CHAPITRE 2

LES MESURES DE RECHERCHE ET DE SELECTION


SECTION 1 LES MESURES DE RECHERCHE

Différentes possibilités s'ouvrent à l'employeur à la recherche d'un salarié: il peut recourir au service public qui dispose en principe du monopole du placement, ce qui ne l'empêche ni de faire paraître des annonces dans la presse, ni de faire appel au service d'un conseil de recrutement.

I- LE MONOPOLE DU SERVICE PUBLIC DU PLACEMENT

128. L'ordonnance n° 45-1080 du 24 mai 1945 a fait de l'activité de placement des travailleurs un monopole public national et gratuit, géré depuis 1967 par l'Agence Nationale pour l'Emploi (ANPE), établissement public à caractère administratif qui a pour principale mission d'assister les personnes à la recherche d'un emploi d'une part, les employeurs pour l'embauche et le reclassement des salariés d'autre part. Tout en organisant la démultiplication du service public de placement, l'ordonnance n° 86-1286 du 20 décembre 1986 n'a pas remis en cause le monopole de celui-ci. Ainsi, bien que largement toléré en pratique, le placement privé reste aujourd'hui encore interdit en principe.

Il convient cependant de se demander si, eu égard aux règles de concurrence du Traité de Rome, telles qu'interprétées par la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE), le monopole de placement public est susceptible de se maintenir.

A. LE PRINCIPE DU MONOPOLE

Le monopole du placement ne porte pas atteinte à la liberté d'embauche : s'il est tenu de notifier toute offre d'emploi à l'ANPE, l'employeur demeure libre de s'entendre directement avec le candidat salarié. En revanche, le recours à un intermédiaire en dehors du service public reste en principe impossible.

1/ L'obligation de notifier les emplois vacants à l'ANPE

129. Tout demandeur d'emploi est tenu de se faire inscrire à l'ANPE. Parallèlement, tout employeur doit déclarer à celle-ci toute place vacante dans son entreprise (art L.311-2 C.Trav). Cette obligation ne concerne que les emplois auxquels l'entreprise veut pourvoir par l'intermédiaire d'organismes ou de moyens extérieurs (art. R.311-2-1 C.Trav.), à l'exclusion de ceux qui le sont par des mouvements internes. L'employeur n'est bien sûr jamais obligé d'accepter les candidats qui lui sont proposés par l'Agence.

En dépit de l'article R.361-1 du Code du Travail qui sanctionne l'abstention irrégulière de l'amende prévue pour les contraventions de troisième classe (trois mille francs au maximum), le dispositif reste peu appliqué dans la pratique.

2/ L'interdiction du placement privé

130. Le principe du monopole du placement public a pour corollaire la prohibition du placement privé, c'est-à-dire de "toute activité consistant à servir d'intermédiaire, sous quelque forme que se soit, entre personnes appelées à se lier par une relation de travail, les plaçant dans un lien de subordination l'une par rapport à l'autre" (Crim. 6 mars 1984, D., 1984, IR 377).

Qu'ils soient gratuits ou payants, les bureaux de placement sont interdits par le Code du Travail (art. L.312-2 et L.312-7 C.Trav.). Si le régime supporte quelques rares exceptions (placement des artistes du spectacle art. L.762-3 C.Trav. ; associations de services aux personnes art. L 129-1 C.Trav.), les infractions sont sévèrement sanctionnées puisque passibles d'un emprisonnement de six mois et d'une amende de 25000 francs (art. L.361 C.Trav.). On constate cependant que les poursuites sont très rares malgré le développement des activités de conseil en recrutement (cf.infra).

B. L'AMENAGEMENT DU MONOPOLE :

LA DEMULTIPLICATION DU SERVICE PUBLIC DU PLACEMENT

131. D'abord géré en régie directe, le service public du placement fut confié à partir de 1967 à l'ANPE. L'ordonnance du 20 décembre 1986 a élargi le nombre d'organismes susceptibles d'intervenir en matière de placement ; le monopole de service public demeure mais il ne se confond plus avec celui de l'ANPE.

Ainsi, peuvent désormais effectuer des opérations de placement :

- les communes, après avoir passé une convention avec l'Etat et l'ANPE (art. L 311-9 C.Trav.)

- les établissements publics, les organismes gérés paritairement par les organisations syndicales d'employeurs et de salariés ainsi que les associations de la loi 1901, en signant une convention avec l'ANPE, ou, si celle-ci refuse, en sollicitant un agrément auprès de l'Etat (art. L.311-1 C.Trav.).

- les employeurs ou groupes d'employeurs qui entreprennent des actions de reclassement en faveur de leur personnel (art. L.311-1 C.Trav.)

Il convient de noter que le placement ne pouvant être effectué qu'à titre gratuit, les communes et organismes conventionnés avec l'ANPE, ne doivent percevoir aucune somme de leurs usagers, même à titre de remboursement de frais (R. 311-6-2 C.Trav.).

C. LA REMISE EN CAUSE DU MONOPOLE :

LA JURISPRUDENCE COMMUNAUTAIRE

132. Dans un arrêt du 23 avril 1991 (K. Höfner et autres c. Macroton, aff. 41/90, R., I, 1979), la CJCE a jugé contraire à l'article 86 du Traité de Rome, qui prohibe l'exploitation abusive des positions dominantes, l'exclusivité conférée à un organisme public de placement des travailleurs dès lors que celui-ci n'était pas en mesure de satisfaire la demande que présentait le marché. En l'espèce, il était demandé à la Cour de dire si l'Office fédéral pour l'emploi allemand, titulaire du monopole public du placement, était en droit de s'opposer à l'activité des sociétés privées de recrutement de cadres et dirigeants d'entreprises. La Cour a répondu par la négative, l'Office pour l'emploi n'étant pas dans les faits capable de répondre à la demande concernant cette catégorie de salariés.

Dès lors que l'ordonnance du 20 décembre 1986 n'a pas supprimé le monopole d'un service public défaillant dont l'ANPE demeure le maître d'oeuvre, cette jurisprudence est aisément transposable en France. Pour être compatible avec le droit communautaire, le monopole devrait être aussi efficace que la concurrence qu'il supprime...

II- L'OFFRE D'EMPLOI DANS LA PRESSE

A. LES OFFRES D'EMPLOI DANS LA PRESSE ECRITE, UNE EXCEPTION A L'INTERDICTION DE PRINCIPE

1/ Le principe : c.trav. art. L. 311-4, al.1

133. L'interdiction est faite à toute personne de faire connaître ses offres de demandes d'emploi par voie d'affiche apposée en tout lieu ou par tout autre moyen de publicité.

Toute infraction à cette interdiction est punie d'une peine d'amende prévue pour les contraventions de la 3 ème classe (C. trav. article R.361-1).

Ne tombent toutefois pas sous cette interdiction:

- les offres d'emploi concernant les employés de maison

- les offres fournies par les entreprises de travail temporaire correspondant aux missions qu'elles proposent. Pour ces dernières, la loi prévoit que les publicités en leur faveur et leurs offres d'emploi doivent expressément mentionner leur dénomination et leur caractère d'entreprise de travail temporaire selon l'article L.311-4du C.trav.

En outre, l'entreprise de travail temporaire peut faire connaître ses offres d'emploi soit par affichage en tout lieu, soit par tout autre moyen de publicité.

2/ L'exception à la règle, l'autorisation de la diffusion d'offres d'emplois dans la presse écrite

a) Le principe

  1. L'article L.311-4, al.2 autorise la diffusion des offres d'emplois dans la presse:

- la publication d'offre d'emploi est libre dans les journaux d'annonces gratuites(C. trav. article L.312-11)

- pour ceux payants, soit au numéro, soit à l'abonnement, la publication des offres est uniquement autorisée, à condition qu'elle soit accessoire, c'est-à-dire que le journal doit avoir un objet différent et les emplacements qui y sont consacrés doivent avoir une surface inférieure à la moitié de celle totale.

A défaut du respect de ces dispositions, le périodique risque d'être assimilé à un bureau de placement, ce qui est considéré comme étant illégal.

La Cour d'appel de Paris a néanmoins considéré que la publication sur plus de la moitié de la surface d'un périodique d'annonces reprises des journaux et déjà publiés n'est pas répréhensible.

Au moment où le journal publie une offre d'emploi, son directeur doit la transmettre simultanément (C.trav. art. L 311) :

- à la section départementale de l'A.N.P.E.

- à la direction départementale de travail sur leur demande.

b) L'offre d'emploi anonyme (C.trav. L.311-4,3)

135. Tout employeur qui fait insérer dans un journal/une revue/un écrit périodique une offre anonyme d'emploi doit faire connaître son nom, sa raison sociale, son adresse au directeur de la publication.

Les directeurs départementales de travail et de la main d'oeuvre et les services de l'A.N.P.E. peuvent sur simple demande obtenir du directeur de la publication des renseignements sur l'employeur, l'auteur de l'offre, si celui-ci garde l'anonymat dans l'offre publiée.

Ces renseignements peuvent en outre, et ceci n'est qu'une faculté, être utilisés pour informer les candidats.

B. LE CONTENU DE L'OFFRE D'EMPLOI

En absence de toute disposition légale qui fixe le contenu obligatoire d'une offre d'emploi, l'employeur est libre de son choix des mots, des expressions, des formules qui lui semblent les plus pertinentes, il peut même garder son anonymat comme mentionné ci-dessus. L'employeur a même un certain intérêt à utiliser une formulation plutôt vague pour éviter d'être engagé par ses propres indications comme on le verra plus loin. Malgré cette liberté, l'employeur ne peut pas écrire n'importe quoi, certaines mentions sont interdites(B) et la bonne compréhension de l'annonce par les futurs candidats doit être bien assurée(A).

1/ La bonne compréhension assurée

Le législateur impose donc que l'annonce doit être écrite en français et ne pas induire le lecteur en erreur.

a) Le texte doit être rédigé en français ( C.trav. art. L.311-4, n°3)

136. Il est interdit sous peine d'une amende prévue pour les contraventions de la 3ème classe, de faire publier dans un journal / revue / périodique une offre d'emploi ou d'offres de travaux à domicile en langue étrangère, ou comportant des termes étrangers ou expressions d'une langue étrangère, lorsqu'il existe une expression ou un terme approuvé dans les conditions prévues par le décret N°72-19 du 7/1/72 relatif à l'enrichissement de la langue française. Le Conseil Constitutionnel a d'ailleurs condamné cette interdiction le 4 août 1994.

Lorsqu'un terme étranger ne peut trouver son équivalent en français, il doit être circonscrit d'une manière assez précise pour ne pas induire en erreur le lecteur. Cette exigence de la rédaction en langue française est requise pour tout emploi exécuté sur le territoire français, peu importe la nationalité de l'employeur. La parfaite connaissance d'une langue étrangère, condition requise pour l'emploi, ne déroge pas aux principes susmentionnées.

Cependant, toute offre destinée à des ressortissants étrangers peut être rédigée en langue étrangère, dès lors que l'employeur est de nationalité étrangère et que l'emploi proposé doit être exécuté à l'étranger.

b) L'exactitude du contenu de l'offre d'emploi

137. En vertu de l'article L.311-4, 2; l'offre d'emploi ne doit pas comporter des allégations fausses ou susceptibles d'induire le lecteur en erreur. L'exactitude des mentions relatives à l'existence, l'origine, la nature, la description de l'emploi ou du travail à domicile, de même de la rémunération, des avantages annexes proposés ainsi que le lieu de travail doit être particulièrement vérifiée. Toute infraction à ces dispositions est punie d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 250.000FF. Il faut soulever que la diffusion d'une offre trompeuse engage non seulement la responsabilité de son auteur mais également celle du directeur de publication s'il a agi de sa propre initiative.

2/ Les mentions interdites

Il est interdit d'indiquer des limites d'âges maximales, des dispositions discriminatoires ou sexistes en particulier.

a) L'interdiction des limites maximales

138. Cette interdiction d'âges figure dans l'article L311-4, n°1du C.trav., toute infraction à cette disposition est punie d'une amende prévue pour les contraventions de la 3ème classes. Les seules limites d'âges licites sont celles prévues par le texte législatif ou réglementaire. De telles limites existent dans certains secteurs de l'emploi public, elles sont cependant exclues dans le secteur privé. Mais rien n'empêche de mentionner un âge minimal:

- les emplois qui ne peuvent légalement être exercés en dessous d'un certain âge, tel que les femmes, les jeunes employés dans les débits de boissons et certains travaux dangereux.

- les emplois que l'entreprise estime ne pas pouvoir confier à un salarié trop jeune.

b) L'interdiction des dispositions discriminatoires

139. Est passible d'un emprisonnement de 2 ans et de 200000FF d'amende au plus (C. pénal, articles 225-1-1à 225-3) toute infraction à l'interdiction de soumettre une offre à une condition discriminatoire fondée sur les moeurs, les opinions politiques ou des activités syndicales, l'appartenance ou non à une ethnie, une nation, race ou religion déterminée, l'état de santé ou le handicap, la situation de famille selon l'article L.123-1du C.trav.. Cet article étant d'ordre public, il s'applique à toutes les offres d'emploi quelles qu'en soient la forme d'expression ou le support et quand bien même elles n'en auraient pas. En outre pour éviter toute discrimination sexiste l'administration a fait des recommandations dans son circulaire du 2/5/84; à savoir:

Lorsque l'offre et l'annonce correspondante concernent un emploi dont il existe une dénomination au masculin et au féminin (par exemple : employé/e) de mentionner les 2 genres.

lorsque la dénomination de l'emploi n'existe qu'au masculin, ou qu'au féminin de:

- rajouter une mention qui indique que l'emploi est offert aux candidats des 2 sexes(H/F)

- d'utiliser des mots neutres, tel que personnel/le, chargé/e de..., lorsqu'il résulte clairement de la rédaction de l'offre qu'elle est adressée aux candidats des 2 sexes, dans des conditions identiques.

140. Toutefois il existe une exception à ce cas, ceci pour les emplois qui ne peuvent être exercés que par l'un ou l'autre sexe, car l'appartenance constitue une condition déterminante; dans un tel cas l'employeur est autorisé à préciser dans l'offre, le sexe recherché:

L'article R.123-1du C. trav. donne une liste exhaustive: les artistes appelés à interpréter un rôle masculin ou féminin; les mannequins chargés de présenter des vêtements et accessoires; les modèles masculins ou féminins.

C. LA TELECOMMUNICATION MODERNE, UN MOYEN DE PUBLICATION/DIFFUSION D'OFFRES D'EMPLOIS NON REGLEMENTEE

141. Il convient dans un premier temps, de définir le terme de " télécommunication ":

Selon un arrêté du 30/12/80, la télécommunication correspond à l'ensemble des services ou de nature informatique pouvant être fournis à travers d'un réseau de télécommunication.

La télécommunication étant une composante de la communication audiovisuelle, définie comme la mise à disposition du public de signes, signaux, écrits, images, sons et messages qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée. au vu de cette définition on peut en conclure que rentre dans cette catégorie: Minitel, télévision, radio, Internet etc. .

Le problème est soulevé de savoir si d'une part les offres d'emplois diffusées par ces procédés modernes sont soumises aux dispositions du Code de travail relatif à l'offre d'emploi de la presse écrite(1) et d'autre part s'ils ne tombent pas sous l'interdiction d'une opération de placement dont le service public détient le monopole(2).

1/ Les dispositions du Code de travail sont elles applicables ?

a) Application de L.311-4 par assimilation ?

142. La loi du 30/9/86 a étendu son champ d'application aux messageries télématiques ìinteractivesì, en les définissant comme ìla publication de presse par tout service utilisant un mode écrit de diffusion de la presse, mise à disposition au public en général ou de catégories de public et paraissant à intervalles régulièresì.

Il semble qu'on ne peut procéder à une telle assimilation; d'autant plus que la loi susmentionnée vise surtout la structure des entreprises de presse modernes, qui seront effectivement traitées sur un pied d'égalité avec celle classiques et encore à condition Ñd'une parution à intervalles régulières.

D'autre part, d'un strict point de vue juridique, l'article L.311-4 du C.trav. ne parlant que de presse ou parution périodique, une assimilation à la télécommunication ne paraît pas possible comme l'indique la réponse ministérielle du 30/10/86:ì Il résulte du texte même de l'article L.311-4 du C.trav. que par presse, il faut entendre les journaux, revues périodiques, donc exclusivement la presse écrite.

De ce fait on peut conclure que la publication télématique ne peut prétendre au bénéfice de l'autorisation de la diffusion des offres d'emploi prévue par l'article L.311-4, 2. Malgré cette absence de base légale, elles continuent se développer et le législateur devrait avoir pour souci de prendre des mesures adéquates.

b) L'application de L.123-1 du Code de travail

143. Bien que l'article L.311-4 du C.trav. ne semble pas trouver application en matière de télécommunication, l'interdiction de discrimination de l'article L123-1 devrait s'appliquer comme disposition d'ordre public, qui vise toute offre d'emploi quelle qu'en soit la forme d'expression peu importe son support et quand bien même elle n'en aurait pas.

2/ Télécommunication interactive: opération de placement illicite ?

144. Par télécommunication interactive on comprend selon l'article 77 de 29 juillet 1982 sur la publication audiovisuelle :ì Un service par lequel chaque utilisateur du service proposé interroge lui-même à distance un ensemble d'écrits, de sons, d'images et de documentation ou messages audiovisuels de toute nature et ne reçoit en retour que les éléments demandés. L'accent se trouve sur la procédure automatique du tri. L'utilisateur formule une question indiquant des profils recherchés et sur cette base s'effectue une sélection à partir d'une batterie de critères se rapprochant de l'interrogation formulée. Il ne s'agit donc plus d'une simple communication publique d'information, mais plutôt d'une mise en relation, caractéristique fondamentale de l'opération de placement, réservée aux services publics et interdite en principe.

D. L'OFFRE D'EMPLOI ENGAGE-T-ELLE L'EMPLOYEUR ?

145. Dans le Code du travail , on ne trouve aucune disposition relative à la valeur juridique des offres d'emplois publiées quant à l'engagement de l'employeur suite à une publication d'offre d'emploi. Par conséquent il faut se référer aux règles générales du droit civil comme l'indique l'article 121-1. Une composante essentielle du droit commun des contrats est la notion de l'offre; la personne qui émet une offre contenant un prix et un objet précis et qui manifestant la volonté d'être engagée, l'est une fois que l'offre est acceptée sans conditions. Ces même règles s'appliquent indifféremment que l'offre soit faite à une personne déterminée ou en public. Transposée en Droit de travail, cette règle aurait pour conséquence que le premier venu, qui répond à une offre d'emploi, serait le futur employé obligatoirement.

Un tel raisonnement ne peut être tenu dans cette matière, cependant la nature juridique d'une offre d'emploi varie selon qu'elle est faite au public ou à une personne déterminée.

1/ L'offre d'emploi publique, une " invitatio ad offerendum "

146. Le contrat de travail est un contrat conclu "intuitus personae", il dépend de la personnalité du candidat. En conséquence, on peut prétendre que tout contrat de travail est généralement assorti d'une clause ìde réserve d'agrémentì. Une offre d'emploi dans la presse peut donc être qualifiée comme une invitation d'entrer en pourparlers, une sorte de projet de recruter de l'employeur, que ce dernier fera ou non aboutir, sans engager sa responsabilité, parce qu'il détient la liberté du choix.

2/ L'offre d'emploi individualisé engage son auteur à condition d'être ferme et complète

a) La fermeté de l'offre

147. Comme en droit commun, l'auteur de l'offre doit exprimer sa volonté de vouloir être engagé par son offre.

Mais cette condition se trouve largement fragilisée en la présente matière par le caractère ìintuitus personaeì du contrat de travail mentionné ci-dessus.

b) L'offre précise et complète

148. Pour que l'employeur soit engagé par son offre, elle doit être précise et complète quant à la qualification du poste à pourvoir, sur la rémunération, et sur le poste.

Cependant, les offres d'emplois ne remplissent généralement pas ces critères et comportent plutôt des ìindicationsì sur le secteur d'activité de l'entreprise, son importance, son style et sa culture, sur la qualification requise des candidats, le salaire et avantages sociaux possibles.

Pour éviter tout risque d'être lié par une offre d'emploi, l'entreprise n'a pas d 'intérêt à être trop précis sur les éléments essentiels tels que la qualification, le poste, la rémunération.

L'offre d'emploi devra correspondre à un simple appel au marché de travail.


III- LES CONSEILS EN RECRUTEMENT

149. Le capital humain d'une entreprise contribue pour une grande part au succès de celle-ci; d'où la nécessité de le choisir avec précaution et l'intérêt de s'entourer de conseils spécialistes du "management social".

Nombreux sont les cabinets de conseil en recrutement et autres chasseurs de têtes qui ont su, ces dernières années, tirer profit de cette prise de conscience. Selon une définition donnée par la CNIL (Commission Nationale Informatique et Libertés) dans sa recommandation du 15 octobre 1985, "Il convient d'entendre par professionnels du conseil en recrutement tout intermédiaire mandaté par un employeur afin de l'assister dans le choix d'une personne extérieure pour un poste à pourvoir". Les entreprises sous-traitent en quelque sorte les opérations de recrutement ou simplement l'une ou l'autre étape de celles-ci. Par leur maîtrise du processus d'embauche, la fiabilité des techniques utilisées et leur structure flexible autorisant une intervention ponctuelle et rapide, les professionnels externes du recrutement permettent de gagner un temps et une efficacité considérables malgré un coût parfois élevé.

150. L'échelle des prestations offertes est variable, et par là même le degré d'implication du recruteur externe dans le processus d'embauche même. De la simple analyse graphologique ou de tests psychotechniques à l'approche et la présentation d'un individu nominativement recherché en passant par la sélection des candidats ou le conseil à l'embauche, il y a une multitude de services souvent proposés par un même cabinet, même si certains se spécialisent ou se limitent volontairement à un secteur d'activité. La notion de conseil en recrutement est donc protéiforme.

Le succès du recrutement par l'intermédiaire des cabinets externes contraste avec une absence de contrôle de leur activité d'autant plus surprenante que la licéité de leur activité peut être mise en cause par l'interdiction du placement privé posée par l'article L 311-2-7 du Code du Travail, en application de la Convention OIT n° 96 de 1949. Dans ce domaine, la Loi est silencieuse. La jurisprudence et la doctrine, peu fournies, sont les principales sources de droit.

L'activité des professionnels du recrutement est cependant abondante, il semble donc qu'elle soit tolérée en fait. Un examen de leur situation sera opéré à travers une analyse du contrat d'intervention, fondement juridique de la prestation offerte à l'entreprise cliente, et des obligations qui en découlent pour les parties.

A. LE CONTRAT D'INTERVENTION

La controverse juridique porte sur la licéité de son objet et sur sa nature juridique.

1/ Un contrat à l'objet licite ?

a) Objections à la licéité

151. L'interdiction du placement privé (article L 312-1s.) se pose en exception au principe de la liberté du commerce et de l'industrie. La sanction du monopole de l'Etat dans ce domaine, prévue à l'article L 361-1 du Code du travail, est une peine d'emprisonnement de 6 mois et d'une amende de 25 000 francs ou l'une des deux peines seulement.

Doit-on penser que l'activité des conseils en recrutement est illicite? Les nouveaux textes législatifs sur l'embauche visent expressément ces cabinets (art. L 120-2), ce qui pourrait signifier une reconnaissance de leur existence et de leur activité. Il a par ailleurs été dit que le partage des activités du secteur du recrutement entre les prestataires publics et privés pourrait être imposé par la droit communautaire.

152. Certains ont estimé qu'il convenait de distinguer le recrutement (licite) et le placement (illicite). Le placement se ferait à l'initiative du demandeur d'emploi, alors que le recrutement serait dirigé par l'employeur. Ni le Droit international, ni la Jurisprudence de la dernière décennie, ni la Doctrine actuelle ne font cette distinction et ne permettent de valider les activités de recrutement en toutes circonstances.

Dans son arrêt du 6 mars 1984 "Dames Bloch et Riahi", la Chambre criminelle de la Cour de cassation a donné une définition large de la notion de placement privé qui englobe celle de recrutement. Le critère posé dans l'arrêt est celui "d'activité d'intermédiaire entre chercheurs d'emplois et chercheurs d'employés qui tend à la conclusion d'un contrat de travail". Le placement suppose donc une "intervention personnelle, active et directe" et l'activité d'intermédiation semble être ici le critère déterminant.

Là encore, les conseils en recrutement semblent visés par la définition. La jurisprudence actuelle ne les condamne cependant pas.

b) Une tolérance généralisée

153. En fait, il convient de distinguer parmi les multiples services offerts et selon la nature de l'activité du professionnel du recrutement.

- Activité licite. Certains conseils limitent volontairement leur champ d'intervention. Sous réserve des dispositions d'ordre public, l'activité qui reste hors du champ du Droit du travail est licite.

Ainsi, la recherche de mandataires sociaux par un chasseur de têtes est-elle permise dès lors qu'elle ne tend pas à la conclusion d'un contrat de travail. Le problème est ici que la méthode de l'approche directe tend à se répandre pour la recherche de cadres supérieurs qui, eux, concluront un contrat de travail.

Est également licite la prestation technique, sans activité d'intermédiation de la part du conseil et qui laisse à l'employeur le soin de procéder aux démarches nécessaires (publicité, tests, entretien) pour choisir son futur salarié. En pratique toutefois, ces situations restent rares.

- Activité illicite. Sont clairement illicites les activités qui violent l'interdiction du placement privé et la protection des libertés individuelles.

La violation du respect de la vie privée par la conservation de données nominatives de candidats au-delà de l'opération de recrutement et sans son accord exprès, a fortiori la vente de fichiers ou de viviers de candidatures à un employeur intéressé (ìcontingencyî) sont les pratiques illicites les plus fréquentes (violation de l'art. 28 de la loi du 6 janvier 1978 Informatique et Libertés). Elles sont sanctionnées par la nullité du contrat pour objet illicite et peuvent être l'occasion d'une saisine du Parquet par la CNIL ou les victimes.

- Activité tolérée. Dans la plupart des cas toutefois, l'activité du conseil se situera à la limite de la légalité.

154. L'outplacement, qui consiste à rechercher un nouvel emploi et de prendre en charge un salarié licencié afin de favoriser sa réinsertion, en est un exemple. La Doctrine reste divisée sur la légalité de cette activité. Pour les uns, elle ne serait que la sous-traitance du placement par un employeur, expressément autorisé par le Code du travail dans le cadre du licenciement. Pour les autres, il s'agit bien de placement illicite au sens du Code.

De même, la limite entre le démarchage ou l'approche directe du futur salarié et le débauchage réprimé par l'article L 122-15 du Code est aisément franchie. D'où la grande discrétion des recruteurs dans les opérations de ce genre.

Enfin, l'activité des cabinets de recrutement semble tolérée par la Loi et la Jurisprudence dès lors que le cabinet ne propose que des conseils et des prestations annexes à l'embauche, en laissant le choix final à l'employeur et sans prendre le rôle d'intermédiaire.

Le vide juridique n'est certes pas total, mais une intervention du législateur semble souhaitable afin de poser des règles claires. Quelles est à présent la nature juridique du contrat d'intervention, fondement des prestations du conseil en recrutement?

2/ Nature juridique du contrat d'intervention

Si tout le monde s'accorde pour dire que le contrat d'intervention doit être écrit et exprès, la doctrine a envisagé plusieurs hypothèses de qualification.

a) Le mandat

155. Selon cette qualification, le recruteur conclurait les contrats de travail au nom et pour le compte de son client. Hormis le cas du placement des intermittents du spectacle expressément autorisé par l'article L 762-1 du Code du travail, cette analyse reviendrait à qualifier l'intervention du cabinet de placement privé interdit, car le recruteur serait expressément intermédiaire. Selon une réponse ministérielle, ìle chef d'entreprise est le seul autorisé à engager les personnes nécessaires à son établissement (...) Il ne peut conférer à un tiers étranger le mandat d'accomplir en son nom cette missionî. Le mandat est en outre destiné à l'accomplissement d'actes juridiques, alors que le rôle du recruteur est d'effectuer des actes matériels.

A l'évidence, et bien que les contrats d'intervention proposés par de nombreux conseils soient dénommés ìmandatî, cette analyse ne convient pas.

b) Le contrat innommé

156. D'autres plaident en faveur de la qualification du contrat sui generis, ce qui conduirait à laisser aux parties une grande liberté , la loi du contrat étant la seule contrainte.

Cette thèse paraît séduisante pour les défenseurs de la légitimité des conseils en recrutement, mais la majorité des auteurs s'accorde pour dire que rares sont les innovations totales en matière contractuelle. En fait, ces contrats nouveaux seraient ìdérivés de contrats connus ou prolongent des contrats anciens pour répondre à des besoins inéditsî.

En faisant le rapprochement avec la situation des agents immobiliers et des avocats, certains plaident pour que l'objet de ce contrat soit une obligation de conseil à titre principal. D'autres insistent sur le caractère accessoire du conseil par rapport aux autres opérations matérielles accomplies par les cabinets. Dans la plupart des cas, l'obligation de conseil n'est en effet qu'une obligation parmi d'autres.

c) Le courtage

157. Dans ce cas, le professionnel du recrutement serait un intermédiaire qui rapproche les parties à un contrat sans le conclure lui-même. ìIl fait connaître à chaque partie les conditions de l'autre, s'efforce d'arriver à une conciliation des intérêts, conseille la conclusion du contrat et parfois collabore à la rédaction de l'acte qui le constate.î

Le rôle de conseil en recrutement a d'ailleurs été comparé avec le courtage matrimonial.

La Cour de cassation ayant décidé que le conseil matrimonial était une opération de courtage, a fortiori devrait-il en être ainsi des opérations de conseil en recrutement.

Cette qualification, qui paraît la plus séduisante, aurait en outre l'avantage de soumettre les opérations du recruteur à la rigueur du Droit commercial par le simple fait de l'article 632 du Code de commerce. Elle semble emporter l'opinion favorable de la doctrine majoritaire.

d) Contrat d'entreprise, de sous-traitance et autres...

158. Dans le contrat d'entreprise, l'entrepreneur s'engage moyennant rémunération à accomplir de manière indépendante un travail au profit du maître d'ouvrage sans le représenter. Sitôt envisagée par l'auteur, cette qualification est rejetée, car ìelle occulte toutefois le caractère d'intermédiaire du conseilî.

Dans son rapport sur les activités des professionnels du recrutement, le professeur Lyon-Caen parle à plusieurs reprises de sous-traitance, sans pour autant défendre cette thèse au plan juridique. Dans l'hypothèse du conseil en recrutement, qui serait le maître de l'ouvrage? Le terme ìsous-traitanceî doit être sans doute être entendu sous l'acception du langage courant, et non au sens juridique.

159. Comme nous l'avons vu, les activités des conseils en recrutement sont protéiformes; ainsi devrait-il en être des contrats qu'ils concluent avec leurs clients. Il est des cas où l'obligation de conseil est l'obligation principale de l'activité, d'autres où il s'agit purement de vendre une prestation de service. Pourquoi ne pas moduler la qualification juridique selon l'activité envisagée?

En fait, les obligations incombant aux parties sont déterminées par une Jurisprudence commerciale qui l'affranchit, indépendamment de l'analyse juridique du contrat d'intervention.

B. LES OBLIGATIONS DES PARTIES AU CONTRAT D'INTERVENTION

160. En l'absence de toute législation ou réglementation spécifiques au contrat d'intervention, les parties définissent elles-mêmes leurs obligations dans le contrat, en application de l'article 1134 C. civ. : "Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites".

En cas de litige, le juge est appelé à interpréter le contrat sans en dénaturer les clauses claires et précises. L'étude de la jurisprudence relative à ces contrats de recrutement permet donc de définir les obligations du conseil en recrutement et celles de l'entreprise cliente.

1/ Les obligations du conseil en recrutement vis-à-vis de l'entreprise cliente

a) A quoi s'engage le conseiller en recrutement ?

- contenu variable des obligations du conseil

161. L'obligation essentielle du conseil en recrutement est de trouver un candidat présentant le profil souhaité. Cette mission englobe plusieurs types d'obligations.

1° Le conseil doit définir le profil que doit présenter le candidat idéal, tant sur le plan des compétences techniques que sur celui des qualités personnelles (Cour d'appel Paris, 2/12/86, 5° ch. A, SA Conseil et formation de centres informatiques c/SA Bernard Krief Sélection), et ce en fonction du poste à pourvoir. Il doit également informer son client trop exigeant des difficultés particulières que peut présenter la recherche d'un cadre devant remplir des fonctions très hétérogènes de haut niveau ( dirigeant de société ayant à la fois un profil de gestionnaire et des connaissances techniques en matière informatique ) et, par là même, l'inciter à réfléchir sur la mission demandée.. Mais il ne lui appartient ni de définir le poste, ni d'engager l'entreprise cliente à apporter des modifications quelconques à l'organisation de ses services ( même arrêt).

2° Le conseil en recrutement doit utiliser des techniques de recrutement puis de sélection adéquates.

Deux types d'approches sont envisageables : les annonces de presse et l'approche directe.

En recourant aux annonces de presse, le conseil fera preuve d'un soin plus ou moins grand qui s'appréciera en fonction du journal choisi (presse spécialisée, d'information, coût des insertions,...), de l'annonce (libellé, présentation, rédaction).

L'approche directe des candidats ne passe pas par la provocation aux candidatures. En fait, le conseil - " chasseur de têtes "- connaît déjà les candidats potentiels : ce sont des personnes déjà pourvues d'un poste, mais dont il surveille étroitement la carrière. Si elles répondent au profil recherché, le conseil en recrutement les contacte directement pour leur proposer un autre emploi, plus attrayant et mieux rémunéré. Cette méthode nécessite un grande discrétion et présente des dangers : elle s'apparente au débauchage (art. 122-15 C.trav.), avec le risque pour le conseil d'être le complice de la violation d'un contrat ou même l'instigateur d'une concurrence déloyale. Le conseil est fortement rémunéré pour ce type de mission.

Quant aux méthodes de sélection, elles sont nombreuses : questionnaires, entretiens, tests, analyses graphologiques et morphopsychologiques,... L'emploi de ces techniques ne doit pas dépasser certaines limites (cf. A. ,2. )

3° Enfin, le conseil en recrutement doit sélectionner les candidats les plus adéquats et conseiller son client dans le choix de ce dernier. En principe, le choix final incombe à l'employeur, en vertu de son pouvoir de direction.

162. Plus le poste à pourvoir s'élève dans la hiérarchie, plus la définition du profil est complexe, plus la technique de recrutement s'affine, et plus sa responsabilité est élevée. La rémunération est donc proportionnelle aux services attendus. Pour fixer le contenu de l'obligation du conseil, le juge se référera à ce rapport économique entre le prix et les prestations. Ainsi, dès lors que les honoraires convenues correspondent à des recherches par annonces et non par voie d'approche directe, l'entreprise cliente ne peut reprocher au conseil en recrutement de n'avoir pas présenté de candidats de haut niveau et de n'avoir pas signalé au client que ses propositions de salaires étaient insuffisantes pour attirer des éléments valables ( C. appel Paris, 5° ch B, 22/02/89, SA Paul Mausner c/ SA Bernard Krief Sélection.). C'est au client d'établir que les prestations fournies par le conseil ne sont pas en rapport avec les honoraires promis (C.appel Paris, 17/02/89, 5°ch A, Gaubert c/ Sarl Bac personnel conseil.)

- les limites aux obligations du recruteur

163. Le conseil doit exécuter ses obligations de bonne foi (art. 1134 C. civ) et dans le respect des règles et usages en cours dans la profession (art.1135 C. civ.).

Les obligations du conseil en recrutement trouvent surtout leurs limites dans les règles d'ordre public : absence de discrimination tant dans la rédaction des annonces que dans la sélection des candidats (L 122-45; L 123-1), questions strictement en rapport avec l'emploi (L 121-6).

Dans sa délibération n° 84-44 du 15 octobre 1985, la CNIL présente une recommandation relative à la collecte et au traitement d'informations nominatives lors d'opérations de conseil en recrutement. Cette recommandation vise notamment la nature des informations collectées relatives à la vie privée, l'information préalable, le droit d'accès et de rectification, la durée de conservation des informations, la prohibition des sélections informatisées, les mesures de sécurité et de confidentialité ( cf. annexe).

Un contrat dans lequel figurerait des exigences illégales du client serait nul pour cause illicite.

b) S'agit-il d'une obligation de moyen ou de résultat ?

164.

- La réponse à cette question est indispensable pour déterminer qui a la charge de la preuve de l'inexécution de ses obligations par le recruteur. La jurisprudence d'appel affirme de manière constante que l'obligation du cabinet de recrutement est une obligation de moyen , la définition du poste et le choix final du candidat incombant au client ( C. appel Versailles, 3/03/88, JCP 89, éd E, II, 15425.). Il appartient donc à l'entreprise cliente d'apporter la preuve de l'inexécution de ses obligations par le cabinet, c'est-à-dire le plus souvent en pratique que le cabinet n'a pas apporté les diligences requises dans l'exercice de sa mission ( cabinet de recrutement ne vérifiant pas les conditions dans lesquelles le salarié recruté par lui a quitté son dernier emploi, C. appel Paris, 30/11/90 ; RJS 91 n°67 ) .

En optant pour la qualification d'obligation de moyen, la jurisprudence estime que l'obligation du conseil en recrutement consiste à apporter tout son zèle en vue de découvrir un candidat présentant le profil souhaité par le client, et non à lui donner satisfaction : il ne répond donc pas de la non réalisation de l'embauche, sauf si cette inexécution provient de sa faute ( C. appel Paris, 04/06/93, n°1060 :le désistement de deux candidats retenus ne permet pas de refuser de verser les honoraires).

165.

- L'obligation de moyen du conseil en recrutement est accrue à plusieurs titres:

1° Le recruteur dispense ses conseils à titre principal - et non de façon accessoire comme dans certains contrats (fournisseurs d'un produit sophistiqué comme en matière informatique). Le juge apprécie de façon plus rigoureuse les obligations d'un cabinet de recrutement.

2° Par ailleurs, le niveau de rémunération du cabinet de recrutement - élevé en général - implique de la part du bénéficiaire une diligence particulière. Pour estimer remplie ou non l'obligation de moyen du conseil en recrutement, la jurisprudence s'attache au montant convenu des honoraires, comme nous l'avons expliqué plus haut, ainsi qu'au niveau du poste à pourvoir.

3° Enfin l'embauche d'un des candidats est un autre indice retenu par les tribunaux pour estimer remplie l'obligation de moyen pesant sur le conseil en recrutement (C. appel Paris 02/12/1986, 5° chambre A, S.A. Conseil et formation de centres informatiques c/ S.A. Bernard Krief Sélection).

2/ Les obligations de l'entreprise cliente

Le contrat conclu entre le conseil en recrutement et l'entreprise, comme tout contrat synallagmatique, implique des obligations réciproques et interdépendantes. Une collaboration s'instaure entre les parties, mettant à la charge de l'entreprise cliente une obligation de renseignement et une obligation de bonne foi.

a) L'obligation de renseignements

166. Cette obligation est essentielle puisque c'est le seul moyen pour l'agence d'informer les candidats.

- Ces renseignements doivent porter sur l'entreprise elle-même : son nom, son activité, sa situation financière, son marché, sa structure juridique (filiale, succursale ou établissement).

- L'entreprise cliente doit définir le poste qu'elle entend pourvoir avec une précision suffisante pour que le conseil en recrutement puisse efficacement élaborer le profil professionnel que le candidat doit satisfaire.

Ainsi devront être donnés la qualification exacte du poste, les liaisons hiérarchiques, les fonctions internes, la mission, les principales responsabilités, les critères d'évaluations, les perspectives d'évolution.

- Elle devra aussi préciser la fourchette de rémunération dans laquelle le candidat se situe, donner des renseignements complémentaires sur les suppléments de salaire, primes, mois supplémentaires voire sur les régimes de retraite et les congés accordés.

- Des renseignements sur les différentes sources de droit applicables à l'entreprises doivent être fournies (conventions collectives, accords d'entreprise, usages...).

- Généralement, des précisions sont données sur les caractéristiques du candidat souhaité : âge, type de formation, d'expérience, qualités personnelles. Mais dans la mesure où certaines ne sont pas liées à l'emploi (sexe, situation de famille), on peut douter qu'elles répondent à une exigence licite.

b) L'obligation de bonne foi

167. Comme tout contractant, l'entreprise cliente doit exécuter ses obligations de bonne foi.

- Cela suppose tout d'abord de sa part une démarche cohérente : l'employeur qui propose une rémunération de simple cadre pour recruter un directeur ne peut pas accuser le cabinet de recrutement de lui avoir proposé des candidats d'un niveau insuffisant (C. appel Paris, 22/02/89? 5° ch B, SA Paul Mausner c/ SA Bernard Krief - sélection), surtout si cet employeur est une société importante disposant de l'expérience nécessaire.

- L'entreprise cliente doit verser les honoraires convenus. Leur versement n'est pas subordonné à l'embauche définitive d'un candidat, c'est la recherche et le conseil qui sont la contrepartie de la rémunération, et non l'embauche qui ressortit au pouvoir de direction du client. L'analyse qui subordonnerait l'engagement de payer du client à l'embauche effective introduirait une condition potestative entachant le contrat de nullité en application de l'article 1174 C.civ. (C.appel Paris, 3/06/93 :RJS 93, n°933 ). En cas d'interruption de la mission avant son aboutissement, de la part du client, les honoraires dus au cabinet doivent être fixés en fonction de l'état d'avancement de la recherche (C.appel Paris, 8/04/93 : RJS 93 n°836 ).

Le pouvoir de révision judiciaire des honoraires excessifs est susceptible de s'exercer.

- Le client ne peut pas changer en cours d'exécution du contrat les critères de choix du candidat proposés par lui.

- Une fois le candidat engagé, le client ne peut se retourner contre le cabinet de recrutement en invoquant sa déception quant aux qualités réelles du salarié ( C. appel Paris, 22/02/89 ). En effet, il demeure responsable de son choix.

168. L'embauche est avant tout un pari sur l'avenir. Il n'est donc pas surprenant que beaucoup d'entreprises ne se cantonnent pas aux aptitudes techniques du candidat pour sélectionner le collaborateur parfait. Mais tous les moyens sont-ils permis? Afin de lutter contre des pratiques de plus en plus douteuses de certains cabinets de recrutement, la loi du 31-12-1992 a voulu rendre l'acte de recrutement.

SECTION 2 LES MESURES DE SELECTION


Nous envisagerons, dans un premier paragraphe, les méthodes classiques de sélection que sont l'entretien et le questionnaire d'embauche.

I- LES METHODES CLASSIQUES DE SELECTION: ENTRETIEN ET QUESTIONNAIRE D'EMBAUCHE

A. L'INTERDICTION DE TOUTE DISCRIMINATION

1/ Le principe

169. Nous centrerons ici notre étude au niveau de la discrimination au moment du recrutement (la notion de discrimination ayant été étudiée dans le Chapitre I).

Nous retrouvons tout d'abord les limites posées par l'article 225-1 du Nouveau Code Pénal (NCP): constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs moeurs, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

L'article L 122-45 du Code du travail, qui est le texte fondamental en matière de non-discrimination, a été modifié par la loi du 31.12 1992. Il a été ainsi ajouté qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement pour un motif discriminatoire.

a) La situation de famille du candidat

170. Les questions sur ce sujet sont en principe exclues. Ainsi la jurisprudence a-t-elle jugé abusif le licenciement d'une salariée qui n'avait pas signalé qu'elle était fiancée. (Cass. Soc. 17.03.1971)

L'entreprise peut tout de même parfois se renseigner sur la situation familiale d'un candidat notamment pour l'octroi de certaines prestations concernant les enfants. Le chef d'entreprise devra dans ce cas prendre soin de rappeler le caractère facultatif de la question afin de ne pas tomber sous le coup de l'article L 225-1 du NCP.

b) L'état de santé du candidat

171. Il faut distinguer ici deux notions qui appellent des réponses opposées: l'état de santé et l'aptitude physique à un poste de travail.

Si le candidat ne doit en aucune manière être interrogé sur son état de santé, le médecin du travail vérifie lors de la visite médicale d'embauche (cf. Chapitre VI Section I) l'aptitude physique du candidat à l'emploi. Le salarié qui dissimulerait des causes médicales constituant des contre-indications à occuper un poste de travail pourrait se voir licencié pour cause réelle et sérieuse.

Il faut également attirer l'attention du chef d'entreprise sur deux phénomènes en pleine évolution plus particuliers.

Dans le cadre du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels, un groupe de travail a étudié notamment les problèmes liés au dépistage lors de l'embauche, de la séroposivité d'une part, de la toxicomanie d'autre part. Partant du principe que l'employeur ne peut demander que des renseignements présentant un lien direct et nécessaire avec l'emploi proposé, le groupe de travail en tire la conclusion que - sauf cas très exceptionnel où un lien pourrait exister entre l'état de santé du salarié et l'emploi offert (cf. la polémique des médecins qui ont contaminé leurs patients au cours d'interventions chirurgicales)- il n'y a lieu ni de rechercher si le salarié est porteur du virus HIV, ni d'organiser un dépistage systématique de la toxicomanie. De telles investigations sont discriminatoires et portent atteinte à la vie privée.

c) L'appartenance syndicale

172. L'article L 412-2 du Code du travail prévoit "qu'il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en ce qui concerne notamment l'embauchage."

Les sanctions afférentes à cette interdiction se trouvent à l'article L 481-3 du Code du travail.

d) L'état de grossesse d'une candidate

173. Les questions fréquentes relatives à l'état de grossesse d'une candidate ont amené le législateur à introduire un article spécifique dans le Code du travail.

L'article L 122-25 interdit à tout employeur de prendre en considération l'état de grossesse d'une femme pour refuser de l'embaucher. Le même article précise que la femme candidate à un emploi n'est pas tenue de révéler son état de grossesse.

Les sanctions afférentes à cette interdiction se trouvent à l'article R 152-3.

L'interdiction, maintes fois répétée, de ces discriminations à l'embauche (pour certaines de valeur constitutionnelle) reste tout de même très théorique dans la mesure où elle se heurte à des problèmes d'application très délicats.

2/ Les problèmes d'application du principe

a) Le problème de la preuve

174. Comment prouver que c'est en raison de l'une des mentions de L 122-45 que le recrutement n'a pas eu lieu, et non pour une raison licite?

En dehors des hypothèses tout à fait exceptionnelles où un employeur révèle qu'il prend en considération le sexe, l'activité syndicale, la race, la religion, l'âge pour effectuer son choix parmi les candidats à l'emploi, il est extrêmement difficile d'établir l'existence d'une discrimination. En admettant que le juge puisse réunir un faisceau de présomptions tenant lieu de preuve, beaucoup plus délicate est la question de la sanction du refus d'embauche dû à un motif discriminatoire.

b) Le problème de la sanction

175. En ce qui concerne les sanctions civiles :

Pouvons-nous, comme certains auteurs le pensent, croire que le refus d'embaucher un candidat fondé sur un motif discriminatoire devrait conduire à l'embauche de la personne ainsi indûment écartée?

La poursuite d'un contrat de travail qui n'a pas été valablement rompu est déjà fort difficile à obtenir du juge et à faire exécuter par l'employeur pour un salarié indûment licencié, nous pouvons donc imaginer qu'il est matériellement impossible de réinsérer le candidat dans une procédure terminée depuis des mois (même si la nullité est la seule sanction possible face à une atteinte à une liberté publique).

En l'état actuel des choses, la sanction envisageable résiderait dans l'octroi de dommages-intérêts pour la perte d'une chance réelle et sérieuse d'accéder au poste convoité (article 1382 du Code civil) et pour le préjudice moral subi.

176. En ce qui concerne les sanctions pénales:

L'action devant les tribunaux répressifs se révèlent peut-être plus efficace que l'action civile. L'article 225-1 du NCP définit, comme nous l'avons vu précédemment, la discrimination pénalement répréhensible; l'article 225-2 punit quant à lui, d'une amende de 200 000 F et de deux ans d'emprisonnement le fait de "refuser d'embaucher, de sanctionner ou de licencier une personne ou de subordonner une offre d'emploi à une condition fondée sur l'un des éléments visés à l'article 225-1".

Si nous nous en tenons à ces considérations, la loi ne semble-t-elle pas encore une fois être trop loin de la pratique?

Pour Jacques Grinsnir, avocat au barreau de Paris, "ce texte a au moins pour mérite d'avoir un effet pédagogique: on peut même aller plus loin et considérer qu'il représente une sorte d'épée de Damoclès que sans doute plus d'un employeur méditera avant de le transgresser. Le texte n'aurait que ce seul effet qu'il n'aurait déjà pas été adopté pour rien." ("Les dispositions nouvelles relatives au recrutement individuel et aux libertés individuelles" Loi du 31.12.1992 in le Droit Ouvrier, juillet 1993)

177. En dehors de l'interdiction de toute discrimination, les questionnaires et entretiens d'embauche connaissent une autre limite instaurée tout d'abord par la jurisprudence, reprise ensuite dans la loi du 31.12.1992.

B. LE CARACTERE LICITE OU ILLICITE DES INFORMATIONS DEMANDEES AU REGARD DE L'ARTICLE L 121-6 ET DES REPONSES APPORTEES PAR LE CANDIDAT

178. Le recrutement d'un futur collaborateur est un acte lourd de conséquences tant financières que psychologiques notamment en cas d'erreur. La jurisprudence fait en effet peser sur l'employeur l'obligation de se renseigner sur le candidat. Si l'employeur se trompe sur l'aptitude du candidat embauché, il ne pourra alléguer l'erreur sur la personne car l'erreur est inexcusable, l'obligation de se renseigner étant imposée au chef d'entreprise (Cass. Soc. 3.07.1990; devoir de se renseigner sur un cadre qui avait conduit une entreprise qu'il dirigeait antérieurement à la faillite).

Sous couvert de sélectionner le candidat parfait, l'employeur est-il autorisé à effectuer toutes les vérifications possibles? Jusqu'où situer le droit d'investigation?

1/ La double limite de finalité et de lien direct et nécessaire des informations demandées avec l'emploi

a) Le principe posé par la jurisprudence et repris par la loi du 31.12.1992

179. Avant même que la loi du 31.12.1992 n'ait réglementé les procédures de recrutement, l'administration et la jurisprudence avaient déjà fixé certaines limites aux questions qui pouvaient être posées au candidat.

L'arrêt de principe de la Chambre sociale de la Cour de Cassation du 17.10.1973 énonce que "les renseignements demandés lors de l'embauchage ont pour but d'apprécier les qualités du salarié...pour l'emploi sollicité par lui, et ne peuvent concerner des domaines sans lien direct avec l'activité professionnelle."

La jurisprudence s'appuie notamment sur l'article 9 du Code civil qui énonce que "chacun a droit au respect de sa vie privée", ainsi que sur l'article 8 de la Convention des Droits de l'Homme selon lequel "toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance."

180. La loi du 31.12.1992 a confirmé cette jurisprudence dans son article L 121-6 du Code du travail qui instaure deux principes: le principe de finalité et le principe de pertinence.

Le principe de finalité réside dans le fait que "les informations demandées sous quelque forme que ce soit au candidat à un emploi ne peuvent avoir pour finalité que d'apprécier sa capacité à occuper l'emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles."

Le but des questionnaires ou entretiens ne pourra donc être que la meilleure connaissance des qualités personnelles au regard de l'emploi offert et non l'ingérence dans la vie privée et la psychologie personnelle du candidat. Toute investigation ne répondant pas à une telle finalité est illégale au sens de l'article L 121-6.

C'est pourquoi le premier principe est complété par le principe de pertinence (article L 121-6 alinéa 2) qui précise que "les informations demandées doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l'emploi proposé ou avec l'évaluation des aptitudes professionnelles."

Le lien doit être non seulement direct, mais aussi nécessaire: en effet, il n'est pas toujours nécessaire de disposer, pour choisir un salarié, de certaines informations personnelles, même si celles-ci pourraient présenter l'apparence d'avoir un lien direct avec l'emploi proposé.

Le degré de renseignements dépendra donc pour une grande part de la nature du poste à pourvoir ainsi que du niveau requis.

b) Les questions en principe interdites

181. Il est des domaines où l'interdiction de poser des questions personnelles semble absolue notamment en ce qui concerne les opinions politiques, les conditions dans lesquelles le candidat a effectué son service national (Cass. Soc. 2.10.1974), son dossier scolaire (car il dévoile des renseignements touchant à la vie privée).

Il est d'autres domaines où l'interdiction apparaîtrait moins absolue: les antécédents judiciaires et la profession du conjoint (la situation familiale en général).

Concernant le premier cas, le candidat à l'embauche n'est nullement tenu de révéler ses antécédents judiciaires (Cass. Soc. 25.04.1990). Il n'en reste pas moins que pour certains postes requérant des garanties de moralité et de probité (comme le transport de fonds), l'employeur pourrait exiger le casier judiciaire du candidat.

Quant au deuxième domaine, il apparaît nécessaire à certains employeurs de se renseigner sur la situation familiale notamment pour les postulants à certaines professions donnant accès à des informations ultra-confidentielles, comme certains postes de la défense nationale.

Selon J.Grinsnir, il s'agit de trouver un bon équilibre entre la nécessité pour l'employeur, de bien connaître les capacités de la personne qu'il se propose d'embaucher et la nécessité impérieuse de protéger le postulant contre des débordements inadmissibles et parfaitement inutiles pour l'objet visé.

c) Les questions en principe licites

182. L'employeur peut donc exiger des renseignements répondant aux deux conditions cumulatives posées par l'article L 121-6 du Code du travail comme l'état civil, la situation quant au service militaire, les diplômes obtenus et justificatifs correspondants, les emplois occupés précédemment par le candidat et les raisons de son départ ainsi que des certificats de travail, l'existence ou non d'une clause de non-concurrence et parfois pour les étrangers la carte de séjour.

Toutefois ces règles protectrices du candidat ne sont pas sans contrepartie et l'article L 121-6 impose au candidat de répondre de bonne foi aux questions posées. Cette obligation s'impose-t-elle également si les questions n'ont pas un lien nécessaire et direct avec l'emploi proposé?

2/ La réponse du candidat

a) Les informations demandées sont sans lien direct et nécessaire avec l'activité professionnelle envisagée

183. Les seules questions auxquelles le salarié est tenu de répondre de bonne foi sont les questions qui ont un lien direct et nécessaire avec l'emploi proposé et leur aptitude à l'occuper selon l'analyse qui a été faite de l'article L 121-6 du Code du travail.

Le candidat est donc en droit de ne pas répondre ou de fournir des renseignements incomplets ou inexacts (ce que la presse a appelé le droit au mensonge) sans que l'employeur puisse par la suite sanctionner cette omission ou cette inexactitude par un licenciement qui serait alors abusif (Réponse ministérielle n°24397 JOAN (Q) 20.07.1987 page 4881).

Le professeur Lyon Caen a évoqué les problèmes qui peuvent découler de l'obligation de répondre de bonne foi et qui a poussé le législateur à instaurer "le droit au silence et au mensonge."

"On ne doit pas sous-estimer la difficulté d'assurer la sanction de ces principes. Ne pas répondre, c'est sans doute s'exclure de toute chance de l'emporter. La loi n'a prévu aucune autorité régulatrice, et a écarté toute sanction pénale, confiante dans la force convaincante des règles fondées sur l'équité, inscrites dans l'article L 121-6."

Quelle est par contre la sanction si le candidat ne répond pas de bonne foi à une question qui présente un lien nécessaire et direct avec l'emploi proposé?

b) Les informations demandées ont un lien direct et nécessaire avec l'emploi proposé

184. Un renseignement inexact donné en réponse dans un questionnaire constitue une faute mais ne peut motiver la rupture ultérieure du contrat que dans le mesure où il a eu une influence déterminante sur la décision d'embauche et qu'il est donc à l'origine d'une situation préjudiciable à l'employeur.

La Cour d'appel d'Angers a jugé dans un arrêt du 1.07.1986 que le fait de s'être fait embaucher sur la foi de faux diplômes justifiait un licenciement pour faute grave.

Avant la loi du 31.12.1992, le candidat à l'embauche était déjà protégé par une loi importante du 6.01.1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

C. LE QUESTIONNAIRE D'EMBAUCHE ET LA LOI DU 6 JANVIER 1978 RELATIVE A L'INFORMATIQUE, AUX FICHIERS ET AUX LIBERTES

185. "En application de l'article 45 de la loi du 6.01.1978, certaines dispositions protectrices relatives à la collecte, l'enregistrement et la conservation de "données à caractère personnel" ou d'informations nominatives" sont applicables lorsqu'un traitement informatique ou manuel de ces informations est effectué. Par ailleurs, la convention du Conseil de l'Europe du 28.01.1981 pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, a posé le principe que les données à caractère personnel doivent être adéquates, pertinentes et non excessives par rapport aux finalités pour lesquelles elles sont enregistrées.

Elle constitue ainsi que la loi du 6.01.1978, une base sur laquelle la Commission nationale de l'informatique et des libertés s'est appuyée pour faire adopter une recommandation en date du 15.10.1985 relative à la collecte et au traitement d'informations nominatives lors des opérations de conseil en recrutement.

(Réponse ministérielle n°29036 JOAN (Q) 15.10.1990).

186. Outre les interdictions des questions discriminatoires, la limitation dans le temps de la conservation des données, la loi reconnaît aux candidats des droits tels que le droit d'information concernant le caractère obligatoire ou facultatif des réponses, les conséquences à leur égard d'un défaut de réponse, les personnes physiques ou personnes morales destinataires des informations, l'existence d'un droit d'accès ou de rectification; et le droit de saisine de la CNIL qui peut jouer un régulateur important en saisissant le Parquet.

Par ailleurs, tout traitement informatisé de données nominatives doit, préalablement à sa mise en oeuvre, faire l'objet d'une déclaration auprès de la CNIL selon la loi du 6.01.1978.

Nous avons étudié dans ce premier paragraphe les méthodes classiques de recrutement qui ont paru insuffisantes à certains employeurs qui ont développé des techniques d'évaluation plus ou moins farfelues.



II. LES METHODES DE SELECTION DU CANDIDAT A L'EMBAUCHE

187. La sélection des candidats à l'embauche est un moment décisif pour l'employeur : il lui faut en effet recruter celui qui sera le plus à même de remplir l'office proposé. Le coût du salarié, de son licenciement et les risques que ferait peser à l'entreprise une mauvaise intégration de celui-ci sont tels que l'entreprise ne peut se permettre de bâcler ce recrutement.

Aussi ces dernières années les techniques de recrutement et d'évaluation des candidats se sont-elles sophistiquées et professionnalisées. Elles concourent ainsi à la bonne marche des entreprises mais engendrent parfois des excès, portant notamment atteinte à la vie privée et aux libertés individuelles des candidats.

Un récent dispositif législatif s'efforce donc de préserver un équilibre entre le respect des libertés individuelles des candidats et celui des prérogatives nécessaires au bon fonctionnement des entreprises.

Ce contrôle du processus d'embauche s'articule autour d'un principe général veillant au respect du droit des personnes et des libertés individuelles et collectives ( I ), complété par diverses dispositions assurant d'une part la pertinence des méthodes utilisés ( II ) et d'autre part la transparence des informations collectées ( III ).

A. PRINCIPE FONDAMENTAL: LE RESPECT DU DROIT DES PERSONNES ET DES LIBERTES INDIVIDUELLES ET COLLECTIVES

1/ L'énoncé du principe (Art. L120-2 Code du Travail)

188. L'article L120-2 Code du Travail énonce le principe suivant :

" Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. "

L'employeur peut donc porter atteinte aux droits et libertés des personnes dès lors que ces restrictions vérifient ces 2 conditions cumulatives :

- être justifiées par la nature de la tâche à accomplir.

- être proportionnées au but recherché.

2/ Un principe de portée générale

189. Ce principe qui régissait déjà le contenu du règlement intérieur en application de l'article L122-35 du Code du Travail constitue désormais un principe fondamental du droit du travail.

Il est en quelque sorte le chapeau qui couvre et implique le respect des divers principes qui seront abordés par la suite. Cet article revêt bien une portée générale, qui excède le simple cadre du contrat de travail pour s'aventurer au cúur des relations employeur - candidat, soumettant à la vigilance du juge les agissements des intermédiaires que sont notamment les cabinets de recrutement.

B. PERTINENCE DES METHODES UTILISEES

1/ Les méthodes utilisées

a) Diversité des méthodes de sélection

190. L'employeur recruteur, dans sa recherche du meilleur candidat, dispose de diverses techniques pour mesurer des qualités telles que l'équilibre, l'intelligence ou la sociabilité de ce dernier.

Des psychologues du travail ont procédé à des enquêtes systématiques afin de déterminer la fréquence d'utilisation des méthodes les plus courantes.

Dans l'ordre décroissant des fréquences d'utilisation :

1 l'entretien 99%

2 l'examen graphologique approfondi 93%

3 les tests d'aptitude et d'intelligence (psychotechnique) 63%

4 les tests de personnalité 61%

5 la mise en situation de travail 34%

6 les méthodes divinatoires (numérologie, astrologie, morphologie) 25%

b) Validité des méthodes

191. La validité de telles techniques, d'ailleurs très différentes entre elles, pose un problème important.

Des chercheurs ont classé dans un ordre décroissant de validité scientifique les diverses méthodes :

1 les tests d'aptitude et de mise en situation de travail.

2 les tests d'intelligence

3 les curriculum vitae

4 les références antérieures

5 l'entretien

6 les tests de personnalité

7 la graphologie

Il est frappant de noter que se sont les trois derniers procédés qui sont, en France, les plus couramment employés !

Il était donc nécessaire d'encadrer ces techniques d'évaluation des candidats à l'embauche par un certain contrôle qualitatif.

2/ Pertinence des méthodes

a) Pertinence des méthodes utilisées

192. L'article L121-7 alinéa 2 du Code du Travail dispose que :

" Les méthodes et techniques d'aide au recrutement ou d'évaluation des salariés et des candidats à un emploi doivent être pertinents au regard de la finalité poursuivie. "

Concernant les méthodes utilisées, la circulaire du 15 Mars 1993 précise que le but est d'éviter l'utilisation de techniques peu fiables.

Il semblerait que ce texte conduise à effectuer un double test : d'une part on testerait la fiabilité de la technique employée et d'autre part son efficacité au regard du but recherché. En cas de litige c'est au juge d'apprécier la pertinence de la méthode (Circ. Min. DRT n° 9310, 15Mars 1993).

b) Finalité des informations

193. La pertinence des méthodes employées doit être analysée au regard de la finalité poursuivie, nous disent les textes ; or l'article L 121-6 al.1 semble apporter des précisions sur cette notion de finalité, qui dispose : " Les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, à un candidat ou à un salarié ne peuvent avoir comme finalité que d'apprécier sa capacité à occuper l'emploi proposer ou ses aptitudes professionnelles. "

La finalité de l'évaluation du candidat ne peut donc excéder le strict cadre de la mesure des capacités professionnelles, qui servira donc de référence pour juger de la pertinence des méthodes employées.

Liens directes et nécessaire avec l'emploi :

Le même article L 121-6 précise, à l'alinéa 2 que : " Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l'emploi proposé ou avec l'évaluation des aptitudes professionnelles.

A titre d'exemple, une condamnation pénale antérieure n'a en générale pas de lien directe avec l'aptitude professionnelle du candidat, sauf dans quelques cas précis (exemple : un emploi de convoyeur de fond).

Si l'employeur est en droit de demander une attestation de diplôme ou un certificat de scolarité, il ne peut en revanche exiger de dossier scolaire, pouvant contenir des informations confidentielles.

Enfin, il est à noter que l'article L 121-6 exige que le candidat réponde de bonne foi aux questions (licites) posées par son employeur.

C. TRANSPARENCE DE LA PROCEDURE DE SELECTION

1/ Information préalable sur les méthodes utilisées

a) Information individuelle

194. L'article L 121-7 du Code du Travail dispose à ce propos, à son alinéa 1 : " Le candidat à un emploi est expressément informé, préalablement à leur mise en úuvre, des techniques d'aide au recrutement utilisées à son égard. Les résultats obtenus doivent rester confidentiels. "

La circulaire du 15 Mars 1993 précise que les intermédiaires du recrutement sont visés au même titre que l'employeur.

Il est conseillé d'informer le candidat par écrit afin d'éviter d'éventuels litiges.

Outre cette garantie d'information préalable, on a vu que le texte octroie une garantie de confidentialité des informations collectées. Cette confidentialité ne s'applique qu'aux tiers, et non aux intéressés qui peuvent avoir accès aux résultats.

b) Information collective

195.

- Le premier alinéa de l'article L 432-2-1 du Code du Travail dispose que : " Le comité d'entreprise est informé, préalablement à leur utilisation, sur les méthodes ou techniques d'aide au recrutement des candidats à un emploi ainsi que sur toute modification de ceux-ci. "

La transparence est donc assurée par un contrôle a priori du comité d'entreprise.

- Par ailleurs, l'article L 422-1-1 du Code du Travail organise une procédure rapide d'enquête et de suppression des atteintes aux libertés individuelles dont pourraient être victime les salariés.

Ainsi, le délégué du personnel reçoit-il la mission de veiller au respect des droits des personnes et des libertés individuelles dans l'entreprise.

196. On peut considérer que les termes "dans l'entreprise" incluent le recrutement des futurs salariés :

On a en effet pu constater cet élargissement du champ du droit du travail, qui ne se restreint pas au simple contrat de travail mais règle désormais le processus d'embauche.

Une réserve ressort cependant du troisième alinéa, qui précise qu'en cas de litige, c'est le juge des prud'hommes qui doit être saisi : ce qui impliquerait qu'on se trouve bien dans un cadre contractuel et donc que le texte n'est applicable qu'aux candidats qui ont été effectivement recrutés. Cette restriction va à l'encontre de l'esprit de la législation établie par ailleurs.

Le délégué du personnel élu doit saisir l'employeur dès qu'il constate une telle atteinte aux droits et libertés, non justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché.

Ce dernier doit procéder, immédiatement à une enquête et prendre les dispositions nécessaires pour remédier à la situation. A défaut le délégué peut saisir le juge.

2/ Information préalable sur le dispositif de collecte des renseignements

197. L'article L 121-8 du Code du Travail dispose à ce sujet : " Aucune information concernant personnellement un salarié ou un candidat à un emploi ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à la connaissance du salarié ou du candidat à un emploi. "

De plus la loi 78-17 du 6 Janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés impose aux employeurs ayant recours à des questionnaires d'embauche, même non informatisé d'informer le candidat :

du caractère obligatoire ou facultatif des réponses.

des conséquences d'une absence de réponse.

des personnes physiques ou morales destinataires de l'information.

de l'existence d'un droit d'accès et de vérification.

N.B. : Pour les logiciels de tests d'évaluation, le candidat doit systématiquement recevoir le résultat du test pratiqué.