JURIPOLE

Revue de l'Application des Peines

Numéro 23 - Septembre 1997




SOMMAIRE

Hommage à Bernard Jouve

Une institution contestée : l'application des peines

Compte nominatif et prélèvement au profit d'une partie civile

Quel avenir pour les placements à l'extérieur (ATIC)

Jurisprudence

Pour une dynamique évolutive de la sanction pénale

La bureaucratisation du post-sentenciel

La commission de réflexion sur la réforme de la justice

A lire

Pratique judiciaire : convocation d'un probationnaire détenu

Informations rapides


BERNARD JOUVE NOUS A QUITTES

Une figure de l'application des peines vient de disparaître, rapidement, au coeur de cet été. Pour moi qui aurais pu être son fils, Bernard était devenu un ami. Pour beaucoup d'entre nous, il restera un modèle d'enthousiasme, de fidélité à ses idées, d'humanisme. Il fut pour certains, et j'en fais partie, un révélateur de vocation professionnelle.

Bernard était magistrat depuis 1950.

Précurseur, il avait accepté de participer aux commissions pénitentiaires statuant en matière de régime progressif.

Juge de l'application des peines, il l'a été de 1964 à 1970 à Chaumont et de 1973 à 1990 à Rennes, soit pendant plus de 20 ans !

Homme de justice, il a gardé toute sa vie sa capacité d'indignation devant l'arbitraire, les injustices en tout genre. Sensible aux situations de détresse, que les personnes soient des condamnés ou des victimes, il se faisait un devoir d'écouter, de comprendre, d'instruire avant de juger. Pour lui, l'Homme était au centre de ses préoccupations de magistrat.

Il fut d'abord un homme d'action, présent dans tout le réseau associatif rennais, partout où les plus faibles étaient concernés : étrangers, prisonniers, blessés de la vie. Localement, il savait être sur le terrain, créant l'association pour la réinsertion sociale des adultes délinquants, participant à la vie de nombreuses associations. A la retraite, il continuait de multiples activités auprès l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT) dont il était membre du comité de vigilance en France, de l'Observatoire international des prisons (OIP).

Homme discret sur ses engagements, nous n'en connaissons certainement qu'une faible partie.

Magistrat, il avait une haute conception de cette fonction qui, à ses yeux, exigeait rectitude, loyauté, pédagogie, fermeté de la part de son titulaire. Il n'acceptait jamais que nos décisions de juge, nos usages professionnels, nos rapports avec les autorités judiciaires ou administratives puissent être dictés par le conformisme, l'à peu près, le train-train quotidien.

Indépendant, il l'était. Non par individualisme confortable, mais par nécessité impérieuse de justice. Poussant ce principe jusqu'à son terme, il avait refusé tout avancement, source pour lui de perte d'indépendance.

Juriste, il ne perdit jamais une occasion d'user de toutes les voies de droit qui s'ouvrirent progressivement aux juges de l'application des peines, afin de mieux individualiser les sanctions pénales. Ces interprétations n'étaient pas toujours acceptées par ses collègues ou par la Cour de cassation - on lui doit une part importante de la jurisprudence ayant trait aux permissions de sortir, aux réductions de peines. Pour autant, elles étaient toujours dans le respect des textes, et privilégiaient souvent des questions perdues de vue par les juristes positivistes que nous sommes parfois : Quelle est la volonté du législateur ? Quels sont les principes généraux qui doivent nous guider ?

Juriste et homme de doctrine, il savait écrire avec conviction, se battant pour une reconnaissance de la fonction qu'il occupait, sachant recentrer les débats passionnés sur la peine en débats de fond sur le sens de la peine, l'autorité de la chose jugée. Pour vous en laisser juge, nous republions une de ses chroniques parue en 1984 dont chacun des termes sonne encore d'actualité.

Innovateur, on lui doit avec quelques autres la paternité juridique de la conversion-TIG, votée en 1989.

Homme de mémoire et de savoir, il avait profité de sa retraite ô combien active pour rédiger un ouvrage sur le juge de l'application des peines. Depuis quelques mois, le conseil d'administration de l'ANJAP participait à sa mise sur informatique, afin de pouvoir le diffuser largement. Nous devions commencer une relecture et une mise à jour avec lui cet automne. Nous essaierons de lui rester fidèle. Il nous manquera cette mémoire de griot qui lui permettait de savoir que tel article, telle circulaire, telle note, telle décision de justice avait déjà abordé le problème que nous pensions nouveau. Là encore, nous essaierons d'exploiter ses archives pour que chacun puisse en profiter.

Il fut membre de l'ANJAP, dès son origine, participant à la vie de l'association pendant plus de 20 ans (il n'a pas dû manquer plus de trois ou quatre conseils d'administration pendant toute cette période !). Il était encore des nôtres le 7 juin dernier. Non pas parce qu'il était homme d'appareil, il a toujours refusé les différentes fonctions du bureau, mais parce qu'il était animé de la conviction qu'il fallait agir collectivement pour que les hommes et les femmes dont nous avons la responsabilité puissent être traités dignement à travers l'exécution de leur peine. Avec son caractère franc et parfois vif, il pouvait apparaître pour ceux qui le connaissaient mal comme intransigeant et sûr de lui. Détrompez-vous. Capable d'engagement sans concession, il était avant tout un vrai démocrate, respectant toujours la décision prise, au besoin en invitant ses anciens contradicteurs au respect de cette décision.

Le poète, un peu cyniquement, dit que les morts sont toujours de braves types. Il est vrai que si j'avais écrit ce texte de son vivant, il m'aurait répondu d'un petit sourire moqueur, trouvant vraisemblablement que j'en fais trop. Ces propos me paraissent pourtant expliquer les raisons pour lesquelles ceux qui travaillaient avec lui le respectaient.

Que ceci puisse être le signe à son épouse et à ses enfants, que toutes ces années que Bernard a passé à son travail avaient aussi un sens pour nous.

Le 1er août dernier, Bernard a été inhumé, vêtu de sa robe de magistrat. C'était un vrai juge.

Pascal Faucher, Président de l'A.N.J.A.P.


Une Institution contestée :

l 'Application des Peines

Souvent mal connu, le domaine de l'application des peines privatives de liberté sans sursis suscite généralement les réactions les plus vives, parfois les plus passionnelles, surtout lorsque survient un malheureux incident. On se scandalise si un condamné bénéficiant d'une permission de sortir ne rentre pas à la prison et s'il commet délit ou crime, surtout lorsqu'il s'agit d'un meurtre.

On ne comprend pas qu'un condamné bénéficiaire de réduction de peine ou de libération conditionnelle sorte de prison avant d'avoir subi en détention la totalité de la durée de la peine prononcée à son égard. A beaucoup de gens cela paraît contraire à la logique et au bon sens. On crie à la violation du sacrosaint principe de l'autorité de la chose jugée. On parle de remise en cause de la décision de condamnation, de troisième degré de juridiction non prévu par la loi.

On dénonce l'érosion scandaleuse de la peine.

Et comme, dans la plupart des cas, c'est le juge de l'application des peines (J.A.P.) qui accorde les diverses mesures d'individualisation de la peine (réductions de peine, permission de sortir, semiliberté, suspension et fractionnement de peine, placement en chantier extérieur, libération conditionnelle) c'est à lui qu'on s'en prend, du moins lorsque l'on connaît son existence et que l'on ne confond pas avec l'administration pénitentiaire .

On le traite de juge de l'inapplication peines ! On le tourne en dérision, en l'accusant de générosité naïve ou mal placée, de laxisme. A trois reprises le 2 novembre 1977, des députés ricanent de lui en pleine Assemblée Nationale lorsque M. PEYREFITTE (qui devait plus tard changer spectaculairement d'avis !) tente de le défendre et d'expliquer son rôle (cf JO p 848: rires et exclamations).

On parle à son sujet de décisions malheureuses, imprudentes, maladroites abusives.

Le maire de DevilleLèsRouen porte plainte contre le juge de l'application des peines de Caen parce qu'un permissionnaire avait battu sa femme à Noël 79. L'association Légitime défense demande la suppression du J.A.P. et, en attendant, propose qu'il soit pénalement responsable comme complice des détenus permissionnaires commettant des méfaits. Un journal parisien, se voulant humoriste, propose en 1979 que le J.A.P. remplace le détenu permissionnaire dans sa cellule jusqu'au retour de celuici et qu'il subisse sa peine à sa place s'il ne rentre pas !

On voit dans ce juge un démolisseur désinvolte d'une oeuvre de justice péniblement édifiée et on souligne le contraste entre une peine prononcée après les longs débats et les mûres réflexions d'une juridiction collégiale et cette même peine brusquement abolie et rayée d'un trait de plume par un juge seul.

On semble croire que ce juge accorde n'importe quelle mesure, à n'importe quel condamné, pour n'importe quel motif, n'importe quand, dans n'importe quelle condition, les yeux fermés et dans le plus total arbitraire comme dans la plus totale irresponsabilité.

Inutile de dire combien de telles réactions apparaissent simplistes, sommaires, caricaturales et injustes aux yeux des praticiens de l'application des peines, confrontés aux complexes et difficiles problèmes que pose le traitement des délinquants. Sans faire une étude systématique et approfondie de l'application des peines, il semble cependant possible de dissiper ces réactions par quelques observations et réflexions plus nuancées et par quelques analyses plus fines des faits et du droit qui leur est applicable.

L'autorité de la chose jugée :

C'est abusivement que l'on invoque le principe de l'autorité de la chose jugée à l'encontre des diverses modalités de l'individualisation des peines. Il y a là un faux argument d'apparence juridique.

Et cela pour plusieurs raisons :

Tout d'abord parce que ce principe a pour but essentiel d'éviter qu'une même infraction soit jugée deux fois et que par exemple un accusé acquitté d'un crime soit de nouveau poursuivi pour le même fait ou qu'un délinquant condamné à une peine soit à nouveau poursuivi pour obtenir une peine plus sévère. Bien évidemment cet aspect de la "chose jugée" n'est en rien altéré ou contredit par les mesures réductrices du temps de détention.

Par ailleurs, même si le condamné fait l'objet par exemple d'une réduction de peine ou d'une libération conditionnelle, la condamnation n'en est pas pour autant "modifiée" et elle subsiste en ellemême. C'est la durée de la peine prononcée et non de la peine réduite qui figure au casier judiciaire et qui continuera de mesurer aux yeux de ceux qui le consultent le degré de gravité de l'infraction. C'est en fonction de cette durée prononcée que joueront les incapacités ou privations de droit prévues à partir d'un certain seuil. De même c'est en fonction de cette durée que la condamnation sera ou non exclue d'une amnistie au quantum ou que sera calculé le délai légal d'une éventuelle réhabilitation ou encore que sera calculée la mesure de l'aggravation de la peine en cas de récidive. Donc la condamnation subsiste bien sans être modifiée et elle continue de produire toute une série de conséquences juridiques légalement liées à la durée de la peine prononcée, quelles que soient les modalités ultérieures d'application de cette peine.

En dépit des mesures prises pour individualiser cette peine, la "chose jugée" conserve ainsi tout un contenu dont elle n'est pas vidée.

Enfin une saine analyse juridique de la situation conduit à considérer, par rapport à la durée de la peine prononcée, que la "chose jugée" fixe pour l'avenir un maximum de durée de détention qui ne pourra jamais être dépassé et que pour le surplus elle définit un cadre à l'intérieur duquel pourront éventuellement, mais non obligatoirement, intervenir au cours du temps diverses mesures d'individualisation de la peine, y compris celles qui auront pour effet d'abréger la durée de la détention, telle qu'une remise gracieuse accordée par le Président de la République ou une réduction de peine accordée par le juge de l'application des peines ou encore une libération conditionnelle.

D'ailleurs ces mesures facultatives d'abréviation de la durée de la détention, ou autres mesures d'individualisation des peines, sont des mesures prévues et réglementées par la loi, comme le sont aussi les peines, si bien que celui qui accorde ces mesures ne contredit nullement la décision de condamnation, mais ne fait qu'appliquer la loi, agir en vertu de la loi, comme l'ont fait les juges qui ont prononcé la condamnation en choisissant une peine et en fixant sa mesure, dans le cadre des dispositions légales applicables.

Et si le J.A.P accordait une de ces mesures en dehors des conditions et délais définis de manière très précise par les textes légaux ou réglementaires, sa décision pourrait être annulée pour violation de la loi par la Cour d'appel sur recours du parquet. Ainsi la "chose jugée" en vertu de certaines dispositions légales au niveau de la condamnation n'est pas contredite par la "chose décidée" au niveau de l'application de la peine en vertu d'autres dispositions légales de même valeur. Il y a deux lois qui se combinent sans s'opposer.

Lorsqu'une Cour ou un tribunal prononcent dans l'instant une peine privative de liberté prévue par la loi, ils créent donc un cadre qui contient des virtualités pouvant être plus ou moins développées ensuite, dans le temps, sous forme de mesures légales d'individualisation de la peine décidées, le plus souvent par le J.A.P., en fonction de l'évolution de la personnalité et de la situation du condamné C'est la loi ellemême qui le veut ainsi. Il n'y a donc rien d'anormal ou d'irrégulier dans les mesures d'application des peines prévues et voulues par la loi, sous réserve de l'appréciation du J.A.P.

Les juges qui ont prononcé la condamnation ne sont donc pas désavoués au stade de l'exécution de leur décision par le J.A.P., qui est d'ailleurs l'un des leurs, du même corps, du même statut et qui a même souvent siégé parmi eux lors du jugement, qui est en tout cas considéré comme leur délégué pour la mise en oeuvre et l'accomplissement de leur décision dans le temps.

C'est si vrai que, à tort ou à raison et même s'ils ne le disent ou ne l'écrivent pas, ces juges tiennent souvent compte par avance des mesures qui abrégeront la durée de la détention. Les Présidents d'Assises le savent bien, à qui les jurés demandent quelle durée de peine ils doivent prononcer pour que le condamné subisse effectivement un certain temps minimum de détention qu'ils estiment nécessaire. D'ailleurs ces jurés reçoivent désormais, avant les sessions d'assises, une information générale lors de réunions portant en particulier sur les modalités d'application des peines (circulaire de la Chancellerie du 27 novembre 1981). Ils savent donc à quoi s'en tenir du devenir ultérieur de leurs décisions. Au surplus, dans leurs réquisitions les magistrats du ministère public ne se privent souvent pas de donner à la Cour et aux jurés toutes indications utiles à ce sujet, même si, involontairement, elles se trouvent parfois erronées.

Par conséquent, loin de porter atteinte à la chose jugée, les mesures décidées notamment par le J.A.P., correspondent bien à cette chose réellement jugée et à ce qu'ont su et voulu, dans leur for intérieur, les juges qui ont prononcé la condamnation. En sens inverse, qu'il soit observé en passant, combien de tels calculs anticipés sont cependant hasardeux et contestables, car ils risquent trop de faire croire à une automaticité qui est loin d'exister. Si par exemple un condamné "peut" en droit, être conditionnellement libéré à la moitié de sa peine, il ne le sera bien souvent, en fait, que beaucoup plus tard et peutêtre jamais.

D'où un sentiment d'injustice chez celui qui est condamné à une peine calculée en fonction d'une simple possibilité d'abréviation de la détention, lorsque celle-ci ne se produit pas ou ne se produit pas aussi tôt qu'annoncé. Le condamné et les siens éprouvent alors comme l'impression d'avoir été piégés et cela n'est pas sans conséquences fâcheuses, par exemple pour le bon renom de la Justice ou pour le calme dans les prisons.

Parfois aussi ces prévisions aléatoires sont même faites en fonction de calculs et de pronostics erronés, lorsque le droit de l'application des peines est mal connu sur le plan pratique. On a ainsi vu un avocat général multiplier après coup les interventions auprès du juge de l'application des peines en faveur du condamné contre qui il avait requis, pour obtenir sa libération conditionnelle à la date qu'il avait cru pouvoir publiquement prévoir à l'audience, alors que légalement cette date était sensiblement plus éloignée ! C'est alors que la chose jugée, telle du moins qu'elle résultait des arrières pensées des juges, ne se trouve pas respectée.

Le laxisme prétendu.

Les détracteurs de l'application des peines crient au laxisme parce que, d'après eux, les mesures d'individualisation accordées aux condamnés détenus affaibliraient la portée rétributive de la peine et diminueraient sa valeur d'intimidation, comme si ces mesures étaient des faveurs purement gratuites.

Or une vue plus exacte des choses conduit à observer au contraire qu'il ne s'agit pas de simples cadeaux sans contrepartie, mais de mesures exigeantes et qu'elles sont réversibles lorsque la contrepartie exigée de l'intéressé n'est pas suffisamment fournie par lui sous forme d'efforts personnels.

Ainsi la réduction de peine n'est pas accordée arbitrairement et sans conditions. Elle sanctionne la bonne conduite en détention, indispensable au bon fonctionnement de l'institution pénitentiaire et à la vie de la collectivité carcérale. Elle doit tenir compte, dit l'art D 253 du Code de procédure pénale du comportement général, de l'assiduité et de l'application au travail, des études et de formation professionnelle et du sens des responsabilités quant au respect des règles organisant la vie collective dans la prison3.

De plus la réduction de peine refusée en cas de mauvaise conduite et une fois accordée, elle peut encore être retirée à celui qui ensuite commet des fautes ou manque à la discipline.

Quant à la semi-liberté, elle oblige celui qui sort de la prison dans la journée à aller travailler assidûment, ce qui représente pour lui bien souvent un effort par rapport à une vie antérieure d'oisiveté et de parasitisme et ce qui est tout de même plus contraignant que de rester toute la journée à paresser, plus ou moins occupé en cellule, comme c'est encore le cas de bien des détenus faute de travail suffisant à l'intérieur des prisons. La semiliberté exige surtout de celui qui en bénéficie un effort de volonté quotidien et éprouvant pour rentrer tous les soirs à la prison après le travail, effort qui est épargné aux autres détenus qui ne sortent pas, et qui par conséquent ne ressentent pas cette frustration, chaque jour répétée, du retour en prison. Et puis la semiliberté sera retirée si ces efforts ne sont pas fournis et si le semilibre fugue ou déserte son emploi.

La permission de sortir aussi exige un effort pour rester digne de confiance revenir de soimême volontairement à la prison. Cet effort est tellement éprouvant et peu supportable pour certains, qu'une détenue ayant bénéficié d'une première permission de sortir familiale déclarait ensuite au J.A.P. qu'elle ne lui en demanderait plus jamais, tellement elle avait eu du mal à rentrer à la prison. Cela avait été pour elle une trop dure épreuve.

Au surplus la permission de sortir comporte des contraintes : il faut économiser à l'avance les frais de voyage, respecter la destination prévue, observer une bonne conduite.

Il faut savoir aussi que les fautes ou infractions commises au cours d'une permission de sortir, d'une semiliberté ou d'une suspension de peine ne demeurent pas impunies et sont susceptibles de multiples sanctions : refus ou retrait de réduction de peines, punitions de cellule disciplinaire, confiscation du pécule, poursuites et nouvelles peines pour évasion et pour nouvelles infractions refus ultérieur probable de permission de sortir, de semiliberté ou de libération conditionnelle.

La libération conditionnelle non plus n'est pas la voie de la facilité mais celle de l'exigence. Elle comporte en effet des mesures de contrôle astreignantes telles que : réponse à des convocations, comptes à rendre sur son travail et ses gains, autorisation à obtenir pour ses absences ou ses changements de résidence, etc. Elle comporte aussi des obligations particulières: sobriété à observer, stage de formation à suivre, lieux ou personnes à ne pas fréquenter, indemnisation des victimes, etc.

Or, les autres libérés ayant subi toute leur détention ne sont pas astreints à ces mesures et obligations. Certains condamnés redoutent tellement ces exigences et les efforts qui leur seront ainsi demandés qu'ils refusent que leur cas soit examiné en matière de libération conditionnelle ou refusent cette mesure si elle leur est accordée, préférant sortir entièrement libres après avoir été jusqu'au bout de leur détention. La peine subie en milieu ouvert sous forme de libération conditionnelle n'est pas forcément moins lourde que celle subie passivement en prison où tous les besoins essentiels sont satisfaits gratuitement. Quant à ceux qui acceptent leur libération conditionnelle mais qui se soustraient ensuite à ses exigences, ils risquent la révocation de cette mesure, même sans nouvelle infraction, ce qui les ramènera à la prison pour subir le reliquat de détention dont ils avaient été provisoirement et conditionnellement dispensés. Dans ces cas la peine est subie en deux temps mais elle l'est bien au total complètement. Il n'y a pas d'érosion.

On voit donc combien l'application des peines ne relève pas d'une conception laxiste de la sanction mais au contraire d'une conception exigeante de celle-ci.

Un juge trop seul ?

On critique le fait qu'un homme seul et unique - le J.A.P.- puisse "modifier" la décision prise par plusieurs juges ou jurés, dans une juridiction collégiale, Cour ou Tribunal.

Or cette observation n'a pas la portée qu'on lui prête à première vue.

Tout d'abord en effet, il n'y a pas "modification" mais application légale de la décision de condamnation, ainsi qu'il a été dit plus haut à propos de l'autorité de la chose jugée.

Ensuite toutes les condamnations ne sont pas toujours prononcées par des juridictions collégiales puisque dans certains cas le Tribunal correctionnel prononçant des peines d'emprisonnement n'est composé que d'un seul juge, ce qui est aussi toujours le cas du Tribunal de police qui peut aussi prononcer des peines d'emprisonnement pour les contraventions les plus graves.

Il existe par ailleurs des cas, autres que celui du J.A.P., où c'est un homme seul qui intervient dans l'exécution d'une peine. C'est le cas du Président de la République accordant une remise gracieuse, totale ou partielle, du ministre de la Justice accordant une libération conditionnelle, du procureur de la République accordant un report d'incarcération ou du juge au Tribunal de police accordant le fractionnement ou la suspension d'une peine qu'il a prononcée.

On peut aussi rapprocher de ces cas celui du juge d'instruction qui, seul, laisse ou remet en liberté un inculpé.

Mais surtout le J.A.P n'est pas si seul que l'on veut bien le dire de façon par trop sommaire et hâtive.

Sans doute, en définitive, c'est lui qui prend seul la décision, mais seulement après avoir consulté, sauf urgence, la commission de l'application des peines où siègent d'une part le procureur de la République, plus spécialement soucieux des nécessités de l'ordre public et d'autre part divers fonctionnaires pénitentiaires susceptibles de bien connaître le condamné : directeur de la prison, surveillant chef de détention, un simple surveillant, l'assistante sociale, le médecin, le psychiatre, l'éducateur, l'instructeur, l'instituteur, l'infirmière, le moniteur de sport, etc.

Ainsi la décision du J.A.P. n'est prise qu'après avoir été éclairée par les divers avis judicieux et complémentaires et les renseignements fournis par toute une équipe pluridisciplinaire, ce qui présente d'incontestables garanties de sérieux pour apprécier le degré de confiance à accorder au condamné comme l'intérêt, le bienfondé et les risques de la mesure envisagée. Or, bien souvent on ne retrouve pas d'aussi sérieuses garanties au niveau du prononcé de la peine lors d'audiences correctionnelles collégiales surchargées, où les affaires sont parfois rapidement expédiées après une courte comparution du prévenu et un bref débat et sans que les assesseurs connaissent personnellement le dossier.

On est donc loin de ce "trait de plume ", soudain et désinvolte, dont le juge rayerait l'arrêt de la Cour selon l'expression, imagée mais trompeuse, si chère à M. PEYREFITTE lors des débats parlementaires de feu la loi "sécurité et liberté ".

Pour une juste appréciation des résultats.

L'hostilité à l'égard des mesures d'application des peines est surtout inspirée par les échecs et les inconvénients fortement mis en relief, tandis que l'on oublie trop souvent de mettre en lumière les réussites.

Or l'institution des permissions de sortir, par exemple, réussit à 97 ou 98 %. C'est tout de même assez extraordinaire de voir combien ces criminels et délinquants que l'on voudrait complètement mauvais et pervertis, peuvent à ce point se montrer dignes de confiance. Et encore le petit nombre d'échecs n'est heureusement pas constitué que de crimes de sang. Dans ces 2 à 3 % d'échecs on compte les simples retards même si les retours tardifs sont volontaires, les Incidents éthyliques et les petits délits comme les bagarres en famille ou au café, les vols de voiture, les vols alimentaires. les filouteries d'hôtel ou de restaurant, les chèques volés puis falsifiés pour de menus achats, etc.

Par ailleurs, si les meurtres commis par les permissionnaires sont bien évidemment toujours de trop, on n'en compte tout de même qu'un ou deux par an, ce qui est bien peu pour 15 à 20 000 permissions annuelles et bien peu surtout face aux centaines de meurtres commis chaque année par d'autres que des détenus en permission.

Dans l'appréciation quantitative du système de l'aménagement des peines il y a lieu d'observer également qu'on ne fait généralement état que des mesures accordées et des quelques rares incidents liés à ces mesures, mais que l'on passe sous silence toutes les décisions négatives prises pour refuser (peutêtre à tort aussi parfois) une permission de sortir ou une libération conditionnelle à un détenu jugé trop dangereux ou trop peu digne de confiance, alors que ces décisions sont probablement plus nombreuses que les décisions positives, ce qui montre le sérieux de la sélection. Une appréciation objective et complète du système devrait prendre en compte les unes et les autres.

Enfin l'hostilité d'une partie de l'opinion publique à l'égard des mesures d'individualisation des peines se fonde trop uniquement sur les inconvénients du système et sur les risques d'incidents qu'il présente, sans se demander si la suppression complète de ce système légal, seul moyen d'en éviter à coup sur les inconvénients et incidents, n'aurait pas globalement plus d'inconvénients encore.

Or, un jugement de valeur sur un système, comme celui de l'application des peines, n'est satisfaisant que s'il procède d'un bilan comparatif de ses avantages et de ses inconvénients. Après tout, il y a bien de nombreux accidents mortels de la circulation. Il y a bien des malades qui meurent parfois sur la table d'opération il y a bien des accidents de vaccinations, et certains grands travaux ont un taux d'accidents du travail statistiquement connu d'avance. Pourtant on n'aurait pas l'idée d'interdire dans un pays ni la circulation automobile, ni la chirurgie, ni les vaccinations, ni la construction d'ouvrages d'art. En dépit des risques qu'elles présentent, la société y trouve au total trop d'avantages.

C'est là qu'intervient la notion de risque acceptable. Pourquoi ne pas la faire jouer aussi dans le domaine de I'application des peines ?

Les permissions de sortir, les libérations conditionnelles et autres mesures d'individualisation de la peine qui comportent sans doute aussi des inconvénients ou des sortes de risques opératoires, qui se réalisent dans quelques cas présentent également d'incontestables avantages, et pas seulement des avantages immédiats pour le plaisir ou l'agrément des condamnés, mais surtout des avantages pour les autres : les familles, les victimes, la double communauté carcérale des détenus et du personnel pénitentiaire, la Société tout entière, à long ou à court terme.

Les quelques exemples qui suivent le montreront :

La réduction de peine pour bonne conduite, dont les détenus sont particulièrement friands, si elle érode la peine est également un puissant instrument de discipline à ne pas négliger dans la vie collective de la prison, les hommes étant ce qu'ils sont.

De même les permissions de sortir, bien que ce ne soit pas là leur finalité première, contribuent grandement à apaiser les tensions dans les prisons et à limiter les troubles.

Or, la société n'a pas intérêt à ce que le désordre règne dans les prisons ou les menace. Les jeunes enfants ou les adolescents qui sont psychologiquement perturbés et deviennent parfois délinquants faute d'image paternelle structurante, d'affection maternelle ou de couple parental uni ont certainement avantage à conserver des contacts périodiques avec leur père ou leur mère détenus et à voir de temps en temps leurs parents ensemble, lors de permissions de sortir familiales. Cet enfant qui avait toutes les nuits des cauchemars parce qu'il croyait son père mort avait besoin de le revoir quelques jours, lors d'une permission de sortir, plus que de somnifères ou de psychologues. L'épouse ou la compagne bouleversée par l'hospitalisation d'un enfant gravement malade ou accidenté a avantage à être moralement soutenue par la présence de son mari ou de son compagnon détenu, au moyen d'une permission de sortir ou d'une suspension de peine pour motif grave d'ordre familial.

Dans un intérêt humanitaire une permission de sortir n'est pas injustifiée pour permettre à un père moribond de revoir son fils détenu une dernière fois avant de mourir. La mère aura ensuite besoin de la présence affective du même fils, durant une suspension de peine, pendant les premiers temps de son veuvage alors que, seule et âgée, elle se remet peutêtre difficilement des fatigues accumulées pour soigner son mari au cours d'une longue maladie.

Une permission de sortir pour se rendre à un rendez-vous chez le notaire sera utile pour permettre à tous les cohéritiers de sortir plus rapidement de l'indivision, sans que la détention de l'un d'eux retarde et bloque la liquidation de la succession.

La société dans son ensemble a certainement avantage à ce qu'un ancien détenu ne connaisse pas, après sa libération, un temps mort d'oisiveté, propice à la récidive avant de trouver une formule valable de réinsertion sociale telle que travail chez un employeur, entrée dans un foyer, admission à un stage de formation professionnelle ou incorporation dans l'armée comme appelé ou engagé, d'où l'intérêt évident des permissions de sortir préalables à la libération pour rechercher d'avance un emploi, se faire inscrire à l'ANPE, effectuer le séjour d'essai exigé par le foyer avant prise en charge définitive, subir les tests préparatoires au stage de formation ou les épreuves militaires de présélection.

La société a aussi avantage à ce que l'ancien détenu soit placé lors de son retour en son sein, dans des conditions le rendant moins vulnérable à la récidive, d'où l'intérêt de ces périodes transitoires de convalescence entre la claustration complète, qui détériore et déresponsabilise, et la totale liberté qui peut déboucher sur une existence désordonnée, que sont le placement en chantier extérieur, la semiliberté et la libération conditionnelle, accordés soit l'un sans l'autre, soit l'un après l'autre, pour apprendre ou réapprendre la vraie liberté. La libération conditionnelle en particulier comporte un encadrement socio-éducatif, un contrôle, des obligations et une assistance matérielle, morale et psychologique assurés pendant un certain temps par le J.A.P. et un travailleur social spécialisé, pour faciliter une véritable réinsertion sociale, alors que, sans libération conditionnelle, le détenu se retrouve en fin de peine livré à luimême, à ses faiblesses et à l'hostilité du milieu, donc beaucoup plus susceptible de rechuter et de faire éventuellement de nouvelles victimes.

De leur côté les victimes d'infractions ont intérêt à ce que les auteurs de leurs dommages, gagnent suffisamment pour pouvoir les indemniser avec un salaire plus élevé, en semiliberté ou en libération conditionnelle, qu'en détention où ce salaire est malheureusement si dérisoire le plus souvent. Pour les mêmes raisons ces victimes ont parfois aussi intérêt à ce que, à un moment donné, le détenu bénéficie d'une suspension provisoire de sa peine pour profiter d'un travail saisonnier exceptionnel qui lui est offert loin de la prison et qui sera plus largement rémunéré que celui qu'il pourrait trouver, ou pas, à la morte saison de la date prévue de sa fin de peine. Les mêmes considérations valent lorsque le détenu doit une aide financière ou une pension alimentaire à sa famille.

Il faut savoir en outre que le J.A.P. a le pouvoir de subordonner une semi-liberté ou une libération conditionnelle, à peine de révocation, à l'obligation d'indemniser les victimes, même si elles ne se sont pas portées parties civiles, même au-delà des 10% obligatoirement prélevés sur les produits du travail des détenus et même audelà de la fraction saisissable fixée par le Code du travail.

Il arrive parfois qu'une permission de sortir soit accordée à un détenu pour répondre à une convocation de Justice et aller comparaître, comme partie ou témoin, devant une juridiction pénale ou civile, ou encore pour aller se faire incarcérer dans une autre prison à laquelle il a été affecté pour diverses raisons par l'autorité compétente Dans ces cas, la permission de sortir évite à la Société les frais coûteux du déplacement, aller et retour, d'une double escorte de gendarmerie.

D'une manière générale les mesures d'individualisation des peines apprennent aux condamnés à se montrer digne de confiance et elles sont de nature à diminuer le ressentiment qu'ils peuvent conserver à l'égard de la société qui les puni. Or il y a certainement là deux facteurs psychologiques importants à ne pas négliger pour réduire à l'avenir les risques de récidive.

Ces quelques exemples particuliers ou observations générales montrent les avantages que peuvent présenter pour tous les mesures d'individualisation des peines, qui sont si critiquées par ceux qui n'en veulent voir et souligner que les inconvénients. On peut penser que globalement l'ensemble de ces avantages compense assez largement les inconvénients du système actuel de l'application des peines même si ces inconvénients se traduisent de temps à autre par de rares incidents graves.

Pour être plus précis, par exemple en ce qui concerne les permissions de sortir, plus spécialement visées par les critiques, ne doit-on pas finalement accepter de prendre le risque social éventuel d'une permission qui comportera peut-être un incident isolé même dramatique si déplorable soit-il, pour que la Société dans son ensemble continue de bénéficier des avantages indéniables qu'elle retire globalement des milliers d'autres permissions de sortir qui se déroulent de façon satisfaisante et sans incidents ?

En définitive, malgré toutes les précautions prises par les textes et le J.A.P., il restera sans doute toujours dans ce domaine un résidu incompressible d'échecs imprévisibles, mais il estréaliste de l'accepter pour un plus grand avantage, sans pour autant négliger tout ce qui peut le réduire au maximum.

Conclusions

L'application des peines et les mesures qu'elle comporte, victimes des préjugés d'une opinion publique trop mal informée de leur finalité, de leurs modalités et de leurs résultats, ont besoin d'être expliquées à tous et réhabilitées aux yeux de tous. On doit commencer par bannir à ce propos toute idée de laxisme, de faiblesse ou de laisser-aller de la Justice savoir d'abord que les mesures d'individualisation des peines ne s'appliquent finalement (sauf les réductions de peine pour bonne conduite) qu'à une minorité de condamnés pour qui elles correspondent en revanche à des efforts méritoires et à des exigences précises et parfois lourdes.

On ne doit pas oublier ensuite que si les mesures sont parfois accordées, elles sont aussi fréquemment retardées, refusées, retirées, révoquées. On doit savoir également que ces mesures ne relèvent pas de l'arbitraire et que si elles sont toujours facultatives, elles sont néanmoins prévues par la loi et résultent donc de la volonté nationale. On doit savoir qu'elles sont en outre soumises à des conditions légales et réglementaires très précises, qui sont respectées par ceux qui les décident. On doit bien comprendre qu'une fois prononcée, une peine ne peut rester immuablement figée puisqu'elle s'applique à un être vivant et évolutif qui a eu et aura des relations sociales et des liens familiaux euxmêmes évolutifs, et qui retrouvera un jour le chemin de la liberté.

On doit donc comprendre qu'en fonction des divers facteurs mouvants qui interviennent dans l'évolution de la situation ou de la personnalité du condamné, sa peine, prononcée par des juges, doit être gérée dans le temps par un juge (le J.A.P.) ou des juges (le futur Tribunal de l'application des peines) de manière à en tirer le meilleur parti et le meilleur rendement pour tous, à court et à long terme, au moyen de mesures appropriées et judicieusement décidées et mises en oeuvre. A cet égard et sans se laisser polariser à l'excès sur les quelques inconvénients de ces mesures d'individualisation de la peine ni sur leurs quelques échecs regrettables mais fort rares, on doit savoir qu'elles ont des résultats globalement très positifs non seulement pour les condamnés mais également et surtout, à travers eux, pour leurs victimes et leurs familles, pour leurs codétenus et leurs surveillants et pour la société tout entière.

On doit savoir, à propos de ces mesures, qu'elles ne se situent pas en dehors du circuit judiciaire mais au contraire qu'elles en font partie intégrante dans son ultime étape et que le J A.P. qui les accorde (ou les refuse) n'agit nullement en marginal ou franctireur de la Justice mais en juge à part entière, prudent, impartial et respectueux de la loi, comme le prolongement des juridictions d'instruction et de jugement qui ont oeuvré avant lui dans la même direction.

On doit comprendre que ces mesures ne se situent pas en rupture avec le processus pénal mais au contraire comme son aboutissement final, en continuité avec lui dont le but n'est pas seulement la répression mais aussi la réinsertion sociale, le respect de l'homme coupable ou victime, la prévention judicieuse de la récidive et l'intérêt bien compris de la société pour le présent et pour l'avenir. On doit se rendre à l'évidence et se rappeler que de toute façon, un jour ou I'autre, un condamné sortira de prison et que par conséquent il y va de l'intérêt social que toutes mesures utiles soient prises en temps et lieux opportuns pour qu'il en sorte au moment le plus propice et dans les meilleures conditions, sans ressentiment ni esprit de révolte, sans être une charge ou un danger pour la collectivité, donc avec de réelles possibilités de réinsertion sociale et d'autonomie personnelle.

Enfin on doit savoir que les mesures d'application des peines qui ont cette fonction de préparer les conditions du retour à la liberté ne sont pas spécifiques à la France et que, sur les recommandations du Conseil de l'Europe notamment, on les retrouve, sous une forme ou sous une autre, dans tous les pays évolués mais que le système français est un des plus perfectionné, efficace et admiré.

Bernard JOUVE Juge de l'application des peines


Prélèvements au profit d'une partie civile des sommes déposées sur la part du compte nominatif réservée à l'indemnisation des parties civiles

Vous avez bien voulu m'interroger sur la conduite à tenir quand une partie civile réclame le bénéfice des prélèvements de la part "parties civiles", alors même que l'incarcération actuelle du condamné est sans rapport avec cette demande de réparation.

Si les victimes de plusieurs affaires différentes peuvent être en concurrence entre elles pour le bénéfice de la part du compte nominatif qui leur est réservé au cours d'une même incarcération (elles sont alors payées au prorata de leur créance), il n'en va pas de même s'il s'agit d'incarcérations différentes.

En effet, la procédure de prélèvement opérée sur les ressources (rémunérations, subsides, ...) des détenus au profit des victimes, telle que prévue par les articles 728-1, deuxième alinéa et D. 325 du Code de procédure pénale, est une procédure dérogatoire du droit commun des voies d'exécution et doit donc, en tant que telle, être appliquée strictement.

Dès lors, le bénéfice de la part "parties civiles" ne peut profiter qu'aux victimes qui sont désignées par le ministère public du (ou des) lieu de condamnation, au cours d'une seule et même incarcération. Si le condamné est libéré alors que ses victimes n'ont pas été, pendant le temps de détention, intégralement indemnisées, elles devront, pour récupérer le solde de leur créance, utiliser, les voies d'exécution d droit commun (saisie-attribution, saisie des rémunérations, saisie-vente, ...) à l'encontre du patrimoine extérieur du condamné.

La réincarcération du condamné pour une autre affaire n'ouvre aucun droit pour les victimes des incarcérations précédentes, qui ne peuvent entrer en concours avec les parties civiles liées aux infractions qui ont justifié la nouvelle incarcération. Ce principe vaut même si la nouvelle détention ne donne lieu à aucun versement au profit de la victime.

Toutefois, dans le cas d'une libération conditionnelle révoquée, donnant lieu à une réincarcération pour effectuer le solde de la peine, les victimes retrouvent leurs droits au bénéfice de la partie "parties civiles" dans la mesure où c'est la première incarcération qui continue (il importe peu que de nouvelles victimes interviennent au titre d'une nouvelle infraction, à l'origine par exemple de la révocation de la libération conditionnelle ; ces dernières entreront alors en concurrence avec les premières victimes, dont les droits avaient été suspendus pendant le temps de la libération conditionnelle).

Ces principes s'appliquent dans les mêmes termes au fonds de garantie des victimes d'infractions quand celui-ci est subrogé dans les droits d'une victime qu'il a indemnisée. En revanche, rien ne s'oppose à ce qu'une partie civile qui ne peut faire valoir ses droits sur la part "parties civiles" de l'incarcération en cours, procède, dans les conditions du droit commun, à une saisie-attribution sur la part disponible du compte nominatif ou à une saisie des rémunérations du détenu.

Vous voudrez bien me tenir informé des difficultés que vous pourriez rencontrer dans l'application de ces instructions.


L'ATIC N'EST PLUS ou QUEL AVENIR POUR LES PLACEMENTS A L'EXTERIEUR?

1er avril 1997 :
une audience pas tout à fait ordinaire au Tribunal de grande Instance de BESANCON: après 8 mois de procédure de redressement judiciaire, les juges constatent que faute de moyens financiers suffisants, l'ATIC (Agir par le travail pour l'Insertion dans la Cité) ne peut payer ses créanciers ni établir un budget en équilibre, et prononcent à contre-coeur la liquidation judiciaire.
C'est que l'ATIC était une institution locale: créée en 1983 pour les besoins de la mise en oeuvre du travail d'intérêt général (Besançon était site-pilote), maître d'oeuvre du placement à l'extérieur (article D131 du Code de Procédure Pénale) à Besançon dès 1985, pionnère dans les alternatives à l'incarcération, l'ATIC avait su réformer la conception des trop classiques sanctions sans lendemain. Elle avait su faire apprécier à la juridiction correctionnelle l'intérêt et l'espoir des sanctions éducatives. Elle était aussi plus largement reconnue, ayant participé à la manifestation de "Remise des Prix des Alternatives à l'Incarcération" organisée au mois de février 1996 par les associations ARDI et ANJAP et le Ministère de la Justice.
Mais malgré cette reconnaissance unanime de son travail, malgré un rapport d'audit de la Trésorerie Générale du Doubs attestant de son coût de fonctionnement particulièrement modeste, l'Administration Pénitentiaire et les collectivités locales ont choisi l'économie apparente et immédiate de l'incarcération classique.
Les difficultés financières de l'ATIC résident dans l'insuffisance de ses ressources:
- prix de journée , 130F, trop faible;
- prix de journée statique: il était déjà à ce montant en 1988!
- prix de journée correspondant au seul entretien matériel du détenu: nourriture et hébergement, sans prise en compte du travail d'accompagnement socio-éducatif;
- diminution du nombre et de la durée des mesures dû aux transferts de nombreux détenus dans les établissements pour peine du "programme 13000";
- fonctionnement en prix de journée laissant sans financement les journées de prise en charge post-libération: 1700 journées sur 5481 en 1996;
- refus des collectivités locales de compenser ces "manques à gagner", la prise en charge des détenus étant une mission de l'Etat. Si l'ATIC est la première à subir la liquidation judiciaire, d'autres connaissent de graves difficultés, activement signalées au Ministère par l'ANJAP et la FNARS, en vain.
Pourquoi donc l'Administration Pénitentiaire prend-elle ainsi le risque de remettre en cause le placement à l'extérieur?
Tout d'abord, elle ne cache pas sa réticence à s'engager avec le secteur associatif, et donne la priorité à la redéfinition de ses moyens et de ses missions par la réforme des Comités de Probation; elle met également en avant sa crainte du changement de politique pénale pouvant accompagner le changement de JAP; ces arguments motivent sa préférence en faveur de la semi-liberté ou de la libération conditionnelle; enfin elle conçoit les aménagements de peine comme un outil de gestion de la surpopulation pénale plus que comme un instrument de réinsertion et de prévention de la récidive.
La vision des JAP diffère sensiblement.
En premier lieu, traiter le placement à l'extérieur comme le parent pauvre des aménagements de peine au prétexte que les JAP n'affectionnent pas cette mesure relève du sophisme: à imposer un parcours du combattant aux JAP désireux de mettre en place une structure de placement à l'extérieur ou d'éviter son dépôt de bilan, on détourne leur intérêt de cette mesure. Peu nombreux en effet sont ceux qui peuvent s'y consacrer, submergés qu'ils sont par le quotidien des innombrables mesures de milieu ouvert, lassés par la pénurie de travailleurs sociaux, de secrétariats, et... de JAP: les statistiques bisontines donnent au 31 décembre 1996 1032 mesures de milieu ouvert pour 1 JAP, 6,2 travailleurs sociaux (166 dossiers par délégué!) et un agent de secrétariat à 80% de temps. Et pourtant un taux officiel de couverture de 100%!
En second lieu, renforcer la semi-liberté et la libération conditionnelle en créant 1200 places de semi-liberté et en élargissant les modalités d'application de ces mesures ne résout pas le problème crucial de la prise en charge des détenus les plus démunis, de plus en plus nombreux. En effet, sauf cas particulier médical ou familial, le prononcé des aménagements de peine, qu'il s'agisse de semi-liberté, de libération conditionnelle ou de placement à l'extérieur, est lié au travail, considéré à juste titre comme le meilleur vecteur d'insertion. La situation économique actuelle, peu favorable à l'emploi, explique d'ailleurs sans doute le déclin de la libération conditionnelle et le peu d'impact de l'élargissement du champ d'application de l'art D49-1 du CPP.
Préparer un aménagement de peine passe dès lors souvent par la recherche d'une prise en charge socio-éducative, aisée à obtenir lorsque l'on est doté d'une association de placement à l'extérieur, beaucoup plus difficile sinon; les associations non spécialisées dans la prise en charge de délinquants sous main de justice n'y voient que des complications, et pas d'intérêt.
Pour citer là encore les chiffres bisontins, l'ATIC prenait en charge chaque année 60 détenus, soit en moyenne 12 présents simultanément (8,5% de la population pénale condamnée de la Maison d'Arrêt de BESANCON). Malgré la variété du paysage associatif bisontin, la disparition de l'ATIC relègue ces chiffres dans le passé.
En troisième lieu, compter essentiellement sur la réforme des Comités de Probation pour crédibiliser les alternatives à l'incarcération dénote une méconnaissance de leur surcharge de travail -celle-ci ne sera que partiellement réglée par le doublement des effectifs prévu dans la loi de programme- et des capacités de mobilisation du secteur associatif.
Qui mieux qu'une association peut assurer une embauche et la maintenir si nécessaire après la fin de peine?
Quant à servir aux associations un prix de journée insuffisant, c'est oublier que les associations ont aujourd'hui des budgets serrés et que parallèlement l'aggravation des phénomènes d'exclusion rend nécessaire un accompagnement social de qualité, donc plus coûteux.
Enfin, la définition de la politique d'alternatives à l'incarcération ne saurait reposer sur la seule idée de gérer la surpopulation pénale. Elle doit surtout viser à favoriser la réinsertion et la prévention de la récidive, et se donner pour celà des objectifs qualitatifs et quantitatifs ambitieux ainsi que des moyens d'évaluation.
Le nombre des sorties en aménagements de peine n'est-il pas choquant comparé à celui des libérations en vertu de décrets de grâces collectives?
Le placement à l'extérieur doit constituer une réponse à part entière à ces préoccupations:
- il est économique: même dans l'hypothèse d'une augmentation significative du prix de journée, son coût reste inférieur à celui de l'incarcération classique;
- il est efficace: le maintien sous écrou exerce une pression forte sur le condamné; le taux d'incidents est faible.
Mais pour prospérer, il doit être crédible, c'est-à-dire :
- doté de moyens suffisants: un encadrement qualifié et spécialisé, condition essentielle à la sécurité et à l'efficacité, nécessite un financement en rapport; la loi met la réinsertion des détenus à la charge de l'Administration Pénitentiai;re
- doté de moyens pérennes: le financement en prix de journée rend les associations vulnérables; un financement par le biais de conventions globales pluri-annuelles avec contractualisation d'objectifs favoriserait une action sereine et lisible;
- accessible aux JAP et aux travailleurs sociaux: ceux-ci doivent pouvoir plus facilement qu'aujourd'hui mettre en place l'aménagement de la peine s'il leur apparaît judicieux;
- confié à des associations spécialisées, y compris "multi-cartes"; il s'agit d'une garantie de compétence et d'accessibilité.
Le Législateur, qui a ouvert au placement à l'extérieur des conditions d'accès plus larges que celles de la semi-liberté, pointant ainsi son rôle de transition vers la sortie définitive, a fait au placement à l'extérieur une vraie place dans le dispositif de lutte contre la récidive.
Puissent les dispositions budgétaires suivre ses intentions éclairées.
Isabelle MARTIN, JAP à BESANCON


JURISPRUDENCE

Travail d'intérêt général - Violation des obligations - Révocation

La condamnation prononcée, en application de l'article 434-42 du Code pénal, pour violation des obligations résultant d'une peine de travail d'intérêt général, ne dispense pas le condamné de l'exécution de cette peine. Statuant sur les poursuites exercées à l'encontre de W. pour inexécution d'une peine de travail d'intérêt général, les juges, avant de condamner le prévenu de ce chef, ont ordonné "la révocation" de la peine inexécutée. Mais en prononçant ainsi, la Cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ; d'où il suit que, sur ce moyen relevé d'office, la cassation est encourue. Chambre criminelle 7 janvier 1997 sur pourvoi n° 96-82.075 PF/71 contre Colmar 20 décembre 1996. Contrainte par corps - Garantie du paiement des droits de procédure L'assujettissement au droit fixe de procédure dont le montant est déterminé par l'article 1018A du Code général des impôts ne peut donner lieu au prononcé de la contrainte par corps prévue par l'article 749 du Code de procédure pénale. L'arrêt attaqué, après avoir précisé que le prévenu était redevable d'un droit fixe de procédure de 800 francs, a prononcé à son encontre la contrainte par corps. Mais en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes et principe sus-énoncés ; d'où il suit que la cassation est encourue de ce chef (cassation sans renvoi).
Chambre criminelle 15 janvier 1997 sur pourvoi n° 95-85.752 PF/295 contre Rennes 3ème chambre 23 octobre 1995.

Contrôle judiciaire - Interdiction de rencontrer certaines personnes

L'interdiction de rencontrer certaines personnes, en raison de leur qualité s'applique de plein droit à celles qui figurent déjà dans la procédure, à la date de la décision, et entre ainsi dans les prévisions de l'article 138-9° du Code de procédure pénal, qui n'impose pas la désignation nominative des intéressés.

Rejet Chambre criminelle 9 janvier 1997 sur pourvoi n° 96-84.979 PF/127 contre Aix-en-Provence chambre d'accusation 24 juillet 1996.

(NDLR : cet arrêt peut-il être transposé aux obligations de la mise à l'épreuve ou de la libération conditionnelle ?)

Confusion de peines de plein droit

Attendu qu'aux termes de l'article 112-2.3° du Code pénal les lois relatives au régime d'exécution et d'application des peines, lorsqu'elles auraient pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par la décision de condamnation, ne sont applicables qu'aux condamnations prononcées pour des faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur ;

Attendu que, pour rejeter la requête de AB tendant à la confusion de la peine de 9 mois d'emprisonnement prononcée par le tribunal correctionnel de Paris, le 6 janvier 1994, pour violences commises en 1993, avec celle de 8 ans d'emprisonnement prononcée par la cour d'assises de Paris, le 10 mai 1995, pour viol commis en 1992, l'arrêt attaqué énonce que sont applicables les dispositions de l'article 132-4 du Code pénal selon lesquelles la confusion de peines de même nature n'est que facultative ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que, conformément aux articles 18 et 40 anciens du Code pénal, une peine privative de liberté d'une durée de 8 ans infligée pour un crime commis avant le 1er mars 1994 était nécessairement celle de la réclusion criminelle et qu'une telle peine absorbait de plein droit une peine correctionnelle venue en concurrence, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;

D'où il suit que la cassation est encourue ; Qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit, ainsi que lE permet l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire, et de mettre fin au litige.

Chambre criminelle 26 septembre 1996 - Pourvoi n° 96-81-284 sur chambre d'accusation Paris 19 décembre 1995.

Réductions de peines - Condamnation prononcée à l'étranger

Il résulte des articles 721 et 721-1 du Code procédure pénale que le juge de l'application des peines ne peut accorder de réductions de peine que pour la période de détention subie en France, incluant, lorsque la condamnation est prononcée à l'étranger, les délais de transfèrement de l'intéressé sur le territoire national

Chambre criminelle 18 décembre 1996 - Cassation sans renvoi


De la perte de sens de l'emprisonnement à l'intelligence de la peine

POUR UNE DYNAMIQUE EVOLUTIVE DE LA SANCTION PENALE

Pendant longtemps s'est maintenue l'illusion qu'il suffisait de laisser le condamné en détention (quoique pourtant en mauvaise compagnie) pour le préparer à devenir un honnête citoyen. Désormais s'interroge-t-on davantage sur le sens de la sanction pénale et son contenu.

La vacuité de la peine d'emprisonnement, temps relatif que l'administration, malgré ses contradictions internes (faut-il punir ou aider ? exclure ou insérer ? ou tout à la fois ?), s'efforce de rendre le moins inconfortable possible, temps d'incohérence et d'incompréhension, laisse apparaître une dramatique perte de sens, nuisible à toute remise en question et reconstruction personnelle.

Plus encore, l'occultation de l'acte initial, cause de l'incarcération, à aucun moment reconsidéré avec le condamné dans son intégralité et dans ses prolongements, réduit celui-ci à n'être qu'un épiphénomène quand il n'est pas écarté, minimisé, voire nié.

Ainsi, dans le domaine de la délinquance sexuelle, le clivage est grand entre l'acte originel et la conséquence tangible de celui-ci: la détention. Et l'on peut légitimement s'interroger sur la progression ou la régression personnelle de ceux qui sont confiés pour des années à l'administration pénitentiaire.

Dans l'hypothèse -rare actuellement- de soins demandés par le condamné, à l'ignorance du thérapeute quant aux faits et au comportement de leur auteur depuis ceux-ci (et notamment au cours de la procédure judiciaire ou en détention) fait écho l'ignorance du juge de l'application des peines dont la mission d'individualisation de la sanction pénale se heurte aux moyens dérisoires dont cette fonction est dotée. Aussi, dans le cache-cache professionnel que se jouent praticiens médicaux et judiciaires, c'est généralement le transgresseur sexuel qui se cache le mieux, quant il n'utilise pas les praticiens professionnels comme alibis.

Malgré l'ambiguïté d'une peine de soins, le projet de loi instituant une peine de suivi socio-judiciaire présente néanmoins trois qualités indéniables:

- Il permet l'information du praticien médical qui pouvait se voir opposer le secret judiciaire, étant choisi par le patient-condamné, et était donc exclusivement informé par celui-ci des faits commis -avec les risques de manipulation que l'on imagine. Désormais la vérité des faits est introduite dans la thérapie.

- Il organise également l'information du juge de l'application des peines, dont l'ignorance dans laquelle il était laissée pouvait être criminogène: si l'on veut que celui qui juge les condamnés dans la durée puisse répondre aux attentes de justice quant aux délinquants sexuels, encore faut-il qu'il ait les moyens d'être bien informé. Le médecin coordonnateur, interface entre le juge et le thérapeute, permet à la justice de n'être pas aveugle.

- Il renforce l'efficacité du juge de l'application des peines, lui donnant les moyens pour agir, puisque celui-ci pourra notamment interdire au condamné d'exercer une activité professionnelle ou bénévole le mettant en relation avec des mineurs, et mettre à exécution la peine d'emprisonnement si le condamné refuse le contrôle, sans attendre surtout la commission d'une nouvelle infraction.

Est-il besoin de rappeler ici que le juge agit intrinsèquement en vue du bien commun ? Permettant de mieux éviter le déni, instituant un dialogue vrai, favorisant des décisions de justice éclairées, le suivi médico-social est une première avancée pour donner un contenu plus satisfaisant quant à la réaction sociale exprimée par l'institution judiciaire et pour répondre avec cohérence aux actes de délinquance sexuelle.

La question d'une incitation, injonction ou obligation de soins apparaît devoir être relativisée dès lors qu'on ne saurait instituer une coercition physique en détention. En revanche, il est essentiel que soit signifié au condamné que le juge de l'application des peines tirera par la suite toutes conséquences juridiques de son comportement au cours de la détention. Il importe en effet que l'évolution progressive de la peine, individualisée et non systématisée, réponde à l'évolution personnelle et aux actes successifs accomplis par le condamné en relation avec les faits initialement commis, pour en résoudre les causes et réparer les conséquences autant qu'il est possible et que celui-ci en soit avisé.

Mais semblable prise en compte du condamné impliquerait au préalable que, postérieurement au jugement, le juge qui a eu connaissance de l'affaire (au tribunal correctionnel ou à la cour d'assises), une fois la condamnation prononcée, en audience de cabinet (voire en détention), puisse expliquer le sens de la peine, signifier les attentes de la justice à l'égard du condamné, et lui dire qu'ultérieurement celle-ci tirera toutes conséquences juridiques de son comportement et de sa progression personnelle au cours de la détention.

On ne peut que déplorer qu'il y ait rupture du dialogue judiciaire développé tout au long de la procédure, rupture qui entraîne inéluctablement une perte de sens de la peine. A partir de son aspiration -inévitable en l'absence de souffrance personnelle- aux bénéfices primaires (accéder à la liberté ou tout au moins à une amélioration de sa situation judiciaire), le transgresseur sexuel ne saurait-il accéder à des bénéfices secondaires en termes d'équilibre personnel retrouvé ?

Peut-être doit-on ici souhaiter un plus grand professionnalisme des acteurs judiciaires, médicaux et pénitentiaires, afin d'entraîner une remise en question du condamné dès le prononcé de la peine pour l'inciter à donner une explication à l'acte (même partiellement et imparfaitement dans un premier temps), lui permettre de se l'approprier pour le mieux dépasser en assumant son passé, réparer symboliquement la souffrance causée (soins psychiatriques ou psychologiques -en tant qu'ils sont liés à une remise en question personnelle, indemnisation vraie de la victime, éloignement du milieu d'origine...), accepter enfin la réaction sociale se manifestant par la peine, l'expérience montrant que dans d'autres domaines, les condamnés qui ont suivi ce parcours de justice doivent ressortir de procédures de libération anticipée puisque justifiées.

Par-delà une pseudo-réintégration actuelle, fruit de remises de peine systématiques par décrets de grâce présidentiels et réductions de peine dont les juges de l'application des peines ne peuvent que se soumettre à l'automaticité, qui mettent abruptement fin à la période de détention, n'y aurait-il place pour une justice qui ne se pose pas en seuls termes d'exclusion ou d'inclusion brutales mais puisse envisager une évolution rapide de la sanction pénale pour ceux qui s'inscrivent dans un processus avéré de réparation et de réconciliation sociale ?

Godefroy du MESNIL du BUISSON, Magistrat, Maître de conférences à l'Ecole nationale de la magistrature


La bureaucratisation du post-sentenciel

Je ne voudrais pas que mes propos soient entendus comme une injure par tous ceux, et ils sont nombreux, qui se décarcassent pour faire vivre le post-sentenciel.

L'action sociale est dans mon esprit la résultante des conditions structurelles, organiques de la tâche et de la part de jeu que conservent les acteurs dans l'interprétation de leur rôle. Dans le cadre du post-sentenciel le poids des contraintes structurelles est immense et de ce point de vue mon propos n'est pas de mettre sur la sellette juges de l'application des peines ou travailleurs sociaux. Mais ces pesanteurs, aussi lourdes soient-elles, n'entravent cependant pas totalement les possibilités d'invention et d'innovation et expliquent que les réalités post-sentencielles ne soient pas totalement identiques dans toutes les juridictions. Parler scientifiquement du post-sentenciel est chose malaisée.

1. Les recherches en la matière sont si rares que n'existe pas un fond commun de réflexion, une sorte de culture d'investigation. Les travaux que j'ai consacré à ce thème s'appuient certes sur une vingtaine d'années d'observation des pratiques mais ils souffrent trop d'absence de contradiction pour être incontestables.

2. Parler de façon générique de ce qui se passe à Paris, à Bayonne et à Besançon écrase des sensibilités différentes même si j'ai pu remarquer au cours de mes pérégrinations une étonnante homogénéité des pratiques.

3. Si mon analyse a le mérite de n'obéir à aucune stratégie professionnelle (les travaux dans ce champ ne bénéficient d'aucune reconnaissance de la part de l'establishment scientifique) ou logique de marché (je n'ai rien à vendre et ne suis en concurrence avec personne) elle court le risque de sombrer dans le piège qu'elle dénonce, la bureaucratisation. Car mon diagnostic de bureaucratisation est assez ancien. Il apparaît pour la première fois dans une recherche publiée en 1989 , mais les propos écrits, dix ans plus tôt dans ma thèse ne s'en éloignent qu'assez peu.

La seule façon pour moi de savoir si je suis victime d'une certaine bureaucratisation intellectuelle est de confronter mes idées aux vôtres. Je ferai d'abord le constat de la bureaucratisation, avant d'en évoquer les raisons et d'en proposer quelques antidotes.

1. Le constat de la bureaucratisation du post-sentenciel

Je prendrai deux indicateurs précis, la probation et le travail d'intérêt général, pour parler de ce processus de bureaucratisation.

Mais le fait d'avoir travaillé également sur le fonctionnement des comités de probation, des services socio-éducatifs pénitentiaires, sur les politiques de partenariat, sur le service unifié, sur l'évaluation nationale des permanences d'orientation pénale, m'autorise, je le pense, à généraliser mon propos.

Jacques VERIN s'est posé pour la première fois la question de l'efficacité sociale de la probation en 1971 . Ses propos étaient iconoclastes s'agissant d'une institution portée sur les fonds baptismaux par l'optimisme réformiste et humaniste du courant de la défense sociale nouvelle dans le bouillonnement intellectuel de l'après-guerre. Car plus que toute autre, cette institution a fait un véritable « tabac ». Son utilisation quantitative s'accrut sans discontinuer depuis sa création jusqu'à ces dernières années.

En 1979 j'observais à mon tour un certain désenchantement dans sa mise en oeuvre. La mesure est utilisée comme un moyen efficace de recouvrement de fonds dans l'intérêt des victimes. Pour le reste, l'action est incertaine, ni répressive, ni thérapeutique, ni d'assistance ni de contrôle. Le bricolage et les dépannages pratiqués ne s'attaquent pas au problème de fond de la transformation de la trajectoire sociale des individus. Rompant avec les principes répressifs traditionnels mais ne s'entrouvrant qu'a minima aux sciences humaines, je diagnostiquais que la probation n'était qu'une peine perdue, no man's land de l'assistance, no man's land de la répression. Déjà le travail semblait victime d'une routinisation.

Aujourd'hui la situation s'est aggravée avec la multiplication de la charge de travail. La probation en fait la première les frais. C'est là que les logiques d'autorégulation donnent leur pleine mesure. Les sursis probatoires sont pour la plupart ineffectifs, parfois inexistants, parfois limités à une prise en charge formelle en début de mesure, parfois continués mais de façon élastique et rituelle. Quand ils sont effectifs, soit ils sont limités à de simples actions ponctuelles pour répondre généralement à une urgence ou à une demande du délinquant ou de sa victime soit (rarement) ils sont investis de façon démesurée pour des raisons qui restent personnelles aux agents (intérêt intellectuel, gratification, relation de sympathie...) car dans l'ensemble chacun des acteurs jouit d'une grande autonomie sélective.

La concurrence du privé à partir de l'ouverture du marché pré-sentenciel aux associations de contrôle judiciaire dynamisera les comités pour la mise en place des TIG. Le travail de prospection des structures d'accueil fut intense, la sensibilisation des acteurs de terrain très soignée.

Pourtant comme il est d'usage en la matière le soufflet retombera assez rapidement, le poids des contraintes épuisera l'énergie pionnière. L'application du TIG s'est modélisée non pas sur ses aspects pédagogiques mais sur les possibilités structurelles de l'institution judiciaire à la mettre en oeuvre. On constate donc: -des logiques d'organisation de la peine ou la préoccupation essentielle des juges de l'application des peines et des éducateurs est de faire exécuter la sanction le plus rapidement possible.

En conséquence, le CPAL recherche une structure qui puisse assurer en continu l'accueil du condamné et éviter le fractionnement du travail. Cela signifie également qu'il s'adresse à des structures avec lesquelles la collaboration est rodée et qui peuvent presque au pied levé prendre en charge le tigiste. Toutes les entraves matérielles à la vitesse d'exécution (déplacements, absence de moyens) devront être réduites à leur plus simple expression avec les effets qu'un tel économisme peut avoir sur la mise en oeuvre des critères d'affectation des condamnés. - une disparition de l'aspect éducatif de la sanction: c'est le travail qui est considéré par lui-même comme éducatif. La tâche est surtout confiée aux mairies (63%) alors que les associations (24%) présentent davantage de garanties pédagogiques. Elle se résume essentiellement à l'accomplissement de travaux d'entretien (71%).

- Les travailleurs sociaux sont placés en interface entre les magistrats qui les mandatent et les condamnés. Avec le TIG la relation se transforme. Le mandat se prolonge de l'éducateur à l'élu ou à l'association, de là au personnel administratif, au personnel technique et parfois à l'ouvrier de base. Cette cascade de délégations place l'agent de probation non plus dans la position éducative qu'il a toujours revendiquée mais dans celle de régulateur, de coordonnateur. Cette position induit la disparition du soutien éducatif et une nouvelle conception du travail éducatif qui s'appuierait sur l'ajustement aux normes sociales, le positionnement face à la loi. Elle induit également la délégation du contrôle aux structures d'accueil. Ce qui surprend le plus l'observateur c'est la puissance de ce mouvement d'uniformisation des pratiques alors qu'aucune modélisation officielle n'est intervenue et qu'au contraire les possibilités d'innovation n'ont jamais été brimées par la Chancellerie.

Mon évaluation nationale des POP si elle concerne le pré-sentenciel confirme ce diagnostic. Les conseillers d'insertion et de probation ont une vision souvent cynique des enquêtes rapides qu'ils considèrent comme formelles, inefficaces et pratiquées dans des conditions désastreuses. Du coup leur action est rituelle, les entretiens sont trop directifs pour permettre l'émergence de problématiques individuelles, les vérifications peu fréquentes et les propositions d'insertion précises rarissimes. En réalité les POP assurent le maintien d'un principe démocratique dans des pratiques de plus en plus administrativisées, permettent une gestion un peu humaniste de l'urgence judiciaire. Les acteurs n'en sont pas dupes.

Le constat de la bureaucratisation est confirmé par la façon dont s'organise le travail social en milieu fermé. Peu nombreux, submergés par la demande, peu reconnus par les personnels pénitentiaires au-delà de leur rôle d'apaiseur de tensions, les travailleurs sociaux ne peuvent assurer leur double mission de réinsertion et d'individualisation. Souvent plus dynamiques car plus jeunes et plus motivés que ceux qui ont "déserté" pour le confort du milieu ouvert, ils sont pourtant doublement prisonniers d'une logique mécanique de réponse aux demandes (qui les empêche de procéder au repérage des besoins), et d'une institution à laquelle ils s'identifient et qui leur fait rapidement perdre le sens du lien avec l'extérieur. En définitive les effets de la bureaucratisation sont d'autant plus problématiques qu'ils entravent la réalisation de ce qui constitue la raison d'être du travail social pénitentiaire, à savoir l'individualisation, la personnalisation des peines.

2. Les raisons de la bureaucratisation

Ces raisons sont multiples et assez connues pour la plupart. Mon propos aura simplement le mérite d'en faire synthétiquement le bilan.

Je distinguerai les raisons structurelles des raisons culturelles et criminologiques même si ces dernières dépendent en grande partie des deux premières.

- Les raisons structurelles

Par rapport à la mise en oeuvre initiale de la probation, de la libération conditionnelle, de la semi-liberté et de l'assistance aux libérés les missions se sont multipliées: contrôle judiciaire en 1970 (relancé par le décret du 23 décembre 1983), participation à la politique de prévention de la délinquance (décret du 8 juin 1983), travail d'intérêt général et SME assorti d'un TIG (loi du 10 juin 1983), enquêtes avant exécution d'une peine d'emprisonnement égale ou inférieure à 6 mois (décret du 6 août 1985, article D. 49-1 du CPP), prise en charge des enquêtes sociales rapides et création de la permanence d'orientation pénale, ajournement du prononcé de la peine avec mise à l'épreuve (loi du 6 juillet 1989). Cette multiplication n'induit pas une rupture éthique sauf pour les enquêtes rapides, qui placent les travailleurs sociaux en position d'expertise, et pour quelques rares initiatives de médiation pénale, qui nécessitent l'acquisition d'une posture de neutralité entre l'auteur de l'infraction et la victime.

La pauvreté des effectifs sociaux (1500 intervenants sociaux pour les quelques 140.000 personnes passant en milieu fermé ou ouvert annuellement) mais également administratifs devant assurer ces tâches entraîne une saturation des services qui fait que parfois le travail effectué tient du miracle. Les mécanismes d'autorégulation ne relèvent dès lors plus seulement d'arrangements individuels mais aussi de la politique des services.

Cette logique de gestion des flux induit des effets de filières peu attentifs aux problèmes humains. Les données statutaires influent également sur le processus de bureaucratisation. Les équipes éducatives placées en sandwich entre la hiérarchie pénitentiaire et l'autorité judiciaire subissent des injonctions paradoxales. Elles jouent d'ailleurs avec cette ambigu¥té pour s'aménager des espaces vitaux d'autonomie.

Mais ce jeu est davantage orienté dans le sens d'une stratégie défensive et immobiliste que dans celui d'initiatives créatrices qui les exposerait. L'action des services est souvent anomique. Les injonctions pénitentiaires sont plus hantées par des logiques sécuritaires qu'éducatives. Quant aux injonctions judiciaires, elles restent peu lisibles. La juridiction est très lointaine et le turn over important des JAP nécessite des adaptations continuelles, pis encore dans les services importants où chaque JAP a des attentes particulières. La création des directeurs de probation n'a pas suffi à atténuer le caractère anomique de ce contexte professionnel.

- Les raisons culturelles

Les magistrats baignent dans une culture extrêmement individualiste qui les empêche de concevoir le travail en équipe. On en trouve des signes à plusieurs niveaux.

Les juges correctionnels prononcent des peines à l'aveugle. Ils ne savent généralement pas en quoi elles consistent, quels sont leur effectivité et leur efficacité, en quoi elles sont ou non adaptées à ce qu'ils croient deviner être le problème des gens qu'ils frôlent pendant les audiences. Du coup ce sont des cohortes de condamnés affublés de sanctions inadéquates qui parviennent devant le service de l'application des peines. On pourrait alors imaginer des modes d'emploi permettant de mieux réussir les diagnostics.

Mais la sensibilité hautaine de beaucoup de magistrats campés sur l'autel de leur indépendance en empêche l'occurrence. Cet individualisme se note aussi chez les JAP. Beaucoup éprouvent des difficultés à travailler véritablement en partenariat dans le cadre des politiques judiciaires de la ville. Ce partenariat est également difficile entre alter ego. Lorsque plusieurs JAP siègent dans une juridiction il est bien rare qu'ils parviennent ensemble à élaborer une politique de service qui soit lisible par tous ceux avec lesquels ils travaillent.

Enfin certains ne conçoivent le lien avec autrui que dans des relations de type vertical dont on sait qu'elles n'ont pas leur pareil pour occasionner le désengagement des équipes.

Les travailleurs sociaux éprouvent également des difficultés à dépasser une idéologie professionnelle construite à une autre époque pour d'autres besoins. Prisonniers de logiques individuelles d'assistance ils ressentent comme menaçant et leur identité professionnelle et les libertés publiques toute tentative de mise en commun des actions. Eux aussi s'investissent modérément dans les politiques de la ville et le font souvent en vertu de leurs sensibilités personnelles plus qu'en fonction d'une démarche construite collectivement.

Leur méthodologie traditionnelle axée sur la relation individuelle les rend peu enclins à s'adapter à une politique de service, ce que déplorent de nombreux « managers », ou de juridiction.

Ces différentes logiques culturelles expliquent que les relations entre les services de l'application des peines et la juridiction soient souvent médiocres. Sans doute est-il de la fonction des JAP de servir de courroie de transmission et tous s'y emploient.

Mais d'une part ils sont encore, quoique moins que dans les années pionnières, marginalisés par l'institution, d'autre part leur activisme relationnel est susceptible de produire des effets pervers. En participant assidûment à la vie institutionnelle, en siégeant en correctionnelle ils contribuent à une meilleure connaissance du service de l'application des peines, à une meilleure adaptation des sanctions mais ils font en même temps écran à des relations directes entre travailleurs sociaux et magistrats, des relations qui se doivent d'être empathiques et non pas abstraites pour porter des fruits et renverser la mauvaise image qu'ont parfois les juges des services de probation.

- Les raisons criminologiques

Il n'existe pas en France d'évaluation qualitative du travail accompli dans le post-sentenciel. Mais l'idéologie nord-américaine du nothing works envahit cependant les représentations.

Le bon vieux modèle de réhabilitation sur lequel s'est bâtie la politique pénale depuis 45 s'effondre. Les moyens d'insérer socialement les individus par le travail sont devenus presque inexistants, les situations de précarité renforcent les récidives, le constat d'une fidélisation de la clientèle renforcent une analyse déterministe de la délinquance et finissent par rebuter les dépenses d'énergie.

Cela nourrit une crise du sens de l'action qui tend à être soulagée par le développement d'un discours "légophile" vantant la pédagogie de la limite, du rappel à la loi, de la confrontation aux normes. Mais cette évolution est encore floue et ne constitue pas un véritable modèle d'intervention.

Il n'est que d'observer la réticence à sanctionner l'inobservation des engagements dans le cadre des sanctions alternatives pour le saisir. Les sanctions alternatives à l'emprisonnement traversent une profonde crise morale non pas tant du fait de l'affaissement du modèle réhabilitatif que par le constat maintenant accablant de leur non-alternativité. La fiction de l'archipel carcéral de Michel Foucault se vérifie. Si ces mesures permettent parfois de raccourcir les temps d'emprisonnement elles n'évitent par l'incarcération. Elles ne bénéficient qu'à des types de population, jeunes, primaires, qui n'auraient en leur absence pas connu la prison. Pas question dès lors de sanctionner les inexécutions quand cette rupture du contrat aurait des conséquences pénales plus graves que l'infraction ayant motivé la condamnation initiale.

Attribuées sans qu'il soit tenu compte des besoins du délinquant ou de ceux de la victime elles semblent simplement concourir à une extension du contrôle social par diversification des sanctions. Détachées de leur ambition alternative à l'emprisonnement elles se trouvent orphelines d'un sens éducatif qui leur assurerait un autre type de légitimité. Tout ceci renforce évidemment la tendance aux replis anxieux, à la bureaucratisation qui apparaît ici non pas comme le signe apparent d'une paresse structurelle mais comme un mécanisme de gestion de l'incertitude.

Pour réenchanter le post-sentenciel

Le modèle humaniste sur lequel nous travaillons encore a tenu plus d'un demi-siècle.

C'est beaucoup pour une époque marquée par des changements extrêmement rapides dans tous les domaines de la vie sociales. Il faut le régénérer, lui substituer un autre modèle. la bureaucratisation est un mode institutionnel de survie dans un contexte de transition qui bouscule les habitudes et les grilles d'analyse pour en proposer de nouvelles. Elle est refus de l'existant et résistance au changement. Cette résistance est naturelle dans un contexte où l'on propose des réformes parcellaires et ponctuelles sans avoir au préalable défini une politique globale de contrôle social.

Mais se réfugier dans un entre-deux méfiant ne peut perdurer. Les institutions ne peuvent survivre indéfiniment sans objectifs.

Le "restorative" modèle tient en ce moment la corde pour remplacer le modèle réhabilitatif. Il vise à décentrer le fonctionnement d'un système essentiellement préoccupé par le bien-être des délinquants sur une prise en compte globale des intérêts de la collectivité, des victimes et des délinquants. La sanction doit donner l'occasion d'une réparation instrumentale du préjudice mais surtout symbolique. Cette réparation concerne autant la victime que l'auteur de l'infraction. Dans cette optique elle encourage le dialogue, organise une coopération, donne un rôle clé aux victimes et aux offenseurs qui ont une responsabilité dans la résolution de ce qui est avant tout leur problème. Les relations entre victime et offenseur sont donc primordiales et la mal fait par l'offenseur est équilibré non pas par une sanction abstraite qui lui est infligée mais par le bien qu'il doit faire en contrepartie de son acte.

Il faut développer la réparation en multipliant les occasions de rencontre entre délinquants et victime afin que l'auteur soit confronté aux conséquences de son acte pour la victime, ait l'occasion de s'exprimer sur ce qui lui est arrivé. Il ne faut pas que les condamnés aient l'impresssion qu'en purgeant leur peine ils reglent leur affaire. Ils doivent être réellement confrontés à leur acte, faire un travail sur lui, la peine devant être l'occasion d'agir et non pas de subir sa responsabilité.

Mais il existe aussi d'autres moyens, parfois plus tangibles, de freiner les logiques bureaucratiques et leurs effets mortifères, parmi lesquels il vient naturellement à l'esprit d'augmenter le nombre des personnels et d'accroître les moyens. Mais ce remède structurel ne suffirait pas à redonner une âme au post-sentenciel.

Pour ce faire je mets en débat les propositions suivantes:

- le délestage des tâches de recouvrement de fonds vers des organismes non sociaux

- l'abandon du pré-sentenciel et des tâches d'expertise sauf à redéfinir l'éthique de l'action éducative

- le recours plus intense au secteur privé dans la mise en oeuvre des alternatives mais en gardant un rôle de tenseur de manière à ce que les mécanismes du marché ne s'imposent pas aux logiques éducatives et judiciaires

- la suppression de l'affectation milieu fermé/milieu ouvert des travailleurs sociaux pénitentiaires et la multiplication des services unifiés

- la création d'un grand corps de travailleurs sociaux de la justice ce qui supposerait de renoncer à la césure mineur/majeur et au rattachement à l'administration pénitentiaire

- le développement du caractère juridictionnel de l'activité des JAP et des droits de la défense dans le post-sentenciel. Sa juridicisation (voies de recours, système de défense et d'information juridique, développement d'une jurisprudence....) est de nature à contribuer à sa reconnaissance institutionnelle.

Enfin la nécessité de créer des instances locales de réflexion sur la politique pénale me paraît indiscutable. Il est urgent pour sortir de l'anomie actuelle de donner du sens et du liant à un ensemble d'initiatives segmentées et incohérentes. La question du post-sentenciel n'est pas détachable de l'ensemble des questions pénales de la juridiction. Ces instances auraient pour mission d'instaurer une communication véritable entre tous les acteurs impliqués (parquet, juges, travailleurs sociaux, partenaires), une connaissance et une reconnaissance de tous par tous, l'évaluation critique des résultats de l'action. Pour ce faire elles se doivent d'abandonner le caractère formel et vertical des habituelles assemblées judiciaires et permettre le développement d'un esprit d'équipe dans le respect des différences statutaires et éthiques propres à chaque corps.

Seule une petite révolution culturelle de ce type est susceptible d'indiquer un cap à des mesures post-sentencielles en dérive.

Jacques Faget, chercheur au CNRS lors d'un colloque organisé par l'ANJAP au Sénat le 6 février 1997


LA COMMISSION DE RÉFLEXION SUR LA RÉFORME DE LA JUSTICE

Monsieur le Président,

La commission de réflexion sur la réforme de la justice dont vous assurez la présidence a reçu pour mission de conduire une réflexion et de faire des propositions relatives à l'éventualité d'une suppression du lien hiérarchique entre le ministère public et le garde des sceaux, sur les sources de la légitimité d'une autorité judiciaire qui serait devenue totalement indépendante, et sur le développement du respect de la présomption d'innocence.

Si, dans le cadre de la mission fixée initialement, l'Association nationale des juges de l'application des peines ne se sentait que très indirectement concernée, dans la mesure où la mission de la commission a été plus largement étendue à l'indépendance de la justice et, de manière plus générale, à l'amélioration de celle-ci, il nous est apparu opportun de vous faire part de notre réflexion relative à la place du parquet dans les procédures d'exécution des peines, tant en ce qui concerne la mise en oeuvre des décisions de justice que les recours contre les ordonnances rendues par les juges de l'application des peines et leur audiencement.

A- La place du ministère public dans l'exécution des sanctions pénales

Traditionnellement, tant la doctrine que les praticiens judiciaires déplorent la lourdeur et la complexité inutile des procédure de mise en oeuvre des sanctions pénales. Si l'art. 707 du code de procédure pénale prévoit que le ministère public et la partie civile poursuit l'exécution de la sanction pénale chacun en ce qui le concerne, il est utile de s'interroger sur la pertinence d'un service de l'exécution des peines relevant de l'autorité du procureur de la République et ce, pour deux raisons:

1- Il est surprenant que la mise en oeuvre d'une sanction pénale puisse échapper aux magistrats du siège qui en ont été à l'origine. Bien qu'aucune disposition du code de procédure pénale ne prévoie quelque opportunité dans l'exécution d'une décision de justice, les juges de l'application des peines n'ignorent pas que certains jugements ou arrêts n'ont pas été ramenés à exécution, cependant que d'autres étaient exécutés abruptement, provoquant une incarcération sans ménagement, dans certains cas au mépris des dispositions de l'art. D. 49-1 du code de procédure pénale relatif à la saisine du juge de l'application des peines pour les courtes peines d'emprisonnement concernant des condamnés libres. Le fait que la mise en oeuvre d'une décision de justice pénale relève d'une des parties au procès, fût-ce la partie poursuivante, ne nous apparaît aucunement justifié dans un Etat démocratique.

2- Il n'est pas inutile de rappeler que la lenteur dans la mise en oeuvre des peines s'explique notamment par les différents noeuds d'engorgement au sein d'une même juridiction, en particulier entre les services du greffe correctionnel et de l'exécution des peines. Or ces derniers effectuent des tâches principalement administratives (transmission d'extraits de condamnation au juge de l'application des peines, au casier judiciaire, aux services fiscaux...) qui sont susceptibles être utilement confiées au greffe correctionnel sous l'autorité du juge de jugement, celui-ci pouvant être opportunément saisi des incidents. Pareille modification permettrait à la fois de mettre fin aux interminables transmissions entre ces deux services des jugements contradictoires à signifier et favoriserait une saisine plus rapide des services. Les juridictions qui ont mis en place la transmission directe (ou "saisine directe") des jugements rendus au juge de l'application des peines n'ont pu que se féliciter de l'amélioration en rapidité que celle-ci a provoqué.

Dans la mesure où la commission que vous présidez est chargée de formuler des propositions de simplification procédurale, il nous apparaît essentiel à ce titre de porter à sa connaissance l'exigence d'une simplification de la mise en oeuvre des décisions de justice pénale gage d'une plus grande efficacité de celles-ci.

Aussi notre association réclame-t-elle que soit supprimé le service de l'exécution des peines, ses attributions étant confiées au greffe correctionnel sous l'autorité d'un magistrat du siège, tant pour rendre non contestable la réalité de l'exécution des décisions de justice même dans les dossiers sensibles, que pour accélérer leur mise en oeuvre, mettant fin à un noeud d'engorgement supplémentaire au sein des juridictions.

On peut en effet s'interroger sur la légitimité d'un magistrat du parquet pour être chargé de l'exécution d'une décision de justice pénale. Cette amélioration permettrait de surcroît de faire davantage prendre conscience aux magistrats du siège du devenir des décisions qu'ils rendent et permettrait de rendre au ministère public son rôle de contrôle de l'action des magistrats du siège à tous les stades de la procédure.

B- Les recours contre les ordonnances rendues par les juges de l'application des peines et leur audiencement

Les recours contre les décisions des juges de l'application des peines relatives aux peines privatives de liberté sont prévus par les art. 733-1 et 722 du code de procédure pénale. On peut à juste titre s'étonner que ces recours ne soient ouvert qu'à une seule partie, le procureur de la République, sans considération pour une "égalité des armes" au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, et laissant une place prépondérante au parquet. Mais surtout, que ce soit devant le tribunal correctionnel (art. 733-1) ou devant la cour d'appel (art. 722, ainsi que dans le projet de loi actuel instituant une peine de suivi médico-social ), il doit être observé que l'ordonnance rendue par le juge de l'application des peines est portée devant la formation de jugement choisie par le ministère public -qui, dans la pratique judiciaire, se révèle souvent être la composition dont la jurisprudence se rapproche le plus des attentes du parquet -qui s'en étonnerait ?

En conséquence, il nous apparaît indispensable que le choix de l'audiencement ne relève plus du ministère public mais du président du tribunal de grande instance, celui-ci pouvant, comme tel est le cas en matière civile, fixer le contentieux relevant de la compétence de chaque formation de jugement et, bien évidemment, affecter toutes affaires urgentes (notamment en ce qui concerne la comparution immédiate à l'initiative du parquet) à la formation de jugement adéquate.

Puisque le président du tribunal désigne le juge chargé d'instruire, comment ne pas s'étonner qu'il ne désigne pas le juge chargé de juger ? Il ne nous semble pas satisfaisant, dans un Etat démocratique, qu'une des parties, en l'occurrence la partie poursuivante, puisse choisir son juge.

S'il nous a paru opportun de porter à votre connaissance les propositions d'amélioration de notre association susceptibles de retenir votre attention et d'enrichir la réflexion de votre commission, il serait utile que nous puissions développer devant celle-ci les questions sur lesquelles celle-ci souhaiterait recevoir une information plus précise. Aussi sollicitons-nous de votre part de bien vouloir entendre l'Association nationale des juges de l'application des peines et nous tenons-nous à votre disposition à la date susceptible de vous convenir.... Dans l'attente de votre réponse, ..

Le Président, Pascal FAUCHER


A LIRE


- Les "Magistrates Courts" en Angleterre : une justice rendue par des édiles de proximité, par Bill Blackburn, sollicitor of the Supreme Court of England and Wales, et Philip Jenkinson, avocat au barreau de Lille - Gazette du Palais n°218 6/7 août 1997.

- "L'isolement carcéral isolé" par Martine Herzog-Evans, maître de conférences à Paris X - Nanterre. Note sous Conseil d'Etat 28 février 1996 Fauqueux n°106-582 : La mise à l'isolement d'un détenu cnstitue une mesure d'ordre intérieur, insusceptible de recours pour excès de pouvoir, dès lors qu'elle n'a pas pour effet d'aggraver les conditions de détention, et qu'elle n'est pas, par nature, susceptible d'exercer une influence sur la situation juridique du détenu (Note critique de cet arrêt).


PRATIQUE JUDICIAIRE

LE SUIVI DES DOSSIERS DES PROBATIONNAIRES INCARCÉRÉS : LE SOIT-TRANSMIS DE CONVOCATION DE DÉTENU

Pourquoi ?

Lorsque le juge de l'application des peines est informé de l'incarcération d'un condamné placé sous son contrôle, quel que soit l'origine de cette information (avis de nouvelle poursuite adressé par le ministère public, condamné prévenant de ce changement de résidence, établissement pénitentiaire avisant de l'incarcération, agent de probation contacté par l'entourage du condamné, juge d'instruction informant d'un placement en détention provisoire...), celui-ci peut rendre une ordonnance d'incarcération provisoire et de saisine du tribunal correctionnel à l'égard du condamné en cas d'inobservation des obligations au cours de la période d'épreuve; il peut également envisager de convoquer ce dernier après sa libération de l'établissement pénitentiaire. Cependant, il est extrêmement difficile de savoir avec certitude la date exacte à laquelle une période de détention doit prendre fin, celle-ci dépendant de nombreuses mesures relevant de la compétence d'autorités différentes: réduction de peine ordinaire voire supplémentaire, remise de peine par décret de grâces collectives, libération conditionnelle, mise en liberté faisant suite à une ordonnance de placement en détention provisoire... Aussi, la pratique judiciaire est-elle souvent d'adresser à l'établissement pénitentiaire de détention une demande d'information sur la situation pénale du détenu comme prévu à l'art. D. 468 cpp. Mais la fiche pénale qui sera adressée au juge de l'application des peines ne portera mention que de la date théorique de libération. Une convocation pourra également être adressée au détenu sans qu'aucune date ne puisse être fixée précisément, la date de libération n'étant que rarement certaine, avec la mention fréquente d'avoir à se présenter à sa libération au comité de probation. Mais cette convocation pourra n'être pas suivie d'effet, sans que le juge ne puisse toujours déterminer avec précision si le détenu en a eu connaissance, à défaut d'avis de réception. Aussi, en cas de non comparution, la suite à donner au dossier pourra être délicate. En considération du nombre important de condamnés placés sous le contrôle du juge de l'application des peines et incarcérés par un autre magistrat en cours de période probatoire (éventuellement pour des infractions commises antérieurement à la période d'épreuve), il peut apparaître opportun de systématiser le traitement de ce type de dossiers afin que le juge de l'application des peines puisse être informé au mieux préalablement à la décision qu'il pourra être amené à prendre, en demandant au greffe de l'établissement pénitentiaire, seul à connaître précisément la date de libération du détenu, de lui notifier à ce moment seulement une convocation devant le juge.

Comment ?

Le document annexé à titre d'illustration (dont la mise en page peut être adaptée, notamment à l'utilisation informatique si nécessaire) contient trois parties :

- une "convocation obligatoire" à remettre au condamné afin que celui-ci puisse avoir connaissance de la date à laquelle il est convoqué devant le juge de l'application des peines (cette date de convocation pouvant être fixée la deuxième semaine suivant la libération du détenu, afin que le juge ait reçu toutes informations utiles dont la fiche pénale, permettant de calculer avec précision la date d'expiration de la période d'épreuve, et puisse apprécier la situation exacte du condamné d'après les documents remis -ex. reprise effective d'emploi...);

- un soit-transmis adressé à l'établissement pénitentiaire demandant de vérifier la présence du détenu à l'établissement, de recueillir son adresse déclarée (qui peut être différente de son lieu de résidence au moment de l'incarcération et porté sur la situation pénale), ainsi que la mention attestant que le détenu a reçu convocation, précisant la date et indiquant que le condamné a été avisé des conséquences de sa non comparution;

- un coupon à remplir par l'établissement pénitentiaire précisant l'adresse du juge de l'application des peines à l'origine de la demande, par lequel le greffe informe de la libération du détenu (ou de sa libération antérieure à la réception du soit-transmis du juge), et communique la dernière situation pénale, seule à permettre de déterminer la durée exacte pendant laquelle le délai d'épreuve (ou d'exécution d'un travail d'intérêt général) a été suspendu, et d'en déduire en conséquence la date d'expiration de la période de surveillance judiciaire.

Ce document, rempli par le juge ou son secrétariat, plié de manière à laisser apparaître principalement le soit-transmis adressé au directeur de l'établissement pénitentiaire, pourra indiquer au condamné la condamnation le concernant, afin que celui-ci puisse utilement préparer son audition au regard de l'infraction commise, de ses causes et conséquences. Le soit-transmis de convocation de détenu, s'il nécessite que le juge de l'application des peines détermine une demi-journée de disponibilité dans la semaine (le jour et l'heure figurant dans le document joint sont bien évidemment indiqués à titre de simple illustration), s'adresse essentiellement au détenu, permet de s'assurer de sa présence et ne fait pas obstacle à un éventuel renvoi en cas d'indisponibilité du juge. Ne restreignant en rien la liberté du juge de l'application des peines (celui-ci pouvant notamment adresser une nouvelle convocation par agent de la force publique au cas où le condamné ne comparaîtrait pas à la convocation remise par l'établissement pénitentiaire, mais adressée au moins à l'adresse déclarée) permet surtout que des dossiers soient signalés en temps utile par les services qui ont le mieux connaissance de la situation du détenu, favorisant ainsi des décisions mieux informées et évitant la multiplication des ordres de recherche dont on sait les effets aléatoires.

G du Mesnil - Septembre 1997.


TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE yyy
_________
Le Juge de l'application des peines
_________
Je vous prie de bien vouloir :
1° vérifier que
né le:
est actuellement détenu dans votre établissement pénitentiaire et lui faire remplir lors de sa mise en liberté, l'avis ci-dessous :
2° lui remettre la convocation ci-contre après en avoir fixé la date précise;
3° me retourner le présent soit-transmis complété au verso et accompagné de la situation pénale du condamné.
yyy , le ...............................
le Juge de l'application des peines,
Je soussigné (prénom et nom)
certifiant être domicilié
déclare être avisé que je dois impérativement me présenter devant le Juge de l'application des peines de yyy
le lundi suivant ma libération,
soit le lundi
et qu'à défaut je pourrai être recherché et voir la peine me concernant révoquée.
Reçu convocation le
(Signature)
CONVOCATION OBLIGATOIRE
(Partie à remettre à lÕintéressé lors de sa libération)
En application de la décision de justice vous concernant,
dont la nature sera portée à votre connaissance, vous vous présenterez impérativement devant le Juge de l'application des peines au Tribunal de grande instance de yyy à 14 heures.
Vous vous munirez de votre bulletin de sortie, d'une pièce d'identité, d'une photographie et de tous documents utiles justifiant de la stabilisation de votre situation personnelle et judiciaire (domicile, emploi, santé, indemnisation des victimes...).
Je vous informe que votre présence est indispensable et qu'à défaut de venir à la date ci-dessus fixée, vous pourrez faire l'objet de recherches et encourez la révocation du sursis vous concernant.
Le Juge de l'application des peines,
Palais de justice - Service de l'application des peines - Comité de probation (Adresse et téléphone)

A retourner une fois rempli à Monsieur le Juge de l'application des peines à yyy (adresse)
J'ai l'honneur de porter à votre connaissance que le détenu (prénom et nom) domicile
(cocher la case utile)
® a été libéré de l'établissement pénitentiaire le et qu'il lui a été remis convocation devant vous pour le lundi Son attention a été attirée sur l'importance de la convocation. (si le détenu ne sait pas lire, le préciser ici)
® a été libéré antérieurement le
® sera toujours détenu à la date limite de validité fixée au verso.
® n'a jamais été détenu dans l'établissement.
p./ le Directeur de la Maison d'arrêt, le Greffier,
Joindre une fiche relative à la situation pénale du condamné.


DE TOUT UN PEU ...Informations rapides...

Suivi socio-judiciaire des délinquants sexuels

C'est la dénomination désormais retenue dans le projet de loi relatif à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs présenté le 3 septembre 1997 par le nouveau gouvernement, et adopté en première lecture le 1er octobre par l'Assemblée nationale. La modification du précédent projet de loi est essentiellement d'ordre terminologique:

- la durée du suivi est fixée par la juridiction de jugement et, comme dans le projet initial, dans la limite de cinq ans pour les délits, dix ans pour les crimes;

- la durée de l'emprisonnement encouru en cas d'inobservation des obligations imposées ne peut excéder, comme dans le projet initial, deux ans en matière délictuelle, cinq ans en matière criminelle;

- un avertissement solennel est donné par le président de la juridiction de jugement;

- une injonction de soins peut être prononcée après expertise médicale par la juridiction de jugement ou, ultérieurement, le juge de l'application des peines, aucun traitement ne pouvant être entrepris sans le consentement du condamné, mais l'emprisonnement pouvant être mis à exécution en cas de refus de soins (formulation nouvelle);

- le suivi socio-judiciaire ne peut être ordonné en même temps qu'une peine d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve total ou partiel (disposition nouvelle);

- les mesures de surveillance et obligations particulières du sursis avec mise à l'épreuve peuvent être ordonnées par la juridiction de jugement ou le juge de l'application des peines; en ce cas, le condamné, mais aussi le ministère public peut exercer un recours devant le tribunal correctionnel;

- en cas d'inobservation des obligations ou de l'injonction de soins, le juge de l'application des peines peut ordonner la mise à exécution partielle ou totale de l'emprisonnement prononcé par la juridiction de jugement à l'issue d'un débat contradictoire, par décision susceptible d'appel, le juge pouvant décerner mandat d'amener ou d'arrêt si nécessaire;

- le juge de l'application des peines avise tous les six mois le détenu condamné à un suivi socio-judiciaire comportant une injonction de soins de la possibilité d'entreprendre un traitement (le premier projet prévoyait une incitation chaque année);

- le juge de l'application des peines désigne un médecin coordonnateur qui invite le condamné à choisir un médecin traitant, ce choix étant subordonné à l'accord du médecin coordonnateur.

La position de l'association a été recueillie par différents médias, notamment les quotidiens Libération, Le Figaro, France soir.

L'association sera entendue par la commission des lois du Sénat en audience publique, le 15 octobre 1997.

Rencontre du nouveau ministre de la justice (non)

Pour la première fois depuis fort longtemps, un ministre de la justice nouvellement nommé n'a pas reçu les représentants de notre association alors qu'elle recevait des représentants de syndicats et d'associations de psychiatres. C'est le nouveau directeur de cabinet, M. Christian Vigouroux, précédemment conseiller d'Etat, qui a rencontré le président, Pascal Faucher et la secrétaire générale, Laurence Mengin. Réunion préparatoire à l'entretien avec le garde des sceaux ? Nous vous en tiendrons informés.

Des emplois jeunes pour l'application des peines

Dans le cadre du programme "emplois-jeunes" (environ 350 000 emplois proposés par le gouvernement dans l'administration pour une durée de cinq ans), le ministère de la justice a proposé des "fiches d'action justice" dont deux concernent l'application des peines:

- information et orientation dans les comités de probation et d'assistance aux libérés (50 emplois);

- soutien à l'action auprès des personnes prises en charge: assistance individualisée à la réinsertion des détenus et des personnes suivies par mesure de justice (150 emplois):

"rôle spécifique d'accompagnement et de tutorat dans la réalisation d'un parcours individualisé d'insertion sociale et professionnelle sous l'autorité des travailleurs sociaux" (sic) et participation à l'action socio-culturelle en établissement pénitentiaire.

L'Atlantik Challenge, vous connaissez ?

Il s'appelle Joseph Le Guen. C'est un marin breton.

Son projet ? Traverser l'Atlantique à la rame avec un ancien détenu, de Ténérife (Canaries) à La Barbade (Antilles) en participant à la première course transatlantique à la rame en double (31 bateaux de 8 pays différents sont déjà inscrits).

Son idée ? Y associer nombre d'autres établissements pénitentiaires dont le nombre, qui croît régulièrement est actuellement de 70 qui vivront la course en direct, un fax leur étant adressé quotidiennement. Le bateau et ses rames ont été construits à la maison centrale de Moulins-Yzeure, sa remorque à la maison d'arrêt de Brest ...etc... Date de départ ? Le 12 octobre 1997. 6000 km, 60 jours, 1 300 000 coups d'avirons. Pour le suivi du projet, il fait paraître une lettre mensuelle. (Atlantik Challenge 1 rue Louis Pidoux 29200 BREST -T. 02 98 02 48 80 -Fax. 02 98 02 48 86).

Cinq années d'application des peines : le Recueil

La Revue de l'application des peines a fêté l'année dernière ses cinq années d'existence. A cette occasion et compte tenu du nombre et de la densité des articles parus, l'édition d'un recueil est prévue. Pensez à en informer la bibliothèque ou le service de documentation de votre tribunal, cour d'appel, ordre des avocats, université ou école..., afin de susciter le maximum de souscriptions pour que ce recueil exceptionnel puisse être édité. L'expérience montre que c'est par contact direct que l'information circule le mieux. En conséquence, n'hésitez pas à communiquer aux responsables de bibliothèque ou service de documentation copie du document de souscription joint à la présente revue avec la liste des articles parus.

Les contretemps de diffusion de la Revue de l'application des peines

Le numéro de juin de la Revue de l'application des peines vous est transmis avec retard en même temps que le numéro de septembre. En effet, la commission paritaire nous a provisoirement retiré le numéro d'inscription à la c.p.p.a.p. permettant l'application des tarifs de correspondance réduits, ce compte tenu du trop grand nombre d'exemplaires gratuits de la publication. Le conseil d'administration avait en effet décidé d'adresser un exemplaire de la revue même aux juges de l'application des peines n'ayant pas versé le montant de l'abonnement, afin que l'information puisse servir à tous. Cela ne sera plus possible désormais. Nous prions nos lecteurs de nous excuser pour ce contretemps et attirons l'attention des juges de l'application des peines sur l'impérieuse nécessité de s'abonner -à titre professionnel, par le tribunal de grande instance mais aussi le comité de probation, ou personnel- pour continuer à bénéficier du service de notre publication.

Brèves

"Dedans dehors"

Nous vous avons déjà signalé la nouvelle revue de l'Observatoire international des prisons. Plusieurs articles intéressants dans les deux derniers numéros parus: dans le n 2 (juillet/août 1997) "Pour une permanence d'avocats en prison (notamment devant la commission de discipline ...les auteurs oubliant cependant l'enjeu encore plus important devant la commission de l'application des peines)", et des articles sur le suicide et le régime disciplinaire des détenus; au sommaire du n 3 (septembre/octobre 1997), une interview d'Antoine Garapon (Institut des hautes études sur la justice) et des articles de Pierre Tournier (Statisticien au Cesdip/ministère de la justice) et sur l'accès aux soins en prison. (Dedans dehors c/o Cèdre bleu - 25 rue Henry Monnier 75009 Paris - T. 01 42 81 39 28).

Forum-concert sur les longues peines au Centre pénitentiaire de Moulins-Yzeure, le 18 octobre 1997, organisé à l'initiative des détenus de la maison centrale par l'Association culturelle et sportive de l'établissement pénitentiaire (T. 04 70 35 15 08). Entrée libre.

Prochains conseils d'administration

Le premier aura lieu le vendredi 12 septembre 1997 à 9 heures 30 et 14 heures 30 dans la salle du cercle, face au cabinet du président du Tribunal de grande instance de Paris. Pour nous joindre le jour-même (ex. information urgente de l'association), T. 01 44 32 61 05, le second se tiendra le samedi 25 octobre 1997 chez l'un des administrateurs; pour avoir ses coordonnées, contactez Pascal Faucher au 05 49 50 22 87.

Tous les membres de l'association et juges de l'application des peines intéressés sont les bienvenus. Membre du conseil d'administration ou adhérent de l'association apportant votre contribution aux travaux, vous pourrez être remboursé de vos frais de déplacement sur production des justificatifs.




Prénom et NOM :

Fonction (entourer la mention utile): juge de l'application des peines - vice-président - conseiller à la cour d'appel chargé de l'application des peines - procureur de la République -substitut chargé de l'exécution des peines - président - juge pénaliste (indiquer la spécialisation éventuelle: correctionnelle, assises, enfants, instruction) - président d'université - directeur de probation - agent de probation - enseignant - bibliothécaire - étudiant - (autre : préciser : )

Juridiction (ou adresse): T.g.i. - Cour d'appel -

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Ville

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Fax (éventuellement)


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 Désire s'abonner à la Revue de l'application des peines Abonnement 1 an - 150F - Ci-joint chèque bancaire ou postal à l'ordre de l'ANJAP

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 Désireux de contribuer réellement à l'action menée pour des peines et mesures utiles, efficaces et cohérentes, j'adhère à l'Association nationale des juges de l'application des peines pour l'année 1997 Cotisation annuelle - 100F - Ci-joint chèque bancaire ou postal à l'ordre de l'ANJAP

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Directeur de la publication : Pascal Faucher Rédaction : Pierre Pélissier Impression : ALPE 41, rue du Chemin Vert 75011 PARIS Conception couverture : Cinq Colonnes 16 (1) 45.35.39.11 ISSN : 1264-6482 N° commission paritaire : 76517 AS Dépôt légal : juin 1997 Abonnement annuel : 150F Site internet : http://www.juripole.fr/RAP - E-mail : pelissie@club-internet.fr