Le Centre de théorie du droit (Université de Paris X-Nanterre)
DROIT ET INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
La deuxième Conférence franco-américaine sur le Droit et l'Intelligence artificielle, co-organisée par l'Université de Paris I, l'École des Hautes Études Commerciales du Nord et l'Université de Syracuse (College of Law) se déroulera les 11, 12 et 13 juin 1998 à Nice. Cette manifestation fera suite à la rencontre organisée en 1996 à Syracuse (U.S.A.). Conçue pour rapprocher les concepteurs et les utilisateurs de systèmes experts juridiques, celle-ci a également permis de mettre en évidence l'apport considérable des nouvelles technologies comme outils de développement d'un nouveau langage en vue d'un rapprochement des différents systèmes juridiques à travers le monde.
Deux années plus tard, où en est-on ? C'est cette question qui fera l'objet des échanges de la rencontre de Nice. Le programme de la Conférence s'articulera autour de quatre types d'interventions : présentations d'articles, workshops (ateliers), démonstrations et posters.
De nombreux sujets seront abordés parmi lesquels, de manière non-exhaustive, les questions juridiques, technologiques, linguistiques et organisationnelles liées à l'évolution des réseaux informatiques, la conception et le développement de systèmes d'information et d'agents juridiques intelligents, les applications juridiques et administratives des technologies de l'information et de la communication (rédaction législative assistée, base de données, réseaux de neurones, systèmes experts, SIAD, systèmes dynamiques, modèles cahotiques ou non-linéaires, échanges de données informatisées ...), les nouveaux services offerts par les réseaux, l'évolution des métiers du Droit et des systèmes d'information, la conception, l'écriture et l'utilisation des objets multimédia pour l'enseignement du droit, la conception de systèmes collectifs d'information juridique, partagés et ouverts, le concept de "village juridique interactif", etc.
Les personnes et les équipes qui souhaitent participer à cette Conférence sont invitées à adresser aux organisateurs un courrier d'intention indiquant le titre et le type de l'intervention, leur nom, leur fonction et leurs titres, leur établissement ou institution de rattachement, leurs coordonnées postales, télé- phoniques et télématiques ainsi qu'un résumé de leur projet en 500 mots maximum.
Ces dossiers sont à adresser pour le 30 décembre
1997 au plus tard à M. Christophe ROQUILLY, E.D.H.E.C.
- Département Sciences juridiques 58, rue du Port 59046
Lille Cedex (E-mail : roquilly.ch@edu.edhec.asso.fr/)
En réponse à une demande de programmation scientifique portant sur les processus d'acculturation au droit, un groupe de travail animé par Philippe Kahn, Directeur de recherche au CNRS, s'est constitué pour étudier le thème de l'étranger en France, face et au regard du droit, en particulier celui des personnes.
Il a été convenu que les chercheurs travailleraient
sur les comportement juridiques de populations étrangères
afin de déterminer comment, principalement en matière
de droit de la famille, les règles en vigueur dans leurs
pays d'origine s'intègrent ou non au système juridique
français. Six équipes ont été finalement
constituées :
L'une, regroupée autour d'Hugues Fulchiron, professeur
à l'Université Jean Moulin de Lyon, travaille sur
les comportements juridiques des populations d'origine maghrébine
des régions lyonnaise et stéphanoise vis-à-vis
des questions liées au statut familial : contribution
aux charges du mariage, séparation, divorce, filiation,
autorité parentale, succession.
Dans ces mêmes domaines ne autre équipe, animée
par Etienne Leroy, professeur à Paris I et directeur du
laboratoire d'anthropologie juridique de cette université,
vise à identifier les règles juridiques auxquelles
se réfèrent des membres des communautés Sénégalaises
et Zaïroises vivant dans la région parisienne.
Françoise Lorcerie, chercheur à l'Institut de Recherches
et d'Etudes sur le Monde Arabe et Musulman (IREMAM) des Universités
d'Aix-Marseille reprend cette d'investigation auprès d'immigrés
Maghrébins, Africains ou Comoriens de confession musulmane
vivant. à Marseille
Une approche socio-juridique est mise en úuvre par Francis
Messner, chercheur au CNRS et directeur du centre "Société,
Droit et Religion en Europe" (Université Robert Schumann
de Strasbourg et CNRS) pour déterminer de quelle manière
le droit français de la famille prend en considération
les particularités religieuses et culturelles de la
population turque implantée en Alsace.
Françoise Monéger, professeur à l'Université
d'Orléans, étudiera, en matière de statut
familial, le comportement juridique des populations immigrées,
algériennes et marocaines, installées dans la
région d'Orléans, aux différents moments
de la vie : constitution du couple, naissance des enfants,
relations dans les couples, séparation et décès.
Enfin Edwige Rude-Antoine, chercheur au CNRS (Unité de
Recherche Migrations et Société, Université
de Paris VII), examinera comment les populations étrangères
ou d'origine étrangère, Marocaines et Vietnamiennes,
résidant à Paris et dans la région parisienne
organisent leur vie familiale et se positionnent par rapport
au droit de la famille français.
Ces recherches doivent être menées en dix-huit mois.
Leurs résultats seront disponibles début 1999.
Ainsi qu'il a été annoncé dans le précédent
numéro de cette lettre, quatre comités d'experts
composés d'universitairs, de chercheurs et de praticiens,
ont été mis en place en 1996 à l'initiative
du GIP afin de produire des éléments de réflexion
sur des sujets qui rencontrent les préoccupations actuelles
de la Chancellerie. Ces travaux sont susceptibles de donner lieu
soit à des propositions de réformes soit à
des rapports d'études destinés à éclairer
le ministère de la Justice dans sa réflexion ou
son action.
1- L'écrit et les nouveaux moyens technologiques au regard du droit.
Le comité a limité l'objet de sa recherche au droit
de la preuve à la lumière des phénomènes
de masse liés aux techniques informatiques et notamment
à l'internet. Le comité s'interroge sur la manière
de reconnaître force probante à l'écrit numérisé
afin de prendre en compte les besoins de sécurité
juridique et technique des consommateurs. Il s'oriente vers la
rédaction d'une proposition de texte tendant à aménager
le droit de la preuve.
2- Les familles recomposées.
Le comité étudie le phénomène des
familles recomposées, concept recouvrant essentiellement
la présence au sein du couple d'au moins un enfant qui
n'est celui que d'un seul des conjoints. Les recompositions familiales
confrontent les juristes et les sociologues à des questions
sur le couple, la parenté et les relations entre générations.
Le comité a choisi de s'orienter vers des aménagements
ponctuels du droit de la famille.
3- Les conséquences financières de la séparation du couple.
Après avoir traité distinctement des couples mariés
dont le statut légal induit un traitement spécifique
sur la séparation des conjoints, le comité aborde
les situations de fait des couples non-mariés. Le comité
propose la mise en place d'un contrat organisant la communauté
de vie de deux personnes ayant décidé de vivre ensemble
et de gérer des biens dans de bonnes conditions sociales
et fiscales. Il s'agirait, selon la formule du Professeur Jean
HAUSER, qui préside aux travaux du groupe, d'un "pacte
républicain où le droit arbitre, dans le sérieux
et la réflexion technique, entre l'égoïsme
individuel et l'intérêt social"
4- La protection de la personne des incapables majeurs.
La réflexion du comité s'est successivement portée sur l'examen de la question personnelle (quelle liberté reconnaître aux majeurs et quels pouvoirs donner à autrui ?), de la question procédurale (quelle place accorder à l'avocat ?) et de la fonction des tiers sociaux (Quel rôle le médecin peut-il jouer ?)
Le comité formulera des propositions afin d'améliorer
la protection de la personne du majeur et en particulier dans
le choix de son lieu de vie et l'atteinte à son intégrité
corporelle pour raisons médicales.
Le Centre de théorie du droit
(Université de Paris X - Nanterre)
Le Centre de théorie du Droit a été créé
en 1978 au sein de l'Université de Paris X - Nanterre afin
de contribuer à combler une lacune dans la recherche juridique
française, qui n'accordait qu'une place très réduite
à la philosophie et à la théorie générale
du Droit. Il s'est attaché depuis sa création, à
oeuvrer au renouveau du débat théorique en France.
Malgré la modestie des moyens matériels dont dispose
le laboratoire,les résultats à mettre au crédit
du CTD ne sont nullement négligeables.
Le Centre se donne quatre fonctions principales :
Former des théoriciens. Le laboratoire constitue
l'équipe d'accueil pour le DEA de philosophie et de théorie
générale du Droit. Il faut souligner à cet
égard que les enseignements de ce DEA ne sont pas réservés
aux seuls étudiants qui y sont inscrits mais également
à ceux qui se destinent à l'enseignement universitaire
dans les disciplines juridiques et ont besoin d'acquérir
les fondements d'une connaissance juridique générale.
Contribuer à assurer le lien avec d'autres disciplines
en sciences humaines. Les membres du CTD participent à
de nombreux colloques pluri- disciplinaires avec des philosophes,
des historiens ou des sociologues. Trois d'entre eux sont membres
d'un comité d'éthique médicale, l'un est
membre du conseil de gestion de l'U.F.R. de Philosophie de l'Université
Paris I, un autre a participé à la rédaction
d'un ouvrage collectif sur l'état de la psychanalyse.
Participer à l'information des chercheurs en théorie
du Droit. A cet égard, le CTD a constitué un
centre de documentation dont la mise en place et le développement
sont d'autant plus nécessaires que la plupart des travaux
relevant de la discipline sont publiés à l'étranger
et sont fort difficiles à trouver en France. Ne disposant
que de moyens réduits ce centre de documentation est modeste
eu égard aux besoins. Il s'enorgueillit cependant de posséder
des ouvrages qui ne sont disponibles dans aucune bibliothèque
publique. Les responsables du CTD ont en outre une importante
activité éditoriale : participation aux comités
de rédaction de revues françaises et étrangères,
publication d'une collection ("La pensée juridique
moderne") en co-édition à la LGDJ et Story-Scientia.
Enfin et surtout le CTD est un centre de recherche.
Outre les travaux individuels des membres du Centre (27 enseignants-chercheurs
et 12 membres associés, professeurs d'Universités
étrangères), son activité inclut l'organisation
de colloques - sur le raisonnement juridique en 1992 et sur l'enseignement
de la philosophie du Droit en 1997 -, la tenue d'un séminaire
annuel, la réalisation d'un numéro spécial
de la "Revue de synthèse", la publication à
la LGDJ de trois ouvrages collectifs portant respectivement sur
le positivisme juridique (1993), la constitution de 1791 (1994)
et l'enseignement de la philosophie du Droit (1997).
Le programme de travail adopté par le Centre de Théorie
du Droit pour l'année 1997 a principalement retenu la poursuite
d'un séminaire initialisé en 1996 sur "les
contraintes de l'argumentation devant et au sein des juridictions"
et la conduite de deux recherches. La première, sous la
direction de Michel TROPER, est consacrée à l'expérience
de contentieux constitutionnels fictifs Pour leur part P. PASQUINO
et Isabelle BOUCOBZA travaillent sur les fondements théoriques
des débats sur la fonction judiciaire. Ce travail destiné
à mettre en évidence les pôles de discussions
doctrinales et, pour chacun d'eux, les différentes positions
adoptées afin de dégager les concepts à l'aide
desquels la doctrine appréhende son sujet. La recherche
sera internationale (Italie, Espagne, Portugal, Allemagne, Belgique)
et bénéficiera d'un soutien financier du Conseil
de l'Europe.
Appel d'offres : Éthique et recherche biologique et
médicale.
Six des dix-huit projets remis en réponse à l'appel d'offres conjoint MIRE-GIP présenté dans le numéro précédent de cette lettre ont été retenus par la comité de sélection. Ces projets portent respectivement sur :
- Les procès médicaux, lieux de références révéléteurs et régulateurs d'éthique comme d'éthos (William SHEA, I.R.F.E.S.T.-Université de Strasbourg)
- Interactions normatives et recherches biomédicales (Jean-Pierre DUPRAT, C.E.R.A.T.-Université de Bordeaux)
- Le consentement à la recherche biomédicale. Enquète sur la formation et le fonctionnement des dispositifs pratiques d'information et de recueil du consentement. (A. FAGOT-LARGEOT, I.H.P.S.T.- Paris)
- Production, valorisation et usage des savoirs : les techniques génétiques et cellulaires appliquées au cancer. (Jean-Pierre GAUDILLÈRE, I.N.S.E.R.M. U-158 Paris)
- Aspects ethiques de la transplantation d'organes avec donneur vivant. (Martine GABOLDE; I.N.S.E.R.M. U-158 Paris)
- Recherche biologique et médicale
et procéduralisation du droit (Prof. Isabelle VACARIE,
I.R.E.R.P.- Université Paris X)
La réalisation de ces travaux s'étendra sur une
durée de six à vingt quatre mois.
Séminaire de philosophie du Droit.
Le séminaire de philosophie du droit organisé par
l'Institut des Hautes Études sur la Justice en collaboration
avec l'École Nationale de la Magistrature et la revue "Esprit"
a repris ses réunions. Le programme de la session 1997/98,
intitulée Fonder les normes est centré
sur la problématique des nouveaux rapports du droit et
de la morale. Animé par Antoine GARAPON, Olivier MONGIN
et Denis SALAS, le séminaire s'articulera autour de deux
thèmes : Nouveaux problèmes, nouvelles normes (novembre
à mars) puis Droit, morale et politique : quelles frontières
(mars à juin).
Comme l'année précédente les rencontres se
dérouleront dans les locaux de l'IHEJ, 8 rue Chanoinesse
75004 PARIS. Pour toute information sur le calendrier du séminaire,
son programme détaillé et les conditions d'accès,
joindre le secrétariat de l'Institut au 01.40.51.02 51.
Les Français et le Justice.
La Mission de Recherche Droit et Justice a fait effectuer à
la fin du mois de juin 1997 une enquète d'opinion sur les
jugements et les attentes des Français à l'égard
de la Justice. Ce sondage a été complété
par une série d'entretiens qualitatifs avec des professionnels
du droit et des personnes "relais d'opinion". Une synthèse
de cette étude a été diffusée récemment
aux destinataires de la lettre "Recherche Droit et Justice".
Le texte de ce document est également consultable sur le
net à l'adresse suivante : http://juripole.u-nancy.fr
Séminaire.
Le séminaire "Enfermement, marges, société"
proposé par l'Université Jean Moulin de Lyon dans
le cadre du programme pluri-formation reprend ses sessions.. Après
une séance qui sera animée le Samedi 22 novembre
de 10 heures à 12 heures 30 par le Professeur Jean-Louis
HALPÉRIN sur le thème de l'enfermement dans l'ordre
familial (1804-1945), les rencontres suivantes porteront sur les
modes d'expression des détenus. Les réunions du
premier semestre sont programmées comme suit :
- Vendredi 19 décembre (14h - 16h
30) : Écrits et paroles de détenus (Intervenants
: Philippe ARTIÈRES, Université Paris VII et Angela
SAUVAGE, intervenante en milieu carcéral).
- Vendredi 9 janvier 1998 (14h - 16h 30)
: La médecine du crime (Intervenant : Marc RENNEVILLE,
université Paris VII)
- Vendredi 13 mars (10h - 12 h. et 14h
- 17h.) L'expression artistique en prison et à l'hôpital
(Intervenants : Pierre TRUCHE, Christian CARLIER, Jean-Yves AULAGNIER
et Daniel LAFONT)
Les réunions du séminaire se tiendront au Centre Chevreul (salle 206 - escalier central en entrant) 18, rue Chevreul LYON 7°.
Pour tous renseignements appeler E.M.S. (Tél : 04.72.72.45.77
; E-mail : ems@sunlyon3.univ-lyon3.fr/
Pauvretés en prison.
Remise au GIP en 1996, la recherche d'Anne-Marie MARCHETTI "Pauvretés
en prison" vient d'être publiée aux éditions
ERES. Par rapport au texte initial du rapport de recherche, ce
volume a été enrichi d'une préface de l'historienne
Michelle PERROT et d'un chapitre de réflexion théorique
sur la nature de la consubstantialité soulignée
par Michel FOUCAULT, qui lie l'indigence et l'institution pénitentiaire.
L'auteur, sociologue, déjà co-signataire en 1995
d'un ouvrage intitulé "La prison dans la ville",
développe ici, à partir d'une série d'entretiens
avec des détenus et des membres de l'Administration pénitentiaire,
une analyse des situations de pauvreté que connaissent
les personnes incarcérées. Elle étudie en
particulier, les mécanismes intrinsèques à
l'institution pénitentiaire qui expliquent comment l'emprisonnement
- dont l'une des finalités affichées est pourtant
l'aide à la réinsertion des délinquants -
renforce l'exclusion des personnes ayant connu la détention.
Anne-Marie MARCHETTI ; "Pauvretés en prison",
ERES (Toulouse) 1997, 219 p. [150 Frs]
Droit et éthique.
Un colloque organisé par l'ERCIM (Équipe de Recherche
Création Immatérielles et Droit, université
de Montpellier) avec le soutien du GDR Sciences et Droit se déroulera
le mardi 9 décembre 1997 à l'auditorium du CNRS,
3 rue Michel-Ange 75016. Le thème de cette journée
est l'éthique du chercheur : l'éthique au
péril du droit, le droit au péril de l'éthique.
Inscription (350 frs, 100 frs pour les étudiants) et renseignements
complémentaires auprès de Mme Aurélie BERTRAND-DOULAT
au 04.67.61.51.10.
"Théorie générale des normes"
de Hans KELSEN
Les lecteurs de ce volumineux ouvrage posthume(*) de Hans Kelsen, tardivement traduit en français mais judicieusement enrichi d'un index et d'un glossaire des concepts seront surpris par son aspect foisonnant et multiple.
Plutôt que de suivre le texte allemand présenté de manière compacte, les traducteurs ont préféré reprendre le texte de l'édition anglaise, option qui facilite la lecture tout en respectant la fidélité au texte originaire.
Le volume comporte 61 chapitres suivis de notes de lecture abondantes représentant le tiers de l'ouvrage.
La théorie de Kelsen comporte deux volets : une théorie de la science du droit énonçant les conditions de constitution d'une véritable science du droit et une théorie du droit fondée sur un ordre normatif pyramidal, toute norme étant conforme à la norme supérieure et, en dernier ressort, à la norme constitutionnelle.
Kelsen considère que la norme juridique ne se distingue des autres normes qu'en raison de son appartenance à un ordre normatif spécifique : l'ordre juridique, défini comme "un ordre immanent de contrainte". La ligne directrice de sa pensée met en exergue le couple conceptuel Sein (être) et sollen (devoir être) que l'on peut considérer soit comme une opposition logique, soit comme une dichotomie de nature ontologique, cette dernière conception étant affirmée par cet ouvrage. Le dualisme fondamental s'exprime par la causalité, relation décrite par une loi naturelle et par ce que l'auteur propose d'appeler "principe d'imputation" qui régit la relation entre un comportement comme condition et une sanction comme conséquence. C'est ce dualisme qui fonde la dualité des sciences causales de la nature telles que la physique, la chimie, la biologie, la psychologie et des sciences normatives de la Société telles que l'éthique et la science du droit.
La logique est la science des normes, l'éthique, la science
des normes morales et la science du droit celle des normes juridiques.
Kelsen dénonce la tendance à identifier la science
de l'éthique avec son objet, la morale, et la science du
droit avec son objet, le droit : une norme juridique est appliquée
quand la sanction prescrite est dirigée contre le comportement
contraire à la norme. La validité d'une norme consiste
en ce qu'elle doit être observée. Les normes sont
individuelles ou générales. Une norme est individuelle
si elle pose comme obligatoire un comportement déterminé
pour un individu, dans une circonstance particulière et
unique : "Dupont qui a volé, doit être emprisonné
pendant un an". Une norme est générale si elle
pose comme obligatoire un comportement déterminé
en général : "tous les voleurs doivent être
punis d'un an de prison". Kelsen insiste sur le point que
l'essentiel, dans une norme, c'est qu'elle statue un comportement
comme obligatoire.
Le système de Kelsen distingue encore lois naturelles et
lois sociales. Dans la loi par laquelle les sciences de la nature
décrivent l'action de la chaleur sur la dilatation d'un
corps métallique, il y a relation de cause à effet,
la nécessité du rapport est un falloir-être
(müssen), alors que la science du droit décrit une
norme comme dans la proposition suivante : "si quelqu'un
a reçu un prêt, il doit le rembourser" ; on
est alors en présence d'un devoir-être, d'une
nécesité normative et non causale. Kelsen souligne
le dualisme irréductible de l'être et du devoir-être
et critique les théories qui ont nié cette dualité
(Platon, Aristote, Thomas d'Aquin, Bentham ...)
Dans cet ouvrage, l'auteur poursuit son analyse de la norme juridique en la comparant à la morale et à la religion, bâtissant ainsi une théorie générale des normes. Le concepteur de la première Constitution qui instituait un contrôle de constitutionnalité des lois définit l'ordre normatif comme complexe de création de normes : dans tous les cas, un ordre juridique moral ou juridique positif représente un système de normes non pas coordonnées mais hiérarchisées, c'est à dire une pyramide de normes dont le niveau suprême est la Constitution, fondée en validité par la norme fondamentale présupposée et dont le niveau le plus inférieur est celui des normes posant comme obligatoire un certain comportement individuel concret.
Dans le dernier chapitre du livre, Kelsen pose la question : "Y-a-t-il une logique spécifiquement juridique ?" Après avoir examiné ce qu'on appelle le raisonnement analogique et 'l'argumentum a majore ad minus', il conclut que c'est la logique générale qui est appliquée à la science du droit et, en particulier, aux normes juridiques, la logique juridique se présentant comme une application spéciale de la logique formelle.
Ce livre intéressera aussi bien les juristes que les théologiens, philosophes, éthiciens qui souhaitent approfondir leur réflexion sur la signification et l'interprétation des normes. La théorie de Kelsen, rigoureuse, analytique et formaliste s'est heurtée à une opposition tenace de la part de ceux qui pensent que la réduction de la science juridique à une étude de connections logiques fait abstraction de la vie et du contenu même du droit.
Michel Virally par exemple, voyait dans cette théorie "la
tension inhumaine du normativisme juridique et surtout cet abîme
vertigineux que le chef de l'École de Vienne ouvre entre
le droit et le fait". A côté des
interrogations qu'elle fait naître bien légitimement,
cette pensée puissante a profondément marqué
la philosophie du droit du XX° siècle. "Après
lui, constate le Doyen Georges Vedel, on ne pourra plus
écrire et parler du droit sans ressentir l'emprise de sa
pensée".
* Hans KELSEN : Théorie générale
des normes. Traduit par Olivier Beaud et Patrice Malkani,
Paris, P.U.F., 1996. 604 pages [298 Frs]
![]() | Retour au sommaire de la Mission de Recherche Droit et Justice |
![]() | Retour au sommaire du Juripole de Lorraine |