Différentes possibilités s'ouvrent
à l'employeur à la recherche d'un salarié:
il peut recourir au service public qui dispose en principe du
monopole du placement, ce qui ne l'empêche ni de faire paraître
des annonces dans la presse, ni de faire appel au service d'un
conseil de recrutement.
128. L'ordonnance n° 45-1080 du 24 mai 1945 a fait
de l'activité de placement des travailleurs un monopole
public national et gratuit, géré depuis 1967 par
l'Agence Nationale pour l'Emploi (ANPE), établissement
public à caractère administratif qui a pour principale
mission d'assister les personnes à la recherche d'un emploi
d'une part, les employeurs pour l'embauche et le reclassement
des salariés d'autre part. Tout en organisant la démultiplication
du service public de placement, l'ordonnance n° 86-1286 du
20 décembre 1986 n'a pas remis en cause le monopole de
celui-ci. Ainsi, bien que largement toléré en pratique,
le placement privé reste aujourd'hui encore interdit en
principe.
Il convient cependant de se demander si, eu égard aux règles
de concurrence du Traité de Rome, telles qu'interprétées
par la Cour de Justice des Communautés Européennes
(CJCE), le monopole de placement public est susceptible de se
maintenir.
Le monopole du placement ne porte pas atteinte à la liberté
d'embauche : s'il est tenu de notifier toute offre d'emploi à
l'ANPE, l'employeur demeure libre de s'entendre directement avec
le candidat salarié. En revanche, le recours à un
intermédiaire en dehors du service public reste en principe
impossible.
1/ L'obligation
de notifier les emplois vacants à l'ANPE
129. Tout demandeur d'emploi est tenu de se faire inscrire
à l'ANPE. Parallèlement, tout employeur doit déclarer
à celle-ci toute place vacante dans son entreprise (art
L.311-2 C.Trav). Cette obligation ne concerne que les emplois
auxquels l'entreprise veut pourvoir par l'intermédiaire
d'organismes ou de moyens extérieurs (art. R.311-2-1 C.Trav.),
à l'exclusion de ceux qui le sont par des mouvements internes.
L'employeur n'est bien sûr jamais obligé d'accepter
les candidats qui lui sont proposés par l'Agence.
En dépit de l'article R.361-1 du Code du Travail qui sanctionne
l'abstention irrégulière de l'amende prévue
pour les contraventions de troisième classe (trois mille
francs au maximum), le dispositif reste peu appliqué dans
la pratique.
2/ L'interdiction
du placement privé
130. Le principe du monopole du placement public a pour corollaire la prohibition du placement privé, c'est-à-dire de "toute activité consistant à servir d'intermédiaire, sous quelque forme que se soit, entre personnes appelées à se lier par une relation de travail, les plaçant dans un lien de subordination l'une par rapport à l'autre" (Crim. 6 mars 1984, D., 1984, IR 377).
Qu'ils soient gratuits ou payants, les bureaux de placement sont
interdits par le Code du Travail (art. L.312-2 et L.312-7 C.Trav.).
Si le régime supporte quelques rares exceptions (placement
des artistes du spectacle art. L.762-3 C.Trav. ; associations
de services aux personnes art. L 129-1 C.Trav.), les infractions
sont sévèrement sanctionnées puisque passibles
d'un emprisonnement de six mois et d'une amende de 25000 francs
(art. L.361 C.Trav.). On constate cependant que les poursuites
sont très rares malgré le développement des
activités de conseil en recrutement (cf.infra).
131. D'abord géré en régie directe, le service public du placement fut confié à partir de 1967 à l'ANPE. L'ordonnance du 20 décembre 1986 a élargi le nombre d'organismes susceptibles d'intervenir en matière de placement ; le monopole de service public demeure mais il ne se confond plus avec celui de l'ANPE.
Ainsi, peuvent désormais effectuer des opérations de placement :
- les communes, après avoir passé une convention avec l'Etat et l'ANPE (art. L 311-9 C.Trav.)
- les établissements publics, les organismes gérés paritairement par les organisations syndicales d'employeurs et de salariés ainsi que les associations de la loi 1901, en signant une convention avec l'ANPE, ou, si celle-ci refuse, en sollicitant un agrément auprès de l'Etat (art. L.311-1 C.Trav.).
- les employeurs ou groupes d'employeurs qui entreprennent des actions de reclassement en faveur de leur personnel (art. L.311-1 C.Trav.)
Il convient de noter que le placement ne pouvant être effectué
qu'à titre gratuit, les communes et organismes conventionnés
avec l'ANPE, ne doivent percevoir aucune somme de leurs usagers,
même à titre de remboursement de frais (R. 311-6-2
C.Trav.).
132. Dans un arrêt du 23 avril 1991 (K. Höfner et autres c. Macroton, aff. 41/90, R., I, 1979), la CJCE a jugé contraire à l'article 86 du Traité de Rome, qui prohibe l'exploitation abusive des positions dominantes, l'exclusivité conférée à un organisme public de placement des travailleurs dès lors que celui-ci n'était pas en mesure de satisfaire la demande que présentait le marché. En l'espèce, il était demandé à la Cour de dire si l'Office fédéral pour l'emploi allemand, titulaire du monopole public du placement, était en droit de s'opposer à l'activité des sociétés privées de recrutement de cadres et dirigeants d'entreprises. La Cour a répondu par la négative, l'Office pour l'emploi n'étant pas dans les faits capable de répondre à la demande concernant cette catégorie de salariés.
Dès lors que l'ordonnance du 20 décembre 1986 n'a
pas supprimé le monopole d'un service public défaillant
dont l'ANPE demeure le maître d'oeuvre, cette jurisprudence
est aisément transposable en France. Pour être compatible
avec le droit communautaire, le monopole devrait être aussi
efficace que la concurrence qu'il supprime...
1/ Le principe :
c.trav. art. L. 311-4, al.1
133. L'interdiction est faite à toute personne de faire connaître ses offres de demandes d'emploi par voie d'affiche apposée en tout lieu ou par tout autre moyen de publicité.
Toute infraction à cette interdiction est punie d'une peine d'amende prévue pour les contraventions de la 3 ème classe (C. trav. article R.361-1).
Ne tombent toutefois pas sous cette interdiction:
- les offres d'emploi concernant les employés de maison
- les offres fournies par les entreprises de travail temporaire correspondant aux missions qu'elles proposent. Pour ces dernières, la loi prévoit que les publicités en leur faveur et leurs offres d'emploi doivent expressément mentionner leur dénomination et leur caractère d'entreprise de travail temporaire selon l'article L.311-4du C.trav.
En outre, l'entreprise de travail temporaire peut faire connaître
ses offres d'emploi soit par affichage en tout lieu, soit par
tout autre moyen de publicité.
2/ L'exception
à la règle, l'autorisation de la diffusion d'offres
d'emplois dans la presse écrite
- la publication d'offre d'emploi est libre dans les journaux d'annonces gratuites(C. trav. article L.312-11)
- pour ceux payants, soit au numéro, soit à l'abonnement, la publication des offres est uniquement autorisée, à condition qu'elle soit accessoire, c'est-à-dire que le journal doit avoir un objet différent et les emplacements qui y sont consacrés doivent avoir une surface inférieure à la moitié de celle totale.
A défaut du respect de ces dispositions, le périodique risque d'être assimilé à un bureau de placement, ce qui est considéré comme étant illégal.
La Cour d'appel de Paris a néanmoins considéré que la publication sur plus de la moitié de la surface d'un périodique d'annonces reprises des journaux et déjà publiés n'est pas répréhensible.
Au moment où le journal publie une offre d'emploi, son directeur doit la transmettre simultanément (C.trav. art. L 311) :
- à la section départementale de l'A.N.P.E.
- à la direction départementale de travail sur leur
demande.
b) L'offre d'emploi
anonyme (C.trav. L.311-4,3)
135. Tout employeur qui fait insérer dans un journal/une revue/un écrit périodique une offre anonyme d'emploi doit faire connaître son nom, sa raison sociale, son adresse au directeur de la publication.
Les directeurs départementales de travail et de la main d'oeuvre et les services de l'A.N.P.E. peuvent sur simple demande obtenir du directeur de la publication des renseignements sur l'employeur, l'auteur de l'offre, si celui-ci garde l'anonymat dans l'offre publiée.
Ces renseignements peuvent en outre, et ceci n'est qu'une faculté,
être utilisés pour informer les candidats.
En absence de toute disposition légale qui fixe le contenu
obligatoire d'une offre d'emploi, l'employeur est libre de son
choix des mots, des expressions, des formules qui lui semblent
les plus pertinentes, il peut même garder son anonymat comme
mentionné ci-dessus. L'employeur a même un certain
intérêt à utiliser une formulation plutôt
vague pour éviter d'être engagé par ses propres
indications comme on le verra plus loin. Malgré cette liberté,
l'employeur ne peut pas écrire n'importe quoi, certaines
mentions sont interdites(B) et la bonne compréhension de
l'annonce par les futurs candidats doit être bien assurée(A).
1/ La bonne compréhension
assurée
Le législateur impose donc que l'annonce doit être
écrite en français et ne pas induire le lecteur
en erreur.
a) Le texte doit
être rédigé en français ( C.trav. art.
L.311-4, n°3)
136. Il est interdit sous peine d'une amende prévue pour les contraventions de la 3ème classe, de faire publier dans un journal / revue / périodique une offre d'emploi ou d'offres de travaux à domicile en langue étrangère, ou comportant des termes étrangers ou expressions d'une langue étrangère, lorsqu'il existe une expression ou un terme approuvé dans les conditions prévues par le décret N°72-19 du 7/1/72 relatif à l'enrichissement de la langue française. Le Conseil Constitutionnel a d'ailleurs condamné cette interdiction le 4 août 1994.
Lorsqu'un terme étranger ne peut trouver son équivalent en français, il doit être circonscrit d'une manière assez précise pour ne pas induire en erreur le lecteur. Cette exigence de la rédaction en langue française est requise pour tout emploi exécuté sur le territoire français, peu importe la nationalité de l'employeur. La parfaite connaissance d'une langue étrangère, condition requise pour l'emploi, ne déroge pas aux principes susmentionnées.
Cependant, toute offre destinée à des ressortissants
étrangers peut être rédigée en langue
étrangère, dès lors que l'employeur est de
nationalité étrangère et que l'emploi proposé
doit être exécuté à l'étranger.
b) L'exactitude
du contenu de l'offre d'emploi
137. En vertu de l'article L.311-4, 2; l'offre d'emploi
ne doit pas comporter des allégations fausses ou susceptibles
d'induire le lecteur en erreur. L'exactitude des mentions relatives
à l'existence, l'origine, la nature, la description de
l'emploi ou du travail à domicile, de même de la
rémunération, des avantages annexes proposés
ainsi que le lieu de travail doit être particulièrement
vérifiée. Toute infraction à ces dispositions
est punie d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 250.000FF.
Il faut soulever que la diffusion d'une offre trompeuse engage
non seulement la responsabilité de son auteur mais également
celle du directeur de publication s'il a agi de sa propre initiative.
Il est interdit d'indiquer des limites d'âges maximales,
des dispositions discriminatoires ou sexistes en particulier.
a) L'interdiction
des limites maximales
138. Cette interdiction d'âges figure dans l'article L311-4, n°1du C.trav., toute infraction à cette disposition est punie d'une amende prévue pour les contraventions de la 3ème classes. Les seules limites d'âges licites sont celles prévues par le texte législatif ou réglementaire. De telles limites existent dans certains secteurs de l'emploi public, elles sont cependant exclues dans le secteur privé. Mais rien n'empêche de mentionner un âge minimal:
- les emplois qui ne peuvent légalement être exercés en dessous d'un certain âge, tel que les femmes, les jeunes employés dans les débits de boissons et certains travaux dangereux.
- les emplois que l'entreprise estime ne pas pouvoir confier à
un salarié trop jeune.
b) L'interdiction
des dispositions discriminatoires
139. Est passible d'un emprisonnement de 2 ans et de 200000FF d'amende au plus (C. pénal, articles 225-1-1à 225-3) toute infraction à l'interdiction de soumettre une offre à une condition discriminatoire fondée sur les moeurs, les opinions politiques ou des activités syndicales, l'appartenance ou non à une ethnie, une nation, race ou religion déterminée, l'état de santé ou le handicap, la situation de famille selon l'article L.123-1du C.trav.. Cet article étant d'ordre public, il s'applique à toutes les offres d'emploi quelles qu'en soient la forme d'expression ou le support et quand bien même elles n'en auraient pas. En outre pour éviter toute discrimination sexiste l'administration a fait des recommandations dans son circulaire du 2/5/84; à savoir:
Lorsque l'offre et l'annonce correspondante concernent un emploi dont il existe une dénomination au masculin et au féminin (par exemple : employé/e) de mentionner les 2 genres.
lorsque la dénomination de l'emploi n'existe qu'au masculin, ou qu'au féminin de:
- rajouter une mention qui indique que l'emploi est offert aux candidats des 2 sexes(H/F)
- d'utiliser des mots neutres, tel que personnel/le, chargé/e
de..., lorsqu'il résulte clairement de la rédaction
de l'offre qu'elle est adressée aux candidats des 2 sexes,
dans des conditions identiques.
140. Toutefois il existe une exception à ce cas, ceci pour les emplois qui ne peuvent être exercés que par l'un ou l'autre sexe, car l'appartenance constitue une condition déterminante; dans un tel cas l'employeur est autorisé à préciser dans l'offre, le sexe recherché:
L'article R.123-1du C. trav. donne une liste exhaustive: les artistes
appelés à interpréter un rôle masculin
ou féminin; les mannequins chargés de présenter
des vêtements et accessoires; les modèles masculins
ou féminins.
141. Il convient dans un premier temps, de définir le terme de " télécommunication ":
Selon un arrêté du 30/12/80, la télécommunication correspond à l'ensemble des services ou de nature informatique pouvant être fournis à travers d'un réseau de télécommunication.
La télécommunication étant une composante de la communication audiovisuelle, définie comme la mise à disposition du public de signes, signaux, écrits, images, sons et messages qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée. au vu de cette définition on peut en conclure que rentre dans cette catégorie: Minitel, télévision, radio, Internet etc. .
Le problème est soulevé de savoir si d'une part
les offres d'emplois diffusées par ces procédés
modernes sont soumises aux dispositions du Code de travail relatif
à l'offre d'emploi de la presse écrite(1) et d'autre
part s'ils ne tombent pas sous l'interdiction d'une opération
de placement dont le service public détient le monopole(2).
1/ Les dispositions
du Code de travail sont elles applicables ?
a) Application
de L.311-4 par assimilation ?
142. La loi du 30/9/86 a étendu son champ d'application aux messageries télématiques ìinteractivesì, en les définissant comme ìla publication de presse par tout service utilisant un mode écrit de diffusion de la presse, mise à disposition au public en général ou de catégories de public et paraissant à intervalles régulièresì.
Il semble qu'on ne peut procéder à une telle assimilation; d'autant plus que la loi susmentionnée vise surtout la structure des entreprises de presse modernes, qui seront effectivement traitées sur un pied d'égalité avec celle classiques et encore à condition Ñd'une parution à intervalles régulières.
D'autre part, d'un strict point de vue juridique, l'article L.311-4 du C.trav. ne parlant que de presse ou parution périodique, une assimilation à la télécommunication ne paraît pas possible comme l'indique la réponse ministérielle du 30/10/86:ì Il résulte du texte même de l'article L.311-4 du C.trav. que par presse, il faut entendre les journaux, revues périodiques, donc exclusivement la presse écrite.
De ce fait on peut conclure que la publication télématique
ne peut prétendre au bénéfice de l'autorisation
de la diffusion des offres d'emploi prévue par l'article
L.311-4, 2. Malgré cette absence de base légale,
elles continuent se développer et le législateur
devrait avoir pour souci de prendre des mesures adéquates.
b) L'application
de L.123-1 du Code de travail
143. Bien que l'article L.311-4 du C.trav. ne semble pas
trouver application en matière de télécommunication,
l'interdiction de discrimination de l'article L123-1 devrait s'appliquer
comme disposition d'ordre public, qui vise toute offre d'emploi
quelle qu'en soit la forme d'expression peu importe son support
et quand bien même elle n'en aurait pas.
2/ Télécommunication
interactive: opération de placement illicite ?
144. Par télécommunication interactive on
comprend selon l'article 77 de 29 juillet 1982 sur la publication
audiovisuelle :ì Un service par lequel chaque utilisateur
du service proposé interroge lui-même à distance
un ensemble d'écrits, de sons, d'images et de documentation
ou messages audiovisuels de toute nature et ne reçoit en
retour que les éléments demandés. L'accent
se trouve sur la procédure automatique du tri. L'utilisateur
formule une question indiquant des profils recherchés et
sur cette base s'effectue une sélection à partir
d'une batterie de critères se rapprochant de l'interrogation
formulée. Il ne s'agit donc plus d'une simple communication
publique d'information, mais plutôt d'une mise en relation,
caractéristique fondamentale de l'opération de placement,
réservée aux services publics et interdite en principe.
145. Dans le Code du travail , on ne trouve aucune disposition relative à la valeur juridique des offres d'emplois publiées quant à l'engagement de l'employeur suite à une publication d'offre d'emploi. Par conséquent il faut se référer aux règles générales du droit civil comme l'indique l'article 121-1. Une composante essentielle du droit commun des contrats est la notion de l'offre; la personne qui émet une offre contenant un prix et un objet précis et qui manifestant la volonté d'être engagée, l'est une fois que l'offre est acceptée sans conditions. Ces même règles s'appliquent indifféremment que l'offre soit faite à une personne déterminée ou en public. Transposée en Droit de travail, cette règle aurait pour conséquence que le premier venu, qui répond à une offre d'emploi, serait le futur employé obligatoirement.
Un tel raisonnement ne peut être tenu dans cette matière,
cependant la nature juridique d'une offre d'emploi varie selon
qu'elle est faite au public ou à une personne déterminée.
1/ L'offre d'emploi
publique, une " invitatio ad offerendum "
146. Le contrat de travail est un contrat conclu "intuitus
personae", il dépend de la personnalité du
candidat. En conséquence, on peut prétendre que
tout contrat de travail est généralement assorti
d'une clause ìde réserve d'agrémentì.
Une offre d'emploi dans la presse peut donc être qualifiée
comme une invitation d'entrer en pourparlers, une sorte de projet
de recruter de l'employeur, que ce dernier fera ou non aboutir,
sans engager sa responsabilité, parce qu'il détient
la liberté du choix.
2/ L'offre d'emploi
individualisé engage son auteur à condition d'être
ferme et complète
147. Comme en droit commun, l'auteur de l'offre doit exprimer sa volonté de vouloir être engagé par son offre.
Mais cette condition se trouve largement fragilisée en
la présente matière par le caractère ìintuitus
personaeì du contrat de travail mentionné ci-dessus.
b) L'offre précise
et complète
148. Pour que l'employeur soit engagé par son offre, elle doit être précise et complète quant à la qualification du poste à pourvoir, sur la rémunération, et sur le poste.
Cependant, les offres d'emplois ne remplissent généralement pas ces critères et comportent plutôt des ìindicationsì sur le secteur d'activité de l'entreprise, son importance, son style et sa culture, sur la qualification requise des candidats, le salaire et avantages sociaux possibles.
Pour éviter tout risque d'être lié par une offre d'emploi, l'entreprise n'a pas d 'intérêt à être trop précis sur les éléments essentiels tels que la qualification, le poste, la rémunération.
L'offre d'emploi devra correspondre à un simple appel au
marché de travail.
149. Le capital humain d'une entreprise contribue pour une grande part au succès de celle-ci; d'où la nécessité de le choisir avec précaution et l'intérêt de s'entourer de conseils spécialistes du "management social".
Nombreux sont les cabinets de conseil en recrutement et autres
chasseurs de têtes qui ont su, ces dernières années,
tirer profit de cette prise de conscience. Selon une définition
donnée par la CNIL (Commission Nationale Informatique et
Libertés) dans sa recommandation du 15 octobre 1985, "Il
convient d'entendre par professionnels du conseil en recrutement
tout intermédiaire mandaté par un employeur afin
de l'assister dans le choix d'une personne extérieure pour
un poste à pourvoir". Les entreprises sous-traitent
en quelque sorte les opérations de recrutement ou simplement
l'une ou l'autre étape de celles-ci. Par leur maîtrise
du processus d'embauche, la fiabilité des techniques utilisées
et leur structure flexible autorisant une intervention ponctuelle
et rapide, les professionnels externes du recrutement permettent
de gagner un temps et une efficacité considérables
malgré un coût parfois élevé.
150. L'échelle des prestations offertes est variable, et par là même le degré d'implication du recruteur externe dans le processus d'embauche même. De la simple analyse graphologique ou de tests psychotechniques à l'approche et la présentation d'un individu nominativement recherché en passant par la sélection des candidats ou le conseil à l'embauche, il y a une multitude de services souvent proposés par un même cabinet, même si certains se spécialisent ou se limitent volontairement à un secteur d'activité. La notion de conseil en recrutement est donc protéiforme.
Le succès du recrutement par l'intermédiaire des cabinets externes contraste avec une absence de contrôle de leur activité d'autant plus surprenante que la licéité de leur activité peut être mise en cause par l'interdiction du placement privé posée par l'article L 311-2-7 du Code du Travail, en application de la Convention OIT n° 96 de 1949. Dans ce domaine, la Loi est silencieuse. La jurisprudence et la doctrine, peu fournies, sont les principales sources de droit.
L'activité des professionnels du recrutement est cependant
abondante, il semble donc qu'elle soit tolérée en
fait. Un examen de leur situation sera opéré à
travers une analyse du contrat d'intervention, fondement juridique
de la prestation offerte à l'entreprise cliente, et des
obligations qui en découlent pour les parties.
La controverse juridique porte sur la licéité de
son objet et sur sa nature juridique.
1/ Un contrat à
l'objet licite ?
151. L'interdiction du placement privé (article L 312-1s.) se pose en exception au principe de la liberté du commerce et de l'industrie. La sanction du monopole de l'Etat dans ce domaine, prévue à l'article L 361-1 du Code du travail, est une peine d'emprisonnement de 6 mois et d'une amende de 25 000 francs ou l'une des deux peines seulement.
Doit-on penser que l'activité des conseils en recrutement est illicite? Les nouveaux textes législatifs sur l'embauche visent expressément ces cabinets (art. L 120-2), ce qui pourrait signifier une reconnaissance de leur existence et de leur activité. Il a par ailleurs été dit que le partage des activités du secteur du recrutement entre les prestataires publics et privés pourrait être imposé par la droit communautaire.
152. Certains ont estimé qu'il convenait de distinguer
le recrutement (licite) et le placement (illicite). Le placement
se ferait à l'initiative du demandeur d'emploi, alors que
le recrutement serait dirigé par l'employeur. Ni le Droit
international, ni la Jurisprudence de la dernière décennie,
ni la Doctrine actuelle ne font cette distinction et ne permettent
de valider les activités de recrutement en toutes circonstances.
Dans son arrêt du 6 mars 1984 "Dames Bloch et Riahi", la Chambre criminelle de la Cour de cassation a donné une définition large de la notion de placement privé qui englobe celle de recrutement. Le critère posé dans l'arrêt est celui "d'activité d'intermédiaire entre chercheurs d'emplois et chercheurs d'employés qui tend à la conclusion d'un contrat de travail". Le placement suppose donc une "intervention personnelle, active et directe" et l'activité d'intermédiation semble être ici le critère déterminant.
Là encore, les conseils en recrutement semblent visés
par la définition. La jurisprudence actuelle ne les condamne
cependant pas.
153. En fait, il convient de distinguer parmi les multiples
services offerts et selon la nature de l'activité du professionnel
du recrutement.
Ainsi, la recherche de mandataires sociaux par un chasseur de têtes est-elle permise dès lors qu'elle ne tend pas à la conclusion d'un contrat de travail. Le problème est ici que la méthode de l'approche directe tend à se répandre pour la recherche de cadres supérieurs qui, eux, concluront un contrat de travail.
Est également licite la prestation technique, sans activité
d'intermédiation de la part du conseil et qui laisse à
l'employeur le soin de procéder aux démarches nécessaires
(publicité, tests, entretien) pour choisir son futur salarié.
En pratique toutefois, ces situations restent rares.
- Activité illicite. Sont clairement illicites les activités qui violent l'interdiction du placement privé et la protection des libertés individuelles.
La violation du respect de la vie privée par la conservation
de données nominatives de candidats au-delà de l'opération
de recrutement et sans son accord exprès, a fortiori la
vente de fichiers ou de viviers de candidatures à un employeur
intéressé (ìcontingencyî) sont les
pratiques illicites les plus fréquentes (violation de l'art.
28 de la loi du 6 janvier 1978 Informatique et Libertés).
Elles sont sanctionnées par la nullité du contrat
pour objet illicite et peuvent être l'occasion d'une saisine
du Parquet par la CNIL ou les victimes.
- Activité tolérée. Dans la plupart des cas toutefois, l'activité du conseil se situera à la limite de la légalité.
154. L'outplacement, qui consiste à rechercher un nouvel emploi et de prendre en charge un salarié licencié afin de favoriser sa réinsertion, en est un exemple. La Doctrine reste divisée sur la légalité de cette activité. Pour les uns, elle ne serait que la sous-traitance du placement par un employeur, expressément autorisé par le Code du travail dans le cadre du licenciement. Pour les autres, il s'agit bien de placement illicite au sens du Code.
De même, la limite entre le démarchage ou l'approche directe du futur salarié et le débauchage réprimé par l'article L 122-15 du Code est aisément franchie. D'où la grande discrétion des recruteurs dans les opérations de ce genre.
Enfin, l'activité des cabinets de recrutement semble tolérée par la Loi et la Jurisprudence dès lors que le cabinet ne propose que des conseils et des prestations annexes à l'embauche, en laissant le choix final à l'employeur et sans prendre le rôle d'intermédiaire.
Le vide juridique n'est certes pas total, mais une intervention
du législateur semble souhaitable afin de poser des règles
claires. Quelles est à présent la nature juridique
du contrat d'intervention, fondement des prestations du conseil
en recrutement?
2/ Nature juridique
du contrat d'intervention
Si tout le monde s'accorde pour dire que le contrat d'intervention
doit être écrit et exprès, la doctrine a envisagé
plusieurs hypothèses de qualification.
155. Selon cette qualification, le recruteur conclurait les contrats de travail au nom et pour le compte de son client. Hormis le cas du placement des intermittents du spectacle expressément autorisé par l'article L 762-1 du Code du travail, cette analyse reviendrait à qualifier l'intervention du cabinet de placement privé interdit, car le recruteur serait expressément intermédiaire. Selon une réponse ministérielle, ìle chef d'entreprise est le seul autorisé à engager les personnes nécessaires à son établissement (...) Il ne peut conférer à un tiers étranger le mandat d'accomplir en son nom cette missionî. Le mandat est en outre destiné à l'accomplissement d'actes juridiques, alors que le rôle du recruteur est d'effectuer des actes matériels.
A l'évidence, et bien que les contrats d'intervention proposés
par de nombreux conseils soient dénommés ìmandatî,
cette analyse ne convient pas.
156. D'autres plaident en faveur de la qualification du contrat sui generis, ce qui conduirait à laisser aux parties une grande liberté , la loi du contrat étant la seule contrainte.
Cette thèse paraît séduisante pour les défenseurs
de la légitimité des conseils en recrutement, mais
la majorité des auteurs s'accorde pour dire que rares sont
les innovations totales en matière contractuelle. En fait,
ces contrats nouveaux seraient ìdérivés de
contrats connus ou prolongent des contrats anciens pour répondre
à des besoins inéditsî.
En faisant le rapprochement avec la situation des agents immobiliers
et des avocats, certains plaident pour que l'objet de ce contrat
soit une obligation de conseil à titre principal. D'autres
insistent sur le caractère accessoire du conseil par rapport
aux autres opérations matérielles accomplies par
les cabinets. Dans la plupart des cas, l'obligation de conseil
n'est en effet qu'une obligation parmi d'autres.
157. Dans ce cas, le professionnel du recrutement serait un intermédiaire qui rapproche les parties à un contrat sans le conclure lui-même. ìIl fait connaître à chaque partie les conditions de l'autre, s'efforce d'arriver à une conciliation des intérêts, conseille la conclusion du contrat et parfois collabore à la rédaction de l'acte qui le constate.î
Le rôle de conseil en recrutement a d'ailleurs été comparé avec le courtage matrimonial.
La Cour de cassation ayant décidé que le conseil matrimonial était une opération de courtage, a fortiori devrait-il en être ainsi des opérations de conseil en recrutement.
Cette qualification, qui paraît la plus séduisante,
aurait en outre l'avantage de soumettre les opérations
du recruteur à la rigueur du Droit commercial par le simple
fait de l'article 632 du Code de commerce. Elle semble emporter
l'opinion favorable de la doctrine majoritaire.
d) Contrat d'entreprise,
de sous-traitance et autres...
158. Dans le contrat d'entreprise, l'entrepreneur s'engage
moyennant rémunération à accomplir de manière
indépendante un travail au profit du maître d'ouvrage
sans le représenter. Sitôt envisagée par l'auteur,
cette qualification est rejetée, car ìelle occulte
toutefois le caractère d'intermédiaire du conseilî.
Dans son rapport sur les activités des professionnels du
recrutement, le professeur Lyon-Caen parle à plusieurs
reprises de sous-traitance, sans pour autant défendre cette
thèse au plan juridique. Dans l'hypothèse du conseil
en recrutement, qui serait le maître de l'ouvrage? Le terme
ìsous-traitanceî doit être sans doute être
entendu sous l'acception du langage courant, et non au sens juridique.
159. Comme nous l'avons vu, les activités des conseils en recrutement sont protéiformes; ainsi devrait-il en être des contrats qu'ils concluent avec leurs clients. Il est des cas où l'obligation de conseil est l'obligation principale de l'activité, d'autres où il s'agit purement de vendre une prestation de service. Pourquoi ne pas moduler la qualification juridique selon l'activité envisagée?
En fait, les obligations incombant aux parties sont déterminées
par une Jurisprudence commerciale qui l'affranchit, indépendamment
de l'analyse juridique du contrat d'intervention.
160. En l'absence de toute législation ou réglementation spécifiques au contrat d'intervention, les parties définissent elles-mêmes leurs obligations dans le contrat, en application de l'article 1134 C. civ. : "Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites".
En cas de litige, le juge est appelé à interpréter
le contrat sans en dénaturer les clauses claires et précises.
L'étude de la jurisprudence relative à ces contrats
de recrutement permet donc de définir les obligations du
conseil en recrutement et celles de l'entreprise cliente.
1/ Les obligations
du conseil en recrutement vis-à-vis de l'entreprise cliente
a) A quoi s'engage
le conseiller en recrutement ?
- contenu variable des obligations du conseil
161. L'obligation essentielle du conseil en recrutement
est de trouver un candidat présentant le profil souhaité.
Cette mission englobe plusieurs types d'obligations.
1° Le conseil doit définir le profil que doit
présenter le candidat idéal, tant sur le plan des
compétences techniques que sur celui des qualités
personnelles (Cour d'appel Paris, 2/12/86, 5° ch. A, SA Conseil
et formation de centres informatiques c/SA Bernard Krief Sélection),
et ce en fonction du poste à pourvoir. Il doit également
informer son client trop exigeant des difficultés particulières
que peut présenter la recherche d'un cadre devant remplir
des fonctions très hétérogènes de
haut niveau ( dirigeant de société ayant à
la fois un profil de gestionnaire et des connaissances techniques
en matière informatique ) et, par là même,
l'inciter à réfléchir sur la mission demandée..
Mais il ne lui appartient ni de définir le poste, ni d'engager
l'entreprise cliente à apporter des modifications quelconques
à l'organisation de ses services ( même arrêt).
2° Le conseil en recrutement doit utiliser des techniques de recrutement puis de sélection adéquates.
Deux types d'approches sont envisageables : les annonces de presse et l'approche directe.
En recourant aux annonces de presse, le conseil fera preuve d'un soin plus ou moins grand qui s'appréciera en fonction du journal choisi (presse spécialisée, d'information, coût des insertions,...), de l'annonce (libellé, présentation, rédaction).
L'approche directe des candidats ne passe pas par la provocation aux candidatures. En fait, le conseil - " chasseur de têtes "- connaît déjà les candidats potentiels : ce sont des personnes déjà pourvues d'un poste, mais dont il surveille étroitement la carrière. Si elles répondent au profil recherché, le conseil en recrutement les contacte directement pour leur proposer un autre emploi, plus attrayant et mieux rémunéré. Cette méthode nécessite un grande discrétion et présente des dangers : elle s'apparente au débauchage (art. 122-15 C.trav.), avec le risque pour le conseil d'être le complice de la violation d'un contrat ou même l'instigateur d'une concurrence déloyale. Le conseil est fortement rémunéré pour ce type de mission.
Quant aux méthodes de sélection, elles sont
nombreuses : questionnaires, entretiens, tests, analyses graphologiques
et morphopsychologiques,... L'emploi de ces techniques ne doit
pas dépasser certaines limites (cf. A. ,2. )
3° Enfin, le conseil en recrutement doit sélectionner
les candidats les plus adéquats et conseiller son client
dans le choix de ce dernier. En principe, le choix final incombe
à l'employeur, en vertu de son pouvoir de direction.
162. Plus le poste à pourvoir s'élève
dans la hiérarchie, plus la définition du profil
est complexe, plus la technique de recrutement s'affine, et plus
sa responsabilité est élevée. La rémunération
est donc proportionnelle aux services attendus. Pour fixer le
contenu de l'obligation du conseil, le juge se référera
à ce rapport économique entre le prix et les prestations.
Ainsi, dès lors que les honoraires convenues correspondent
à des recherches par annonces et non par voie d'approche
directe, l'entreprise cliente ne peut reprocher au conseil en
recrutement de n'avoir pas présenté de candidats
de haut niveau et de n'avoir pas signalé au client que
ses propositions de salaires étaient insuffisantes pour
attirer des éléments valables ( C. appel Paris,
5° ch B, 22/02/89, SA Paul Mausner c/ SA Bernard Krief Sélection.).
C'est au client d'établir que les prestations fournies
par le conseil ne sont pas en rapport avec les honoraires promis
(C.appel Paris, 17/02/89, 5°ch A, Gaubert c/ Sarl Bac personnel
conseil.)
- les limites aux obligations du recruteur
163. Le conseil doit exécuter ses obligations de
bonne foi (art. 1134 C. civ) et dans le respect des règles
et usages en cours dans la profession (art.1135 C. civ.).
Les obligations du conseil en recrutement trouvent surtout leurs
limites dans les règles d'ordre public : absence
de discrimination tant dans la rédaction des annonces que
dans la sélection des candidats (L 122-45; L 123-1), questions
strictement en rapport avec l'emploi (L 121-6).
Dans sa délibération n° 84-44 du 15 octobre
1985, la CNIL présente une recommandation relative
à la collecte et au traitement d'informations nominatives
lors d'opérations de conseil en recrutement. Cette recommandation
vise notamment la nature des informations collectées relatives
à la vie privée, l'information préalable,
le droit d'accès et de rectification, la durée de
conservation des informations, la prohibition des sélections
informatisées, les mesures de sécurité et
de confidentialité ( cf. annexe).
Un contrat dans lequel figurerait des exigences illégales
du client serait nul pour cause illicite.
b) S'agit-il d'une
obligation de moyen ou de résultat ?
164.
- La réponse à cette question est indispensable pour déterminer qui a la charge de la preuve de l'inexécution de ses obligations par le recruteur. La jurisprudence d'appel affirme de manière constante que l'obligation du cabinet de recrutement est une obligation de moyen , la définition du poste et le choix final du candidat incombant au client ( C. appel Versailles, 3/03/88, JCP 89, éd E, II, 15425.). Il appartient donc à l'entreprise cliente d'apporter la preuve de l'inexécution de ses obligations par le cabinet, c'est-à-dire le plus souvent en pratique que le cabinet n'a pas apporté les diligences requises dans l'exercice de sa mission ( cabinet de recrutement ne vérifiant pas les conditions dans lesquelles le salarié recruté par lui a quitté son dernier emploi, C. appel Paris, 30/11/90 ; RJS 91 n°67 ) .
En optant pour la qualification d'obligation de moyen, la jurisprudence
estime que l'obligation du conseil en recrutement consiste à
apporter tout son zèle en vue de découvrir un candidat
présentant le profil souhaité par le client, et
non à lui donner satisfaction : il ne répond donc
pas de la non réalisation de l'embauche, sauf si cette
inexécution provient de sa faute ( C. appel Paris, 04/06/93,
n°1060 :le désistement de deux candidats retenus ne
permet pas de refuser de verser les honoraires).
165.
- L'obligation de moyen du conseil en recrutement est accrue à plusieurs titres:
1° Le recruteur dispense ses conseils à titre principal - et non de façon accessoire comme dans certains contrats (fournisseurs d'un produit sophistiqué comme en matière informatique). Le juge apprécie de façon plus rigoureuse les obligations d'un cabinet de recrutement.
2° Par ailleurs, le niveau de rémunération du cabinet de recrutement - élevé en général - implique de la part du bénéficiaire une diligence particulière. Pour estimer remplie ou non l'obligation de moyen du conseil en recrutement, la jurisprudence s'attache au montant convenu des honoraires, comme nous l'avons expliqué plus haut, ainsi qu'au niveau du poste à pourvoir.
3° Enfin l'embauche d'un des candidats est un autre indice
retenu par les tribunaux pour estimer remplie l'obligation de
moyen pesant sur le conseil en recrutement (C. appel Paris 02/12/1986,
5° chambre A, S.A. Conseil et formation de centres informatiques
c/ S.A. Bernard Krief Sélection).
2/ Les obligations de l'entreprise cliente
Le contrat conclu entre le conseil en recrutement et l'entreprise,
comme tout contrat synallagmatique, implique des obligations réciproques
et interdépendantes. Une collaboration s'instaure entre
les parties, mettant à la charge de l'entreprise cliente
une obligation de renseignement et une obligation de bonne foi.
a) L'obligation de renseignements
166. Cette obligation est essentielle puisque c'est le seul moyen pour l'agence d'informer les candidats.
- Ces renseignements doivent porter sur l'entreprise elle-même : son nom, son activité, sa situation financière, son marché, sa structure juridique (filiale, succursale ou établissement).
- L'entreprise cliente doit définir le poste qu'elle entend pourvoir avec une précision suffisante pour que le conseil en recrutement puisse efficacement élaborer le profil professionnel que le candidat doit satisfaire.
Ainsi devront être donnés la qualification exacte du poste, les liaisons hiérarchiques, les fonctions internes, la mission, les principales responsabilités, les critères d'évaluations, les perspectives d'évolution.
- Elle devra aussi préciser la fourchette de rémunération dans laquelle le candidat se situe, donner des renseignements complémentaires sur les suppléments de salaire, primes, mois supplémentaires voire sur les régimes de retraite et les congés accordés.
- Des renseignements sur les différentes sources de droit applicables à l'entreprises doivent être fournies (conventions collectives, accords d'entreprise, usages...).
- Généralement, des précisions sont données
sur les caractéristiques du candidat souhaité :
âge, type de formation, d'expérience, qualités
personnelles. Mais dans la mesure où certaines ne sont
pas liées à l'emploi (sexe, situation de famille),
on peut douter qu'elles répondent à une exigence
licite.
167. Comme tout contractant, l'entreprise cliente doit exécuter ses obligations de bonne foi.
- Cela suppose tout d'abord de sa part une démarche cohérente : l'employeur qui propose une rémunération de simple cadre pour recruter un directeur ne peut pas accuser le cabinet de recrutement de lui avoir proposé des candidats d'un niveau insuffisant (C. appel Paris, 22/02/89? 5° ch B, SA Paul Mausner c/ SA Bernard Krief - sélection), surtout si cet employeur est une société importante disposant de l'expérience nécessaire.
- L'entreprise cliente doit verser les honoraires convenus. Leur versement n'est pas subordonné à l'embauche définitive d'un candidat, c'est la recherche et le conseil qui sont la contrepartie de la rémunération, et non l'embauche qui ressortit au pouvoir de direction du client. L'analyse qui subordonnerait l'engagement de payer du client à l'embauche effective introduirait une condition potestative entachant le contrat de nullité en application de l'article 1174 C.civ. (C.appel Paris, 3/06/93 :RJS 93, n°933 ). En cas d'interruption de la mission avant son aboutissement, de la part du client, les honoraires dus au cabinet doivent être fixés en fonction de l'état d'avancement de la recherche (C.appel Paris, 8/04/93 : RJS 93 n°836 ).
Le pouvoir de révision judiciaire des honoraires excessifs est susceptible de s'exercer.
- Le client ne peut pas changer en cours d'exécution du contrat les critères de choix du candidat proposés par lui.
- Une fois le candidat engagé, le client ne peut se retourner contre le cabinet de recrutement en invoquant sa déception quant aux qualités réelles du salarié ( C. appel Paris, 22/02/89 ). En effet, il demeure responsable de son choix.
168. L'embauche est avant tout un pari sur l'avenir. Il
n'est donc pas surprenant que beaucoup d'entreprises ne se cantonnent
pas aux aptitudes techniques du candidat pour sélectionner
le collaborateur parfait. Mais tous les moyens sont-ils permis?
Afin de lutter contre des pratiques de plus en plus douteuses
de certains cabinets de recrutement, la loi du 31-12-1992 a voulu
rendre l'acte de recrutement.
Nous envisagerons, dans un premier paragraphe, les méthodes
classiques de sélection que sont l'entretien et le questionnaire
d'embauche.
169. Nous centrerons ici notre étude au niveau de la discrimination au moment du recrutement (la notion de discrimination ayant été étudiée dans le Chapitre I).
Nous retrouvons tout d'abord les limites posées par l'article 225-1 du Nouveau Code Pénal (NCP): constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs moeurs, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.
L'article L 122-45 du Code du travail, qui est le texte fondamental
en matière de non-discrimination, a été modifié
par la loi du 31.12 1992. Il a été ainsi ajouté
qu'aucune personne ne peut être écartée d'une
procédure de recrutement pour un motif discriminatoire.
a) La situation
de famille du candidat
170. Les questions sur ce sujet sont en principe exclues. Ainsi la jurisprudence a-t-elle jugé abusif le licenciement d'une salariée qui n'avait pas signalé qu'elle était fiancée. (Cass. Soc. 17.03.1971)
L'entreprise peut tout de même parfois se renseigner sur
la situation familiale d'un candidat notamment pour l'octroi de
certaines prestations concernant les enfants. Le chef d'entreprise
devra dans ce cas prendre soin de rappeler le caractère
facultatif de la question afin de ne pas tomber sous le coup de
l'article L 225-1 du NCP.
b) L'état
de santé du candidat
171. Il faut distinguer ici deux notions qui appellent des réponses opposées: l'état de santé et l'aptitude physique à un poste de travail.
Si le candidat ne doit en aucune manière être interrogé
sur son état de santé, le médecin du travail
vérifie lors de la visite médicale d'embauche (cf.
Chapitre VI Section I) l'aptitude physique du candidat à
l'emploi. Le salarié qui dissimulerait des causes médicales
constituant des contre-indications à occuper un poste de
travail pourrait se voir licencié pour cause réelle
et sérieuse.
Il faut également attirer l'attention du chef d'entreprise sur deux phénomènes en pleine évolution plus particuliers.
Dans le cadre du Conseil supérieur de la prévention
des risques professionnels, un groupe de travail a étudié
notamment les problèmes liés au dépistage
lors de l'embauche, de la séroposivité d'une part,
de la toxicomanie d'autre part. Partant du principe que l'employeur
ne peut demander que des renseignements présentant un lien
direct et nécessaire avec l'emploi proposé, le groupe
de travail en tire la conclusion que - sauf cas très exceptionnel
où un lien pourrait exister entre l'état de santé
du salarié et l'emploi offert (cf. la polémique
des médecins qui ont contaminé leurs patients au
cours d'interventions chirurgicales)- il n'y a lieu ni de rechercher
si le salarié est porteur du virus HIV, ni d'organiser
un dépistage systématique de la toxicomanie. De
telles investigations sont discriminatoires et portent atteinte
à la vie privée.
172. L'article L 412-2 du Code du travail prévoit "qu'il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en ce qui concerne notamment l'embauchage."
Les sanctions afférentes à cette interdiction se
trouvent à l'article L 481-3 du Code du travail.
d) L'état
de grossesse d'une candidate
173. Les questions fréquentes relatives à
l'état de grossesse d'une candidate ont amené le
législateur à introduire un article spécifique
dans le Code du travail.
L'article L 122-25 interdit à tout employeur de prendre en considération l'état de grossesse d'une femme pour refuser de l'embaucher. Le même article précise que la femme candidate à un emploi n'est pas tenue de révéler son état de grossesse.
Les sanctions afférentes à cette interdiction se
trouvent à l'article R 152-3.
L'interdiction, maintes fois répétée, de
ces discriminations à l'embauche (pour certaines de valeur
constitutionnelle) reste tout de même très théorique
dans la mesure où elle se heurte à des problèmes
d'application très délicats.
2/ Les problèmes
d'application du principe
174. Comment prouver que c'est en raison de l'une des mentions de L 122-45 que le recrutement n'a pas eu lieu, et non pour une raison licite?
En dehors des hypothèses tout à fait exceptionnelles
où un employeur révèle qu'il prend en considération
le sexe, l'activité syndicale, la race, la religion, l'âge
pour effectuer son choix parmi les candidats à l'emploi,
il est extrêmement difficile d'établir l'existence
d'une discrimination. En admettant que le juge puisse réunir
un faisceau de présomptions tenant lieu de preuve, beaucoup
plus délicate est la question de la sanction du refus d'embauche
dû à un motif discriminatoire.
175. En ce qui concerne les sanctions civiles :
Pouvons-nous, comme certains auteurs le pensent, croire que le refus d'embaucher un candidat fondé sur un motif discriminatoire devrait conduire à l'embauche de la personne ainsi indûment écartée?
La poursuite d'un contrat de travail qui n'a pas été valablement rompu est déjà fort difficile à obtenir du juge et à faire exécuter par l'employeur pour un salarié indûment licencié, nous pouvons donc imaginer qu'il est matériellement impossible de réinsérer le candidat dans une procédure terminée depuis des mois (même si la nullité est la seule sanction possible face à une atteinte à une liberté publique).
En l'état actuel des choses, la sanction envisageable résiderait
dans l'octroi de dommages-intérêts pour la perte
d'une chance réelle et sérieuse d'accéder
au poste convoité (article 1382 du Code civil) et pour
le préjudice moral subi.
176. En ce qui concerne les sanctions pénales:
L'action devant les tribunaux répressifs se révèlent
peut-être plus efficace que l'action civile. L'article 225-1
du NCP définit, comme nous l'avons vu précédemment,
la discrimination pénalement répréhensible;
l'article 225-2 punit quant à lui, d'une amende de 200
000 F et de deux ans d'emprisonnement le fait de "refuser
d'embaucher, de sanctionner ou de licencier une personne ou de
subordonner une offre d'emploi à une condition fondée
sur l'un des éléments visés à l'article
225-1".
Si nous nous en tenons à ces considérations, la loi ne semble-t-elle pas encore une fois être trop loin de la pratique?
Pour Jacques Grinsnir, avocat au barreau de Paris, "ce texte
a au moins pour mérite d'avoir un effet pédagogique:
on peut même aller plus loin et considérer qu'il
représente une sorte d'épée de Damoclès
que sans doute plus d'un employeur méditera avant de le
transgresser. Le texte n'aurait que ce seul effet qu'il n'aurait
déjà pas été adopté pour rien."
("Les dispositions nouvelles relatives au recrutement individuel
et aux libertés individuelles" Loi du 31.12.1992 in
le Droit Ouvrier, juillet 1993)
177. En dehors de l'interdiction de toute discrimination,
les questionnaires et entretiens d'embauche connaissent une autre
limite instaurée tout d'abord par la jurisprudence, reprise
ensuite dans la loi du 31.12.1992.
178. Le recrutement d'un futur collaborateur est un acte lourd de conséquences tant financières que psychologiques notamment en cas d'erreur. La jurisprudence fait en effet peser sur l'employeur l'obligation de se renseigner sur le candidat. Si l'employeur se trompe sur l'aptitude du candidat embauché, il ne pourra alléguer l'erreur sur la personne car l'erreur est inexcusable, l'obligation de se renseigner étant imposée au chef d'entreprise (Cass. Soc. 3.07.1990; devoir de se renseigner sur un cadre qui avait conduit une entreprise qu'il dirigeait antérieurement à la faillite).
Sous couvert de sélectionner le candidat parfait, l'employeur
est-il autorisé à effectuer toutes les vérifications
possibles? Jusqu'où situer le droit d'investigation?
a) Le principe
posé par la jurisprudence et repris par la loi du 31.12.1992
179. Avant même que la loi du 31.12.1992 n'ait réglementé les procédures de recrutement, l'administration et la jurisprudence avaient déjà fixé certaines limites aux questions qui pouvaient être posées au candidat.
L'arrêt de principe de la Chambre sociale de la Cour de Cassation du 17.10.1973 énonce que "les renseignements demandés lors de l'embauchage ont pour but d'apprécier les qualités du salarié...pour l'emploi sollicité par lui, et ne peuvent concerner des domaines sans lien direct avec l'activité professionnelle."
La jurisprudence s'appuie notamment sur l'article 9 du Code civil
qui énonce que "chacun a droit au respect de sa vie
privée", ainsi que sur l'article 8 de la Convention
des Droits de l'Homme selon lequel "toute personne a droit
au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile
et de sa correspondance."
180. La loi du 31.12.1992 a confirmé cette jurisprudence dans son article L 121-6 du Code du travail qui instaure deux principes: le principe de finalité et le principe de pertinence.
Le principe de finalité réside dans le fait que "les informations demandées sous quelque forme que ce soit au candidat à un emploi ne peuvent avoir pour finalité que d'apprécier sa capacité à occuper l'emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles."
Le but des questionnaires ou entretiens ne pourra donc être
que la meilleure connaissance des qualités personnelles
au regard de l'emploi offert et non l'ingérence dans la
vie privée et la psychologie personnelle du candidat. Toute
investigation ne répondant pas à une telle finalité
est illégale au sens de l'article L 121-6.
C'est pourquoi le premier principe est complété par le principe de pertinence (article L 121-6 alinéa 2) qui précise que "les informations demandées doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l'emploi proposé ou avec l'évaluation des aptitudes professionnelles."
Le lien doit être non seulement direct, mais aussi nécessaire: en effet, il n'est pas toujours nécessaire de disposer, pour choisir un salarié, de certaines informations personnelles, même si celles-ci pourraient présenter l'apparence d'avoir un lien direct avec l'emploi proposé.
Le degré de renseignements dépendra donc pour une
grande part de la nature du poste à pourvoir ainsi que
du niveau requis.
b) Les questions
en principe interdites
181. Il est des domaines où l'interdiction de poser
des questions personnelles semble absolue notamment en ce qui
concerne les opinions politiques, les conditions dans lesquelles
le candidat a effectué son service national (Cass. Soc.
2.10.1974), son dossier scolaire (car il dévoile des renseignements
touchant à la vie privée).
Il est d'autres domaines où l'interdiction apparaîtrait
moins absolue: les antécédents judiciaires et la
profession du conjoint (la situation familiale en général).
Concernant le premier cas, le candidat à l'embauche n'est nullement tenu de révéler ses antécédents judiciaires (Cass. Soc. 25.04.1990). Il n'en reste pas moins que pour certains postes requérant des garanties de moralité et de probité (comme le transport de fonds), l'employeur pourrait exiger le casier judiciaire du candidat.
Quant au deuxième domaine, il apparaît nécessaire
à certains employeurs de se renseigner sur la situation
familiale notamment pour les postulants à certaines professions
donnant accès à des informations ultra-confidentielles,
comme certains postes de la défense nationale.
Selon J.Grinsnir, il s'agit de trouver un bon équilibre
entre la nécessité pour l'employeur, de bien connaître
les capacités de la personne qu'il se propose d'embaucher
et la nécessité impérieuse de protéger
le postulant contre des débordements inadmissibles et parfaitement
inutiles pour l'objet visé.
c) Les questions
en principe licites
182. L'employeur peut donc exiger des renseignements répondant
aux deux conditions cumulatives posées par l'article L
121-6 du Code du travail comme l'état civil, la situation
quant au service militaire, les diplômes obtenus et justificatifs
correspondants, les emplois occupés précédemment
par le candidat et les raisons de son départ ainsi que
des certificats de travail, l'existence ou non d'une clause de
non-concurrence et parfois pour les étrangers la carte
de séjour.
Toutefois ces règles protectrices du candidat ne sont pas
sans contrepartie et l'article L 121-6 impose au candidat de répondre
de bonne foi aux questions posées. Cette obligation s'impose-t-elle
également si les questions n'ont pas un lien nécessaire
et direct avec l'emploi proposé?
183. Les seules questions auxquelles le salarié est tenu de répondre de bonne foi sont les questions qui ont un lien direct et nécessaire avec l'emploi proposé et leur aptitude à l'occuper selon l'analyse qui a été faite de l'article L 121-6 du Code du travail.
Le candidat est donc en droit de ne pas répondre ou de
fournir des renseignements incomplets ou inexacts (ce que la presse
a appelé le droit au mensonge) sans que l'employeur puisse
par la suite sanctionner cette omission ou cette inexactitude
par un licenciement qui serait alors abusif (Réponse ministérielle
n°24397 JOAN (Q) 20.07.1987 page 4881).
Le professeur Lyon Caen a évoqué les problèmes qui peuvent découler de l'obligation de répondre de bonne foi et qui a poussé le législateur à instaurer "le droit au silence et au mensonge."
"On ne doit pas sous-estimer la difficulté d'assurer
la sanction de ces principes. Ne pas répondre, c'est sans
doute s'exclure de toute chance de l'emporter. La loi n'a prévu
aucune autorité régulatrice, et a écarté
toute sanction pénale, confiante dans la force convaincante
des règles fondées sur l'équité, inscrites
dans l'article L 121-6."
Quelle est par contre la sanction si le candidat ne répond
pas de bonne foi à une question qui présente un
lien nécessaire et direct avec l'emploi proposé?
b) Les informations
demandées ont un lien direct et nécessaire avec
l'emploi proposé
184. Un renseignement inexact donné en réponse
dans un questionnaire constitue une faute mais ne peut motiver
la rupture ultérieure du contrat que dans le mesure où
il a eu une influence déterminante sur la décision
d'embauche et qu'il est donc à l'origine d'une situation
préjudiciable à l'employeur.
La Cour d'appel d'Angers a jugé dans un arrêt du
1.07.1986 que le fait de s'être fait embaucher sur la foi
de faux diplômes justifiait un licenciement pour faute grave.
Avant la loi du 31.12.1992, le candidat à l'embauche était
déjà protégé par une loi importante
du 6.01.1978 relative à l'informatique, aux fichiers et
aux libertés.
185. "En application de l'article 45 de la loi du
6.01.1978, certaines dispositions protectrices relatives à
la collecte, l'enregistrement et la conservation de "données
à caractère personnel" ou d'informations nominatives"
sont applicables lorsqu'un traitement informatique ou manuel de
ces informations est effectué. Par ailleurs, la convention
du Conseil de l'Europe du 28.01.1981 pour la protection des personnes
à l'égard du traitement automatisé des données
à caractère personnel, a posé le principe
que les données à caractère personnel doivent
être adéquates, pertinentes et non excessives par
rapport aux finalités pour lesquelles elles sont enregistrées.
Elle constitue ainsi que la loi du 6.01.1978, une base sur laquelle la Commission nationale de l'informatique et des libertés s'est appuyée pour faire adopter une recommandation en date du 15.10.1985 relative à la collecte et au traitement d'informations nominatives lors des opérations de conseil en recrutement.
(Réponse ministérielle n°29036 JOAN (Q) 15.10.1990).
186. Outre les interdictions des questions discriminatoires,
la limitation dans le temps de la conservation des données,
la loi reconnaît aux candidats des droits tels que le droit
d'information concernant le caractère obligatoire ou facultatif
des réponses, les conséquences à leur égard
d'un défaut de réponse, les personnes physiques
ou personnes morales destinataires des informations, l'existence
d'un droit d'accès ou de rectification; et le droit de
saisine de la CNIL qui peut jouer un régulateur important
en saisissant le Parquet.
Par ailleurs, tout traitement informatisé de données
nominatives doit, préalablement à sa mise en oeuvre,
faire l'objet d'une déclaration auprès de la CNIL
selon la loi du 6.01.1978.
Nous avons étudié dans ce premier paragraphe les
méthodes classiques de recrutement qui ont paru insuffisantes
à certains employeurs qui ont développé des
techniques d'évaluation plus ou moins farfelues.
187. La sélection des candidats à l'embauche
est un moment décisif pour l'employeur : il lui faut
en effet recruter celui qui sera le plus à même de
remplir l'office proposé. Le coût du salarié,
de son licenciement et les risques que ferait peser à l'entreprise
une mauvaise intégration de celui-ci sont tels que l'entreprise
ne peut se permettre de bâcler ce recrutement.
Aussi ces dernières années les techniques de recrutement
et d'évaluation des candidats se sont-elles sophistiquées
et professionnalisées. Elles concourent ainsi à
la bonne marche des entreprises mais engendrent parfois des excès,
portant notamment atteinte à la vie privée et aux
libertés individuelles des candidats.
Un récent dispositif législatif s'efforce donc de préserver un équilibre entre le respect des libertés individuelles des candidats et celui des prérogatives nécessaires au bon fonctionnement des entreprises.
Ce contrôle du processus d'embauche s'articule autour d'un
principe général veillant au respect du droit des
personnes et des libertés individuelles et collectives
( I ), complété par diverses dispositions assurant
d'une part la pertinence des méthodes utilisés (
II ) et d'autre part la transparence des informations collectées
( III ).
1/ L'énoncé
du principe (Art. L120-2 Code du Travail)
188. L'article L120-2 Code du Travail énonce le principe suivant :
" Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés
individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas
justifiées par la nature de la tâche à accomplir
ni proportionnées au but recherché. "
L'employeur peut donc porter atteinte aux droits et libertés des personnes dès lors que ces restrictions vérifient ces 2 conditions cumulatives :
- être justifiées par la nature de la tâche à accomplir.
- être proportionnées au but recherché.
2/ Un principe
de portée générale
189. Ce principe qui régissait déjà le contenu du règlement intérieur en application de l'article L122-35 du Code du Travail constitue désormais un principe fondamental du droit du travail.
Il est en quelque sorte le chapeau qui couvre et implique le respect
des divers principes qui seront abordés par la suite. Cet
article revêt bien une portée générale,
qui excède le simple cadre du contrat de travail pour s'aventurer
au cúur des relations employeur - candidat, soumettant
à la vigilance du juge les agissements des intermédiaires
que sont notamment les cabinets de recrutement.
a) Diversité
des méthodes de sélection
190. L'employeur recruteur, dans sa recherche du meilleur candidat, dispose de diverses techniques pour mesurer des qualités telles que l'équilibre, l'intelligence ou la sociabilité de ce dernier.
Des psychologues du travail ont procédé à
des enquêtes systématiques afin de déterminer
la fréquence d'utilisation des méthodes les plus
courantes.
Dans l'ordre décroissant des fréquences d'utilisation :
1 l'entretien 99%
2 l'examen graphologique approfondi 93%
3 les tests d'aptitude et d'intelligence (psychotechnique) 63%
4 les tests de personnalité 61%
5 la mise en situation de travail 34%
6 les méthodes divinatoires (numérologie, astrologie,
morphologie) 25%
191. La validité de telles techniques, d'ailleurs très différentes entre elles, pose un problème important.
Des chercheurs ont classé dans un ordre décroissant
de validité scientifique les diverses méthodes :
1 les tests d'aptitude et de mise en situation de travail.
2 les tests d'intelligence
3 les curriculum vitae
4 les références antérieures
5 l'entretien
6 les tests de personnalité
7 la graphologie
Il est frappant de noter que se sont les trois derniers procédés qui sont, en France, les plus couramment employés !
Il était donc nécessaire d'encadrer ces techniques
d'évaluation des candidats à l'embauche par un certain
contrôle qualitatif.
2/ Pertinence des méthodes
a) Pertinence des
méthodes utilisées
192. L'article L121-7 alinéa 2 du Code du Travail dispose que :
" Les méthodes et techniques d'aide au recrutement ou d'évaluation des salariés et des candidats à un emploi doivent être pertinents au regard de la finalité poursuivie. "
Concernant les méthodes utilisées, la circulaire du 15 Mars 1993 précise que le but est d'éviter l'utilisation de techniques peu fiables.
Il semblerait que ce texte conduise à effectuer un double
test : d'une part on testerait la fiabilité de la
technique employée et d'autre part son efficacité
au regard du but recherché. En cas de litige c'est au juge
d'apprécier la pertinence de la méthode (Circ. Min.
DRT n° 9310, 15Mars 1993).
b) Finalité des informations
193. La pertinence des méthodes employées doit être analysée au regard de la finalité poursuivie, nous disent les textes ; or l'article L 121-6 al.1 semble apporter des précisions sur cette notion de finalité, qui dispose : " Les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, à un candidat ou à un salarié ne peuvent avoir comme finalité que d'apprécier sa capacité à occuper l'emploi proposer ou ses aptitudes professionnelles. "
La finalité de l'évaluation du candidat ne peut
donc excéder le strict cadre de la mesure des capacités
professionnelles, qui servira donc de référence
pour juger de la pertinence des méthodes employées.
Liens directes et nécessaire avec l'emploi :
Le même article L 121-6 précise, à l'alinéa
2 que : " Ces informations doivent présenter
un lien direct et nécessaire avec l'emploi
proposé ou avec l'évaluation des aptitudes professionnelles.
A titre d'exemple, une condamnation pénale antérieure n'a en générale pas de lien directe avec l'aptitude professionnelle du candidat, sauf dans quelques cas précis (exemple : un emploi de convoyeur de fond).
Si l'employeur est en droit de demander une attestation de diplôme ou un certificat de scolarité, il ne peut en revanche exiger de dossier scolaire, pouvant contenir des informations confidentielles.
Enfin, il est à noter que l'article L 121-6 exige que le
candidat réponde de bonne foi aux questions (licites) posées
par son employeur.
1/ Information
préalable sur les méthodes utilisées
a) Information individuelle
194. L'article L 121-7 du Code du Travail dispose à
ce propos, à son alinéa 1 : " Le
candidat à un emploi est expressément informé,
préalablement à leur mise en úuvre, des techniques
d'aide au recrutement utilisées à son égard.
Les résultats obtenus doivent rester confidentiels. "
La circulaire du 15 Mars 1993 précise que les intermédiaires du recrutement sont visés au même titre que l'employeur.
Il est conseillé d'informer le candidat par écrit
afin d'éviter d'éventuels litiges.
Outre cette garantie d'information préalable, on a vu que
le texte octroie une garantie de confidentialité des informations
collectées. Cette confidentialité ne s'applique
qu'aux tiers, et non aux intéressés qui peuvent
avoir accès aux résultats.
195.
- Le premier alinéa de l'article L 432-2-1 du Code du Travail
dispose que : " Le comité d'entreprise est
informé, préalablement à leur utilisation,
sur les méthodes ou techniques d'aide au recrutement des
candidats à un emploi ainsi que sur toute modification
de ceux-ci. "
La transparence est donc assurée par un contrôle
a priori du comité d'entreprise.
- Par ailleurs, l'article L 422-1-1 du Code du Travail organise
une procédure rapide d'enquête et de suppression
des atteintes aux libertés individuelles dont pourraient
être victime les salariés.
Ainsi, le délégué du personnel reçoit-il
la mission de veiller au respect des droits des personnes et des
libertés individuelles dans l'entreprise.
196. On peut considérer que les termes "dans l'entreprise" incluent le recrutement des futurs salariés :
On a en effet pu constater cet élargissement du champ du droit du travail, qui ne se restreint pas au simple contrat de travail mais règle désormais le processus d'embauche.
Une réserve ressort cependant du troisième alinéa,
qui précise qu'en cas de litige, c'est le juge des prud'hommes
qui doit être saisi : ce qui impliquerait qu'on se
trouve bien dans un cadre contractuel et donc que le texte n'est
applicable qu'aux candidats qui ont été effectivement
recrutés. Cette restriction va à l'encontre de l'esprit
de la législation établie par ailleurs.
Le délégué du personnel élu doit saisir
l'employeur dès qu'il constate une telle atteinte aux droits
et libertés, non justifiées par la nature de la
tâche à accomplir ni proportionnée au but
recherché.
Ce dernier doit procéder, immédiatement à
une enquête et prendre les dispositions nécessaires
pour remédier à la situation. A défaut le
délégué peut saisir le juge.
2/ Information
préalable sur le dispositif de collecte des renseignements
197. L'article L 121-8 du Code du Travail dispose à
ce sujet : " Aucune information concernant personnellement
un salarié ou un candidat à un emploi ne peut être
collectée par un dispositif qui n'a pas été
porté préalablement à la connaissance du
salarié ou du candidat à un emploi. "
De plus la loi 78-17 du 6 Janvier 1978 relative à l'informatique,
aux fichiers et aux libertés impose aux employeurs ayant
recours à des questionnaires d'embauche, même non
informatisé d'informer le candidat :
du caractère obligatoire ou facultatif des réponses.
des conséquences d'une absence de réponse.
des personnes physiques ou morales destinataires de l'information.
de l'existence d'un droit d'accès et de vérification.
N.B. : Pour les logiciels de tests d'évaluation, le
candidat doit systématiquement recevoir le résultat
du test pratiqué.