JURIPOLE DE

LORRAINE

Serveur juridique de la Fédération Cohérence Europe

Dirigé par

François JACQUOT

Réalisé par

Alexis BAUMANN






ANNE-LISE BROCARD

L'ARBITRAGE INTERNE EN DROIT FRANCAIS ET ITALIEN




SOMMAIRE

Chapitre 1 Définition du concept et rôle de l'institutionSection 1 Nature et caractères de l'arbitrage1 Arbitrage et expertise

2 Arbitrage et conciliation

3 Arbitrage et contentieux judiciaire

4 Arbitrage et justice étatique

Section 2 Les motivations de l'arbitrage1 Aspiration à une justice mieux administrée2 Recherche d'une autre justice3 Préoccupation d'harmonie4 Controverses non juridiques5 Conclusion

Chapitre 2 La pratique de l'arbitrage

Section 1 L'essor de l'arbitrage1 Conception ancienne2 L'arbitrage au XX siècle3 Insuffisance des statistiques4 Importance de l'arbitrage ad hocSection 2 Les institutions d'arbitrage1 Les différents types d'institution2 Activité des institutions arbitrales

Chapitre 3 Aspects philosophiques et politiques de l'arbitrageSection 1 Arbitrage et monopole des tribunaux1 L'arbitrage, droit naturel des individus ?2 Les tribunaux, juges naturels des litiges ?3 Arbitrage et principes d'organisation judiciaire4 Suprématie du droit et arbitrageSection 2 Arbitrage et liberté contractuelle 1 Arbitraggio2 Arbitrato liberoSection 3 Nature juridique de l'arbitrage1 Les difficultés de différenciation2 Le critère retenu par les droits nationaux

Chapitre 4 L'arbitrage et le droit nationalSection 1 La France : données historiques1 Droit Romain2 Edit de François II d'août 15603 Révolution française4 La codification5 Réforme de 1980Section 2 L'Italie1 Le XIX siècle2 Le XX siècle : Code de 19403 Adaptations issues de la pratique4 La loi nouvelle du 5 janvier 1994

Chapitre 5 L'arbitrage et le droit internationalSection 1 Les droits nationaux et l'arbitrage international1 Loi applicable à l'arbitrage2 Règles propres aux arbitragesinternationauxSection 2 Le droit international conventionnel de l'arbitrage1 Les Conventions de GENEVE de 1923 et 19272 La Convention de NEW YORK de 19583 La Convention européenne de 19614 Une Convention régionale : la loi uniforme du Conseil de l'Europe

PARTIE 1 LA CONVENTION ARBITRALE

Chapitre introductif à la convention arbitraleSection 1 Notions de compromis et clause compromissoire1 Notions2 Critères de différenciation Section 2 Autonomie de la clause compromissoire 1 La difficulté de la situation2 L'admission du caractère autonomeSection 3 Validité de principe de la convention d'arbitrage1 Les réticences des droits nationaux2 Validité de principe reconnue par le droit international conventionnel

Chapitre 1 Le droit de compromettreSection 1 Capacité de compromettre1 Le droit français2 Le droit italienSection 2 Domaine de la convention arbitrale1 Le droit français2 Le droit italien

Chapitre 2 L'objet de la convention arbitraleSection 1 Le droit commun des contrats1 Caractère suffisamment précis et déterminé2 L'ordre publicSection 2 Contenu de la convention arbitrale1 La désignation des arbitres2 La détermination de l'objet du litige

Chapitre 3 Forme et preuve de la convention arbitraleSection 1 Le compromis1 Conditions préalables2 Formation du compromisSection 2 La clause compromissoire1 Spécificité de la clause compromissoire2 Exigence d'un écrit3 Consentement des parties

Chapitre 4 Effets de la convention arbitraleSection 1 Obligation pour les contractants d'exécuter la convention arbitraleSection 2 Priorité de la compétence arbitrale à l'égard de la compétence judiciaire1 Principe du dessaisissement des tribunaux judiciaires2 Caractère relatif du principe3 Intervention des juridictions ordinaires en vue d'assurer le bon déroulement de l'instance arbitrale

PARTIE 2 LES ARBITRES

Chapitre 1 Mode de désignation des arbitresSection 1 Liberté contractuelle1 Nécessité d'un accord entre les parties2 Egalité des partiesSection 2 Constitution conventionnelle ou judiciaire1 La désignation des arbitres par les parties2 La désignation des arbitres par l'intermédiaire d'un organisme d'arbitrage

Chapitre 2 Conditions de constitution du tribunal arbitralSection 1 Capacité pour être arbitre1 Les femmes 2 Les personnes morales3 Les étrangers4 Les magistratsSection 2 Qualité de l'arbitre1 Nécessité d'une certaine qualité2 Les qualités d'indépendance et d'impartialitéSection 3 La règle d'imparité : disparition du tiers arbitre

Chapitre 3 Effets de la constitution du tribunal arbitralSection 1 Le contrat d'investiture1 Le receptum arbitri2 Les responsabilités de l'arbitre3 Les droits de l'arbitreSection 2 Pouvoirs des arbitres1 Pouvoirs des arbitres dans l'instance arbitrale2 Compétence des arbitres pour vérifier leur compétence et statuer sur leur investitureSection 3 Durée de la mission des arbitres1 Nécessité d'un délai2 Importance du délai3 Modifications du délai

Chapitre 4 Fin anticipée de la mission des arbitresSection 1 Récusation des arbitres1 Impartialité de l'arbitre2 Obligation d'information3 Causes de récusation 4 Fins de non recevoir5 Autorité appelée à statuer6 Conséquence de la récusationSection 2 Abstention de l'arbitreSection 3 Révocation de l'arbitreSection 4 Décès de l'arbitre

PARTIE 3 L'INSTANCE ARBITRALE

Chapitre introductif : comparaison synthétique entre instance arbitrale et instance judiciaireSection 1 eléments de rapprochement entre les deux instancesSection 2 Eléments de différence entre les deux instances

Chapitre 1 Mode de statuer des arbitresSection 1 Décisions préliminaires 1 Procédure de conciliation2 Confirmation des pouvoirs des arbitresSection 2 Jugement en droit ou en équité1 Prééminence du droit2 Equité

Chapitre 2 Règles de procédureSection 1 La liberté des arbitresSection 2 Les principes indérogeables

Chapitre 3 Instruction du litigeSection 1 Principes fondamentaux de la procédure1 Procédure par défaut2 Représentation des parties3 Jugement sur pièces4 Audition des témoins5 Expertise6 Publicité des audiencesSection 2 Mesures provisoires et conservatoiresSection 3 Instruction collégiale1 Nécessité d'une délibération stricto sensu2 Possibilités de délégation

PARTIE 4 LA SENTENCE ARBITRALE

Chapitre 1 Nature de la sentence arbitraleSection 1 La réforme de 1980 en France1 Affirmation du carctère juridictionnel de la sentence2 Distinction de la sentence avec d'autres actesSection 2 La naissance de la sentence arbitrale en Italie1 Le Code de 19402 La première réforme de 19833 La loi nouvelle de 1994

Chapitre 2 Forme de la sentence arbitraleSection 1 Exigence d'un écritSection 2 Mentions figurant sur la sentence1 Prétentions respectives des parties2 Identification des parties et des arbitres3 Lieu et date

Chapitre 3 Conditions de fond de la sentenceSection 1 Proscription de la sentence minoritaireSection 2 Motivation de la sentence1 Motivation plus libérale2 Cas des arbitrages libres3 Importance des motifsSection 3 Dispositif

Chapitre 4 Autorité de chose jugée et caractère authentiqueSection 1 NotionsSection 2 La position des droits actuels

Chapitre 5 Dessaisissement des arbitres et ses exceptionsSection 1 Interprétation de la sentenceSection 2 Correction des erreurs1 Le droit de correction2 Erreur matérielle ou erreur de faitSection 3 Omission de statuer

PARTIE 5 LA PHASE POST-ARBITRALE

Chapitre 1 Caractère anormal de cette phase

Chapitre 2 Exécution forcée : l'exequaturSection 1 La fonction de l'exequaturSection 2 La procédure d'exequatur1 Autorité compétente2 Délai3 Contrôle exercé sur la sentenceSection 3 Recours contre la décision sur l'exequatur

Chapitre 3 Voies de recours contre la sentenceSection 1 La réforme des voies de recoursSection 2 Voies de recours ordinaires : appel et recours en annulation1 Appel contre la sentence arbitrale2 Recours en annulation de la sentence arbitrale

3 L'instance au fond devant la Cour d'appelSection 3 Voies de recours extraordinaires : tierce opposition et recours en révision1 Tierce opposition2 Recours en révision

CONCLUSION

PARTIE INTRODUCTIVE


CHAPITRE 1

DEFINITION DU CONCEPT ET ROLE DE L'INSTITUTION

L'arbitrage est une technique visant à faire donner la solution d'une question, intéressant les rapports entre deux personnes ou plusieurs, par une ou plusieurs autres personnes -l'arbitre ou les arbitres- lesquels tiennent leurs pouvoirs d'une convention privée et statuent sur la base de cette convention, sans être investis de cette mission par l'Etat.

Cette définition a l'avantage de prendre en considération le fondement et la finalité de l'arbitrage, en faisant ainsi ressortir les traits caractéristiques de cette institution.

SECTION 1 NATURE ET CARACTERES DE L'ARBITRAGE

Pour clarifier le concept d'arbitrage, il convient de montrer comment l'arbitrage doit être distingué d'autres notions.

1- Arbitrage et expertise :

Ces deux concepts doivent être distingués : l'expert exprime seulement une opinion alors que l'arbitre prend une décision qui s'impose aux intéressés.

La distinction paraît claire, pourtant une confusion est parfois créée par une terminologie inappropriée.

C'est le cas en France des arbitres-rapporteurs auxquels les tribunaux demandent des expertises. Ces prétendus arbitres sont en réalité de simples experts, les juges n'étant pas liés par les conclusions de leurs rapports.

Cependant, par faveur pour l'arbitrage, la Cour d'appel de Paris a décidé qu'était sans ambiguité le document intitulé compromis d'arbitrage prévoyant le recours à un arbitre, et le caractère obligatoire pour les parties de ses conclusions, et ce, malgré l'emploi concomitant des termes "expert" et "expertise".

La distinction entre arbitrage et expertise peut être très affaiblie si on ouvre très largement la possibilité de recours contre la décision de l'arbitre, c'est ce qui se produit dans les pays où les sentences peuvent être attaquées par la voie de l'appel.

2- Arbitrage et conciliation :

Une certaine confusion est créée par le fait que les arbitres se voient souvent reconnaître des pouvoirs d'équité et que fréquemment ils peuvent avoir le souci de donner une solution qui paraisse acceptable à tous les intéressés.

Arbitrage et conciliation sont pourtant fondamentalement différents : la solution proposée par le médiateur ne devient obligatoire que lorsque les intéressés y ont adhéré alors que la décision de l'arbitre s'impose aux intéressés en dehors de toute acceptation de leur part.

3- Arbitrage et contentieux judiciaire :

L'arbitrage peut avoir pour objet de résoudre une controverse juridique, une contestation qui pourrait être soumise aux tribunaux ; mais l'arbitre peut aussi être appelé à compléter un contrat ou à le réviser dans des circonstances diverses.

Nombreux droits distinguent les deux hypothèses et emploient à leur propos des termes différents -le droit italien utilise les termes ARBITRATO et ARBITRAGGIO- , ou même contestent qu'il s'agisse d'arbitrage dans la seconde.

Mais la pratique montre qu'il est parfois difficile de distinguer ces deux hypothèses, dans la mesure où l'arbitre est de toute façon distingué du juge lorsqu'il doit trancher une controverse juridique, puisqu'il est affranchi de l'obligation de respecter les règles de procédure, de preuve et même de fond qui s'imposeraient à un juge.

Enfin l'arbitrage qui vise à compléter ou à réviser un contrat s'impose avec une importance nouvelle, car il est à présent au centre de l'intérêt de ceux que préoccupent la pratique et le droit de l'arbitrage.

4- Arbitrage et justice étatique :

L'arbitre est une simple personne privée qui appuie sa décision sur une convention intervenue entre les intéressés ; l'arbitre n'impose pas sa décision en vertu d'un pouvoir que lui a conféré l'Etat.

Même si l'existence des juridictions arbitrales est reconnue et leurs sentences sanctionnées par les différents droits ; ces juridictions arbitrales ne sont pas intégrées dans l'administration étatique de la justice.

Ainsi il n'y a pas véritable arbitrage lorsque la loi déclare compétente pour connaître d'une certaine catégorie de litiges, une juridiction qu'elle qualifie de Cour ou Commission d'arbitrage ; on n'est pas davantage en présence d'un véritable arbitrage lorsque la loi décide que le juge peut statuer en "arbitre" dès lors qu'il continue à statuer au nom de l'Etat qui l'a investi de ses fonctions.

SECTION 2 LES MOTIVATIONS DE L'ARBITRAGE

Le recours à l'arbitrage peut être justifié par de multiples raisons. Quatre catégories de cas peuvent être énoncées.

1- Aspiration à une justice mieux administrée :

Elle consiste en la recherche d'un règlement du litige conforme à ce que décideraient les juges, mais dans des conditions apparaissant aux parties meilleures que si elles recouraient à la justice des tribunaux.

Les parties confient ainsi leur litige à des personnes ayant leur confiance ou possédant des connaissances techniques que l'on ne peut s'attendre à trouver chez les juges ; et verront leur litige résolu plus rapidement, plus économiquement et selon une procédure moins rigide.

1-1- Avantages recherchés :

Les parties peuvent avoir recours à l'arbitrage parce qu'elles voient dans cette procédure certains avantages, mais sans vouloir pour autant obtenir une décision autre que celle qui serait donnée par les tribunaux.

Les avantages escomptés sont ceux qu'a en vue le législateur lui-même lorsqu'il institue des cas d'arbitrage obligatoire.

En effet, la justice administrée par les tribunaux peut être exposée à certaines critiques.

On se plaint souvent de lenteurs de la justice, de sa cherté, du formalisme excessif des procédures ; le législateur lui-même reconnaît parfois ces défauts en prévoyant des cas d'arbitrage obligatoire ou en autorisant le juge à statuer en "arbitre".

Les plaideurs, déroutés par certains aspects techniques des procédures, recourent à l'arbitrage pour obtenir une solution à leur litige qu'ils espèrent rapide et peu coûteuse, intervenant en fin d'une procédure au formalisme atténué.

Ces avantages sont souvent la raison du recours à l'arbitrage même si la réalité ne comble pas avec certitude les voeux des plaideurs.

1-2- Atténuation du formalisme :

Le formalisme est recommandable en soi, mais peut être fâcheux dans les circonstances d'un litige particulier.

Quels que soient les mérites d'un certain formalisme, les parties peuvent souhaiter le tempérer, éviter tout jargon ésotérique, et régler leur contestation dans une atmosphère plus libre et plus détendue que celle des tribunaux où la justice est inévitablement plus bureaucratique et plus solennelle.

P. Lalive écrit : "les hommes d'affaires croient fermement que les juristes et les juges sont des amateurs en matière de litiges commerciaux, juristes et juges demandent que l'on établisse des éléments qu'un commerçant considère comme allant de soi ; dans leur recherche d'une intention fictive des parties, ils raisonnent comme si les parties avaient pensé principalement à ce qui arriverait si le contrat n'était pas exécuté".

Cependant le même auteur met en garde contre les dangers de l'arbitrage, où les intéressés renoncent à la légère à une audience publique, à la possibilité d'obtenir une injonction ou des mesures provisoires, et à l'application même des règles de fond du droit.

1-3- Exclusion de la publicité :

Le principe de la publicité de la justice est inévitable et peut être regrettable en certaines circonstances. En recourant à l'arbitrage, les parties éviteront de faire connaître à des concurrents, à des clients éventuels, au public -sans parler du fisc- des données ou circonstances qu'ils ne tiennent pas à divulguer : secrets de fabrication, mauvais résultats d'une licence, difficultés financières éprouvées par une entreprise.

Ainsi, dans les contrats d'assistance technique par exemple, le recours aux tribunaux serait plein d'inconvénients. Il compromettrait la coopération permanente et de longue durée que souhaitent les intéressés ; le procès pourrait d'autre part aboutir à la divulgation de procédés de fabrication ou d'un know-how (savoir-faire) non garantis par des brevets.

En ces cas, l'arbitrage évitant une inutile et fâcheuse publicité, sera préféré à la justice des tribunaux.

1-4- Recherche d'un juge mieux qualifié :

Les juges n'excellent pas en matière technique ; saisis d'une affaire commerciale, ils recourront systématiquement à des rapports d'experts. Il est donc plus simple de s'adresser directement à ces experts, pour leur demander non un simple rapport d'expertise, mais une décision sur la question en litige.

La majorité des arbitrages se rapporte à cette hypothèse. Il s'agit d'arbitrage de qualité où l'arbitre est choisi en raison de sa compétence quant au domaine technique en question.

Il est encore des cas où les parties recherchent simplement un "juge" ayant connaissance des usages du commerce ou qui paraisse mieux préparé que des juristes à comprendre la psychologie des commerçants et à dégager, en interprétant leur contrat, des règles qui pourront devenir des usages, correspondant à leurs besoins.

2- Recherche d'une autre justice :

La raison qui peut pousser les parties à convenir d'un arbitrage est leur désir de voir leur contestation résolue, quant au fond, autrement qu'elle ne le serait par les juges.

Les parties souhaitent voir appliquer un autre droit que celui qui est prescrit aux juges par l'Etat qui les a investis de leur mission.

L'arbitrage permet l'application d'un droit corporatif fondé sur les usages du commerce ou lex mercatoria de caractère international distincte des droits nationaux.

Il peut en effet arriver qu'en recourant à l'arbitrage, les parties ne cherchent pas à remédier à certains défauts de la machine judiciaire, mais qu'elles cherchent à être jugées autrement que par les juges étatiques.

2-1- Rejet du droit des juristes :

L'idée n'est pas ici le rejet de l'équité du droit ; les parties ont l'intention de voir leur conflit résolu conformément à des règles strictes, aussi rigoureuses que celles du droit étatique ; mais qui relèveront d'un ordre d'idées autre que celui du droit appliqué par les tribunaux.

2-2- La lex mercatoria :

Les marchands n'ont pas voulu que leurs litiges soient résolus par les juridictions établies, lesquelles ne connaissaient que les coutumes locales, et ont donc eu recours à l'arbitrage.

Les juridictions auxquelles ils ont demandé de statuer selon leurs coutumes propres (lex mercatoria) ont été à l'origine de véritables juridictions arbitrales ultérieurement intégrées à l'organisation judiciaire étatique.

L'histoire de la lex mercatoria illustre quelles possibilités peuvent être ouvertes à l'arbitrage pour développer un droit nouveau, correspondant aux sentiments et besoins des commerçants.

2-3- Aspiration à un droit propre aux commerçants :

Par le développement de l'arbitrage, les commerçants peuvent chercher à élaborer un droit corporatif dans des conditions différentes de celles d'un droit commercial trop étatisé à leur sens.

Ils peuvent aussi chercher, comme le préconisent les théoriciens des conflits de lois, à élaborer un droit commercial international nouveau, autonome des différents systèmes de droits nationaux.

Le droit commercial d'aujourd'hui a perdu son originalité, ses règles ne sont plus l'oeuvre des commerçants eux-mêmes et il a cessé d'être international. En recourant à l'arbitrage, il se peut que l'on cherche, au plan national même, à reconstituer une justice "corporative".

Il est en effet d'une nécessité évidente de prévoir des règles spéciales pour le commerce et pour les commerçants.

Le problème véritable est que dans l'évolution du droit commercial, ses méthodes d'élaboration et ses techniques d'interprétation ont été régies par les mêmes principes que celles du droit civil.

Les autorités étatiques ont cru que cette évolution du droit commercial pouvait se faire au travers de son annexion au droit civil.

Cette annexion menant en certains pays à la publication d'un code unique en matière civile et commerciale, voire à la suppression des tribunaux de commerce.

La loi se révèle ainsi être une mauvaise technique pour réglementer les opérations de commerce.

En effet, la loi, trop abstraite, ne prend pas en considération le particularisme de chaque type de contrat.

Les commerçants cherchent alors à régir leur situation par des contrats-types, des conditions générales d'affaires différentes selon la catégorie de contrat.

Pareillement, par l'arbitrage, les commerçants cherchent à régler les contestations par une autre justice que celles des tribunaux.

Ph. KAHN explique ainsi que "la clause compromissoire a, avant tout, un rôle négatif : empêcher l'Etat et ses organes de se prononcer sur les problèmes qui intéressent une société qui se veut un autre ordre".

Ceci illustre comment le commerce revendique l'autonomie du droit commercial ; il veut voir ses contestations réglées autrement que par les méthodes en usage devant les tribunaux et par les raisonnements des juristes.

Ce qui explique la réticence avec laquelle le législateur et les tribunaux considèrent l'arbitrage en certains pays.

2-4- Droit commercial international :

La volonté du commerce d'avoir un droit particulier est justifiée en matière internationale.

Le droit a en effet acquis, au même titre que la loi, un caractère national. Ce qui a mené à penser qu'il n'existait et ne pouvait exister que des droits nationaux.

On se réfère dès lors aux droits nationaux pour régler aussi bien des rapports de droit internationaux que des rapports de droit nationaux.

Cette technique pourrait être acceptable si les juristes des différents Etats étaient parvenus à un accord quant aux règles de conflit de lois. Or malheureusement, la théorie des conflits de lois a été conçue différemment dans les différents Etats. Des tentatives d'accord, surtout dans les matières commerciales, n'ont pas manqué mais n'ont donné que des résultats à portée limitée.

Tout ce que peut dire un juriste à des commerçants qui concluent un contrat c'est que, selon que telle ou telle juridiction sera saisie, tel ou tel droit leur sera appliqué et donc que telles ou telles règles de droit national gouverneront leur contrat.

De plus, les législateurs ont souvent établi la réglementation commerciale en ayant en vue, avant tout, le commerce interne ; ce qui rend cette réglementation mal appropriée aux rapports internationaux.

3- Préoccupation d'harmonie :

Les parties recherchent une solution, mettant fin à leur litige, qui sera ou pourra être quant au fond distincte de celle que donnerait un juge, mais dont on souhaite avant tout qu'elle soit susceptible d'être volontairement "acceptée" par l'une et l'autre des parties ; le litige doit, autant que possible, être réglé à leur satisfaction mutuelle et ne doit pas venir troubler leurs rapports à venir.

On est alors proche de la conciliation, à la différence que la décision de l'arbitre, inspirée par cette préoccupation de restaurer l'harmonie, s'imposera aux parties même si sur le moment elle ne leur paraît pas satisfaisante.

3-1- Droit strict et équité :

Dans les précédentes hypothèses, les parties entendaient recourir à l'arbitrage par insatisfaction du droit qu'auraient dû appliquer à leurs rapports les juges étatiques ; et appelaient à l'application d'un certain droit dont l'arbitre devrait déterminer les règles.

Dans d'autres cas, les parties attendent une décision "en équité" leur permettant avant tout de continuer à avoir dans l'avenir des relations utiles.

Or, les juristes ont élaboré un droit strict, autonome et distinct en particulier de l'équité.

Ceci a permis de se prémunir contre l'arbitraire en attribuant "à chacun son dû" ; mais cette justice là ne se préoccupe pas d'établir la paix et l'harmonie entre les parties.

Aujourd'hui, le juge se voit attribuer des pouvoirs plus larges aux fins de considérer la fonction sociale des droits ; cependant notre droit demeure fortement marqué par les théories individualistes.

3-2- Prééminence de l'intérêt du groupe :

Dans les rapports entre personnes d'un même groupe, on fait fausse route lorsqu'on cherche une solution "juridique" où le juriste applique la rigueur de son raisonnement habituel.

L'essentiel n'est pas, dans cette hypothèse, de donner "à chacun son dû", de déterminer qui a raison et qui a tort, mais plutôt d'éliminer un conflit en établissant, au moins pour un temps, une situation nouvelle acceptable pour les uns comme pour les autres.

ARISTOTE avait vu l'arbitrage sous cet aspect : "les parties peuvent préférer un arbitrage à un procès, car l'arbitre veut l'équité alors que le juge considère la loi".

En effet, le but de l'arbitrage est de résoudre les contestations rapidement d'une manière qui tienne compte de l'intérêt des deux parties.

En Italie, E. MINOLI donne pour devise à l'arbitrage la formule : "Far giustizia, conservando l'amicizia" ("faire justice en conservant l'amitié").

4- Controverses non juridiques :

Dans les économies des pays capitalistes, le commerce est mû par la recherche du profit ; il n'existe pas de groupement dont il importe de perpétuer l'existence et l'idée de solidarité n'est pas au premier plan.

Il peut arriver cependant que deux entreprises commerciales se trouvent obligées de coopérer l'une avec l'autre de façon durable.

Dans ce cas ce qui est en jeu, et qui divise les parties, sont les conditions dans lesquelles un contrat nouveau doit être conclu ou celles dans lesquelles un contrat existant doit être révisé.

Il n'existe donc pas de contestation juridique mais une simple controverse économique insusceptible d'être soumise aux tribunaux. Une telle controverse va alors être soumise à l'arbitrage du fait de la défaillance des tribunaux en ce domaine.

4-1- Absence de juridictions compétentes :

En tous pays, les juridictions ont une compétence limitée, elles ne peuvent connaître que des contestations auxquelles on reconnaît un caractère juridique.

L'arbitrage apparaît ainsi comme une technique qui peut servir à trancher n'importe quelles contestations possibles, qu'elles aient ou non le caractère de contestations juridiques.

4-2- Insuffisance des accords contractuels :

Les parties ne peuvent pas fixer dans le détail les modalités de leur contrat. Une entente a été réalisée sur certaines bases, mais on sait dès l'origine que l'accord intervenu ne résout pas tous les problèmes: il comporte des lacunes, ou encore il peut appeler certaines modifications au cours de son existence, pour tenir compte de perfectionnements apportés dans la technologie ou d'une réglementation administrative nouvelle imposant certains changements concernant le contrôle de qualité ou la présentation des produits.

4-3- Compétence limitée des tribunaux :

Traditionnellement, les tribunaux peuvent trancher les difficultés que posent l'interprétation ou l'exécution des contrats ; mais ne peuvent pas faire des contrats pour les parties ni réviser les contrats conclus par les parties.

Lorsqu'il est nécessaire de compléter ou modifier un contrat, l'arbitrage offre un mécanisme qui ne heurte pas les principes des différents droits nationaux à ce sujet.

Cette utilisation de l'arbitrage est largement développée et peut concerner diverses hypothèses :

4-3-1- Comblement de lacunes :

Dans certains cas le recours à l'arbitrage a pour objet le comblement de certaines lacunes dans un contrat.

Il peut s'agir de points d'importance secondaire, que les parties n'ont pas jugé utile de régler immédiatement ; ou encore la lacune peut se rapporter à un élément du contrat d'une importance majeure mais les parties ne l'ont pas précisé parce que, au moment où s'est réalisé leur accord, elles manquaient de certaines données nécessaires pour pouvoir apprécier cette précision.

Cette hypothèse est prise en considération par différentes lois, selon lesquelles le prix peut, dans la vente, être laissé à l'arbitrage d'un tiers. Cet arbitrage a pour objet de compléter l'accord intervenu entre les parties, plutôt que de régler une contestation ; en effet, l'arbitre est généralement saisi sans attendre l'échec de négociations qui seraient menées à ce sujet par les parties.

4-3-2- Révision du contrat :

L'arbitrage est encore plus souvent utilisé dans des cas où les contrats nécessitent des modifications ultérieures parce que l'on ne dispose pas, dès la passation du contrat, des éléments nécessaires pour déterminer les conditions d'exécution du contrat.

Dans ce cas l'arbitrage peut être considéré comme une chose normale et envisagé comme telle dès la conclusion du contrat.

Ainsi, une renégociation de l'accord originaire va être prévue, à échéances fixes ou si certaines circonstances viennent à se produire.

Parfois l'on prévoit seulement une "obligation de négocier", mais souvent l'on organise un arbitrage pour le cas où les négociations n'aboutiraient pas.

L'arbitre a alors pour mission de réaménager le contrat de sorte que chaque partie y retrouve ses intérêts dans une collaboration profitable aux uns comme aux autres.

Dans de telles conventions la clause de recours à l'arbitrage est un élément essentiel du contrat, établissant un mécanisme nécessaire pour régler les rapports entre les parties et assurer de façon normale l'exécution et la vie du contrat.

5- Conclusion :

Etant donné la variété des raisons qui peuvent pousser les parties à l'arbitrage ; ce dernier est inévitablement une institution complexe qui comporte des aspects multiples.

Il peut servir à résoudre des litiges, c'est l'aspect sous lequel les juristes le considèrent le plus communément ; mais il peut aussi avoir pour fonction d'intervenir dans le cadre d'un contrat, en dehors de tout litige, pour parfaire ou pour adapter un accord à des circonstances nouvelles.

Certains voient dans ces deux aspects de l'arbitrage, deux phénomènes entièrement différents que recouvre un mot amphibologique.

En réalité, ce sont deux aspects étroitement liés d'une même institution.

On risque une vue fausse de l'arbitrage si on le réduit à seulement un aspect en négligeant le second.

En effet il n'existe aucune opposition entre les différents types d'arbitrage, l'on ne choisit pas d'aller devant des arbitres tantôt pour une raison, tantôt pour une autre ; le plus souvent les raisons se cumulent pour expliquer la préférence donnée à l'arbitrage.

Les parties apprécient presque toujours, le fait que, devant les arbitres, il règne une atmosphère plus détendue, la procédure y est conçue de façon moins rigide, les débats se déroulent avec une moindre agressivité.

Les arbitres ont toujours tendance à opérer une conciliation entre les parties, souvent la sentence arbitrale ne fait que consacrer un accord intervenu entre les parties.

Certains droits n'admettent pas que l'arbitre statue selon l'équité ou en mettant le droit strict de côté ; pour tourner cet inconvénient, les parties demandent à leur arbitre d'aménager de nouvelle manière, selon la bonne foi et l'équité, le rapport contractuel qui les unit.

Le recours à l'arbitrage pour parfaire ou réviser un contrat peut ainsi connaître une extension en fonction des besoins des commerçants.

Une bonne réglementation de l'arbitrage ne peut ainsi intervenir qu'en envisageant le problème dans toute sa complexité.

Les différents droits pourraient notamment soumettre l'arbitrage à un régime différent selon qu'il correspond à telle ou telle motivation ou selon qu'il se situe dans telle ou telle branche du droit ou affecte telle ou telle catégorie de rapports.


CHAPITRE 2

LA PRATIQUE DE L'ARBITRAGE

SECTION 1 L'ESSOR DE L'ARBITRAGE

1- Conception ancienne :

Le droit de l'arbitrage est parmi ceux qui ont connu une considérable métamorphose depuis la date des codes napoléoniens.

Jusqu'à la fin du XIX siècle l'arbitrage a été principalement une institution de paix visant à rétablir l'harmonie entre des gens destinés à vivre les uns avec les autres.

Le droit lui-même avait admis le caractère trop rigide des règles et procédures juridiques dans une telle situation.

Les litiges nés étaient soumis à l'arbitrage par la conclusion d'un compromis désignant un arbitre choisi intuitu personae, en raison de la confiance que les parties avaient en lui ou de l'autorité qu'il pouvait avoir sur les parties.

L'arbitre donnait ainsi l'image d'un "amiable compositeur".

Le Code de Procédure Civile italien de 1865 traitait encore de cette institution dans un titre préliminaire consacré à la fois à la conciliation et à l'arbitrage. Ceci illustre le caractère voisin, mais non similaire, des deux institutions.

2- L'arbitrage au XX siècle :

A l'arbitrage d'autrefois, qui était organisé ad hoc, justifié par les circonstances spéciales d'une cause, toléré en raison du caractère de "solution d'espèce" de la décision qui intervenait pour le conclure ; s'est substitué un arbitrage systématique, institutionnel, préorganisé.

En effet, au cours du XIX siècle est apparu un nouveau type d'arbitrage qui présente deux caractéristiques opposées à celles de l'arbitrage de jadis.

Il n'est plus fondé sur un compromis conclu au moment où la contestation existe déjà, l'arbitrage résulte aujourd'hui le plus souvent d'une clause compromissoire, stipulée à un moment où il n'existe, et où l'on n'entrevoit, aucun conflit entre les intéressés.

D'autre part, l'arbitre a cessé d'être choisi en fonction des liens qui l'unissent aux parties ; l'arbitrage s'est "institutionnalisé", il est souvent administré sous les auspices d'une organisation professionnelle ou d'une institution permanente d'arbitrage, qui offre ses services aux industriels et commerçants.

Certes, la conception traditionnelle, artisanale de l'arbitrage de jadis garde son importance de nos jours ; mais il semble désormais que l'on veuille écarter par principe l'intervention des tribunaux, peut-être même l'application du droit, pour toute une catégorie de litiges.

Certains considèrent que seul le premier type d'arbitrage correspond à une véritable procédure d'arbitrage.

Au delà de ces deux formulations de l'arbitrage, un autre type d'arbitrage a eu une extension croissante.

Il s'agit de l'arbitrage qui a pour objet de résoudre des questions qui ne pourraient pas être soumises aux tribunaux, ou que les tribunaux ne pourraient pas résoudre de façon satisfaisante en raison du défaut de caractère de "contestation juridique".

Cet arbitrage est ancien mais n'a pris que récemment une véritable importance dans le commerce.

La t‚che de l'arbitre ne consiste plus, dans ce cas, à interpréter un contrat ou à dire quelles sont les conséquences de sa mauvaise exécution ; il lui est simplement demandé de combler une lacune dans un contrat incomplet ou de modifier les rapports contractuels que les parties ont établi entre elles à l'origine, mais qu'il convient d'adapter à des circonstances nouvelles.

Ces deux nouveaux arbitrages qui se sont développés, sans l'exclure, aux côtés du type traditionnel d'arbitrage, sont ceux qui retiennent aujourd'hui le plus l'attention.

En effet, qu'on le déplore ou non, on ne peut que reconnaître l'essor important de l'arbitrage qui soulève des problèmes nouveaux que l'on doit considérer.

3- Insuffisance des statistiques :

Il est difficile de préciser l'importance de l'arbitrage.

Les statistiques judiciaires ne nous éclairent en effet que sur les cas d'arbitrage qui ont eux-mêmes donné lieu à contestation.

Or il est clair que sont plus nombreux les cas où l'arbitrage s'est déroulé sans incident.

On en veut pour preuve la fréquence de l'utilisation de l'arbitrage par les commerçants qui traduit la faveur dont jouit l'institution auprès des commerçants.

Ceci discrédite l'enclin des juristes à voir l'arbitrage comme le simple préliminaire d'actions en justice.

Il existe des informations données par les différents centres administrant des arbitrages ; les Cours d'arbitrage des pays socialistes ont été les premières à faire connaître volontiers leur activité.

La Chambre de Commerce International et l'American Arbitration Association se sont engagées dans la même voie ; une chronique des sentences arbitrales de la CCI est ainsi régulièrement publiée au Clunet par le Secrétaire Général de la Cour d'arbitrage de la CCI.

En effet, les centres d'arbitrage considèrent aujourd'hui comme opportun de faire connaître leur activité et de publier des sentences arbitrales rendues sous leurs auspices.

Ils espèrent par cette pratique faire connaître l'arbitrage et neutraliser les critiques infondées qui peuvent être adressées à cette institution.

Ces informations ainsi fournies sont pourtant insuffisantes pour différentes raisons.

Elles ne concernent pas tous les arbitrages organisés ad hoc pour lesquels on n'a pas recours à une institution d'arbitrage.

Elles ne dévoilent pas non plus tous les arbitrages non contentieux complétant ou modifiant un rapport contractuel.

De même, elles n'éclairent pas sur la manière dont la simple existence dans un contrat d'une clause d'arbitrage peut influencer le comportement des parties, en les incitant à rechercher une solution négociée à leur différend.

Or il s'agit là, à n'en pas douter, de l'intérêt primordial que présente une clause d'arbitrage.

4- Importance de l'arbitrage ad hoc :

Dans la pratique commerciale, l'arbitrage ad hoc a conservé une place importante.

Les Etats notamment le préfèrent à l'arbitrage d'une institution dont ils ne veulent pas reconnaître l'autorité.

En conséquence les lois et conventions internationales ne doivent pas seulement se référer à l'arbitrage des institutions permanentes, sinon nombreux arbitrages seraient exclus du régime ainsi établi.

D'autre part, quand les parties prévoient l'arbitrage par une institution permanente, elles incorporent dans leur contrat le règlement de cette organisation. De nombreux points se trouvent alors réglés "conformément à la convention des parties" : constitution de la juridiction arbitrale, lieu de l'arbitrage, procédure de l'arbitrage...

Ne se pose donc plus la question de savoir par quelle loi sera régi l'arbitrage puisque toutes les lois admettent que tous ces points soient souverainement réglés par la convention des parties.

Il arrive, en outre, que les parties bien qu'elles ne veuillent pas placer leur arbitrage sous les auspices de tel ou tel centre d'arbitrage, stipulent que leur arbitrage, tout en demeurant un arbitrage ad hoc, sera régi par le règlement d'un centre donné.

Certaines difficultés peuvent en ce cas se présenter, notamment quand l'intervention de la Cour d'arbitrage du centre est prévue pour régler seulement quelques points. Le règlement établi par la CNUDCI s'est efforcé de prendre en considération cette hypothèse.

Au contraire si l'arbitrage est ad hoc, seul le principe de l'arbitrage aura été admis et il faudra régler tous les points en question, faute d'accord entre les parties, en se référant aux règles supplétives d'un droit particulier.

L'importance conservée par l'arbitrage ad hoc présente l'intérêt d'une unification internationale du droit en matière d'arbitrage.

SECTION 2 LES INSTITUTIONS D'ARBITRAGE

L'essor de l'arbitrage est manifeste, il suffit, pour s'en convaincre, de considérer la multiplication des associations et centres s'intéressant à l'arbitrage et celle des colloques ou congrès qui s'y rapportent.

Des revues spécialement consacrées à l'arbitrage paraissent actuellement dans de nombreux pays.

Des centres ont été constitués pour faciliter et promouvoir le recours à l'arbitrage.

Le rôle assigné à ces centres est divers. Il y a d'abord un rôle d'information ; on cherche à faire connaître aux industriels et commerçants les avantages qu'il peut y avoir pour eux à recourir à l'arbitrage et les facilités qu'ils peuvent trouver s'ils veulent y avoir recours.

Ces centres cherchent aussi eux-mêmes à mieux connaître l'arbitrage, en étudiant comment il fonctionne et se présente dans les différents pays. De sorte à pouvoir améliorer ce qui existe tant sur le plan de la pratique que sur celui du droit.

Les centres facilitent la conclusion de conventions d'arbitrage en établissant des règlements, proposent aux intéressés des listes d'arbitres, élaborent des projets de réforme des lois nationales sur l'arbitrage, cherchent à promouvoir des ententes internationales sur l'arbitrage.

Différents centres proposent enfin leurs services pour organiser eux-mêmes des arbitrages.

On doit donc constater que, malgré l'intérêt que conserve l'arbitrage ad hoc, l'arbitrage est fréquemment administré par une institution arbitrale.

Le développement de ces institutions est caractéristique de l'aspect nouveau qu'a revêtu l'arbitrage de nos jours.

1- Les différents types d'institution :

1-1- Variété des institutions arbitrales :

L'arbitrage peut être plus ou moins approprié, offrir plus ou moins de garanties et avantages selon le type de l'institution qui l'administre. "Tant vaut l'arbitre, tant vaut l'arbitrage".

A qualité égale, une institution peut être préférable à une autre selon le type de litige. De ce fait, l'attitude des juristes et législateurs a été mal orientée puisqu'ils n'ont pas distingué entre l'arbitrage ad hoc et l'arbitrage institutionnel et n'ont pas distingué non plus les différents types d'institution qui offrent leurs services pour organiser des arbitrages.

1-2- Institutions publiques et privées :

L'arbitrage est parfois administré sous les auspices d'une Chambre de commerce ou d'une Bourse du commerce ou des valeurs, dont le caractère d'établissement public est plus ou moins accusé ; mais il peut aussi être administré par des associations revêtant un caractère purement privé.

Le législateur peut être enclin à favoriser un arbitrage administré dans un cadre public lui paraissant offrir plus de garanties.

A l'inverse les parties à un litige, notamment sur le plan international, peuvent craindre que les organismes publics n'aient pas une indépendance suffisante à l'égard de l'Etat ce qui risquerait d'influer sur la sentence rendue.

Ainsi l'indépendance des arbitres et le caractère même de sentence arbitrale de la décision rendue peuvent être mis en doute.

1-3- Institutions nationales et internationales :

Il paraît souhaitable que les litiges du commerce international soient soumis à des juridictions arbitrales internationales.

Certaines Cours d'arbitrage ont ainsi acquis un caractère international à la suite d'accords interétatiques. C'est le cas de la Cour permanente d'arbitrage de La Haye ou du Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements (CIRDI), créé sous les auspices de la BIRD (Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement) en 1965 pour régler les différends entre simples particuliers et Etats.

D'autres institutions arbitrales internationales ont un caractère purement privé ; la CCI créée en 1919 à son siège à Paris et se présente juridiquement comme une association régie par la loi française, mais elle est en réalité une institution internationale, constituée par la fédération de Comités nationaux formés dans 47 pays par des Associations de commerçants.

Une institution de type analogue est la Commission Interaméricaine d'Arbitrage Commercial (CIAAC- en anglais : IACAC) établie en 1933 par entente entre l'AAA et l'Union panaméricaine.

1-4- Institutions à compétence générale ou spécialisée :

Certaines institutions arbitrales s'intéressent sans distinction à tous les types possibles d'arbitrage.

D'autre institutions au contraire ne pratiquent que l'arbitrage de certains types de litiges.

C'est le cas par exemple de la Commission d'arbitrage maritime de l'ex-URSS qui ne traite que les arbitrages concernant le droit maritime.

De même le CIRDI ne s'occupe, en vertu de la Convention qui l'a créé, que d'une catégorie très spéciale d'affaires : les différends relatifs aux investissements qui naissent entre un Etat contractant et un investisseur ressortissant d'un autre Etat contractant.

1-5- Institutions liées à un groupement professionnel :

Dans d'autres cas, une institution arbitrale peut exister uniquement pour régler les litiges intervenant dans un certain commerce, portant sur des produits ou services déterminés auxquels on entend par là donner des facilités d'arbitrage.

De même, quelques institutions sont intégrées à des groupements professionnels exerçant un certain type de commerce : commerce de mer, banque, commerce des céréales, café, sucre...

L'existence de telles institutions spécialisées et liées à un groupement particulier, exclue dans les domaines concernés, la compétence des Chambres de commerce.

Cette spécialisation de l'arbitrage présente des avantages évidents, en particulier concernant les arbitrages de qualité.

Les arbitrages de qualité consistent à se prononcer sur la qualité de la marchandise livrée.

Les arbitres spécialisés dans un domaine particulier seront plus aptes à apprécier cette qualité et à modifier le prix en conséquence.

En outre, cet arbitrage spécialisé au sein de groupements professionnels permet plus facilement le développement des usages particuliers à une profession.

Par ailleurs l'exécution volontaire de la sentence obtenue par ce genre d'arbitrage sera plus aisée, car l'inexécution de la sentence pourrait compromettre la réputation commerciale de l'insoumis.

De surcroît l'arbitrage des associations professionnelles est parfois gratuit. Ce service est rendu à ses membres en contrepartie de leur cotisation annuelle.

Cependant il faut noter le danger de tels arbitrages ; le groupement professionnel risque d'être dominé par certains intérêts et de ne pas tenir la balance égale entre les différents intérêts en présence.

De plus, l'adoption de la clause compromissoire peut n'apparaître volontaire qu'en théorie puisque de la position de monopole acquise par de tels groupements professionnels, il en résulte seulement le choix de se soumettre à la clause compromissoire ou de renoncer à l'activité que le groupement contrôle totalement.

L'arbitrage risque dès lors de devenir la justice d'un trust.

2- Activité des institutions arbitrales :

2-1- L'arbitrage, mode d'aménagement des contrats :

De nombreuses institutions arbitrales ont désormais pour objet de compléter ou réviser les contrats.

Cette évolution a commencé dans les pays socialistes où les Commissions d'arbitrage peuvent aussi bien régler les conflits d'ordre économique que les conflits d'ordre juridique entre les entreprises du secteur collectivisé de l'économie.

Les Cours d'arbitrage ne se sont pas embarrassées de la distinction entre différents types d'arbitrage et prêtent leurs services pour l'adaptation des contrats aux circonstances, si les intéressés le leur demandent.

Ainsi, l'Association italienne pour l'arbitrage étend son activité à l'administration d'arbitrages libres (arbitrati liberi) où il existe une contestation juridique, mais où l'on demande à l'arbitre de statuer en se plaçant sur un plan purement contractuel.

2-2- Clauses compromissoires :

La compétence des institutions arbitrales, dont le rôle est d'organiser et administrer des arbitrages, se fonde parfois sur un compromis conclu après la naissance d'une contestation ; mais plus souvent, elle a pour origine une clause compromissoire.

Les organisations recommandent aux parties d'insérer dans leur contrat une formule de clause compromissoire prévoyant un arbitrage par l'organisation.

Cette façon de recourir à des contrats types est plus sûre.

En effet les commerçants, lorsqu'ils concluent un contrat, ne portent pas attention aux contestations qui pourraient en surgir.

S'ils insèrent dans le contrat une clause prévoyant l'arbitrage, elle devra être aussi brève que possible de sorte qu'elle ne prête pas à discussion.

Les commerçants n'entrevoient pas à ce moment la signification d'une telle clause, et ne sont pas disposés à perdre du temps en discutant les modalités d'organisation d'un arbitrage qui dans leur esprit n'aura jamais lieu.

2-2- Règlements d'arbitrage :

Afin de parfaire une bonne organisation de l'arbitrage, chaque institution d'arbitrage élabore un règlement auquel les parties ont simplement à faire référence dans leur clause compromissoire pour obtenir un arbitrage organisé conformément à des règles préétablies.

Sans référence à un tel règlement, la clause compromissoire, par définition incomplète, risque d'être muette quant à diverses questions.

Le délicat problème sera alors de savoir où rechercher les réponses à ces questions : dans la loi sans doute, mais laquelle lorsque l'on est en présence d'un litige de commerce international ?

Ceci montre l'intérêt flagrant de se référer à un règlement dont les dispositions peuvent être variées. Schématiquement, elles apportent des solutions à diverses questions lors du déroulement de l'arbitrage :

-Dans la définition de l'arbitrage, une distinction très nette a été opérée entre cette institution et la conciliation, or le "règlement de conciliation et d'arbitrage" de la CCI offre aux parties les services de la CCI pour réaliser entre elles un accord, et c'est seulement si cette tentative échoue que l'on passera au deuxième stade, celui de l'arbitrage.

On trouve des dispositions analogues dans les règlements d'autres institutions telle l'Association Italienne pour l'Arbitrage.

-Les règlements d'arbitrage organisent la constitution de la juridiction arbitrale.

Les arbitres ne sont pas en principe désignés dans la clause compromissoire ; la juridiction arbitrale est constituée ultérieurement conformément aux dispositions du règlement.

-D'autres dispositions traitent de la mise en oeuvre et de la procédure de l'arbitrage : le lieu de l'arbitrage, la vérification de la compétence des arbitres, le droit pour les parties de se faire assister par des juristes, le délai dans lequel la sentence doit être rendue, l'obligation ou la dispense de motiver la sentence...

Les sentences arbitrales sont rendues sous les auspices de l'institution arbitrale mais par des arbitres distincts de la Cour d'arbitrage qui est un simple organe administratif permanent de l'institution.

Le rôle de l'organisation n'est pas de statuer sur le litige qui lui est soumis ; mais de donner des facilités aux parties et à leurs arbitres à administrer l'arbitrage et d'en assurer la régularité.

Enfin les règlements comportent souvent des dispositions relatives aux frais de l'arbitrage et aux honoraires des arbitres.

Ces frais et honoraires sont souvent maintenus dans des limites modiques afin de favoriser l'arbitrage par rapport à la justice étatique.

Cependant l'arbitrage n'est plus meilleur marché s'il ne parvient pas à régler le litige et n'est que le prélude coûteux d'une procédure judiciaire.

Mais de telles procédures n'ont que peu de chances d'aboutir à l'annulation de la sentence car les institutions arbitrales exercent un contrôle efficace sur la régularité des arbitrages ; et il reste exceptionnel qu'une sentence rendue sous les auspices d'une institution arbitrale soit annulée par les tribunaux.

Depuis 60 ans, la CCI n'a vu invalider qu'une seule sentence alors que 85 % de ses sentences sont exécutées de façon volontaire.

En étudiant la jurisprudence, on se rend compte que les affaires mettant en cause une sentence concernent des arbitrages ad hoc.

2-3- Listes d'arbitres :

Les institutions arbitrales ne se bornent pas à proposer des règlements d'arbitrage et formules de clauses compromissoires. Elles facilitent la constitution des juridictions arbitrales en établissant des listes d'arbitres.

Cette pratique paraît avoir été inaugurée par la Cour permanente d'arbitrage de La Haye, constituée en 1899 pour régler les conflits entre Etats.

L'AAA propose plus de 21 000 noms alors que 15 seulement figurent dans la liste établie par la Cour d'arbitrage soviétique.

Le nombre très élevé d'arbitres proposés par l'AAA tient à la multiplicité des domaines dans lesquels elle offre d'organiser des arbitrages.

L'AAA s'intéresse en effet à tous types d'arbitrage : dans les rapports internes et internationaux, dans les conflits de travail comme ceux du commerce ou encore dans ceux provoqués par les accidents de la circulation.

Elle a donc émis une liste propre à chaque domaine.

Les conditions dans lesquelles les listes d'arbitres sont établies diffèrent selon l'institution arbitrale.

Certaines Cours arbitrales incluent dans leur liste des personnes de nationalités variées afin d'éviter une critique de partialité des arbitres surtout en cas d'arbitrage international. Quelques listes fournissent des informations détaillées quant à la personnalité des arbitres pour éclairer le choix des parties. Mais le plus souvent, les parties accordent leur confiance au Président de la Cour d'arbitrage qui choisira les arbitres les plus indiqués en l'espèce.

2-4- Multiplicité des règlements :

Cette multiplicité est due au fait que les institutions arbitrales ont agi indépendamment les unes des autres.

Après la seconde Guerre Mondiale les institutions, voulant améliorer la réglementation de l'arbitrage, ont établi ou modifié leurs règlements pour introduire telle ou telle disposition dont le modèle avait été découvert dans un autre règlement.

La CCI a ainsi élaboré un nouveau règlement en 1975 et l'Association Italienne pour l'Arbitrage en 1978.

Les règlements sont ainsi améliorés en tenant compte de l'expérience des uns et des autres. Il n'est cependant pas souhaitable que cette évolution mène à l'élaboration d'un règlement unique.

Il est nécessaire de continuer à considérer les différents types d'arbitrage, pour cette raison existe souvent, au sein d'une même institution arbitrale, plusieurs règlements.

C'est le cas flagrant de l'AAA (mais aussi de la CCI) qui s'est dotée d'une compétence fort variée qui nécessite des règlements divers, propres à chaque domaine.

CHAPITRE 3

ASPECTS PHILOSOPHIQUES ET POLITIQUES DE L'ARBITRAGE

L' attitude de chacun à l'égard de l'arbitrage est conditionnée par la conception qu'il a du droit.

Un auteur espagnol en fait la remarque : "Placé en face de l'arbitrage, il n'est aucun groupe de juristes qui n'éprouve une vive réaction soit pour soit contre cette institution ; et la meilleure manière de diagnostiquer quelle conception une personne a du droit est peut-être de lui demander en substance ce qu'elle pense de l'arbitrage car, selon qu'elle se déclarera pour ou contre, on aura ouvert le fond de sa pensée sur ce que le droit doit être véritablement.".

L'arbitrage met en cause les principes mêmes qui fondent la société.

L'arbitrage préfère négliger la sécurité des relations juridiques, et chercher à réaliser un autre type de justice, donnant la priorité à la bonne foi et, parfois, à l'idée de conciliation.

Les purs juristes "élevés" dans le culte du droit étatique se trouvent ainsi désorientés, choqués par la désinvolture avec laquelle l'arbitrage traite les règles de procédure, de preuve et même de fond qui paraissent aux juristes être les mieux conçues pour gouverner nos sociétés.

L'attitude à l'égard de l'arbitrage varie en considération des différents types ; dans le premier cas l'arbitrage peut être utilisé pour assouplir les règles de procédure judiciaire mais aboutit quant au fond, à régler la contestation comme le ferait le juge étatique.

Cet arbitrage ne s'oppose donc pas au droit étatique. La question est simplement de savoir si les tribunaux établis par l'Etat doivent se voir reconnaître un monopole pour administrer la justice.

Dans le second cas, on a recours à l'arbitrage pour obtenir un règlement de la contestation qui ne soit pas conforme au droit qui serait appliqué par les tribunaux.

Il s'agit alors de savoir si l'on peut admettre qu'il y ait une justice en dehors du droit reconnu par l'Etat.

Enfin, dans le troisième cas, l'arbitrage consiste seulement à compléter, mettre en oeuvre, ou adapter un contrat. La question est ici celle des limites que comporte l'autonomie de la volonté.

SECTION 1 ARBITRAGE ET MONOPOLE DES TRIBUNAUX

Lorsqu'il existe une contestation pour laquelle les tribunaux étatiques sont compétents, doit-il être permis aux particuliers d'exclure cette compétence et de choisir d'autres juges, ou l'administration de la justice doit-elle être réservée aux tribunaux établis par l'Etat ?

1- L'arbitrage, droit naturel des individus ? :

JOUSSE écrivait que "la manière de terminer les procès par la voie de l'arbitrage, est certainement la plus utile et la plus avantageuse pour le bien public. Ce devrait être la seule envisagée par les personnes raisonnables".

Ce contemporain de la Révolution a vu dans la possibilité de choisir leurs juges un "droit naturel" des citoyens.

La constitution de 1791 proclame que : "le droit des citoyens de terminer définitivement leurs contestations par la voie de l'arbitrage ne peut recevoir aucune atteinte par les actes du pouvoir législatif."(Titre III Ch.5 Art5).

Selon certains auteurs, la liberté pour les parties de recourir à l'arbitrage résulte des dispositions générales, de certaines constitutions, établissant le principe de liberté des contrats.

2- Les tribunaux, juges naturels des litiges ? :

Une autre conception n'admet pas que les tribunaux étatiques puissent voir porter atteinte à leur compétence.

Diverses Constitutions, ayant établi quels sont les organes du pouvoir judiciaire, refusent au législateur lui-même le droit d'établir des juridictions d'exception.

La Constitution italienne de 1948, par exemple, déclare dans son Article 102 "la fonction de juger est exercée par les tribunaux ordinaires institués et réglementés par les lois sur l'organisation judiciaire. Il ne pourra être institué des juges extraordinaires ou des juges spéciaux."

Elle édicte également à son Art.25 al 1 : "Nul ne peut être distrait du juge naturel établi par la loi".

En respect à ce droit naturel (droit inhérent) des juridictions établies à connaître des contestations, l'on a mis en doute le caractère constitutionnel des lois qui autorisaient et prétendaient régler l'arbitrage.

Sous l'empire de cette conception, il peut arriver que le législateur interdise l'arbitrage. On a envisagé de prendre une telle mesure en France en 1798, par réaction contre la faveur manifestée dans les années précédentes pour l'arbitrage;

Une résolution à cet effet, votée par le Conseil des 500 le 26 Floréal An VI (17 mai 1798) a été rejetée par le Conseil des Anciens le 19 Ventose An VII (9 mai 1799).

3- Arbitrage et principes d'organisation judiciaire :

La prérogative de justice de l'Etat est suffisamment sauvegardée si le "souverain" conserve un contrôle éminent sur la manière dont la justice peut être administrée par d'autres que lui sur son territoire.

Elle ne s'oppose donc nullement à l'arbitrage, mais demande seulement que celui-ci, sous ses diverses formes, soit soumis à un certain contrôle et soit ainsi, au moins dans une certaine mesure, intégré à l'organisation judiciaire étatique.

Ainsi on peut admettre, malgré l'idée que les litiges doivent être résolus par les tribunaux, que l'arbitrage est plus adapté à certaines situations.

Il est notamment souhaitable de recourir à d'autres procédés, à d'autres juges que ceux siégeant dans les tribunaux, dans trois séries de cas.

Le premier cas est celui où la contestation opposant deux parties ne concerne qu'une question de fait: quelles obligations ont été assumées par une personne, a-t-elle correctement exécuté ces obligations? La réponse à ces questions n'implique aucun rapport avec l'ordre juridique.

Le juge n'est par ailleurs, pas particulièrement qualifié pour apporter cette réponse et devra recourir à l'avis d'un expert. Alors, dans ce cas, pourquoi ne pas faire de cet expert un arbitre ?

Le deuxième cas, est celui où, selon le droit d'un Etat, le tribunal ne doit pas résoudre un litige en appliquant une règle de droit préétablie mais en considérant l'équité. Il est là encore possible, sans compromettre l'autorité du droit, de confier la décision à un arbitre. Pourvu que soit préservé le pouvoir des tribunaux étatiques de vérifier le respect des principes fondamentaux de justice dans l'organisation et le cours de l'arbitrage.

Le troisième cas, est celui des contestations relatives au commerce international. La compétence exclusive des juridictions étatiques est faible en ce domaine puisqu'elle n'existe qu'en raison de l'absence de juridictions internationales.

4- Suprématie du droit et arbitrage :

Dans les précédentes hypothèses, seule la compétence d'un arbitre était substituée à celle des tribunaux, mais l'arbitre était appelé à statuer comme l'aurait fait le juge.

Or la motivation fréquente du recours à l'arbitrage est de voire résoudre un litige autrement que le feraient les juges. On confère ainsi à l'arbitre un certain pouvoir d'écarter ou de corriger le droit.

En Italie, les Articles 113 et 114 du Code de Procédure Civile permettent aux parties de demander au juge de statuer selon l'équité.

En France, l'article 12 du Code de Procédure Civile admet que les parties confèrent au juge la mission de statuer en amiable compositeur.

Les mêmes dispositions peuvent ainsi être acceptées pour l'arbitrage tout en soulignant que l'éviction du droit étatique par l'arbitrage n'est jamais complète, l'arbitre ne peut être libéré de toute contrainte.

Une certaine latitude lui est seulement donnée pour corriger un droit strict qui demeure à la base de sa décision.

Les Etats conservent la haute main et le dernier mot quand se présente la question d'une exécution forcée sur leur territoire d'une sentence arbitrale. Une sentence ne sera pas exécutée sur le territoire d'un Etat si elle est contraire à son ordre public.

Les droits étatiques conservent donc une importance de premier plan.

SECTION 2 ARBITRAGE ET LIBERTE CONTRACTUELLE

Dans les pays d'économie libérale, le moteur même de l'économie est constitué par le principe de la liberté contractuelle.

L'arbitrage peut être une technique de formation et de régulation des rapports contractuels.

En nombre de cas, les parties ne se sont entendues que sur certaines bases et leur accord demande à être complété ; ou bien le contrat conclu est complet mais appelle certaines modifications ou adaptations aux circonstances.

Il est rare que la loi réglemente ce type d'arbitrage, car a concentré son attention sur le seul arbitrage visant à résoudre les contestations juridiques.

Cependant le droit italien a réglementé la technique de l'arbitraggio, puis la pratique a développé celle de l'arbitrage libre.

1-Arbitraggio :

La différence entre arbitraggio et arbitrato se trouve dans la différence de contenu du "mandat" conféré par les parties aux arbitres.

Dans l'arbitraggio les parties donnent au tiers arbitre la charge de déterminer un des éléments de leur négoce en formation, non encore perfectionné du fait du défaut de cet élément : elles lui confient donc la charge de compléter leur contrat. Alors que dans l'arbitrato, l'arbitre doit résoudre une controverse juridique à propos de ce contrat.

2- L'arbbitrato libero :

Dans l'arbitrage libre, l'arbitre est appelé à résoudre une controverse entre les parties à un contrat sans que à sa décision soit attribuée l'efficacité d'une décision de justice.

Même si l'arbitrage régi par les lois de procédure est plus sûr que celui régi par le droit des obligations (la décision que prononce l'arbitre en ce cas n'a que la valeur d'un contrat), les parties peuvent trouver avantage à se placer dans ce second cadre.

En matière de conflits internes, le Code de Procédure italien exigeait quand la contestation soumise à l'arbitre était de la compétence des tribunaux italiens, que les arbitres fussent italiens et que l'arbitrage eût lieu en Italie. La sentence arbitrale devait en outre être déposée dans les 5 jours, à peine de nullité, au greffe d'un tribunal italien (pretura) et ce dépôt rendait exigibles des droits d'enregistrement relativement élevés.

Pour éviter l'application de ces diverses règles, la pratique a organisé des arbitrages sur le fondement du seul droit civil, en renonçant aux avantages de la réglementation du Code de Procédure Civile ; on parle dans ce cas d'arbitrato libero ou d'arbitrato irrituale (arbitrage libre ou arbitrage dénué des formes).

Mais l'arbitre dans ces hypothèses ne formule pas un jugement ni ne résoud une controverse et sa décision ne fait qu'intégrer un rapport contractuel, elle n'est donc pas sujette aux annulations prévues par le NCPC pour les sentences arbitrales, mais à celles concernant les contrats nuls ou annulables.

SECTION 3 NATURE JURIDIQUE DE L'ARBITRAGE

1- Les difficultés de différenciation :

L' arbitre tient ses pouvoirs d'une convention privée, il relève donc du droit des contrats, cependant son activité est le plus souvent celle d'un juge.

Doit-on faire prévaloir l'origine de l'arbitrage ou sa finalité ?

La doctrine est partagée sur la nature contractuelle ou juridictionnelle de l'arbitrage.

L'arbitrage a une nature hybride, il a autant un caractère contractuel que juridictionnel ; ainsi l'on pourrait faire prévaloir l'un ou l'autre de ces caractères dans la réglementation de l'arbitrage, selon les exigences d'une question donnée.

Pour résoudre le problème de la nature juridique de l'arbitrage, on a cru possible de distinguer plusieurs types d'arbitrages et d'allouer aux uns une nature juridictionnelle et aux autres une nature contractuelle.

En France nous connaissons ainsi la distinction de l'arbitrage du Code Civil et de l'arbitrage du Code de Procédure Civile ; en Italie, on distingue pareillement arbitraggio (arbitrage régi par le Code civil) et arbitrato (arbitrage régi par le Nouveau Code de procédure civile).

La confusion n'a pas pour autant été éliminée car le critère choisi pour distinguer les différents types d'arbitrage n'est pas toujours le fait que l'arbitre ait ou non à résoudre une contestation juridique.

En Italie on distingue, dans le cadre de l'arbitrage reposant sur le droit des contrats, l'hypothèse où l'arbitre doit compléter un contrat (arbitraggio) et celle de l'arbitrage libre (arbitrato libero) où la question déférée à l'arbitre est une contestation juridique, que l'on pourrait parfaitement faire résoudre par les tribunaux ou déférer à des arbitres statuant en conformité du Code de Procédure Civile (arbitrato rituale).

De même en France, il faut beaucoup de finesse pour établir le partage entre l'arbitrage du Code Civil et celui du Code de Procédure Civile.

2- Le critère retenu par les droits nationaux :

Il est peu aisé de donner un critère déterminant de distinction entre les différents types d'arbitrage. En effet, on ne peut plus opposer l'activité de l'arbitre à celle d'un juge en considérant qu'il ne peut appartenir à ce dernier de parfaire ou de réviser un contrat. Le juge se voit aujourd'hui de plus en plus reconnaître un rôle actif dans la régulation des contrats, en complétant ceux-ci voir en les révisant au nom de la bonne foi.

Les solutions qu'a pu consacrer la jurisprudence, en Italie notamment, ont été inspirées de considérations diverses parmi lesquelles celle de la nature juridique de l'arbitrage n'a pas eu une influence décisive. En effet les différents droits n'ont pas utilisé cette distinction pour envisager une réglementation de l'arbitrage ; mais se sont plutôt orienté vers la distinction entre arbitrage de droit interne et arbitrage dans les rapports internationaux.

CHAPITRE 4

L'ARBITRAGE ET LE DROIT NATIONAL

SECTION 1 LA FRANCE : données historiques

1- Droit Romain :

Le droit Romain n'a jamais connu le principe de liberté contractuelle.

En conséquence la convention d'arbitrage et la sentence rendue par l'arbitre étaient sans effet de droit: la convention d'arbitrage n'excluait pas la compétence des tribunaux et l'inexécution de la sentence n'engendrait pas le paiement de dommages et intérêts.

Il était cependant possible de remédier à ce dernier point en stipulant une clause pénale consistant en une double promesse des parties et prévoyant le paiement d'une certaine somme par une partie qui ne se soumettait pas à l'arbitrage ou refusait d'exécuter la sentence rendue.

2- Edit de François II d'août 1560 :

Par faveur pour l'arbitrage, l'Edit fixe de nouvelles règles : le point le plus important est que l'arbitrage est rendu obligatoire pour les différends entre commerçants pour fait de leur commerce ; les conventions arbitrales sont dotées d'efficacité même si aucune clause pénale n'y est stipulée ; les recours contre les sentences sont rendus plus difficiles.

Mais les Parlements sont hostiles à l'arbitrage qui risque à la fois de réduire leurs fonctions et leurs revenus (système des épices) ; la réaction des Parlements est alors de tourner les règles de l'Edit en faisant enregistrer les sentences à leur greffe, ce qui leur permet un certain contrôle.

3- Révolution française :

L'arbitrage apparaît comme un droit naturel puisqu'a pour fondement la volonté des hommes et l'idée de contrat.

L'arbitrage est reconnu comme étant le moyen le plus raisonnable de terminer les contestations entre les citoyens.

Les constitutions de 1791 (Art.86) et de l'An III (Art.210), garantissent le droit constitutionnel des citoyens de recourir à l'arbitrage. Cette faveur pour l'arbitrage est une réaction de mépris de l'attitude des Parlements.

La Constitution de 1793 supprime les juges et les remplace par des "arbitres publics" élus tous les ans par les Assemblées électorales : l'arbitrage devient obligatoire et se substitue à la justice et au droit. Cette trop grande faveur pour l'arbitrage mène à sa juridictionnalisation.

En 1795 apparaît une réaction contre cette conception révolutionnaire de la justice et donc une grande défiance à l'encontre de l'arbitrage.

Ainsi dans le Code de Procédure Civile voté en 1806, l'arbitrage n'a pas disparu mais il est moins facile et plus rare : on ressent le désir d'en abolir l'usage.

4- La codification :

Dans le mouvement de défiance à l'égard de l'arbitrage l'on n'a pas su différencier l'arbitrage obligatoire de l'arbitrage conventionnel ; de sorte que le second n'est traité que comme une variante du premier.

Il en résulte que la sentence des arbitres n'acquiert un caractère obligatoire qu'après homologation par une ordonnance d'exequatur ; l'arbitrage n'étant en fait considéré que comme la première instance d'un procès qui se terminera devant les tribunaux.

Au XIX siècle s'accroît donc l'hostilité à l'égard de l'arbitrage. En effet, la codification favorise une confusion entre Droit et Loi et de ce fait aussi entre Droit et Etat : l'idée est désormais que l'Etat a le devoir et le pouvoir exclusif de juger les citoyens, ce qui va à l'encontre de la conception révolutionnaire de droit naturel.

La défaveur pour l'arbitrage a été jusqu'à la condamnation de la clause compromissoire par la Cour de Cassation dans un Arrêt du 10 juillet 1843.

Cependant la jurisprudence a ensuite tempéré sa condamnation en reconnaissant la validité des clauses compromissoires prévues dans les contrats intéressant le commerce international.

Enfin, les groupements commerciaux par leur pression, ont obtenu par une Loi du 31 décembre 1925 la reconnaissance de la validité de la clause compromissoire en matière commerciale. La clause demeure en revanche nulle dans les autres matières comme le confirme la Loi du 5 juillet 1972 dans l'Art.2061 nouveau du Code Civil.

5- Réforme de 1980 :

Le droit français de l'arbitrage a été profondément remanié par deux décrets constituant le Livre IV du Nouveau Code de Procédure Civile, intitulé "De l'arbitrage" (Art.1422 à 1486).

Ces textes de réforme reflètent un changement considérable d'attitude à l'égard de l'arbitrage. En fait, la réforme par le décret du 16 mai 1980 n'a fait qu'entériner l'esprit de faveur pour l'arbitrage déjà né chez les juges français.

Ainsi peut-on lire la constatation d'un magistrat dans un colloque en 1977 :

"Le développement du commerce, celui des relations internationales et la multiplicité des problèmes d'ordre technique, la crainte peut-être d'un travail trop abondant a poussé peu à peu les magistrats à une neutralité bienveillante qui s'est transformée en dernier lieu, sous l'impulsion de quelques très grands magistrats comme M. HOLLEAUX, en une aide ouverte... Cette coopération s'est produite surtout dans le domaine du droit international privé parce que le besoin s'en faisait particulièrement sentir et que l'absence de toute codification le permettait... Mais aussi en droit interne".

Malgré ce renouvellement de la réglementation de l'arbitrage, une grande incertitude règne toujours sur l'arbitrage envisagé comme une technique de régulation des contrats.

On ne sait toujours pas si l'on peut, et dans quelle mesure on peut, étendre la pratique de l'arbitrage au-delà des cas visés par le Code Civil. Ni même s'il est possible, en recourant à ce type d'arbitrage, de tourner la prohibition de la clause compromissoire qui demeure la règle dans le droit français.

SECTION 2 L'ITALIE

1- Le XIX siècle :

L'Italie a suivi une évolution historique comparable à la France quant à l'arbitrage.

L'arbitrage a été réglementé par le premier Code de Procédure Civile en 1865 (date correspondant à l'unification de l'Italie).

La codification étant postérieure, elle comporte quelques modifications par rapport au Code français:

L'arbitrage n'est pas comme en France, réglé dans un appendice à la fin du Code, mais au titre préliminaire dans un chapitre intitulé "Del compromesso" qui suit un chapitre "Della conciliazione".

Plus significative encore est la règle selon laquelle l'arbitre est libre de fixer la procédure de l'arbitrage, sous réserve des prescriptions à lui faites par les parties.

Un autre type d'arbitrage (arbitraggio) est réglé au Code Civil de 1865, comme en France, ce Code a seulement disposé que dans certains contrats on pouvait faire régler par la voie de l'arbitrage certains points qui étaient demeurés indéterminés dans l'accord des parties.

2- Le XX siècle : le Code de 1940 :

Un Nouveau Code de Procédure Civile entré en vigueur en 1942 a modernisé la réglementation de l'arbitrage : la clause compromissoire a été expressément autorisée et le régime des recours contre la sentence a été simplifié et amélioré.

Cependant ce Code, élaboré au temps du fascisme, est marqué, dominé par l'esprit totalitaire du régime qui n'admet pas que l'on restreigne la compétence de ses juges.

Ainsi l'arbitrage n'est admis que sous certaines conditions : les arbitres doivent être italiens et l'arbitrage avoir lieu en Italie si l'affaire pourrait ressortir de la compétence des tribunaux italiens.

De même, l'arbitrage n'est conçu qu'en droit de la procédure ; l'arbitrage y est dissocié de la conciliation, et figure dans un Livre IV du Code consacré aux procédures spéciales "procedimenti speciali".

Cependant, le Code continue à admettre à côté de l'"arbitrato secondo le norme di diritto" (arbitrage selon le droit), un arbitrage selon l'équité. Mais les arbitres ne rendent plus un jugement, ils formulent une simple opinion (lodo) laquelle ne deviendra sentence arbitrale qu'après ordonnance (decreto di esecutorietà) du juge.

3- Adaptations issues de la pratique :

La loi italienne contenait différentes dispositions qui ne convenaient pas à la pratique et notamment une règle selon laquelle les arbitres, à peine de nullité de leur sentence (le Code de 1865 avait la même règle mais ne prévoyait pas cette nullité), devaient déposer celle-ci, dans un délai très bref de 5 jours après son prononcé, au greffe du tribunal. La conséquence était le paiement de droits d'enregistrement importants.

Pour tourner cette règle et surtout ces frais, la pratique s'est placé sur un plan conventionnel et a demandé aux arbitres, non plus de juger mais de faire un contrat à la place des parties.

Ainsi l'arbitre réglait le litige en établissant, dans le cadre du Code Civil, un contrat nouveau au lieu de rendre une sentence.

3-1- Elargissement de l'arbitraggio :

La pratique a connu quelques difficultés pour faire admettre ce type d'arbitrage car le Code Civil avait pu avoir l'intention de limiter cette technique à certains types de contrat.

Mais la doctrine et la jurisprudence italiennes ont tourné la difficulté en refusant de différencier les types de contrat et en admettant l'arbitrage pour tous.

Ainsi dans tous les contrats, nommés ou innomés, les parties peuvent se borner à conclure un accord de base et confier à un tiers la t‚che de compléter et préciser les modalités de cet accord.

Cependant cette pratique admise de la transaction en blanc (transazione in bianco) comporte le risque que le tiers abuse de la situation. Alors même que les parties auront des difficultés à prouver que l'arbitre a outrepassé ses pouvoirs ou qu'il a pris une décision inique.

L'arbitraggio a indiscutablement connu une extension de son domaine par l'entrée en vigueur en 1942 du Nouveau Code Civil de 1940 qui confirme la position de la doctrine et de la jurisprudence.

L'Art.1349 au Titre "Des contrats en général" pose un principe général, sous la rubrique "Détermination de l'objet", en disposant :

"Si la détermination de la prestation qui fait l'objet du contrat a été laissée à un tiers, et s'il n'apparaît pas que les parties aient voulu s'en remettre à la décision entièrement discrétionnaire (mero arbitrio) de ce tiers, le tiers doit procéder à une appréciation équitable.

Si la détermination par le tiers fait défaut ou si elle est manifestement inique ou erronée, la détermination est faite par le juge.

La détermination abandonnée à l'entière discrétion du tiers ne peut être attaquée, si ce n'est en prouvant sa mauvaise foi.

Si la détermination par le tiers fait défaut et que les parties ne s'entendent pas pour remplacer le tiers, le contrat est nul."

3-2- Arbitrato libero :

La pratique de l'arbitraggio est autorisée pour compléter tous types de contrat, mais peut-elle être employée pour résoudre une contestation juridique, étant donné que cette hypothèse particulière a été spécialement envisagée par le législateur, lequel a dans le Code de Procédure Civile établi un régime propre pour l'arbitrage (arbitrato). La terminologie employée illustre bien la difficulté.

On ne parle plus ici d'arbitraggio et on reconnaît que l'on entend écarter les règles de l'arbitrage prévu au Code de Procédure Civile (arbitrato rituale, processuale) en qualifiant l'arbitrage que l'on organise d'arbitrage libre, improprement dit ou dégagé des formes (arbitrato libero, improprio, irrituale).

Pour plus de sûreté on évite même la terminologie employée par le Code de Procédure Civile : on qualifie l'arbitre de tiers ou de prud'hommes (terzo ; probiviro) et on leur demande de formuler une décision (decisione) ou de donner une réponse (responso - dans le sens de réponse donnée par l'oracle) à la question à eux posée, non de rendre une sentence (lodo).

L'arbitrato libero vise ainsi à résoudre une contestation sur la base du pur droit civil, en écartant les règles de l'arbitrage prévu au Code de Procédure Civile.

La Cour de Cassation a, au début du siècle, approuvé cette pratique par un Arrêt du 27 décembre 1904. Le tribunal de Milano avait annulé la convention entièrement nouvelle créée entre les parties par l'arbitre, au motif qu'il s'agissait en fait d'un arbitraggio et que celui-ci ne satisfaisait pas aux conditions impérativement requises par le Code. La Cour d'Appel de Milano infirma ce jugement et la Cour de Cassation de Torino (à l'époque existaient encore plusieurs Cours de Cassation) rejeta un pourvoi formé contre cet arrêt. En effet, lorsque deux personnes peuvent s'entendre l'une avec l'autre pour résoudre une contestation à l'amiable ; rien ne les empêche de demander à un tiers, qui jouit de leur confiance, d'opérer ce règlement. Rien dans la loi n'interdit d'exclure la dernière phase (demande d'exequatur au juge) et de placer tout l'arbitrage dans le champ du droit privé.

Malgré les diverses controverses doctrinales, cet arrêt de 1904 a fait jurisprudence : la légitimité de l'arbitrage libre n'est plus contestée aujourd'hui en droit positif italien.

De plus le Code de la navigation de 1942 y fait expressément référence, en disposant dans son Art.619 al.2 que les parties ont le choix de recourir à un arbitrage libre ou à un arbitrage du Code de Procédure Civile.

L'arbitrage libre est de nos jours la forme d'arbitrage la plus pratiquée en Italie.

Elle l'est dans les rapports internes mais aussi dans les rapports du commerce international. Ainsi les accords passés par l'Associazione italiana per l'arbitrato avec des centres d'arbitrage étrangers, prévoient que l'arbitrage visé est aussi bien l'arbitrage libre que l'arbitrage proprement dit.

4- La Loi nouvelle du 5 janvier 1994 :

La constatation d'un large développement de l'arbitrage dans toutes les législations nationales mais aussi dans le droit international, a mené le législateur italien a adopter un texte de réforme de l'institution.

En effet, la réglementation précédente n'était pas assez complète pour permettre l'épanouissement de l'arbitrage en Italie ; et n'était pas assez souple ce qui a conduit au développement de pratiques "sauvages" tels l'arbitrage libre.

Une grande faveur pour l'arbitrage a ainsi vu le jour par la loi de réforme n_ 25 du 5 janvier 1994 entrée en vigueur le 17 avril 1994.

Ce texte contient beaucoup de similitudes avec les textes préexistants dans les différents droits, notamment les droits français et suisses qui se sont d'ailleurs tous deux inspiré de la loi uniforme de la CNUDCI lors de leur réforme respective.

CHAPITRE 5

L'ARBITRAGE ET LE DROIT INTERNATIONAL

Le plus fréquemment les contrats, les rapports de droit présentent de nos jours un caractère international.

Les contrats comportant un élément international contiennent le plus souvent une clause compromissoire prévoyant le règlement par arbitrage des contestations auxquelles pourra donner lieu leur exécution.

L'arbitrage qui se rapporte à un contrat international appelle l'application du droit international, car l'arbitrage même va comporter des éléments d'extranéité par le lieu où il devra se dérouler, la nationalité des arbitres, le lieu où la sentence sera rendue et celui où elle devra être exécutée.

Or il existe actuellement deux types de droit international :

Le premier est constitué par les règles que chaque pays estime appropriées aux rapports internationaux. Il s'agit donc d'un droit national édicté par chaque Etat, donc différent dans chaque pays.

Le second est un droit international pur reconnu dans les rapports entre deux ou plusieurs Etats.

L'importance d'avoir un apperçu sur le droit international de l'arbitrage réside dans le fait qu'il est à l'origine de nombreuses règles adoptées par les différents droits nationaux.

SECTION 1 LES DROITS NATIONAUX ET L'ARBITRAGE INTERNATIONAL

L'arbitrage comportant un élément d'extranéité pose divers problèmes.

D'abord la question est de savoir quelle sera la loi applicable pour apprécier la validité de la convention d'arbitrage, la régularité de la constitution de la juridiction arbitrale et la validité de la procédure et de la sentence rendue.

Ensuite la question est celle du régime applicable aux conventions , sentences et procédures soumises à un droit étranger.

Enfin, dans un pays donné, applique-t-on les mêmes règles pour un arbitrage international que pour une question n'affectant que des relations d'ordre interne.

1- Loi applicable à l'arbitrage :

Le premier problème à résoudre face à un arbitrage présentant un caractère d'extranéité, est celui de la loi qui doit régir cet arbitrage.

Il n'existe à cet égard aucun principe de solution : l'arbitrage ayant une nature hybride (mi-contractuelle, mi-juridictionnelle), ce thème n'a guère été abordé par les différents pays concernant les règles de conflit de lois.

La seule chose qui soit nette est l'existence, dans chaque Etat, de la réserve de l'ordre public.

Une convention arbitrale n'a d'effet, l'activité des arbitres n'est autorisée, l'exécution d'une sentence n'est imposée que si cette convention, cette activité, cette sentence ne sont pas en contradiction avec l'ordre public tel qu'il est conçu dans l'Etat du juge.

Sur ce principe, l'accord règne ; mais quant à ses conséquences, on retrouve la diversité des conceptions selon les Etats.

2- Règles propres aux arbitrages internationaux :

Il faut ici admettre que les concepts et règles d'un droit national subissent certaines distorsions quand on se trouve dans la sphère des rapports internationaux.

C'est ainsi qu'en maints pays a été reconnue la nécessité d'admettre au sein du droit national, une dualité de régimes pour rapports de droit internes et rapports de droit internationaux.

En effet, les dispositions du droit national ont été établies en considérant les arbitrages dépourvus d'élément d'extranéité ; ainsi la circonstances qu'il s'agisse de rapports internationaux va conduire à des adaptations.

Il s'agit de faire coexister dans chaque Etat un droit traditionnel et un droit moderne ; l'idée qui inspire cette dualité est le fait que les règles de droit qui conviennent dans les rapports entre membres d'une même communauté, ne correspondent pas nécessairement aux rapports entre personnes qui appartiennent à des communautés différentes.

Il existe de bonnes raisons pour soumettre l'arbitrage international à un régime particulier, plus libéral que l'arbitrage des contestations d'ordre national interne;

Dans les rapports de droit interne, l'utilité de l'arbitrage peut paraître contestable ; il existe pour ces conflits un droit national bien établi et des juridictions dont la compétence est certaine.

L'arbitrage en tel cas peut même paraître suspect, parce qu'il peut être utilisé pour écarter l'application du droit, tel que les dirigeants l'ont établi en conformité de leur conception de la justice et pour assurer le succès d'une certaine politique. L'on peut ainsi concevoir que l'arbitrage dans les rapports de droit internes, puisse être vu avec une certaine réticence.

Tout autre est la situation dans le cas des rapports internationaux pour la simple raison que l'on ne trouve ici ni une organisation judiciaire centralisée ni un droit uniforme incontesté.

Le décret du 16 mai 1980, qui a réformé en France le droit de l'arbitrage n'a pris en considération que les arbitrages nationaux ; mais a été complété le 12 mai 1981 par un second décret concernant l'arbitrage international et les sentences étrangères.

De même, une nouvelle Loi du 5 janvier 1994 a vu le jour en Italie à ce double sujet.

Les auteurs ont en effet toujours considéré que les dispositions existantes relatives à l'arbitrage ne devaient pas être appliquées sans réserve dans le cas de l'arbitrage international.

La jurisprudence française, sans attendre une réforme du droit, avait pris en maintes occasions la même position.

En Italie, G. BERNINI énumère 7 différences fondamentales entre le régime qui valait pour l'arbitrage de droit interne et les solutions consacrées par la jurisprudence en matière d'arbitrage international.

Les Lois nouvelles consacrent ainsi ces diverses solutions ; en effet, "les nécessités du commerce international sont exclusives d'un juridisme étroit".

SECTION 2 LE DROIT INTERNATIONAL CONVENTIONNEL DE L'ARBITRAGE

Est apparue la nécessité d'une unification du droit qui pourrait être accomplie par le biais de l'arbitrage.

En effet, il faut faire en sorte que les juridictions des divers Etats appliquent les mêmes règles de droit à un rapport de droit international donné.

Pour y parvenir, il faut unifier au plan international les règles de conflit de lois ou les règles de fond. Cependant les gouvernements ne parviennent pas à coopérer les uns avec les autres pour organiser la société internationale.

A défaut d'un accord sur les règles uniformes qui seraient appliquées par les juridictions des divers Etats, on peut tenter de réaliser l'accord sur une procédure propre à régler les contestations du commerce international.

Le commerce international a principalement porté ses efforts en ce sens en considérant l'arbitrage.

Il s'est efforcé d'obtenir une entente entre les différents pays quant aux conditions dans lesquelles les conventions d'arbitrage seraient dotées d'efficacité, les procédures arbitrales menées, les sentences rendues.

Le régime législatif ou jurisprudentiel des divers Etats a ainsi été écarté par un droit international conventionnel accepté et mis en vigueur dans plusieurs pays.

L'avenir de l'arbitrage dépend à présent du perfectionnement de ce droit international conventionnel et de l'élargissement du cercle des Etats-membres.

1- Les Conventions de GENEVE de 1923 et de 1927 :

La Société des Nations, constituée par le Traité de VERSAILLES en 1919, avait pour rôle essentiel d'améliorer les rapports entre les Etats ; et considérait qu'elle n'avait pas à s'occuper des rapports, même internationaux, entre les particuliers.

Il était pourtant tentant pour le commerce international de recourir à cette institution nouvelle pour sortir de l'impasse où il se trouvait du fait de la nationalisation des droits.

Ainsi deux Conventions internationales ont été conclues en matière d'arbitrage sous l'égide de la Société des Nations.

1-1- Le Protocole de GENEVE du 24 septembre 1923 relatif aux clauses d'arbitrage :

Ce protocole n'a que l'objet limité de faire reconnaître par les Etats la validité du compromis et de la clause compromissoire.

Le protocole ne prétend pas énoncer les principes d'un jus gentium de portée mondiale ; il vise seulement à améliorer les rapports entre ressortissants des Etats-membres.

Lorsqu'une convention arbitrale a été conclue, les tribunaux des Etats contractants, doivent se déclarer incompétents et refuser de trancher les questions regardant la validité de la clause compromissoire ou du compromis.

En outre, les Etats contractants s'engagent à faciliter les actes de procédure qui doivent intervenir sur leur territoire et à assurer l'exécution des sentences arbitrales rendues sur leur territoire.

Ce protocole a été très largement ratifié en Europe. Mais certains pays comme la France ont fait une déclaration limitant leur obligation aux contrats regardés comme commerciaux par leur loi nationale.

1-2- La Convention de GENEVE du 26 septembre 1927 pour l'exécution des sentences arbitrales étrangères :

Elle est complémentaire au Protocole de 1923 en ce que ce dernier ne traitait pas de l'exécution des sentences rendues à l'étranger.

La Convention de 1927 n'est ainsi ouverte qu'aux Etats liés par le Protocole et s'applique aux seules sentences rendues à la suite d'une convention arbitrale visée par le Protocole, donc entre personnes soumises à la juridiction d'Etats contractants différents et sur un territoire relevant de l'un des Etats contractants.

La Convention pose le principe que ces sentences doivent recevoir exécution dans tous les Etats contractants.

2- La Convention de NEW-YORK de 1958 :

Les Conventions de GENEVE constituaient un premier pas en vue de l'élaboration d'un droit international de l'arbitrage ; mais n'avaient réalisé qu'un progrès limité.

Or les Etats avaient pris conscience peu à peu qu'un ordre économique anarchique ou injuste pouvait constituer une menace pour la paix et ont reconnu l'importance de l'arbitrage pour le commerce international.

Sur l'initiative de la CCI, l'Organisation des Nations Unies décida de reprendre les efforts déployés par la S.D.N. Son Conseil Economique et Social (ECOSOC) chargea un comité d'experts d'étudier la question.

De ses travaux est issue la Convention de NEW-YORK du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères.

En dépit de son titre la Convention reprend les dispositions des Conventions de GENEVE.

La Convention dispose que dès qu'une convention arbitrale est faite par écrit, les Etats sont tenus de lui donner effet.

La Convention est applicable, dans tous les Etats liés par cette Convention, dès lors que la sentence dont l'exécution est demandée a été rendue dans un Etat étranger ; il n'y a pas à se demander si les parties sont de nationalités différentes ni si la sentence a été rendue sur le territoire d'un Etat partie à la Convention, ni même si elle est regardée dans tel ou tel pays comme sentence nationale.

Cependant, pour obtenir davantage de ratifications, la Convention a dû introduire deux possibilités de réserve.

Selon la première réserve, un Etat peut limiter son engagement aux seuls sentences rendues sur le territoire d'un autre Etat contractant.

La seconde réserve, adoptée par la France, permet aux Etats de limiter leur engagement aux rapports de droit considérés comme commerciaux par leur droit national.

La Convention a refusé la réserve qui permettrait à un Etat de ne pas appliquer la Convention à des sentences considérées comme nationales.

En Italie, cependant, la question s'est posée à plusieurs reprises aux tribunaux de savoir si la Convention de NEW-YORK avait pour conséquence d'abroger la règle qui dans le droit italien interdisait de stipuler un arbitrage à l'étranger entre des citoyens italiens.

Deux jugements ont refusé de donner une telle portée à la Convention de NEW-YORK, dans deux espèces où des citoyens italiens avaient prévu que leur litige serait résolu par la London Corn Trade Association à LONDRES dans un cas, à HAMBOURG par la Chambre arbitrale de cette ville dans le second cas

Le Tribunal de MILANO déclara qu'il serait "dépourvu de sens qu'un Etat renonce à son pouvoir de juridiction sur ses propres nationaux par l'effet de son adhésion à une Convention internationale".

La Cour de Cassation d'Italie, cependant, a été d'un autre avis.

Trois arrêts, au moins, rendus par ses sezioni unite (Chambres réunies), ont posé avec netteté le principe que toute sentence rendue dans un pays étranger était couverte par la Convention de

NEW-YORK, même si elle était intervenue dans les rapports entre deux italiens.

La Loi nouvelle de 1994 modifie l'Art.800 du Code Civil en élargissant la notion d'arbitrage international et permettant qu'il ne concerne que deux ressortissants italiens.

3- La Convention Européenne de 1961 :

Elaborée par un groupe de travail spécial sur l'arbitrage sous les auspices du Comité pour le développement du commerce de la Commission économique pour l'Europe des Nations Unies à GENEVE ; la Convention européenne sur l'arbitrage commercial international a été adoptée le 21 avril 1961.

Cette Convention marque de très importants progrès quant au fond : en précisant les effets de la convention arbitrale et quelle juridiction est compétente pour prononcer l'annulation d'une sentence arbitrale et les motifs possibles de cette annulation.

La Convention de NEW-YORK devait, à l'origine, s'occuper exclusivement de l'exécution des sentences arbitrales ; au contraire la Convention de 1961 a été dès l'origine conçue comme devant concerner tout le développement de l'arbitrage, de la conclusion de la convention arbitrale à l'exécution ou l'annulation de la sentence.

4- Une Convention régionale : la Loi Uniforme du Conseil de l'Europe :

L'Institut international de ROME pour l'unification du droit privé (UNIDROIT) a proposé aux Etats le 20 janvier 1966 "une Convention européenne portant Loi uniforme en matière d'arbitrage".

Cette Loi n'a guère d'intérêt que pour les arbitrages ad hoc, car elle renferme des dispositions déjà prévues de façon efficace par les règlements d'arbitrage.

Cette Convention n'a été signée que par l'AUTRICHE et la BELGIQUE et seule cette dernière l'a ratifiée.

L'avenir de cette loi uniforme paraît assez sombre : il n'est pas question que le ROYAUME UNI l'adopte et l'ALLEMAGNE a fait savoir qu'elle trouvait sa propre législation excellente et ne nécessitait pas de modifications.

Cependant la SUISSE, l'ITALIE et la FRANCE ont renouvelé leurs dispositions relatives à l'arbitrage en tenant compte des dispositions et principes fondamentaux énoncés par la loi uniforme.


PARTIE 1 LA CONVENTION ARBITRALE

Pour faire trancher leurs litiges par des arbitres qu'elles auront choisis, les parties doivent exprimer, avec le moins d'ambiguïté possible, leur consentement dans un "contrat arbitral".

Celui-ci confère à l'arbitrage un fondement contractuel qui, seul, permet l'engagement d'un "procès arbitral", exerce une influence considérable sur le déroulement de ce procès, et contribue à faire de la sentence arbitrale un acte qui, tout en départageant les parties, conserve des traits propres à l'arbitrage.

Le contrat arbitral est donc à l'origine de l'arbitrage, mais ses effets se manifestent jusqu'à la fin de la procédure.

CHAPITRE INTRODUCTIF A LA CONVENTION ARBITRALE

SECTION 1 NOTIONS DE COMPROMIS ET CLAUSE COMPROMISSOIRE

1- Notions :

Le contrat arbitral se conclut soit par la clause compromissoire, soit par le compromis :

La clause compromissoire est "la convention par laquelle les parties à un contrat s'engagent à soumettre à l'arbitrage les litiges qui pourraient naître relativement à ce contrat" (Art.1442 Nouveau Code de Procédure Civile français.).

Le compromis, quant à lui, est "la convention par laquelle les parties à un litige né soumettent celui-ci à l'arbitrage d'une ou plusieurs personnes" (Art.1447 NCPC).

Comme la clause compromissoire, le compromis est une convention d'arbitrage qui prévoit, en cas de litige, le recours à la procédure arbitrale.

Les notions adoptées par les articles 806 et 808 NCPC italien sont similaires et n'appellent aucune remarque particulière.

2- Critères de différenciation :

La différence fondamentale apparaît dans la définition des "parties" : la clause compromissoire est conclue par des "parties à un contrat", le compromis est signé par les "parties à un litige né".

Le critère essentiel de distinction est donc la réalisation du litige, dont les deux conventions d'arbitrage ont pour objet de prévoir la résolution.

La clause compromissoire envisage de résoudre un litige futur et même éventuel ; le compromis a pour objet de résoudre un litige survenu dans le passé ou dans le présent, en tout cas né et actuel.

La clause compromissoire est "un contrat dans un contrat", un dispositif interne, inséré et intégré dans le contrat, par lequel les parties s'engagent à résoudre un litige qui pourrait naître relativement à ce contrat (Art. 1442 NCPC).

Le compromis, en revanche, est un "contrat hors du contrat", dont l'origine est le litige qui oppose les parties, et qui n'est rattaché qu'indirectement aux relations contractuelles qu'elles ont nouées ; il s'apparente à un acte introductif d'instance.

Les législations nouvelles placent désormais le compromis et la clause compromissoire sur un pied total d'égalité dans leurs effets.

Leur seule distinction, indépendamment des modalités propres à chacune, est le moment où elles interviennent dans le rapport des parties.

Le droit italien établit la même différenciation entre compromis et clause compromissoire.

Le compromis fait référence à une controverse déterminée, déjà survenue entre les parties ; la clause compromissoire est relative à des controverses éventuelles, la spécification de l'objet étant donnée par référence au contrat dans lequel la clause est insérée.

SECTION 2 AUTONOMIE DE LA CLAUSE COMPROMISSOIRE

1- La difficulté de la situation :

Souvent le litige survenu entre les parties met en cause le point de savoir si le contrat conclu entre les parties est ou non valable ou s'il n'a pas été résolu.

La difficulté naît alors lorsque l'arbitrage est prévu par une clause compromissoire insérée dans le contrat.

Lorsqu'une partie allègue que le contrat est nul ou qu'il a cessé d'exister, la clause compromissoire y contenue, peut-elle encore recevoir effet ou doit-elle être invalidée ?

Le problème est celui de savoir si l'on doit considérer que la clause compromissoire doit suivre le sort du contrat principal ou si la clause peut recevoir une autonomie au regard de ce contrat principal, lui permettant de survivre à l'inexistence ou nullité du contrat.

Il est certain que rien ne s'oppose à ce que les parties concluent une convention d'arbitrage par un acte séparé du contrat principal.

En ce cas, la nullité du contrat principal ne crée pas de difficulté pour la mise en oeuvre de la convention d'arbitrage qui est indépendante.

La difficulté apparaît du fait que le plus souvent, l'engagement de se soumettre à l'arbitrage se présente comme une simple clause d'une convention à portée plus générale.

Même en ce cas, des arguments pertinents conduisent à reconnaître l'autonomie de la clause compromissoire.

L'individualité propre de la clause compromissoire est évidente lorsque la clause a fait l'objet d'une approbation spéciale ou lorsqu'elle prévoit expressément son application aux contestations ayant trait à la nullité ou à la résolution du contrat.

Mais demeure le cas fréquent où la clause compromissoire est rédigée en termes généraux et ne précise pas les contestations concernées.

Souvent les parties se contentent de prévoir l'arbitrage "pour toutes contestations venant à naître du présent contrat".

2 - L'admission du caractère autonome :

La clause compromissoire a, comme le compromis, nature et contenu contractuel puisque par la stipulation de cette clause les parties s'engagent à donner aux arbitres, au travers de l'acte de désignation, le pouvoir de décider de la controverse.

La clause compromissoire a également un caractère autonome au regard du rapport de droit auquel elle se rapporte ; il en découle que les vices afférents au contrat ne s'étendent pas nécessairement à la clause, laquelle conserve toute son opérativité.

Les conditions de validité et d'efficacité de la clause sont considérées de façon autonome par rapport à celles du contrat. En effet, les conditions requises pour un n'ont ni influence ni répercussion sur les autres (est exclue l'application de l'Art. 1419 Code Civil italien).

La récente loi italienne sur l'arbitrage en dispose désormais ainsi expressément.

Ceci n'empêche pas évidemment que le vice afférent au contrat puisse être de nature telle, par exemple incapacité d'une partie, à atteindre aussi la clause compromissoire insérée dans le même acte.

La loi nouvelle a expressément consacré le principe de l'autonomie de la clause compromissoire ; le dernier alinéa 3 de l'Art 808 NCPC italien, a opportunément prévu que le pouvoir de stipuler le contrat contient le pouvoir d'y insérer une clause compromissoire.

De même la première innovation du décret français du 14 mai 1980, dont les dispositions ont été intégrées dans le nouveau Code de procédure civile, réside dans la formulation de son Titre 1 : "Les conventions d'arbitrage" ; celui-ci énonce que la clause compromissoire et le compromis relèvent du même type d'acte juridique.

Celui-ci consiste, pour les parties, à s'engager à recourir à la procédure d'arbitrage pour résoudre leurs litiges.

Ainsi, la consécration, par le décret, de l'expression générique "convention d'arbitrage", montre que la clause compromissoire, au même titre que le compromis, constitue désormais un engagement autonome, et non pas le simple accessoire d'un contrat, comme l'indiquerait le substantif "clause".

Désormais, la clause compromissoire est conçue comme une convention d'arbitrage complète, qui va permettre aux parties signataires d'engager directement la procédure d'arbitrage sans être obligées de conclure, préalablement, un compromis. Sur ce point, le droit n'a fait qu'intégrer au plan national un principe déjà énoncé et affirmé en matière d'arbitrage international.

En effet, l'arrêt Gosset de la Cour de Cassation française affirmait déjà en 1963, que"en matière d'arbitrage international l'accord compromissoire, qu'il soit conclu séparément ou inclus dans l'acte juridique auquel il a trait, présente toujours, sauf circonstances exceptionnelles..., une complète autonomie juridique, excluant qu'il puisse être affecté par une éventuelle invalidité de cet acte".

Il s'agit là encore de la démonstration que le droit de l'arbitrage interne fini par calquer sa réglementation sur le droit international, plus adapté à l'institution.

SECTION 3 VALIDITE DE PRINCIPE DE LA CONVENTION D'ARBITRAGE

1- Les réticences des droits nationaux :

La possibilité de recourir à l'arbitrage est admise dans tous les droits nationaux. Ceux-ci peuvent poser des conditions plus ou moins strictes pour donner effet aux conventions arbitrales mais aucune n'interdit l'arbitrage de façon complète.

La convention arbitrale était traditionnellement, par excellence, le compromis.

Le compromis intervient pour donner sa solution à une contestation déjà née.

Au XIX siècle, l'arbitrage a commencé à être prévu avant la naissance de tout litige au moyen d'une clause compromissoire insérée dans le contrat.

D'abord accueillie avec réserves, la clause compromissoire est aujourd'hui admise dans presque tous les pays.

Il existe cependant des résistances à sa reconnaissance, en France la clause compromissoire est en principe interdite par l'Art. 2060 Code Civil, mais ce principe comporte d'importantes exceptions : la clause est notamment valable en matière commerciale et dans les rapports internationaux.

Il existe de bonnes raisons pour établir une réglementation différente en ce qui concerne compromis et clause compromissoire.

Le problème de savoir si les parties ont donné un véritable consentement à l'arbitrage se pose différemment dans les deux cas.

Ainsi certains pays exige que le consentement des parties soit réitéré au moment de mettre en oeuvre l'arbitrage. Mais ceci est critiquable car il s'agit précisément du moment où les parties sont en désaccord concernant leur contrat.

2- Validité de principe reconnue par le droit international conventionnel :

L'arbitrage est vite apparu comme un instrument nécessaire, ou du moins fort utile au commerce international.

Diverses conventions internationales ont été conclues, dont l'objet premier a été de faire reconnaître par les Etats la validité de la clause compromissoire quand elle était relative à un litige du commerce international.

Le Protocole de GENEVE de 1923, dispose à son Art. I : "Chacun des Etats contractants reconnaît la validité du compromis ainsi que de la clause compromissoire par laquelle les parties à un contrat s'obligent... à soumettre en tout ou partie les différends qui peuvent surgir dudit contrat à un arbitrage, même si ledit arbitrage doit avoir lieu dans un pays autre que celui à la juridiction duquel est soumise chacune des parties au contrat."

La Convention de NEW-YORK de1958 (Art. 2) réaffirme le même principe.

Ces conventions permettent toutefois la réserve selon laquelle les Etats s'autorisent à n'appliquer la Convention qu'aux différends issus de rapports de droit considérés comme commerciaux par leur loi nationale.

La Convention de NEW-YORK introduit une précision quant à la forme de la convention : l'on doit reconnaître la convention arbitrale lorsqu'elle a été faite par écrit ; toutefois dans les rapports entre pays dont les lois n'imposent pas la forme écrite à la convention d'arbitrage, la Convention impose de reconnaître la validité de ces conventions conclues dans les formes prévues par ces lois.

Mais a contrario, on ne peut exiger davantage que la rédaction d'un écrit signé par les parties ; ne pouvait donc pas être imposé, sur le plan international, le système italien de la "doppia firma".

Ces diverses Conventions obligent les Etats à reconnaître la validité des conventions arbitrales.

Cependant chaque Etat conserve le pouvoir de régler comme il l'entend les conventions arbitrales en posant des conditions qui concernent la capacité et le pouvoir de compromettre, la nature des contestations pouvant être soumises à l'arbitrage et les exigences de leur ordre public.

C'est en effet seulement lorsqu'une convention valable selon un certain droit national a été conclue, qu'il peut exister, aux termes des Conventions, une obligation internationale de "reconnaître" cette convention.

Pour plus de portée, il eût été préférable que les Conventions réglementassent quant au fond la matière de l'arbitrage en se transformant en Lois uniformes.

CHAPITRE 1

LE DROIT DE COMPROMETTRE

SECTION 1 CAPACITE DE COMPROMETTRE

La question est de savoir quelle capacité est nécessaire pour pouvoir compromettre : capacité d'ester en justice ou capacité de disposer ?

la réponse est fonction de l'optique que l'on a de l'arbitrage.

Si l'arbitrage est considéré comme une simple procédure qui aboutit à la stricte application du droit, à la même solution que celle qu'aurait donné un tribunal étatique ; alors la capacité requise sera celle d'ester en justice.

En revanche si l'arbitrage peut aboutir à une solution autre que celle qui serait donnée par un tribunal étatique, la capacité requise sera celle de disposer du droit qui va être soumis à la juridiction arbitrale.

Les législateurs des régimes juridiques français et italien, ont adopté cette seconde solution en énonçant que les parties peuvent compromettre sur les droits dont elles ont la libre disposition.

La capacité de conclure une convention arbitrale est une matière qui relève de la loi personnelle de chacun des Etats contractants. Il dépend donc de chaque Etat de dire s'il est permis ou non à ses sujets de stipuler une convention arbitrale.

1- Le droit français :

L'article 2059 NCPC (loi n_ 72-626 du 5 juillet 1972) définit ainsi la capacité de compromettre: "toutes les personnes peuvent compromettre sur les droits dont elles ont la libre disposition".

Il faut donc, pour procéder à l'arbitrage, avoir la capacité générale de contracter et la libre disposition du droit qui fait l'objet du compromis.

Les personnes incapables de conclure une convention d'arbitrage sont donc les mineurs et les majeurs protégés par la loi, ou encore les personnes ayant subi une interdiction (tels les faillis).

Concernant le mineur, l'Art 1124 C.Civ. le déclare incapable de passer des contrats. Depuis la loi du 14 décembre 1964, le mineur émancipé a la "pleine capacité" (Art 481 C.Civ.) ; il peut donc librement compromettre. Cependant la loi du 5 juillet 1974 interdit au mineur même émancipé d'être commerçant. Il ne peut donc plus souscrire de clause compromissoire pour les contestations relatives aux engagements et transactions entre négociants.

Le mineur et le majeur incapable, peuvent compromettre avec l'autorisation, ou par l'intermédiaire de leur administrateur légal.

2- Le droit italien :

La règle de la capacité de compromettre est différente selon qu'il s'agit d'un compromis ou d'une clause compromissoire ou encore s'il s'agit d'un arbitrage italien interne ou international (Art. 832 Nouveau Code de Procédure Civile)

L'Art. 807 NCPC établit que "au compromis s'appliquent les dispositions qui réglementent la validité des contrats excédant l'ordinaire administration" ; la disposition n'est cependant pas répétée dans l'article suivant dédié à la clause compromissoire.

La règle est plus stricte pour le compromis parce que même si l'ordre juridique est libéral et ouvert, le législateur évite la soustraction de certains cas à la protection du juge étatique.

Les règles d'accomplissement d'un acte d'extraordinaire administration se trouvent dans le Code Civil, dans les dispositions relatives aux incapables ou semi-incapables mais aussi dans la "legge fallimentare" (loi sur la faillite) : les compromis stipulés sans autorisation sont inefficaces.

Quant à la clause compromissoire, le dernier alinéa introduit par la loi nouvelle à l'Art. 808 NCPC, établit que "le pouvoir de stipuler le contrat comprend le pouvoir de convenir la clause compromissoire".

A contrario, il est clair que si le contractant n'avait pas le pouvoir de stipuler le contrat, il n'avait pas non plus le pouvoir de conclure la clause compromissoire.

La clause compromissoire reste ainsi viciée et vulnérable avec le même degré de gravité que le contrat.

Ceci est une limite certaine à la règle de l'autonomie de la clause compromissoire exprimée dans le même ultime alinéa qui dispose ainsi que "la validité de la clause compromissoire doit être évaluée d'une façon autonome au regard du contrat auquel elle se réfère."

Cette règle vaut surtout pour les nullités relatives au contenu du contrat et non pour ce qui concerne son procédé de formation qui est identique, unique pour contrat et clause et qui doit donc correspondre aux mêmes exigences.

Enfin, il convient de préciser les catégories de personnes concernées par la capacité de compromettre.

Les personnes physiques acquièrent la capacité à l'‚ge de la majorité fixé à 18 ans par l'Art. 2 du Code Civil. Pour les mineurs la capacité de compromettre est exercée par les parents, l'autorisation émane du juge des tutelles (giudice tutelare) pour les personnes incapables ou semi-incapables.

Les personnes juridiques peuvent compromettre par le biais de leur représentant légal ayant le pouvoir d'agir au nom de la société;

Enfin, la Cour de Cassation par un arrêt du 7 août 1972 (n_2630), a permis aux entreprises publiques de compromettre par individualisation de la personne qui a le pouvoir de représentation "substantielle".

SECTION 2 DOMAINE DE LA CONVENTION ARBITRALE

Il est important d'exposer dans quels domaines peut avoir lieu le choix des parties de se prévaloir de particuliers instruments de règlement des controverses.

On observe que le Code italien ne contient pas une définition ou une énumération des matières qui peuvent faire l'objet d'arbitrage, mais indique au contraire celles qui ne peuvent pas être déférées à des arbitres et qui sont donc nécessairement réservées à la connaissance du juge étatique.

le droit français au contraire énonce d'une part les cas dans lesquels la clause compromissoire est exclue, et d'autre part ceux dans lesquels elle est admise.

1- Le droit français :

1-1- Cas où la clause compromissoire est exclue :

La clause compromissoire est nulle de nullité absolue lorsqu'elle porte sur un litige pour lequel l'ordre public interdit qu'il soit soumis aux arbitres. La clause compromissoire est également exclue en matière civile ou mixte, mais la sanction n'est plus alors que la nullité relative.

1-1-1- Exclusion de la clause compromissoire en matière d'ordre public : nullité absolue.

l'arbitrage doit satisfaire à la fois au droit commun des contrats et à des prescriptions d'ordre public qui constituent un droit particulier à l'arbitrage, figurant à l'Art. 1004 ancien du Code deProcédure Civile et repris sous une forme nouvelle par l'Art. 2060 du Code Civil.

D'abord le contenu de la clause compromissoire ou du compromis doit pouvoir constituer l'objet d'un contrat ; à ce titre doivent être respectées les prescriptions de l'Art. 6 du Code Civil, qui décide qu'on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes moeurs.

D'autre part, cet objet doit satisfaire aux dispositions de l'Art. 1128 du Code Civil : "il n'y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l'objet des conventions".

Ensuite, le droit propre à l'arbitrage, en ce qui concerne l'intervention de l'ordre public, est représenté par les articles 2059, 2060 et 2061 du Code Civil.

L'Art. 2059 C.Civ. énonce que "toutes personnes peuvent compromettre sur les droits dont elles ont la libre disposition".

Ce texte souligne en premier lieu que seules peuvent conclure un compromis les personnes qui ont la capacité juridique mais il précise surtout que l'objet même du litige doit mettre en cause des droits dont les parties ont la libre disposition.

Ainsi des droits seulement éventuels ne peuvent être soumis à l'arbitrage.

L'Art. 2060 C.Civ. indique que l'on ne peut compromettre sur les questions d'état et de capacité des personnes, sur celles relatives au divorce et à la séparation de corps ou sur les contestations intéressant les collectivités publiques et les établissements publics et plus généralement dans toutes les matières qui intéressent l'ordre public ; toutefois, les catégories d'établissements publics à caractère industriel et commercial peuvent être autorisés par décret à compromettre."

De même, les contestations relevant de la compétence des Conseils de prud'hommes ne peuvent faire l'objet de compromis. La Cour d'appel de Paris l'a nettement souligné dans un arrêt du 4 juin 1992 en énonçant que "l'Art 511-1 du Code du travail disposant que les Conseils des prud'hommes sont seuls compétents pour connaître des conflits individuels du travail, les parties à un contrat de travail ne peuvent valablement compromettre qu'après la rupture de ce contrat ; le tribunal arbitral a respecté sa mission en se déclarant incompétent pour statuer sur un tel litige sur la base d'un clause compromissoire".

L'Art. 2061 C. Civ. enfin, exprime formellement la nullité de principe de la clause compromissoire "s'il n'est disposé autrement par la loi" (ce qui vise le cas de l'Art. 631 du Code de Commerce, cf. infra).

1-1-2- Exclusion de la clause compromissoire en matière civile : nullité relative.

La clause compromissoire est nulle en matière civile ; toutefois, ce principe est atténué par le caractère relatif de cette nullité et par les exceptions que comportent cette nullité.

L'Art. 2061 C.Civ. (disposition de la loi du 5 juillet 1972) est venu affirmer le principe que la clause compromissoire est nulle en matière civile "s'il n'est disposé autrement par la loi".

Ce principe est justifié par le danger que présentent de telles clauses pour des personnes peu averties, notamment dans le cas de contrat d'adhésion.

Cependant, la sanction n'est que la nullité relative de la clause compromissoire ; le caractère de cette nullité explique que les parties peuvent convenir d'y renoncer.

De même, les parties, si elles s'abstiennent de soulever, in limine litis de l'instance arbitrale, l'exception de nullité, seront présumées avoir renoncé à ce moyen initial de défense et ne pourront contester la sentence arbitrale.

Enfin, ce principe contient uneexception : la validité de la clause compromissoire en matière civile est admise pour des contrats internationaux soumis à une loi étrangère reconnaissant cette validité ; comme l'a affirmé la Cour de Cassation dans son arrêt HECHT du 18 mai 1971.

1-2- Cas où la clause compromissoire peut-être adoptée :

La clause compromissoire est valide en matière commerciale.

Ce principe est exprimé par l'Art. 631 du Code de Commerce, qui définit la compétence des tribunaux de commerce : "les parties pourront, au moment où elles contractent, convenir de soumettre à des arbitres les contestations...lorsqu'elles viendront à se produire".

La première partie de l'article définit la compétence des tribunaux et la seconde, qui est un apport de la Loi du 31 décembre 1925, affirme , pour ces mêmes matières qui relèvent des juridictions commerciales, le principe de la validité de la clause compromissoire.

Se pose alors la délicate question des contrats mixtes. Ce sont des contrats conclus entre commerçant et non-commerçant ; ils présentent donc un caractère commercial pour l'une des parties, et un caractère civil pour l'autre.

Concernant de tels actes la clause compromissoire est en principe nulle ; mais ce principe de nullité tient à la nature de l'obligation qui lie les parties, et non à la qualité des contractants.

Ainsi, la clause compromissoire est valable si les obligations de la partie non commerçante constituent des actes decommerce au sens des Art. 631 et 632 du Code de Commerce.

De plus, la nullité de la convention arbitrale insérée dans un contrat mixte n'est pas d'ordre public, ainsi le tribunal ne peut pas la relever d'office.

La nullité peut même faire l'objet d'une régularisation par la participation volontaire des parties à la constitution du tribunal arbitral et au déroulement de l'arbitrage.

2- Le droit italien :

La Loi de 1994 dans la nouvelle réglementation que le droit italien a adopté en matière d'arbitrage, énumère les matières dites non arbitrables (non arbitrabili) c'est-à-dire celles qui ne peuvent pas être déférées à des arbitres.

L'Art. 806 du Nouveau Code de Procédure Civile est très clair en ce sens, et de son texte on peut déduire que l'"arbitrabilité" est la règle, la non arbitrabilité est l'exception.

Ainsi la soustraction de matières à la voie arbitrale doit résulter des textes d'une façon explicite, et ne peut être confiée à la liberté de l'"interprète".

Il est à préciser qu'il existe deux degrés, ou niveaux de "non arbitrabilité" : celle-ci peut-être -et c'est le principe- absolue ; mais quelques fois, pour certaines catégories de controverses, elle est atténuée.

Ces deux adjectifs correspondent à la majeure ou mineure intensité avec laquelle est exclue la possibilité d'utiliser l'arbitrage pour des secteurs déterminés de la vie juridique, en fonction de l'importance particulière que donne le législateur à certains rapports de droit.

2-1- La non arbitrabilité absolue :

Au sens de l'Art. 806 NCPC, ne peuvent absolument pas former l'objet ni d'un compromis ni d'une clause compromissoire, les controverses de travail et d'assistance obligatoire ; les controverses intéressant les questions d'état et de séparation personnelle entre conjoints ; et les controverses qui ne peuvent pas faire l'objet de transaction c'est-à-dire les controverses relatives -au sens de l'Art. 1966 C.Civ.- à des droits qui, par leur nature ou par expresse disposition de la loi, sont soustraits à la disposition des parties.

La formulation de l'Art. 806 paraît consentir l'arbitrage dans tous types de controverse, à l'exception de celles indiquées comme étant non arbitrables.

Même si cette énumération est, à juste titre, retenue comme étant exhaustive ; il est toutefois nécessaire d'ajouter à la liste les controverses pour lesquelles la dévolution au jugement arbitral est implicitement empêchée par la fonction et la structure du procès arbitral.

Ainsi les controverses qui appartiennent à la compétence du juge pénal ou du juge spécial doivent demeurer dans la sphère de connaissance de ces derniers.

De même la protection par les mesures conservatoires est exclue de la compétence arbitrale.

L'Art. 818 NCPC et l'Art. 669 quinquies NCPC (introduit par la Loi n_ 353 de 1990) prévoient maintenant expressément qu'en cas de controverse dévolue à l'arbitrage, les mesures conservatoires sont demandées "au juge qui aurait été compétent pour connaître du fond".

2-2- La non arbitrabilité atténuée :

La non arbitrabilité est atténuée pour la catégorie de controverses citée à l'Art. 808 NCPC, dans le sens qu'elles ne sont pas arbitrables à moins que les circonstances le permettent.

Cette catégorie regroupe les controverses individuelles de travail et assimilées énumérées à l'Art. 409 NCPC.

Cependant, ces matières ne sont jamais arbitrables en vertu d'une clause compromissoire, mais peuvent l'être seulement par le biais d'un compromis.

Malgré des différences notables d'énonciation, les matières réservées à la compétence exclusive -ou quasi- des juridictions étatiques sont analogues dans les droit italien et français. Ce défaut de différence fondamentale tient au fait que, quelque soit le pays envisagé, la raison pour laquelle certaines matières sont évincées du domaine de l'arbitrage est toujours la même : le souci de protection du plus faible, le respect de l'ordre public et surtout le respect de la souveraineté de l'Etat.

On aura pu cependant remarquer, dans l'énumération des matières non arbitrables, l'absence en droit italien de la règle française prohibant l'arbitrage en matière civile. Ceci n'est pas une preuve de laxisme, mais est simplement dû au fait qu'existe encore en Italie -au moins dans ce cas- la règle de la double signature (doppia firma) qui permet d'obtenir un véritable accord exprès des parties.

CHAPITRE 2

L'OBJET DE LA CONVENTION ARBITRALE

Tous les droits, concernant l'objet des conventions, posent deux principes : l'objet d'une convention doit être suffisamment précis et déterminé d'une part, il ne doit pas être contraire à l'ordre public d'autre part.

En outre, particulièrement en matière d'arbitrage, le droit énumère toute une série d'éléments, d'énonciations que doit contenir une convention arbitrale.

SECTION 1 LE DROIT COMMUN DES CONTRATS

1- Caractère suffisamment précis et déterminé :

Il s'agit d'un principe général que tous les droits reconnaissent, les parties à un contrat peuvent prendre toutes espèces d'engagement ; mais il faut, pour que le droit sanctionne ces engagements, qu'ils soient suffisamment précis, et que les parties aient pu se rendre compte de la portée des obligations qui allaient être à leur charge (Art 1325, 1346, 1349, 1418 Code Civil italien).

C'est une règle visant à protéger les contractants ; mais aussi l'existence de cette règle est justifiée par le fait qu'on ne considère pas que ce soit le rôle des juges de "faire un contrat pour les parties".

Or les juges seraient inévitablement appelés à agir de la sorte s'ils devaient donner effet à des conventions où les obligations des parties seraient insuffisamment déterminées.

Si les pays reconnaissent ce principe, il n'est pas toujours facile d'en préciser la portée.

La frontière est en effet difficile à tracer entre les contrats qui sont exagérément imprécis et ceux qui demandent simplement à être" interprétés".

1-1- Arbitrage relatif à une contestation juridique :

Concernant l'arbitrage qui vise à trancher un litige, la convention arbitrale pour être valable doit préciser quel est son objet.

C'est-à-dire de quelles contestations les arbitres auront à connaître.

Cette exigence ne pose pas de problème s'agissant du compromis qui est conclu après que la contestation soit née, donc facilement individualisée.

La question est plus délicate concernant la clause compromissoire ; il est alors impossible de préciser la nature et la portée de la contestation qui viendra peut-être à naître dans l'avenir.

Peut-on donner effet à une convention arbitrale dont l'objet, par la force des choses, manque ainsi de précisions ?

Pour cette raison la clause compromissoire a longtemps en France, été déclarée non valable.

La tendance est aujourd'hui inversée, mais si la validité de la clause compromissoire est admise, elle l'est avec certaines limites à la liberté des parties.

1-2- Arbitrage visant à conclure ou modifier un contrat :

Le droit romain n'admettait cette possibilité que dans certains types de contrats, dénommés contrats de bonne foi.

Il est aujourd'hui admis que tout accord de volontés, prétendant créer des obligations juridiques, doit recevoir la sanction du droit.

Si l'arbitrage est aujourd'hui admis il ne peut l'être cependant sans limites.

La convention d'arbitrage doit d'abord se rapporter à un contrat bien déterminé ; le tiers ne peut recevoir pour mission que de préciser ou modifier certaines clauses d'un contrat sur les bases duquel un accord a d'ores et déjà été réalisé entre les parties.

Le tiers ne peut être chargé de rédiger un contrat pour les parties.

Cette limitation n'est pas universellement admise ; dans l'hypothèse où la mission confiée à l'arbitre est de résoudre une contestation, on a permis en Italie à l'arbitre de le faire en établissant entre les parties un nouveau contrat, bien que l'Art. 1349 C.Civ. italien envisage seulement que l'on confie à l'arbitrator la t‚che de préciser une clause, demeurée indéterminée dans un contrat.

La jurisprudence italienne a également admis la pratique du blanc-seing, où un tiers écrit ce qu'il veut sur une feuille de papier signée à l'avance par les parties.

La seconde limitation qui paraît devoir être imposée est que le pouvoir donné à l'arbitre ne soit pas un pouvoir entièrement arbitraire.

Certaines directives doivent le guider, il doit être appelé à statuer en conformité de certains standards.

1-3- Interprétation des conventions arbitrales :

Le compromis soulève peu de difficultés concernant son interprétation, car on sait exactement quelle est la question soumise au jugement des arbitres.

Il en va différemment de la clause compromissoire convenue à un moment où il n'existe encore aucun litige, et par des parties qui, ne prévoyant aucun litige, sont peu enclines à en peser soigneusement les termes, la clause compromissoire se présente inévitablement sous la forme d'une disposition générale dont la portée est souvent assez peu précise : il est prévu que l'on soumettra à des arbitres "toutes contestations venant à naître du présent contrat".

Il est alors souhaitable que les arbitres saisis clarifient la situation en faisant signer par les parties un compromis ou en rédigeant eux-mêmes, si la chose est permise, un acte définissant leur mission.

L'arbitrage doit avoir à sa base une convention valable, il ne doit y avoir aucun doute relativement à la compétence de la juridiction arbitrale.

2- L'ordre public :

La loi française, Art. 2060 C.Civ., interdit de compromettre "dans toutes les matières qui intéressent l'ordre public".

Cette formule générale doit être interprétée étroitement si l'on veut conserver un champ d'application à l'arbitrage.

La jurisprudence française a fixé sa position en décidant que l'on peut déférer à l'arbitre n'importe quelle contestation dans laquelle une règle d'ordre public doit être appliquée ; ce que l'on ne peut pas faire est demander aux arbitres de juger si, dans telle ou telle occurrence, une règle d'ordre public a été ou non violée.

Cette jurisprudence a été confirmée, en matière d'arbitrage international, par le NCPC selon lequel "il ne peut être fait obstacle à la convention d'arbitrage international, quelle que soit la loi applicable, au motif que... les règles par application desquelles le litige devrait être tranché présenterait un caractère d'ordre public"(Art. 1473 NCPC).

La portée de la règle est ainsi considérablement limitée.

Il peut arriver néanmoins que cette prohibition retrouve un champ d'application plus large et que, en vertu d'une disposition expresse de la loi, l'arbitrage soit exclu pour toutes contestations pouvant se produire dans un certain ordre de question.

L'Art. 2060 C.Civ. mentionne à ce sujet les questions d'état et de capacité des personnes, celles relatives au divorce et à la séparation de corps et les contestations intéressant les collectivités et les établissements publics.

Des lois spéciales sont venues ajouter d'autres catégories à cette liste traditionnelle.

Ces prohibitions sont justifiées par le souci d'assurer une protection des petits contre les puissants.

De même le droit italien sanctionne de nullité les clauses compromissoires intervenant dans des domaines "non arbitrables".

La jurisprudence italienne se réfère à l'Art 1343 ß 3 et 4 C.Civ. pour sanctionner l'objet illicite d'un contrat compromissoire qui contraste avec l'ordre public et les bonnes moeurs (cette disposition est notamment utilisée pour réglementer l'arbitraggio et l'arbitrage libre).

SECTION 2 CONTENU DE LA CONVENTION ARBITRALE

L'accord des parties doit se réaliser sur un certain nombre de points.

Il est en effet nécessaire de spécifier la contestation qui va être soumise aux arbitres ; il faut également indiquer les noms des arbitres ou du moins prévoir les modalités de leur désignation.

De nombreux autres points nécessitent, d'autre part, d'être précisés : le lieu de l'arbitrage, le délai dans lequel les arbitres devront donner leur décision, les pouvoirs donnés aux arbitres, certaines règles de procédure.

Toutes ces questions peuvent être résolues par la simple référence faite à un règlement d'arbitrage préétabli.

L'écrit devient ainsi la règle, aux fins de précision des différents points primordiaux d'organisation de l'arbitrage.

1- La désignation des arbitres :

Toute convention arbitrale doit, à peine de nullité, désigner le ou les arbitres ou prévoir les modalités de leur désignation.

L'Art 1443 NCPC français a été modifié par le décret de 1980 ; en effet la nouvelle réglementation a introduit la possibilité de ne prévoir dans le contrat arbitral que les modalités de désignation des arbitres. Cette règle également adoptée par le droit italien à l'Art 809 NCPC, permet de remédier aux difficultés qui pourraient surgir si l'on exigeait que les arbitres soient nommément désignés dès la conclusion du contrat arbitral.

Ainsi, le contrat, et notamment la clause arbitrale, doit contenir la mention de la désignation ; cette exigence s'explique par le fait que la clause compromissoire permet désormais de passer directement à l'arbitrage et qu'il est donc nécessaire que soient réglées les questions de désignation des arbitres.

Cette exigence est requise à peine de nullité de la clause ; le droit français précise qu'en cas de défaut de stipulation, la clause compromissoire est réputée non écrite (Art 1446 NCPC). Ainsi, la validité de la convention principale n'est pas affectée (sauf si la clause était devenue une condition essentielle du contrat par la volonté des parties) et les parties pourront rédiger un compromis pour soumettre leurs contestations à l'arbitrage.

2- La détermination de l'objet du litige :

L'indication de l'objet du litige est un élément essentiel puisque les arbitres n'ont compétence que pour connaître des contestations qui leur sont soumises. Ils ne doivent pas statuer en dehors des limites du compromis.

L'Art 807 NCPC italien exige que soit déterminé le contenu du compromis, l'objet du litige soumis aux arbitres. Cette exigence résulte de la nécessité d'individualiser les limites de la compétence arbitrale et est requise à peine de nullité.

De même l'Art 1448 NCPC français, exige que le compromis détermine l'objet du litige qui sera soumis aux arbitres.

Cette exigence de la détermination de l'objet n'est pas requise pour la clause compromissoire ni dans le droit français ni dans le droit italien. Ceci du fait que la clause compromissoire est conclue à un moment où il est impossible de déterminer l'objet du litige, puisque par nature la clause compromissoire ne vise que des différends éventuels dont on ne sait pas s'ils se produiront et encore moins dans quel domaine.

Il en va différemment du compromis qui, lui, est conclu à un moment où le différend entre les parties est déjà survenu, l'objet du litige est donc facilement identifiable.

CHAPITRE 3

FORME ET PREUVE DE LA CONVENTION ARBITRALE

Une institution telle que celle de l'arbitrage nécessite des règles strictes quant à la forme que doit revêtir la convention.

Pour admettre une convention par laquelle les parties soumettent à l'avance à la décision d'un tiers, la modification de leur contrat ou la résolution de leur contestation ; il faut que les intéressés aient manifesté de façon non équivoque leur volonté de se soumettre à l'arbitrage et qu'ils aient suffisamment précisé l'objet et les modalités de l'arbitrage à intervenir.

La reconnaissance de la décision des arbitres suppose que celle-ci ait une base indiscutable.

Mais, dans le dessein de favoriser l'arbitrage, les conditions de forme exigée ont été assouplies.

Une distinction s'impose entre le compromis, relatif à des contestations déjà nées, et la clause compromissoire, relative à des désaccords simplement éventuels.

SECTION 1 LE COMPROMIS

1- Conditions préalables :

Il convient qu'un litige né et actuel oppose des parties, sous peine de nullité du compromis. Mais la résolution de ce litige ne doit pas déjà avoir été prévue par une clause compromissoire car dans ce cas, le compromis est superfétatoire.

Un litige doit opposer les parties. Le terme de litige exprime à la fois l'idée d'un différend et celle de l'expression de ce différend à travers des prétentions que l'arbitre a pour mission de trancher.

Ainsi, le litige se distingue de la contestation ou du désaccord. La nuance est importante pour distinguer la mission d'arbitrage de celle de l'expertise.

Le compromis doit prévoir la résolution d'un litige né et actuel. Si les parties envisagent de résoudre un litige futur et virtuel, elles doivent conclure une clause compromissoire.

Enfin l'absence ou la non validité d'une clause compromissoire est une condition préalable à l'établissement d'un compromis. Le caractère superflu du compromis en cas de clause compromissoire valide ressort de l'Art. 1445 NCPC qui permet aux parties de saisir le tribunal arbitral directement, à partir d'une clause compromissoire, sans transiter par l'étape du compromis.

Le compromis peut se substituer, par ailleurs, à une clause compromissoire nulle, par exemple lorsque la clause compromissoire est insérée dans un contrat mixte ou civil.

En effet, la Cour de Cassation a énoncé la validité d'un compromis malgré le fait que la clause compromissoire était nulle.

2- Formation du compromis :

La formation du compromis s'accomplit dans le respect de certaines règles. La forme écrite est exigée car le compromis prive les intéressés des garanties offertes par la justice des tribunaux.

Selon l'Art 1449 NCPC français : "le compromis est constaté par écrit ; il peut l'être dans un procès-verbal signé par l'arbitre et les parties".

Quant à la forme que doit assumer la convention arbitrale, le Code italien ne laisse subsister aucun doute : il doit s'agir d'une forme écrite à peine de nullité (Art 807 NCPC). Avec la précision cependant que la forme écrite s'entend respectée aussi quand la volonté des parties est exprimée par télégraphe ou téléscripteur. La loi de 1994 a cependant omis d'introduire la possibilité de compromettre par voie de téléfax, cet "oubli" est de taille puisque le téléfax constitue certainement la seule technique moderne véritablement utilisée aujourd'hui. Il est certain que le téléfax ne présente sûrement pas les garanties (contre les falsifications...) que les techniques mentionnées par la loi italienne ; mais ces dernières n'ont pas encore acquis le niveau d'utilisation digne d'être reconnues dans la réglementation de l'arbitrage.

En prescrivant la forme écrite, le législateur a voulu protéger les contractants qui sont tentés de renoncer à la protection juridictionnelle, en les faisant méditer et avoir bonne conscience d'une telle décision, la formalisant par écrit.

Mais le principe de liberté des formes demeure dans les pays où il constitue la règle dans le droit des contrats.

C'est le cas de l'arbitrage prévu à l'Art. 1592 C.Civ. en France et celui de l'arbitraggio italien.

La même solution devrait être admise dans le cas de l'arbitrage libre italien ; la jurisprudence cependant l'a écartée dans ce cas en assimilant la convention arbitrale au contrat de transaction.

La forme écrite est une condition requise ad substantiam. Il est nécessaire que de l'acte écrit résulte de façon claire et non équivoque la volonté de compromettre.

En général, l'écrit ne joue qu'un rôle de preuve ; tout formalisme est exclu.

Il n'est pas nécessaire qu'un acte spécial soit dressé pour constater l'accord des parties ; le compromis peut ainsi résulter d'un simple échange de lettres.

Cette solution avait été admise avant 1980 par la jurisprudence française ; le NCPC français l'a consacrée. Après avoir dit que la clause compromissoire doit, à peine de nullité, être stipulée par écrit (Art. 1423 NCPC), le Code déclare à l'Art. 1429 NCPC que le compromis est simplement "constaté par écrit" ; la différence des deux formules n'est pas fortuite. L'écrit n'est ainsi requis que pour la preuve du compromis.

SECTION 2 LA CLAUSE COMPROMISSOIRE

1- Spécificité de la clause compromissoire :

Avant qu'intervienne un différend, les parties conviennent que si un différend venait à se produire à l'occasion de leur contrat, elles recourraient pour le résoudre à un arbitrage.

L'engagement de se soumettre à l'arbitrage, lorsqu'il est pris à un moment où les parties sont encore dans l'ignorance du litige qui un jour pourra naître entre elles, est un contrat aussi dangereux que le compromis.

Différentes considérations pourtant ont conduit les droits à se montrer moins rigoureux pour la clause compromissoire que pour le compromis.

Le pacte compromissoire se présente le plus souvent comme une simple clause, insérée dans un contrat de portée plus large dont les parties fixent librement le contenu.

D'autre part la clause compromissoire n'est pratiquée, et n'est souvent valable, qu'en matière commerciale (un moindre degré de protection est requis lorsque l'on est en ce domaine).

Du fait que la clause compromissoire est apparue dans une période de faveur à l'arbitrage, elle était affranchie de la rigueur avec laquelle est réglementé le compromis.

Il en était ainsi en France où nulle condition spéciale de forme n'était prévue pour la clause compromissoire à la différence du compromis.

La situation a changé avec le nouveau Code qui exige que la clause compromissoire soit stipulée par écrit à peine de nullité.

2- Exigence d'un écrit :

L'Art 1443 NCPC français exige que la clause compromissoire soit stipulée par écrit.

L'exigence d'un écrit se justifie par le fait que le décret du 14 mai 1980 ait consacré la nature pleinement contractuelle de la clause compromissoire.

En effet, la volonté des parties de régler par voie d'arbitrage les contestations futures doit s'exprimer avec clarté et certitude.

De même la nouvelle loi italienne soumet désormais la clause compromissoire, convention autonome et complète, à des conditions de forme strictes. La forme écrite de la convention arbitrale est requise ad substantiam, mais les parties sont laissées libres de choisir la forme de l'acte écrit : la condition est considérée satisfaite même quand la clause compromissoire est stipulée dans une autre convention faisant expressément référence au contrat principal  ; ou quand elle est insérée dans une convention contenant prorogation d'un précédent contrat.

En effet, l'Art 808 NCPC énonce que "la clause doit résulter d'un acte ayant la forme prescrite par l'Art 807 NCPC pour le compromis". L'alinéa 1 de l' Art 808, définissant la clause compromissoire comme un instrument de dévolution à des arbitres de toutes les possibles controverses pouvant naître dans le futur d'un contrat déterminé, la clause s'insère dans ce contrat ou peut être stipulée par acte séparé, malgré que l'objet de la clause doive être déterminé en référence à ce contrat duquel pourront naître les controverses.

3- Consentement des parties :

Concernant le consentement des parties, la clause compromissoire soulève plus de difficultés que le compromis.

En effet, la clause compromissoire risque de passer inaperçue dans le contrat principal qui la contient.

On ne pense pas, en concluant un contrat, que des contestations viendront à en naître ; on ne le conclurait pas si l'on pensait que la chose dût arriver.

Lorsque malheureusement, la chose se produira, on verra volontiers dans la demande d'arbitrage, une manoeuvre d'un contractant qui vous a déçu, et l'on sera tenté de dire que jamais on n'a véritablement donné son consentement à la clause.

Celle-ci ayant fait rarement l'objet de discussions, il arrivera fréquemment que cette attitude puisse être prise en toute bonne foi.

Le consentement à la clause compromissoire peut apparaître de différentes manières dans la pratique.

3-1- Acte séparé :

Cette hypothèse ne crée pas de difficulté, le pacte compromissoire se présente comme le compromis sous la forme d'un acte distinct du contrat auquel il se rapporte.

Il existe alors une certitude quant au consentement donné au pacte.

3-2- Clause prévoyant expressément l'arbitrage :

Cette possibilité ne soulève que des difficultés mineures : c'est le cas où les parties, dans un contrat, ont exprimé clairement leur accord pour que les contestations venant éventuellement à naître de ce contrat soient résolues par la voie de l'arbitrage.

Des difficultés peuvent apparaître si les parties se sont bornées à prévoir le principe de l'arbitrage.

3-3- Référence à des conditions générales d'affaires :

Dans ce cas, le contrat se réfère à des conditions générales d'affaires contenant une obligation pour les parties de se soumettre à l'arbitrage.

Les conditions générales d'affaires identifiées dans le contrat et acceptées par les parties sont incorporées au contrat et les contractants ne peuvent prétendre en ignorer la teneur.

L'Art. 1443 de la loi française le détermine avec netteté : "la clause compromissoire doit, à peine de nullité, être stipulée par écrit dans la convention principale ou dans un document auquel celle-ci se réfère.".

Ce principe comprend cependant une réserve importante dans le cas où il paraît normal que le contractant ait pu ignorer l'existence de la clause qu'on lui oppose.

En Italie, l'Art. 1341 C.Civ. dispose que, lorsqu'une clause dérogeant au droit commun figure dans un document qui a été établi à l'avance par une des parties, la clause en question ne devient obligatoire pour l'autre partie que si elle a été "spécialement approuvée" par cette dernière.

L'Art. 1341 al. 2 C.Civ. italien déclare que la clause prévoyant le règlement des contestations à venir par l'arbitrage constitue une clause qui déroge au droit commun. Le législateur italien a assujetti la clause compromissoire insérée dans des conditions générales de contrat prérédigées par une partie ou dans des textes contractuels contenus en modèles ou formulaires uniformes, au régime des clauses abusives qui requièrent une approbation spécifique.

La jurisprudence italienne considère qu'il n'y a pas lieu de distinguer à ce sujet entre arbitrage proprement dit et arbitrage libre.

On ne peut donc en Italie, stipuler une clause compromissoire en se référant à des conditions générales d'affaires lorsque ces conditions générales émanent du défendeur ; il faut, pour que la clause compromissoire soit opposable à un contractant, que celui-ci ait manifesté qu'il en connaissait l'existence et qu'il l'ait spécialement approuvée par écrit. Une proposition par écrit n'est pas suffisante lorsque l'acceptation ne contient pas une expresse volonté d'adhésion à l'accord compromissoire.

Tandis que l'exigence de la forme écrite est commune à de multiples lois nationales, le système de l'approbation spécifique par écrit (doppia-firma) est une véritable rareté, propre à l'ordre juridique italien et difficilement compatible avec les modalités modernes et rapides des transactions (téléphone, télex, fax...).

CHAPITRE 4

EFFETS DE LA CONVENTION ARBITRALE

La convention arbitrale est une convention distincte et autonome qui fait, par elle-même, la loi des parties et du juge.

La convention arbitrale a donc pour effet, comme toute convention, de créer des obligations à la charge des parties qui la concluent.

La principale de ces obligations est de se soumettre à la décision qui sera donnée par un ou plusieurs arbitres à une certaine question, précisée par la convention.

Un autre effet de la convention arbitrale est, lorsque la question portée aux arbitres est une contestation juridique, d'interdire aux parties d'aller devant les tribunaux pour leur demander de connaître de cette contestation, les arbitres ayant désormais une compétence exclusive pour lui donner une solution.

Ces deux effets n'ont pas toujours été reconnus. En droit romain la convention d'arbitrage ne créait nulle incompétence des tribunaux, et une partie pouvait se dégager de son obligation d'exécuter la sentence, rendue par un arbiter, en payant la poena stipulée au compromis.

De façon générale cependant les deux effets ci-dessus mentionnés sont admis aujourd'hui par les différents droits, et l'admission de ce double effet apparaît comme étant nécessaire pour donner tout son sens à la convention arbitrale et permettre le développement de l'arbitrage.

SECTION 1 OBLIGATION POUR LES CONTRACTANTS D'EXECUTER LA CONVENTION ARBITRALE

La signature d'une clause compromissoire crée, entre les parties, un lien de droit qui a un effet obligatoire.

Cet effet obligatoire explique les dispositions législatives prévues pour assurer l'exécution de la clause, en dépit de la réaction récalcitrante d'une des parties.

Les parties qui ont signé une clause compromissoire ou un compromis, se sont exposées aux deux conséquences essentielles du principe général de tout droit, énoncé par l'Art. 1134 C.Civ.français : l'obligation d'exécuter la convention de bonne foi et l'irrévocabilité de la convention sauf consentement mutuel des parties.

Ainsi, les parties à une convention d'arbitrage, s'engagent non seulement à exécuter cette convention mais également à se soumettre à la décision de l'arbitre.

SECTION 2 PRIORITE DE LA COMPETENCE ARBITRALE A L'EGARD DE LA COMPETENCE JUDICIAIRE

1- Principe du dessaisissement des tribunaux judiciaires :

La clause compromissoire a un effet, non seulement à l'égard des parties signataires, mais aussi à l'égard des juges.

La conséquence essentielle de l'insertion d'une clause compromissoire dans un contrat est l'incompétence des juridictions étatiques pour connaître des litiges concernés.

L'Art. 1458 al 1 NCPC français dispose : "lorsqu'un litige dont un tribunal arbitral est saisi en vertu d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci doit se déclarer incompétente" ; l'alinéa 2 ajoute que "si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi, la juridiction doit également se déclarer incompétente à moins que la convention d'arbitrage ne soit manifestement nulle"

Ainsi lorsqu'une action en justice est engagée et que le défendeur demande au tribunal de se déclarer incompétent en faisant valoir que, selon une convention par lui conclue avec le demandeur, le litige doit être résolu par la voie de l'arbitrage ; le juge devrait récuser sa compétence.

Cependant la loi peut déclarer la convention arbitrale nulle si la nature du litige ne permet pas son règlement par la voie de l'arbitrage.

Sur la base de ce principe, les juges italiens ont parfois pris certaines libertés.

Certaines décisions judiciaires italiennes ont en effet admis que les tribunaux pouvaient, en dehors de tout texte législatif, refuser de se dessaisir au profit d'arbitre s'il existe de bons motifs pour affirmer leur compétence.

2- Caractère relatif du principe :

L'Art. 1458 NCPC français consacre le principe du dessaisissement des tribunaux judiciaires.

Ce principe a cependant un caractère relatif, l'exclusion des tribunaux étatiques n'est pas définitive et totale : d'abord l'alinéa 3 de l'Art 1458 NCPC français énonce : "la juridiction ne peut relever d'office son incompétence", en conséquence les tribunaux ne pourront se saisir d'office de la question de leur incompétence en présence d'une convention d'arbitrage.

C'est aux parties qu'il revient, en effet de soulever cette exception devant les tribunaux ou, au contraire, d'y renoncer, soit expressément, soit tacitement en participant à une instance judiciaire.

De même l'obligation pour les tribunaux de se dessaisir n'existe bien entendu que s'il existe entre les parties une convention d'arbitrage valable s'appliquant au litige.

Le demandeur qui ne souhaite pas soumettre son litige à l'arbitrage, va s'efforcer de persuader le tribunal que la convention arbitrale n'est pas valable en soutenant qu'elle ne vise pas la contestation d'espèce, ou que la convention est nulle ou frappée de caducité.

Le tribunal peut alors examiner ces allégations et prendre la décision de retenir sa compétence ou au contraire de renvoyer les parties à l'arbitrage ; ou bien il peut, prenant acte de l'existence d'une convention arbitrale, refuser de connaître de l'affaire et décider que l'arbitrage suive son cours.

3- Intervention des juridictions ordinaires en vue d'assurer le bon déroulement de l'instance arbitrale :

Les juges de droit commun sont incompétents sur le fond mais peuvent intervenir aux différents stades de la procédure arbitrale.

D'abord concernant l'exécution de la clause arbitrale, le Président du TGI (ou du tribunal de commerce) peut intervenir pour assurer l'exécution de la clause compromissoire, en tranchant notamment les difficultés qui se manifesteraient à l'occasion de la constitution du tribunal arbitral (Art. 1444 al. 1 et 2 ; 1454 et 1457 al. 7 NCPC français).

De même, le juge des référés pourra, avant la constitution du tribunal arbitral, décider des mesures d'urgence et conservatoires.

La clause compromissoire étant un contrat complet doit donc être exécutée de bonne foi.

Le législateur a donc mis en place des dispositifs destinés à assurer l'exécution de la clause compromissoire et notamment des procédures en vue de la constitution du tribunal arbitral.

En présence d'un adversaire récalcitrant, le premier souci de la partie qui souhaite aller à l'arbitrage est de voir se constituer le tribunal arbitral.

Elle pourra avoir recours soit à un tiers préconstitué, soit à la procédure de désignation judiciaire des arbitres, sous réserve de respecter l'imparité du tribunal.

Ainsi, selon l'Art. 1455 NCPC si la clause compromissoire prévoit que le litige sera réglé sous les auspices et suivant le règlement d'un organisme d'arbitrage, cet organisme se chargera de procéder, en cas de difficultés, à la constitution du tribunal arbitral.

Sinon, le tribunal arbitral peut être constitué judiciairement, l'Art. 1444 al. 1 NCPC disposant : "si le litige né, la constitution du tribunal arbitral se heurte à une difficulté du fait de l'une des parties ou dans la mise en oeuvre des modalités de désignation, le Président du TGI désigne le ou les arbitres".

De même, la juridiction judiciaire intervient en cas de parité des arbitres.

Selon l'Art. 1454 NCPC : "lorsque les parties désignent les arbitres en nombre pair, le tribunal arbitral est complété par un arbitre choisi, soit conformément aux prévisions des parties, soit, en l'absence de telles prévisions, par les arbitres désignés, soit, à défaut d'accord entre ces derniers, par le Président du TGI".

Le nombre et le mode de désignation des arbitres sont prévues par la nouvelle loi italienne de 1994 à l'Art 809 NCPC. Cet article marque la faveur du législateur envers l'arbitrage. La loi de 1994 a remplacé la précédente nullité qui sanctionnait le respect de ces normes par des correctifs visant à favoriser l'arbitrage.

D'abord, même si les parties n'ont indiqué qu'un nombre pair d'arbitres, le collège arbitral pourra se constituer en nombre impair, avec la désignation du dernier arbitre par le Président du tribunal judiciaire dans les formes prévues à l'Art 810 NCPC.

Ensuite, s'il manque totalement l'indication du nombre des arbitres, ceux-ci seront trois et désignés par le Président du tribunal normalement compétent (Art 810).

PARTIE 2 LES ARBITRES

Quant à la composition de la juridiction arbitrale, la question est de savoir s'il est préférable de préconiser un juge unique ou la collégialité.

Entre les deux possibilités de composition du tribunal arbitral, le législateur admet les deux.

En effet selon la nature de l'affaire, des arguments peuvent être invoqués tant en faveur d'un système que de l'autre.

- Arguments en faveur de l'arbitre unique :

L'arbitre est rétribué par les parties, l'arbitre unique réduit donc le coût de la procédure.

Cependant cet argument n'est pas décisif dans le cas des litiges du commerce international dont les intérêts en jeu sont peu négligeables.

Le système de l'arbitre unique permet d'espérer une solution plus rapide du litige. En effet dans le cas de la pluralité d'arbitres, se pose le problème de pouvoir réunir des personnes qui exercent en général une autre activité principale.

Fixer des dates d'audience peut alors apparaître difficile dans les arbitrages internationaux.

La chose est alors simplifiée par la désignation d'un arbitre unique.

- Arguments pour la collégialité :

La lourde responsabilité pesant sur l'arbitre unique dans les affaires très importantes explique la nécessité de créer un tribunal collégial.

La création d'un collège arbitral donne en outre la possibilité pour les parties d'associer des personnes ayant des qualifications différentes.

Cette combinaison, cependant, ne constitue pas forcément un avantage. La coopération peut s'avérer difficile entre des arbitres formés à des écoles de pensée différentes. Il est sans doute préférable de préférer la hiérarchie à cette dualité et de ne donner à l'expert qu'un pouvoir d'information du juriste qui tranchera le litige.

La raison de la pratique de la collégialité est surtout la facilité que ce principe offre pour constituer la juridiction arbitrale. La méthode consiste ainsi à faire désigner un arbitre par chacune des parties et à demander aux arbitres choisis de nommer un troisième arbitre.

CHAPITRE 1

MODE DE DESIGNATION DES ARBITRES

SECTION 1 LIBERTE CONTRACTUELLE

Le mode de désignation du ou des arbitres est généralement laissé à la discrétion des parties, lesquelles peuvent prendre à ce sujet toutes dispositions leur paraissant en l'espèce opportunes.

Le principe de liberté contractuelle comporte néanmoins des limitations : la désignation des arbitres doit être faite par accord entre les parties, celles-ci devant à tout le moins s'entendre sur un certain mode de désignation des arbitres ; et l'égalité des parties doit être respectée dans la constitution de la juridiction arbitrale.

1- Nécessité d'un accord entre les parties :

Considérer la convention arbitrale valable seulement lorsque les parties se sont entendues sur le nom même des arbitres constitue une entrave considérable au développement de l'arbitrage.

Ainsi il suffit que les parties se mettent d'accord sur un certain mode de désignation des arbitres, qui le moment venu sera mis en oeuvre.

Les parties peuvent également prévoir que le moment venu, le ou les arbitres seront désignés par un tiers, individualisé dans la convention. Ce tiers est fréquemment le Président d'une Cour d'arbitrage ou d'une Chambre de commerce pour l'arbitrage ad hoc.

En garantie à la coopération de toutes les parties pour le choix des arbitres, l'alinéa 2 de l'article 809 NCPC italien prévoit que le compromis en contient la désignation ou établit le nombre et les modalités de désignation.

L'accord compromissoire peut faire référence à une institution arbitrale préconstituée dont le règlement consent à chacune des parties le choix de son propre arbitre.

2- Egalité des parties :

Il s'agit d'un principe admis universellement, il faut qu'une stricte égalité soit obsersée entre les parties en ce qui concerne la constitution du tribunal arbitral.

Ainsi il n'est pas admis que la majorité des arbitres soit désignée par une seule des parties ; on pourra en revanche admettre qu'il dépende d'une des parties de fixer le nombre des arbitres.

Mais nulle critique n'est encourue par la stipulation selon laquelle, dans le cas où l'une des parties n'effectuerait pas la désignation lui incombant, cette désignation serait faite par un tiers, spécifié à la convention.

SECTION 2 CONSTITUTION CONVENTIONNELLE OU JUDICIAIRE

La constitution du tribunal arbitral peut revêtir une forme conventionnelle ou judiciaire ; le principe demeure celui de la constitution conventionnelle mais le Président du TGI peut intervenir pour débloquer certaines situations et permettre la mise en oeuvre de l'arbitrage.

L'Art. 1444 NCPC français énonce en effet que "si le litige né, la constitution du tribunal arbitral se heurte à une difficulté du fait de l'une des parties ou dans la mise en oeuvre des modalités de désignation, le Président d u TGI désigne le ou les arbitres" (cf supra : 3 - Intervention des juridictions ordinaires en vue d'assurer le bon déroulement de l'instance arbitrale, p.50 et 51).

La constitution conventionnelle peut avoir lieu de deux façons différentes : les arbitres peuvent être désignés directement par les parties ou par l'intermédiaire d'un organisme d'arbitrage.

1- La désignation des arbitres par les parties :

Les parties peuvent nommément désigner les arbitres dans la clause compromissoire ou se borner à déterminer dans cette même clause, les seules modalités de désignation des arbitres (Art. 1453 al. 2 NCPC français et Art 809 NCPC italien).

Le tribunal arbitral est ainsi constitué, en application de la clause arbitrale, conjointement par les parties.

En l'absence de clause compromissoire ou de clause nulle, le tribunal arbitral peut être constitué par un compromis d'arbitrage.

2- La désignation des arbitres par l'intermédiaire d'un organisme d'arbitrage :

L'intervention des organismes d'arbitrage a été consacrée par l'Art. 1455 NCPC français : "lorsqu'une personne physique ou morale est chargée d'organiser l'arbitrage, la mission d'arbitrage est confiée à un ou plusieurs arbitres acceptés par toutes les parties. A défaut d'acceptation, la personne chargée d'organiser l'arbitrage invite chaque partie à désigner un arbitre et procède, le cas échéant, à la désignation de l'arbitre nécessaire pour compléter le tribunal arbitral.

Faute pour les parties de désigner un arbitre, celui-ci est désigné par la personne chargée d'organiser l'arbitrage."

Ainsi les règlements des organismes ou centres d'arbitrage prévoient des modalités de constitution du tribunal arbitral, ce qui permet de suppléer aux carences des parties.

Le centre d'arbitrage intervient dans diverses situations : soit que les parties ne se soient pas mises d'accord sur les noms de deux arbitres, soit qu'une des parties soit défaillante pour désigner son arbitre, soit que les deux arbitres choisis par les parties ne tombent pas d'accord pour la désignation d'un troisième arbitre, soit pour contribuer à la constitution d'un collège d'arbitres.

CHAPITRE 2

CONDITIONS DE CONSTITUTION DU TRIBUNAL ARBITRAL

SECTION 1 CAPACITE POUR ETRE ARBITRE

Les arbitres sont des personnes physiques investies par acte de volonté privée -compromis ou clause compromissoire- du pouvoir de décider une controverse substantielle entre les parties à la convention arbitrale.

Ainsi, la mission de l'arbitre ne peut être donnée qu'à une personne ayant le plein exercice de ses droits civils.

Le droit italien indique les cas d'incapacité à son Art. 812 NCPC, la Cour de Cassation italienne a affirmé qu'il s'agissait là d'une énumération exhaustive insusceptible d'interprétation extensive ou analogique. Il s'agit de conditions négatives concernant la qualité des arbitres ; ainsi ne peuvent être nommés arbitre, les mineurs (l'‚ge mineur étant évalué selon la loi nationale personnelle ), les "interdits", les "inhabilités", les faillis, et ceux qui sont soumis aux interdictions des emplois publics.

Le NCPC prévoit également des exigences fondamentales pour être arbitres ; les parties doivent choisir des personnes dotées d'une certaine capacité.

Ces exclusions s'expliquent par le fait qu'arbitrer est toujours juger et que juger exige dans la personne qui juge capacité et maturité intellectuelle, dignité et bon niveau étique.

La désignation des arbitres est un moment délicat et essentiel de la procédure, une erreur dans cette phase peut générer une nullité telle à constituer un motif d'annulation de la sentence (Art. 829 NCPC italien).

Mais cette question de capacité civile, touchant l'‚ge ou l'état mental de l'arbitre n'a qu'un intérêt académique.

La question se pose en revanche de savoir si l'on doit exiger de l'arbitre la capacité politique d'exercer des fonctions publiques et si en particulier une femme, un étranger, une personne morale peuvent être désignés comme arbitre.

1- Les femmes :

En certains pays, les femmes sont exclues parce qu'elles n'ont pas la pleine capacité civile ; cette prohibition existait en divers cantons suisses avant le Concordat de 1969.

2- Les personnes morales :

Quant à la question de la capacité de la personne morale, elle est plus délicate car le fait d'entendre parler de l'arbitrage de telle Chambre de commerce ou de tel groupement professionnel, prête à équivoque car porte à croire que cette personne morale elle-même rend la sentence.

En fait l'arbitrage est organisé sous les auspices, avec la coopération de la personne morale, mais la sentence est rendue par une personne physique qui a été désignée par le groupement ou de qui le groupement a agréé la nomination.

En certains cas cependant la sentence est présentée comme étant l'oeuvre de la Cour qui a administré l'arbitrage, les arbitres demeurant anonymes.

Le NCPC en France interdit cette pratique, en précisant que "si la convention d'arbitrage désigne une personne morale, celle-ci, en vertu de l'al.2 de l'Art. 1451, ne dispose que du pouvoir d'organiser l'arbitrage" ; il est essentiel en effet que l'on sache qui a rendu la sentence et qui en porte la responsabilité. C'est pourquoi l'Art. 1451 al.1 NCPC énonce que "la mission d'arbitre ne peut être confiée qu'à une personne physique"

La Cour de Cassation italienne a très tôt exclu de la fonction d'arbitre les personnes morales, en se fondant sur le caractère essentiel de l'élément fiduciaire.

3- Les étrangers :

La Loi française permet aux étrangers de participer en qualité d'arbitre à une instance arbitrale. Cependant, les lois de divers pays excluent des fonctions d'arbitre les étrangers ; cette règle était portée par la loi en Italie.

L'exclusion des étrangers de la fonction d'arbitre constituait un handicap pour le développement de l'arbitrage international. La conception juridictionnelle et nationaliste de l'arbitrage que manifeste l'exclusion des étrangers est contraire à la physionomie qu'a prise de nos jours l'arbitrage.

L'Italie s'en est rendu compte et a, par une loi de réforme de 1983 n_ 28/83, éliminé l'interdiction pour les étrangers d'être nommés arbitres qui figurait à l'alinéa 1 de l'Art. 812 NCPC. Avant cette ouverture aux étrangers, les arbitres ne pouvaient être qu'italiens.

Une telle limitation, dans le texte originaire du Code de 1940, venait d'une conception extrêmement juridictionnelle de l'arbitrage, vu comme le moyen de rendre des sentences équivalentes à celles des juges, et donc de la crainte d'admettre indirectement des éléments externes à l'ordre juridique italien à dire le droit en Italie.

De toute façon, avant même la loi de réforme, la règle de l'interdiction faite aux étrangers d'être arbitres n'était pas regardée comme étant d'ordre public international. En effet, la convention européenne de 1961 déclare dans son Art. III que "dans les arbitrages soumis à la présente convention, les étrangers peuvent être désignés comme arbitre".

On trouve des dispositions allant dans le même sens dans les règlements de diverses institutions d'arbitrage.

Le règlement de la CCI et, pour le cas des arbitrages internationaux, celui de l'AAA prescrivent que, sauf convention contraire, l'arbitre unique ou, s'il y a plusieurs arbitres, le troisième arbitre, ait une nationalité autre que celle des parties.

4- Les magistrats :

En nombreux pays, l'interdiction d'accepter la fonction d'arbitre est faite aux juges ou à certains juges.

Les raisons qui justifient cette interdiction sont variées : la préoccupation de sauvegarder la dignité des magistrats, celle d'éviter que les magistrats aient une double activité alors que l'on se plaint souvent de l'encombrement des tribunaux ; on veut que les magistrats vouent tout leur temps à leur activité de juges dans les tribunaux étatiques.

Enfin, il peut paraître choquant que des magistrats reçoivent des honoraires pour une activité de même nature que celle pour laquelle ils reçoivent un traitement.

D'un autre côté, il faut reconnaître que leur formation, leur expérience, leur psychologie, préparent aisément les juges à la mission d'arbitre.

Les juges sont sûrement les mieux qualifiés pour réaliser une synthèse du droit et de l'équité à laquelle on aspire souvent en recourant à l'arbitrage.

Ainsi en France, l'Art. 12 al. 4 NCPC permet aux juges, en certains cas, de se transformer en arbitre.

Ceci permet de rechercher une plus grande harmonisation des rapports entre l'arbitrage et la justice étatique, en associant plus fréquemment et plus étroitement les juges à l'administration de l'arbitrage.

Le droit italien sur ce point est plus strict. Les magistrats peuvent être nommés arbitres, mais dans un seul cas particulier énoncé par l'Art. 14 de la Loi n_ 97 de 1979 : "les magistrats, avec autorisation préalable du CSM (Conseil de la Magistrature), peuvent assumer les fonctions d'arbitre unique ou de Président du collège arbitral et exclusivement dans les arbitrages dans lesquels est partie l'administration de l'Etat ou une entreprise publique".

Toutes ces questions de capacité de l'arbitre ne valent que pour l'arbitre chargé de résoudre une contestation juridique dans le cadre des lois de procédure d'un Etat.

Lorsqu'il en est autrement l'arbitre peut être librement choisi par les parties.

La règle en question a constitué en Italie l'une des raisons qui ont amené le développement de l'arbitrage libre.

Au prix d'une renonciation à certaines facilités d'exécution que le Code de procédure civile donne aux sentences on a pu désigner comme arbitre, dans un arbitrage libre fondé sur l'Art. 1341 C.Civ., un étranger ou un magistrat, alors que la chose n'était pas possible dans le cadre d'un arbitrage "rituel", régi par le Code de Procédure civile.

SECTION 2 QUALITE DE L'ARBITRE

1- La nécessité d'une certaine qualité :

Outre les conditions de capacité, il peut arriver que certaines qualités, jugées nécessaires, soient requises chez l'arbitre.

Cependant, il n'existe pas de dispositions réservant la fonction d'arbitre à des personnes offrant certaines garanties de savoir et d'honnêteté.

Ceci tient à la tradition qui voit dans les arbitres des conciliateurs plus que des juges.

Ainsi l'autorité et le respect dont peut jouir une personne auprès des parties sont les considérations les plus importantes la qualifiant pour être arbitre.

Les milieux commerciaux, sans remettre ce principe en question, ont fait pression pour faire établir par les institutions, des listes d'arbitres, générales ou spécialisées, dans lesquelles les parties sont invitées, parfois obligées à choisir leurs arbitres si elles souhaitent que l'arbitrage ait lieu sous leurs auspices.

L'institution arbitrale saisie d'un arbitrage exige fréquemment que l'arbitre soit choisi parmi des personnes qu'elle a agréées ; cet agrément peut être limité aux personnes qui figurent sur une certaine liste.

Le fait que le choix des parties soit circonscrit à un nombre limité de personnes présente des avantages certains ; il offre des garanties concernant la compétence de l'arbitre et simplifie les données du problème en matière de récusation.

Mais il faut toujours prendre garde à d'éventuelles incompatibilités qui concernent les liens de l'arbitre avec le cas d'espèce et qui justifient le régime de la récusation.

2- Les qualités d'indépendance et d'impartialité :

Le problème dans ce domaine est l'existence d'un rapport personnel entre les parties et les arbitres.

Pendant longtemps ce rapport personnel a été au premier plan ; l'arbitrage n'avait de légitimité qu'en raison de la confiance que les parties, connaissant l'arbitre, avaient en sa sagesse.

Cette circonstance paraissait suffisante pour éliminer tout danger de partialité.

La situation n'est plus la même aujourd'hui, bien que l'arbitrage se distingue toujours de la justice des tribunaux.

Le changement fondamental est apparu dès lors que l'on a cessé d'exiger à peine de nullité que dans la convention arbitrale on dise nommément à qui l'arbitrage était confié;

Il est suffisant à présent, que les parties s'entendent pour dire comment les arbitres seront nommés.

Se pose alors la question de savoir comment se prémunir contre le danger que l'arbitre ne soit pas indépendant ou impartial.

La pratique courante de constitution de la juridiction arbitrale consiste à faire désigner par chacune des parties un arbitre, un troisième arbitre étant désigné par accord entre les deux arbitres ou par un tiers.

L'impartialité est-elle requise en pareil cas des arbitres qui ont été désignés par une seule des parties, ou ceux-ci doivent-ils être regardés comme les représentants de la partie qui les a désignés ?

L'on s'est fréquemment élevé contre cette seconde possibilité mais n'est-ce pas une pratique naturelle?

Certainement l'arbitre désigné par une partie arrive souvent avec un certain préjugé favorable à la cause de celui qui l'a désigné et dans certains cas il considère que son rôle est de défendre cette cause plutôt que d'être un véritable juge.

Mais le fait que les représentants des parties soient élevés au rang d'arbitres ne sera pas sans influence sur leur psychologie. Ils ne se considéreront pas pleinement comme des avocats et accepteront souvent de se ranger à une opinion qu'aura fait prévaloir le troisième arbitre.

Il n'est pas indifférent qu'une sentence intervienne, rendue à l'unanimité, par une juridiction arbitrale ainsi composée ; le perdant sera moins tenté de l'attaquer.

Dans tous les cas le principe d'impartialité doit être pleinement respecté : des contrôles a priori ou a posteriori sont exercés et consistent en la procédure de récusation.

La situation la plus fréquente est celle où l'impartialité peut être mise en doute du fait que des rapports d'affaires existent ou ont existé entre l'arbitre et l'une des parties.

La situation se complique dans le cas de relations d'affaires qui pourront s'établir à l'avenir entre l'arbitre et une des parties.

La solution du litige, peut revêtir une importance particulière pour des entreprises non parties au litige mais dans lesquelles la personne choisie comme arbitre peut avoir un intérêt.

Le principe posé qui domine la matière est que : l'arbitre doit faire connaître aux parties tous les éléments qui peuvent conduire l'une d'elles à le récuser.

Le NCPC en France consacre cette règle à son Art. 1432 : "l'arbitre qui suppose en sa personne une cause de récusation doit en informer les parties, en ce cas il ne peut accepter sa mission qu'avec l'accord de ces parties".

De même en Italie, l'Art. 809 NCPC fixe une règle, à peine de nullité de la clause compromissoire, en garantie de l'opérativité du jugement arbitral et de l'impartialité de l'organe qui juge : la règle de l'imparité. L'impartialité des arbitres est ensuite garantie au travers du moyen préventif de la récusation (Art. 815 NCPC).

SECTION 3 LA REGLE D'IMPARITE : disparition du tiers arbitre

L'Art. 1453 NCPC français dispose que le tribunal arbitral est constitué "d'un seul arbitre ou de plusieurs en nombre impair".

La règle de l'imparité met fin aux difficultés dues au partage du tribunal arbitral quand celui-ci était composé d'arbitre en nombre pair.

Ces difficultés étaient résolues, en application de l'Art. 1018 de l'ancien CPC, par le tiers arbitre qui devait se conformer à l'avis d'un des arbitres, si ceux-ci ne parvenaient pas à se mettre d'accord.

Quant au droit italien, l'Art. 809 NCPC fixe la règle de l'imparité en garantie de l'opérativité du jugement arbitral. La raison d'une telle règle se comprend par le fait que la délibération du lodo (sentence) doit se faire selon le principe de la majorité ; sans aucune prééminence accordée au vote de l'un plus que des autres composants le collège.

L'alinéa 3 dans sa formulation antérieure à 1994, sanctionnait de nullité la convention arbitrale qui n'indiquait qu'un nombre pair d'arbitres ; aujourd'hui dans le but de sauvegarder la volonté des parties de soumettre aux arbitres la résolution de leur différend, la nullité n'est plus encourue et l'Art. 810 NCPC prévoit de régulariser la composition du tribunal arbitral en nombre impair.

Ainsi aux sens de l'Art. 809 al. 3 nouveau du NCPC italien,

-si les parties indiquent un nombre pair d'arbitres, un troisième arbitre est nommé soit par accord des parties, soit par décision du Président du tribunal selon les dispositions (de compétence et de forme) de l'Art. 810 NCPC ;

-si les parties n'ont rien prévu dans la convention arbitrale, soit les parties se mettent ultérieurement d'accord -et l'accord ne pourra porter que sur un nombre impair d'arbitres- soit la loi impose un nombre de trois arbitres et si perdure le désaccord des parties sur la désignation des arbitres, interviendra de nouveau le Président du tribunal.

Le Président du tribunal en vient ainsi à jouer un rôle fondamental dans toutes les hypothèses de difficulté de constitution du tribunal arbitral.

Cette règle de l'imparité accueillie par les différents droits revêt une importance considérable puisqu'elle est une garantie d'impartialité; et l'irrégulière constitution du collège, composé d'arbitres en nombre pair, se convertit en motif de nullité (relevable même d'office) de la sentence même rendue à l'unanimité (Art.829 2_ NCPC italien). La constitution d'un collège arbitral dans le cadre d'un arbitrage libre permet au contraire aux parties de ne désigner qu'un nombre pair d'arbitres.

La Cour de Cassation italienne estime que le nombre impair doit exister dès le moment de constitution du collège arbitral. Avant la Loi nouvelle de 1994, qui admet désormais cette technique, la Cour de Cassation avait même retenu comme nulle la clause compromissoire qui, en conformité avec la pratique d'origine anglaise, prévoyait la désignation éventuelle du tiers arbitre par les arbitres désignés par les parties, en cas de désaccord entre celles-ci.

Le fait que la désignation d'un tiers arbitre soit prévue au cas de partage des arbitres ne suffisait pas non plus à satisfaire la jurisprudence italienne. Aujourd'hui, à la lumière du texte actuel, la clause doit être retenue comme valide.

Est au contraire depuis toujours légitime, la désignation ab origine du tiers arbitre remise aux deux arbitres prédésignés.

La réglementation nouvelle a permis d'enrayer la jurisprudence sévère qui refusait d'admettre que la nullité soit couverte par le prononcé de la sentence, rendue d'accord entre les deux arbitres.

CHAPITRE 3

EFFETS DE LA CONSTITUTION DU TRIBUNAL ARBITRAL

La constitution du tribunal arbitral a des effets propres : elle détermine le point de départ du délai d'arbitrage, et donne pouvoir aux arbitres de régler le différend à eux soumis.

SECTION 1 LE CONTRAT D'INVESTITURE

La mission qui est proposée aux arbitres ne s'impose pas à eux ; il est nécessaire qu'ils l'acceptent, concluant ainsi avec les parties un contrat distinct de la convention d'arbitrage : le receptum arbitri.

Il n'existe pas à proprement parler un statut de l'arbitre.

L'arbitre a seulement des droits et est soumis à des obligations qui sont déterminées les unes et les autres, par le contrat passé entre lui et les parties.

Pour savoir quels sont ces droits et obligations, il faut donc se référer à ce contrat, lequel fixera par exemple si l'arbitre doit statuer selon le droit ou selon l'équité, dans quel délai il devra rendre sa sentence, s'il a droit à une rémunération.

1- Le receptum arbitri :

Le receptum arbitri n'est pas un mandat parce que l'arbitre n'est pas un représentant de celui ou ceux qui l'ont nommé ; il est différent du mandat, et s'oppose au mandat, du fait de l'indépendance que l'arbitre possède, et dont il doit faire preuve, à l'égard des parties.

L'Art. 1452 NCPC français énonce : "la constitution du tribunal arbitral n'est parfaite que si le ou les arbitres acceptent la mission qui leur est confiée".

De même dans le droit italien, l'arbitre doit accepter la nomination par écrit avec la précise indication de la date (importante pour la durée de la mission de l'arbitre).

Cette acceptation rend la désignation efficace. En effet jusqu'à l'acceptation des arbitres, la convention arbitrale produit seulement un effet procédural négatif ; en ce qu'elle ne consent aux parties que d'exciper la convention arbitrale face au juge ordinaire.

La désignation n'est en effet pas suffisante pour donner vie au procès arbitral, à telle fin est nécessaire l'acceptation par les arbitres de leur nomination.

Ainsi, la Cour de Cassation italienne a pu déclarer : "l'acceptation de l'arbitrage, qui est la condition nécessaire à l'instauration du procès arbitral, constitue l'élément extérieur à la perfection de la clause compromissoire".

L'acceptation se fait par le biais d'un "contrat d'arbitrage" ; par cette expression, se définit clairement l'aspect essentiel de l'institution arbitrale, sa base volontaristique, son fondement dans une libre rencontre de volonté.

La désignation n'est pas une investiture impérative et obligatoire, même si elle est le fait d'un juge ou d'un tiers ou d'une institution d'arbitrage ; et l'acceptation est le passage essentiel à la constitution de l'organe arbitral.

2 - Les responsabilités de l'arbitre :

Par l'acceptation l'arbitre se lie aux parties et s'engage à accomplir sa mission, l'arbitre devient surtout l'arbitre des deux parties et cesse d'être l'arbitre de la partie qui l'a nommé.

Ce contrat d'investiture a, comme tout contrat, pour conséquence de créer des obligations à la charge des parties.

Le contrat d'investiture entraîne pour les arbitres des responsabilités importantes.

L'arbitre contracte à l'égard des parties certaines obligations, en particulier celle de remplir sa mission jusqu'au bout (Art. 1462 NCPC français), sauf empêchement.

L'Art. 1452 al 2 NCPC français précise que l'arbitre "qui suppose en sa personne une cause de récusation doit en informer les parties.En ce cas, il ne peut accepter sa mission qu'avec l'accord de ces parties".

Cet article institue une nouvelle obligation pour l'arbitre qui pourra être sanctionnée par la récusation, conformément à l'Art. 1463 NCPC.

L'Art. 813 NCPC italien mentionne deux obligations principales incombant à l'arbitre après acceptation : l'obligation de ne pas renoncer à la charge sans juste motif (sinon l'arbitre doit dédommager les parties) et l'obligation de prononcer la sentence dans le délai fixé par les parties ou par la loi.

La responsabilité de l'arbitre se rattache donc au contrat qui le lie aux parties ; l'arbitre est responsable dans les cas où il n'exécute pas et dans ceux où il exécute mal ce contrat. Mais il est certain que l'on ne peut reprocher à l'arbitre d'avoir simplement rendu un jugement erroné ; ce serait ouvrir la porte à tous les procès et rendre vain le caractère définitif que l'on entend assurer à la sentence.

Pour cette raison, on ne se contentera pas d'une simple erreur de l'arbitre pour engager sa responsabilité. L'annulation même de la sentence ne sera pas suffisante pour entraîner sa responsabilité, à moins qu'elle ne soit due au fait qu'il ait été corrompu ou à son dol manifeste.

Pour que l'arbitre soit responsable il faut qu'il ait commis une faute lourde professionnelle, qu'on puisse lui reprocher un véritable déni de justice.

3- Les droits de l'arbitre :

Il s'agit de définir dans quelles mesures l'arbitre a droit à recevoir des honoraires.

Dans l'esprit de l'arbitrage traditionnel, il est choquant qu'un arbitre ait droit à rémunération.

Mais aujourd'hui l'arbitre est devenu un étranger aux services duquel on a recours et l'on ne peut attendre de lui le même désintéressement pécuniaire que jadis.

A la question de savoir si l'arbitre a droit à des honoraires, une réponse affirmative est donnée aujourd'hui en différents droits, tel est le cas en Italie.

Cependant en d'autres pays, comme la France, le principe demeure que l'arbitre n'a pas droit à rémunération ; mais il n'est pas interdit aux parties d'écarter ce principe et de reconnaître le droit des arbitres à recevoir des honoraires.

Quant au montant des honoraires, lorsqu'il s'agit d'un arbitrage institutionnel, les difficultés sont réduites puisque le règlement de l'institution contient souvent des dispositions précises à ce sujet.

Les honoraires des arbitres sont généralement calculés selon un barême, connu à l'avance des parties, et qui ne prêtera pas à discussion.

Les règlements prévoient aussi par qui les honoraires doivent être payés.

L'on est beaucoup plus embarassé dans le cas de l'arbitrage ad hoc.

L'arbitre peut, avant d'accepter sa mission, s'entendre avec les parties sur le montant de ses honoraires ; faute d'une telle convention, le droit français retient le principe selon lequel il faut s'adresser aux tribunaux pour fixer le montant des honoraires dus à l'arbitre.

Le droit italien quant à lui, prévoit expressément un droit à rémunération à l'Art 814 NCPC.

Cet article énonce un double droit de l'arbitre : celui d'obtenir le remboursement de ses dépenses et celui de recevoir une rémunération pour le service rendu.

Le texte italien a établi un véritable droit à rémunération auquel sont attachées d'importantes conséquences. Ainsi, les parties sont solidairement obligées au versement de la somme due à l'arbitre

(Art 1292 Code Civil italien) ; et le défaut de paiement peut constituer un juste motif de renonciation à sa mission par l'arbitre.

En outre, le droit de l'arbitre persiste même en cas de caducité de la sentence par lui rendue.

Les arbitres peuvent renoncer aux honoraires et au remboursement de leurs dépenses, mais cette renonciation doit être expresse.

SECTION 2 POUVOIRS DES ARBITRES

1- Pouvoirs des arbitres dans l'instance arbitrale :

Les arbitres doivent s'en tenir à l'objet du litige, c'est-à-dire aux stipulations des parties : leurs pouvoirs, ayant leur source dans un contrat, "sont plus éphémères et moins étendus que ceux d'un tribunal ordinaire".

Le litige est déterminé au commencement, et même au préalable de l'instance arbitrale, par les termes de la convention d'arbitrage.

Ainsi, la compétence des arbitres est déterminée par la convention d'arbitrage conclue par les parties.

Les arbitres ne sont pas compétents pour trancher une question qui ne serait pas prévue par la convention d'arbitrage.

Ainsi, parce que l'arbitrage est d'origine contractuelle, les arbitres ne doivent statuer que sur ce qu'il leur a été demandé par les parties dans la convention d'arbitrage qui est en principe d'interprétation stricte.

Cependant les arbitres doivent répondre à toutes les questions qui leur sont posées dans cette convention. Notamment, les arbitres doivent résoudre toutes les questions dont la solution apparaît comme un préalable nécessaire à celle du litige.

Ainsi les arbitres doivent statuer sur toutes les questions qui apparaissent comme l'accessoire ou la conséquence nécessaire de l'objet du litige qui leur est soumis.

De même le principe de l'interprétation stricte des conventions ne doit pas être confondu avec la possibilité, pour l'objet tel qu'il est décrit par la convention, d'être susceptible de modification au cours de l'instance.

Ainsi les parties peuvent formuler des demandes incidentes ou même établir de nouveaux compromis.

2- Compétence des arbitres pour vérifier leur compétence et statuer sur leur investiture :

En Italie, l'Art. 816 NCPC édicte : "Il appartient à l'arbitre de statuer sur la validité ou les limites de son investiture".

Cet article attribue aux arbitres un double pouvoir : celui de vérifier leur compétence, et celui de statuer sur la validité et les limites de leur investiture.

Une disposition analogue est portée par la Convention européenne Art. V al. 3 : "l'arbitre a le pouvoir de statuer -sur sa propre compétence et- sur l'existence et la validité de la convention d'arbitrage ou du contrat dont cette convention fait partie."

Ces dispositions établissent le principe que l'arbitre a la compétence de sa compétence ; il n'est pas obligé de suspendre la procédure de l'arbitrage et peut décider lui-même si la clause compromissoire est ou non autonome par rapport au contrat qui la contient.

Le problème de la compétence de la compétence est distinct de celui de l'autonomie de la clause compromissoire avec lequel on est parfois tenté de le confondre.

Il ne s'agit pas ici du problème de fond de savoir si la convention arbitrale est valable et à quels litiges elle s'applique.

Le problème est ici relatif à la procédure : il s'agit de savoir si les arbitres eux-mêmes peuvent se prononcer sur des questions dont dépendent leur compétence.

Lorsque le défendeur conteste la compétence des arbitres, la question est de savoir si les arbitres doivent suspendre leur procédure en attendant que l'autorité judiciaire ait statué, ou s'ils peuvent continuer à connaître du litige, au risque que finalement une décision judiciaire intervienne disant qu'ils ont eu tort ?

Cette question est très importante du fait que souvent les formules employées dans les clauses compromissoires sont ambiguÎs.

Mais, dans de nombreux cas, la partie qui conteste la compétence des arbitres n'est pas d'une totale bonne foi et cherche seulement à gagner du temps, et le recours à une autorité judiciaire est toujours fâcheux quand il existe une convention arbitrale.

La partie qui saisit un tribunal étatique va contre l'esprit dans lequel elle a conclu la convention d'arbitrage ; la confiance qu'elle a manifesté aux arbitres en concluant cette convention ne doit-elle pas s'étendre à la décision qu'ils prendront quant à leur compétence ?

Ceci paraît d'autant plus raisonnable que cette décision sera, en définitive, soumise au contrôle des tribunaux quand la sentence aura été rendue.

Ainsi on peut avoir la certitude que les arbitres ne se reconnaîtront compétents que lorsque la question ne fera aucun doute à leurs yeux.

Reconnaître aux arbitres la compétence de leur compétence a l'avantage évident d'arriver le plus vite possible à une sentence.

Mais un autre argument de poids peut s'y opposer. En effet, est-ce la peine de continuer la procédure de l'arbitrage, avec tous les frais qu'elle comporte, si elle doit aboutir à une sentence qui ne sera pas reconnue valable par les tribunaux ?

Au début du siècle, il ne paraissait pas concevable que l'on pût reconnaître aux arbitres, personnes privées, la compétence de leur compétence.

Une faveur croissante pour l'arbitrage a depuis entraîné un revirement. Aujourd'hui la plupart des pays, dont la France et l'Italie, ont admis le même principe : les arbitres ne sont pas obligés de suspendre la procédure de l'arbitrage lorsque leur compétence est contestée par une partie.

Le nouveau Code de procédure civile en France le dit avec netteté dans son Art. 1446 : "si, devant l'arbitre, l'une des parties conteste, dans son principe ou son étendue, le pouvoir juridictionnel de l'arbitre, il appartient à celui-ci de statuer sur la validité ou les limites de son investiture".

Ainsi, après seulement que la sentence aura été rendue, il sera possible pour la partie qui allègue l'incompétence, de faire valoir que la sentence n'a pas à sa base un compromis valable ou que la juridiction arbitrale était irrégulièrement constituée.

SECTION 3 DUREE DE LA MISSION DES ARBITRES

1- La nécessité d'un délai :

La solution du litige ne doit pas rester infiniment en suspens. Les arbitres cherchent à rapprocher les parties de manière à pouvoir rendre une sentence qui convienne à chacune d'elles.

Mais il ne faut pas que ces efforts pour obtenir une conciliation se poursuivent à l'infini.

L'arbitre est obligé de rendre sa sentence dans un certain délai après qu'il soit entré en fonction.

La loi française (Art. 1456 NCPC) prévoit un délai de six mois à compter du jour où le dernier arbitre a accepté sa mission.

La loi italienne fixe pareillement un délai : l'Art. 820 NCPC dispose, dans sa formulation nouvelle et sous la rubrique "délai pour la décision", que les arbitres doivent prononcer leur décision dans le délai de cent quatre vingt jours (au lieu de 90 jours dans le texte précédent), si les parties n'ont pas disposé autrement.

Cependant fixer par la voie législative une durée maxima aux fonctions de l'arbitre n'est pas toujours une bonne solution.

Il n'est en effet pas possible de fixer a priori un délai qui soit raisonnable pour tous les arbitrages.

Certains litiges peuvent être très rapidement résolus, d'autres en revanche posent des questions très complexes.

Ainsi les textes prévoient que les parties peuvent librement s'en détacher et y déroger, choisissant un moindre ou plus élevé nombre de jours, restant cependant ferme pour les parties la règle relative à l'indication du starting point, du point de départ de décompte des jours. Il s'agit du jour de la commune ou de la dernière -en cas de collège arbitral- ou de l'unique -en cas d'arbitre unique- acceptation.

2- Importance du délai :

Le délai conventionnel ou légal ainsi fixé doit être impérativement respecté par les arbitres.

Dans le cas où les arbitres n'auraient pas rendu leur sentence dans le délai qui leur était imparti, la loi française, employant la formule "la mission des arbitres ne dure que six mois", prescrit la caducité de la convention arbitrale.

De même le droit italien attache une importance particulière au respect du délai, mais la position du texte italien est différente.

En effet, il ne sanctionne pas les parties par la caducité de la convention arbitrale ; mais engage la responsabilité de l'arbitre qui n'a pas exécuté ses obligations.

De l'engagement contractuel accompli par l'acte d'acceptation, est née l'obligation pour l'arbitre de prononcer la décision dans le terme établi par les parties ou à défaut par la loi (Art. 820 NCPC).

Les arbitres sont ainsi responsables des dommages causés par l'annulation de la sentence arbitrale prononcée hors délai et, dans le cas du défaut total de prononcé de la sentence, de la renonciation à la mission sans juste motif.

3- Les modifications du délai :

Ainsi déterminé par le Code ou par les parties, ce délai pour le prononcé de la sentence est sujet à diverses vicissitudes qui peuvent être synthétisées ainsi : prorogation, suspension, interruption.

3-1- Prorogation :

Le Nouveau Code français permet au tribunal de proroger la mission des arbitre, à la demande d'une des parties ou du tribunal arbitral, sans distinguer si le délai originaire est celui que prévoit la loi ou s'il résulte de la convention (Art. 1436 NCPC).

Le règlement de la CCI donne compétence, pour statuer à ce sujet, à la Cour d'arbitrage ; il précise que cette prorogation peut être accordée exceptionnellement, sur demande motivée de l'arbitre et au besoin d'office si la Cour d'arbitrage l'estime nécessaire.

3-1-1- La prorogation conventionnelle :

Art. 820 dernier alinéa NCPC italien, elle est consentie par les parties par acte écrit et sans limite de temps.

Le droit français admet pareillement la prorogation sur décision des parties (Art 1456 NCPC) pour une durée fixée par les parties ou, à défaut, pour la durée légale de six mois.

3-1-2- La prorogation décidée par les arbitres :

Art. 820 al. 2 NCPC italien, les arbitres peuvent se consentir une prorogation à eux-mêmes ; mais pour un temps qui ne peut excéder les 180 jours à calculer à partir du moment d'expiration du délai encore en cours ; et seulement dans deux circonstances, avec une seule prorogation pour chaque circonstance : quand doivent être engagés des moyens de preuve ; quand a été prononcé une décision non définitive.

L'Art 1456 en France n'admet pas cette possibilité pour les arbitres de décider eux-mêmes une prorogation du délai.

La Cour de Cassation a affirmé que les arbitres n'ont pas le pouvoir, même sur délégation des parties, de proroger le délai (Civ 2_ 13 janvier 1993).

Dans un arrêt du 15 juin 1994, la Cour de cassation a complété cette règle en énonçant : "le principe selon lequel le délai fixé par les parties... et dans lequel les arbitres doivent accomplir leur mission, ne peut être prorogé par les arbitres eux-mêmes, traduit une exigence de l'ordre public... en ce qu'il est inhérent au caractère contractuel de l'arbitrage. Dès lors, la violation de ce principe constitue un cas de refus d'exequatur".

Ainsi en droit français, les arbitres ont seulement la possibilité de requérir une prorogation qui sera accordée soit par accord des parties, soit par le Président du TGI.

3-1-3- La prorogation de droit :

Art. 820 al. 3 NCPC italien, cette prorogation est elle aussi possible uniquement dans deux situations et pour une durée de 30 jours à partir de l'expiration du délai en cours.

3-2- Suspension du terme :

La suspension du terme n'est pas prévue par le droit français ; dans un arrêt du 5 avril 1994 la Cour de cassation énonce que "si la convention d'arbitrage ne fixe pas de délai, et sauf prorogation conventionnelle ou judiciaire, la mission des arbitres ne dure que six mois à compter du jour où le dernier d'entre eux l'a acceptée. Si le délai pour exercer les recours en annulation de la sentence et le recours exercé suspendent l'exécution de la sentence arbitrale, ils n'ont pas pour effet de suspendre le délai imparti aux arbitres pour accomplir leur mission".

La suspension du délai est par contre organisée par le NCPC italien, elle peut avoir lieu dans deux hypothèses :

Art. 819 al. 1 NCPC : il s'agit du cas où étant soulevée la question de la non arbitrabilité, les arbitres retiennent de ne pas pouvoir procéder sans que soit résolue la question par une juridiction étatique.

En ce cas la suspension dure jusqu'à ce que soit rendue la décision judiciaire.

L'autre hypothèse est celle où a été proposée la récusation d'un arbitre : le délai est suspendu jusqu'au prononcé à ce sujet Art. 820 al. 1 NCPC.

Dans les deux cas, le délai recommence à courir à partir de la cessation de la cause de suspension et pour le seul nombre de jours qui restait à courir.

3-3- Interruption :

Le Code italien parle d'interruption quand il est nécessaire de procéder à la substitution des arbitres Art. 820 al. 1 NCPC.

Le délai recommence à courir pour sa durée intégrale, étant évident que les nouveaux arbitres doivent pouvoir disposer de tout le temps nécessaire pour connaître et trancher le litige.

Le NCPC français prévoit lui aussi l'interruption de l'instance arbitrale à son Art 1465 dans les cas de récusation, abstention, révocation et décès d'un arbitre.


CHAPITRE 4

FIN ANTICIPEE DE LA MISSION DES ARBITRES

SECTION 1 RECUSATION DES ARBITRES

1- Impartialité de l'arbitre :

Les arbitres contractent, en acceptant la mission qui leur est confiée, un certain nombre d'obligations vis à vis des parties.

Parmi ces obligations, figure la nécessité d'une impartialité, ce qui soulève le problème de la récusation des arbitres.

Parce qu'il n'est pas mandataire des parties, mais un véritable juge, l'arbitre doit être doté d'une parfaite indépendance d'esprit.

Cette impartialité de l'arbitre, comme conséquence de son pouvoir juridictionnel, a été soulignée par la Cour de Cassation dans son arrêt Consorts Ury c/ Galeries Lafayette du 13 avril 1972 qui a affirmé : "que l'indépendance d'esprit est indispensable à l'exercice du pouvoir juridictionnel, quelle qu'en soit la source, qu'elle est l'une des qualités essentielles des arbitres et que l'ignorance par l'une des parties d'une circonstance de nature à porter atteinte à cette qualité vicie le consentement donné par elle à la convention d'arbitrage et en entraîne la nullité".

En droit italien, Justement parce que l'impartialité de l'arbitre est l'‚me de la procédure arbitrale, le Code se préoccupe de la garantir.

L'Art. 815 NCPC copie pour la discipline de la récusation, celle déjà prévue pour les juges, avec les seules adaptations techniques rendues nécessaires par la diversité du domaine.

2- Obligation d'information :

Véritable juge, l'arbitre n'en est pas moins choisi par les parties.

Ce choix est un signe de confiance ; mais cette confiance est quelquefois suscitée par les liens antérieurs que l'arbitre a entretenu avec la partie qui l'a choisi, de sorte que des difficultés peuvent se produire concernant l'impartialité de l'arbitre.

Le NCPC français énonce une règle fondamentale : obligation de renseignement incombant aux arbitres.

L'Art. 1452 al. 2 NCPC français énonce que l'arbitre qui suppose en sa personne "une cause de récusation doit en informer les parties. En ce cas, il ne peut accepter sa mission qu'avec l'accord de ces parties".

L'arbitre se différencie du juge en ce qu'il n'existe aucune interdiction formelle ou d'ordre public, pour un arbitre, d'être parent de l'une des parties, d'avoir été le conseil des parties ou même d'avoir un intérêt personnel dans le litige.

Des parties peuvent convenir de renoncer à ces causes, notamment en participant volontairement aux opérations d'arbitrage.

Il arrive même souvent que les parties choisissent, d'un commun accord, des arbitres dont elles ont éprouvé la compétence dans d'autres affaires, ou en raison des relations professionnelles ou personnelles qu'elles ont entretenu avec eux.

Il est seulement nécessaire que les parties soient informées de l'existence des causes de récusation.

3- Causes de récusation :

Les causes de récusation des arbitres sont celles prévues pour la récusation des juges ordinaires. L'Art 815 NCPC italien renvoie ainsi à l'Art 51 du même Code ; cet article énumère les cas dans lesquels le juge a l'obligation de s'abstenir : si le juge a un intérêt dans la cause ; si lui-même ou sa femme est parent jusqu'au 4_ degré ou lié par lien de filiation à l'une des parties ; si lui-même ou sa femme a une grave inimitié ou crédit avec une partie ; s'il a été conseil dans la cause ou a déposé en témoin ou a connu la cause dans un autre degré de juridiction ; s'il est tuteur, curateur, patron...d'une partie. Le texte ajoute que dans d'autres cas qu'il considère comme graves, le juge peut demander au chef de bureau l'autorisation de s'abstenir.

Les causes possibles de récusation s'ordonnent ainsi autour de trois hypothèses : liens personnels d'un arbitre avec une partie ; intérêt personnel d'un arbitre avec l'affaire en litige ; connaissance antérieure de l'affaire par l'arbitre, en tant qu'arbitre, juge ou conseil de l'une des parties. Ces causes de récusation sont similaires à celles retenues par le NCPC français à son Art 341.

L'arbitre qui craint d'être susceptible de récusation a intérêt à faire part de son doute aux parties, pour ne pas risquer d'être récusé au cours des opérations d'arbitrage.

Cependant la règlementation n'est pas sévère et le TGI de Paris a notamment pu relever que "un arbitre ne peut être récusé, sur le fondement de la partialité, que lorsque les circonstances font apparaître un risque certain de prévention à l'égard d'une partie à l'arbitrage et permettent de douter légitimement de son i ndépendance".

4- Fins de non recevoir :

Il convient de se demander si une personne doit être autorisée à récuser l'arbitre qu'elle a elle-même désigné, ou à la désignation duquel elle a participé ou donné son assentiment.

D'autre part il y a lieu de se demander si une personne doit être autorisée à contester la qualification d'un arbitre après que, instruite des circonstances sur lesquelles elle fonde sa demande, elle a continué, en connaissance de cause, à participer à la procédure d'arbitrage.

Une troisième fin de non recevoir peut résulter de la circonstance que la sentence a déjà été rendue. En ce cas, la seule possibilité est d'attaquer la sentence elle-même.

Chaque partie peut récuser l'arbitre qu'elle n'a pas nommé et pour les mêmes motifs que ceux prévus pour le juge (Art. 51 CPC italien).

La partie ne peut proposer une récusation concernant l'arbitre qu'elle a nommé : le motif doit être recherché dans la règle cuius commoda eius incommoda, ou plutôt dans le critère de responsabilité consacré par l'Art. 157 al. 3 NCPC italien concernant la recevabilité de la nullité en général, cet article dispose que "la nullité ne peut être opposée par la partie qui y a donné cause, ni de celle qui y a renoncé même tacitement".

Pourtant, l'interdiction devrait être allégée lorsque l'instance est fondée sur des motifs survenus, ou du moins connus, après la désignation de l'arbitre en cause.

Le droit français pose un principe : "un arbitre ne peut être récusé que pour une cause de récusation qui se serait révélée ou serait intervenue depuis sa désignation" (Art. 1463 al. 1 NCPC).

Dans le CPC français de 1806, la récusation était exclue en toute hypothèse, hormis le cas de fraude.

Cette règle se comprenait fort bien dans le type d'arbitrage que l'on cherchait à régler en 1806 : l'arbitrage était confié à une personne que les parties connaissaient bien et en qui elles mettaient leur confiance.

L'arbitrage de notre époque intervient dans de toutes autres circonstances.

L'arbitre est souvent choisi en raison de sa compétence technique, non en considération des liens qu'il peut avoir avec les parties ; bien au contraire, on sera tenté de l'exclure quand existent de tels liens.

Aujourd'hui il faut donc permettre la récusation à une partie qui découvre, après avoir agréé un arbitre, qu'il a eu ou qu'il a des liens particuliers, d'affaires ou autres, avec son adversaire.

Une autre fin de non recevoir est admise : une partie ne peut faire valoir qu'un arbitre était disqualifié lorsque, en connaissance des circonstances qu'elle prétend invoquer, elle a participé à la procédure d'arbitrage. Cette connaissance ne peut cependant pas être présumée. La conduite de celui qui ne fait pas valoir immédiatement le motif de récusation est analysée comme comportant une renonciation à se prévaloir d'un défaut pouvant être reproché à l'arbitre.

5- Autorité appelée à statuer :

En droit français, la juridiction arbitrale saisie d'une demande de récusation, procède à son examen et si elle rejette l'objection élevée contre un de ses membres, doit surseoir à statuer.

Les difficultés relatives à l'application du droit de récusation sont portées devant le Président du TGI.

Cette allusion aux difficultés faite par l'Art 1463 NCPC français, vise le cas où l'arbitre récusé ne se retirerait pas spontanément, s'il estimait infondée la récusation. De même, lorsqu'une partie récuse un arbitre, elle peut se heurter aux objections de la partie adverse qui refuse de reconnaître le bien-fondé de cette demande.

Dans ce cas, en vertu de l'Art. 1463 al. 2 NCPC la contestation est portée devant le Président du tribunal compétent saisi soit par une partie, soit par le tribunal en application de l'Art. 1457 NCPC.

Le Président du tribunal apprécie si la formation du tribunal arbitral aurait été sensiblement différente dans l'hypothèse où le fait incriminé aurait été porté à la connaissance des parties.

Le Président du TGI est alors saisi comme en matière de référé et statue sans recours.

Au contraire en droit italien la compétence pour statuer sur la récusation d'un arbitre revient directement à la juridiction ordinaire.

L'Art 815 NCPC italien indique que la récusation doit être proposée au Président du tribunal normalement compétent dans le délai préfix de dix jours à compter de la notification de la nomination de l'arbitre ou de la survenance ou de la connaissance de la cause de récusation.

Le Président du tribunal se prononce sous forme d'ordonnance insusceptible de recours.

Le recours en cassation n'est pas autorisé puisque la nature instrumentale de la décision n'influe pas sur la constitution de l'organe arbitral en tant que tel.

6- Conséquence de la récusation :

La récusation, admise par les parties ou prononcée par le tribunal, met fin à la mission de l'arbitre et interrompt l'instance arbitrale (Art. 1464 NCPC français et Art 820 NCPC italien).

Le délai de l'instance recommence à courir pour sa totalité dès que le nouvel arbitre est nommé

SECTION 2 ABSTENTION DE L'ARBITRE

L'abstention est le fait pour un arbitre désigné et ayant accepté, de mettre fin de lui-même à sa fonction avant le terme de celle-ci.

A cet égard, l'Art. 1462 NCPC français pose le principe général selon lequel : "l'arbitre doit sous peine de dommages et intérêts, poursuivre sa mission jusqu'au terme de celle-ci".

Et l'Art. 1463 NCPC ouvre à ce principe la seule exception selon laquelle "l'arbitre ne peut s'abstenir...que pour une cause de récusation qui se serait révélée ou serait survenue depuis sa désignation".

Enfin, l'Art. 1462-2_ NCPC français tire de l'abstention la même conséquence que pour la récusation, à savoir qu'elle met fin au compromis.

De même, l'Art 813 NCPC italien prévoit le versement de dommages et intérêts par les arbitres qui, après acceptation de leur mission, renoncent à leur charge sans juste motif.

Si l'abstention est plus rare que le défaut d'acceptation par l'arbitre, elle est généralement provoquée par le sentiment peu louable selon lequel l'arbitre qui mesure, lors du développement de l'arbitrage, la possibilité d'intervention d'une sentence différente de celle qu'il aurait préconisé, entend manifester son opposition par l'éclat de son abstention, au risque d'entraîner la fin de l'arbitrage.

C'est parce que l'abstention laisse ouverte une pareille conséquence que la loi considère le fait comme ouvrant droit à une action en dommages et intérêts de la part des parties.

Enfin, il ne fait pas de doute que l'empêchement de l'arbitre constitue une cause légitime d'abstention. En lui-même, l'empêchement est constitué par l'intervention d'une situation invincible mettant l'arbitre dans l'impossibilité d'exercer plus longtemps sa fonction (maladie grave, infirmité, éloignement corporel contraint, tous les cas fortuits et de force majeure).

L'on ne peut donc dans un tel cas mettre obstacle à une abstention qui s'impose.

SECTION 3 REVOCATION DE L'ARBITRE

L'Art. 1460 al. 2 NCPC français exprime que "l'arbitre ne peut être révoqué que du consentement unanime des parties".

La chose va d'ailleurs de soi ; la désignation de l'arbitre a été, que ce soit directement par les parties dans la clause compromissoire ou dans le compromis, ou par le jeu des modalités dont elles ont convenu, l'effet de leur volonté commune, à l'occasion d'une procédure éminemment contractuelle.

Dans ces conditions il ne peut appartenir à une seule des parties (même s'il s'agit de l'arbitre qu'elle a elle-même désigné) de mettre fin par sa seule volonté à la mission d'un quelconque ou de tous les arbitres.

Par contre, ce qu'a fait l'expression commune de volontés, une autre peut le défaire. Les conventions d'arbitrage étant, comme toutes conventions, une création continue, il est dans l'ordre des choses que puisse intervenir une révocation.

L'arbitre révoqué ne peut se plaindre de la révocation intervenue que si elle s'est assortie d'un motif pouvant être considéré comme offensant, et qu'il tiendrait pour inexact. Mais même infondée, la révocation est acquise ; elle revêt un caractère ad nutum.

La loi italienne n_ 25 de 1994, s'uniformisant sur les législations étrangères et dans le but d'éviter le phénomène du filibustering de l'arbitre, a ajouté un alinéa 3 à l'Art 813 NCPC qui introduit un remède : l'arbitre, après l'acceptation, préjudicie, par son propre comportement, au régulier déroulement du procès arbitral, en omettant ou retardant d'accomplir un acte relatif à ses fonctions.

Dans un tel cas, selon le modèle de l'Art. 811 NCPC, est possible la substitution de l'arbitre sur accord des parties ou à défaut, par le Président du tribunal compétent.

La nouvelle réglementation a rendu la matière plus compliquée.

A côté de la substitution prévue à l'Art. 811 dans l'hypothèse où pour quelque motif viennent à manquer tous ou certains des arbitres nommés ; il faut aujourd'hui considérer la substitution prévue à l'Art. 813 al. 3 NCPC qui pourrait être considérée comme sanctionnatoire de certains comportements d'omission ou de retard de l'arbitre dans l'accomplissement d'un acte relatif à ses fonctions.

La ratio de la norme est évidente : stimuler la célérité de la procédure arbitrale, en ajoutant à l'obligation du juge arbitral celle de respecter le délai pour le prononcé de la sentence.

SECTION 4 DECES DE L'ARBITRE

Le décès de l'arbitre a, aux termes de l'Art. 1464 NCPC français, le même effet que la récusation, la révocation, l'abstention ou l'empêchement.

L'Art. 811 NCPC italien, prévoit le cas d'une substitution de nécessité, quand vient à manquer un arbitre pour quelque motif que ce soit mort, incapacité survenue pour maladie...

Ce sont des motifs qui peuvent se recouper avec la notion de juste motif pour renoncer à la charge arbitrale (Art. 813 NCPC).

Pour la substitution la règle est que doivent d'abord être suivies les normes établies dans la convention arbitrale pour la désignation des arbitres ; si cette possibilité n'est pas applicable, sont appliquées les règles de l'Art. 810 NCPC italien (compétence du Président du tribunal normalement compétent).

PARTIE 3 L'INSTANCE ARBITRALE


CHAPITRE INTRODUCTIF

COMPARAISON SYNTHETIQUE :

INSTANCE ARBITRALE ET INSTANCE JUDICIAIRE

Plusieurs éléments rapprochent l'instance arbitrale et l'instance judiciaire, à commencer par l'emploi du terme "instance" pour désigner les deux types de procès.

Toutefois, l'instance arbitrale présente des traits spécifiques : le plus important est le fait que les arbitres ne soient pas tenus de suivre les règles de procédure qui s'imposent au juge ordinaire.

SECTION 1 ELEMENTS DE RAPPROCHEMENT ENTRE INSTANCE ARBITRALE ET INSTANCE JUDICIAIRE

Le Titre II du Livre IV du NCPC français consacré à l'arbitrage est intitulé : "l'instance arbitrale".

Ceci met en relief le caractère juridictionnel de l'arbitrage.

L'arbitrage devient désormais "l'un des systèmes juridictionnels reconnus".

La reconnaissance du caractère juridictionnel de l'arbitrage se manifeste tout au long de la procédure d'arbitrage. En effet, de nombreuses dispositions du nouveau Code relatives à l'instance judiciaire sont déclarées applicables à la procédure devant les arbitres.

Ainsi, selon l'Art. 1467 NCPC, l'arbitre a le pouvoir de trancher l'incident de vérification d'écriture ou de faux, conformément aux dispositions des Art. 287 à 294 et de l'Art. 299 NCPC.

Egalement, selon l'Art. 1465, l'interruption de l'instance arbitrale est régie par les dispositions des Art. 369 à 376 NCPC.

SECTION 2 ELEMENTS DE DIFFERENCE ENTRE LES DEUX INSTANCES

Les arbitres disposent d'une certaine liberté pour régler la procédure arbitrale ; l'Art. 1460 NCPC français énonce : "les arbitres règlent la procédure arbitrale sans être tenus de suivre les règles établies pour les tribunaux, sauf si les parties en ont autrement décidé dans la convention d'arbitrage. Toutefois, les principes directeurs du procès énoncés aux Art. 4 à 10, 11al. 1 et 13 à 21 NCPC sont toujours applicables à l'instance arbitrale".

Outre cette liberté de régler la procédure arbitrale, le pouvoir essentiel réservé au tribunal arbitral est d'être habilité à statuer sur la validité ou la limite de son investiture, si l'une des parties conteste dans son étendue ou dans son principe le pouvoir juridictionnel de l'arbitre (Art. 1466 NCPC).

CHAPITRE 1

MODE DE STATUER DES ARBITRES

SECTION 1 DECISIONS PRELIMINAIRES

1- Procédure de conciliation :

La convention des parties ou le règlement auquel elles se sont référées peut imposer, avant même que ne commence la procédure arbitrale, l'observation d'un certain délai pendant lequel les parties doivent se prêter à une tentative de conciliation.

Il ne s'agit pas là du domaine propre de l'arbitrage mais cette phase préliminaire n'est pas à négliger.

Dans les contrats complexes que l'on trouve dans les conditions du monde moderne, et plus spécialement dans le commerce international, le sentiment est répandu qu'il y a lieu à renégociation du contrat ; une partie irait contre la bonne foi si elle se refusait à engager des négociations et prétendait aller en justice, ou devant les arbitres, immédiatement, pour faire valoir ses droits.

Des procédures visant à rendre utile l'arbitrage peuvent être prévues par les "règlements de conciliation et d'arbitrage" ou, parfois, par des stipulations incluses dans la convention des parties.

Les arbitres doivent en tenir compte, et ne pas commencer l'examen de l'affaire avant que ne soit avéré l'échec de ces procédures.

Le dossier établi lors de la tentative de conciliation pourra être transmis à la juridiction arbitrale ; il pourra ainsi simplifier le travail et constituer même un élément de la décision, spécialement quand les arbitres auront le pouvoir de statuer en amiables compositeurs.

2- Confirmation des pouvoirs des arbitres :

Le premier devoir des arbitres est de fixer leur mission et de s'assurer qu'ils sont compétents.

Ceci ne pose pas de difficulté en présence d'un compromis, le litige étant survenu lors de sa conclusion, aucune ambiguïté ne peut apparaître.

En revanche, la situation est plus délicate lorsque les parties sont saisies en vertu d'une clause compromissoire.

Le règlement de la CCI préconise en ce cas de dresser "un acte établissant la mission de l'arbitre" qui incorpore à la fois l'accord conclu entre les parties pour soumettre leur litige à l'arbitrage et l'accord passé entre les parties et les arbitres pour que ces derniers connaissent du litige.

Un tel document est d'une grande utilité car la clause compromissoire est inévitablement conçue en termes généraux ; il est donc souhaitable que dès le début de l'arbitrage les questions que les arbitres auront à trancher soient clairement précisées.

Ainsi certains droits exigent, afin de donner effet à la clause compromissoire , que les parties concluent un compromis. Mais cette position est exagérée car nie l'efficacité de la clause compromissoire dont on a admis la validité.

Le NCPC français dans son Art. 1446 a retenu une autre solution. On considère que l'obligation de se soumettre à l'arbitrage est engendrée directement par la clause compromissoire et l'on se satisfait en conséquence d'une décision prise par les arbitres, nommés en conformité de cette clause : un acte établi par les arbitres peut remplacer le compromis.

SECTION 2 JUGEMENT EN DROIT OU EN EQUITE

1- Prééminence du droit :

Après des hésitations de rédaction, l'Art. 1474 NCPC français dispose que l'arbitre tranche le litige conformément aux règles de droit, à moins que dans la convention d'arbitrage, les parties ne lui aient conféré la mission de statuer comme amiable compositeur.

L'Art. 822 NCPC italien dispose que "les arbitres décident selon les normes de droit, à moins que les parties les aient autorisés à se prononcer selon l'équité".

Le principe général est celui de la prééminence absolue du droit sur l'équité. Cette dernière étant utilisable seulement si les parties l'ont expressément autorisé.

2- Equité :

L'équité consiste, selon la définition traditionnelle, dans la justice du cas concret, c'est-à-dire dans le pouvoir des arbitres de dévier de la rigueur du summum ius, en considération de certains éléments, de circonstances et situations, non pris en compte par le droit, soit parce que la norme est trop générale et abstraite, soit parce que la norme est devenue inadaptée aux nouveaux phénomènes de la vie, soit du fait des possibles divergences entre la norme et la moralité.

Les arbitres sont dans tous les cas tenus d'observer les normes fondamentales et d'ordre public, adoptées en vue des intérêts généraux et comme tels non dérogeables par la volonté des parties.

Pierre LALIVE, un des plus grands arbitres internationaux, écrit que l'équité recherche la justice dans le cas concret selon des critères non juridiques. Ce qui signifie que "le jugement est formulé en considération du cas d'espèce sans regard aux normes générales préétablies".

FROSINI définit l'équité comme l'improvisation du juge et qualifie comme typique jugement d'équité le jugement de SALOMON qui est celui qui est rendu avec la pratique de la sagesse qui impose de juger en tenant compte de la seule évidence du fait.

La justice du cas concret devient ainsi la justice pour le cas concret puisque les critères employés sont suggérés par la considération du cas concret et valides seulement pour ce cas précis.

Cette justice rend compte du sentiment du juste et de l'injuste qui mûrit au cas par cas, en raison des particularités de chaque cas d'espèce.

D'autres ont repris la formule d'ARISTOTE, non pas pour opposer droit et équité, mais plutôt afin d'établir un rapport de continuité.

L'équité servirait alors à combler les lacunes laissées par le législateur et corriger ses omissions dues au fait que le législateur exprime des règles générales. Le concept est que la loi est formulée pour la généralité des cas et que dans les cas concrets, non prévus spécifiquement, l'application de la norme générale peut s'avérer inique ; d'où l'exigence correctrice de l'équité dans le cas concret.

Selon BROGGINI, "l'arbitrage en équité est un arbitrage en droit avec un élément en plus, un arbitrage en droit augmenté par le soin tout particulier de la recherche de la einzelfallgerechtigkeit (justice du cas particulier). L'arbitre en équité ne peut pas se dessaisir des devoirs de l'arbitre en droit qui consistent avant tout dans la recherche du droit applicable, peu importe qu'il s'agisse d'un droit national ou anational, mais il est plus libre, plus dégagé dans cette recherche, il peut appliquer le droit choisi avec plus de souplesse, même le dépasser en faveur de l'application des principes généraux du droit qu'il reconnaît appartenir aux systèmes juridiques en jeu. Jamais l'arbitre en équité pourra ignorer le droit, puisque son devoir est de le perfectionner, de l'améliorer".

L'équité est ainsi le pouvoir d'adapter le droit existant aux exigences spéciales du cas particulier, dans l'esprit de la codification en vigueur.

Selon la jurisprudence italienne, l'équité consiste dans le pouvoir de dévier de la rigueur du summum ius, en considération d'éléments particuliers, de circonstances et situations non envisagés par le droit.


CHAPITRE 2

REGLES DE PROCEDURE

SECTION 1 LA LIBERTE DES ARBITRES

L'arbitrage visant à rétablir la concorde entre les parties, l'arbitre devrait être laissé libre d'y parvenir au mieux sans être astreint à suivre des règles empreintes de formalisme.

Ainsi il était décidé dans la plupart des droits que les arbitres décident eux-mêmes de la manière dont ils conduiront la procédure.

Mais ceci n'était cependant pas le cas de l'arbitrage obligatoire dans lequel l'arbitre devait se conformer aux règles prescrites pour les procédures judiciaires.

Le Code de procédure civile français de 1806 avait, à l'image de l'arbitrage obligatoire, fortement juridictionnalisé l'arbitrage conventionnel.

L'Italie qui généralement se ralliait à la tradition française, a dans ce cas refusé de lE faire et dès 1865 l'arbitre y avait été reconnu maître de la procédure.

La France est revenue à ce principe en 1980.

La majorité des règlements d'arbitrage donne aux arbitres le pouvoir de régler la procédure de l'arbitrage, dans la mesure où celle-ci n'est pas d'ores et déjà établie par des dispositions spéciales du règlement.

Le règlement de la CCI contient une règle originale en stipulant que les questions non prévues au règlement de l'institution doivent être résolues selon la loi de procédure choisie par les parties, ou à défaut par le droit du pays où siège l'arbitrage.

Ainsi, laissant aux parties une liberté, le règlement de la CCI fait intervenir le droit du pays de l'arbitrage dans le cas de lacunes.

Le même principe a été adopté dans les Conventions internationales, qui ont consacré la pleine autonomie des parties ou, à leur défaut, des arbitres, en imposant de respecter certaines règles de caractère fondamental.

Lorsque l'on envisage le cas de l'arbitrator (arbitre dans un arbitrage de droit civil) il n'y a plus lieu de parler de procédure ou de réglementation des preuves.

L'arbitrator, en dehors du cas où la convention des parties lui imposerait de suivre certaines règles, n'est tenu que d'une obligation générale de bonne foi.

Cette bonne foi lui imposera sans doute de se mettre en rapport avec les parties et de s'enquérir de leurs vues et arguments.

Mais il n'est pas dans la même situation que l'arbiter appelé à résoudre une contestation juridique.

Nul modèle de procédure judiciaire ne s'impose strictement à l'arbitrator, dans une matière qui n'est pas de la compétence des juges.

Un principe opposé doit en revanche être admis dès que l'arbitre est appelé à résoudre une contestation juridique, même s'il s'agit d'un arbitrage que les parties ont placé sur un plan purement contractuel, comme c'est le cas avec l'arbitrage libre italien.

SECTION 2 LES PRINCIPES INDEROGEABLES

Les arbitres sont dispensés dans une large mesure de suivre les règles de procédure et de preuve faites pour les tribunaux, ou ils peuvent même en être dispensés par la convention des parties.

Cette dispense cependant n'est jamais totale ; en toute hypothèse les arbitres sont tenus de respecter certains principes fondamentaux en dehors desquels on ne saurait concevoir une véritable justice.

Ces principes sont les mêmes en tous pays ; on peut les ramener au nombre de trois.

Un premier principe est le principe audi alteram partem : l'arbitre doit donner à l'une et à l'autre des parties la possibilité de faire valoir leurs arguments.

Un second principe est le principe du contradictoire : les preuves offertes par une des parties, et sur lesquelles l'arbitre va fonder sa décision, doivent avoir été communiquées à l'autre partie, pour que celle-ci ait la possibilité de les réfuter.

Un troisième principe est que l'arbitre doit fonder sa décision sur l'opinion qu'il s'est formée, et non sur celle d'un autre.

Enfin le droit italien introduit une spécificité. Les parties à un arbitrage, entre toutes les libertés qu'elles ont, n'ont cependant pas la possibilité de choisir, pour son déroulement, une loi procédurale nationale diverse ; la loi italienne est donc d'application nécessaire si les parties entendent faire application d'une loi nationale.

La confirmation de cette règle se trouve dans la combinaison des Art 832 al.1 et 834 al 1 NCPC. L'Art 834 NCPC précisant la faculté des parties de choisir dans un autre ordre juridique, la réglementation applicable au fond du litige, est exclue a contrario que les parties puissent choisir une autre loi de procédure.

Ces principes apparaissent si fondamentaux que l'on n'admet pas que l'arbitre soit dispensé de les suivre.

S'ils sont violés, la procédure sera considérée comme étant viciée à sa base, une règle fondamentale n'ayant pas été respectée, et le résultat sera l'annulation de la sentence.

Ainsi la Cour d'appel de Paris déclare que "méconnait le principe de la contradiction, et doit voir sa sentence annulée pour violation de l'Art 1484-4_ NCPC, l'arbitre qui indique qu'un dossier lui a été remis par une partie, mais ne fait pas état d'une communication de ces pièces à l'autre partie".


CHAPITRE 3

INSTRUCTION DU LITIGE

SECTION 1 PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA PROCEDURE

La procédure de l'arbitrage étant , dans une large mesure, réglée par les arbitres ; il faut s'attendre à ce qu'elle soit différente selon la nature du litige.

Il est en conséquence difficile, en demeurant sur un plan général et abstrait, de décrire comment la procédure va être menée et comment les preuves seront reçues.

Mais il est largement possible de préciser la portée des principes fondamentaux de procédure dont l'existence doit être retenue dans chaque cas d'espèce.

1- Procédure par défaut :

Le principe selon lequel les arbitres ne peuvent pas statuer sans avoir donné aux parties la possibilité de présenter leur cause (audi alteram partem) ne fait pas obstacle à ce que les arbitres rendent leur sentence par défaut si l'une des parties s'abstient de présenter ses arguments.

On exige seulement que cette abstention soit imputable à la partie défaillante, laquelle a été dûment avertie qu'il existait une procédure d'arbitrage et qu'elle devait dans un délai raisonnable exposer et défendre sa position.

Les arbitres en toute hypothèse, doivent faire preuve d'une extrême prudence.

Ils ne se contenteront pas de prendre note du défaut du défendeur ; ils s'assureront que la citation à comparaître à lui adressée ne peut pas ne pas lui être parvenue ; en l'absence même d'une cause valable ils donneront au défendeur une nouvelle chance et ne rendront leur sentence par défaut que lorsqu'il sera bien clair que le défendeur a décidé de ne pas comparaître devant eux.

Les dispositions des règlements d'arbitrage seront utiles pour leur permettre d'arriver à cette conclusion, ces règlements établissant des procédures pour les communications à faire aux parties et des délai pour y répondre.

2- Représentation des parties :

Les parties ont-elles le droit de se faire représenter ou assister par des tiers ?

Le règlement de la CCI et celui de l'AAA prévoient expressément la possibilité pour les parties de se faire représenter ou assister.

Ainsi peut apparaître l'intrusion de juristes (avocats) dans la procédure d'arbitrage.

3- Jugement sur pièces :

Les arbitres peuvent-ils statuer sur pièces, sans tenir d'audience où comparaîtront les parties et les témoins par elles cités ?

Normalement la procédure de l'arbitrage comporte des débats oraux.

Mais la règle peut être écartée par les parties ou par les arbitres eux-mêmes.

Dans le cas d'un arbitrage de qualité où tout se décidera sur un examen par l'arbitre de la marchandise qui a été livrée, la possibilité pour les arbitres de juger sur pièces ne saurait être contestée.

La célérité apportée par le jugement sur pièces n'est cependant pas importante au point de sacrifier la justice.

L'arbitre doit toujours conserver la possibilité de convoquer les parties en audience si cela lui paraît utile. Le respect du principe audi alteram partem en dépend.

De même l'arbitre ne doit pas avoir comme préoccupation première de h‚ter la procédure ; il est beaucoup plus important que les parties puissent à loisir préparer leur dossier et faire valoir leurs arguments.

Ceci implique que les parties se voient accorder le temps raisonnable pour préparer et faire parvenir à l'arbitre les mémoires et documents qu'elles jugent utiles à leur cause.

4- Audition des témoins :

Lors de la procédure d'arbitrage, l'arbitre invitera les parties et des témoins à comparaître aux audiences de la juridiction arbitrale.

La loi nouvelle italienne de 1994 a introduit l'Art 819 NCPC intitulé "audition des témoins". L'intention du législateur a été de favoriser l'acquis de témoignage au cours de la procédure arbitrale. L'Art 819 NCPC dispose ainsi que les arbitres peuvent recevoir directement les témoignages.

Les règlements contiennent des dispositions relatives à la convocation des parties et témoins, prévoyant comment et dans quelles conditions cette convocation doit être faite.

Généralement l'acte précisant la mission des arbitres comporte l'indication d'une adresse où les parties auront élu domicile et où les convocations devront être dirigées.

La technique d'audition des parties et des témoins est marquée par l'atmosphère de l'arbitrage : dénuée de formalisme.

Les questions seront posées aux parties et témoins indifféremment par les avocats des parties ou par l'arbitre ; l'arbitre veillant seulement à ce que tout se passe correctement.

Le règlement de l'Association italienne pour l'arbitrage prescrit que l'arbitre peut obliger des témoins à comparaître et doit leur faire prêter serment de dire la vérité. Cette solution élève les arbitres au rang de juges.

En France, au contraire, la loi le dit expressément : "les tiers sont entendus sans prestation de serment" (Art. 1441 NCPC)

L'arbitre peut refuser d'entendre un témoin s'il juge que son témoignage ne serait pas pertinent ou serait superflu.

Il ne doit cependant user de ce pouvoir qu'avec une extrême réserve.

Enfin, il convient de se demander si une audition séparée des parties ou des témoins est possible.

La situation diffère de la procédure par défaut. Il s'agit ici de savoir si l'arbitre peut convoquer et entendre une partie ou un témoin sans que les deux parties aient été invitées à assister à cette rencontre.

Le règlement de la CCI déclare que toutes les preuves doivent être administrées en présence de tous les arbitres et de toutes les parties sauf défaut ou renonciation à ce droit d'une des parties.

La règle n'est pas certaine en droit italien où des entorses lui ont été faites même lorsque la juridiction arbitrale comporte plusieurs arbitres.

Le respect intégral de la règle demeure pourtant recommandable car il faut prendre garde que soit bien respecté le principe du contradictoire.

5- Expertise :

L'arbitre peut, comme le juge, avoir besoin de recourir à des experts.

La possibilité pour l'arbitre de recourir à ce mode de preuve est évidente lorsque l'expert est cité comme témoin par une des parties ou lorsque l'arbitre fait appel à un expert après y avoir été formellement autorisé par les parties.

Cette autorisation peut résulter des dispositions d'un règlement d'arbitrage que les parties ont accepté.

Le règlement de la CCI dispose que l'arbitre "peut nommer un ou plusieurs experts techniquement ou juridiquement compétents, en définissant par avance leur mission ou leur demander des rapports sur les points litigieux".

6- Publicité des audiences :

La publicité des audiences n'est pas un principe nécessaire pour assurer que l'affaire soit examinée de façon satisfaisante, mais une règle destinée à inspirer confiance dans la justice telle qu'elle est administrée par des juridictions étatiques ; elle n'a donc pas de raison d'être quand on envisage les juridictions arbitrales.

Aussi, différents règlements d'arbitrage contiennent-ils des dispositions qui dérogent au principe de publicité des audiences.

SECTION 2 MESURES PROVISOIRES ET CONSERVATOIRES

Il est fréquent que l'une des parties à l'arbitrage estime nécessaire le prononcé de mesures provisoires et conservatoires au cours de la procédure, ou bien, de manière encore plus vraisemblable, avant même que le tribunal arbitral soit constitué.

Les mesures conservatoires et les mesures provisoires sont entendues comme des mesures visant à préserver ou à créer un étatde fait ou de droit permettant d'assurer une exécution effective de la sentence.

La distinction entre mesures provisoires et mesures conservatoires est délicate. Les mesures conservatoires sont celles qui sont destinées à conserver les droits des parties en attendant une décision sur le fond.

En droit français, la faculté pour les arbitres de prendre, au cours de la procédure arbitrale, des mesures provisoires appelle le recours à une autorité étatique, sur requête des arbitres ou d'une partie à l'arbitrage.

S'agissant de mesures conservatoires prévues par les Art. 48 et 57 du Code de procédure civile (saisie-conservatoire, hypothèque provisoire ou nantissement sur le fonds de commerce), la caractéristique de celles-ci est qu'elles ne peuvent être pratiquées qu'avec la permission du juge.

Les trois conditions à réunir pour le permettre sont en effet l'urgence, le péril au recouvrement de la créance, et que le requérant justifie d'une créance "paraissant fondée en son principe".

De même le droit italien, énonce clairement l'interdiction et même l'impossibilité juridique pour les arbitres de concéder des séquestres ou autres mesures conservatoires (Art 818 NCPC). Cette interdiction est restée intacte au travers des deux réformes de 1983 et 1994. La raison se trouve dans le refus du législateur de faire de l'arbitre un juge parallèle doté des mêmes pouvoirs ; le législateur émet ainsi une réserve absolue de l'Etat quant à la protection active des droits.

SECTION 3 INSTRUCTION COLLEGIALE

1- Nécessité d'une délibération stricto sensu :

La délibération est la phase décisionnelle. Cette phase n'appelait aucune réglementation lorsque la décision était prise par un arbitre unique ; au contraire, dès qu'apparut le collège arbitral, le Code italien a élaboré des prescriptions formelles pour la délibération de la décision.

Ces prescriptions sont basées sur deux règles : la règle de la "conférence personnelle" et le "principe de la majorité".

Selon l'Art 823 NCPC italien la règle de la conférence personnelle est absolue. Cette règle veut que les arbitres tous ensemble et contemporainement présents examinent, discutent et choisissent la solution à donner à la controverse qui leur est soumise. Ainsi la collégialité de la décision est une condition essentielle de validité de celle-ci.

Quant à la règle de la majorité, le Code n'impose aucun mode particulier pour l'obtenir.

De même, en disposant que les délibérations sont secrètes, l'Art 1469 NCPC français énonce le principe de la nécessité d'une véritable délibération arbitrale. La décision des arbitres ne peut être prise qu'après un examen et une discussion orale de l'affaire.

Le délibéré arbitral n'est soumis à aucun formalisme, comme l'a rappelé la Cour de Cassation dans un arrêt du 28 janvier 1981.

Dans la pratique, les arbitres seront conduits, pour que soit assuré le respect des prescriptions énoncées, à rédiger un procès-verbal pour chaque réunion arbitrale, en prenant la précaution d'y faire apposer la signature de chacun d'entre eux et celles des parties ou de leur conseil lorsque la réunion a eu lieu en leur présence.

La nullité de la sentence pourra être demandée s'il apparaît que la confrontation des points de vue n'a pas eu lieu.

2- Possibilité de délégations :

La décision à intervenir doit être l'oeuvre du collège arbitral tout entier (l'Art 823 NCPC italien). Cependant il est concevable que les arbitres doivent déléguer l'un d'entre eux pour faire certaines recherches, recevoir certaines preuves, dont il devra rendre compte ultérieurement au tribunal arbitral.

La loi française le dit de façon expresse à l'Art. 1441 NCPC : "les actes de l'instruction et les procès verbaux sont fait par tous les arbitres si le compromis ne les autorise pas à commettre l'un d'eux". La loi française exige ainsi que ceci soit fait avec l'accord des parties.

Cependant l'Art 816 NCPC italien disposant que "les actes d'instruction peuvent être délégués par les arbitres à l'un d'eux", ne fait pas intervenir la volonté des parties dans une décision qui ne revêt qu'un caractère procédural.

C'est là une simple application de la règle générale du contradictoire, qui domine toute oeuvre de justice.

Mais elle prend en matière d'arbitrage une valeur particulière en ce que, s'il y a plus d'un arbitre, deux d'entre eux ont été le plus souvent désignés par chacune des parties, ce qui est conçu pour donner à celles-ci une garantie particulière.

Il n'en est donc que plus utile que les arbitres exécutent collégialement tous les actes d'instruction.

Le fait que la mission des arbitres n'ait pas été exécutée collégialement ne constituerait pas en soi une violation du principe du contradictoire qui exige seulement que chaque partie ait été mise à même de discuter les prétentions, moyens et preuves de l'autre partie, mais pourrait être considéré comme portant atteinte à une bonne exécution de la mission, et entraîner par là une possible annulation de la sentence par application de l'Art. 1484, 3_ NCPC français, si cette attribution de pouvoirs à un ou plusieurs des arbitres d'exercer des actes d'instruction n'avait pas été conférée avec l'assentiment des parties.

Mais on concevrait parfaitement dans la pratique que, pour certaines opérations, et par exemple, procéder à des constatations matérielles, l'on ne commette à cette fin que l'un des arbitres.

A ce titre, l'Art. 1461 NCPC prévoit que l'autorisation de le faire figurera dans le compromis. Mais ceci ne doit pas être pris au sens strict, et l'on conçoit parfaitement que la décision correspondante fasse à tout instant de la procédure l'objet d'un procès verbal approuvé par toutes les parties ou leurs représentants ad litem.

En tous cas, justement parce que l'Art. 1461 NCPC fait de l'existence d'une autorisation des parties la condition de ce que tous les arbitres ne participent pas à l'accomplissement des actes d'instruction, l'on ne saurait considérer que la dispense de suivre les règles établies pour les tribunaux permettrait aux arbitres d'être dégagés de l'existence d'une autorisation spéciale.

Y a-t-il cependant des actes de procédure pour lesquels les arbitres pourraient, avec l'autorisation expresse des parties, se dispenser d'agir collégialement, et spécialement entendre les parties et leurs conseils sur le fond de l'affaire ? En vérité, l'ordre public ne s'y oppose pas et la règle du contradictoire ne serait pas, pour cela, mise en cause.

Dès lors, la procédure d'arbitrage étant entièrement dominée par son caractère contractuel, il n'y a aucune limite à la convention des parties dans cedomaine, sous la seule condition que leur intention ne soit pas douteuse.

S'il va de soi qu'il n'y a lieu d'user de cette liberté qu'avec une grande prudence et sous les meilleures garanties, la nécessaire souplesse qui doit être laissée à l'arbitrage pour répondre à toutes les situations où il s'institue, ne doit pas connaître d'entraves là où l'ordre public ne les impose pas.

Il reste cependant hautement désirable que chaque réunion d'arbitrage donne lieu à l'établissement par les arbitres d'un procès verbal signé par eux (et si nécessaire par les parties chaque fois que leur approbation est nécessaire), et qui sera joint à la sentence lors du dépôt qui sera fait de celle-ci au greffe pour servir de preuve des présences, participations, représentation, comme des phases de l'instruction et des décisions survenues à leur occasion.

PARTIE 4 LA SENTENCE ARBITRALE


CHAPITRE 1

NATURE DE LA SENTENCE ARBITRALE

SECTION 1 LA REFORME DE 1980 EN FRANCE

1- Affirmation du caractère juridictionnel de la sentence :

La sentence arbitrale constitue l'aboutissement de la procédure d'arbitrage.

Le Code de procédure civile français employait exclusivement le terme de jugement arbitral. Cependant, pour le distinguer de la décision rendue par les juridictions étatiques, la pratique y avait toujours substitué celui de "sentence arbitrale".

C'est le terme que consacre aujourd'hui le nouveau texte. Il n'y faut cependant attacher aucune signification particulière et en tirer la conclusion que la décision des arbitres ne revêtirait pas un caractère juridictionnel.

Sous l'empire de la législation précédente, on a beaucoup épilogué sur le caractère juridictionnel, contractuel ou mixte de la sentence, mais déjà l'option se faisait plutôt sur le caractère juridictionnel.

Aujourd'hui le caractère juridictionnel de la sentence s'affirme beaucoup plus largement dans le nouveau texte.

D'une part, tranchant franchement la querelle de l'autorité de chose jugée, l'Art. 1476 NCPC dispose que la sentence a "dès qu'elle est rendue" l'autorité de chose jugée.

D'autre part, la sentence doit expressément être délibérée (Art. 1469), être motivée (Art. 1471) ce qui est le propre d'une décision juridictionnelle.

Ensuite, lorsque les parties ont réservé l'appel (Art. 1482), celui-ci peut être porté directement devant la Cour d'appel dès le prononcé de la sentence (et donc avant exequatur) (Art. 1486).

Enfin, elle est susceptible de tierce opposition devant la juridiction de droit commun

(Art. 1481 al. 2).

Le faisceau de ces dispositions ne laisse pas de doute sur le caractère franchement juridictionnel que la loi attribue désormais à la sentence arbitrale, avant même tout exequatur.

La sentence arbitrale n'est cependant pas un acte judiciaire : dans la mesure où elle est prononcée par une autorité, le tribunal arbitral, dont les modalités de constitution et la mission ont été organisées de manière contractuelle.

D'autre part, la sentence ne pourra faire l'objet d'une exécution forcée qu'après avoir été revêtue de l'exequatur.

Sur ce point, le décret de 1980 n'a pas innové, mais il a au contraire consacré une différence importante entre la sentence et le jugement rendu par une juridiction ordinaire.

Mais la sentence arbitrale est un acte juridictionnel :comme tout jugement, la sentence apporte une solution, à valeur obligatoire, à la contestation que les parties ont déférée aux arbitres.

Elle entraîne les effets d'un jugement, c'est-à-dire de l'acte par lequel le juge dit le droit et ordonne, en conséquence, les mesures nécessaires pour en assurer le respect, c'est-à-dire une condamnation.

Le décret de 1980 a pleinement consacré le caractère juridictionnel de la sentence arbitrale ; il l'a même accentué en lui donnant une incontestable priorité par rapport au caractère contractuel.

Notamment quant aux effets de la sentence arbitrale, le décret de 1980 leur a donné un caractère nettement juridictionnel. L'Art. 1476 NCPC énonce en effet que, la sentence arbitrale a, dès qu'elle est rendue, "l'autorité de la chose jugée relativement à la question qu'elle tranche".

2- Distinction de la sentence avec d'autres actes :

L'arbitrage étant proche de certaines activités juridiques, telles que la conciliation ou la médiation, il faut considérer qu'il n'y aura sentence arbitrale que si, à l'origine des opérations aboutissant à la décision du tiers, se trouve l'existence d'un compromis, manifestant la volonté des parties de saisir le tiers en qualité d'arbitre.

Cependant, même si le tiers a bien été saisi en qualité d'arbitre, toutes les décisions qu'il aura été à même de prendre au cours de la procédure ne seront pas nécessairement qualifiables de sentences.

Par là même, ces décisions ne seront pas susceptibles d'exequatur, ni de donner ouverture au voies de recours.

SECTION 2 LA NAISSANCE DE LA SENTENCE ARBITRALE EN ITALIE

1- Le Code de 1940 :

A l'entrée en vigueur du Code de procédure civile en 1940, le législateur était linéaire et limpide : le lodo (décision des arbitres) par lui-même ne valait rien, c'était un vide juridique qui ne recevait réalité et autorité que par le nécessaire "decreto pretorile di esecutività" c'est-à-dire le décret du juge donnant caractère exécutoire à la décision des arbitres.

Cette technique permettait un contrôle prononcé de l'Etat sur l'arbitrage.

L'Art. 825 al. 3 NCPC disposait ainsi que comme par magie "le décret du juge confère au lodo l'efficacité d'une sentence".

Il s'agissait d'"efficacité" qui était donc bien plus que la simple attribution au lodo du caractère exécutoire au sens purement technique.

2- La première réforme de 1983 :

Avec la réforme de 1983, le législateur se détacha de cette technique mais sans donner pour autant au lodo une existence propre, le lodo par la réforme de 1983 n'avait toujours pas son Titre propre dans le Code de procédure civile et le décret du juge subsistait.

Mais depuis 1983, il était au moins admis que le lodo servît à quelque chose malgré que le décret fut encore exigé pour obtenir l'exécution forcée de la décision arbitrale en Italie.

3- La loi nouvelle de 1994 :

Aujourd'hui enfin, avec la réforme de 1994 on voit apparaître le mot "sentenza" (sentence) à l'en-tête du chapitre traitant du "lodo".

Le législateur de 1994 s'est complètement détaché du système originaire de 1940 et a choisi un parti diamétralement opposé.

Le décret du juge survit pour la seule fonction, de grande importance pratique, mais non plus porteuse d'implication théorique, de rendre le lodo "titre exécutoire" en Italie.

Le lodo vaut aujourd'hui par lui-même et n'est plus seulement une étape vers la sentence ; ce n'est plus une forme qui acquerra sa pleine substance seulement si et quand le juge l'admettra.

Désormais pour définir la nature du lodo il n'y a plus lieu de disserter sur le rapport entre lodo et sentence.

En effet le législateur de 1994, remplaçant le terme "sentence" par celui de "lodo", a voulu que le lodo soit désormais étudié, défini et compris par lui-même et sans le confronter ou l'assimiler à la sentence du juge.

Le lodo arbitral est donc aujourd'hui une décision de controverse, civile ou commerciale. Le lodo a une efficacité obligeant les parties à partir de la date de sa dernière souscription, c'est-à-dire du moment où il vient à exister.

Il a donc désormais une efficacité intrinsèque ; ainsi le lodo peut être annulé indépendamment de son dépôt c'est-à-dire même avant et sans avoir acquis le caractère exécutoire.


CHAPITRE 2

FORME DE LA SENTENCE

Avant la réforme française de 1980, les sentences arbitrales étaient assujetties aux mêmes formes que celles des décisions des tribunaux (Art 1009 CPC).

Le décret de 1980 a renversé ce principe, en précisant que les arbitres règlent la procédure arbitrale "sans être tenus de suivre les règles établies pour les tribunaux, sauf si les parties en ont autrement décidé dans la convention arbitrale" (Art 1460 NCPC).

Ce renversement concerne aussi la rédaction de la sentence, pour laquelle les arbitres jouissent ainsi d'une certaine liberté. Celle-ci est à la fois consacrée et limitée par les Art 1471 et 1472 NCPC qui formulent certaines exigences quant à la rédaction de la sentence arbitrale.

L'on considérera les obligations que l'on tiendra pour être de fond (la règle de la majorité pour le prononcé de la sentence, la motivation, la signature de tous les arbitres). Les autres peuvent, avec l'exigence de l'écrit, être considérées comme des mentions de forme, ce sont celles faisant l'objet de l'Art. 1472 NCPC français et de l'Art 823 NCPC italien.

SECTION 1 EXIGENCE D'UN ECRIT

Une fois prise la délibération, il faut procéder à la rédaction par écrit de la décision. L'Art 823 NCPC italien énonce clairement quels sont les éléments formels qui doivent être contenus dans la décision : indication des parties, de la convention arbitrale, des demandes sur lesquelles les arbitres se sont prononcés, exposé sommaire des motifs, dispositif, indication du siège de l'arbitrage et du lieu ou du mode de la délibération, de la souscription, de la date. De même le NCPC français énumère un certain nombre de mentions qui doivent figurer sur la sentence. Un écrit est ainsi rendu nécessaire même si les textes n'en précise pas l'exigence.

De même, la sentence doit faire l'objet d'un écrit sous peine d'être considérée comme inexistante en tant que décision juridictionnelle.

Cet écrit pourra prendre la forme manuscrite ou dactylographiée. Les arbitres déterminent eux-mêmes le nombre d'originaux de la sentence. Le droit italien indique cependant à l'Art 825 NCPC, que "les arbitres rédigent la sentence en autant d'originaux qu'il y a de parties et leur en donne communication".

SECTION 2 MENTIONS FIGURANT SUR LA SENTENCE

1- Prétentions respectives des parties :

L'Art 1471 NCPC français énonce que "la sentence arbitrale doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens"en ce, le texte reprend, presque dans les mêmes termes, les indications que l'Art. 455 NCPC prévoit à ce titre pour les jugements.

L'Art 1480 précise que ceci n'est pas prescrit à peine de nullité. D'ailleurs même si dans la plupart des cas les sentences italiennes contiennent cette indication, la loi ne l'impose aucunement

2- Identification des parties et des arbitres :

L'Art 1472 NCPC français exige que la sentence contienne certaines indications qui permettent d'identifier les arbitres et les parties. L'Art 823 NCPC italien, requiert pareillement l'indication des parties et la souscription des arbitres. Cette souscription correspond à la signature exigée par l'Art 1473 NCPC français mais contient la mention supplémentaire des noms des arbitres. Ainsi prévues ensemble, la signature et la désignation nominative des arbitres dans la sentence sont exigées à peine de nullité.

L'Art 1480 NCPC français prévoit également que les dispositions concernant le nom des arbitres sont prescrites à peine de nullité. C'est là une garantie pour les parties en vue d'assurer la régularité dans la désignation et la composition du tribunal arbitral.

Il s'agit de permettre la vérification, par comparaison avec la convention d'arbitrage, de ce que les auteurs de la sentence sont bien les arbitres investis par la convention du pouvoir de le rendre, et ceux-là mêmes qui auront signé la sentence.

3- Lieu et date :

L'Art 1472 NCPC français précise également que doivent être mentionnés le lieu où la sentence a été rendue (élément important pour la détermination du juge étatique compétent) et sa date. La mention de la date est prescrite à peine de nullité en considération de la prise d'effet de la sentence.

Le caractère impératif de l'indication de la date tient à la nécessité de justifier que la sentence a été rendue dans le délai imparti aux arbitres pour le faire.

La disposition de l'Art. 1480 NCPC touchant à la nullité de la sentence non datée n'autorise donc plus la jurisprudence antérieure qui, ne tenant pas la date pour une mention substantielle, mais ad probationem, permettait d'en faire une preuve extrinsèque. Sans doute peut-on regretter la rigueur de la solution nouvelle que les besoins de la pratique ne paraissent pas imposer.

Quant à l'indication du lieu où la sentence est rendue, elle intervient pour permettre de fixer la compétence rationae loci du tribunal dont le juge de l'exécution doit donner l'exequatur à la sentence (Art. 1477 NCPC ). A cette fin l'Art 823 NCPC italien exige l'indication du siège de l'arbitrage.

CHAPITRE 3

CONDITIONS DE FOND DE LA SENTENCE

Ces conditions sont au nombre de quatre. La sentence est rendue à la majorité des voix (Art. 1470 NCPC) ; elle doit être motivée (Art. 1471 al. 2) ; elle doit faire décision ; elle doit être signée (Art. 1473 NCPC).

SECTION 1 PROSCRIPTION DE LA SENTENCE MINORITAIRE

L'exigence d'imparité -réforme fondamentale- permet d'éviter le recours compliqué à un tiers arbitre prévu auparavant, lorsqu'un partage divisait les arbitres et les empêchait de résoudre le litige par une sentence.

Désormais quelque soit le nombre des arbitres, la sentence arbitrale est rendue à la majorité des voix (Art 1470 NCPC français et Art 823 NCPC italien).

L'expression légale de ce que la sentence doit être rendue à la majorité est en elle-même nouvelle. Mais ce mode de décision s'imposait, dès lors que les Art. 1453 NCPC français et 809 NCPC italien ont désormais contraint à l'imparité du nombre des arbitres.

Lorsqu'il y a plusieurs arbitres, il est clair que la sentence doit être délibérée par eux tous. Mais si la participation de tous les arbitres à la délibération est nécessaire, la sentence peut en règle générale être rendue par une simple majorité d'entre eux.

En effet un arbitre ne peut paralyser l'arbitrage. Le cas de partage des arbitres est d'ailleurs exclu par la règle de l'imparité dans la constitution du tribunal arbitral.

L'Art 823 NCPC italien requiert que la décision soit délibérée à la majorité des votes des arbitres réunis personnellement.

SECTION 2 MOTIVATION

1- Motivation plus libérale :

L'obligation de motiver les jugements est élevée au rang de principe constitutionnel en Italie (Art 111 Constitution); En ce cas cette obligation sera de principe pour tous les arbitrages contentieux même si les arbitres sont autorisés à établir eux-mêmes les formes de leur procédure.

Ainsi l'obligation de motiver les sentences ne fait aucun doute lorsque les arbitres doivent suivre les formes de la procédure. La jurisprudence admet toutefois que la motivation d'une sentence puisse être plus succincte que celle d'un jugement : en Italie la loi elle-même exige seulement des arbitres un "exposé sommaire de leurs motifs" (Art 823 ß3 NCPC).

Il n'est pas nécessaire non plus que les motifs soient exposés dans le style qui est de règle chez les juges ; les arbitres français, par souci de clarté, ne rédigeront souvent pas leur sentence avec les attendus et considérants que l'on trouve dans les jugements.

Lorsqu'une sentence est motivée, le style de cette motivation n'est pas toujours celui des jugements français. La sentence rendue en France même est souvent motivée d'une manière plus libre, dans un style qui rappelle plus les jugements italiens que les jugements français.

La rédaction d'un jugement selon le style judiciaire français est une oeuvre technique difficile ; l'arbitre n'a pas la maîtrise de cette technique. L'arbitrage est par nature, d'autre part, moins formaliste que la procédure judiciaire ; il paraît naturel de rendre la sentence dans un style plus détendu, et plus aisément compréhensible pour les parties.

2- Cas des arbitrages libres :

L'obligation pour l'arbitre de motiver sa décision doit-elle être étendue aux arbitrages qui sont placés dans le cadre du droit des obligations ? Une question se pose à ce sujet, dès lors que l'on rattache cette obligation à un principe général et qu'on n'y voit pas une règle technique de la procédure. On s'est demandé particulièrement en Italie si, dans un "arbitrage libre", il était nécessaire pour les arbitres de motiver leur décision.

La jurisprudence italienne a décidé qu'il n'y avait pas alors d'obligation de motiver, à moins que les parties n'aient imposé aux arbitres cette obligation.

Cette solution est contestée par une partie de la doctrine et il paraît que la solution inverse s'accorderait mieux avec la fonction que nous connaissons à présent aux motifs.

L'objet principal de l'obligation de motiver est d'obliger celui qui prend la décision à bien la peser et à la justifier à ses propres yeux et au regard de sa propre conscience.

L'obligation de motiver paraît devoir être imposée en conséquence à l'arbitre dans les arbitrages qui sont prévus pour compléter ou pour réviser un contrat ou pour assurer l'exécution d'un contrat.

Il est des cas où, comme dans les arbitrages de qualité, la motivation de l'arbitre ne pourra être que très sommaire et deviendra en fait inutile.

Mais il est des cas aussi où il sera utile que l'arbitre ait à motiver sa décision, celle-ci devant être fondée sur des éléments objectifs.

L'Art. 1471 al. 2 NCPC français consacre expressément l'obligation de la motivation, et l'Art. 1480 NCPC en prescrit l'exécution à peine de nullité de la sentence. Eu égard à la généralité du texte, l'obligation s'applique à toutes les catégories de sentences.

Si l'énoncé de la règle est nouveau, l'obligation des motifs a toujours été admise, comme son extension à l'amiable composition et son caractère d'ordre public.

Dans la législation en cours, l'Art. 1480 NCPC fait un cas de nullité du défaut d'observation de la prescription de l'Art. 1471 al. 2 quant à l'obligation d'une motivation.

Il en résulte que, même en cas d'amiable composition, la rédaction de la sentence doit permettre de savoir sur quels éléments -fussent-ils de pure équité- se sont fondés les arbitres pour justifier leur décision.

3- Importance des motifs :

Même réduits à cette expression, les motifs n'ont pas besoin d'être justes quant à leur substance, mais au moins doivent-ils être pertinents, c'est-à-dire se rapporter à l'objet de la décision.

En tous cas, l'appréciation de la Cour d'appel est souveraine quant à l'exactitude des énonciations de la sentence et par suite de ce que la motivation se trouverait viciée.

Mais l'insuffisance ou la contrariété des motifs équivaudrait à leur absence, ce qui entraînerait la nullité de la sentence, par l'application cumulée des Art. 1480 et 1484 NCPC français.

A titre de règle générale, les motifs d'une sentence peuvent être réduits à ce qu'exige la nature du litige. Et les arbitres ne sont pas tenus de suivre dans leurs motifs la totalité de l'argumentation des parties.

Enfin, les juridictions sont sensibles à ce que la critique d'une motivation ne tende pas, par un détournement de la voie de recours, à mettre en cause le fond du litige, qui est étranger à un vice qui doit se limiter à ce qu'énonce strictement l'Art. 1484 NCPC français.

Dans le système du Code italien, la motivation du lodo est un élément moins important que dans la sentence du juge. Du juge en effet, est exigé le concis "exposé des motifs en fait et en droit de la décision" (Art 132 CPC) ; alors qu'aux arbitres n'est demandé que le "sommaire exposé des motifs".

Tandisque la concision demandée au juge n'est pas synonyme de brièveté, l'invitation faite à l'arbitre de formuler un exposé sommaire indique plutôt l'exonération de la recherche de motifs minutieux et détaillés.

Cependant la tradition et la pratique majoritaire des arbitres italiens va dans le sens d'une bonne motivation du lodo ce qui diminue les probabilités d'annulation.

De toute façon, la moindre importance de la motivation du lodo résulte du fait que, à la différence de la sentence du juge, le lodo n'est pas annulable pour vice de la motivation (insuffisance ou contradiction Art 360 NCPC) mais seulement pour défaut de motivation (Art 828 ß5 NCPC).

SECTION 3 DISPOSITIF

Le dispositif est une partie fondamentale de la sentence ; les arbitres y exposent de quelle manière ils tranchent les points qui leur sont soumis et quelles obligations sont en conséquence imposées aux parties.

Comme dans le cas des jugements, il importe que les arbitres se prononcent sur tous les chefs de demande présentés par les parties.

Ceci est d'autant plus important que les juridictions arbitrales n'ont qu'une existence provisoire.

Il importe donc que les arbitres soient attentifs au fait de ne laisser aucune question en suspens.

Les arbitres ne doivent notamment pas omettre de se prononcer sur les dépens.

Si l'obligation de motiver est stricte, les lois ne reprennent pas pour la sentence l'obligation du dispositif.

L'alinéa 2 de l'Art 1471 NCPC français établit : "le jugement énonce la décision sous forme de dispositif". Il ne convient cependant pas d'en conclure l'existence d'une obligation au sens strict, pour l'arbitre d'énoncer la décision. Mais celle-ci s'impose dans la pratique par le seul fait qu'à défaut il n'existerait pas de sentence. En effet, le fait que la sentence dessaisisse l'arbitre de "la contestation qu'elle tranche" et que la sentence ait autorité de la chose jugée, attribue à l'arbitre la mission de trancher : ce qui ne peut se faire que par l'affirmation de sa décision.

Ce défaut d'obligation stricte n'est pas innocent : il faut tenir compte du particularisme de l'arbitrage.

En effet, l'énoncé exprès d'une obligation aurait nécessairement été assorti (comme pour les motifs) de la nullité ;or il eût été excessif de consacrer la nullité de la sentence pour une inobservation de forme.

Pour expliquer la différence de traitement entre les motifs et le dispositif, il faut considérer que l'obligation de motiver est beaucoup plus importante que la mise de la décision en forme de dispositif. En effet, l'existence du motif permet le contrôle de l'arbitraire.

Le droit italien a cependant été plus rigoureux sur ce point puisque l'Art 823-4_ NCPC requiert le dispositif dans la forme de la sentence arbitrale. Cette exigence est requise à peine de nullité de la sentence (Art 829-5_ NCPC).

SECTION 4 SIGNATURE

La sentence doit enfin être signée. A ce titre, l'exigence de l'Art. 1473 NCPC français reprend pratiquement la disposition antérieure de l'Art. 1016 CPC, mais elle l'aggrave par celle de l'Art. 1480 NCPC selon laquelle la signature d'un arbitre est exigée à peine de nullité de la sentence. Cette obligation intervient dès lors ad validitatem et constitue une obligation substantielle.

Quant à la forme, l'Art 1473 NCPC énonce : "la sentence arbitrale est signée par tous les arbitres. Toutefois, si une minorité refuse de la signer, les autres en font mention et la sentence a le même effet que si elle avait été signée par tous les arbitres".

L'Art 823 NCPC italien admet cette technique de l'Art 1473 NCPC français : "Est valide l'acte arbitral décidé par la majorité des arbitres, pourvu qu'il soit donné acte qu'il a été délibéré en présence de tous, avec l'expresse mention des arbitres qui n'ont pas pu ou pas voulu y souscrire".

En conséquence la signature des arbitres ayant décidé à la majorité est suffisante à valider l'acte arbitral pourvu que mention soit faite de l'abstention des autres.

CHAPITRE 4

AUTORITE DE CHOSE JUGEE ET CARACTERE AUTHENTIQUE

SECTION 1 : NOTIONS

L'autorité de chose jugée est le principe selon lequel on ne peut remettre en question ce qui a été jugé.

A quelles conditions ce principe est-il applicable au cas des sentences arbitrales ?

L'autorité de chose jugée suppose une sentence arbitrale définitive, contre laquelle on ne peut exercer une voie de recours devant les arbitres.

Avant la réforme de 1994, en Italie, la force de chose jugée n'était reconnue à la sentence arbitrale que lorsqu'elle avait acquis le caractère exécutoire par un acte émanant d'une autorité publique.

Jusque là la décision arbitrale demeurait un simple acte privé, dont les énonciations pouvaient être librement contestées.

Le NCPC en France a mis fin à la controverse qui avait divisé la jurisprudence, en décidant à son Art 1456 que "la sentence arbitrale a, dès qu'elle est rendue, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'elle tranche".

Cette solution est un nouveau signe de l'accentuation du caractère juridictionnel de la sentence arbitrale, puisque ce caractère est attaché à la sentence elle-même. Celle-ci n'a plus besoin de l'exequatur pour être considérée comme une décision "judiciaire".

L'exequatur ne fait que lui donner force exécutoire.

L'effet fondamental de l'autorité de la chose jugée est limité par le principe de l'inopposabilité aux tiers. La sentence arbitrale n'a autorité de la chose jugée qu'entre les parties qui ont conclu la convention d'arbitrage; La jurisprudence française, sur ce point s'est référée aux conditions posées par l'article 1351 du Code civil relatif à l'autorité de la chose jugée.

SECTION 2 LA POSITION DES DROITS ACTUELS

L'Art. 1476 NCPC français tranche désormais le problème du caractère de chose jugée de la sentence par l'affirmation de ce qu'elle a "dès qu'elle est rendue" l'autorité de la chose jugée, avec la restriction nécessaire mais aussi évidente, que cette autorité s'attache "à la contestation qu'elle tranche".

L'important est d'abord l'affirmation de ce que la sentence acquiert cette autorité "dès qu'elle est rendue". C'est donc un revirement sur la position prise antérieurement par la jurisprudence, qui ne reconnaissait l'existence de cette autorité qu'après l'exequatur de la sentence.

La chose jugée a un effet négatif entre les parties : ce qui fait l'objet de la chose jugée ne peut plus être porté devant une autre juridiction.

Mais elle a aussi un effet positif, en ce qu'elle permet à chacune des parties de se prévaloir judiciairement de ce qui a été ainsi tranché.

Cette position nouvelle du droit français a été adoptée par le législateur italien dans sa réforme du droit de l'arbitrage. Il est en effet reconnu que la décision des arbitres ait une existence propre ; il n'est plus nécessaire qu'intervienne le juge judiciaire pour conférer un certain caractère juridictionnel à la sentence.

CHAPITRE 5

DESSAISISSEMENT DES ARBITRES ET SES EXCEPTIONS

Les arbitres, quand ils ont rendu leur sentence, ont accompli leur mission. Ils sont dessaisis comme l'est un juge lorsqu'il a rendu son jugement.

L'Art. 1475 al. 1 NCPC français dispose que la sentence dessaisit l'arbitre de la contestation qu'elle tranche, la convention même qui désignait l'arbitre voit son objet accompli et devient donc sans effet.

Le dessaisissement intervient même si la sentence était nulle par suite d'irrégularités ; la nullité n'entraîne pas l'inexistence. Il est donc impossible aux arbitres de substituer une sentence régulière à celle qui se trouverait entachée de nullité, du moment du moins qu'elle a été portée à la connaissance des parties et que le délai d'arbitrage est expiré.

Concernant les sentences partielles, elle ne produise qu'un dessaisissement limité à la partie de la contestation qu'elles tranchent.

SECTION 1 INTERPRETATION DE LA SENTENCE

La difficulté tient ici, au caractère occasionnel des juridictions arbitrales et à la durée limitée dans le temps de la mission des arbitres.

En règle générale, pour ces raisons, le pouvoir d'interpréter leur sentence est refusé aux arbitres. C'est le cas de la législation italienne qui ne permet pas aux arbitres eux-mêmes d'interpréter leur sentence.

Cependant la loi française s'est prononcé en 1980 en faveur de l'arbitrage en permettant même aux arbitres d'interpréter leur sentence.

Selon l'Art. 461 NCPC, c'est le juge qui l'a rendue qui interprète sa décision.

Que ce soit donc les arbitres qui l'ont rendue qui interprètent leur propre sentence, rien ne parait plus normal.

Mais alors que la juridiction de droit commun connaît la permanence, il n'en va pas de même d'un tribunal arbitral. Après dessaisissement des arbitres, il ne peut y avoir alors que deux solutions, soit les parties d'un commun accord complètent le tribunal arbitral aux fins d'interprétation de la sentence, soit ce sera le TGI du lieu dans le ressort duquel la sentence a été rendue.

L'Art. 461 NCPC français permet l'interprétation aussi longtemps que la décision n'est pas frappée d'appel. Donc jusqu'au moment où aucune voie de recours n'est exercée contre la sentence, la liberté de l'arbitre est entière.

Lors de l'interprétation, les parties devront être entendues par les arbitres quant à leurs prétentions sur l'interprétation à fournir. Il y aura donc débat contradictoire, à défaut la sentence sur interprétation encourrait la nullité (Art. 1484-4_ NCPC).

Le délai dont disposent les arbitres pour fournir l'interprétation est celui que les parties leur auront accordé dans leur demande commune d'interprétation et, dans le cas de demande unilatérale, le délai légal de l'Art. 1456 NCPC

L'unique limite à l'interprétation est que les arbitres ne peuvent exercer leur pouvoir de telle manière que se trouvent modifiées les bases de leur décision sur le fond.

SECTION 2 CORRECTION DES ERREURS

1- Le droit de correction :

1-1- Le droit italien :

L'Art. 826 NCPC italien dispose que la décision de l'arbitre peut être corrigée par les arbitres eux-mêmes, sur autorisation des parties, et à la condition qu'il ne s'agisse que d'erreurs ou omissions matérielles ou de calcul.

La correction doit avoir lieu dans les vingt jours suivant le prononcé de la décision.

Si la décision arbitrale a déjà fait l'objet d'un dépôt, l'autorisation est demandée au juge du lieu de ce dépôt.

S'appliquent à ce domaine les dispositions de l'Art. 288 NCPC prévues pour la correction de la "sentence judiciaire".

La sentence contre laquelle a abouti un recours en annulation ne peut cependant plus faire l'objet d'une correction de la part des arbitres.

1-2- Le droit français :

La procédure de rectification des jugements a été réglée en droit judiciaire français par l'Art. 462 NCPC rendu applicable à l'arbitrage par l'Art. 1475 al. 2.

Cette rectification appartient à la juridiction qui a rendu la décision, sont donc compétents les arbitres qui ont rendu la sentence. si le tribunal arbitral ne peut plus être saisi, la compétence sera celle, comme en matière d'interprétation, du TGI.

Quant à ce qu'il faut entendre par "erreurs ou omissions", il faut se référer au droit commun. L'erreur ou l'omission doivent avoir un caractère évident ; la rectification ne devra rien ajouter, ni au sens, ni aux dispositions de la sentence.

2- Erreur matérielle ou erreur de fait :

Deux types particuliers d'erreurs peuvent avoir été commis : erreur de fait, ou simple erreur matérielle dans la rédaction de la sentence.

2-1- Erreur matérielle :

Le cas de l'erreur matérielle est simple, les arbitres ont voulu rendre une sentence en conclusion d'une procédure ; mais ils ont commis une erreur de calcul ou quelque autre confusion, de sorte que de façon évidente ils n'ont pas dit dans la sentence ce que véritablement ils voulaient dire.

On reconnaît dans ce cas qu'il y a lieu dans ces circonstances à rectification de la sentence.

2-2- Erreur de fait :

les droits français et italien admettent que les tribunaux révisent la manière dont les arbitres ont apprécié les faits dans un litige.

La chose s'expliquait en 1806 alors que l'arbitrage obligatoire avait une grande importance, la règle a été conservée par le NCPC français: on peut faire appel devant les tribunaux de la sentence arbitrale, à moins que les parties n'aient renoncé à ce droit d'appel ou qu'elles aient donné à leurs arbitres mission de statuer comme amiable compositeur.

Dans ce cas la loi française autorise même une stipulation réservant la possibilité de faire appel, et décide que le juge d'appel statuera lui-même comme amiable compositeur (Art. 1462 et 1463 NCPC).

SECTION 3 OMISSION DE STATUER

En cas d'omission de statuer, la voie normale de réparation est la requête civile. Il en va ainsi du fait que l'effet de dessaisissement étant absolu, l'arbitre ne peut plus être saisi.

Le législateur italien de 1994 n'a pas modifié cette situation ; la réparation du vice doit donc faire l'objet d'une instance devant le juge dans le ressort duquel a eu lieu l'arbitrage.

L'Art 1475 al 2 NCPC français, en revanche, entend aujourd'hui en remettre le pouvoir à l'arbitre, au même titre que l'interprétation ou la rectification. Il renvoie donc ainsi à l'Art 463 NCPC : les arbitres, comme les juges , peuvent compléter la sentence, à condition de ne pas heurter le principe de la chose jugée, en ce qui concerne les chefs de la demande qui ont été tranchés.

La distinction de la voie à suivre, selon que l'arbitre a statué ultra petita ou infra petita, n'apparaît pas toujours clairement entre celle de l'Art. 1475 NCPC (omission de statuer) et celle du recours en annulation de l'Art. 1484-3_ NCPC.

C'est la rédaction de ce texte qui entretient l'incertitude par l'emploi de l'expression générale de ce que l'arbitre a statué "sans se conformer à la mission", ce qui est également vrai dans un cas et dans l'autre.

En fait, la distinction s'établit en ce que, lorsqu'il a omis de statuer, l'arbitre n'a pas encore pris parti et demeure donc disponible pour l'examen de ce qu'il a négligé de juger.

L'infra petita ne saurait donc donner ouverture à un recours en annulation. A l'inverse, lorsque l'arbitre a statué ultra petita, s'est produit l'effet de dessaisissement et l'arbitre, s'étant prononcé, a perdu le pouvoir de le faire à nouveau. L'ultra petita entraîne donc seulement ouverture au recours en annulation.

Il demeure entendu que si l'arbitre ne peut matériellement être saisi, le tribunal normalement compétent sera saisi, mais alors strictement dans les modes et conditions prévus par les textes.

Mais dans tous les cas, le délai d'un an depuis la date à laquelle la décision a acquis la force de chose jugée, constituera le terme extrême jusqu'auquel, que ce soit le tribunal arbitral ou le tribunal normalement compétent, il pourra être saisi de la demande de compléter la décision.

La sentence acquérant dès qu'elle est rendue la force de la chose jugée (Art. 1476 NCPC français), le délai dans lequel la demande de réparation d'omission doit intervenir est celui de l'année qui suit la date de la sentence.

Passé ce délai, il conviendra de procéder comme s'il s'agissait d'une demande nouvelle : s'il existe une clause compromissoire, il y aura lieu de la faire jouer ; à défaut, il conviendra d'établir un nouveau compromis ; faute par les parties d'en être d'accord, le tribunal normalement compétent sera saisi par la partie la plus diligente.

PARTIE 5 LA PHASE POST-ARBITRALE


CHAPITRE 1

CARACTERE ANORMAL DE CETTE PHASE

Dans la grande majorité des cas la sentence sera exécutée volontairement. Néanmoins il arrivera que le perdant ne s'incline pas devant la sentence arbitrale qui le condamne.

Soit il en conteste la validité, pour une cause ou pour une autre, soit, simplement, il néglige de l'exécuter.

L'intervention des tribunaux va alors devenir nécessaire. Le gagnant peut la solliciter pour que la sentence soit déclarée exécutoire ; le perdant peut demander que la sentence arbitrale soit annulée ou réformée.

La conclusion d'une convention d'arbitrage, la constitution d'une juridiction arbitrale et le déroulement d'une procédure arbitrale est l'essence même de l'arbitrage.

La phase post-arbitrale apparaît en revanche comme une anomalie. Lorsqu'une sentence a été rendue, la chose normale est qu'elle soit exécutée volontairement, de même que, lorsqu'un contrat a été conclu, la chose normale est qu'il soit exécuté de bon gré par ceux qui l'ont conclu.

Entre le contrat et la sentence arbitrale, il existe pourtant une différence ; le contrat est l'oeuvre des parties alors que la sentence est celle d'un tiers.

Le contrat vise à créer une situation nouvelle ; la sentence au contraire, n'a qu'une fonction déclaratoire.

Les parties, en consentant à l'arbitrage, entendent obtenir ce qui leur est dû et attendent des arbitres qu'ils appliquent certaines règles.

Celui qui est déçu par la décision des arbitres aura la grande tentation de dire que ces règles n'ont pas été respectées et que la décision de l'arbitre ne doit pas lui être imposée.

La partie récalcitrante, ira ainsi devant les tribunaux pour faire déclarer la nullité de la décision arbitrale ou, plus simplement, elle n'exécutera pas sa décision ; la question se posera alors de savoir par quel moyen l'autre partie pourra contraindre son adversaire à l'exécuter.

CHAPITRE 2

EXECUTION FORCEE : L'EXEQUATUR

Il s'agit ici de décrire comment une sentence arbitrale peut devenir exécutoire, ou se voir reconnue.

on n'a pas toujours reconnu la possibilité pour la décision des arbitres de devenir un titre exécutoire.

Dans le droit romain la décision de l'arbiter ne voyait son exécution garantie que d'une façon indirecte, par le moyen d'une clause pénale que les parties avaient stipulée.

En Italie, la sentence n'était considérée que comme un contrat conclu entre les parties.

C'était la solution admise à ROME dans le cas de l'arbitrator ; elle s'est perpétuée pour les cas de l'arbitraggio et de l'arbitrato libero italiens.

SECTION 1 LA FONCTION DE L'EXEQUATUR

D'après l'Art 1477 NCPC français, la sentence arbitrale n'est susceptible d'exécution forcée qu'en vertu d'une décision d'exéquatur émanant du tribunal de grande instance.

Pour comprendre le sens de la notion d'exequatur, il convient de rappeler que, si la sentence a, "dès qu'elle est rendue", l'autorité de la chose jugée "relativement à la contestation qu'elle tranche", elle ne peut, par elle-même servir de fondement à une exécution forcée.

Les arbitres en effet, ont le pouvoir de "juridiction" ; ils disent le droit, mais ils n'ont pas l'imperium, car les parties, personnes privées, ne peuvent le leur conférer.

La sentence arbitrale n'a donc pas force exécutoire. Elle peut seulement permettre des mesures conservatoires.

En revanche, pour avoir force exécutoire, et pour permettre en particulier, aux parties de prendre des mesures d'exécution, la sentence doit faire l'objet d'une décision d'exequatur. En effet, depuis la réforme française de 1980 et celle italienne de 1994, l'ordonnance d'exequatur ne constitue plus une "homologation", elle ne transforme plus la sentence en décision juridictionnelle puisque celle-ci existe désormais, et avec l'autorité de la chose jugée, dès le jour où les arbitres se sont prononcés.

La sentence ainsi rendue exécutoire sert de titre aux exécutions forcées et est transcriptible comme une sentence d'égal contenu.

Cette procédure, absolument unilatérale, n'est pas plus qu'une apposition de la formule exécutoire à un acte privé. L'effet essentiel de l'exequatur est désormais de rendre la sentence exécutoire.

SECTION 2 LA PROCEDURE D'EXEQUATUR

La méthode qui consiste à prévoir un régime propre pour l'exequatur des décisions arbitrales est celle qui est la plus favorable à l'arbitrage.

Elle est fondée sur l'idée qu'un contrôle sommaire doit suffire pour s'assurer qu'on est bien en présence d'un acte méritant la qualification de sentence et que la décision rendue ne heurte pas les exigences de l'ordre public.

Ce contrôle va pouvoir être effectué avec rapidité par une autorité aisément accessible ; il est inutile de mettre en branle l'appareil compliqué de la justice, car il n'y a pas lieu d'examiner le litige qui existait entre les parties : ce litige a d'ores et déjà été tranché de façon définitive par la juridiction arbitrale.

1- Autorité compétente :

Les systèmes du droit français et du droit italien, exigent l'intervention d'une autorité publique pour faire de la sentence un titre exécutoire.

L'Art. 825 NCPC italien, sous la rubrique "dépôt du lodo", règle l'aspect très important du caractère exécutoire conféré au lodo par le juge. La compétence est attribuée au juge de la circonscription du siège de l'arbitrage, il procède sur demande de la partie qui veut faire exécuter le lodo sur le territoire de la République.

Quant au droit français, l'Art 1477 NCPC précise que c'est le juge de l'exécution du tribunal de grande instance, dans le ressort duquel la sentence a été rendue, qui est compétent pour ordonner l'exequatur d'une sentence arbitrale.

2- Délai :

En droit français, aucun délai n'est exigé, passé lequel l'exequatur ne pourrait plus être demandé.

La partie qui a obtenu gain de cause s'attend en effet à ce que l'autre partie exécute volontairement la sentence ; elle ne demandera donc l'exequatur que lorsqu'elle aura été déçue dans cet espoir.

Le droit italien pourtant, avait fixé un délai très bref de cinq jours après le prononcé de la sentence. Ceci a conduit les commerçants à délaisser l'arbitrage prévu au Code de procédurer civile au profit d'un "arbitrage libre" fondé sur le droit des obligations. La réforme de 1994 a donc reformulé

l'Art 825 NCPC sans prévoir le respect d'un délai particulier pour le dépôt de la sentence. Le nouveau texte se contente d'énoncer que "les parties qui entendent faire exécuter la sentence sur le territoire de la République italienne doivent la déposer au greffe du tribunal dans le ressort duquel était le siège de l'arbitrage". Les parties peuvent donc procéder au dépôt de la sentence dans un quelconque laps de temps suivant son prononcé.

3- Contrôle exercé sur la sentence :

L'autorité chargée de conférer la force exécutoire à la sentence ne procède en général qu'à un contrôle de pure forme ; elle se borne à vérifier qu'il existe une convention arbitrale, que des personnes ont été désignées sur le fondement de cette convention arbitrale comme arbitre, que la sentence a été rendue dans le délai prescrit par la convention ou par la loi, et qu'elle satisfait en la forme aux exigences portées par la loi.

Elle n'étend pas plus loin son contrôle ; si l'on prétend que la convention arbitrale n'était pas valable, que les arbitres n'ont pas été régulièrement nommés ou qu'ils ont excédé leurs pouvoirs, que la procédure ou la sentence sont atteintes de quelque vice, c'est une autre autorité qui devra être saisie, par une procédure distincte.

Ce système est celui que consacre les lois française et italienne. Le juge judiciaire ne procède qu'à un contrôle formel de la sentence ; il n'examine aucun grief dont le bien-fondé ne résulte pas de la simple lecture de la sentence. L'Art 825 NCPC italien le dit clairement :"le juge examine la régularité formelle de la décision des arbitres et la déclare exécutoire par décret".

Saisi par la requête d'une des parties, il ne convoque pas et n'entend pas l'autre partie contre laquelle la sentence prononce une condamnation.

Au terme d'une procédure qui par conséquent n'est pas contradictoire (ce qui explique que l'examen du juge ne puisse pas concerner le fond de la sentence), le juge rend une décision d'exéquatur qui est un acte de juridiction gracieuse ; une motivation n'est requise que si dans son ordonnance il refuse l'exequatur.

L'ordonnance d'exequatur n'est susceptible par elle-même d'aucun recours.

Toutefois l'appel ou le recours en annulation de la sentence emportent de plein droit recours contre l'ordonnance du juge de l'exequatur ou dessaisissement de ce juge (Art. 1468 NCPC français).

L'exequatur peut alors être accordée à titre provisoire par la juridiction saisie de l'appel ou du recours en annulation (Art. 1459 NCPC français).

Le rejet du recours confère l'exequatur à la sentence (Art. 1470 NCPC français).

En conclusion, l'apposition de la formule exécutoire sur les actes ne constitue dans ce système qu'une reconnaissance de leur authenticité : il existe un acte qui mérite d'être qualifié de sentence arbitrale.

SECTION 3 RECOURS CONTRE LA DECISION SUR L'EXEQUATUR

En Italie, le mécanisme de recours contre la sentence arbitrale a été calqué sur celui mis en place par le droit français.

L'autorité sollicitée de donner l'exequatur à la sentence ne devant procéder qu'à un contrôle purement formel ; il faut coordonner la procédure d'exequatur et la procédure visant à l'annulation de la sentence.

Ainsi l'exequatur peut être demandée dès le moment où la sentence a été rendue, sans attendre que le délai pour intenter un recours soit expiré ; il cesse cependant de pouvoir être accordé le jour où un recours est intenté contre la sentence.

Il peut se faire que l'ordonnance d'exequatur soit intervenue avant qu'un recours soit intenté ; la procédure d'exequatur, en effet, n'est pas contradictoire et c'est souvent après qu'elle se sera vu signifier la sentence revêtue de l'exequatur, qu'une partie décidera d'intenter un recours.

L'Art. 1468 al. 1 NCPC décide que "l'ordonnance n'est susceptible d'aucun recours".

Deux dispositions, cependant, viennent au secours de celui à qui elle fait grief.

D'abord, la sentence, même revêtue de la formule exécutoire, ne peut être l'objet d'une exécution forcée tant que le délai pour exercer contre elle une voie de recours n'est pas expiré (Art. 1466 NCPC).

Ensuite, l'alinéa 2 de l'Art. 1468 NCPC vient immédiatement contredire l'alinéa 1 du même article en déclarant : "toutefois l'appel ou le recours en annulation de la sentence emportent de plein droit, dans les limites de la saisine de la Cour, recours contre l'ordonnance du juge de l'exequatur ou dessaisissement de ce juge".

Lorsqu'un recours a été intenté, le rejet de ce recours confère l'exequatur à la sentence.

Il est possible, d'autre part, de faire appel de l'ordonnance du juge qui a refusé l'exequatur de la sentence (Art. 1469 NCPC ). Cette disposition est également prévue par le NCPC italien à son Art 825 : "contre le décret qui nie le caractère exécutoire de la sentence, il est admis un recours auprès du tribunal dans les trente jours de la communication du décret ; le tribunal, après une procédure contradictoire rend une décision non susceptible de recours".

L'ordonnance d'exequatur ne peut pas faire l'objet de recours car c'est l'appel ou le recours en annulation qui en tiennent lieu.en vertu de l'Art 1488 NCPC français , l'appel ou le recours en annulation emportent de plein droit, dans les limites de la saisine de la cour, recours contre l'ordonnance du juge de l'exequatur ou dessaisissement de ce juge, si l'exequatur n'a pas encore été accordé.

CHAPITRE 3

VOIES DE RECOURS CONTRE LA SENTENCE

L'arbitrage est traditionnellement le moyen destiné à permettre à des justiciables de faire trancher de façon accélérée leurs différends.

Il s'agit donc d'un système de juridiction privée, parallèle à celui des juridictions étatiques ; mais les sentences rendues par les arbitres ne sont exécutoires qu'après avoir été en quelque sorte réintégrées dans l'ordre judiciaire par une ordonnance d'exequatur. La première réforme a été réalisée par le décret de 1980 qui a poursuivi un double objectif :assimiler la sentence à un jugement et lui faire application sur de nombreux points des règles de procédure de droit commun ; réduire et simplifier les voies de recours une fois la sentence rendue.

SECTION 1 LA REFORME DES VOIES DE RECOURS

Tout système juridique prévoit toujours des recours contre la première décision rendue relativement à une controverse, en se basant sur la donnée que personne n'est infaillible et l'arbitrage ne fait pas exception à cette règle.

Ainsi a également été institué un régime propre des voies de recours concernant les sentences arbitrales.

Le décret du 14 mai 1980 a profondément innové dans ce domaine.

Les nouvelles dispositions forment le Titre IV du décret de 1980 :Art. 1481 à 1491 NCPC.

L'appel est devenu la "pièce maîtresse du dispositif". La sentence arbitrale est justiciable d'un appel. Cet appel est la seule voie de recours qui soit ouverte puisque la sentence n'est susceptible ni d'opposition, ni de pourvoi en cassation.

Cet appel peut tendre à la réformation de la sentence, mais aussi à son annulation. Il a donc la même finalité que l'appel des décisions de justice ordinaires.

Le décret de 1980 a accompli l'indispensable mise en ordre dans la réglementation des voies de recours en matière d'arbitrage ; la situation précédente discréditait en effet l'institution.

Est tout d'abord instituée l'unité de juridiction et l'unicité de degré. Tous les recours sont portés devant la cour d'appel, et donc jugés à un seul degré.

Sont toujours exclu l'opposition et le pourvoi en cassation dirigés directement contre la sentence.

L'appel est ouvert contre la sentence arbitrale, s'il n'y est pas renoncé dans la convention d'arbitrage.

Lorsque les parties n'auront pas renoncé à l'appel, la Cour pourra être saisie simultanément par les parties des moyens de réformation ou de nullité.

Enfin le nouveau texte consacre la possibilité de la tierce opposition.

Le législateur italien a pratiquement calqué son texte de réforme de 1994 sur la réforme française préexistante. Cependant des différences peuvent être notées.

SECTION 2 VOIES DE RECOURS ORDINAIRES : APPEL ET RECOURS EN ANNULATION

En France, les recours sont recevables dès le prononcé de la sentence, et cessent de l'être s'ils n'ont pas été exercés dans le mois de la signification de la sentence revêtue de l'exequatur (Art. 1466 NCPC ). L'Art 828 NCPC italien prévoit cependant un délai plus long qui est de 90 jours à compter de la notification de la sentence.

1- Appel contre la sentence arbitrale :

Le droit italien tel qu'il résulte de la modification de 1994 ne prévoit pas la possibilité d'un appel contre la sentence arbitrale ; seul le recours en annulation a été retenu par l'Art 827 NCPC.

1-1- La recevabilité de l'appel :

La sentence arbitrale est un véritable jugement, l'appel de la sentence est donc toujours possible sous réserve que les parties n'y aient pas renoncé dans la convention d'arbitrage.

Ce principe est posé par l'Art 1482 NCPC français :"la sentence arbitrale est susceptible d'appel à moins que les parties n'aient renoncé à l'appel dans la convention d'arbitrage".

La recevabilité de principe de l'appel est doublement précisée par l'Art 1483 NCPC.

Cet article souligne en effet, que l'appel est recevable soit pour tendre à la réformation de la sentence, soit pour obtenir son annulation, sur n'importe quel fondement qui pourrait être considéré comme valable par les juges.

L'appel est porté devant la Cour d'appel dans le ressort de laquelle la sentence arbitrale a été rendue.

Il est recevable dès le prononcé de la sentence ; toutefois, il doit être exercé au plus tard dans le délai d'un mois après la signification de la sentence revêtue de l'exequatur (Art 1486 NCPC). Les parties disposent donc du délai de prescription de droit commun tel qu'il est fixé par l'Art. 2262 du Code civil c'est-à-dire trente ans.

La possibilité d'interjeter appel dès le prononcé de la sentence est un signe de la nouvelle consécration du caractère juridictionnel de la sentence arbitrale.

L'appel est instruit et jugé selon les règles relatives à la procédure en matière contentieuse devant la cour d'appel (Art 1487 NCPC).

1-2- Les effets de l'appel :

La procédure d'appel entraîne des effets spécifiques : effet suspensif (Art 1486 NCPC), effet dévolutif puisque l'appel transfert le litige, avec toutes les questions de fait ou de droit qu'il soulève, du tribunal arbitral au juge du deuxième degré.

La réforme de 1980 entérine fortement l'aspect judiciaire de l'arbitrage. En effet, quand les juges d'appel décident de réformer la sentence arbitrale, leur décision se substitue à la décision au fond rendue par les arbitres.

De même le rejet de l'appel a une conséquence importante. L'Art 1490 NCPC précise que le rejet de l'appel "confère l'exequatur à la sentence arbitrale ou à celles de ses dispositions qui ne sont pas atteintes par la censure de la cour". Ainsi est consacré le principe selon lequel le sort de l'exequatur fait corps avec celui de la sentence elle-même.

L'exequatur est suspendu et même supprimé lorsque la sentence est contestée, mais il est conféré lorsque la sentence est confirmée.

2- Recours en annulation de la sentence :

2-1- Le régime du recours en annulation :

Ce qui est généralement reproché aux arbitres est non pas d'avoir donné une solution erronée à la contestation, mais d'avoir statué sur une question qu'ils n'avaient pas qualité pour juger.

La sentence rendue n'est pas alors réellement une sentence ; la loi française parle à son sujet de "l'acte qualifié de sentence arbitrale".

On ne peut qu'en constater la nullité.

Cette nullité pourra, le cas échéant, n'être que partielle, à supposer que les arbitres, régulièrement saisis, aient excédé leur compétence et aient statué sur une question qui ne leur était pas soumise.

Cette possibilité d'une annulation partielle de la sentence est implicitement admise par l'Art. 1470 NCPC.

L'Art 1484 NCPC organise une voie de recours nouvelle : le recours en annulation : "lorsque, suivant les distinctions faites à l'Art 1482, les parties ont renoncé à l'appel ou qu'elles ne se sont pas expressément réservé cette faculté dans la convention d'arbitrage, un recours en annulation de l'acte qualifié sentence arbitrale peut néanmoins être formé malgré toutes stipulations contraires".

Concernant la procédure, les règles relatives à l'appel et au recours en annulation sont les mêmes. L'appel et le recours en annulation sont formés, instruits et jugés selon les règles relatives à la procédure en matière contentieuse devant la cour d'appel (Art 1487 NCPC).

Le recours en annulation est la seule voie de recours ordinaire prévue par le droit italien, ceci marque une faveur pour l'arbitrage de la part du législateur. D'autant que les cas de nullité sont limitativement énumérés par la loi.

Ce recours en annulation est organisé par les Art 827 s. NCPC. L'Art 829 dispose notamment que les parties ne peuvent renoncer à la faculté d'introduire un recours en annulation. Le recours est donc toujours recevable, malgré toute renonciation, dès qu'il correspond à un des cas énoncés par le texte.

La compétence pour statuer sur le recours en nullité est celle de la Cour d'appel qui peut prononcer une nullité partielle de la sentence si le vice n'atteint qu'une partie autonome de celle-ci. Il s'agit là d'une nouveauté du texte de 1994 qui permet la nullité d'une partie seulement de la sentence ; ceci contredit la jurisprudence antérieure qui affirmait que toute la sentence devait être annulée, un vice quelconque devait nécessairement invalider l'entière décision des arbitres.

Enfin, la Cour d'appel peut même se prononcer sur le fond sauf volonté contraire des parties.

Le recours en annulation est le plus minutieusement réglementé et sera certainement le plus pratiqué.

2-2- Motifs d'annulation ou de réformation :

Concernant les arbitrages contentieux, la loi autorisant une action en annulation de la sentence, énumère une série de motifs pour lesquels cette action est admise.

Six motifs sont énumérés en France à l'Art 1484 NCPC : si l'arbitre a statué sans convention d'arbitrage ou sur une convention nulle ou expirée ; si le tribunal arbitral a été irrégulièrement composé ou l'arbitre unique irrégulièrement désigné ; si l'arbitre a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été conférée ; lorsque le principe de la contradiction n'a pas été respecté ; dans tous les cas de nullité prévus à l'Art 1480 (date de la sentence, nom et signature des arbitres) ; lorsque l'arbitre a violé une règle d'ordre public.

Ces six cas d'ouverture du recours en annulation correspondent à la préoccupation de sanctionner les vices les plus graves qui peuvent entacher la sentence arbitrale.

De même en Italie, le NCPC énonce neuf cas d'annulation du lodo dont les deux premiers sont une nouveauté de la réforme de 1994 : si la sentence est contraire à d'autres sentences arbitrales ou judiciaires devenues définitives ; si n'a pas été observé lors du procès arbitral le principe du contradictoire ; si le compromis est nul ; si les arbitres n'ont pas été nommés dans les conditions requises par la loi ; si la sentence a été prononcée par une personne n'ayant pas la capacité requise (Art 812 NCPC) ; si la sentence a été prononcée en dehors des limites du compromis ; si la sentence ne contient pas les énonciations requises par l'Art 823 NCPC ; si la sentence a été rendue après expiration du délai accordé aux arbitres pour se prononcer ; quand dans le procès arbitral n'ont pas été respectées les formes prescrites à peine de nullité pour les jugements, si les parties en avaient requis l'observation.

2-3- Classification des cas de nullité :

Les cas de nullité énoncés par les textes sont considérés comme étant exclusifs dans le sens où aucun autre motif d'annulation de la sentence ne saurait être admis, même par accord des parties.

Ceci élimine la possibilité pour les parties à un arbitrage d'en réduire la crédibilité.

Les motifs permettant d'attaquer une sentence peuvent être groupés en quatre catégories.

On peut faire valoir en premier lieu que la sentence n'est pas fondée sur une convention arbitrale valable : la convention n'a pas été conclue dans les formes requises par la loi qui lui est applicable, ou elle porte sur une contestation qui d'après cette loi ne pouvait pas être soumise à l'arbitrage, ou encore elle a été faussement interprétée par les arbitres, qui ont excédé leur compétence.

On peut faire valoir en deuxième lieu que la juridiction arbitrale a été irrégulièrement constituée ou qu'elle a statué après le délai qui lui était imparti.

On peut faire valoir en troisième lieu que la procédure a été défectueuse, en particulier parce que l'on n'a pas donné aux parties toutes les possibilités requises de présenter leurs arguments, ou parce que tous les arbitres n'ont pas participé à la délibération.

Le quatrième groupe de cas a trait à la sentence elle-même : celle-ci ne se présente pas en la forme requise, ou les arbitres se sont prononcés ultra petita ou infra petita, ou encore ils ont commis des erreurs dans leur sentence, ou celle-ci est contraire à l'ordre public.

2-4- L'instance au fond devant la Cour d'appel :

L'Art 1485 NCPC français dispose "lorsque la juridiction saisie d'un recours en annulation annule la sentence arbitrale, elle statue sur le fond dans les limites de la mission de l'arbitre sauf volonté contraire des parties".

Cette instance s'inscrit dans les suites du prononcé de la nullité de la sentence. La juridiction étatique qui a prononcé la nullité de la sentence trouve compétence pour juger le fond du litige. Cet article est propre au droit interne, en droit international les parties sont renvoyées à l'arbitrage ou, à défaut, à mieux se pourvoir.

Cette intervention imposée du juge étatique ne constitue pas une régression dans le progrès de l'arbitrage. Le temps de la rivalité entre l'ordre étatique et l'ordre arbitral est révolu. Le juge étatique sauve les arbitrages en péril et débloque les procédures enlisées.

Cependant, il n'en demeure pas moins que cela aboutit à confier le jugement du fond du litige à la juridiction étatique, alors que les parties avaient stipulé un arbitrage.

C'est cette contradiction qu'entend aménager l'Art 1485 NCPC français et pour cela il dispose que la Cour statue "dans les limites de la mission de l'arbitre, sauf volonté contraire des parties".

Cette référence à la mission arbitrale est donc censée constituer le point d'équilibre permettant l'intervention du juge étatique tout en respectant l'intention des parties.

Le droit italien n'a pas adopté exactement cette position du droit français en se contentant de disposer en son Art 830 NCPC que "sauf volonté contraire de toutes les parties, la Cour se prononce sur le fond de l'affaire si une nouvelle instruction est nécessaire". Ceci laisse la possibilité aux parties de refuser et de remettre le jugement du fond de l'affaire à un arbitrage.

SECTION 3 VOIES DE RECOURS EXTRAORDINAIRES : TIERCE OPPOSITION ET RECOURS EN REVISION

L'Art 1481 NCPC dispose : "la sentence arbitrale n'est pas susceptible d'opposition, ni de pourvoi en cassation". L'exclusion du pourvoi ne surprend pas puisque la sentence arbitrale n'est pas rendue en dernier ressort. Un appel est toujours possible, la voie de la cassation n'est donc ouverte qu'aux décisions judiciaires qui sont rendues en dernier ressort par la volonté de la loi, et non par l'effet de la volonté des parties.

Les parties ne peuvent former un pourvoi que contre les arrêts rendus sur appel et non contre la sentence arbitrale elle-même.

1- Tierce opposition :

Il s'agit d'une voie de recours extraordinaire ouverte à des tiers lorsqu'ils éprouvent ou risquent d'éprouver un préjudice par l'effet d'un jugement auquel ils sont restés étrangers.

L'Art. 1481 al. 2 NCPC énonce que la sentence arbitrale "peut être frappée de tierce opposition...".

L'Art 831 NCPC italien affirme également que la sentence arbitrale peut faire l'objet d'une tierce opposition.

Le nouveau décret français de 1980 ne précise pas que les jugements arbitraux ne sont pas opposables aux tiers, mais la solution est évidente.

En vertu du principe général selon lequel les décisions judiciaires n'ont autorité qu'à l'égard de ceux qui y ont été partie (Art 1351 C.Civ.), et du fait que l'arbitrage ne constitue qu'une procédure contractuelle ; la sentence arbitrale ne peut avoir pour effet que d'obliger que ceux qui y ont été partie.

Le fait que l'Art 1481 NCPC prévoit que la sentence pourra être frappée de tierce opposition, suppose qu'elle n'était pas opposable aux tiers à qui est ouverte la tierce opposition.

Vis à vis de tous les tiers, la sentence arbitrale constitue "un fait social dont ils auront à tenir compte dans la mesure où ils seront affectés par celui-ci". C'est ce qui va justifier la tierce opposition, dans le cas où un tiers se tient pour affecté d'un préjudice par l'intervention de la sentence.

La tierce opposition est ainsi ouverte à toute personne, dès lors qu'elle peut justifier de l'existence d'un préjudice qu'elle subit du fait de l'existence de la sentence.

Selon l'Art 1481 NCPC , la tierce opposition est portée devant la juridiction qui aurait dû être compétente à défaut d'arbitrage.

Le législateur italien a introduit en 1994 la possibilité de la tierce opposition en calquant le texte du décret français de 1980. Ainsi la compétence pour connaître du recours est dévolue à la cour d'appel dans le ressort de laquelle est le siège de l'arbitrage.

2- Recours en révision :

Le recours en révision est une voie de recours extraordinaire par laquelle on revient devant la juridiction qui a statué, pour la prier de modifier une décision rendue par erreur.

Selon l'Art 1491 NCPC français, "le recours en révision est ouvert contre la sentence arbitrale dans les cas et sous les conditions prévus pour les jugements. Il est porté devant la cour d'appel qui eût été compétente pour connaître des autres recours contre la sentence".

Il est réglementé par les Art 593 à 603 NCPC qui s'appliquent intégralement à l'arbitrage.

L'Art 595 NCPC en particulier énumère les quatre cas d'ouverture du recours : s'il se révèle après jugement que le tribunal arbitral a été surpris par la fraude de la partie au profit de laquelle ce jugement a été rendu ; si depuis le jugement des pièces décisives ont été recouvrées alors qu'elles avaient été retenues par une partie ; si le jugement a été rendu sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis la décision ; si, enfin, le jugement a été rendu sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis la date de la décision.

Le droit italien contient exactement les mêmes dispositions au sujet du recours en révision qui est ouvert malgré toute renonciation des parties.


CONCLUSION


Nous nous sommes interrogés sur la façon dont on stipule l'arbitrage, quelle est son importance dans la vie économique et commerciale et comment il est organisé dans la pratique.

Il convient à présent de nous placer au point de vue des Etats et des juristes ; quelle appréciation ceux-ci vont-ils porter sur l'arbitrage.

La grande question se résume ainsi : faut-il favoriser l'arbitrage en considération de l'intérêt qu'il parait présenter pour le commerce, ou doit-on au contraire le combattre parce qu'on y voit un danger pour la justice et pour le droit ?

En effet, l'arbitrage bouleverse à lui seul tout l'ordre juridique, l'idée que l'on peut avoir du droit et de l'équité, de la capacité du droit à régir la société et à régler toute sorte de différend.

Ainsi l'arbitrage est souvent regardé avec méfiance, parce qu'on soupçonne volontiers ceux à qui le soin en est confié d'être davantage disposés à satisfaire les intérêts égoistes des parties, que préoccupés de défendre les principes d'une justice idéale.

D'autre part, l'existence de l'arbitrage constitue une concurrence pour les juridictions étatiques.

S. LA CHINA écrit ainsi "ogni arbitrato in più è un po di giurisdizione in meno, è una frazione di sovranità che resta inutilizzata, che si perde"(chaque arbitrage constitue une fraction de souveraineté qui devient inutilisée, qui se perd).

Le législateur et les juges ont souvent vu avec une certaine réticence l'arbitrage, qui leur parait constituer une menace pour le monopole étatique de l'administration de la justice et pour le droit étatique.

Cette optique a conduit à une marginalisation de l'institution, il y était fait recours avec moindre fréquence de ce qu'elle mérite.

L'inacceptable lenteur du procès judiciaire a cependant fait naître l'intérêt de l'arbitrage.

Il n'est pas inutile de réfléchir sur les raisons du succès que l'arbitrage a remporté surtout dans les relations commerciales et sur les critiques que cet essor a suscitées.

Depuis la deuxième guerre mondiale, de nombreux conflits, en particulier dans le domaine commercial, ont été réglés par voie d'arbitrage.

Peu de domaines du commerce ont échappé à la pénétration de l'arbitrage comme mode de résolution des litiges.

Les raisons du développement de la pratique arbitrale tiennent à la fois à la souplesse de l'institution, qui représente une forme de justice adaptée aux litiges commerciaux tout en demeurant une justice à part entière, susceptible de départager les parties.

Ainsi l'institution arbitrale s'est imposée au fil des années.

Cette évolution est susceptible de se manifester à travers plusieurs orientations.

De la part des parties, une bonne foi est requise dans leur participation à la procédure, dès lors qu'elles ont signé une convention d'arbitrage.

De la part des organismes d'arbitrage, une vigilance est exigée pour garantir aux parties qui ont fait référence à un règlement d'arbitrage que l'instance se déroulera suivant des normes conformes aux principes d'équité, d'équilibre et de rapidité qui apparaissent comme des éléments constitutifs de l'institution arbitrale.

Certains organismes et, notamment, la CCI, ont su imposer la qualité de leurs services, améliorer le texte et l'application de leur règlement, et susciter la confiance des opérateurs du commerce.

Certains types d'arbitrages sont sans doute mieux adaptés que d'autres à telle ou telle situation juridique.

De ce point de vue, la formation des directeurs juridiques d'entreprises, le renforcement de leur pouvoir et une plus grande confiance pour ces juristes sont susceptibles d'ouvrir des perspectives nouvelles.

Le développement de l'arbitrage doit beaucoup également à la jurisprudence.

Il faut constater l'apparition et la persistance, au sein du contentieux judiciaire de l'arbitrage, d'un état d'esprit largement favorable à l'arbitrage.

Le développement de cette voie concurrente de règlement des litiges par de simples particuliers que représente l'arbitrage, a bénéficié d'un concours bienveillant des juridictions étatiques.

Les réformes, en France par le décret de 1980 et en Italie par la loi de 1994, n'ont en effet qu'entériné les principes directeurs élaborés par la jurisprudence.

L'arbitrage apparait dès lors comme une institution réglementée avec souplesse dans le dessein d'en favoriser l'utilisation dans les meilleures conditions possibles.

Ainsi en Italie, la réforme de 1994 permettra de ne plus avoir recours à la pratique de l'arbitrage libre.

En effet, cette technique ne comprend pas suffisamment de garanties pour pouvoir être utilisée à grande échelle.

Et ceci explique le fait que l'Italie ait été jusqu'à présent le pays dans lequel l'arbitrage était le moins utilisé.

Avec la réforme de 1994, le législateur a espéré promouvoir le recours à l'arbitrage, institution indispensable en matière commerciale.

ANNEXE I


EXTRAIT DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE ITALIEN

( LOI N_25 DU 5 JANVIER 1994)

TITOLO VIII DELL'ARBITRATO.

CAPO I DEL COMPROMESSO E DELLA CLAUSOLA COMPROMISSORIA.

806 COMPROMESSO - Le parti possono far decidere da arbitri le controversie tra di loro insorte, tranne quelle previste negli articoli 409 e 442 quelle che riguardano questioni di stato e di separazione personale tra coniugi e le altre che non possono formare oggetto di transazione.

807 FORMA DEL COMPROMESSO - Il compromesso deve, a pena di nullità, essere fatto per iscritto e determinare l'oggetto della controversia.

La forma scritta s'intende rispettata anche quando la volontà delle parti è espressa per telegrafo o telescrivente.

Al compromesso si applicano le disposizioni che regolano la validità dei contratti eccedenti l'ordinaria amministrazione.

808 CLAUSOLA COMPROMISSORIA - Le parti, nel contratto che stipulano o in un atto separato, possono stabilire che le controversie nascenti dal contratto medesimo siano decise da arbitri, purchè si tratti di controversie che possono formare oggetto di compromesso.

La clausola compromissoria deve risultare da atto avente la forma richiesta per il compromesso ai sensi dell'Art 807 commi primo e secondo.

...

La validità della clausola compromissoria deve essere valutata in modo autonomo rispetto al contratto al quale si riferisce ; tuttavia, il potere di stipulare il contratto comprende il potere di convenire la clausola compromissoria.

809 NUMERO E MODO DI NOMINA DEGLI ARBITRI - Gli arbitri possono essere uno o più, purchè in numero dispari.

Il compromesso o la clausola compromissoria deve contenere la nomina degli arbitri oppure stabilire il numero di essi e il modo di nominarli.

In caso di indicazione di un numero pari di arbitri, l'ulteriore arbitro, se le parti non hanno diversamente convenuto, è nominato dal Presidente del tribunale nei modi previsti dall'Art 810.

Qualora manchi l'indicazione del numero degli arbitri e le parti non si accordino al riguardo, gli arbitri sono tre e, in mancanza di nomina, se le parti non hanno diversamente convenuto, provvede il Presidente del tribunale nei modi previsti dall'Art 810.

CAPO II DEGLI ARBITRI

810 NOMINA DEGLI ARBITRI - Quando a norma del compromesso o della clausola compromissoria gli arbitri debbono essere nominati dalle parti, ciascuna di esse, con atto notificato a mezzo d'ufficiale giudiziario, puo rendere noto all'altra l'arbitro o gli arbitri che essa nomina, con invito a procedere alla designazione dei propri.

La parte, alla quale è rivolto l'invito, deve notificare, nei venti giorni successivi, la generalità dell'arbitro o degli arbitri da essa nominati.

In mancanza, la parte che ha fatto l'invito puo chiedere, mediante ricorso, che la nomina sia fatta dal Presidente del tribunale nella cui circoscrizione è la sede dell'arbitrato.

Se le parti non hanno ancora determinato tale sede, il ricorso è presentato al Presidente del tribunale del luogo in cui è stato stipulato il compromesso o il contratto al quale si riferisce la clausola compromissoria oppure, se tale luogo è all'estero, al Presidente del tribunale di ROMA. Il Presidente, sentita, quando occorre, l'altra parte, provvede con ordinanza non impugnabile.

811 SOSTITUZIONE DI ARBITRI - Quando per qualsiasi motivo vengono a mancare tutti o alcuni degli arbitri nominati, si provvede alla loro sostituzione secondo quanto è stabilito per la loro nomina nel compromesso o nella clausola compromissoria.

Se la parte a cui spetta o il terzo non vi provvede o se il compromesso o la clausola compromissoria nulla dispongono al riguardo, si applicano le disposizioni dell'articolo precedente.

812 CAPACITA AD ESSERE ARBITRO - Gli arbitri possono essere sia cittadini italiani che stranieri.

Non possono essere arbitri i minori, gli interdetti, gli inabilitati, i falliti e coloro che sono sottoposti a interdizione dai pubblici uffici.

813 ACCETTAZIONE ED OBBLIGHI DEGLI ARBITRI - L'accettazione degli arbitri deve essere data per iscritto e puo risultare dalla sottoscrizione del compromesso.

Gli arbitri debbono pronunciare il lodo entro il termine stabilito dalle parti o dalla legge ; in mancanza, nel caso di annulamento del lodo per questo motivo sono tenuti al risarcimento dei danni.

Sono ugualmente tenuti al risarcimento dei danni se dopo l'accettazione rinunciano all'incarico senza giustificato motivo.

Se le parti non hanno diversamente convenuto, l'arbitro che omette o ritarda di compiere un atto relativo alle sue funzioni, puo essere sostituito d'accordo tra le parti o dal terzo a cio incaricato dal compromesso o dalla clausola compromissoria.

In mancanza decorso il termine di 15 giorni da opposita diffida communicata per mezzo di lettera raccomandata all'arbitro per ottenere l'atto, ciascuna delle parti puo proporre ricorso al Presidente del tribunale nella cui circoscrizione è la sede dell'arbitrato.

Il Presidente, sentite le parti, provvede con ordinanza non impugnabile e, ove accerti l'omissione o il ritardo, dichiara la decadenza dell'arbitro e provvede alla sua sostituzione.

814 DIRITTI DEGLI ARBITRI - Gli arbitri hanno diritto al rimborso delle spese e all'onorario per l'opera prestata, salvo che vi abbiano rinunciato al momento dell'accettazione o con atto scritto successivo.

Le parti sono tenute solidalmente al pagamento, salvo rivalsa tra loro.

Quando gli arbitri provvedono direttamente alla liquidazione delle spese e dell'onorario, tale liquidazione non è vincolante per le parti se esse non l'accettano.

In tal caso l'ammontare delle spese e dell'onorario è determinato con ordinanza non impugnabile dal Presidente del tribunale indicato nell'Art 810, su ricorso degli arbitri e sentite le parti. L'ordinanza è titolo esecutivo contro le parti.

815 RICUSAZIONE DEGLI ARBITRI - La parte puo ricusare l'arbitro, che essa non ha nominato, per i motivi indicati nell'Art 51.

La ricusazione è proposta mediante ricorso al Presidente del tribunale indicato al l'Art 810, entro il termine perentorio di dieci giorni dalla notificazione dalla notificazione della nomina o dalla sopravvenuta conoscenza della causa di ricusazione.

il Presidente pronunzia con ordinanza non impugnabile, sentito l'arbitro ricusato e assunte, quando occorre, sommarie informazioni.

CAPO III DEL PROCEDIMENTO

816 SVOLGIMENTO DEL PROCEDIMENTO - Le parti determinano la sede dell'arbitrato nel territorio della Repubblica ; altrimenti provvedono gli arbitri nella loro prima riunione.

Le parti possono stabilire nel compromesso, nella clausola compromissoria, o con atto scritto separato purchè anteriore all'inizio del giudizio arbitrale, le norme che gli arbitri debbono osservare nel procedimento.

In mancanza di tali norme gli arbiotri hanno facoltà di regolare lo svolgimento del giudizio nel modo che ritengono piu opportuno.

Essi debbono in ogni caso assegnare alle parti i termini per presentare documenti e memorie, e per esprre le loro repliche.

Gli atti di istruzione possono essere delegati dagli arbitri a uno di essi.

su tutte le questioni che si presentano nel corso del procedimento gli arbitri provvedono con ordinanza non soggetta a deposito e revocabile tranne che nel caso previsto nell'Art 819.

817 ECCEZIONE D'INCOMPETENZA - La parte, che non eccepisce nel corso del procedimento arbitrale che le conclusioni delle altre parti esorbitano dai limiti del compromesso o della clausola compromissoria, non puo, per questo motivo, impugnare di nullità il lodo.

818 PROVVEDIMENTI CAUTELARI - Gli arbitri non possono concedere sequestri, né altri provvedimenti cautelari.

819 QUESTIONI INCIDENTALI - Se nel corso del procedimento sorge una questione che per legge non puo costituire oggetto di giudizio arbitrale, gli arbitri, qualora ritengano che il giudizio ad essi affidato dipende dalla definizione di tale questioni, sospendono il procedimento.

Fuori di tali ipotesi gli arbitri decidono tutte le questioni insorte nel giudizio arbitrale.

Nel caso previsto dal primo comma il termine stabilito nell'Art 820 resta sospeso fino al giorno in cui una delle parti notifichi agli arbitri la sentenza passata in giudicato che ha deciso la causa incidentale ; ma se il termine che resta a decorrere ha una durata inferiore a sessanta giorni, è prorogato di diritto fino a raggiungere i sessanta giorni.

819 bis CONNESSIONE - La competenza degli arbitri non è esclusa dalla connessione tra la controversia ad essi deferita ed una causa pendente dinanzi al giudice.

819 ter ASSUNZIONE DELLE TESTIMONIANZE - Gli arbitri possono assumere direttamente presso di sé la testimonianza, ovvero deliberare di assumere la deposizione del testimone, ove questi vi consenta, nella sua abitazione o nel suo ufficio.

Possono altresi deliberare di assumere la deposizione richiedendo al testimone di fornire per iscritto risposte a quesiti nel termine che essi stessi stabiliscono.

CAPO IV DEL LODO

820 TERMINI PER LA DECISIONE - Se le parti non hanno disposto altrimenti, gli arbitri debbono pronunciare il lodo nel termine di centoottanta giorni dall'accettazione della nomina.

Se gli arbitri sono piu e l'accettazione non è evvenuta contemporaneamente da parte di tutti, il termine decorre dall'ultima accettazione.

Il termine è sospeso quando è proposta istanza di ricusazione e fino alla pronuncia su di essa, ed è interrotto quando occorre procedere alla sostituzione degli arbitri.

Quando debbono essere assunti mezzi di prova o sia stato pronunciato lodo non definitivo, gli arbitri possono prorogare per una sola volta il termine e per non piu di centottanta giorni.

Nel caso di morte di una delle parte il termine è prorogato di trenta giorni.

Le parti, d'accordo, possono consentire con atto scritto la proroga del termine.

821 RILEVANZA DEL DECORSO DEL TERMINE - Il decorso del termine indicato nell'Art 820 non puo essere fatto valere come causa di nullità del lodo se la parte, prima della deliberazione del lodo risultante dal dispositivo sottoscritto dalla maggioranza degli arbitri, non abbia notificato alle altre parti e agli arbitri che intende far valere la loro decadenza.

823 DELIBERAZIONE E REQUISITI DEL LODO - Il lodo è deliberato a maggioranza di voti dagli arbitri riuniti in conferenza personale ed è quindi redatto per iscritto.

Esso deve contenere :

1/ l'indicazione delle parti

2/ l'indicazione dell'atto di compromesso o della clausola compromissoria e dei requisiti relativi

3/ l'esposizione sommaria dei motivi

4/ il dispositivo

5/ l'indicazione della sede dell'arbitrato e del luogo o del modo in cui è stato deliberato

6/ la sottoscrizione di tutti gli arbitri, con l'indicazione del giorno, mese ed anno in cui è opposta ; la sottoscrizione puo avvenire anche in luogo diverso da quello della deliberazione ed anche all'estero ; se gli arbitri sono piu di uno, le varie sottoscrizioni, senza necessità di ulteriore conferenza personale, possono avvenire in luoghi diversi.

Tuttavia è valido il lodo sottoscritto dalla maggioranza degli arbitri, purchè si dia atto che esso è stato deliberato in conferenza personale di tutti, con la espressa dichiarazione che gli arbitri non hanno voluto o non hanno potuto sottoscriverlo.

Il lodo ha efficacia vincolante tra le parti dalla data della sua ultima sottoscrizione.

825 DEPOSITO DEL LODO - Gli arbitri redigono il lodo in tanti originari quante sono le parti e ne danno communicazione a ciascuna parte mediante consegna di un originale, anche con spedizione in plico raccomandato, entro dieci giorni dalla data dell'ultima sottoscrizione.

La parte che intende fare eseguire il lodo nel territorio della Repubblica è tenuta a depositarlo in originale o in copia conforme, insieme con l'atto di compromesso o con l'atto contenente la clausola compromissoria o con documento equipollente, in originale o in copia conforme, nella cancelleria della pretura nella cui circoscrizione è la sede dell'arbitrato.

Il pretore, accertata la regolarità formale del lodo, lo dichiara esecutivo con decreto. Il lodo reso esecutivo è soggetto a trascrizione, in tutti i casi nei quali sarebbe soggetta a trascrizione la sentenza avente il medesimo contenuto.

Del deposito e del provvedimento del pretore è data notizia dalla cancelleria alle parti nei modi stabiliti nell'Art 133.

Contro il decreto che nega l'esecutorietà del lodo, è ammesso reclamo mediante ricorso al tribunale, entro trenta giorni dalla communicazione ; il tribunale, sentite le parti, provvede in camera di consiglio con ordinanza non impugnabile.

826 CORREZIONE DEL LODO - Il lodo puo essere corretto, su istanza di parte, dagli stessi arbitri che lo hanno pronunziato, qualora questi siano incorsi in omissioni o in errori materiali o di calcolo.

Gli arbitri, sentite le parti, provvedono entro venti giorni.

Del provvedimento è data communicazione alle parti, anche con spedizione in plico raccomandato, entro dieci giorni dalla data dell'ultima sottoscrizione.

Se il lodo è già stato depositato, la correzione è richiesta al pretore del luogo in cui lo stesso è depositato. Si applicano le disposizioni dell'Art 288 "della correzione delle sentenze", in quanto compatibili.

CAPO V DELLE IMPUGNAZIONI

827 MEZZI DI IMPUGNAZIONE - Il lodo è soggetto soltanto all'impugnazione per nullità, per revocazione o per opposizione di terzo.

I mezzi di impugnazione possono essere proposti indipendentemente dal deposito del lodo.

Il lodo che decide parzialmente il merito della controversia è immediatamente impugnabile, ma il lodo che risolve alcune delle questioni insorte senza definire il giudizio arbitrale è impugnabile solo unitamente al lodo definitivo.

828 IMPUGNAZIONE PER NULLITA - L'impugnazione per nullità si propone nel termine di novanta giorni dalla notificazione del lodo, davanti alla Corte d'appello nella cui circoscrizione è la sede dell'arbitrato.

L'impugnazione non è piu proponibile decorso un anno dalla data dell'ultima sottoscrizione.

L'istanza per la correzione del lodo non sospende il termine per l'impugnazione, tuttavia il lodo puo essere impugnato relativamente alle parti corrette nei termini ordinari, a decorrere dalla notificazione della pronuncia di correzione.

829 CASI DI NULLITA - L'impugnazione per nullità è ammessa, nonostante qualunque rinuncia, nei casi seguenti :

1/ se il compromesso è nullo

2/ se gli arbitri non sono stati nominati con le forme e nei modi prescritti nei capi I e II del presente titolo, purchè la nullità sia stata dedotta nel giudizio arbitrale

3/ se il lodo è stato pronunciato da chi non poteva essere nominato arbitro a norma dell'Art 812

4/ se il lodo ha pronunciato fuori dei limiti del compromesso o non ha pronunciato su alcuno degli oggetti del compromesso o contiene disposizioni contradittorie salva la disposizione dell'Art 817

5/ se il lodo non contiene i requisiti indicati nell'Art 823 salvo il disposto del terzo comma

6/ se il lodo è stato pronunciato dopo la scadenza del termine indicato nell'Art 820, salvo il disposto dell'Art 821

7/ se nel procedimento non sono state osservate le forme prescritte per i giudizi sotto pena di nullità, quando le parti ne avevano stabilito l'osservanza a norma dell'Art 816 e la nullità non è stata sanata

8/ se il lodo è contrario ad altro precedente lodo non piu impugnabile o a precedente sentenza passata in giudicato tra le parti, purchè la relativa eccezione sia stata dedotta nel giudizio arbitrale

9/ se non è stato osservato nel procedimento arbitrale il principio del contraddittorio.

L'impugnazione per nullità è altresi ammessa se gli arbitri nel giudicare non hanno osservato la regole di diritto, salvo che le parti li avessero autorizzati a decidere secondo equità o avessero dichiarato il lodo non impugnabile.

Nel caso previsto all'Art 808, il lodo è soggetto all'impugnazione anche per violazione e falsa applicazione dei contratti e accordi collettivi

830 DECISIONE SULL'IMPUGNAZIONE PER NULLITA - La Corte d'appello, quando accoglie l'impugnazione, dichiara con sentenza la nullità del lodo ; qualora il vizio incida soltanto su una parte del lodo che sia scindibile dalle altre, dichiara la nullità parziale del lodo.

Salvo volontà contraria di tutte le parti, la Corte di appello pronuncia anche sul merito, se la causa è in condizione di essere decisa, ovvero rimette con ordinanza la causa all'istruttore, se per la decisione del merito è necessaria una nuova istruzione.

In pendenza del giudizio, su istanza di parte, la Corte d'appello puo sospendere con ordinanza l'esecutorietà del lodo.

831 REVOCAZIONE ED OPPOSIZIONE DI TERZO - Il lodo, nonostante qualsiasi rinuncia, è soggetto a revocazione nei casi indicati nei numeri 1, 2, 3 e 6 dell'Art 395, osservati i termini e le forme stabiliti nel libro secondo.

Se i casi di cui al primo comma si verificano durante il corso del processo di impugnazione per nullità, il termine per la proposizione della domanda di revocazione è sospeso fino alla communicazione della sentenza che abbia pronunciato sulla nullità.

Il lodo è soggetto ad opposizione di terzo nei casi indicati nell'Art 404.

Le impugnazioni per revocazione e per opposizione di terzo si propongono davanti alla Corte d'appello nella cui circoscrizione è la sede dell'arbitrato.

La Corte d'appello puo riunire le impugnazioni per nullità, per revocazione e per opposizione di terzo nello stesso processo, salvo che lo stato della causa preventivamente proposta non consenta l'esauriente trattazione e decisione delle altre cause.



ANNEXE II

FORMULES DE CLAUSES COMPROMISSOIRES

1 - Arbitrage ad hoc :"Les contestations qu viendront à naître à propos de la validité, de l'interprétation et de l'exécution de la présente convention seront résolues par voie d'arbitrage. Ces contestations seront soumises à Monsieur DUBOIS, arbitre unique.

Variante : "Dans les quinze jours suivant la constatation de la contestation notifiée par lettre recommandée par la partie la plus diligente à l'autre partie, chacune des parties aura à désigner un arbitre.Si les deux arbitres ainsi choisis ne pouvaient se mettre d'accord, dans un délai de quinze jours à dater de la nomination du dernier d'entre eux, sur le choix d'un troisième arbitre, celui-ci sera désigné par le Président du TGI de ..., statuant à la requête de la partie la plus diligente ou de l'arbitre le plus diligent".

2 - Référence à un organisme d'arbitrage :"Tous différends découlant du présent contrat seront tranchés définitivement suivant le règlement de conciliation et d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale par un ou plusieurs arbitres nommés conformément à ce règlement".

ANNEXE III

BAREME DES FRAIS D'ARBITRAGE EXTRAIT DU REGLEMENT DE CONCILIATION ET D'ARBITRAGE DE LA CHAMBRE DE COMMERCE INTERNATIONALE (en vigueur à dater du 1 janvier 1993)

FRAIS ADMINISTRATIFS



HONORAIRES D'UN ARBITRE


Retour au sommaire de Juripole

Retour au sommaire des mémoires


@Anne-Lise BROCARD-Véronique MONTEMONT 1997