LA POLITIQUE ETRANGERE ET DE SECURITE COMMUNE

Catherine Cousins



La Politique Etrangère et de Sécurité Commune a été créée par le Traité de Maastricht et a été surnommée "le troisième pilier" de l'Union Européenne. La PESC n'est pas intégrée dans le système communautaire puisque elle touche beaucoup plus au mode d'expression de la souveraineté nationale que les affaires économiques. La PESC reste quasi exclusivement la compétence des Etats Membres et le processus de décision est caractérisé par l'intergouvernementalisme. L'essentiel de la compétence revient au Conseil Européen et au Conseil des Ministres et les décisions sont prises à l'unanimité. L'intervention du Parlement Européen et de la Commission est marginale et le Président de la Communauté représente l'Union Européenne pour les matières relevant de la PESC. Les objectifs à atteindre sont fixés à l'Union : la sauvegarde des valeurs communes, des intérêts fondamentaux et de l'indépendance de l'Union, le renforcement de la sécurité de l'Union et de ses membres et du maintien de la paix, le renforcement de la démocratie et de l'état de droit ainsi que le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales (article J1 §2). La coopération systématique entre les Etats Membres aboutit à des positions communes (art J2 §2) et à la mise en oeuvre des programmes d'actions communes dans les domaines où les Etats Membres ont des intérêts importants en commun (art J1 §3). Pour la plupart des actions communes, il s'agit d'opérations ad hoc. Les différents objectifs relatifs à l'action extérieure de l'Union sont disséminés dans plus de douze articles différents, qui sont en outre étayés pour leur réalisation par des procédures institutionnelles, des instruments juridiques et des moyens de financement différents.

L'ensemble des institutions a constaté que la PESC a été jusqu'à présent décevante et n'a pas permis à l'Union Européenne de développer une politique étrangère commune qui soit à la mesure de son poids politique et économique et elles s'accordent à penser que la PESC doit être revue lors de la Conférence Intergouvernementale de 1996. Elle est marquée par un manque d'initiative et de cohésion face aux conflits qui se déroulent en Europe - ce qui a porté gravement atteinte à l'image et à la crédibilité de l'Union Européenne et le statut juridique de chacune d'entre elles. Il y a un dédoublement fonctionnel entre la Communauté et l'Union Européenne: L'Union réagit au coup par coup en fonction des événements extérieures et des humeurs de l'opinion publique. Les présidences successives de l'Union Européenne ont eu tendance à considérer la PESC comme un instrument complémentaire des politiques nationales et la vision des intérêts nationaux prime sur la volonté de mener une action conjointe.

La PESC constitue un domaine sensible et il sera difficile pour la Conférence Intergouvernementale de marquer un saut qualitatif. Pourtant le renforcement de la PESC est une exigence de base et un grand nombre de réformes a été proposé. La pratique de l'unanimité, le rôle limité de la Commission et le rôle quasiment inexistant du Parlement Européen et de la Cour de Justice des Communautés Européennes sont des facteurs qui empêchent l'Union de s'acquitter pleinement de son rôle en matière de relations internationales. Des réformes du processus décisionnel et du rôle des institutions de l'Union dans le domaine de la PESC ont été proposées. Les propositions principales pour réformer la PESC concernent la définition des compétences, la possibilité de la communautarisation de la PESC, I'établissement d'une cellule d'analyse et de planification, la désignation d'un personnage dirigeant la PESC et le renforcement des liens entre l'UEO et l'UE en ce qui concerne les aspects de sécurité et de défense.



1. La définition des compétences


Il faut définir une PESC en élaborant une évaluation des risques menaçant la sécurité de l'Europe et selon des priorités géographiques et thématiques. Le parti conservateur allemand, la CDU/CSU, a proposé de définir les intérêts et objectifs communs, les conditions et procédures et les instruments politiques, économiques et financiers. Elle a suggéré comme domaines prioritaires une politique commune visant à la stabilité de l'Europe centrale et orientale, le développement des relations avec la Russie dans un but d'établir un vaste partenariat, une politique commune dans l'espace Méditerranée, la mise sur pied d'un partenariat stratégique avec la Turquie et une nouvelle orientation des relations transatlantiques. En ce qui concerne des politiques d'une nature plus globale, elle a proposé le rôle de l'Union dans une architecture européenne de la sécurité et la définition du rôle de l'Union dans des organisations internationales. Selon le parti CDU/CSU il faut inscrire ces politiques communes dans le traité révisé et charger le Conseil Européen de définir ou de redéfinir les directives politiques à intervalles réguliers.







2. Le processus décisionnel


En ce qui concerne le processus décisionnel de la PESC, la règle actuelle de l'unanimité a handicapé l'efficacité de la PESC en ralentissant la prise des décisions et en poussant à l'adoption de compromis représentant le plus petit dénominateur commun des positions en présence. Il s'est avéré que les mécanismes décisionnels dans le domaine de la PESC ne favorise pas une réalisation de prises de positions communes de la part de l'Union Européenne. Selon certains il faut fixer des procédures qui ne requièrent pas l'unanimité et qui octroient aux Etats qui ne participent pas dès le début à l'action de l'Union, la possibilité de se joindre aux autres. Des formules permettant aux Etats Membres, dont la constitution ne permet pas de participer à une telle clause, de ne pas être obligés à y adhérer ont également été proposées. Cependant, une minorité ne doit pas bloquer une majorité à mener une action commune. Par rapport aux procédures de vote, plusieurs formules ont été proposées: Le Royaume-Uni et la Finlande veulent conserver le vote à l'unanimité, la Grèce, les Pays Bas et la Suède souhaitent garder le droit de veto si leurs intérêts fondamentaux sont en jeu, I'Allemagne, la Belgique et le Luxembourg sont pour le vote à la majorité qualifiée pour agir - ce qui suppose que les pays minoritaires qui ne voudraient pas participer à une action ne seraient pas obligés de le faire mais qu'ils ne devraient pas empêcher les autres d'aller de l'avant. En ce concerne le vote à la majorité qualifiée, la pondération tiendrait compte de l'importance de la population, du PNB, et de la capacité politique et militaire à engager une action extérieure. Quelques pays souhaitent que seulement les grands conserveraient le droit de veto. En ce concerne le vote à l'unanimité avec abstention, il a été proposé que les pays qui s'abstiennent du vote montrent leur solidarité politique et financière. Les institutions communautaires préconisent le vote à la majorité qualifiée.



3. Le rôle des institutions


En ce qui concerne le rôle des institutions, le Parlement Européen a fait beaucoup de propositions pour rendre la PESC plus efficace. D'abord il souhaitent que le financement de la PESC soit couvert par le budget de l'Union et donc elle viendrait sous son contrôle démocratique. En plus il voudrait faire en sorte que sa consultation par l'Union soit obligatoire avant qu'elle n'arrête des positions et actions communes. La Commission, qui selon le traité de Maastricht est "pleinement associée" au processus décisionnel, aurait un droit d'initiative et la compétence d'exécution. Selon le Parlement Européen, la Commission devrait prendre sur soi la responsabilité principale dans la cohérence de l'action extérieure de l'Union et il faut étendre aux relations extérieures le rôle traditionnel de gardienne des traités qui est celui de la Commission. En plus, il faut donner à la CJCE la possibilité de faire respecter le droit dans l'interprétation et dans l'application des dispositions relatives aux relations extérieures, à la PESC et à la défense. Il lui faut également la possibilité d'étendre à ce domaine les règles d'interprétation préjudicielle et de recours en annulation et en carence. La CJCE a constaté qu'il est actuellement impossible de dénoncer le non-respect de certains dispositions juridiques qui seraient à la base de l'adoption d'un acte.



4. La communautarisation de la PESC


La PESC se trouve séparée dans le fonctionnement quotidien de l'Union de compétences telles que la politique commerciale et de sanctions, les relations économiques extérieures et la coopération au développement. Il n'existe aucune passerelle permettant de faire entrer progressivement dans le champs communautaire certaines matières relevant de la PESC. Certains croient que pour devenir une superpuissance politique, il faut que la PESC devienne vraiment communautaire avec des institutions aptes à mener celle-ci à bien, avec un exécutif et un législatif de nature fédérale, une armée commune ou des armées sous un commandement commun - ce qui entraîne l'abandon d'une part importante de la souveraineté nationale. Le Parlement Européen est pour la construction à pilier unique en dotant l'Union de la personnalité juridique internationale, puisque la séparation entre la diplomatie politique qui relève du pilier communautaire et la diplomatie politique qui relève du deuxième pilier constitue un élément de faiblesse de l'action extérieure de l'Union. Il y a de la confusion entre les pouvoirs qui reviennent aux institutions au titre de la PESC et ceux qui reviennent au traité CEE. Un nombre d'actions relèvent à la fois des deux piliers. Le Parlement et la Commission craignent l'effet de "spillover" de l'intergouvernementalisme de la PESC dans le pilier communautaire. Ils sont de l'avis que l'article 5 du traité CEE devrait être étendu à la PESC.



5. Une cellule d'analyse et de planification


La majorité des Etats Membres et toutes les institutions communautaires sont favorables à la création d'une cellule d'analyse, de planification, de prévision et de proposition mais les opinions divergent en ce qui concerne le statut et la composition de ce centre d'analyse. Certains croient qu'il devrait être chargé exclusivement d'une action prospective, en pouvant prendre contact directement aux organes de décision
nationaux. Elle évaluerait rapidement une situation donnée - ce qui aiderait à la formulation de positions communes. L'absence de tout centre d'analyse et de prévision commun fait en sorte qu'il soit difficile d'identifier les intérêts et les décisions et les actions nécessaires interviennent avec du retard et ne sont pas à la mesure de l'attente et de l'annonce. Certains ont soulignés le fait qu'il est important de veiller à ce que ce nouvel organe n'empiète pas sur les compétences des autres institutions et que ces tâches soient limitées à l'analyse et à l'évaluation des informations, sans déborder sur le droit d'initiative, puisque ce droit est partagé entre les Etats Membres et la Commission.

En ce qui concerne son lieu d'installation et sa composition, Elisabeth Guigou, député socialiste du Parlement Européen a proposé que les personnes sont nommées par les Etats Membres et par le Conseil et que des représentants de la Commission et du Secrétariat Général de l'UEO y siégeront. Cette cellule d'analyse serait commune au Conseil et à la Commission et prendrait en compte l'avis du Parlement. La Commission préconise un centre constitué des Etats Membres et de la Commission et propose qu'il est installé en tant que comité politique permanent à Bruxelles. Le secrétariat général du Conseil envisage une cellule d'analyse relevant du Conseil et composée de personnes recrutées dans les Etats Membres, du secrétariat général du Conseil et de la Commission et créée dans le cadre institutionnel de l'Union. Le chef serait le secrétariat général du Conseil et les fonctions de la cellule pourraient éventuellement être fusionnées avec celles du secrétariat général de l'UEO. D'autres ont parlé d'un lien institutionnel crée entre le centre d'analyse et la Commission et ont proposé qu'il serait placé sous l'autorité du Président de la Commission. Cette vision est différente de celle d'un centre qui fait des propositions au Conseil de l'Union, auquel la Commission serait associée. Il a été proposé que la cellule d'analyse constituerait un service commun au sein duquel les Etats Membres, I'UEO et la Commission pourraient analyser ensemble les informations qu'ils partagent. Afin de ne pas mettre à mal le cadre institutionnel de l'Union et d'éviter la création d'une nouvelle bureaucratie, ce service commun ne devrait pas être une institution nouvelle. Il devrait appuyer sur les structures existantes et ne pas interférer avec le rôle actuellement imparti aux institutions et aux Etats Membres par les traités. Une dernière proposition envisage une cellule d'analyse commune au secrétariat général du Conseil et à la Commission de manière à contribuer à une bonne articulation entre les actions de nature intergouvernementale et les actions de nature communautaire.




6. "Monsieur ou Madame PESC"


Pour donner "un visage et une voix" à la PESC et pour garantir sa crédibilité et sa continuité, il a été proposé qu'un "haut représentant" de la PESC serait désigné pour la diriger. Il existe des divergences en ce qui concerne le statut et les compétences de cette personne: fonctionnaire, un politique, un membre de la Commission chargé des relations extérieures politiques, le secrétaire général de l'UEO, une tierce personne nommée par le Conseil. Ses compétences seraient également à définir: la coordination des analyses, la prise d'initiatives, la représentation de l'Union.



7. L'UEO


En ce qui concerne l'aspect de la sécurité, il a été envisagé que l'UEO constituerait le pilier européen de la défense et qu'en vu de faciliter le passage vers une politique de défense commune, on pourrait attribuer à l'UEO un rôle accru dans certains secteurs relevant du domaine de la sécurité: le maintien de la paix, I'intervention humaine, la politique des armements, I'exportation des armes. On a parlé d'un partenariat renforcé l'UEO-l'UE pour resserrer les relations politiques (sommets parallèles) et administratives (la coordination des présidences et des secrétariats) entre les deux organisations. On a même proposé de définir un calendrier et des étapes de l'intégration l'UEO-l'UE et d'étendre à l'échelle de l'Union la teneur de l'article 5 (garantie mutuelle) du traité l'UEO.






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