixé pour mettre au point le texte officiel de la révision des traités. Le projet de conclusion présenté au début de la Conférence d'Amsterdam indiquait "avant le premier octobre" ; un léger délai supplémentaire a ainsi été accordé. Normalement il s'agit essentiellement d'une question de mise en forme et non d'une continuation de négociation afin de parachever la finalisation juridique et linguistique du texte. Le travail de relecture de l'accord a été confié au groupe des "amis de la Présidence", le COREPER assurant une fonction d'interprétation ou d'arbitrage si nécessaire. Cette procédure souligne la complexité de cette négociation et le décalage important entre la négociation politique et la rédaction juridique d'un traité de plus en plus complexe.

Alors que le traité de Maastricht comportait une référence à une date d'entrée en vigueur "à condition que tous les instruments de ratification aient été déposés, ou , à défaut le premier jour du mois suivant le dépôt de l'instrument de ratification de l'État signataire qui procédera le dernier à cette formalité" (11), le texte arrêté à Amsterdam ne précise pas de délai. L'entrée en vigueur est de toute façon soumis aux procédure de ratification de tous les États membres. Le consensus constaté permet d'envisager cette ratification à l'unanimité. La ratification référendaire a été écartée par la France, mais sera sans doute appliquée au Danemark. En tout état de cause, après la signature à Amsterdam en octobre, il faudra compter un délai raisonnable d'au moins un an, soit fin 1998 pour que cette révision puisse entrer en vigueur.

II. LA COMPLEXITÉ D'UNE NÉGOCIATION DONT LA CIG N'EST QU'UNE PARTIE.

A.La CIG et les États membres

La CIG a illustré de façon transparente les négociations habituelles de l'Union européenne. On a assisté, presque en direct, à ce qui est le quotidien de la construction communautaire (12). Nous évoquerons quelques exemples de positions bien marquées d'État ou de groupes d'États.

Il faut remarquer, au préalable, qu'il s'agit de négociations et qu'elles doivent déboucher sur un consensus, voire une unanimité. Or, les termes de négociations ne sont pas très ouverts et le "marchandage" est plus limité et semble difficilement praticable à ce niveau. Le positionnement négatif est, en général, efficace puisque l'accord doit être conclu à l'unanimité ; les États ne pouvant accepter des clauses qu'ils ne souhaitent pas que à la marge ou avec compensation.

La volonté de conclure en juin 1997 afin de donner, au moins, l'impression que la construction communautaire se déroulait sans crise, a également limité une prolongation des négociations. L'Italie qui a été plus "communautariste" que la moyenne des États avait déclaré au Conseil de Noordwijk qu'il valait mieux retarder l'adoption de la révision plutôt que d'avoir un traité insatisfaisant, mais elle était isolée et elle s'est ralliée au consensus.

Parmi les principaux pays ayant joué un rôle déterminant, on retrouve la Grande Bretagne, qui est a priori sur des positions négatives, ainsi que le Danemark, qui n'est pas moins restrictif et que les autres États ménagent, en souvenir des avatars du Traité de Maastricht. La France et l'Allemagne ont un rôle efficace lorsqu'ils ont une position commune ou trouvent un compromis entre-eux ; lors du sommet de Noordwijk, la France avait rejoint les propositions allemandes sur les institutions et ce compromis a servi de base pour l'un des rares compromis institutionnels, celui relatif au nombre de membres de la Commission européenne.

La négociation était, dès l'origine, dépendante, au moins en partie, des élections dans un des grands pays, la Grande Bretagne. Certains attendaient le changement de gouvernement en Grande Bretagne, espérant un assouplissement des positions britanniques. La victoire des travaillistes a certes conduit à un changement notable de la position britannique sur le volet social, puisque la Grande Bretagne accepte désormais la même compétence communautaire que les autres États membres. Les britanniques acceptent la Charte et le protocole social, mais le nouveau gouvernement s'oppose à l'extension du vote à la majorité qualifiée pour la sécurité sociale. Pour les autres dossiers, la position britannique ne semble pas avoir été fondamentalement changée, hormis l'approbation de l'inclusion d'un volet sur l'emploi et l'acceptation d'un contrôle politique des États avec la possibilité de suspendre certains droits découlant de l'application du traité en cas de "violation grave et persistante" (13) aux " principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l'Etat de droit " (14).

La Grande Bretagne est restée ferme dans son opposition à l'inclusion dans les traités de domaines nouveaux. Elle constituait un groupe très réticent avec le Danemark et l'Irlande, contre la communautarisation du IIIème pilier et le renforcement du rôle de la CJCE dans ce cadre ; ces États s'opposaient clairement à la communautarisation des coopérations douanières, judiciaires et pénales, judiciaires en matière civile et la communautarisation de la lutte contre la drogue. La Grande Bretagne était également réticente au renforcement des pouvoirs du parlement européen. Par contre, la Grande Bretagne a défendu l'inclusion d'un titre "bien-être des animaux", soutenue par le Danemark, l'Autriche et la Suède ; notons qu'ils ont obtenu l'inclusion d'un Protocole annexé au traité CE.

Une césure nord / sud est apparu dans le domaine de l'environnement où le Danemark, l'Autriche, la Finlande, la Suède et le Portugal défendaient la position qu'un État peut avoir des normes nationales plus rigoureuses que celles du droit communautaire.

On attendait les échéances électorales britanniques, sans penser aux aléas politiques et le changement de gouvernement en France, à quelques jours de la Conférence intergouvernementale, n'était pas prévu. Au regard du texte accepté à Amsterdam, la position française a changé sur un point particulier, celui de l'emploi. Avant le changement de gouvernement elle était clairement contre l'inclusion dans le traité d'un chapitre nouveau intitulé "l'Union pour l'emploi" ; sur l'emploi la France s'était jointe au duo Danemark / Grande Bretagne, réservés sur la référence à l'emploi et son évocation comme principe directeur.

La France a parfois partagé des positions restrictives avec la Grande Bretagne et le Danemark, notamment pour s'opposer à la reconnaissance de la personnalité juridique internationale pour l'Union. La France était contre l'adhésion à la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi que la Grande Bretagne.

La France a eu des positions communes avec l'Allemagne (15), contre les autres États notamment en s'opposant au renforcement de la protection des consommateurs (art. 129 A), ou en tentant de limiter l'effet rétroactif des arrêts de la CJCE, mais aussi des divergences, la France souhaitait renforcer le rôle des parlement nationaux, l'Allemagne s'y opposait, l'Allemagne défendait la reconnaissance du statut d'institution au Comité des régions, contre la position inverse de la France.

La France , avec l'Autriche, la Finlande et la Grande Bretagne s'est exprimée contre une classification des normes communautaires.

L'Allemagne a défendue, un peu seule et en vain, l'idée d'un catalogue des compétences inscrit dans le traité. L'Allemagne s'inspirait de sa propre Constitution. Mais certains États ont pu voir dans cette proposition une touche préfédérale et s'y sont opposés.

On peut s'étonner de l'attitude prudente des Pays Bas qui pourtant en assurant la présidence pouvaient influencer la négociation. Son positionnement traditionnel en faveur de la supranationalité a été mis sous le boisseau ; peut-être que les Pays Bas voulaient éviter l'isolement qu'ils avaient connu avec leur proposition initiale de traité de Maastricht qui avait été rejetée par tous les États membres à l'exception de la Belgique.

Le bilan des négociations de la CIG parait limité au regard du traité d'Amsterdam. Cependant le débat fut relativement ouvert, et de nombreuses questions exposées. Malheureusement le consensus était inexistant pour régler sérieusement les questions institutionnelles et les réticences du Danemark et de la Grande Bretagne, au principal, ne pouvaient que limiter une extension des compétences de l'Union européenne.

B. La CIG et les autres négociations européennes

Il est apparu clairement en juin 1996, avec les premières initiatives du nouveau gouvernement français, que la CIG n'était qu'une négociation parmi d'autres. La France a tout d'abord fait porter le débat sur le "Pacte de stabilité et de croissance" qui avait été pourtant adopté au Conseil européen de Dublin les 13 et 14 décembre (16) . La CIG aurait dû être le point central des négociations communautaires puisqu'il s'agissait de réviser les traités de base. Mais à la fois pour des raisons de calendrier et de priorités politiques la CIG a été en quelque sortebanalisée.

La CIG s'est déroulée pendant la troisième phase de la mise en place de l'Union économique et monétaire, qui, avec l'adoption de l'Euro et la négociation du pacte de stabilité paraissait plus importante conjoncturellement que des négociations pour la révision des traités.

La priorité politique pour l'Allemagne est la monnaie unique et le pacte de stabilité, et la priorité politique de la France est de faire "passer" la monnaie unique dans son opinion et de mieux cadrer le Pacte de stabilité.

Plusieurs négociations participent en même temps à la "nébuleuse" de la construction européenne de cette dernière décennie du siècle et sont à la fois importantes et délicates pour les États :

- Le financement de l'Union pour la période 2000-2005 avec en complément la réforme de la politique agricole commune et la révision de la politique de cohésion économique et sociale. Il s'agit d'une étape très importante concernant tous les instruments financiers de l'Union européenne. On peut comprendre qu'il s'agit de résoudre une contradiction entre les besoins d'action économique réclamée par les États membres pour les deux politiques qui reçoivent actuellement les 3/4 du budget communautaire, et les soucis de limitation budgétaire. La Commission a fait connaitre en juillet 1997, dans le mois suivant Amsterdam, les propositions concernant le financement de l'Union. Une négociation qui devrait être conclue fin 1998 est ainsi initiée sous l'appellation "Agenda 2000".

- Il avait été demandé à la Commission de préparer les avis sur les candidatures d'adhésion à l'Union. Ces avis rendus publics le 16 juillet 1997 participent à un processus engagé depuis plusieurs années et qui devrait organiser l'élargissement à l'ensemble des États européens candidats. La négociation est institutionnelle, politique, financière et éonomique. Comment, quand et selon quel échelonnement des adhésions procéder.

La question de l'élargissement est étroitement liée à la révision institutionnelle des traités. Le résultat d'Amsterdam est à ce titre insuffisant (17). Dès le 26 juin 1997 le Parlement européen a adopté une Résolution demandant " solennellement que tout élargissement soit précédé d'une nouvelle réforme des Traités conduite selon une procédure plus démocratique et transparente".

- La question de l'identité de défense européenne et de la place de l'UEO est restée en suspens et la négociation perdurera. Ce d'autant que le débat sur l'OTAN reste vif et ne satisfait pas la France. Cette question est étroitement liée aux éventuels développements de la PESC, mais le traité d'Amsterdam reste prudent sur les aspects institutionnels. Certes, selon le nouvel art. J.7 (exJ.4) : " l'UEO fait partie intégrante du développement de l'Union en donnant accès à une capacité opérationnelle ",et " l'Union encourage l'établissement de relations institutionnelles plus étroites avec l'UEO en vue de l'intégration éventuelle de l'UEO dans l'Union ", mais la négociation reste ouverte.

La CIG ne pouvait résoudre tous les problèmes de la construction communautaire, mais elle n'a pas apporté ou très peu de contribution aux dossiers les plus sensibles : les questions institutionnelles, car les États souhaitent maintenir leur rôle et sont très prudents ; les questions financières, car ce domaine n'était pas dans ce cadre de négociation ; les questions de sécurité et de défense car les États restent trop divisés ; la question de l'élargissement, car le processus est complètement engagé tout en étant tributaire de négociations liées aux réformes institutionnelles et financières.

III. LA CIG ÉTAPE D'UNE NÉGOCIATION "CONTINUE" ?

A. Le traité d'Amsterdam et les points évoqués pour la CIG dans le traité de Maastricht

L'objet des négociations de la CIG avait été en partie préfixé et devait porter sur des points de négociation non résolu par le traité de Maastricht concernant trois questions.

1 Les questions institutionnelles et juridiques

Les questions institutionnelles avaient été évoquées dans la préparation du traité de Maastricht, mais avaient pour l'essentiel, été renvoyées à des négociations futures. Le traité d'Amsterdam n'a pas résolu les points les plus importants. Au regard du traité de Maastricht il répond au renvoi concernant la codécision, mais ne répond pas à la classification des normes.

L'art. 189 B avait été complété par le traité de Maastricht à la demande de l'Allemagne qui souhaitait élargir la procédure de codécision. Sur ce point le traité d'Amsterdam marque une nette évolution tant par l'extension de la codécision à des dispositions existantes du traité (art. 6, 8A§2,51,56§2, 5è, 7( §1, 84, 125, 127§4, 129 D, 130 E,130 O, 130 S §1 et 130 W) que à de nouvelles clauses (art. 5, 119, 129, 191 A, 209 A, 213 A et 213 B) que par la simplification de la procédure de codécision (18).

Une "Déclaration" annexée au traité d'Union fixe que : " La Conférence convient que la Conférence intergouvernementale qui sera convoquée en 1996 examinera dans quelle mesure il serait possible de revoir la classification des actes communautaires en vue d'établir une hiérarchie entre les différentes catégories de normes ". Le traité d'Amsterdam ne répond pas à cette demande. plusieurs États se sont exprimé contre une nouvelle classification, la France, l'Autriche, la Finlande et la Grande Bretagne. Quelques États ne souhaitaient pas un ordonnancement qui aurait conforter le Parlement européen dans la prise de décision ou qui aurait rationalisé le droit communautaire dans un sens à renforcer sa supériorité.

Les autres questions institutionelles ont été débattues, mais en absence de consensus il n'y a pas de réforme effective. La seule novation est l'autonomie fonctionnelle du comité des régions (abrogation du protocole n° 16 qui impliquait une structure administrative avec le Comité économique et social) et l'extension des consultations qui doivent ou peuvent lu être soumises (art. 198 TCE modifié)

2.Les piliers non communautaires de l'Union

L'article B du traité d'Union dispose que : " L'Union se donne pour objectifs de maintenir intégralement l'acquis communautaire et de le développer afin d'examiner, conformément à la procédure visée à l'art. N §2, dans quelles mesures les politiques et les formes de coopération instaurées par le présent traité devraient être révisée afin d'assurer l'efficacité des mécanismes et institutions communautaires ". Les deux piliers non communautaires de l'Union , la politique étrangère et de sécurité commune (deuxième pilier) et la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures (troisième pilier) étaient visés. La Belgique avait exigé que la question du développement de ces politiques et de leur éventuelle communautarisation soit examinée.

La politique étrangère et de sécurité commune est également explicitement évoquée parmi les thèmes de la révision de la CIG par l'art. J.4 § 6, incluant la questions des liens avec l'UEO. L'Allemagne et la France souhaitaient une définition plus ambitieuse de la PESC. L'affaire yougoslave a souligné les faiblesses et les difficultés de cette politique.

Le traité d'Amsterdam sans communautariser ces deux piliers, apporte des développements nouveaux, surtout pour le troisième pilier (19) . Il est mis en titre d'un chapitre du TCE la "mise en place progressive d'un espace de liberté, de sécurité et de justice" etle titre VI du TUE, dispositions relatives à la coopération policière et judiciaire en matière pénale avec les articles K.1 à 14 sont un approfondissement de ce pilier. On peut ajouter l'inclusion de l'acquis de Schengen comme référence dans le traité.(Protocole nouveau). Le second pilier connait des développements moindres (20), mais l'institutionnalisation d'un Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune apparaît comme une avancée même s'il s'agit du Secrétaire général du Conseil. Il s'agit d'une demi mesure qui ménage les États. Le blocage sur la personnalité internationale de l'union apparait plus flagrant. Les propositions irlandaises et néerlandaises présentaient cette personnalité comme une proposition acquise. Le traité d'Amsterdam ne la retient pas.

3. L'extension des compétences de la Communauté

Une déclaration annexée au Traité d'Union précise que, en ce qui concerne l'énergie, la protection civile et le tourisme, " la question de l'introduction dans le traité instituant la Communauté européenne de titres relatifs à ces domaines sera examinée, conformément à la procédure prévue à l'art. N § 2 ". Le traité prévoyait ainsi une éventuelle extension de compétence dans des domaines qui font déjà l'objet de mesures communautaires, afin notamment de clarifier la base juridique de la communauté.

Le traité d'Amsterdam n'a pas retenu ce que le traité d'union envisageait. Les positions des États sont majoritairement contre des développements sur ces trois domaines. Seuls quatre États (Belgique, Grèce, Italie, et Portugal) étaient favorables à un développement pour l'énergie, six pour le tourisme (Belgique, Allemagne, Grèce, Irlande, Italie et Portugal) et cinq pour la protection civile (Allemagne, Grèce, Irlande,Italie, et Portugal) ; remarquons que ces États favorables à un développement de politiques communautaires forment pratiquement un groupe stable, plutôt du sud.

Le Traité d'Amsterdam n'a pas donné suite aux projets de négociations envisagés par le traité de Maastricht, mais a évoqué d'autres domaines relativement variés : les services d'intérêt économique général (21) (art. 7 D nouveau, Déclaration annexée), l'intégration de la protection de l'environnement dans toutes les politiques sectorielles (art. 3D TCE, art. 100 § 3 à 9 nouveau TCE), la santé publique (modification de l'art. 129 TCE), le bien-être des animaux (protocole à annexer au TCE), le sport (22)(Déclaration à insérer dans l'Acte final), mais surtout l'emploi et la politique sociale (23).

B. Le traité d'Amsterdam prévoit des négociations futures

Sans inscrire, comme pour le traité de Maastricht, une future Conférence intergouvernementale pour négocier ce qui reste à faire, le traité d'Amsterdam comprend des références à des négociations futures et à des propositions nouvelles concernant les institutions et le second pilier.

En ce qui concerne les institutions les délais sont soumis à des conditions de nombre de membres ou de date déjà arrêtée.

Une CIG est clairement prévue pour traiter des questions institutionnelles, mais l'échéance n'est pas fixée dans le temps, elle sera liée au nombre d'États qui adhérerons à l'Union. Le Protocole sur les institutions prévoit que "un an au moins avant que l'Union européenne ne compte plus de vingt États membres, une Conférence des représenatants des gouvernements des États membres est convoquée pour procéder à un réexamen complet des dispositions du traité relative à la composition et au fonctionnement des institutions

Plusieurs mesures sont programmées concernant la Commission : Il est demandé à la Commission de présenter au Conseil, avant fin 1998 une proposition de modification de la Décision du Conseil du 13 juillet 1987 (comitologie) fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission (Déclaration). La Conférenceprend note del'intention de la Commission depréparer une réorganisation des tâches au sein du collège en temps utiles pour la Commission qui prendra ses fonctions en l'an 2000 (Déclaration).

La section visant le second pilier, sur la politique étrangère et de sécurité commune, est explicite à l'art. J.7 (ancien art.J.4) avec un paragraphe 5 : " En vue de promouvoir la réalisation des objectifs définis au présent article, les dispositions de celui-ci seront réexaminées conformément à l'art. N ". La CIG a donc prévu une suite par une autre CIG.

Les révisions prévues ne seront, sans aucun doute pas suffisantes. De nombreux problèmes restent en suspens : La question des relations avec la Convention européenne des droits de l'homme, la personnalité juridique de l'Union, le rôle des Parlements nationaux, la simplification des procédures décisionnelles et la hiérarchie des normes communautaires, parmi les sujets qui devaient être abordés par la CIG.

La question de la fusion des traités sera d'actualité avec l'arrivée à son terme du traité CECA. Mais la Conférence a adopté le principe dela simplification des traités, ce qui constitue une première étape.

Les négociations communautaires et européennes se sont accélérées depuis l'Acte unique et paraissent à la fois permanentes et sans fin. L'objectif des négociations reste incertain tant qu'il n'y aura pas de détermination politique de cette construction communautaire. Malgré tout, quelques pas nouveaux ont été faits, vers le fédéralisme.

Parmi les mesures nouvelles qui participent à ce mouvement préfédéral soulignons l'inclusion de la référence aux principes fondamentaux (art.F), la codification du mécanisme des coopérations plus étroites (24) dans le cadre communautaire, la référence timide à la CJCE pour le troisième pilier (art. H), la possibilité de sanctionner les États qui ne respecteraient pas les principes généraux sur lesquels est fondée l'Union, et enfin deux Déclarations, la première sur l'abolition de la peine de mort, la seconde sur le respect par l'Union du statut tel que prévu par chaque État concernant les églises, les associations ou communautés religieuses et les organisationsphilosophiques et non confessionnelles.

En dernier lieu soulignons les Déclarations relatives à la qualité rédactionnelle de la législation communautaire et à la codification du droit communautaire.



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