Les Cahiers du GERSE n° 1
LES SERVICES PUBLICS DE RÉSEAUX DANS LE CADRE DU DROIT COMMUNAUTAIRE
LE SERVICE PUBLIC DE L'ELECTRICITE
par Bénédicte CHARPENTIER, ATER à l'université
de Nancy II
La place centrale qu'occupe l'électricité dans
la civilisation moderne n'est plus à démontrer tant
ses usages - industriels comme domestiques - sont nombreux : éclairage,
chauffage, sidérurgie, électrochimie, téléphone,
télévision, électroménager, transports
ferroviaires, informatique, rayons X, etc.
Et pourtant, trois cents ans seulement nous séparent des
premières observations scientifiques portant sur cette
énergie. Quant aux inventions fondamentales, elles ont
été réalisées au siècle dernier,
qu'il s'agisse de la construction des premières dynamos
industrielles, de l'invention de la lampe à incandescence
et de la conception des moyens de transport de l'énergie
électrique. Enfin, les cinquante premières années
de notre siècle ont suffi pour donner à l'industrie
électrique un prodigieux développement.
L'électricité revêt donc incontestablement
un caractère d'intérêt général,
de service public. On peut en effet dire qu'il y a service public
à partir du moment où l'activité revêt
une importance telle pour la collectivité qu'elle commande
une intervention - essentiellement un encadrement et une orientation
- de la part des pouvoirs publics.
C'est dans ce cadre que s'est traditionnellement développée
l'industrie électrique en France (I) et, dans une large
mesure, dans les autres Etats membres de l'Union européenne
(II).
Mais la construction européenne, placée sous l'angle
de l'achèvement du marché intérieur, n'est
pas sans incidence sur l'organisation et le fonctionnement de
ce service public (III).
I - Le service public de l'électricité en France
En nationalisant l'électricité, la loi du 8 avril
1946 a parachevé la mainmise de la collectivité
sur un ensemble d'entreprises qui, tout en procédant pour
la plupart d'initiatives privées, n'en étaient pas
moins déjà soumises à un régime administratif
très accentué.
A) Organisation du service public de l'électricité
avant 1946
A l'origine de l'intervention des autorités dans cette
branche de l'activité économique se trouve le fait
que la distribution de l'énergie électrique suppose
l'emprunt des voies publiques. Cette occupation privative du domaine
public ne pouvait en effet être réalisée sans
le consentement de la collectivité propriétaire
des biens domaniaux occupés ou sans l'autorisation des
autorités chargées de leur police (20).
Au contraire, la production de l'électricité ne
supposait d'ordinaire aucune occupation privative du domaine public.
Les centrales électriques pouvaient être établies
sans que l'autorité publique ait à intervenir autrement
que par des mesures de police administrative générale
identiques à celles dont toute autre industrie privée
aurait pu être l'objet.
Aussi est-ce une considération très différente
de celles qui ont entraîné la soumission progressive
des entreprises de distribution à un régime de service
public qui devait, peu après la première guerre
mondiale, déterminer l'Etat à intervenir également
dans le domaine de la production.
La pénurie de charbon qu'avait entraîné l'occupation
et la destruction des mines du Nord et du Pas-de-Calais avaient
montré la nécessité impérieuse de
développer au maximum l'utilisation des forces hydrauliques.
Il fallait pour cela reconnaître aux hydrauliciens des prérogatives
de puissance publique afin qu'ils puissent vaincre l'opposition
de certains propriétaires riverains. D'où l'adoption
de la loi du 16 octobre 1919 (21) qui subordonne à une concession
de l'Etat l'aménagement des chutes dont la puissance excèdant
une certaine puissance et impose aux concessionaires un certain
nombre de sujétions de service public.
Un décrêt du 30 octobre 1935 (22) devait encore accentuer
l'intervention de la collectivité dans l'industrie de l'électricité
: ayant vocation à remédier aux dangers d'une surproduction
d'électricité en raison de la récession économique,
ce décrêt subordonnait à une autorisation
administrative préalable l'établissement ou l'extension
de toute usine génératrice de plus de 1000 kilowatts
destinée à la fourniture d'électricité
au public quelle que soit la force motrice utilisée (23).
Certains principes essentiels du secteur électrique ont
été confirmés en 1946. Il en est ainsi pour
le régime de la concession - même si celle-ci a fait
d'EDF un "concessionnaire obligé" -, les lois
de 1906 sur la distribution de l'électricité et
de 1919 sur l'énergie hydraulique dans la mesure où
leurs dispositions ne sont pas expressément modifiées
ainsi que le régime de l'électrification rurale (24)
(FACE: Fonds d'Amortissement des Charges d'Electrification des
collectivités locales) (25).
La nationalisation de l'industrie électrique ne constitue
donc que l'aboutissement d'une évolution largement entamée
par la législation antérieure. Néanmoins,
c'est la loi du 8 avril 1946 (26) qui a donné au service
public de l'électricité l'organisation que nous
lui connaissons aujourd'hui.
B) L'organisation du service public de l'électricité
depuis 1946
1. La nationalisation de l'électricité
La considération principale ayant motivé la nationalisation
de l'industrie électrique réside dans la concentration
qui a caractérisé l'évolution de cette industrie,
principalement pendant la période comprise entre les deux
guerres mondiales. Il est incontestable en effet que le contrôle
de cette industrie, tant au niveau de la production que de la
distribution, tendait à passer entre les mains d'un petit
nombre de groupes financiers (ou "trusts") dont la puissance
économique ne cessait de s'accroître et dont les
intérêts apparaissaient comme divergents de ceux
de la collectivité.
Cette considération explique l'étendue de la nationalisation
: Electricité de France est une entreprise verticalement
et horizontalement intégrée puisqu'elle assure la
production, le transport, la distribution ainsi que l'importation
et l'exportation d'électricité.
Mais elle permet également de comprendre pourquoi la loi
de 1946 n' a pas institué de monopole proprement dit et
a laissé subsister dans chacune des industries qu'elle
nationalise un secteur libre. Ainsi, dans le domaine de la production,
il est apparu inutile d'étendre la nationalisation à
des entreprises qui avaient précisément échappé
à la concentration et qui ne satisfaisaient qu'à
une fraction minime des besoins de la collectivité. Il
a donc été convenu que les installations de petites
tailles ainsi que celles aménagées par des producteurs
désirant utiliser l'énergie pour leurs besoins propres
pouvaient demeurer aux mains du secteur privé sans que
les fins poursuivies par le législateur s'en trouvent compromises (27).
Quant au domaine de la distribution, il ne connait pas de secteur
libre au sens de secteur "privé"; néanmoins
un secteur "indépendant" existe puisqu'ont eté
exclues de la nationalisation les entreprises de distribution
d'électricité qui étaient déjà
placées sous "contrôle municipal", sous
forme de régies ou de sociétés d'économie
mixtes (28).
L'approvisionnement en électricité des consommateurs
français tient compte des missions de service public, parce
que cet approvisionnement est essentiel pour l'économie
et la vie de tous. A ce titre, les pouvoirs publics garantissent
la satisfaction de certains intérêts généraux
jugés prioritaires dans le secteur au travers de trois
séries d'obligations spéciales :
a) La continuité
Le principe de continuité, devant garantir la sécurité
de l'approvisionnement en toute circonstance, se traduit par trois
exigences particulières : tout d'abord et du fait que l'électricité
n'est pas stockable, il faut garantir l'alimentation permanente
des réseaux; ensuite, il faut assurer la sécurité
d'approvisionnement à long terme, qui implique une politique
continue d'investissement; enfin, il faut répondre à
une exigence prioritaire de qualité, notamment pour les
utilisateurs professionnels.
b) L'égalité d'accès aux prestations
ou le service universel
C'est l'obligation de desservir toute personne qui en fait la
demande sur le territoire français.
Une telle obligation résulte de la combinaison, à
un certain stade d'évolution de la société,
de deux éléments : l'un technique (la capacité
de fournir un service à toute la population), l'autre politico-social
(le caractère jugé indispensable du bien pour la
vie quotidienne). Il s'agit donc d'une notion contingente qui
peut évoluer en fonction de ces deux paramètres.Aujourd'hui,
l'obligation de service universel (c'est-à-dire l'obligation
) existe incontestablement - bien que non écrite - pour
l'électricité.
Mais le service universel n'est pas seulement une notion juridique,
il a un contenu concret. Il conduit à porter une attention
particulière aux tarifs, notamment pour les consommateurs
domestiques.
c) L'égalité de traitement devant les charges
occasionnées
Ce principe conduit à la péréquation tarifaire.
Bien qu'il ne figure pas dans la loi de 1946, c'est un principe
fort dans la tradition française, mais dont la portée
doit être précisée. Il n'est pas en contradiction
avec une politique commerciale active, destinée à
adapter l'offre de service (y compris le prix de la prestation)
à des catégories de clients.
La péréquation tarifaire permet d'établir,
sur le terriotire national, une moyenne des coûts de distribution
entre les coûts élevés et les coûts
faibles existants selon les régions (30). Elle implique qu'à
l'intérieur du périmètre de distribution,
l'opérateur concerné applique les mêmes prix
aux clients en situations identiques. La péréquation
de l'électricité répond ainsi à une
logique d'aménagement du territoire (31).
II - Le service public de l'électricité dans
les autres Etats de l'Union européenne
Loin des querelles terminologiques et juridiques, on ne peut
contester le fait que le secteur électrique présente
dans tous les Etats membres de l'Union européenne les caractéristiques
d'une activité d'intérêt général,
d'un service de base essentiel à la collectivité
que les pouvoirs publics doivent encadrer.
Néanmoins, on constate que chacun de ces Etats a mis en
place un système électrique qui lui est propre (A)
et que depuis une période récente, ce secteur vit
à l'heure des réformes (B), dominées par
un vent de privatisation et de libéralisation.
A) Mise en place de systèmes propres aux Etats
On peut constater de manière générale que
chaque Etat a progressivement développé un système
électrique particulier, en relation avec ses dotations
en ressources naturelles et sa spécialisation industrielle.
Mais cette diversité des systèmes électriques
dans l'Union européenne (1) ne donne que plus de signification
aux éléments d'unité qui eux aussi caractérisent
le secteur électrique européen (2).
1. Diversité des systèmes électriques
dans l'Union européenne
Cette diversité est observable à la fois sous l'angle
des techniques de production de l'électricité (b)
et celui des structures du secteur électrique (a).
a. Du point de vue des structures
Les types d'organisation des systèmes électriques
présentent à la fois des éléments
de diversité et d'unité.
Ainsi, on rencontre toute une gamme de situations comprises entre
deux cas polaires :
- le système monopolistique, caractérisé
par une entreprise d'Etat qui assure seule la totalité
de la production, du transport et de la distribution sur l'ensemble
du territoire national. On a donc à la fois appropriation
publique, intégration horizontale et intégration
verticale. Le cas français est proche de ce schéma
puisque l'entreprise publique EDF détient le monopole du
transport et assure 90% de la production et 95% de la distribution.
- le système oligopolistique (ou pluraliste) dans lequel
plusieurs entreprises se partagent la production (éventuellement
avec des moyens communs) et sont associées pour la gestion
du réseau de transport mais ne sont pas systématiquement
intégrées dans la distribution. C'est le système
électrique allemand, comprenant plus d'un millier d'entreprises,
qui répond le mieux à ce second modèle. Il
est cependant très concentré puisque huit entreprises
contrôlent l'essentiel de la production et du transport,
et 40% de la distribution. Ces grandes entreprises supra-régionales
sont par ailleurs actionnaires de nombreuses compagnies électriques
régionales ou communales.
b. du point de vue des techniques de production
Le recours à telle ou telle technique de production est
bien entendu fonction des dotations en ressources naturelles de
chacun des Etats.
L'on distingue, de ce point de vue, quatre types de pays :
- les pays à prédominance nucléaire, à
savoir la France (70%) et la Belgique (67%)
- les pays à prédominance charbon mais ayant fait
un premier pas vers le nucléaire, à savoir l'Allemagne
(55% charbon, 34% nucléaire), l'Espagne (43%, 31%) et la
Grande-Bretagne (74%, 17%)
- les pays à prédominance charbon stricte tels que
le Danemark (93%), la Grèce (75%) et l'Irlande (47%)
- enfin, les pays à prédominance hydrocarbures tels
que l'Italie (59%) et les Pays-Bas (64%).
2. Les éléments d'unité entre les systèmes
électriques européens
L'on constate traditionnellement dans tous les Etats membres
de l'Union européenne un certain nombre de caractéristiques
d'organisation et de fonctionnement communes (a) ainsi qu'une
intervention croissante des pouvoirs publics dans le secteur électrique
(b).
a. Caréctéristiques d'organisation et de fonctionnement
communes
Dans tous les Etats membres, l'organisation de l'électricité
repose sur une forte coordination de la production et du transport
sur de vastes zones géographiques. De plus, on observe
toujours soit une intégration entre production-transport
et distribution (entreprises verticalement intégrées
en Italie, en Espagne et au Danemark), soit l'existence de contrats
de fourniture à long terme (cas de la Suède où
l'activité de transport a été retirée
à l'entreprise dominante mais l'utilisation du réseau
fait l'objet d'accords à long terme entre le gestionnaire
et les utilisateurs).
L'électricité se caractérise également
par l'existence de monopoles, même si le terme n'est pas
toujours employé dans les textes nationaux.
Au niveau du transport et de distribution, le développement
des interconnexions (permettant des économies d'investissements)
a progressivement conduit à des monopoles naturels caractérisés
par l'existence d'un seul réseau de transport et de distribution
(la duplication des lignes est anti-économique et impensable
du point de vue environnemental).
Par ailleurs, les entreprises de distribution disposent partout,
en droit ou en fait, d'un monopole géographique (car localisé
dans une zone déterminée) qui leur est accordé
en contrepartie d'une obligation de fourniture. Il peut s'agit
de monopoles de desserte supra-régionaux, régionaux
ou locaux (en Allemagne, superposition de ces trois types de monopoles).
Signalons que, contrairement au transport et à la distribution,
la production d'énergie électrique n'a fait qu'exceptionnellement
l'objet de régimes de monopole dans l'ensemble des Etats
industrialisés.
b. Intervention croissante des pouvoirs publics
L'absence de (véritable) concurrence, historiquement liée
à l'organisation d'un modèle industriel fondé
sur l'existence de monopoles naturels, a corrélativement
suscité une implication importante des pouvoirs publics.
Elle s'explique par la nécessité de protéger
les intérêts de la collectivité (contrôle
de l'utilisation du domaine public, contrôle des investissements)
et du consommateur (péréquation tarifaire (32), règlementation
des prix...).
Dans certains Etats membres, cet interventionnisme est allé
jusqu'à la nationalisation de l'industrie électrique
et l'instauration d'un opérateur unique (EDF en France (33),
ENEL en Italie (34), EDP au Portugal (35)) à qui ont été
octroyées l'ensemble des activités (sous la forme
de droits exclusifs ou spéciaux ou de quasi-monopoles).
Néanmoins, les secteurs privé et public continuent
de coexister, même lorsqu'il y eu nationalisation - quelques
exceptions ayant été reconnues par la loi dans la
plupart des cas -.
B) L'heure des réformes
Depuis la fin des années 1980, on observe un phénomène
de privatisation (1) auquel se conjugue un phénomène
de libéralisation (2).
1. Phénomène de privatisation
Ce phénomène encore marginal (seuls deux Etats
de l'Union européenne ont privatisé leur industrie
électrique) (a) est en passe de se généraliser
(b).
a. Les pays ayant privatisé (36) : la Grande-Bretagne
et l'Autriche
Si ces privatisations reposent sur la croyance en la supériorité
économique de la propriété privée,
il faut ajouter que des considérations financières (37)
y ont également contribuer.
En Grande-Bretagne, la privatisation de l'industrie électrique
s'est inscrite dans un vaste programme de privatisations appliqué
de 1982 à 1991 par le gouvernement de Mme Tatcher. Réalisée
par l'Electricity Act de 1989, elle présente la
particularité d'avoir maintenu les moyens de production
nucléaire dans le secteur public et de les avoir transférés
à une nouvelle entreprise publique (Nuclear Electric
en Angleterre et au Pays de Galles et Scottish Nuclear
en Ecosse). Mais il ne s'agit pas d'un réel choix de la
part des pouvoirs publics : ceux-ci avaient tout d'abord eu l'intention
d'introduire les centrales nucléaires en bourse, or leurs
mauvaises performances ont dissuadé tout acquéreur
potentiel.
Dans le cas de l'Autriche, la Verbundgesellschaft(38)
, société au capital entièrement détenu
par l'Etat fédéral depuis 1947, est partiellement
privatisée depuis le 20 novembre 1988, date de mise en
vente de 49% de ses actions. Les motivations étaient d'abord
financières et il n'est pas exclu que d'autres étapes
soient franchies dans les années à venir, ramenant
la part de l'entreprise fédérale à moins
de 51%.
Enfin, une autre privatisation partielle a été
décidée en 1989 concernant la compagnie d'électricité
de Basse-Autriche, EVN (compagnie provinciale de transport et
de distribution) dont 25% du capital a été placé
en bourse en novembre.
b. Les privatisations probables : en Italie et au Portugal
En Italie, un décrêt-loi du 11 juillet 1992 (relatif
aux "Mesures d'urgences pour redresser les finances publiques")
converti en loi avec des modifications par la loi du 8 août
1992 a décidé la transformation immédiate
et obligatoire de la compagnie d'électricité publique
(ENEL) en société par actions. L'ensemble de ces
actions a été attribué au Ministre du Trésor
dans l'attente d'une future privatisation (39).
Enfin, depuis le vote de la loi de privatisation en avril 1990
autorisant à privatiser à 100% les entreprises nationalisées
en 1974, le gouvernement portugais s'est lancé dans un
vaste programme de privatisations qui concerne également
l'électricité. En janvier 1991, le décrêt-loi
7/91 a converti l'entreprise nationale, Electricité du
Portugal (EDP) en société anonyme à capitaux
exclusivement publics dans un premier temps.
2. Phénomène de libéralisation
La libéralisation du secteur électrique a été
réalisée, de manière radicale, en Grande-Bretagne
(en même temps que la privatisation) (a), mais a également
eu lieu dans d'autres Etats membres tels que les Pays-Bas et le
Portugal.
a. En Grande-Bretagne : une libéralisation radicale
et atypique
Outre la privatisation du secteur, l'Electricity Act de 1989
a profondément réformé l'organisation mais
aussi le fonctionnement de l'industrie électrique britannique
qui se révèle unique à l'échelle européenne
et même mondiale.
Elle consiste en effet dans une remise en cause de la vision
traditionnelle selon laquelle les économies de réseaux
constituent des monopoles naturels :
- en procédant à la dé-intégration
horizontale de la production par la mise en place de trois grands
producteurs, dont deux privés et par l'ouverture de l'activité
à de nouveaux entrants
- en procédant à une dé-intégration
verticale par dissociation de la production et du transport
- en introduisant le système dit de l'accès des
tiers au réseau (ATR) qui permet à tout consommateur
d'avoir le libre choix de son fournisseur.
b. Aux Pays-Bas (40) et au Portugal (41) : vers un marché
plus ouvert
Aux Pays-Bas, l'adoption de l'Elektriciteitswet (loi
sur l'électricité) entrée en vigueur le 8
décembre 1989 constitue un pas important vers un marché
de l'électricité plus ouvert .
Elle a introduit une certaine concurrence d'une part, en reconnaissant
aux entreprises de distribution le droit de choisir le producteur
qui leur fournira de l'électricité ou de produire
pour eux-mêmes (à partir de petites installations)
et d'autre part, en autorisant les grands consommateurs industriels
à importer librement à condition de ne pas revendre.
Enfin, dans le silence de la loi, on peut considérer que
les exportations sont totalement libres tant pour les sociétés
de distribution que les consommateurs finals.
Au Portugal, une succession de décrêts-lois adoptés
à partir de 1988 ont progressivement libéralisé
le secteur de l'électricité.
Ainsi, les régimes institués aux petits producteurs,
autoproducteurs et producteurs indépendants ont été
élargis et l'autoproduction et la construction de mini
centrales hydrauliques encouragées (décrêt-loi
n° 189/88 du 27 mai 1988). De même, l'accès
aux activités de production, transport et distribution
d'énergie électrique a été libéralisé,
faisant perdre à EDP le monopole de ces activités
(décrêt-loi n° 449/88). Désormais, toute
entité privée qui souhaite se livrer à ces
activités est soumise un régime d'autorisations
spécifiques, sous des critères non discriminatoires
(décrêt-loi n° 99/91 du 2 mars 1991).
Mais l'ensemble de ces mesures ne constitue qu'une première
étape du processus de libéralisation puisque la
question de la désintégration verticale de la compagnie
est en discussion, avec pour corollaire la création de
nouvelles entreprises.
Ces diverses réformes ne font en fait qu'anticiper les
discussions communautaires sur le marché intérieur
de l'électricité entamées depuis la fin des
années 1980. Cependant, la future règlementation
communautaire qui envisage une libéralisation globale,
laisse penser que ces réformes ne sont pas définitives.
Le secteur électrique européen est donc en passe
de connaître une véritable "révolution"
face à laquelle le service public devra trouver sa place.
III - Le service public de l'électricité dans
la perspective de l'achèvement du marché intérieur
Pendant longtemps, le domaine énergétique est resté
totalement ignoré par les divers traités et autres
instruments de politique communautaire. Le traité de Maastricht
lui-même ne comporte aucune esquisse d'une politique commune
de l'énergie et mentionne simplement parmi les thèmes
qui relèvent de la compétence communautaire les
"réseaux transeuropéens" d'énergie (42).
Faute d'une politique commune, les énergies (particulièrement
l'électricité et le gaz) font aujourd'hui l'objet
d'une réflexion communautaire placée sous l'angle
de l'achèvement du marché intérieur.
Dans un premier temps, la Communauté européenne
s'est attachée à introduire une certaine dose d'harmonisation
et de transparence dans les systèmes électriques
des Etats membres (A). Aujourd'hui, l'adoption - tant attendue
- de la directive sur le marché intérieur de l'électricité
devrait aboutir à l'instauration d'un environnement concurrentiel
dans ce secteur (B).
A) Introduction d'une certaine dose de transparence et d'harmonisation
La règlementation communautaire d'ores et déjà
applicable au service public de l'électricité concerne
à la fois les tarifs de l'électricité (1)
et les marchés publics (2) passés dans ce secteur.
Cette règlementation qui s'inspire du droit français
n'a toutefois pas fondamentalement bouleversé les structures
et le fonctionnement du secteur.
1. La règlementation communautaire des tarifs (43)
La règlementation communautaire a pour objet d'harmoniser
la formation des prix (a) de l'électricité dans
la Communauté et d'assurer leur transparence (b).
a. La formation des prix de l'électricité
De l'avis du Conseil, "les politiques gouvernementales qui
contribuent à la formation des prix des énergies
doivent tenir compte de la nécessité de refléter,
de manière réaliste, les tendances du marché" (44).
La référence à l'économie de marché
renvoie à l'idée de "vérité des
prix" qui s'exprime à travers les principes de viabilité
financière et d'allocation objective des coûts.
Le premier d'entre eux commande que les prix soient déterminés
en fonction des coûts (coûts de mise à disposition
de l'énergie, amortissement des investissements nécessaires).
En conséquence, il proscrit toute intervention des pouvoirs
publics, indépendamment de la nature publique ou privée
de l'entreprise, mais aussi les tarifs à caractère
promotionnel (en tant qu'ils favorisent une consommation superflue),
le maintien des prix (pour des motifs sociaux ou des raisons liées
à la politique anti-inflationniste) à un niveau
artificiellement bas.
Quant au principe d'allocation objective des coûts, il
signifie que "les entreprises électriques devraient
couvrir leurs coûts sur la base d'une répartition
aussi objective que possible de ces coûts entre les différentes
catégories de consommateurs". En France, il s'exprime
à travers les principes d'égalité de traitement
entre les usagers et de neutralité tarifaire. Signalons
toutefois qu'il est de règle, à l'intérieur
de chaque pays, de ne pas répercuter systématiquement
l'incidence de facteurs tels que l'éloignement géographique.
b. La transparence des prix de l'électricité
Ayant constaté à de multiples reprises que seul
le degré de transparence au niveau des consommateurs domestiques
et des petites et moyennes entreprises était satisfaisant (45),
la Commission a proposé la mise en place d'une procédure
communautaire assurant la transparence des prix au consommateur
final industriel. Cette procédure, instaurée par
une directive du 29 juin 1990 (46), impose la transmission obligatoire
à l'OSCE (Office Statistique des Communautés Européennes)
de plusieurs types d'informations (47) sur les prix de l'électricité
aux gros consommateurs industriels. Elle organise également
leur publication régulière : c'est ainsi qu'en mai
et novembre de chaque année, sont publiés les prix
de l'électricité pour usages industriels dans les
différents Etats membres ainsi que les systèmes
de prix ayant servi à leur élaboration.
Afin de respecter le caractère confidentiel de certaines
informations, un certain nombre de principes ont néanmoins
été posés. C'est ainsi que les informations
qui, par leur nature, sont susceptibles de relever du secret commercial
des entreprises ne peuvent être publiées que sous
une forme agrégée ne permettant pas d'identifier
des transactions commerciales individuelles. Par ailleurs, une
catégorie de consommateurs doit comporter au moins trois
consommateurs pour pouvoir être publiées.
2. La règlementation des marchés publics
Jusqu'à une période récente, les marchés
passés dans le secteur de l'énergie - mais aussi
de l'eau, des transports et des télécommunications
- ont échappé à toute règlementation
d'origine communautaire.
Mais ces secteurs jadis exclus sont aujourd'hui soumis à
des procédures communautaires de passation des marchés (48)
dont la particularité est d'offrir plus de souplesse (a)
que les directives adoptées dans les secteurs dits "classiques",
en contrepartie d'un minimum de transparence (b).
a. Des procédures de passation des marchés souples
Comme c'est de plus en plus le cas pour toutes les entreprises
industrielles, les entités adjudicatrices opérant
dans les secteurs exclus entretiennent des relations plus étroites
et plus suivies avec un groupe de fournisseurs et d'entrepreneurs.
Et ce "partenariat" s'avère d'autant plus nécessaire
lorsque les marchés portent sur des équipements
et des installations complexes qui conditionnent dans une large
mesure le succès de la mission de service public de l'entité
adjudicatrice (dans le cas de l'électricité, il
s'agit de garantir l'approvisionnement permanent en énergie).
Précisons toutefois que la directive n'a vocation à
s'appliquer qu'aux achats nécessaires aux activités
de production, de transport et de distribution à l'exclusion
des achats d'énergies et de combustibles.
L'entité adjudicatrice dispose en conséquence du
libre choix entre les procédures ouverte, restreinte ou
négociée avec mise en concurrence. Seuls les cas
de recours à la procédure de gré à
gré (correspondant à une procédure négociée
sans mise en concurrence préalable) sont limitativement
énumérés quoique définis de manière
à assurer la plus grande marge de manoeuvre aux entités
adjudicatrices.
b. Des procédures de passation des marchés transparentes
La directive "secteurs exclus" prévoit trois
stades de publicité obligatoire : une publicité
périodique sur les programmes prévisionnels d'achat,
une publicité de mise en concurrence par avis et une publicité
sur les résultats de la procédure.
Enfin, dans l'hypothèse d'un manquement aux obligations
de publicité et de mise en concurrence, plusieurs procédures
de recours ont été organisées par une directive
du 25 février 1992 (49).Outre la possibilité de former
un recours juridictionnel au plan national, celle-ci introduit
deux mécanismes originaux : la conciliation - qui constitue
un mode de résolution amiable des litiges - et l'attestation (50)
- dont l'objectif est d'inciter les entités adjudicatrices
à se conformer aux dispositions communautaires en les récompensant
d'un sorte de "certificat de bonne conduite" -.
B) Instauration progressive d'un environnement concurrentiel
Après des années de discussions, la directive concernant
des règles communes pour le marché intérieur
de l'électricité (51) a été formellement
adoptée le 19 décembre 1996 par le Conseil, mettant
ainsi à terme à la procédure de codécision
telle que prévue à l'article 189 B du Traité.
La proposition de directive de la Commission de mars 1992 avait
fait l'objet d'une première lecture devant le Parlement
européen (Avis du Parlement européen du 17 novembre
1993, JOCE n°C 329 du 6.12.1993, p.150), à l'origine
d'un certain nombre d'amendements (ayant abouti à une proposition
modifiée de directive, JOCE n°C 123 du 4.5.1994, p.1).
Le tout avait été réexaminé par le
Conseil qui était parvenu à dégager une position
commune, le 25 juillet 1996 (JOCE n°C 315 du 24.10.1996,
p.18). Le 11 décembre 1996, cette dernière a été
approuvée sans aucune modification par le PE, en seconde
lecture. Ce que le Conseil a entériné le 19 décembre.
La directive, entrée en vigueur le 19 février 1997,
accorde aux Etats membres un délai de deux ans (52) pour
se conformer aux règles générales et modalités
d'ouverture de leur marché (1) sachant qu'ils disposent
de moyens pour préserver une place au service public (2).
1. Règles générales et modalités
d'ouverture des marchés de l'électricité
a. Les règles générales concernant l'ouverture
des marchés de l'électricité
Ces règles ont été adoptées dans
le respect de deux grands principes. Tout d'abord, le principe
de subsidiarité qui autorise les Etats à opter pour
deux modes de libéralisation plus ou moins accentués (53)
: l'accès négocié des tiers au réseau
(ou ATR négocié) et le modèle dit de l'"acheteur
unique".
Ensuite, le principe de progressivité en vertu duquel
la libéralisation conçue par la Commission doit
être réalisée graduellement - définition
de trois étapes successives (54) - et ne pourra être
poursuivie qu'à la lumière de l'expérience
acquise (55).
Sur le fond, ces nouvelles règles vont entraîner
une profonde modification du secteur tant dans les échanges
d'électricité entre Etats membres que dans le système
électrique de chacun d'eux.
En effet, la production d'électricité va s'ouvrir
à la concurrrence (permettant l'entrée de producteurs
indépendants) selon une libéralisation alternative
grâce à un système de licences et/ou un système
d'appels d'offres (56).
De même, les Etats membres vont avoir à choisir
entre le système d'accès négocié des
tiers au réseau (ATR) national et international ou le système
dit de l'"acheteur unique" (57). Dans ce dernier cas,
une même entreprise sera responsable de la gestion unifiée
du transport et/ou de l'achat et de la vente centralisés
de l'électricité.
Par ailleurs, les Etats devront désigner un gestionnaire
unique pour les réseaux de transport et de distribution,
à qui incombera la responsabilité de l'exploitation,
l'entretien et les interconnexions de chacun de ces réseaux.
Quant aux entreprises demeurant verticalement intégrées,
elles devront procéder à la dissociation comptable
qui commande trois catégories d'obligations (58) :
- l'obligation de tenir, dans leur comptabilité interne,
des comptes séparés pour leurs activités
de production, de transport et de distribution en vue d'éviter
les discriminations, les subventions croisées et les distorsions
de concurrence,
- l'obligation d'assurer la transparence de la comptabilité
c'est-à-dire permettre l'accès à la comptabilité
des entreprises de production, de transport ou de distribution
pour les Etats membres ou toute autorité compétente,
- l'obligation d'établir et de faire contrôler et
publier leurs comptes annuels conformément aux règles
nationales relatives aux comptes annuels des sociétés
de capitaux.
b. Les modalités d'ouverture
La directive prévoit que chaque pays devra ouvrir à
la concurrence la part de marché que représente,
en moyenne communautaire, la quantité d'électricité
consommée par les clients ayant une consommation supérieure
à 40 gigawatts/heure (gWh) par an, soit entre 22 et 25%
de leurs marchés nationaux. Cette règle s'accompagne
d'un certain nombre de modalités particulièrement
originales (59).
Il s'agit tout d'abord de la définition d'un échéancier
selon lequel, après un an, le seuil sera ramené
de 40 à 20 gWh (correspondant à une ouverture de
27%) pour passer trois ans plus tard à 9 gWh, ce qui représentera
un degré d'ouverture de 33% des marchés nationaux.
Par ailleurs et afin d'éviter un déséquilibre
dans l'ouverture des marchés, une clause de sauvegarde
a été incluse dans la directive précisant
qu'un Etat membre pourra interdire la fourniture d'électricité
en provenance d'un autre Etat vers un de ses clients éligibles
au cas où ce type de client ne serait pas également
considéré comme éligible dans l'Etat exportateur (60).
La clause ne sera applicable que pour une durée de neuf
ans.
Enfin, la directive contient une clause de révision selon
laquelle neuf ans après sa mise en vigueur, la Commission
fera rapport au Conseil sur son application ainsi que sur le fonctionnement
général du marché intérieur de l'électricité,
afin de lui permettre ainsi qu'au Parlement européen d'envisager
"en temps utile" la "possibilité d'une ouverture
supplémentaire du marché" (61).
2. Reconnaissance de la notion de service public dans le domaine
de l'électricité
Le droit communautaire (traités originaires et droit dérivé)
n'est pas totalement étranger au service public puisqu'il
a lui-même donné naissance à des notions très
voisines telles que celles de "service d'intérêt
économique général", "service de
base" ou de "service universel". Ceci est particulièrement
vérifiable à travers la jurisprudence de la Cour
de justice des Communautés Euroépennes (a). Par
ailleurs, la nouvelle directive sur le marché intérieur
de l'électricité fait explicitement référence
aux "obligations de service publics" (b).
a. Dans la jurisprudence communautaire
L'arrêt Commune d'Almelo du 27 avril 1994 (62) a examiné
la question de l'applicabilité de l'article 90, paragraphe
2 (63) du traité à une entreprise néerlandaise
de distribution d'électricité. Elle s'est donc demandée
si celle-ci était chargée de la gestion d'un service
d'intérêt général.
Pour y répondre, la Cour de Justice a rappelé le
principe posé par elle dans un arrêt relatif au service
public de la poste (arrêt Corbeau du 19 mai 1993 (64)) selon
lequel "les entreprises chargées de service d'intérêt
économique général peuvent échapper
aux règles du traité sur la concurrence, dans la
mesure où des restrictions à la concurrence, voire
une exclusion de toute concurrence, de la part d'autres opérateurs
économiques, sont nécessaires pour assurer l'accomplissement
de la mission particulière qui leur a été
impartie".
Puis elle a procédé à une énumération
des obligations à la charge de l'entreprise de distribution
d'électricité néerlandaise. "Une telle
entreprise doit assurer la fourniture ininterrompue d'énergie
électrique, sur l'intégralité du territoire
concédé, à tous les consommateurs, distributeurs
locaux ou utilisateurs finals, dans les quantités demandées
à tout moment, à des tarifs uniformes et à
des conditions qui ne peuvent varier que selon des critères
objectifs applicables à tous clients".
Ce qui lui a permis de conclure que, dans ces conditions, "des
restrictions à la concurrence de la part d'autres opérateurs
économiques doivent être admises, dans la mesure
où elles s'avèrent nécessaires pour permettre
à l'entreprise investie d'une telle mission d'intérêt
général d'accomplir celle-ci. A cet égard,
il faut tenir compte des conditions économiques dans lesquelles
est placée l'entreprise, notamment des coûts qu'elle
doit supporter et des règlementations, particulièrement
en matière d'environnement, auxquelles elle est soumise".
Ces solutions devront encore être précisées.
Mais elles présentent d'ores et déjà le mérite
de relever que les services en réseaux ne sont pas des
services ordinaires (compte tenu des charges particulières
qui pèsent sur eux); ce qui justifie des atténuations
à l'application des principes de libre concurrence et de
libre circulation.
b. dans la nouvelle directive
La directive concernant des règles communes pour le marché
intérieur de l'électricité reconnait expressément
aux Etats la possibilité d'imposer des "obligations
de service public". Elle laisse en outre les Etats libres
de définir les catégories de clients qui seront
éligibles à l'ATR.
Ces obligations de service public, adoptées dans l'intérêt
économique général, pourront porter sur la
sécurité, y compris la sécurité d'approvisionnement,
la régularité, la qualité et les prix de
l'électricité ainsi que la protection de l'environnement (65).
Et la directive précise que la planification à long
terme (66) peut être un des moyens de réaliser lesdites
obligations de service public.
Mais ces obligations devront être clairement définies,
transparentes, non discriminatoires et contrôlables.
Concrètement, les entreprises soumises aux obligations
de service public pourront être exemptées de certaines
dispositions relatives à la construction de nouvellles
capacités de production et à l'organisation de l'accès
au réseau. Cette non-application ne devra toutefois pas
affecter le développement des échanges dans une
mesure qui serait contraire à l'intérêt de
la Communauté (67).
Quant à la définition des clients éligibles,
elle consiste à déterminer les catégories
de clients qui seront autorisés à négocier
librement leurs contrats d'approvisionnement en électricité,
c'est-à-dire qui pourront bénéficier de l'ATR.
La directive prévoit que les consommateurs éligibles
seront désignés par les Etats membres étant
entendu que tous les consommateurs de plus de 100 gWh par an devront
en faire partie automatiquement. Quant aux distributeurs, ils
ne seront pas automatiquement inclus dans la catégorie
des clients éligibles (68), sauf pour le volume d'électricité
consommé par leurs clients désignés comme
éligibles (69).
En guise de conclusion, il convient de souligner que le nouveau
modèle d'organisation de l'électricité (bien
qu'édulcoré au fil des lectures) suscite un certain
nombre de craintes. Mais, on ne saurait oublier que le Traité
de Maastricht, en reconnaissant de nouvelles politiques communes,
peut offrir les garanties nécessaires.
De manière générale, le modèle proposé
au niveau communautaire se situe en rupture avec le système
traditionnel et surtout demeure un système purement théorique.
D'une part, il se distingue à bien des égards de
la nouvelle organisation électrique britannique; d'autre
part, les Etats-Unis eux-mêmes ne sont pas allés
aussi loin alors même que le débat sur l'intensification
de la concurrence dans le secteur électrique et l'introduction
de l'ATR y a eu lieu.
Quant aux modalités de la libéralisation, elles
soulèvent plusieurs questions :
- les fournisseurs d'électricité ne risquent-ils
pas de pratiquer des prix manifestement bas afin d'attirer les
consommateurs éligibles et de "faire payer" les
consommateurs domestiques ou "captifs", non éligibles
à l'ATR, par le jeu de subventions croisées ?
- l'introduction de la concurrence à la fourniture a pour
principale conséquence de faire supporter les risques (essentiellement
financiers) par les producteurs. Du point de vue des équipements,
ceux-ci ne vont-ils pas être tentés de recourir à
des installations de petites tailles et faiblement capitalistiques
(comme les centrales fonctionnant au gaz) ?.
Ceci remettrait en cause la diversité du parc de production
composé également de centrales nucléaires
ou au charbon. A moyen et long terme, c'est donc l'indépendance
énergétique des Etats qui pourrait être menacée.
Mais, on ne saurait oublier que le traité de Maastricht
manifeste de nouvelles préoccupations communautaires telles
que les réseaux transeuropéens, la protection du
consommateur, l'environnement. Autant de concepts qui ont vocation
à s'appliquer au secteur de l'électricité
et qui prescrivent une règlementation communautaire et
une intervention des pouvoirs publics en leur faveur.
Ils témoignent par ailleurs d'une approche nouvelle qui
transcende la logique purement économique pour tendre vers
une approche plus soucieuse des préoccupations sociales,
plus "citoyenne".