JURIPOLE

Revue de l'Application des Peines

Numéro 27 - Septembre 1998





SOMMAIRE

EDITORIAL

LA REFORME DES CPAL

DES COURTES PEINES D'EMPRISONNEMENT PLUS HUMAINES, MIEUX COMPRISES, PLUS EFFICACES

COMITE EUROPEEN POUR LA PREVENTION DE LA TORTURE ET DES TRAITEMENTS INHUMAINS OU DEGRADANTS

JURISPRUDENCE

PRATIQUE JUDICIAIRE : LES FACULTES CONTRIBUTIVES

A LIRE

INFORMATIONS RAPIDES

ABONNEMENT ET ADHESION


EDITORIAL

La matière de l'application des peines est en pleine évolution. Après un développement continu des années 1950 jusqu'en 1975, la phase de l'exécution des peines sous le contrôle d'un magistrat du siège avait connu une période plus sombre : défiance à l'égard de la fonction de juge de l'application des peines ("qui défaisait seul ce qu'une juridiction avait décidé"), méfiance et retournement théorique sur la notion d'individualisation de la peine.
Depuis 1994, les choses évoluent par à-coups. Ainsi, le nouveau code pénal instituait de manière solennelle le principe de la personnalisation des peines. En 1997, la loi relative au placement sous surveillance électronique structurait le chapitre intitulé "De l'exécution des peines privatives de liberté" du code de procédure pénale. Pour la première fois en matière de peines privatives de liberté, le condamné se voyait accorder un recours contre la décision du juge de l'application des peines. La création d'une peine de suivi-socio-judiciaire allait dans le même sens.
Aujourd'hui, des parlementaires nous font connaître leur souhait d'aller plus loin et d'étendre ces évolutions à l'ensemble de l'application des peines. Le ministère de la justice travaille sur une réforme de la libération conditionnelle.
L'A.N.J.A.P. fera connaître prochainement un projet concernant l'ensemble de la matière.
Certains d'entre nous sont inquiets de cette évolution, craignant une paralysie progressive de notre action à l'image de ce que l'on a pu connaître pour la phase de l'instruction. Il est vrai que l'instauration de règles de procédure plus contraignantes, la présence d'un conseil, la possibilité de recours bouleversera profondément l'exercice de nos fonctions.
De même, les relations fonctionnelles que nous aurons avec les futurs services d'insertion et de probation seront marquées par ces évolutions. Il faudra combiner harmonieusement les notions de mandat judiciaire et de juridiction de l'application des peines.
Pour autant, l'A.N.J.A.P. a depuis toujours souhaité un telle (r)évolution. L'obligation de motiver les décisions, de les formaliser, de les notifier, de les soumettre à un recours devant les juridictions du second degré paraît aller dans le sens d'une meilleure transparence de notre action et d'une meilleure protection des droits des condamnés et des victimes.
Pour que cette évolution soit cohérente, plusieurs principes peuvent être mis en avant :
- la procédure à imaginer n'a pas forcément à être calquée sur celles que nous connaissons avant et pendant le jugement : parce que la personne concernée est déclarée coupable et non plus présumée innocente, les droits à protéger ne sont pas tout à fait les mêmes ;
- le condamné n'a pas un "droit à voir sa peine aménagée", mais un droit à ce que sa requête soit examinée dans des conditions de délai et de forme raisonnables ; d'où la nécessité d'imaginer des procédures non paralysantes ;
- il n'est pas nécessaire que toute décision soit soumise à un recours, l'appel pouvant être réservé aux décisions les plus importantes (révocation ou retrait d'aménagement, refus de libération conditionnelle...).
Il restera à définir des normes de moyens nécessaires à mettre en oeuvre cette réforme. L'expérience de la création des services d'insertion et de probation nous montre tous les jours combien cette question est incontournable.
Dans la circulaire de présentation générale de la loi du suivi socio-judiciaire, il nous est précisé que "le législateur a aussi entendu lui (au juge de l'application des peines) reconnaître un véritable statut de juridiction, qui modifie profondément le sens de ces fonctions". L'évolution théorique est considérable. Il faudra aussi que les moyens suivent !
P. Faucher

REFORME DES CPAL

Lettre adressée au Garde des sceaux le 13 octobre 1998

Madame le Garde des Sceaux,

J'ai l'honneur de vous faire parvenir l'avis de l'Association nationale des juges de l'application des peines sur les projets de textes qui nous sont soumis.
Nous formons un certain nombre de propositions d'amendement de ces textes qui sont joints en annexe. Comme j'ai pu l'indiquer lors de la réunion tenue le 15 septembre dernier, sous la présidence de Monsieur VIGOUROUX, ces remarques sont avant tout soucieuses d'améliorer le dispositif proposé.
Pour autant, si les projets de texte sont à nos yeux le moins mauvais compromis au regard d'objectifs et d'analyses que nous ne partagions pas toujours, notre modération ne saurait s'étendre à la manière choisie par vos services pour mettre en place la réforme.
Depuis quelques semaines, nombre de nos collègues nous font part de leur inquiétude face aux discours discordants qu'ils peuvent entendre de la part des services de l'administration pénitentiaire. Chacun d'entre eux peut se rendre compte à quel point la fonction de juge de l'application des peines est de fait remise en cause.
Jusqu'à ce jour, l'A.N.J.A.P. a toujours souhaité se situer en acteur constructif. Il est de notre devoir de vous alerter sur l'inquiétude profonde qui traverse l'ensemble de nos collègues. Non que nous craignions frileusement les évolutions perceptibles, mais bien parce qu'en l'absence de réponses concrètes aux problèmes soulevés depuis quelques mois, nous risquons d'être dans l'incapacité d'exercer nos missions actuelles et celles que vient de nous confier le législateur.
Le sentiment de beaucoup d'entre nous oscille entre le découragement et la colère.
La réforme actuelle n'a pas retenu la création de véritables attributions juridictionnelles pour le juge de l'application des peines, comme cela était envisagé au départ. Les déménagements programmés risquent de ne plus nous permettre d'exercer nos attributions de magistrats mandants. Nous serions contraints d'en tirer alors toutes les conséquences personnelles et institutionnelles.
Attachés aux fonctions que nous exerçons, convaincus de la nécessité de la présence effective d'un magistrat du siège spécialisé dans l'exécution des peines restrictives de liberté, nous espérons donc que les réponses que vous voudrez bien nous apporter permettront de rassurer ceux que nous représentons.
Je vous prie de croire, Madame le Garde des Sceaux, en l'assurance de notre profond respect.

Pour le conseil d'administration, le président de l'A.N.J.A.P.

Pascal Faucher

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ANNEXE 1 - VERS UNE DISPARITION DE LA FONCTION DE JUGE DE L'APPLICATION DES PEINES : LES ENJEUX OUBLIES PAR LA REFORME 1.

.../...
1- La juridictionnalisation des fonctions de juge de l'application des peines.
.../...
Il nous paraît incontournable d'engager une réforme allant dans le sens d'une unification des procédures que nous devons appliquer, la référence pouvant être sur ce point les dispositions retenues par la loi du 17 juin 1998.
Cela est urgent pour toutes les peines restrictives de liberté (sursis avec mise à l'épreuve, travail d'intérêt général, libération conditionnelle,...) au risque de déséquilibrer profondément le système français de la probation et de démobiliser les magistrats quant au choix de ces peines.
En effet, si l'on en reste à l'état de droit actuel, la place du juge de l'application des peines va très vite se réduire au rappel des obligations (cet acte n'ayant aucun effet juridique) et à la transmission des dossiers entre la juridiction et le service d'insertion et de probation (seul habilité à ce jour à se voir confier ces mesures). Il conviendrait donc d'engager rapidement un tel chantier qui nous paraît pouvoir se faire à un moindre coût législatif.
2- Vers une nouvelle définition de la compétence territoriale du juge de l'application des peines.
Il est vrai que le projet de décret prévoit bien que "le juge de l'application des peines détermine les orientations générales relatives à l'exécution des mesures confiées au service d'insertion et de probation." Cependant, la départementalisation de l'action des services de probation risque fort de faire que ce texte reste lettre morte.
De nombreux départements disposent de plusieurs tribunaux de grande instance et donc, de plusieurs juges de l'application des peines pouvant avoir des réalités très différentes à traiter. Si le projet de réforme avait pour objectif de permettre une meilleure identification des services à l'extérieur du monde judiciaire, force est de constater qu'elle a pour conséquence d'introduire dans le ministère de la justice un nouveau découpage territorial discordant avec les précédents. .../...
Le poids des orientations que voudront bien définir les juges de l'application des peines de Tarascon ou de Villefranche-sur-Saône sera bien faible au regard de celui des orientations des collègues de Marseille ou de Lyon.
Il nous paraît donc urgent d'harmoniser les dispositifs judiciaires avec les nouveaux découpages territoriaux instaurés par la réforme actuelle.
3- Une décision unilatérale de l'administration pénitentiaire aux conséquences non calculées : le déménagement des services.
Les magistrats mandants pourront-ils contrôler le mandat confié ?
.../...
Notre surprise et notre colère ont été grande en apprenant de manière indirecte que l'un des aspects importants avait été écarté des débats, à savoir le déménagement des comités de probation hors des juridictions. Nous contestons cette décision qui n'a fait l'objet d'aucune évaluation.
L'enjeu majeur est de savoir si les juges de l'application des peines pourront continuer à exercer le contrôle du mandat qu'ils confieront aux futurs services d'insertion et de probation.
Cet enjeu est de taille, car l'amplitude ou même la simple possibilité d'exercer un contrôle sur le mandat confié déterminera la confiance que les magistrats pourront faire aux peines restrictives de liberté. Rappelons ainsi que le succès du travail d'intérêt général est en grande partie dû aux efforts multipliés sur le terrain et dans les juridictions par les juges de l'application des peines. .../...
Les questions posées ci-dessous ne sont donc pas celles d'une corporation qui demande un confort de travail, mais les interrogations légitimes des magistrats sur l'exécution réelle des peines qu'ils confient à ces services de probation. Il ne s'agit pas non plus d'une défiance à l'égard de professionnels dont nous connaissons les qualités, mais du souci légitime d'un mandant envers son mandataire. _____________________________________________________________________________________

ANNEXE 2 - L'ABSENCE DE PRISE EN COMPTE DES ENJEUX MATERIELS POUR LES JUGES DE L'APPLICATION DES PEINES.

1- Quelle sera l'ampleur des déménagements ?
.../...
Nous aimerions savoir si le déménagement de tous les anciens comités de probation est effectivement prévu et, dans l'affirmative, quel est le calendrier fixé et les critères retenus. Dans la négative, il nous paraît indispensable que les juridictions non concernées soient informées que les services de probation ne déménageront pas et que les projets de rénovation puissent être conduits à leur terme.
2- Quelle place pourra trouver le juge de l'application des peines dans les nouveaux services ?
.../...
Nous aimerions connaître votre position sur la place que peuvent attendre les juges de l'application des peines dans ces déménagements. Nous aimerions que les services compétents puissent permettre la réalisation des solutions les plus rationnelles et les moins coûteuses.
3- Le défaut d'évaluation des conséquences des déménagements sur le travail des juges l'application des peines.
Notre sentiment est que sur les points qui vont suivre, nous payons le fait que ni la direction des affaires criminelles et des grâces, ni la direction des services judiciaires n'ont anticipé les conséquences de ces déménagements.
Or, les solutions matérielles que nous demandons détermineront notre capacité à exercer un réel suivi des mesures : sans secrétariat en nombre et en qualité suffisant, sans outil informatique adapté, les responsabilités qui nous sont confiées ne pourront être exercées.
1- SUR LE PROJET DE LOI.
Article 1er. .../...
Nous proposons que le texte de l'article 1er soit complété comme suit : "Une antenne de ce service départemental est créée auprès des tribunaux de grande instance dont la liste est fixée par décret (ou arrêté)."
Article 2. .../...
Nous proposons que la deuxième phrase de l'alinéa premier soit complétée comme suit :. "Les mesures d'assistance et de contrôle du libéré sont mises en oeuvre par le service d'insertion et de probation, conformément aux orientations générales et aux directives particulières données par le juge de l'application des peines, le cas échéant, avec le concours des organismes habilités à cet effet."
Article 7 et 8. .../...
Nous proposons donc que les articles 7 et 8 soient modifiés afin de prendre en compte la réforme de 1986 et celle à venir : "Art.7- A l'article L.54 du code du service national, les mots "le comité d'assistance prévu par l'article 731 du code de procédure pénale" sont remplacés par les mots "le juge de l'application des peines compétent du lieu de résidence de l'intéressé, selon les conditions de l'article 709-1 du code de procédure pénale"." "Art.8- A l'article L.55 du code du service national, les mots "président du comité d'assistance" sont remplacés par les mots "juge de l'application des peines ou du service d'insertion et de probation"."A l'article L.58 du code du service national, les mots "président du comité d'assistance" sont remplacés par les mots "juge de l'application des peines".
2- SUR LE PROJET DE DECRET.
Articles 14, 17 et 18. .../...
Nous proposons que les articles D.441-1 (art.14 du projet), D.457 (art.17 du projet) et D.459-1 (art.18 du projet) soient complétés par la phrase suivante: "Quand cette programmation (ces actions) nécessite(nt) des décisions prévues à l'article 722 du code de procédure pénale, l'avis du juge de l'application des peines est sollicité."
Article 32.

1 Le texte complet des documents adressés à la Chancellerie peut être demandé à Pascal Faucher (TGI Poitiers).

Lettre du Garde des Sceaux adressée au Président Dreyfus-Schmitt sur la réforme des CPAL.

Monsieur le Président,

Vous avez bien voulu, dans un courrier en date du 18 mars 1998, appeler mon attention sur les préoccupations du Président de l'ANJAP face à la réforme en cours des services d'insertion et de probation de l'administration pénitentiaire.
Aussi ai je l'honneur de vous apporter les éléments d'information suivants :
Le travail social en général, et celui des travailleurs sociaux de l'administration pénitentiaire en particulier ont été confrontés ces dix dernières années à d'importantes évolutions, notamment une aggravation de la situation économique et sociale des publics suivis, et une diversification des tâches résultant des modifications législatives et réglementaires (création du travail d'intérêt général, de l'ajournement avec mise à l'épreuve....).
L'évaluation du fonctionnement et de l'organisation des comités de probation et d'assistance aux libérés, effectuée par l'inspection générale des services judiciaires en novembre 1993, a permis de constater un défaut de crédibilité et de lisibilité de l'action de ces services vis à vis des juridictions répressives, cette situation étant en grande partie imputable à une structuration administrative insatisfaisante des CPAL.
Ceux-ci, en effet, se trouvent placés sous une double hiérarchie, celle du juge de l'application des peines et celle du directeur de probation. Ils souffrent en outre, d'un manque d'identification de la part de leurs partenaires extérieurs en raison de leur morcellement géographique et de leur manque de capacité à mutualiser leurs différents projets avec le milieu fermé.
Afin de permettre un développement significatif des alternatives à l'incarcération, la loi de programme pour la justice du 6 janvier 1995 a prévu la création de 768 emplois pour le milieu ouvert d'ici 2002. Néanmoins cette seule augmentation des effectifs ne permettra pas d'atteindre l'objectif recherché par la loi de programme sans une réorganisation en profondeur des services principalement concernés par la mise en oeuvre et le suivi des peines et mesures alternatives à l'incarcération.
La réforme des services pénitentiaires d'insertion et de probation vise à revoir en profondeur la structure administrative des services éducatifs de l'administration pénitentiaire en leur conférant une organisation unique et départementalisée. Celle-ci devra permettre une meilleure prise en compte des publics relevant des services de la justice par les autorités décentralisées et déconcentrées de l'Etat, ayant en charge les politiques d'action sociale et d'insertion.
En outre la nouvelle organisation de ces services permettra d'assurer une plus grande cohérence du travail social entre les établissements pénitentiaires et le milieu ouvert. En favorisant ainsi une meilleure continuité des prises en charge des individus et des suivis de leurs projets, elle devra renforcer l'action de prévention de la récidive.
Ce projet repose donc sur trois orientations :
- la mutualisation des missions et moyens des CPAL et services socio-éducatifs du milieu fermé : création d'un "service pénitentiaire d'insertion et de probation" regroupant l'ensemble de ces services sur la base de la recherche de la continuité des actions menées en milieu fermé.
- l'inscription de l'action de ce nouveau service dans un cadre départemental, afin de lui permettre d'exercer la mission de réinsertion au plus près de ses partenaires institutionnels et décentralisés.
- le renforcement des pouvoirs administratifs du directeur de probation, en lui confiant la responsabilité totale de l'organisation et de la gestion du futur service.
La mise en oeuvre de cette réforme, dont les principes fondateurs ont été élaborés pendant plusieurs mois en lien avec des magistrats chargés de l'application des peines et notamment l'ANJAP, entre désormais dans une phase opérationnelle. Celle-ci ne justifiera pas de modification en profondeur de textes législatifs puisque l'organisation actuelle de ces services est régie par un décret. Quelques textes législatifs devront néanmoins être modifiés à terme.
La publication des textes réglementaires sera précédée naturellement d'une phase de consultation des organisations professionnelles et syndicales. J'ajoute enfin qu'à l'exception des attributions administratives qu'exercent actuellement les juges de l'application des peines sur les services en milieu ouvert, la réorganisation des services pénitentiaires d'insertion et de probation ne modifie en rien le rôle et la place de ces juges sur le plan judiciaire. J'espère que ces informations vous auront pleinement éclairées....
Elisabeth Guigou (25 juin 1998)

DES COURTES PEINES D'EMPRISONNEMENT PLUS HUMAINES, MIEUX COMPRISES, PLUS EFFICACES.

LA MISE EN OEUVRE DES COURTES PEINES PRIVATIVES DE LIBERTE CONCERNANT LES CONDAMNES LIBRES

S'il apparaît opportun de réduire le nombre de courtes peines d'emprisonnement prononcées à celles strictement nécessaires, force est de constater qu'en l'état leur suppression absolue apparaît une gageure, tant pour ce qui est des personnes qui refusent délibérément d'observer les obligations des peines alternatives à l'emprisonnement (sursis avec mise à l'épreuve, assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général...) qu'en ce qui concerne les réfractaires permanents, éternels absents des convocations de la justice et les multirécidivistes de la petite délinquance à l'égard desquels toutes les solutions intermédiaires préalables à la prison ont été épuisées. Puisque ces peines d'emprisonnement continueront d'être prononcées par les juridictions répressives, il apparaît indispensable de s'interroger sur leur mise en oeuvre et celle des aménagements de peine prévus actuellement permettant en particulier, dans le cadre de la sanction, la protection des intérêts des victimes et la prévention de la récidive.
Le procureur de la République a la maîtrise de l'exécution des peines, d'emprisonnement en particulier, aux termes des articles 707 et D. 48 al. 1 du code de procédure pénale. Néanmoins, le décret n° 85-836 du 6 août 1985 relatif à la procédure pénale (complété par le décret n° 96-651 du 22 juillet 1996) a créé une modification substantielle en introduisant un article D. 49-1 qui dispose principalement:
Préalablement à la mise à exécution d'une condamnation à une peine égale ou inférieure à un an d'emprisonnement concernant une personne non incarcérée, le ministère public communique au juge de l'application des peines un extrait de la décision accompagné, le cas échéant, de toutes informations utiles. Il en est de même en cas de cumul des condamnations concernant la même personne si le total des peines prononcées n'excède pas un an.
Le juge de l'application des peines détermine les modalités d'exécution de la peine en considération de la situation du condamné.
Plus encore, la loi du 6 juillet 1989 a été à l'origine d'une procédure intégralement reprise par la loi du 16 décembre 1992 relative au nouveau code pénal: le sursis à l'exécution d'une peine d'emprisonnement antérieurement prononcée, sous condition d'accomplir un travail d'intérêt général 2. Ce sont donc désormais des dispositions législatives qui présument la saisine du juge de l'application des peines pour les courtes peines d'emprisonnement, alors que celle-ci a été prévue et organisée réglementairement 3.
Plus de dix ans après le décret du 6 août 1985, il est opportun de s'interroger sur la mise en oeuvre de ces dispositions extrêmement novatrices et fort méconnues, même de nombreux magistrats pénalistes: à l'exclusion des moyennes et longues peines d'emprisonnement et des décisions de maintien en détention provisoire prononcées par la juridiction de jugement, le juge de l'application des peines est destinataire de toutes les peines d'emprisonnement avant l'incarcération des condamnés concernés.
Le nombre de peines d'emprisonnement à des peines égales ou inférieures à un an prononcées en 1994 a été de 86.4984 . Les comités de probation ont pour leur part effectué 24166 enquêtes en 1996 en vue de l'aménagement éventuel des courtes peines d'emprisonnement, à la demande des juges de l'application des peines5. C'est dire l'importance en nombre -et en conséquences humaines- des sanctions pénales considérées.
Six observations préalables doivent être faites :
- Le décret de 1985 n'a pas déterminé la compétence géographique du juge de l'application des peines mais la circulaire d'application du 24 juin 19866 a prévu que serait compétent le juge de l'application des peines dans le ressort duquel le condamné est domicilié (suivant en cela les dispositions de l'art. 739 du c.p.p. relatives à l'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve) -ce qui n'est pas sans poser de singulières difficultés en ce qui concerne les justiciables qui changent régulièrement de domicile ou qui font état de domiciles différents -ce qui a permis à plus d'un de choisir son juge. De même, des difficultés de compétence surgissent dès lors que l'exécution de la peine doit avoir lieu en dehors du ressort du juge de l'application des peines initialement saisi.
- Si le procureur de la République est tenu de transmettre tous les extraits de jugement de condamnation concernant les personnes non détenues condamnées à une durée globale d'emprisonnement inférieure ou égale à un an, il est à noter que certains membres du parquet, extrêmement minoritaires, semble-t-il, ne transmettent pas au juge de l'application des peines les extraits relatifs à des peines d'un quantum supérieur dont la partie sans sursis est inférieure à un an. Pourtant, il y a lieu de constater que le juge est en tout état de cause compétent pour statuer sur la semi-liberté ou le placement à l'extérieur concernant des détenus lorsque la peine (entendre par là la détention) restant à subir est égale ou inférieure à un an d'emprisonnement, aux termes des articles 723-1 et D. 131 du c.p.p. Il serait regrettable que l'art. D. 49-1 ne soit pas appliqué dans des hypothèses où, en tout état de cause, le condamné détenu verrait quant à lui sa situation examinée au regard de l'individualisation des peines, puisque l'objet de cette disposition est de donner au juge de l'application des peines prérogative pour décider de l'individualisation éventuelle mais avant toute incarcération.
- Les condamnés à de courtes peines d'emprisonnement n'étant généralement pas connus des établissements pénitentiaires, les dossiers sont rarement évoqués en commission de l'application des peines, la pratique judiciaire ayant généralement considéré que les dispositions des art. 722 et D. 119 du c.p.p. pouvaient difficilement s'appliquer aux ordonnances d'individualisation de peine du juge de l'application des peines concernant des condamnés libres.
- Si les aménagements de peine possibles sont nombreux, aucun d'entre eux ne saurait être présenté au condamné comme une certitude avant que l'ordonnance ne soit rendue, au risque d'entraîner une pénible désillusion. Mais une requête motivée émanant du condamné (ou de son conseil), dans lequel celui-ci indique comment le délit commis a été réparé, si les causes de celui-ci ont disparu ou sont en bonne voie de résolution, et justifie de ses contraintes personnelles en demandant l'aménagement -sans autre précision- de la peine à laquelle il a été condamné (ces requêtes étant fréquentes lorsque que le condamné est détenu, beaucoup moins lorsqu'il s'agit d'une peine d'emprisonnement à exécuter, alors que la situation est analogue) est susceptible de permettre la meilleure prise en compte des intérêts du condamné, étant également un facteur de responsabilisation.
- Nombre d'aménagements de peine ne dépendent aucunement des juges de l'application des peines mais d'autres autorités, procureur de la République, ministre de la justice et président de la République, parlement... comme il pourra être constaté dans le détail qui en sera fait.
- Il n'est pas inutile de rappeler l'extrême diversité des condamnés concernés par les courtes peines d'emprisonnement. A côté de récidivistes de vols à l'aide d'une effraction et de vols simples, il n'est désormais pas rare de rencontrer des conducteurs sous l'empire d'un état alcoolique, auteurs d'abus de confiance ou escroquerie, voire parents refusant de verser la pension alimentaire fixée par une décision de justice ou auteurs d'agressions sexuelles ayant commis des faits anciens ou d'une gravité modérée aux yeux de la juridiction de jugement... Cette quotidienne diversité montre bien que quoiqu'elle reste confidentielle, ne fut-ce que pour respecter l'intimité de la vie privée des personnes concernées, la prison concerne autant les délinquants que les honnêtes gens...
Après plus de dix ans d'application, et en dépit de tout renseignement statistique sur la pratique nationale des juges de l'application des peines, il est néanmoins possible de procéder à une analyse des différents "devenirs possibles" d'une peine d'emprisonnement et de dégager des éléments d'évolution indispensables. On constate en effet aujourd'hui une pluralité considérable d'aménagements juridiquement envisageables pour une peine d'emprisonnement, pouvant rendre le devenir de celle-ci extrêmement aléatoire (I). Aussi l'incohérence actuelle, source d'incertitude juridique et aux conséquences considérables, nous amène-t-elle à suggérer des propositions d'amélioration plus urgentes encore ratione materiae, s'agissant des décisions de justice portant le plus atteinte à la liberté individuelle (II).
I- Les aménagements de peine: une diversité étonnante, des procédures multiples
Quinze possibilités -et deux éventualités- d'aménagement de peine s'offrent au praticien judiciaire (correspondant à huit ordonnances du juge de l'application des peines et à six jugements de la juridiction correctionnelle):
I- Exécution de la peine d'emprisonnement en la forme ordinaire
a Renvoi de l'extrait de jugement (d'arrêt) au procureur de la République (procureur général)
Situation: condamné ne comparaissant pas à la première convocation devant le juge de l'application des peines (remise par agent de la force publique), ou à la deuxième (jour de la décision), ou à celles de l'agent de probation, ou n'observant déjà pas les obligations d'une libération conditionnelle, mise à l'épreuve... antérieure.
b Interpellation et conduite à l'établissement pénitentiaire (en accord avec le parquet)
Situation identique: condamné ne se présentant pas aux convocations de la justice ou n'observant pas les obligations d'une période d'épreuve en cours.
II- Modalités particulières d'exécution de la peine d'emprisonnement
c Ordonnance de fixation de la date d'incarcération (au besoin en accord avec le parquet)
Situation: condamné pour lequel aucun autre aménagement de peine n'est envisagé (demandant éventuellement à être écroué à une date précise), et capable de se présenter de lui-même à l'établissement pénitentiaire (la fixation de la date d'incarcération même sans autre aménagement apparaît devoir être de la compétence directe du juge de l'application des peines puisque étant la première des modalités d'exécution d'une peine d'emprisonnement, le renvoi de l'extrait au parquet étant source de lenteur et ne prenant pas en considération les demandes spécifiques du condamné quant à la date d'écrou: plus tardive (ex. à l'issue d'un contrat d'intérim), plus rapide (mission professionnelle envisagée quelques mois plus tard) ou à date fixe (événement familial prévu).
d Suspension de peine (art. 720-1 du c.p.p.)
Condition: le condamné justifie de motifs graves d'ordre médical, familial, professionnel ou social, demandant que la peine ne soit pas mise à exécution avant une certaine date (l'exécution de la peine est donc différée - les avis de l'avocat et du ministère public sont nécessaires).
e Fractionnement de peine (art. 720-1 du c.p.p.)
Condition: le condamné demande de n'effectuer la peine qu'à certaines dates, justifiant de motifs graves du même ordre que ci-dessus.
f Placement sous surveillance électronique (Loi 97-1159 du 19 décembre 1997 (J.O. 20 décembre 1997 p. 18452): art. 723-7 à 723-14 et 722 c.p.p., 20-8 de l'ord. n° 45-174 du 2 février 1945)
Condition: la décision est prise à l'initiative du juge de l'application des peines ou sur requête du procureur de la République ou du condamné mais avec l'accord de celui-ci, donné en présence de son avocat. Les conditions précises de cette modalité d'exécution d'une peine privative de liberté seront précisées ultérieurement dans le décret d'application.
g Semi-liberté (ordonnée par le tribunal: art. 132-25 du c.p. et 723-2 du c.p.p. -ou par le juge de l'application des peines: art. 723-1 du c.p.p., modalités: art. 132-26 du c.p. et D. 138, D. 139 et D. 536 du c.p.p.)
Condition: le condamné exerce une activité professionnelle (ou suit une formation, ou un traitement médical, ou justifie de sa participation essentielle à la vie de sa famille) stable, c'est à dire insusceptible de se terminer avant la fin de la peine.
Des permissions de sortir peuvent, le cas échéant, être octroyées dans la même ordonnance (art. 723-3 et D. 142 à D. 147 du c.p.p.).
Il est à noter que la semi-liberté ne peut être révoquée que par l'autorité qui l'a ordonnée, ce qui peut entraîner une lourdeur considérable lorsque la situation personnelle et professionnelle du condamné justifie non une semi-liberté mais un autre aménagement (ex. placement à l'extérieur...) qui ne peut être ordonné par le juge de l'application des peines tant que la juridiction compétente (tribunal correctionnel le plus souvent) n'a pas statué -ce qui est préjudiciable bien souvent à l'intérêt du condamné mais aussi à l'efficacité de la répression.
h Placement à l'extérieur7 (art. 723 al. 1, et D. 126 à D. 135 du c.p.p.)
Condition: le condamné peut bénéficier, par un organisme (habilité ou non: l'habilitation permet la prise en charge financière) ou une personne déterminée, d'une activité professionnelle, d'un hébergement et d'un encadrement sérieux.
Des permissions de sortir peuvent, le cas échéant, être octroyées dans la même ordonnance (art. 723-3 et D. 142 à D. 147 du c.p.p.).
III- Sursis à l'exécution de la peine d'emprisonnement sous condition
i Libération conditionnelle sans réincarcération (aussi appelée "ab initio") (art. 729 à 733 et D. 526 à D. 536 du c.p.p.)
Condition: le condamné a effectué en détention provisoire la moitié de la peine à laquelle il a été condamné -voire moins, en cas d'application du 11- et présente des gages sérieux de réadaptation sociale.
j Prononcé du sursis à l'exécution de la peine assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général1 (art. 132-57 du c.p. et 747-2 du c.p.p.).
Condition: la condamnation comporte un emprisonnement ferme de six mois au plus (mais, selon l'arrêt C. cass. du 4 avril 1991 B. crim. n° 162, une peine mixte ne peut faire l'objet d'une conversion). Il n'y a plus de condition d'absence du condamné lors du jugement. La juridiction saisie est celle qui a prononcé la peine.
IV- Dispense individuelle partielle ou totale d'exécuter la peine d'emprisonnement initialement prononcée
k Réduction de peine sans réincarcération (aussi appelée "ab initio") (art. 721 -pour mémoire D. 253 du c.p.p.)
Condition: le condamné a effectué en détention provisoire les trois-quarts de la peine prononcée (voire moins si une libération conditionnelle est également envisagée), détention au cours de laquelle il a observé une bonne conduite (une situation pénale et un avis sur la période écoulée seront demandés au greffe de l'établissement pénitentiaire de détention qui communiquera tout rapport d'incident éventuel).
l Dispense de révocation de sursis antérieur (art. 735 du c.p.p.)
Condition: le condamné n'a pas effectué la peine avec sursis révoqué en même temps que la peine révoquante, déjà exécutée. La requête est adressée au procureur de la République (ou général) près le tribunal de grande instance (la cour d'appel) du lieu de la peine révoquante.
m Confusion de peine (art. 132-4 du c.p.)
Condition: le condamné a été condamné à deux peines d'emprisonnement concernant des faits commis au cours de la même période, la dernière infraction ayant été commise avant que le jugement de la première ne soit définitif. Il est préférable que la requête soit adressée au président du tribunal correctionnel (ou de la chambre des appels correctionnels) par les soins du procureur de la République (ou général) près le tribunal de grande instance (la cour d'appel) du lieu de la dernière peine prononcée.
n Inexécution de la peine d'emprisonnement à l'initiative du ministère public (exécution des peines) (art. 707 du c.p.p.)
Quoique aucune disposition du c.p.p. ne prévoie d'opportunité d'exécution d'une condamnation prononcée par une juridiction répressive, une peine d'emprisonnement peut n'être pas ramenée à exécution soit pour des considérations d'opportunité, soit en prévision d'un prochain décret de grâce ou d'une loi d'amnistie, soit plus simplement parce que le condamné n'a pu être retrouvé. Quoiqu'il n'existe pas de statistique de mise en oeuvre des sanctions pénales, on sait néanmoins désormais que 75% des peines d'emprisonnement prononcées à Paris n'étaient toujours pas exécutées un an après leur prononcé . C'est un singulier paradoxe que les peines les plus sévères puissent quantitativement figurer parmi les moins appliquées.
o Recours en grâce (accordés très exceptionnellement) (art. 17 de la Constitution)
Condition: le condamné a des raisons exceptionnelles de demander à être dispensé de la peine à laquelle il a été condamné.
La requête est adressée au Président de la République française.
Le recours ne peut être suspensif d'exécution que si l'emprisonnement est inférieur à trois mois (art. C. 816 de l'instruction générale relative au livre 5 du c.p.p.)
Sur une moyenne annuelle de 40 000 recours en grâce, seuls quelques centaines donnent lieu à décret de grâce, précise le ministère de la justice qui ajoute que "la procédure de grâce ne saurait constituer ni une voie de recours ordinaire, ni un mode habituel d'individualisation des peines" .
V- Dispense collective partielle ou totale d'exécuter la peine d'emprisonnement initialement prononcée
p Remise de peine par décret de grâce collective (art. 17 de la Constitution)
Condition: cf. le décret de grâce concerné (souvent à l'occasion de la fête nationale, ainsi les 10.7.1998, 11.7.1997, 4.7.1996, 10.7.1995, 12.7.1994, 13.7.1993, 2.7.1992... Ces décrets s'appliquant également avant mise à exécution des la peine, nombre de condamnés ont ainsi pu être partiellement ou totalement dispensés de subir une décision de justice, ce qui a pu entraîner des conséquences prévisibles quant à la récidive. Il est à noter que chaque décret a vocation à s'appliquer à plusieurs peines différentes concernant un même condamné et que les décrets successifs cumulent leurs effets sur chaque peine concernée).
Nota: la grâce ne vaut pas exécution (art. 133-7 du c.p.) et ne permet donc pas l'application du i pour ce seul motif.
q Amnistie (loi spéciale) (art. 34 de la Constitution)
Condition: cf. la loi concernée (dernières en date: 20.7.1988 et 3.8.1995 - généralement à l'issue d'une élection présidentielle).
Le recensement des différents aménagements susceptibles de s'appliquer à une même peine d'emprisonnement aura montré que, par delà l'invraisemblable diversité qui n'aura pas manqué de stimuler la curiosité intellectuelle du praticien (avec une pluralité de juridictions concernées, suivant l'objet de la requête), on peut trouver suivant les juridictions les pratiques les plus extrêmes pouvant aller de la mise à exécution immédiate des extraits de jugement pour écrou avec arrestation immédiate du condamné à son domicile dès potron-minet ou sur ordre de recherche, pour le conduire aussitôt à l'établissement pénitentiaire, jusqu'à l'inexécution totale de décisions juridictionnelles dans le cadre notamment de décrets de grâce successifs. Aléa et inéquité...
De la plus grande inhumanité dans l'exécution des peines (rappelons qu'il s'agit de sanctions pénales prononcées généralement six mois plus tôt voire, plus généralement, depuis plus d'un an, deux ans, trois ans...) à l'exemption totale, notre justice illustre hélas cette double image de machine implacable qui inquiète, mais aussi de machin d'une lenteur et lourdeur extrêmes qui complique plus qu'elle ne résout.
Aussi l'incohérence actuelle dans la mise en oeuvre des peines d'emprisonnement implique-t-elle des améliorations indispensables.
II- De quelques propositions d'améliorations en vue de peines privatives de liberté plus humaines et plus efficaces
I- Au moment du prononcé de la peine à l'audience correctionnelle
1- Une meilleure compréhension par le condamné concerné implique que celui-ci puisse se voir remettre une copie du jugement ou, à défaut, un avis du jugement rendu. En effet, dans une société où l'écrit joue un rôle considérable, il est paradoxal que seuls les condamnés absents à l'audience puissent bénéficier d'un exemplaire de la décision de justice, les autres ne pouvant avoir connaissance de la nécessaire motivation prévue par les articles 132-19 du code pénal et 485 du code de procédure pénale. A cet égard, il ne serait pas inutile de prévoir également qu'une motivation orale soit donnée au prévenu présent à l'audience, lui expliquant, même sommairement, les raisons du choix de la peine10.
2- La délivrance dans les plus brefs délais, d'une convocation devant le juge de l'application des peines (dans la pratique, d'avoir à se présenter à son service ou devant le greffier du juge de l'application des peines à une date précise), à l'audience pour les condamnés libres présents ou au moment de la notification de la décision pour les absents -convocation devenant sans objet en cas d'exercice du droit d'appel, serait de nature à réduire les délais démesurés de mise en oeuvre de ces peines.
3- Les juridictions correctionnelles devraient pouvoir prononcer la semi-liberté ou le placement à l'extérieur assortissant l'exécution d'une peine d'emprisonnement à l'audience avec exécution provisoire, à charge pour le condamné de justifier le premier jour ouvrable auprès du juge de l'application des peines ou du greffe de l'établissement pénitentiaire de la nature et des horaires exacts de travail ainsi que du montant de son salaire, afin de bénéficier du maintien de l'aménagement de peine décidé initialement par le tribunal.
II- En ce qui concerne la transmission de l'extrait de la décision juridictionnelle au juge de l'application des peines
4- Il apparaît indispensable que l'original de l'extrait de la décision rendue soit communiqué au juge de l'application des peines. La pratique de certains parquets consistant à ne communiquer qu'une copie de l'extrait au magistrat chargé de l'application des peines est source de grande lenteur, puisqu'elle interdit toute transmission rapide du dossier -notifiée au procureur de la République- à un autre juge de l'application des peines territorialement compétent ou à un centre de semi-liberté adapté tant que ce document indispensable n'a pas été reçu par son destinataire, puisque permettant seul l'incarcération du condamné. Nombreux sont les établissements pénitentiaires qui refusent l'écrou d'un condamné tant que l'extrait ne leur est pas parvenu, même ayant reçu l'ordonnance du juge de l'application des peines et maint condamné s'est vu refuser l'entrée à la maison d'arrêt à laquelle il se présentait sur décision judiciaire parce que l'extrait n'était pas arrivé. De surcroît, le défaut de transmission de l'extrait en original évite l'écrou rapide du condamné concerné, favorisant les récidives dans la période intermédiaire.
5- Il est tout aussi impérieux que les parquets prennent d'ores et déjà en considération la nécessité de transmettre aux magistrats de l'application des peines les documents indispensables à une juste individualisation de la peine -et en premier lieu la décision juridictionnelle qui n'est même pas toujours transmise-  donnant des éléments d'information irremplaçables sur les faits (ordonnance de règlement motivée, à défaut et le plus souvent, réquisitoire définitif ou, pour les affaires simples, procès-verbal de synthèse compte-rendu d'enquête ou d'infraction), sur la personnalité de leur auteur (expertise psychiatrique voire médico-psychologique, enquête rapide) et relatives aux conséquences de l'infraction commise (situation de la victime par rapport au condamné, adresse de celle-ci, voire références de compte bancaire...).
III- Au moment de la phase décisionnelle devant le juge de l'application des peines
6- Le juge de l'application des peines devrait pouvoir révoquer une semi-liberté accordée par la juridiction de jugement par décision notifiée en particulier au procureur de la République. Ce même magistrat devrait tout autant pouvoir prononcer le sursis à l'exécution de la peine sous condition d'être mis à l'épreuve ou d'exécuter un travail d'intérêt général, la procédure actuelle de nouvelle saisine de la juridiction correctionnelle nuisant à la rapidité d'exécution des peines prononcées.
Plus généralement, le juge de l'application des peines devrait explicitement pouvoir notifier au condamné la date de début d'emprisonnement même lorsqu'aucun autre aménagement n'est prévu, première des modalités d'exécution d'une courte peine d'emprisonnement dans le cadre de l'art. D. 49-1 du code de procédure pénale, afin de ne pas retarder inutilement la mise en oeuvre de la peine par une convocation ultérieure du condamné par le procureur de la République et de tenir compte des demandes éventuellement présentées par celui-ci (ex. écrou rapide souhaité en raison d'une prochaine fête de famille prévue, d'un contrat de travail prenant effet ultérieurement...). Dans la pratique, même lorsque le condamné est présent devant le juge de l'application des peines, celui-ci retourne généralement l'extrait de jugement au procureur de la République en vue d'une convocation ultérieure quelques mois plus tard.
7- Lorsque le juge de l'application des peines fixe une date d'incarcération volontaire du condamné quel qu'en soit le régime (semi-liberté, placement à l'extérieur...), les dispositions de l'art. 434-29 du code pénal relatives à l'évasion des semi-libres devraient être étendues au condamné qui ne se présente pas à l'établissement pénitentiaire alors que son incarcération volontaire a été décidée -ou tout au moins le défaut de présentation devrait pouvoir être considéré comme un manquement ne permettant pas l'octroi de réductions de peine pour bonne conduite, puisqu'aucune conséquence juridique n'est actuellement prévue pour un condamné qui ne se rend pas à l'établissement pénitentiaire malgré une décision de justice le lui imposant.
8- De même, lorsqu'un condamné déjà placé sous le contrôle du juge de l'application des peines dans le cadre d'une autre sanction pénale en cours n'observe pas les obligations fixées, celui-ci devrait expressément pouvoir requérir l'assistance de la force publique -à l'instar des autres juges spécialisés, et d'autant qu'il s'agit de personnes reconnues coupables et condamnées à une peine d'emprisonnement- en vue de l'exécution immédiate de la nouvelle peine (d'emprisonnement) prononcée.
9- Toute ordonnance du juge de l'application des peines devrait être nécessairement motivée et notifiée par un greffier aux parties concernées: parquet, condamné, partie civile et, le cas échéant à leur conseils. Indépendamment des cas où un recours doit être prévu et de ses modalités, il devrait nécessairement être porté devant la cour d'appel.
IV- Le rôle de l'administration pénitentiaire et des associations
10- Afin de permettre une plus grande participation du corps social dans la mise en oeuvre des peines, le montant alloué aux associations devrait être réévalué et clairement fixé dans les différents cas:
- ainsi, le prix de journée des placements à l'extérieur est généralement insuffisant pour couvrir les besoins des associations accueillant ainsi des détenus, et fixé selon les directions régionales de l'administration pénitentiaire;
- également en ce qui concerne les mises à l'épreuve et la libération conditionnelle, voire le travail d'intérêt général, mesures pour lesquelles rien n'est prévu malgré les art. 731 al. 2, 740 et 747-4 nouveau du code de procédure pénale qui prévoient pourtant implicitement la participation des associations par la désignation par le juge de l'application des peines des organismes et personnes qualifiées pour mettre en oeuvre ces mesures.
Il apparaît indispensable qu'il y ait une unification des prix de journée et un prix par mesure à l'instar du contrôle judiciaire fixé nationalement (cf. art. R. 121-1 du code de procédure pénale), le juge de l'application des peines devant être, à l'instar des autres magistrats spécialisés, ordonnateur de dépenses publiques pour que soient effectivement développées les modes alternatifs d'exécution des sanctions.
11- L'administration pénitentiaire, tournée vers la mise en place des aménagements de peine devrait bien davantage adapter son fonctionnement au contrôle des nouvelles formes d'exécution de peine (semi-liberté, placement à l'extérieur...), généralement négligé actuellement. Il entre pourtant dans sa mission aussi bien d'assurer le contrôle de l'activité des condamnés admis à des aménagements de peine que d'adapter son fonctionnement à la souplesse nécessaire à l'individualisation des peines. Il est en effet éminemment regrettable que les horaires trop rigides d'ouverture de certains établissements pénitentiaires ne permettent pas l'admission de semi-libres pour lesquels ils ont pourtant été conçus, ou que des semi-libres se voient contraints de quitter l'établissement pénitentiaire, parfois sans savoir où aller, pour l'unique raison de la fermeture tout le week-end du centre de semi-liberté concerné11.
12- Pour limiter le développement de la population carcérale, il importe que les condamnés dans les délais pour prétendre à un aménagement de peine soient signalés au juge de l'application des peines afin que celui-ci puisse envisager les mesures adéquates. De même, il est indispensable que le juge de l'application des peines puisse recevoir de l'administration pénitentiaire à sa demande la liste de certains condamnés relevant de critères définis préalablement (ex. âge, délit commis...), afin de favoriser l'aménagement le plus opportun des peines de certaines catégories de condamnés (ex. exhibitionnistes, auteurs d'agressions urbaines...) selon les critères du juge, afin de prévoir, dans le cadre d'une sanction pénale évolutive, les réponses judiciaires les mieux adaptées aux délinquances spécifiques. Déjà, cette habitude de signalement au juge de l'application des peines devrait être prise en ce qui concerne les délinquants sexuels dans le cadre du suivi socio-judiciaire et de l'incitation aux soins prévue.
V- Des réformes indispensables
13- Il est pour le moins étonnant que les décisions des juridictions correctionnelles et des juges de l'application des peines concernant les aménagements des peines et en particulier des peines d'emprisonnement ne fassent l'objet d'aucune évaluation statistique, ni nationale, ni locale. De même, que, afin de favoriser une meilleure information des juridictions correctionnelles, un tableau des modalités d'exécution des courtes peines d'emprisonnement du ressort (semi-liberté, placement à l'extérieur...) devrait leur être communiqué, de même est-il souhaitable que l'analyse de la pratique judiciaire dans le domaine qui touche le plus aux libertés individuelles donne lieu à analyse statistique détaillée (quels sont les aménagements ordonnés ? sous quelles obligations spécifiques ? quel sont les causes majeures de révocation ?...), pour servir autant les praticiens que les pouvoirs publics et les chercheurs, voire tenir informée l'opinion dans un Etat démocratique.
14- Il est non moins indispensable que l'article D. 49-1 du code de procédure pénale, dont le contenu est implicitement prévu par les articles 747-2 du même code et 132-57 du code pénal, reçoive officiellement une consécration législative, ne fut-ce que pour que le juge de l'application des peines se voie transmettre nécessairement les éléments d'information nécessaires (expédition de la décision juridictionnelle, résumé des faits, casier judiciaire, adresse de la (des) victime(s), expertise psychiatrique, enquête sociale...) afin de déterminer le plus rapidement possible si une peine d'emprisonnement doit ou non et dans quelle mesure faire l'objet d'un aménagement.
Par ailleurs, la légalisation explicite de ces dispositions devrait permettre de définir le contenu que le législateur entend précisément donner à la peine, en définissant ses modalités de mise en oeuvre et approfondissant les difficultés telle que le placement d'un détenu hors de l'établissement pénitentiaire (placement à l'extérieur).
La référence à l'urgence permettant au procureur de la République d'écrouer immédiatement un condamné pourrait être utilement supprimée, aucun critère réel d'urgence n'ayant pu être dégagé par la pratique mis à part les personnes déjà incarcérées -auxquels l'art. D. 49-1 n'est pas applicable- et éventuellement les personnes sans domicile fixe -ce qui peut être contesté et devrait en tout cas être prévu explicitement.
Il serait également opportun de fixer un critère de compétence géographique du juge de l'application des peines afin que le justiciable ne puisse trop aisément choisir son juge ou en changer au gré de ses déménagements successifs, voire temporaires.
15- Plus généralement, il est désormais plus que nécessaire que soit mise en oeuvre, principalement par le législateur, compte tenu de l'importance de la matière qui concerne directement les libertés individuelles, une réforme de la procédure pénale postsentencielle, le livre cinquième du code de procédure pénale devant nécessairement être réexaminé et refondu. De même que le nouveau code pénal a développé la personnalisation des peines, de même un nouveau code de procédure pénale doit déterminer clairement les principes de l'individualisation de l'exécution des peines et la place du juge de l'application des peines -la juridiction de l'application des peines ayant été clairement mentionnée dans le nouveau code pénal (art. 132-47)12, afin que soit évité tout risque d'arbitraire et défini le voeu du législateur dans la mise en oeuvre des sanctions pénales.16- Enfin, il apparaît non moins utile que le placement à l'extérieur et l'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve fassent l'objet d'une campagne d'information à l'égale de celle qui a permis tant à l'égard des préfets que des collectivités locales et associations et de l'opinion publique de faire connaître le travail d'intérêt général. La valeur des alternatives à l'emprisonnement et des aménagements des peines d'emprisonnement est en effet conditionnée par les moyens minimaux nécessaires: augmentation du prix de journée, information des décideurs et de l'opinion...
Et surtout, le coût des sursis avec mise à l'épreuve et placements à l'extérieur est de toute façon bien moindre que celui de la délinquance et de la détention.
Mise à exécution rapide des sanctions pénales privatives de liberté, aménagements à proportion des efforts réels fournis par les condamnés, décisions motivées susceptibles d'appel le cas échéant... sont autant d'améliorations indispensables. Longtemps la réflexion a été sclérosée par une absence d'alternative à l'emprisonnement autre que l'aide sociale ou éducative, voire d'alternative au sein de l'emprisonnement.
Pourtant, entre la prison rarement pure et pas toujours dure -on sait le poids de l'école de l'inaction- et l'assistance sociale et éducative à raison du délit commis, il y a place pour une hiérarchie des contraintes intermédiaires sur le détail duquel doctrine juridique et pratique judiciaire se doivent d'approfondir la réflexion pour des peines qui ne doivent porter atteinte à la liberté individuelle pas plus qu'il n'est juste, pas plus qu'il n'est utile, et qui doivent efficacement servir la fonction de la justice.
A cet égard, le juge de l'application des peines, juge de l'après-jugement et juge de la durée, comme on a pu l'appeler, a pour mission d'exprimer toutes les virtualités contenues dans la peine privative de liberté initialement prononcée en considération aussi bien de l'intérêt bien compris du condamné que de celui de la victime et les attentes du corps social, en prenant en compte aussi bien les aspects sanctionnateurs (par définition, la peine ne doit pas être enviable), mais également son influence sur les causes et les conséquences de l'infraction commise. Car la sanction pénale ne prend tout son sens que par la réparation concrète et symbolique par le condamné, seule susceptible de le réintégrer durablement dans le consensus social.

Pour l'Association nationale des juges de l'application des peines,

Godefroy du Mesnil du Buisson

Vice-président de l'Association nationale des juges de l'application des peines

La seconde partie du présent article contient en grande partie les propositions présentées au directeur des affaires criminelles et des grâces le 26 juillet 1996. Certaines données ont du être actualisées - septembre 1998.

2 Prévue et organisée par les articles 132-57 du code pénal et 747-2 du code de procédure pénale, cette procédure est souvendésignée par les praticiens sous l'appellation de "conversion-tig" quoique l'expression soit impropre : lapeine d'emprisonnement s'est modifiée ni dans sa nature ni dans son quantum subissant exclusivement une modification de ses modalités d'exécution, celle-ci faisant désormais l'objet d'un sursis conditionnel.

3Cf. Marie-Danièle FOURNIER-BLAIS "La transmission des extraits de condamnation au juge de l'application des peines par le ministère public" - La Semaine juridique - Ed. G. n°48 (1990). C'est un singulier paradoxe qu'une disposition légale présuppose un texte réglementaire antérieur.

4Cf. Etudes et statistiques justice n° 10: "Les condamnations en 1994 et 1995" - Odile TIMBARD - Direction de l'administration générale et de l'équipement - Sous-direction de la statistique, des études et de la documentation - Ministère de la justice - décembre 1997. Nota. Les données statistiques de l'année 1995 sont moins pertinentes en raison de l'application de la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie.

5Rapport annuel d'activité 1996 - Direction de l'administration pénitentiaire - Ministère de la justice - juillet 1997, dernier paru à ce jour. Ces données correspondent à peu près au nombre de dossiers dont les juges de l'application des peines ont été saisis, les magistrats de l'exécution des peines pouvant ne pas les saisir systématiquement nonobstant les dispositions non équivoques de l'art. D. 49-1; par ailleurs, les statistiques pénitentiaires enregistrent l'intégralité des dossiers transmis aux juges de l'application des peines et présument la compétence du comité de probation même si le magistrat a traité le dossier sans qu'un agent de probation n'ait été pour autant désigné.

6Circulaire CRIM AP 86-14 F1 du 24 juin 1986 - Application de certaines dispositions des décrets n° 85-836 du 6 août 1985 et n° 86-461 et 86-462 du 14 mars 1986 relatifs à l'application des peines.

7Parfois improprement nommé "chantier extérieur" par la pratique quoique ce terme ne figure pas dans le code de procédure pénale d'autant que les emplois concernés ne sont qu'occasionnellement dans le cadre de chantiers.

8cf. Jean-Luc LE TOQUEUX "Les condamnations pour délit un an après - La mise à exécution des peines" - Infostat justice - Bulletin d'information de la division de la statistique, des études et de la documentation - Ministère de la justice - n° 16 - septembre 1990.

9Note juridique et pratique (N.P.J.) n°1: Traitement des recours en grâce et procédures à suivre pour la révocation des grâces conditionnelles - Ministère de la justice - Direction des affaires criminelles et des grâces - 30.1.1993.

10Il est intéressant de relever que, depuis une loi du 27 avril 1987, le juge pénal belge est tenu de motiver la peine qu'il prononce. Cf. Jean-Luc DENIS "La motivation des peines" - Revue de droit pénal et de criminologie (Bruxelles) 1997 p. 1023.

11Les centres pour peines aménagées, actuellement en cours d'expérimentation devraient répondre à cette nécessité.

12Cf. aussi Pierre LEMOUSSU - Association nationale des juges de l'application des peines: "Le juge de l'application des peines et les peines privatives de liberté" - Revue de l'application des peines n°14 - juin 1995.

COMITE EUROPEEN POUR LA PREVENTION DE LA TORTURE ET DES PEINES OU TRAITEMENTS INHUMAINS OU DEGRADANTS

Rapport au Gouvernement de la République française relatif à la visite effectuée par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) en France du 6 au 18 octobre 1996. Réponses du Gouvernement de la République française.
Depuis 1989, le CPT effectue des visites régulières dans les états signataires, privilégiant les établissements de police et de gendarmerie, les centres de rétention administrative, les établissements pénitentiaires et les services médicaux. La France avait déjà fait l'objet d'une visite générale en 1991 et de deux visites spéciales en 1994 (Martinique et dépôt de la préfecture de police à Paris). Ce nouveau rapport fait suite à la deuxième visite générale de 1996.
Pour ce qui concerne les établissements pénitentiaires, sont concernés le centre pénitentiaire de Marseille - Les Baumettes (visite de suivi), la maison d'arrêt de la Santé à Paris, la maison d'arrêt de Villeneuve-les-Maguelone et le centre des jeunes détenus de Fleury-Mérogis. Les remarques du CPT sont nuancées, argumentées et toujours sans concession. Elles concernent des problèmes que rencontrent plus ou moins régulièrement la plupart des établissements pénitentiaires (vétusté des locaux, pauvreté des équipements, surpopulation indécente). Chaque juge de l'application des peines peut en tirer profit pour l'établissement de sa compétence dans le cadre des visites mensuelles qu'il doit opérer (article D. 176 du CPP). A lire, donc !!
On peut se procurer gratuitement les deux rapports en écrivant au secrétariat du Comité européen pour la prévention de la torture, Conseil de l'Europe, 67075 Strasbourg Cedex.

JURISPRUDENCE

RECOURS CONTRE LES DECISIONS DU JUGE DE L'APPLICATION DES PEINES

Il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître des litiges relatifs à la nature et aux limites d'une peine infligée par une juridiction judiciaire et dont l'exécution est poursuivie à la diligence du ministère public. La décision par laquelle le juge de l'application des peines, après consultation de la commission de l'application des peines, accorde une réduction de peine ou une réduction supplémentaire de peine, en application des articles 721 et 721-1 du code de procédure pénale, n'est pas une simple modalité du traitement pénitentiaire mais constitue une mesure qui modifie les limites de la peine. Il s'ensuit que la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître des conclusions dirigées contre une décision relative à une réduction de peine. (Gazette du palais - 7/8 octobre 1998 - p.178 - Conseil d'Etat 1ère et 4ème sous-sections 18 mars 1998 -Requête n°191360).

CONTRAINTE PAR CORPS - DOUANES

Lorsque l'exercice anticipé de la contrainte par corps a été ordonné par une décision définitive, en application de l'article 388 du code des douanes, le débiteur peut, à tout moment, demander à être dispensé de l'exécution de cette mesure, sur le fondement des articles 710 et 752 du code de procédure pénale. (Chambre criminelle 11 février 1998 sur cour d'appel de Montpellier 16 juillet 1996 - Pourvoi n° 96-85-942 D/1079)

REHABILITATION - DELAI - POINT DE DEPART - SURSIS

Lorsqu'une condamnation à l'emprisonnement est assortie du sursis, le délai prévu à l'article 786 du code de procédure pénale ne court qu'à compter du jour où elle doit être considérée comme non avenue, la personne condamnée n'étant réputée avoir subi sa peine qu'à l'expiration du délai d'épreuve. (Chambre criminelle 17 février 1998 sur chambre d'accusation de Paris 11 décembre 1996 - Pourvoi n° 97-80.334 PF/1175).

PEINE D'EMPRISONNEMENT FERME - SURSIS ET TRAVAIL D'INTERET GENERAL

Sur une demande de conversion d'une peine d'emprisonnement en peine avec sursis assorti d'un travail d'intérêt général, le tribunal peut statuer hors la présence du condamné si le rapport du juge de l'application des peines qui a saisi la juridiction mentionne expressément l'adhésion de l'intéressé à cette mesure. (Chambre criminelle 10 mars 1998 sur tribunal correctionnel de Rouen - 7 octobre 1998 - Pourvoi n° 96-86-544-PF/1638).

SURSIS - TRAVAIL D'INTERET GENERAL - REVOCATION

X a été condamné à deux mois d'emprisonnement avec sursis et obligation d'accomplir 100 heures de travail d'intérêt général. Le juge de l'application des peines a saisi le tribunal pour qu'il soit statué sur l'exécution de la peine à raison du refus de l'intéressé de se soumettre à ses obligations. Les premiers juges ont alors ordonné la révocation totale du sursis.
La cour d'appel énonce pour rejet l'exception de nullité de la citation et de la requête saisissant le tribunal que celles-ci comportent une erreur dans le montant de l peine d'emprisonnement et dans le nombre d'heures de travail d'intérêt général mais que la précision du siège de la juridiction et de la date de la condamnation qui est seule prononcée contre l'intéressé exclut tout risque de confusion et que l'erreur de la citation n'a pas causé de grief à l'intéressé et de doute dans son esprit sur les raisons de sa comparution devant le tribunal. Elle retient enfin que l'intéressé s'est soustrait à ses obligations et ordonne la révocation du sursis. En statuant ainsi et dès lors que l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ne s'applique pas aux instances statuant sur un incident d'exécution, la cour d'appel a justifié sa décision. (Chambre criminelle 10 mars 1998 sur cour d'appel d'Amiens 22 novembre 1996 - Pourvoi n° 97*80.420 D/1644).

PRATIQUE JUDICIAIRE

FACULTES CONTRIBUTIVES : QUELLES INVESTIGATIONS POUR LE JUGE DE L'APPLICATION DES PEINES ?

Le juge de l'application des peines est souvent confronté à l'appréciation réelle des facultés contributives des probationnaires libres auxquels il notifie leurs obligations, en particulier l'obligation d'indemniser une, voire plusieurs parties civiles ou de verser la pension alimentaire ou son arriéré. L'expérience montre que la seule production des justificatifs des ressources actuelles (ou l'absence de ressources) ne reflète pas toujours sincèrement la réalité de la surface financière des condamnés. En effet, le "train de vie" de certains d'entre eux ne coïncide pas toujours avec la situation matérielle alléguée ou avec l'apparente impossibilité d'indemniser les parties civiles. En outre, les vérifications auxquelles le juge de l'application des peines peut faire procéder auprès des administrations (service des impôts, CAF, SS...) n'ont qu'une portée limitée et relative, dès lors que les informations transmises par ces organismes leur ont été fournies par le condamné lui-même. Il apparaît alors que seules des investigations d'ordre financier soient susceptibles d'informer utilement le juge de l'application des peines sur la réalité de la situation financière du condamné placé sous son contrôle.
Ces investigations d'ordre financier interviennent sous la forme d'une réquisition adressée :
- soit aux établissements financiers, directement ou par l'intermédiaire de la Police sous la forme d'une demande d'enquête
- soit au Ministère de l'économie et des Finances, Centre Régional Informatique cellule FICOBA (Fichier des Comptes Bancaires) 22, avenue JF Kennedy 77796 NEMOURS CEDEX
Certaines réquisitions ont été retournées, à juste titre, par le FICOBA, en raison du seul visa de l'article D 116-1 du CPP.
L'article D 116-1 du CCP : inséré à la section IV "du juge de l'application des peines et de la CAP" du chapitre II "de l'exécution des peines privatives de liberté" du Titre II"de la détention" (3e partie - Décrets), il énonce que "dans l'exercice de ses attributions, le juge de l'application des peines peut procéder ou faire procéder à toutes auditions, enquêtes ou examens utiles" (rédaction issue du décret n° 85-836 du 06/08/1985, articles 1er et 6).
La place de cet article dans le CPP ne laisse aucun doute quant à son domaine d'application. Les attributions qu'il vise sont celles du juge de l'application des peines relatives au "milieu fermé", à la détention (ex : demande d'enquête relative à une proposition d'embauche, à la réalité d'un hébergement, expertise préalable à une mesure d'individualisation visée à l'article 722-5 du CPP...).
Le visa de cet article ne peut donc figurer sur une réquisition bancaire ordonnée dans un dossier relatif à un condamné libre soumis à une mesure relevant du "milieu ouvert".
Or, aucune disposition équivalente à l'article D 116-1 ne figure, tant dans le Code Pénal, au chapitre II intitulé "du régime des peines", que dans le Code de Procédure Pénale aux Titres III et IV respectivement intitulés "de la libération conditionnelle" et "du sursis et de l'ajournement". En particulier, les articles 740, 747-3 et 747-4 du CPP (Titre IV susvisé) ne sauraient, non plus, constituer le visa d'une réquisition d'ordre financier.
Or, les investigations de nature financière s'imposent parfois à l'égard des personnes condamnées pour abandon de famille ou pour escroquerie, abus de confiance, falsifications ou contrefaçons, etc..., condamnés susceptibles d'organiser leur insolvabilité (adresses changeantes, absence alléguée de comptes bancaires ou postaux, défaut prétendu d'activité...).
L'absence d'équivalent à l'article D 116-1 du CCP applicable au milieu ouvert impose, dès lors, de viser les textes du Code Pénal qui prévoient l'intervention du juge de l'application des peines à l'égard des condamnés placés sous son contrôle.
En effet, le juge de l'application des peines n'est saisi d'aucun dossier relatif au condamné détenu. Le législateur a donc du prévoir un texte spécifique pour que ce magistrat puisse procéder à toutes investigations utiles à la préparation des mesures d'individualisation dont la finalité est le retour à la liberté.
En revanche, les textes qui prévoient l'intervention du juge de l'application des peines en milieu ouvert donnent lieu à la constitution d'un dossier au CPAL et à la désignation d'un Conseiller d'Insertion et de Probation chargé du suivi du condamné.
Il est donc indispensable qu'une réquisition bancaire émanant du juge de l'application des peines vise les articles du Code Pénal relatifs à sa compétence en milieu ouvert, à savoir
- 132-40 à 132-53 du CP pour le SME
- 132-54 à 132-57 du CP pour le sursis-TIG
- 132-58, 132-63 à 132-65 du CP pour l'ajournement avec mise à l'épreuve
- 722, 729 à 733 du CCP pour la libération conditionnelle
En outre, le visa complet de la condamnation et des articles applicables éclaire utilement le destinataire de la réquisition sur les préoccupations du juge requérant.
Il va sans dire que le condamné doit être entendu par le juge de l'application des peines sur le contenu des réponses apportées à la réquisition, lorsque celle-ci apporte des informations jusque-là dissimulées au juge ou au CIP. Il est également opportun d'en informer la ou les parties civiles ou le Tribunal Correctionnel dans le cas d'un ajournement avec mise à l'épreuve ou encore le Fonds de Garantie lorsqu'il a indemnisé la partie civile.
L'efficacité d'une telle réquisition a toutefois ses limites. En effet, le juge de l'application des peines n'est pas, contrairement au Juge d'Instruction, investi de pouvoirs de saisie visés aux articles 81 et suivants, 151 et suivants du CPP. Néanmoins, l'information de la partie civile lui permet de recourir aux voies d'exécution ordinaires (saisies...). Enfin, le juge de l'application des peines peut renvoyer le probationnaire récalcitrant devant le Tribunal Correctionnel aux fins de révocation et d'exécution de la mesure à l'observation de laquelle il s'est soustrait.
La juridictionnalisation maintes fois évoquée des fonctions de juge de l'application des peines doit inclure des pouvoirs d'investigations comparables à ceux du juge d'instruction si l'on veut éviter que dans certains cas, la mission de contrôle du juge de l'application des peines relève du symbole.

Jacques BAILLET

1er JAP TGI LYON

Octobre 1998

A LIRE

- Circulaire du 13 juillet 1998 relative à la politique pénale d'aide aux victimes d'infractions pénales.

Depuis plusieurs années, il est fait une place de plus en plus conséquente aux victimes dans le procès pénal. De nombreuses dispositions législatives ont été votées, des juridictions ont développé des pratiques judiciaires innovantes, avec le soutien d'un tissu associatif sensibilisé. Cette circulaire fait la synthèse de ces évolutions. Outre une présentation générale, elle comporte trois annexes "techniques" qui se révèlent fort riches. L'annexe A, intitulée "La place de la victime dans la procédure", présente notamment la prise en charge spécifique de certaines victimes (a5) et rappelle la nécessité de concilier l'intérêt des victimes et le traitement en temps réel des procédures pénales (a11). Il est à signaler la demande de la constitution dans les dossiers pénaux d'une cote victime (a4) : si cette pratique devait prospérer, l'on peut espérer que le juge de l'application des peines en sera destinataire, ce qui mettrait enfin un terme aux recherches continuelles qu'il doit faire pour regrouper les documents relatifs à l'indemnisation des victimes. L'annexe B, intitulée "La place de la victime dans l'exécution des décisions pénales" intéressera plus particulièrement le juge de l'application des peines. Elle insiste notamment sur le point de faire de l'indemnisation des victimes, une des conditions principales d'octroi ou de refus d'individualisation des peines privatives de liberté (b10). La circulaire demande aux parquets d'être vigilants sur ce point. L'annexe C, quant à elle, précise la "Détermination d'un cadre d'intervention des services d'aide aux victimes".

- Les condamnations en 1996, Carine Burricand, Etudes & Statistiques Justice n°11, 1998, Ministère de la Justice.

Cette étude réalisée par la D.A.G.E. regroupe les données statistiques sur les condamnation prononcées en 1996 par les tribunaux français. Outre des informations intéressant tout magistrat pénaliste, elle permet de constater l'augmentation très sensible des peines de la compétence du juge de l'application des peines, au détriment des peines d'emprisonnement avec sursis simple et des courtes peines d'emprisonnement.
- Circulaire du 1er octobre 1998 relative à la présentation générale de la loi n°98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles et à la protection des mineurs.
Ce texte est un commentaire général de la loi qui rappelle notamment la place nouvelle fait au juge de l'application des peines (le législateur a aussi entendu lui reconnaître un véritable statut de juridiction, qui modifie profondément le sens de ces fonctions). En attendant les décrets et circulaires d'application annoncés, l'avantage de ce texte est de présenter sous forme de tableaux didactiques les différentes modifications apportées.

- Martine Herzog-Evans - "Droit pénitentiaire : de quelques effets indirects de lois récentes" - Les petites affiches - 15 juillet 1998 - n° 84

"Les réformes ont parfois des effets insoupçonnés. Tel est le cas de deux lois intervenues au cours de l'année 1997, qui conduisent à reconsidérer deux questions d'exécution des peines (lois du 7 avril 1997 et du 29 décembre 1997). Elles confirment que le droit positif s'oriente vers un alignement du droit pénitentiaire et de l'exécution des peines sur le doit commun."

- G. du Mesnil du Buisson - "Le juge de l'application des peines, axe essentiel de la justice pénale" - Revue Projet n°252 - Décembre 1997.

"On ne s'étonnera pas que cette réflexion sur le rôle du juge de l'application des peines donne lieu à des propositions plus larges quant à la mise en oeuvre des décisions de justice pénale. Le rôle de tout juge est indissociable des attentes des citoyens qu'il rencontre et de son aspiration à des sanctions pénales humanistes mais aussi à des sanctions efficaces et non incantatoires."

INFORMATIONS RAPIDES

Les grandes lignes du projet de décret "relatif aux services d'insertion et de probation" réformant le code de procédure pénale - De manière générale, aux termes de "service socio-éducatif de l'établissement" et de "comité de probation et d'assistance aux libérés" sont substitués ceux de "service d'insertion et de probation" (le mot "pénitentiaire" a disparu du dernier projet de loi, à la demande de la ministre). L'agent de probation devient "travailleur social du service d'insertion et de probation" (ce qui n'est pas du plus concis: parlera-t-on du "t.s. du s.i.p." lors des notifications ...ce serait bien incompréhensible !); l'appellation concernera également tout membre du personnel d'insertion et de probation (les conseillers d'insertion et de probation) ou de service social (les assistants sociaux). Les principales modifications sont les suivantes :
-le s.i.p. a compétence départementale (art. D. 572) et intervient sur saisine des autorités judiciaires (art. D. 574); il agit désormais notamment (sic) dans le cadre des orientations (sic encore) données par le juge de l'application des peines (art. D. 461);
- en cas de changement de résidence de la personne suivie, le service transmet sous pli fermé ces documents au service compétent (art. D. 579 al. 3) et, semble-t-il pour l'instant, sans qu'il soit tenu compte d'une ordonnance de dessaisissement du juge concerné ;
- le magistrat mandant peut enjoindre par écrit au directeur du s.i.p. de désigner un autre travailleur social, s'il constate que celui qui a été chargé de la mesure ne remplit pas les diligences prévues (art. D. 587);
- les documents couverts par le secret professionnel ne peuvent être consultés que par un membre d'un s.i.p. (art. D. 162 et D. 579 al. 2);
- le juge de l'application des peines ne donne plus son avis sur l'agrément des visiteurs de prison. Surtout, les délégués bénévoles ne sont plus habilités par le juge de l'application des peines mais par le directeur du service. La situation des vacataires n'est plus prévue par le décret et devrait être "évoquée par voie de circulaire".
De manière générale, le poids de l'administratif est renforcé: directeur (départemental) du s.i.p. et responsable d'antenne (Jacques Faget parlait de "bureaucratisation" dans la R.a.p. n° 21, mars 1997). De même est développée la distanciation d'avec l'autorité judiciaire, à rebours de l'évolution depuis 1945: on se souviendra que les comités d'assistance aux libertés furent d'abord placés sous l'autorité du président du tribunal ou, dans certains cas, de son juge délégué, puis sous celle du juge de l'application des peines en 1958. En revanche, le mouvement d'exode prévu initialement et proclamé à la réunion régionale des juges de l'application des peines des cours d'appel de Paris et Versailles le 19 juin 1998, qui devait concerner tous les services semble désormais plus prudent a-t-il été annoncé à ces mêmes juges le 25 septembre dernier puisque, dans certains lieux, les contraintes financières et la réaction du ministère des finances (Bercy impératrice !) limiteraient les ardeurs de départ.
Enfin, et pour terminer sur une note d'humour : l'article de la dernière R.a.p relatif aux abréviations malheureuses ("L'évolution des comités de probation: incertitudes terminologiques et réalités fonctionnelles" - R.a.p. n° 26, juin 1998) n'était pas complet. En effet, il a été ensuite prévu des chefs d'antenne des s.p.i.p. -en abrégé (la dénomination était prévue) ...les c.a.s.p.i.p., bien sûr ! Avec la disparition du "p" de pénitentiaire, certains adhérents facétieux proposent de conserver utilement la dénomination de services locaux d'insertion et de probation dont ils aiment l'abréviation...
Un groupe de travail sur l'amélioration des conditions d'exécution des mesures d'aménagement des peines privatives de liberté - Il s'est réuni les 18 mars et 1er avril 1998 au ministère de la justice, regroupant majoritairement des membres de l'administration pénitentiaire, Mme Cosson, représentant la Direction des affaires criminelles (bureau de l'application des peines) et deux juges de l'application des peines, Mme Schmidt (Nancy) et M. Wast-Deligne (Rouen). Initiatives: proposer que soit introduite dans le code de procédure pénale l'absence de consultation de la commission de l'application des peines lorsque le condamné n'est pas incarcéré (entérinant la pratique judiciaire), donner compétence au juge de l'application des peines du lieu où doit s'exécuter la peine pour décider de la mesure...
Toutes suggestions peuvent être communiquées à ce groupe en contactant le cas échéant l'un des deux juges y participant.
Combien de juges de l'application des peines en France ? - Nous nous étions déjà posé la question dans les informations rapides de la Revue de l'application des peines n° 18 (juin 1996) et 21 (mars 1997). Et avions conclu, suite aux décrets n° 96-1254 du 26 décembre 1996 (J.O. du 3 janvier 1997) et n° 96-262 du 27 mars 1996 (J.O. du 30 mars 1996) fixant la composition des tribunaux de grande instance :
Pour l'ensemble du territoire national, il y a 177 juges de l'application des peines.
Le récent décret n° 98-534 du 30 juin 1998 (J.O. du 1er juillet 1998) n'y a rien changé: il y a toujours 177 emplois budgétisés de juge de l'application des peines (nombre de postes budgétaires: 16 vice-présidents chargés de l'application des peines, 5 premiers juges dans les tribunaux de Paris, Nanterre, Bobigny, Créteil, et 156 juges dont 6 exercent dans les départements et territoires d'outre mer).
Sur 186 tribunaux de grande instance et de première instance (TOM), 108 ont au moins un juge de l'application des peines budgétaire et 78 fonctionnent sans juge de l'application des peines budgétaire. Au total, 255 juges exercent au moins partiellement les fonctions de juge de l'application des peines.
C'est bien peu lorsque l'on considère les 36.056 condamnés détenus au 1er mai 1996 (sur 58.823 détenus) et permet de comprendre le nombre réduit des aménagements de peine alternatifs à l'emprisonnement; c'est bien peu au regard des 100.000 probationnaires dont les libertés conditionnelles, mises à l'épreuve... pourraient faire l'objet d'un contrôle plus attentif si les pouvoirs publics donnaient autant d'importance à l'efficacité des peines et mesures alternatives à l'emprisonnement qu'ils en accordent aux procédures de médiation-réparation présentencielles (d'autant que le chiffre de 100 000 probationnaires n'est qu'une photographie "en temps réel" ne tenant pas compte des flux annuels, le nombre à considérer étant alors de 175 000 condamnés soumis au régime de la mise à l'épreuve chaque année).
Contact pris avec les services judiciaires du ministère de la justice, il ne devrait y avoir d'augmentation de postes de juge de l'application des peines ni cette année (les crédits devant être mobilisés par l'institution du juge des libertés cher à la ministre de la justice -juge qui appliquerait davantage l'art. 66 de la Constitution que les autres) ni en 1999 (en raison de la création de postes pour le deuxième degré de juridiction criminel). Qui sera le ministre de l'individualisation des peines (et de l'efficacité de la justice) ?
Sénégal: Institution d'un juge de la personnalisation des peines
- Sur l'initiative du ministère de la justice (direction des affaires criminelles, inspection générale des services) et du conseiller du ministre, Odette-Luce Bouvier, magistrat français détaché, le Sénégal est en train de développer considérablement son système pénal en se dotant d'un juge de la personnalisation des peines, dont nombre d'attributions sont directement inspirées du juge de l'application des peines français. Un projet de loi a été déposé en ce sens. Sans négliger les difficultés liées à la corruption (qui, le sait-on désormais, est la plaie de tout Etat de droit).
D'autres missions de magistrats français -juges de l'application des peines-, actuellement prévues en Bolivie et en Jordanie sur les systèmes d'application des peines, doivent permettre de contribuer à la réforme des institutions pénitentiaires de ces Etats.
La nouvelle organisation de l'administration pénitentiaire
- Elle figure dans les deux arrêtés du 26 juin 1998 (J.O. du 28 juin 1998 pp. 9903 à 9905), mais aussi dans un document de seize pages édité par l'administration pénitentiaire "La nouvelle organisation de l'administration pénitentiaire", qui contient également les numéros de ligne directe. Ce document peut être demandé au Service de la communication et des relations internationales (SCERI), T. 01 59 96 28 15.
Les sévices sexuels sur les enfants (les victimes, les auteurs, la société) - C'était le sujet du congrès de l'Association française de psychiatrie et de psychologie sociales, les 24-25 septembre 1998, à l'Hôpital Saint Jean de Dieu à Lyon. Riche d'une quarantaine d'intervenants (dont trois magistrats), évitant généralement les abstractions, il devait impliquer cent cinquante participants: psychiatres, psychologues, travailleurs sociaux des D.a.s.s. des départements... participants en provenance de la France entière. Il n'y avait pourtant aucun magistrat, pas même de la région. Un des intervenants magistrat déclarait que de manière générale, à part leur code, les magistrats lisent peu sur leur domaine professionnel, écrivent peu... Il est vrai que, encore aujourd'hui, la participation à un colloque est parfois ressentie comme du temps perdu par certains magistrats mieux habitués à l'abattage qu'à la justice...

Brevissima :

- L'Association nationale des juges de l'application des peines (contrairement à ce qui a pu être écrit par erreur dans le quotidien "Le Parisien" en date du 17 septembre 1998) n'apporte aucunement son soutien au congrès des 6-7 novembre 1998 "L'adolescent et la loi", au Palais des congrès, à Paris, organisé par l'association "Comité français pour l'adolescence".
- "Abus sexuels, recherches et traitements", colloque international scientifique, du 26 au 28 novembre 1998, au Grand palais de Lille. Renseignements: 03 20 14 15 16.

Prochains conseils d'administration

- Ils auront lieu les vendredi 13 novembre et samedi 19 décembre 1998 au Palais de justice de Paris (métro: Cité) à 9 heures 30 et à 14 heures 30. Pour toutes précisions utiles ou prévenir de votre venue, contactez M. Pascal Faucher, juge de l'application des peines à Poitiers et président de l'Association, au 05 49 50 22 87. Cette rubrique est réservée à la communication d'informations condensées intéressant le domaine de l'application des peines: manifestations nationales ou régionales, projets de réforme en cours, initiatives intéressantes ...etc... Vous pouvez communiquer les documents utiles, originaux ou synthétiques que vous avez élaborés, et transmettre vos annonces ou recherches professionnelles. Contact: Godefroy du Mesnil, T. 05 56 00 10 66 - Fax. 05 56 00 10 96.

ABONNEMENT ET ADHESION

Prénom et NOM :

Fonction (entourer la mention utile): juge de l'application des peines - vice-président - conseiller à la cour d'appel chargé de l'application des peines - procureur de la République -substitut chargé de l'exécution des peines - président - juge pénaliste (indiquer la spécialisation éventuelle: correctionnelle, assises, enfants, instruction) - président d'université - directeur de probation - agent de probation - enseignant - bibliothécaire - étudiant - (autre : préciser : )

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