JURIPOLE

Revue de l'Application des Peines

Numéro 22 - Juin 1997




SOMMAIRE


Quelle probation pour demain  ?

Représentant une association de victimes, je voudrais aujourd'hui pouvoir vous faire partager le point de vue des victimes, sur la justice, et sur la vision qu'elles ont du Juge d'application des peines et de ses missions. Je remercie Monsieur Faucher et Monsieur du Mesnil de m'avoir invité à le faire.

Tout d'abord, j'aimerais vous présenter, en quelques mots, l'association que je préside. L'association "Aide aux Parents d'Enfants Victimes".
Créée en Juin 1991 sur l'initiative de quatre familles d'enfants disparus ou assassinés, l'APEV est une association de victimes, et d'aide aux victimes, animée uniquement par des victimes. Elle regroupe aujourd'hui plus de 60 familles dont l'enfant a été victime d'un acte criminel. A la création de l'association, nous pensions principalement venir en aide aux parents d'enfants jeunes, jusqu'à environ 12 ans, victimes d'agressions sexuelles. Mais très vite, nous avons été amenés à nous occuper de familles d'adolescents jusqu'à 20-22 ans, victimes de tout type d'agression.
Nos objectifs sont d'apporter un soutien psychologique et un réconfort aux parents, et de les informer sur les démarches administratives et judiciaires. Nous demandons l'égalité des droits des victimes et des délinquants durant toute la procédure, de l'enquête préalable jusqu'au procès d'assises. D'autre part, l'association a émis un certain nombre de propositions qui concourent à mettre en oeuvre une protection plus efficace de l'enfant contre toutes les agressions sexuelles, et plus particulièrement pour lutter contre la récidive.
Les parents se sentent complètement perdus face au monde de la justice. L'APEV veut leur redonner un rôle positif, pour qu'ils aient le sentiment de ne pas avoir été exclus ou inutiles. Nous pensons ainsi améliorer les relations des victimes avec le monde judiciaire, afin qu'elles puissent retrouver confiance en une justice plus transparente et plus humaine.
Notre organisation L'APEV est une association nationale dont le siège est situé en région parisienne, à Issy-les-Moulineaux. En province, nous avons une antenne locale à Nantes, à Nice et à Grenoble. Notre travail étant complémentaire, nous travaillons en étroite collaboration avec l'INAVEM (l'Institut National d'Aide aux Victimes et de Médiation) qui regroupe plus de 160 associations d'aide aux victimes, plus proches géographiquement des victimes. Nous sommes aussi en relation avec la Gendarmerie Nationale, la brigade de protection des mineurs de Paris, INTERPOL, les médias (presse, radio et télévision), et de nombreuses associations dont -.des associations en France "S.O.S. Attentats", la FENVAC, Enfance et Partage, les comités Alexis Danant... et à l'étranger des associations de recherche d'enfants disparus- "Marc et Corinne" en Belgique, "Réseau Enfant Retour" au Canada, et "National Center for missing and exploited children" aux Etats-Unis.
Quelles sont les relations entre les victimes et le monde judiciaire ?
Je n'aborderai que ce que je connais, c'est à dire les cas d'enfants agressés sexuellement, ou assassinés. C'est le vécu des familles de l'association.
Notre premier constat est que les victimes ne font pas réellement partie du processus judiciaire. La victime peut, bien sur, se porter partie civile, mais au même titre qu'une association, elle n'a pas de statut propre. De plus, se porter partie civile est un acte volontaire, non obligatoire, non systématique. Cela dépend donc de la connaissance de son droit par la victime. Il n'y a pas d'information automatique, ni d'avocat commis d'office: "C'est pourquoi nous demandons que les victimes soient systématiquement reçues par un magistrat dans le mois qui suit l'ouverture d'une instruction, pour expliquer les procédures, et énoncer ses droits à la victime, comme cela est fait pour le délinquant." Durant le cours de l'instruction, le magistrat n'informe pas systématiquement la partie civile, la victime de l'avancement du dossier, la copie ou la consultation des pièces est difficile pour ne pas dire impossible dans certains cas. Comment dans ces conditions faire valoir ses droits? Afin par exemple de demander un complément d'expertise. Vous pourriez me dire, c'est le rôle de l'avocat de tenir ses clients informés, oui c'est vrai mais combien le font réellement, quel avocat s'intéresse à l'instruction, surtout lorsqu'il n'y a pas d'inculpé. C'est une constante pour toutes les familles que nous accompagnons à l'APEV, le manque de suivi des avocats, leur manque de disponibilité. On a l'impression que seul le procès est important pour l'avocat, que rien d'autre ne l'intéresse.
La réparation ?
Il ne faut pas confondre "indemnisation" et "réparation". Par la méconnaissance des victimes, certains magistrats ou certains avocats évoquent immédiatement la possibilité d'une compensation financière. Mais l'idée même de réparation financière choque les familles. Comment imaginer que sa douleur puisse être achetée? Comment imaginer que la vie d'un enfant puisse être chiffrée? Cette démarche viendra dans un deuxième temps. L'important pour une victime est de savoir, de comprendre ce qui est arrivé, puis que la société reconnaisse l'auteur des faits, et le juge.
J'ouvre ici une parenthèse pour un point qui me tient à coeur: Toute personne coupable d'actes criminels doit être jugée, c'est pourquoi nous demandons la modification de l'article 122-1 sur l'irresponsabilité pénale afin que tous les auteurs d'actes criminels soient jugées par un tribunal qui aurait alors le pouvoir de décider de l'internement psychiatrique ou de l'incarcération, après un débat public contradictoire, et la reconnaissance des faits.
Même au cours du procès, la victime a parfois l'impression d'être en trop, il n'y a pas de place pour elle: pas de place désignée, c'est au bon vouloir du président, elle n'est présente que pour le procès civil, pas pour le pénal. Et après l'incarcération, l'individu a purgé sa peine, il a payé sa dette envers la société, on ne peut plus n'en lui demander, mais vis à vis de la victime, aura-t-il un jour payé sa dette la plupart des victimes ne l'acceptent pas, c'est la justice des hommes, mais cela ne ferme pas toutes les blessures. On entend fréquemment, dans 20 ans, 30 ans il sortira, libre, mais mon enfant lui ne reviendra pas. La notion de justice est donc bien une notion très subjective.
Nous devons donc nous interroger sur la sanction.
Quel choix avons-nous? La prison Toute société a besoin d'un code de conduite reconnu et respecté afin d'éviter que chaque citoyen ne fasse sa propre justice. La sanction est donc nécessaire pour contrôler et prévenir les actes de délinquances. Mais c'est avant tout un constat d'échec, le constat que la société n'a pas pu ou su prévenir un processus criminel. La détention carcérale fait partie de notre culture, la sanction est pour tous synonyme de privation de liberté et doit servir d'exemple. L'alternative à la prison aura une incidence sur notre perception de la notion de justice. Nous devons donc nous interroger sur la signification de la sanction pour la société, le délinquant et la victime.
Pour la société: c'est une punition qui sanctionne un délit en fonction de sa gravité. Mais c'est aussi un moyen de protection, en mettant un individu dangereux hors d'état de nuire.
Pour le délinquant: c'est le moyen de lui faire prendre conscience de la gravité de son acte, et de dresser la barrière sociale qu'il a transgressée.
Pour la victime: c'est la reconnaissance officielle des faits et de leur auteur, elle fait partie de la réparation que la société lui doit.
Avant d'aborder le problème de l'alternative à la prison, ou de l'aménagement de la peine, il faut donc se poser quelques questions: Pour quelles raisons l'envisage-t-on? Pour régler le problème de la surpopulation carcérale? Ou pour favoriser la réinsertion? Quelle est la population concernée? Si nous considérons les agresseurs sexuels, il faut distinguer ceux qui ont tué et les autres. Il ne saurait y avoir d'alternative à la prison pour les assassins. Depuis la création de notre association, nous demandons que des traitements soient proposés en milieu carcéral aux agresseurs sexuels, et qu'un suivi thérapeutique et administratif soit assuré à la sortie de prison. C'est pour nous le meilleur moyen de lutte contre la récidive, et contre l'escalade de la perversion et de la violence. Il ne faut pas se tromper d'objectif, ce n'est pas par excès de compréhension vis à vis de ces individus, c'est pour nous un acte de protection des enfants. Aucun traitement ne peut être efficace sans la prise de conscience de l'acte commis par l'agresseur, pour cela il est nécessaire de prévoir un temps suffisamment long de privation de liberté. De plus, la solution alternative à la prison doit être sans risque pour la société, aucune erreur n'est admissible, il en va de la sécurité de tous, et en particulier des enfants. Il faut donc avoir l'assurance, de l'efficacité des traitements et des mesures d'accompagnement avant que ceux-ci ne puissent remplacer, même partiellement, l'incarcération. L'obligation de soins devrait accompagner les peines carcérales, mais pas se substituer à elles. Nous y reviendrons.
Venons en aux relations entre les victimes et le JAP.
Les victimes sont peu impliquées dans l'après-jugement, du moins elles n'ont pas de place officielle. L'après-jugement ne concerne directement ni les parties civiles, ni les victimes. Comment parler des relations entre le JAP et les victimes, ils ne se connaissent pas, ils ne se rencontrent jamais. J'aimerais donc que l'on réfléchisse ensemble sur la vision qu'ont les victimes du JAP. Faire appliquer la peine? Pourquoi? Cela parait étonnant qu'il faille un juge pour appliquer une peine, on a trop l'impression qu'il y a deux juges, l'un pour juger, l'autre pour faire appliquer le jugement? Pourquoi cela n'est-il pas automatique ? C'est exactement comme pour les dommages et intérêts décidés lors du procès civil, il faut aller devant la CIVI pour faire valoir ses droits, il n'y a pas d'automatisme. Individualiser la peine? Nous pensions que c'était le rôle du procès? Pour quelle raison ensuite diminuer la sanction? Une peine doit-elle, peut-elle être remise en cause, après coup, être aménagée? Aucune victime ne l'accepte. Par exemple, le JAP est en mesure de proposer une diminution de la période de sûreté? Cela nous choque. Cette peine de sûreté est présentée au cours du procès comme l'assurance d'une peine minimale lourde, ou comme l'alternative à une perpétuité impossible à appliquer. Le JAP doit prendre, je ne vous l'apprends pas, d'importantes, mais aussi de petites décisions: Cela va de la permission de sortie d'un petit délinquant, à la libération anticipée d'un criminel. Depuis plusieurs années, le rôle du JAP ne cesse de grandir, et les nouvelles lois annoncées par le Premier Ministre le 20 novembre et présentées au conseil des ministres du 27 Janvier dernier renforcent encore son pouvoir et surtout sa responsabilité. Déjà la loi de février 94 oblige une expertise psychiatrique avant toute libération conditionnelle, avant tout aménagement de la peine, comment est elle appliquée aujourd'hui ? Les expertises permettent elles au JAP d'apprécier ou non la dangerosité d'un individu".
Vu du coté des victimes, du coté du grand public, le JAP est celui qui libère les assassins ou les criminels avant la fin de leur peine. Les cas de récidives sont encore trop fréquents. Tout le monde pense que si l'individu avait été jusqu'au bout de sa peine, s'il n'avait pas été remis en liberté, un enfant serait encore vivant. Je citerai le cas de l'assassin d'Abdeljabbar, le belge Van Coppemol qui a commis son crime 3 jours après être sorti de prison, et celui de Karine à Redon assassinée en juillet 1995 par un récidiviste, d'ailleurs une association de victimes à, je crois, porté plainte contre le JAP pour avoir remis en liberté un individu dangereux.
Quelle est la responsabilité du JAP dans la décision, et dans la récidive de ces individus? A qui la faute, à celui qui applique la loi ou à celui qui la fait Il faut donc réfléchir à cette responsabilité qui est lourde, et penser avant tout aux enfants en danger. Mais je ne doute pas de cette réflexion avant toute prise de décision.
La sortie de prison est la hantise de beaucoup de victimes d'agression sexuelle peur de représailles, ou simplement peur de revoir son agresseur. La crainte de la souffrance est parfois pire que la souffrance elle-même. Il serait bon de prévoir dans le jugement, en plus de la peine d'emprisonnement, une peine complémentaire d'interdiction de séjour à proximité du domicile de la victime, et même une interdiction du territoire pour les étrangers. Sur ce point je pense que le JAP a aussi un rôle à jouer. Toutes les réformes de la justice sont favorables à la défense, aux délinquants, pas aux victimes, ou si peu.
Il y a en France et dans le monde judiciaire le spectre de l'erreur judiciaire, mais je crois qu'il y a plus d'assassins en liberté que d'innocents en prison, et n'est-ce pas aussi une erreur judiciaire que d'acquitter un assassin.
Le projet de loi de lutte contre la pédophilie
Revenons à l'actualité, au projet de loi de lutte contre les pédophiles présenté au conseil des ministres du 27 janvier dernier. La lutte contre la pédophilie implique un changement des mentalités vis-à-vis de ce problème. La pédophilie doit être considérée comme un crime grave qui doit être sévèrement puni et chacun doit le savoir. Au mois d'août, le congrès de Stockholm a mis en lumière l'ampleur du problème de la pédophilie dans le monde.
Qu'en est-il aujourd'hui ? On estime à plus d'un million le nombre d'enfants enlevés, achetés, contraints à se prostituer ; la pornographie infantile se répand sous forme de revues et de vidéos qui banalisent la pédophilie dans le monde entier ; le tourisme sexuel se développe en Asie, en Amérique latine, en Afrique, et aujourd'hui en Europe centrale, et en Europe de l'Est ; les statistiques canadiennes montrent qu'un pédophile agresse une soixantaine d'enfants en moyenne, mais souvent plus de 100. En France, quelques chiffres - - 65 000 enfants maltraités par an, - 5 500 enfants victimes d'abus sexuels - Ce ne sont que des chiffres officiels, mais combien y en a-t-il exactement ? Après les événements en Belgique au mois d'août, l'opinion publique, bercée par les médias et les pouvoirs publics, a voulu se rassurer en donnant en exemple les lois françaises permettant la condamnation de ces actes. Il est vrai que notre système législatif est déjà le plus répressif d'Europe, encore faut-il avoir la volonté de l'appliquer, de l'appliquer fermement, et de mettre davantage l'accent sur la prévention. La protection des enfants doit passer avant toute autre considération.
En signant le 26 janvier 1990, la Convention Internationale des Droits de l'Enfant adoptée par l'ONU le 20 novembre 1989, la France, comme tous les pays européens, s'est engagée à le faire. Mais la France respecte-t-elle toujours ses engagements dans ce domaine"
Que faire de tels individus, que faire des pédophiles? Incarcération ou traitement? Ou les deux? Il faut qu'il y ait une plus grande collaboration entre le monde médical et le monde judiciaire. Je ne rentrerai pas dans le détail du projet de loi gouvernemental, projet qui a de multiples facettes : information du public, campagne d'information dans les établissements scolaires, création d'un numéro d'urgence le 1 1 1 en remplacement du n° vert national d'Allo Enfance Maltraitée, formation des professionnels de l'enfance, lutte contre le tourisme sexuel, répression de la création et de la détention de matériel pornographique pédophile,...
Je retiendrai la partie peut être la plus innovante, et la plus contestée - la peine complémentaire de suivi médico-social pour tous les agresseurs sexuels, 5 ans pour les délits, 10 ans pour les crimes. Cette peine a deux facettes, une obligation de soin laissée au libre choix du praticien sous le contrôle du JAP, et un suivi social qui est pour moi extrêmement important. Interdiction d'exercer une activité en relation avec des enfants, interdiction de fréquenter des lieux réservés aux enfants, etc... La responsabilité des médecins psychiatres est accrue, et cela pose le problème de leur nombre et de leur formation, mais également la responsabilité du JAP est accrue, il devra suivre ces individus pendant toute la durée de la peine complémentaire, et décider de leur réincarcération s'il le juge nécessaire, nécessaire à l'ordre public, et à la sécurité des enfants, c'est à dire que les médecins et les JAP devront déterminer le degré de dangerosité. Lourde responsabilité comme on peut l'imaginer.
Ce projet correspond à ce que nous demandions depuis longtemps, nous ne pouvons qu'en être satisfaits, mais quels moyens mettra-t-on en place pour les faire appliquer, en terme financier bien star, et en terme d'éthique, car le suivi médico-social choque certains psychiatres (secret médical, obligation de moyens ou de résultats, et même problèmes financiers), mais c'est aussi un changement culturel, et il est plus facile de faire des lois et de mettre en place des structures que de changer les mentalités. Comment le monde judiciaire, comment le monde médical vont-ils réagir? Y aura-t-il réellement cette collaboration nécessaire, indispensable, prévue par le législateur. Comment s'assurer que le psychiatre et le JAP travaillent réellement ensemble? Y aura-t-il suffisamment de moyens pour que ses lois soient appliquées, efficaces, et ne restent pas lettres mortes? Le Premier Ministre a décidé de faire de la protection de l'enfance maltraitée la grande cause nationale en 1997. Une campagne d'information sera lancée au moi d'avril, pour sensibiliser le public et les professionnels au problème de la maltraitance.
Pour conclure, je voudrais dire que quelle que soit la sanction, la victime pourra l'accepter, si elle n'a pas été exclue pendant toute la procédure, et si on lui a expliqué le pourquoi des décisions. Nous voulons ainsi rendre sa place à la victime dans le processus judiciaire.
J'avais envie, en quelques mots, de vous rappeler que s'il existe des agresseurs sexuels, des condamnés dont il faut gérer le temps carcéral, il y a aussi des victimes, il ne faut pas les oublier.

Alain BOULAY

1 Intervention de M. Boulay, président de l'association "Aide aux parents d'enfants victimes" (22, rue Baudin 92130 Issy les Moulineaux), lors du colloque organisé le 7 février 1997 au Sénat.


L'avocat est le grand absent de l'application des peines.
Il semble même parfois que la défense s'arrête aux portes du jugement. Il est vrai que la réalité d'un Cabinet veut que l'on soit toujours dans l'urgence, urgence d'une instruction, urgence du jugement et après ? Après et étonnamment l'on s'aperçoit que l'avocat est le plus souvent absent alors qu'existent encore des "enjeux de défense". Comment expliquer cette absence ? Est-ce la pratique qui conforte les textes - ou le contraire ? - mais l'on observe- que l'avocat n'est pas prévu pour être un acteur de l'application des peines ou même plus simplement un interlocuteur du juge de l'application des peines.
L'AVOCAT EST ABSENT DANS LES TEXTES, MALGRE QUELQUES DISPARITÉS INEXPLIQUEES
Un des moments essentiels du post-sentenciel est la commission de l'application des peines. Or là l'avocat est totalement absent. Cet exemple est le plus révélateur. C'est pourquoi il est envisagé à part. Nous verrons ensuite d'autres étapes possibles du post-sentenciel pour observer que l'avocat est à peine plus présent...
La commission de l'application des peines
Alors que les enjeux sont tout à fait essentiels, l'avocat ne peut ni assister ni représenter son client lors de la commission de l'application des peines. Il s'agit pourtant de réduction de peine, de libération conditionnelle, de permission de sortir, de semi-liberté... c'est-à-dire de décisions qui ont une incidence directe sur la durée et les modalités de la peine et donc sur la vie du détenu et de son entourage.
Au sein de la commission de l'application des peines il semble que l'avocat est "remplacé" par l'assistant social. D'une manière plus générale d'ailleurs le travailleur social est l'interlocuteur du juge de l'application des peines.
Pourtant si le travail social est tout à fait essentiel, il convient de considérer que celui de l'avocat est d'une autre nature. Il s'agit de veiller au respect des droits de l'individu, de restaurer sa dignité en prenant sa défense et de rappeler sa singularité qui seule le distingue de son numéro d'écrou ou d'un autre dossier. En outre rappelons que le Parquet est membre de droit de la commission de l'application des peines et que rien ne justifie dès lors qu'il n'y ait pas égalité d'armes et que l'avocat ne soit pas présent.
De la même façon le Parquet a la possibilité de faire appel des décisions du Juge de l'application des Peines alors que ni l'intéressé ni a fortiori son avocat ne peuvent exercer de voies de recours. Il est vrai cependant qu'en cas d'appel du Ministère Public les avocats du condamné et de la partie civile pourront à nouveau être présents. Est-ce parce qu'alors il y a une audience ?
Il conviendrait, s'agissant de la commission de l'application des peines, de considérer, conformément à la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme (arrêt Campbell et Fell) qu'il y a violation de l'article 6 paragraphe 3 de la convention dans le fait de ne pouvoir se faire représenter par son avocat. Faisons des recours comme l'ont dans un autre domaine intelligemment et courageusement fait les avocats qui ont obtenu une avancée du droit à travers l'arrêt Marie. La présence de l'avocat permettrait également d'éviter l'opacité et le tout carcéral et d'être, quand cela est nécessaire, un contre pouvoir à l'administration pénitentiaire. Il existe d'autres moments de l'application des peines où ce qui vient d'être dit sur l'intérêt de la présence de l'avocat reste exact et où sa place est à peine plus importante.
Le comité consultatif de libération conditionnelle
Le comité prend connaissance des observations écrites du condamné ou de son avocat... La partie civile est absente.
Suspension ou fractionnement de peine (hypothèse de l'article 132.27)
Le juge de l'application des peines demande son avis à l'avocat du condamné et au Ministère Public. Si la suspension est de plus de trois mois, il y a une audience et là est pris en compte l'avis du juge de l'application des peines et des avocats du condamné et de la partie civile
Peine d'emprisonnement transformée ou aménagée (hypothèse de l'article D 49. 1)
C'est seulement s'il y a une audience que l'avocat peut être présent.
Révocation d'un sursis mise à l'épreuve
Il y a nécessairement une audience et donc l'avocat du condamné est présent.
Relevé d'une interdiction ou requête en effacement
Lors de l'audience l'avocat du condamné est présent.
Le système n'est donc ni cohérent ni égalitaire. La seule logique apparente est celle de l'audience. Si celle-ci existe alors l'avocat réintègre sa place. Il est particulièrement choquant d'observer l'absence d'égalité d'armes entre le Parquet et l'avocat. En outre et dans de nombreuses hypothèses il n'y a pas non plus d'égalité entre les avocats des condamnés et ceux des parties civiles. Cependant ce point, s'il mérite d'être souligné, ne sera pas davantage abordé car réfléchir au rôle de l'avocat de la partie civile, c'est-à-dire à la place des victimes dans l'application des peines est encore un autre sujet. Nous pouvons conclure de ce premier aperçu que l'avocat est manifestement maltraité par les textes. Sa présence serait-elle redoutée ?
L'AVOCAT PEUT-IL PRATIQUEMENT ETRE PRESENT ?
Il convient de souligner au préalable que le point de départ de la peine est le jugement. A ce stade l'avocat a sa place traditionnelle. C'est pourquoi rien ne doit l'empêcher quand cela est possible de plaider la peine. Ainsi peut-il faire des suggestions au tribunal - un travail d'intérêt général, une semi-liberté, les conditions d'un sursis mise à l'épreuve -, expliquer la nécessité d'un juge de l'application des peines par rapport au parcours d'un client comme un rappel régulier à la loi, expliquer le sens de la réparation, donner au tribunal des éléments permettant tel choix de peine plutôt que tel autre, notamment dans ses modalités d'exécution.
Après l'audience, trois difficultés particulières doivent être évoquées :
La commission d'office
Il n'y a pas de commission d'office possible pour l'application des peines, même lorsque le texte prévoit expressément la présence de l'avocat. En effet la loi avait prévu cette possibilité. Cependant le décret d'application l'a écartée. On peut malgré tout considérer que l'arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de Cassation du 30 juin 1995 est une lueur d'espoir : "Vu le principe du respect des droits de la défense
Attendu que la défense constitue pour toute personne un droit fondamental à caractère constitutionnel ; que son exercice effectif exige que soit assuré l'accès de chacun avec l'assistance d'un défenseur au juge chargé de statuer sur sa prétention...
En conséquence cet arrêt décide que quel que soit le caractère du recours envisagé le Conseil de l'Ordre saisi d'une demande de désignation d'office d'un avocat est tenu de procéder à cette désignation. Il convient d'appliquer cette décision au post-sentenciel. Il conviendrait également d'obtenir une modification du décret d'application de la loi.
Les pratiques disparates des juges de l'application des peines.
Rien n'empêche l'avocat de se manifester auprès du juge de l'application des peines. Il peut lui écrire, lui téléphoner, le rencontrer, lui remettre des pièces mais puisque son rôle n'est pas prévu dans les textes de loi, tout va alors dépendre de la personnalité du juge de l'application des peines. Celui-ci peut choisir de l'accueillir et de l'écouter ou de refuser de le recevoir.
L'accès au dossier
Il convient de s'interroger sur le sens de l'intervention "forcée" de l'avocat dans les pratiques d'application des peines dans la mesure où celui-ci n'a pas accès au dossier du juge de l'application des peines. Cette absence d'accès au dossier rend difficile et peu égalitaire le dialogue qui pourrait s'instaurer entre l'avocat et le juge. De la même façon il rend aléatoire le sens de l'intervention de l'avocat. 6. Enfin il ne permet pas à l'avocat d'expliquer complètement à son client la réalité de son intervention et la réalité de sa situation.

ALORS QUELLE PROBATION POUR DEMAIN ? AVEC OU SANS L'AVOCAT ?

Si l'on considère que la probation "est de la dentelle à l'échelle humaine" selon le propos très juste du Président de l'Association Nationale des Juges de l'application des peines, si l'on reconnaît que l'on est dans l'échec global de l'ensemble de la politique pénale (70 % de récidive en France), il convient de changer nos habitudes et de réinventer un système. La période de crise que le monde judiciaire traverse absence d'objectifs, absence de moyens - risque de faire en sorte que chacun se crispe sur ses positions et sur ses pouvoirs, que chacun se ferme sans vouloir entendre l'autre, que la justice à sa façon perpétue alors l'exclusion et l'échec. Il semble pourtant clairement qu'il faille adopter la position inverse et que chacun sorte d'une forme de solitude inquiétante pour devenir visible. Bien sûr nos préoccupations sont différentes, parfois aussi nos façons de penser. Mais il faut entendre ces différences, dépasser ces clivages et réfléchir ensemble avec cette conviction que personne ne détient la vérité. Vouloir que la peine ou la réparation prennent sens dans la vie d'un individu, pour qu'il puisse assumer son histoire et la reconstruire différemment est un projet aussi beau qu'ambitieux. Il n'est possible que si nous sommes chacun à notre façon un interlocuteur de son histoire et que nous mettions en commun et d'une façon égalitaire le fruit de notre écoute pour réfléchir ensemble aux solutions envisageables. Il faut donc une justice sans frontières où seraient entendus les acteurs de l'histoire mais également le juge, le travailleur social, l'avocat, le chef d'établissement, le surveillant, le représentant du Ministère Public, le psychologue, le psychiatre, le médecin, l'éducateur, le visiteur et encore l'aumônier. Oui Monsieur le Président l'application des peines doit être de la dentelle à l'échelle humaine et c'est pourquoi il ne s'agit pas d'avoir toujours plus de pouvoir mais de mieux et plus intelligemment le partager.

Laurence Gratiot

2 Intervention de Mme Laurence Gratiot, avocat à la cour d'appel de Paris, lors du colloque organisé le 7 février 1997 au Sénat.


QUELLE PROBATION POUR DEMAIN ?

ELEMENTS DE SYNTHESE3

La tâche que m'a confiée Monsieur FAUCHER, Président de l'ANJAP est difficile. Je vais essayer de rendre compte des riches travaux de cette journée en restant neutre. Mais face à des praticiens la prudence m'impose de m'en tenir à des problèmes généraux.
Vous allez avoir 40 ans l'an prochain.
Quarante années d'existence pour les juges de l'application des peines, mais aussi pour le sursis avec mise à l'épreuve qui est une de leurs occupations principales, encore pour le Code de procédure pénale lui même. Les quarante années de vie du juge de l'application des peines peuvent-elles être mesurées ? Des hauts et des bas.
Vingt années de croissance dopées par le développement des peines de substitution, mais à mi-parcours un obstacle qui n'a pas encore été réellement franchi ; je fais allusion à la loi du 22 novembre 1978 qui est à l'origine des périodes de sûreté et qui ont mis sur la touche les juges de l'application des peines lors des matches les plus importants.
Depuis cette loi, souvent remodelée, les exclusions se sont même élargies puisque la peine peut devenir, dans un cas, incompressible, tout au moins lors de son prononcé. Et la méfiance s'est installée : grignotage de pouvoirs au profit d'une commission d'application des peines, ou de l'administration pénitentiaire, ou même des juridictions de jugement, dispersion des tâches au fur et à mesure que les peines alternatives se sont multipliées, montée en puissance des structures administratives notamment au sein des comités de probation.
Si bien que les juges de l'application des peines ne savent plus très bien se situer entre juges et administrateurs, à moins qu'ils soient les deux ou seulement un peu des deux. L'article 733.1 du Code de procédure pénale est à cet égard toujours aussi équivoque : selon le premier alinéa les mesures que le juge prend en milieu fermé sont des mesures d'administration judiciaire et selon les alinéas suivants le Procureur (lui seul) peut exercer un recours tantôt en opportunité, tantôt en illégalité, et tantôt devant le tribunal correctionnel, tantôt devant la Chambre d'accusation (depuis la loi du ler février 1994).
On discerne mal dans ces conditions la nature juridique des décisions prises.
C'est l'occasion pour le Conseil d'Etat de renvoyer la balle aux juridictions judiciaires, c'est surtout le constat d'une place inconfortable pour le juge de l'application des peines. A vrai dire la mission de ce juge reste difficile à circonscrire. Il est le maître de l'individualisation après condamnation puisqu'il est chargé de décider et de contrôler les diverses modalités de l'exécution des peines. Dans cette mission il joue sur deux tableaux, les milieux ouvert et fermé. Il assume la charge des mesures du milieu ouvert (sursis avec mise à l'épreuve, travail d'intérêt général, interdiction de séjour... ) mais provoque aussi un glissement du milieu fermé vers le milieu ouvert (semi-liberté, placement à l'extérieur, libération conditionnelle...).
Et c'est sans doute parce que le juge de jugement n'a pas suffisamment répondu aux attentes du législateur par l'utilisation des peines alternatives à l'emprisonnement que le juge de l'application des peines, en seconde main, tente la transformation ou la conversion de la peine prononcée.
Quoi qu'il en soit, il n'agit que dans le domaine postsentenciel, encore que l'ajournement avec mise à l'épreuve qui lui est confié contredit en partie cette affirmation puisque la peine n'est pas encore prononcée. Les comités de probation qui l'aident dans sa tâche débordent, eux, sur le présentenciel (enquêtes rapides, contrôle judiciaire... ). Ce décalage n'est-il pas à l'origine de certaines frictions ?
Mais c'est la probation qui est à l'ordre du jour.
Dans le mot probation, il y a l'idée de preuve c'est-à-dire que le condamné est mis en position de prouver par sa conduite que sa condamnation pourra ne pas être exécutée ou être exécutée autrement... sous réserve qu'il respecte certaines obligations qui seront contrôlées. Si l'on se tourne un instant vers le passé, on peut constater une évolution positive de la probation : multiplication des formes, structuration des techniques de contrôle, augmentation du personnel socio-éducatif..
Mais bien des aspects négatifs sont aussi aperçus et ont été mis en évidence ce matin par Monsieur FAGET. Selon lui, tant pour des raisons structurelles que culturelles et criminologiques, une véritable crise morale des alternatives à l'emprisonnement s'est installée. Les voilà devenues orphelines et les peines sont trop souvent prononcées à l'aveugle. Les prises en charge sont plus courtes, parfois purement formelles. Les sursis avec mise à l'épreuve deviennent alors trop souvent ineffectifs et les travaux d'intérêt général perdent toute vertu éducative surtout en présence d'un excès de délégation de contrôle. Phénomène d'usure peut être ? En tous cas, le modèle de réhabilitation prôné en 1945 n'est plus de mise. La probation serait alors en recherche de légitimité. Mais c'est sur l'avenir que vous vous êtes interrogés. Quelle probation pour demain ? Est-il possible en cette fin de journée de répondre à cette question ?
L'idée maîtresse est certainement celle de la diversification tendant peut être à la dispersion, voire à l'éparpillement. Qui trop embrasse mal étreint ! Cette diversification de la probation se manifeste de deux façons, d'une part dans son contenu, d'autre part dans sa mise en oeuvre. Pluralité de mesures d'une part, nouvelles modalités d'exécution d'autre part. Tels sont peut-être les deux axes futurs du postsentenciel.

1 - LE CONTENU DE LA PROBATION

Les formes de probation ne manquent pas. Chaque type a sa propre vertu ou sa propre finalité mais les uns et les autres tendent parfois à se chevaucher et peut être même à se concurrencer.
1 - Quelques mots d'abord sur les mesures que l'on peut qualifier de classiques.
On a curieusement peu parlé de la libération conditionnelle si ce n'est pour rappeler son origine et son passé. Faut-il voir là une annonce de son déclin, voire de sa disparition ? Il est vrai que les dernières statistiques ne sont guère encourageantes tant en ce qui concerne celles accordées par le juge que celles accordées par le Ministre. Le débat s'est largement ouvert sur le sursis avec mise à l'épreuve et sur le travail d'intérêt général. Monsieur FAGET a plaidé pour un meilleur contrôle des flux tant pour l'un que pour l'autre, ou tout au moins une meilleure distribution. Les échanges qui ont suivi conduisent plutôt vers de véritables changements de nature notamment pour les travaux d'intérêt général qui doivent être aujourd'hui repensés en fonction des finalités désirées. On a également évoqué les placements à l'extérieur et la semi-liberté. Monsieur FAUCHER dans son rapport introductif a fait état de l'espace de liberté conféré aux juges de l'application des peines par l'article D 49.1 du code de procédure pénale, espace de liberté qu'il utilise lui-même pour justifier des expériences de "prison à domicile".
2- Mais on a aussi fait preuve d'imagination et d'innovation notamment à propos des suivis médico-sociaux et de la surveillance électronique.
On sait qu'un projet de loi renforçant la prévention et la répression des atteintes sexuelles commises sur les mineurs a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale il y a quelques jours pour lutter contre les risques de récidive des délinquants sexuels sortis de prison. Une peine complémentaire pourrait être prononcée par la juridiction en même temps que la peine principale pour contraindre certains délinquants au-delà de l'exécution de la peine à un suivi social et à des soins. Serait ainsi créée une peine de suivi médico-social (l'expression est sans doute à revoir). En cas d'inobservation des obligations une durée supplémentaire d'emprisonnement fixée dans le jugement devrait être exécutée. Sans doute est-il difficile lors du jugement d'évaluer la dangerosité future d'un individu, sans doute faut-il aussi tenir compte des progrès qui seront nécessairement réalisés dans la prise en charge psychiatrique de cet individu au cours même de son incarcération, sans doute faudra-t-il mieux évaluer les rôles respectifs du juge et du psychiatre ; quoiqu'il en soit l'intérêt de ce projet a été souligné par Monsieur BOULAY, Président de l'association Aide aux parents d'enfants victimes et Monsieur FAUCHER s'est réjouit d'y trouver des avancées dans le sens d'une meilleure juridiciarisation de l'exécution des peines.
L'autre mesure innovatrice, le placement sous surveillance électronique tout au moins en tant que modalité d'exécution d'une peine, a quelque peu occulté la matinée. Monsieur le Sénateur CABANEL a présenté sa proposition de loi déjà votée par le Sénat en précisant que ce type de placement mis en oeuvre dans certains pays (Canada, Suède, Pays-Bas, Angleterre) n'aurait d'application en France que dans la phase postsentencielle (pas sous la forme d'un contrôle judiciaire avant jugement) et que la technique française aurait sa spécialité. La discussion qui a suivi a fait état d'un accueil aimable : originalité de la mesure et intérêt de tenter l'expérience ! Mais ne risque-t-elle pas de mordre sur la semi-liberté et le placement à l'extérieur ou bien encore sur la pleine liberté et surtout ne risque-t-elle pas d'être réservée à des condamnés privilégiés ? Le juge de l'application des peines a été ici qualifié par le Sénateur de "garant du condamné" et "d'arbitre" mais sa mission n'est en réalité pas clairement définie. Il est sûr en tout cas que la société future " incivile, électronique et médiatique" nous réserve des surprises. L'avenir serait peut-être alors plus simplement dans une redistribution des rôles au sein de la probation.

2 - LA REDISTRIBUTION DES ROLES DANS LA PROBATION

C'est surtout une réflexion d'ensemble sur le postsentenciel en milieu ouvert qui est apparue nécessaire, indépendamment du succès ou de l'échec de telle ou telle mesure... La bureaucratisation a été dénoncée à plusieurs reprises. Alors comment redonner foi et confiance ? C'est l'occasion d'évoquer les rôles respectifs des divers partenaires ; c'est l'occasion aussi de proposer une nouvelle politique du postsentenciel.
l- Les partenaires, au-delà du débat public-privé qui a été au coeur des discussions et indépendamment du rôle du procureur, sont en premier lieu le juge de l'application des peines et le comité de probation et d'assistance aux libérés. L'équilibre est difficile à établir, les juges de l'application des peines souhaitant disposer d'agents de contrôle efficaces, les agents de probation souhaitant plus d'autonomie. Et si les expériences de service unifié sont apparues plutôt positives, le projet actuel de restructuration des comités de probation au travers de la mutualisation et de la départementalisation n'est pas sans inquiéter les juges. Ils ont peur de perdre la maîtrise de l'exécution des mesures et leur confinement dans leur rôle de juge au sens strict n'apparaît pas une justification sérieuse. La juridiciarisation de l'exécution des peines ne peut selon eux se limiter à une pure restriction de leurs pouvoirs.
Ce sont curieusement les partenaires généralement absents qui se sont le plus manifestés au cours de cette journée, c'est-à-dire la victime et l'avocat. Monsieur BOULAY avec beaucoup de mesure a regretté que les victimes ne soient pas impliquées dans le processus d'exécution, notamment lors de la sortie de l'établissement pénitentiaire. Le mouvement d'intégration des victimes et des réseaux associatifs au processus pénal ne doit pas se limiter à la phase du procès mais plus encore peut être s'étendre à la phase postsentencielle qui reste à leur égard tout aussi sensible. Une réflexion s'impose sur leur place dans cette phase ultime.
L'autre grand absent - l'avocat - était représenté par Maître Laurence GRATIOT avocat au Barreau de Paris. L'avocat - surtout celui de la défense mais cela vaut aussi pour celui de la partie civile - est absent du prétoire, de la commission d'application des peines et quasiment lors de toutes décisions concernant l'exécution. La lecture des textes du code de procédure pénale est à ce sujet édifiante. L'inégalité entre la défense et le Parquet (notamment dans l'exercice des recours contre les décisions du juge de l'application des peines), la nécessité d'envisager dans cette phase la commission d'office et l'accès pour l'avocat au dossier d'exécution ont été soulignées. Bref les habitudes - même si les avocats n'y sont guère préparés - doivent être changées et de nouveaux interlocuteurs doivent donc à tout le moins être consultés.
2- Une nouvelle politique de l'exécution des peines en milieu ouvert peut-elle être mise en oeuvre ? Monsieur BOULAY a rappelé les finalités, qui peuvent être différentes, de toutes les alternatives à l'emprisonnement et Monsieur FAGET a suggéré plusieurs pistes de réflexion. Il faut tout d'abord mettre en place de véritables politiques pénales au stade des juridictions et pas seulement au niveau national. La justice ne doit pas être "un sport individuel" mais une entreprise collective. Il faut surtout repenser la peine et les alternatives à l'emprisonnement au niveau de l'exécution, si bien qu'il convient d'élaborer un nouveau modèle qui serait un modèle réparateur en instituant une justice restauratrice à l'image du modèle d'Amérique du Nord. Toute cette phase du postsentenciel ne doit plus être imaginée dans le seul intérêt du délinquant et en fonction de sa seule réadaptation sociale. Il faut intégrer d'autres dimensions notamment l'intérêt de la victime et l'intérêt de la collectivité ou de certaines catégories sociales. De la confrontation de ces intérêts doivent apparaître des solutions nouvelles permettant de mieux responsabiliser l'individu.
C'est donc une réflexion sur le sens de la peine qui doit être menée, non plus comme cela a déjà été fait au temps de son prononcé, mais sur ses modalités d'exécution. Puisque l'exécution n'est que rarement conforme au prononcé, il faut maintenant s'atteler au sens des formes variées de l'exécution.

Pierre COUVRAT

3 Eléments de synthèse présentés par M. Pierre Couvrat, professeur à la faculté de droit et des sciences sociales de Poitiers, doyen honoraire, en conclusion du colloque organisé au Sénat le 7 février 1997.


REFORME DES CPAL

A propos de la réforme des CPAL, l'association nationale des juges de l'application des peines, la fédération Justice CFDT et le syndicat de la magistrature ont adressé au Garde des Sceaux, le 7 avril 1997, le document suivant :

Depuis plusieurs mois, l'administration pénitentiaire travaille sur la réforme des comités de probation et d'assistance aux libérés (C.P.A.L.). Les organisations signataires contestent la pertinence du projet actuel sur la méthode employée et sur le fond.

1- Sur la méthode.

La concertation annoncée est réduite à une consultation séparée des organismes concernés par l'administration pénitentiaire et une information faite par elle. Au-delà des divergences qui peuvent exister, les organisations signataires prétendent qu'un projet commun entre magistrats, travailleurs sociaux, chefs de service, directeurs d'établissements et représentants des directions régionales est viable. Face aux réticences nombreuses et variées qui ont été exprimées sur le projet actuel, il paraît même indispensable qu'un minimum d'accord soit obtenu avant que le projet ne devienne réalité. Une administration peut-elle prétendre mettre en oeuvre un projet contesté par la plupart? Nous préférerions qu'elle fasse le choix d'une véritable concertation, mobilisant les futurs acteurs de cette réforme que sont les professionnels du terrain.

2- Sur le fond.

Le sentiment partagé est qu'en l'état actuel, la réforme des C.P.A.L. reste trop limitée pour provoquer un véritable renouveau des services d'insertion de l'administration pénitentiaire. Présentée comme une solution aux problèmes d'identité des personnels et d'identification des services, la réforme en cours ne résout pas un certain nombre de difficultés actuelles.

* Il s'agit d'une réforme institutionnelle sans prise en compte des missions des services et des besoins des publics concernés. Ainsi, est maintenue l'ambiguïté des séparations des services milieu fermé/milieu ouvert. L'insuffisante autonomie d'action en milieu fermé montre bien la difficulté à percevoir la spécificité de l'action socio-éducative en établissement pénitentiaire.

*L'une des difficultés majeures est l'impossibilité des services à faire face à l'intégralité des missions qui leur sont confiées. La seule augmentation des personnels ne pourra mettre fin aux pratiques locales de "suivi administratif", de classement anticipé des dossiers. Source de friction entre les acteurs de terrain, ce problème lancinant aboutit à ce qu'un grand nombre de mesures apparaissant dans les statistiques ne sont pas ou plus suivies. Aucune solution n'est proposée sur ce point.

* Les secrétariats des services actuels sont sous-dimensionnés (quand ils existent !!). Magistrats et travailleurs sociaux voient leurs temps de travail consacrés pour une part importante à des tâches administratives. Chacune des administrations concernées se renvoie la balle. Le projet de réforme ne présente aucune solution sur ce point.

* Le lien entre autorité judiciaire et administration pénitentiaire, longtemps critiqué (à juste titre ?) est réduit à des réunions formelles, sans contraintes pour les partenaires. L'invention d'une Commission d'Orientation Pénale (C.O.P.) aura pour conséquence de diluer les responsabilités des intervenants : - du côté des magistrats, par la multiplication des autorités ayant leur mot à dire, avec des logiques différentes (rappelons-nous la mise en place de la Permanence d'Orientation Pénale) ; - du côté des chefs de service par l'addition de l'absence de contraintes imposables par la C.O.P. et l'importance du chef d'établissement ; - par le flou juridique entretenu sur la nature des interventions du juge de l'application des peines qui est réduit à une boîte aux lettres entre la juridiction et le service d'insertion.

3- NOUS PROPOSONS

* La suppression de l'idée de la C.O.P..

Le juge de l'application des peines fournit près de 98% des mesures aux C.P.A.L.. Il paraît logique que ce magistrat reste le référent judiciaire des services auprès des tribunaux. Les projets de service seraient ainsi soumis à l'approbation des juges de l'application des peines et/ou des chefs d'établissements suivant les services locaux.

* La juridictionnalisation des fonctions de l'application des peines.

A l'origine, l'argumentaire de l'Administration pénitentiaire en faveur de la réforme de l'organisation et du fonctionnement des C.P.A.L. y faisait explicitement référence. Ainsi, il était noté "son activité sera recentrée sur l'aspect juridictionnel de ses fonctions", sans d'autres précisions au demeurant. Le projet actuel est totalement silencieux à ce sujet et seuls les éléments relatifs à la structure des services d'insertion sont développés. Au-delà des avantages institutionnels à promouvoir une telle juridictionnalisation, par une meilleure clarification des relations entre l'administration, prestataire de service, et le juge de l'application des peines, il convient de dénoncer l'abandon de cet aspect fondamental de la réforme.

Ainsi, il y a indéniablement un déséquilibre entre une modification substantielle du service d'insertion et le maintien en l'état de la fonction de juge de l'application des peines dont les décisions continuent à être d'hybrides décisions d'administration judiciaire. Si la juridictionnalisation peut apparaître comme une méthode appropriée pour gérer de manière légale les flux de mesures, il y a lieu surtout de rappeler l'attachement des organisations signataires à la judiciarisation supposant par définition le respect du contradictoire, la reconnaissance des droits de la défense et du droit de recours à l'encontre de toute décision faisant grief. Le projet de réforme des services d'insertion et de probation n'a de sens que s'il va de pair avec cette juridictionnalisation. L'abandon de cette dimension de la réforme est dès lors extrêmement préjudiciable à l'équilibre institutionnel annoncé. Par là même, il y a lieu de supprimer du projet l'hypothèse d'une délégation de la notification des obligations aux travailleurs sociaux. Acte éminemment judiciaire, cette notification n'est pas de la compétence du champ social. Elle doit continuer à être assumée par l'autorité judiciaire.

* Une mise à plat des missions des secrétariats et des moyens accordés à cet effet, et, d'ores et déjà, la création de postes budgétaires clairement identifiés est indispensable.

* Les antennes locales seraient placées sous l'autorité d'un directeur départemental, sous la responsabilité des directeurs régionaux. Une fusion complète des services d'insertion et de probation serait opérée avec le regroupement administratif du milieu ouvert et du milieu fermé. Cette fusion ne peut s'arrêter à une mobilité contrainte des personnels. Elle doit s'attacher à une réunion de budgets dispersés et à une action concertée des services locaux (C.P.A.L. et services socio-éducatifs des établissements).

* La création d'un statut correspondant à une direction départementale de l'insertion.

* De véritables garanties statutaires sur la mobilité annoncée des affectations des travailleurs sociaux et la création de postes de "travailleurs sociaux volontaires" ayant pour vocation d'assurer les remplacements d'une certaine durée (congé maternité, congé longue maladie, congé longue durée, formation professionnelle).

* L'obligation de définir de véritables projets de service à l'échelon départemental et local. L'élaboration de ces projets serait faite avec l'ensemble des équipes de travailleurs sociaux, sous l'autorité des directeurs départementaux.

* De même, il paraît surprenant que l'interdiction de communiquer que peut prononcer le juge d'instruction ait pour conséquence d'empêcher les travailleurs sociaux de rencontrer certains détenus. Fonctionnaires du Ministère de la Justice, ces personnels d'insertion et de probation sont soumis à des contraintes statutaires et légales suffisantes pour ne pas se méprendre sur le contenu de telles interdictions. Soumettre ces fonctionnaires à des mesures différentes que le personnel de surveillance ne se justifie absolument pas.? "

"Nous maintenons, organiquement comme fonctionnellement le système actuel de contrôle judiciaire de l'exécution des peines. Nous avons toujours été opposée, en effet, à toute forme de judiciarisation de cette exécution qui nous paraîtrait porter une atteinte excessive à l'autorité de la chose jugée. Autant une adaptation de nature administrative est acceptable, autant une remise en cause judiciaire opérée la plupart du temps par une juridiction de niveau inférieur à celle qui aurait statué en dernier lieu nous paraîtrait inadmissible. Ajoutons qu'elle postulerait logiquement des possibilités de recours qui feraient qu'il n'y aurait plus jamais de terme aux procédures juridictionnelles." Ces propos pourraient prêter à sourire s'ils n'émanaient pas d'un professeur de droit. Il s'agit en fait d'une des propositions formulées par Mme Marie-Laure Rassat dans son rapport remis au Garde des Sceaux. pour ce professeur, accorder un droit de recours au détenu constituerait un recul juridique et il vaut mieux une "adaptation" administrative qu'un contrôle du juge. ... Sans commentaire


JURISPRUDENCE

Travail en détention et contrat de travail

Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Caen 9 juillet 1992), que G., exposant avoir dans l'un des ateliers de la maison d'arrêt de Caen où il se trouvait détenu, travaillé pendant trois semaines, au mois de septembre 1990, pour le compte d'une entreprise concessionnaire, qui avait cessé ensuite de lui fournir du travail et n'avoir perçu pendant cette période qu'une somme de 200,88 francs, a engagé contre la maison d'arrêt une instance prud'homale pour obtenir le paiement d'un rappel de salaire, d'heures supplémentaires, d'une indemnité de préavis et de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

Attendu que G. fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré la juridiction prud'homale incompétente, alors, selon le moyen, d'une part que selon la Constitution tous les citoyens sont égaux devant la loi et ont les mêmes droits en matière de travail, même lorsqu'ils sont incarcérés et que les établissements publics ne sont pas au-dessus des lois ;

que l'article D.103 du Code de procédure pénale, auquel la cour d'appel s'est référée, tend à établir une différence entre les citoyens et se trouve donc contraire tout à la fois à la Constitution et à de nombreux textes du Code du travail, en particulier l'article L.412-1 régissant la liberté syndicale, puisqu'il interdit aux travailleurs détenus de discuter de leurs conditions de travail et leur salaire ; alors d'autre part que les bulletins de paie délivrés mensuellement par l'administration pénitentiaire constituent la preuve matérielle de l'existence d'un contrat de travail ; que le travail étant effectué, non pas pour le compte de la maison d'arrêt, mais pour celui d'entreprises concessionnaires, qui au demeurant exploitent des travailleurs privés de défense syndicale, s'abstiennent de régler les cotisations patronales et fiscales et privent ainsi les intéressés de toute protection sociale, se rendant, dès lors, coupables de travail illicite, les bulletins de paie devraient être établis, non pas par l'administration pénitentiaire, mais par les concessionnaires, et comporter toutes les mentions prévues par l'article R. 143-2 du Code du travail, à l'exclusion de toute indication propre à révéler ultérieurement le lieu où le salarié se trouvait à l'époque considérée, afin d'éviter qu'un employeur ne puise en avoir connaissance, lors d'une embauche ultérieure ;

alors encore que la rémunération doit, selon un principe général du droit consacré par le Conseil d'Etat, n'être, en aucun ces, inférieure au SMIC ; alors, en outre, que le régime du travail dans les locaux pénitentiaires, qui permet d'exploiter les détenus pour le seul bénéfice de l'administration pénitentiaire et de ses fonctionnaires, qui s'attribuent la majeure partie du salaire versé, s'apparente à une forme d'esclavage, prohibé par l'article 4 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et contrevient également aux articles 1 à 5, 10 et 12 de la Charte sociale européenne, convention internationale ratifiée par le gouvernement français et dont l'autorité est supérieure à celle de la loi interne ; et alors, enfin, que la longueur même de la procédure, marquée par de nombreux renvois et par les interventions des magistrats du parquet, contraires à la nécessaire indépendance des juges, démontre que n'ont pas été respectées les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme, selon lesquelles toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial ;

Mais attendu, d'abord, qu'il résulte de l'article 720 du Code de procédure pénale, disposition législative, dont il n'appartient pas aux tribunaux judiciaires de contrôler la conformité à la Constitution, et dont l'article D.103, inclus dans la partie réglementaire du même Code, n'est que l'application, que les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l'objet d'un contrat de travail ; qu'en conséquence, c'est à juste titre que la cour d'appel a retenu l'incompétence de la juridiction prud'homale, celle-ci ne pouvant, aux termes de l'article L.511-1 du Code du travail, connaître que des différends pouvant s'élever à l'occasion d'un contrat de travail ;

Et attendu, ensuite, que la règle de compétence dont la cour d'appel a fait application n'est contraire, ni à l'article 4 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ni à aucune disposition de toute autre convention internationale signée par le gouvernement français et ayant en France un effet direct ;

D'où il suit que le moyen, dont les autres griefs sont inopérants, n'est pas fondé ; REJET

(Chambre sociale de la Cour de cassation - 17 décembre 1996)


Délivrance des copies de dossier

Les articles 114 et 197 du Code de procédure pénale, qui limitent aux avocats des parties la possibilité de se faire délivrer la copie des pièces du dossier d'une information en cours, ne sont pas applicables aux procédures dont la juridiction de jugement est saisie et qui, de ce fait, ne sont pas soumises au secret de l'enquête ou de l'instruction prescrit par l'article 11 du même Code. Il s'ensuit que toute personne ayant la qualité de prévenu ou d'accusé est en droit d'obtenir, en vertu de l'article 6, paragraphe 3, de la Convention européenne des Droits de l'homme et des libertés fondamentales, non pas communication directe des pièces de la procédure, mais la délivrance, à ses frais, le cas échéant par l'intermédiaire de son avocat, de la copie des pièces du dossier soumis à la juridiction devant laquelle elle est appelée à comparaître. Les dispositions réglementaires de l'article R. 115.2° du Code de procédure pénale, en ce qu'elles soumettent à autorisation du ministère public la délivrance aux parties de copie de pièces de la procédure, ne sauraient faire obstacle à cette règle sans porter atteinte aux droits de la défense.

(Cassation - Chambre criminelle 2 octobre 1996 - Pourvoi n° 95-82-290 contre CA Orléans 22.11.94).

NDLR : Cette décision concerne-t-elle les procédures d'application des peines ? Certainement lorsqu'il y a saisine du tribunal. Mais alors quelest le dossierdont la copie doit être délivrée ?


Droit de recours du détenu

"Statuant sur le pourvoi formé par DG contre une ordonnance du juge de l'application des peines du tribunal de grande instance d'Auxerre, du 21 décembre 1995 qui a ajourné une mesure de permission de sortir ;

Attendu qu'en application des dispositions de l'article 733-1 du Code de procédure pénale la décision du juge de l'application des peines concernant une permission de sortir, mesure d'administration judiciaire, ne peut qu'être déférée devant le tribunal correctionnel, à la requête du procureur de la République ; que, dès lors, cette décision qui n'entre pas dans les prévisions de l'article 567 du Code de procédure pénale, ne peut faire l'objet d'un pourvoi du condamné ;

Par ces motifs, déclare le pourvoi irrecevable.

(Chambre criminelle 26 juin 1996)


Contrainte par corps

La contrainte par corps constituant une mesure d'exécution forcée des peines pécuniaires, au sens de l'article 112-2.3° du Code pénal, sa durée ne saurait être réduite en application des dispositions des articles 721 et 721-1 du Code de procédure pénale, relatives aux seules peines d'emprisonnement.

(Rejet - Chambre criminelle 24 septembre 1996 - Pourvoi n° 96-81.317 contre TGI Marseille 15.1.96)


Délivrance d'un mandat d'arrêt et pourvoi en cassation

Communiqué du greffier en chef de la Cour européenne des Droits de l'Homme (Strasbourg 7 avril - 2 mai 1997)

Affaire Omar c. France

L'affaire tire son origine d'un requête introduite auprès de la Commission le 27 juillet 1994 par Cheniti Omar et ses deux fils, tous trois ressortissants algériens actuellement détenus à Saint Quentin, Fresnes et Lyon. En octobre 1989, les requérants furent inculpés d'association de malfaiteurs pour blanchir les fonds provenant du commerce illicite de stupéfiants. Placés en détention provisoire, ils furent ensuite remis en liberté sous contrôle judiciaire. Le 19 novembre 1991, ils furent reconnus coupables par le tribunal correctionnel de Lyon.

Le premier requérant fut condamné à quatre ans d'emprisonnement, dont 42 mois avec sursis, et les deuxième et troisième requérants à cinq d'emprisonnement chacun. Ils firent appel.

Le 16 février 1993, la cour d'appel de Lyon confirma les condamnations et porta à cinq ans de prison la peine infligée au premier requérant. La cour décerna également des mandats d'arrêt contre chacun des trois requérants. Aucun d'entre eux n'y déféra. Le troisième requérant fut arrêté sur son lieu de travail le 27 mai 1993. Avec l'aide d'un conseil juridique, les requérants formèrent un pourvoi en cassation.

Le 7 février 1994, la Cour de cassation déclara le pourvoi irrecevable aux motifs qu'il résultait des principes généraux de la procédure pénale que le condamné qui n'a pas obéi à un mandat d'arrêt décerné contre lui n'est pas en droit de se faire représenter pour se pourvoi en cassation. Les premier et deuxième requérants furent finalement arrêtés en avril et septembre 1994.

Dans leurs requêtes à la Commission telles que celle-ci les a retenues, les requérants se plaignaient de ce que le rejet de leur pourvoi par la Cour de cassation les avait privés d'un procès équitable, au mépris de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention.

Dans son rapport du 6 mars 1997, la Commission formule l'avis, par 23 voix contre 8, qu'il y a eu violation de cette disposition. le reglement interieur des etablissements penitentaires


Dans le numéro d'avril 97 d'Etapes,

il est noté que depuis mai 1996, la quasi-totalité des établissements pénitentiaires ont procédé à la réactualisation de leur règlement intérieur.

A cette occasion, il n'est pas inutile de rappeler ce qu'a écrit B. Jouve à propos du juge de l'application des peines et du règlement intérieur.

"D'après l'article D.255 du Code de procédure pénale, le règlement intérieur de la prison, qui détermine le contenu du régime propre à l'établissement, ainsi que ses modifications, sont établis par le chef d'établissement et soumis à l'approbation du directeur régional, après avis du juge de l'application des peines. Le décret n° 86462 du 14 mars 1986 a supprimé la disposition selon laquelle cet avis devait être émis en commission de l'application des peines, ce qui ne doit pas empêcher la juge de l'application des peines de consulter cette commission avant de donner son avis. En effet, la circulaire AP.88.16.G2 du 27 décembre 1988 (BOMJ n° 32 p. 111) sur le règlement intérieur précise que cet avis du juge de l'application des peines pourra être recueilli à l'occasion d'une réunion de la C.A.P..

La même circulaire recommande en outre de faire au moins une fois par an un examen régulier du règlement intérieur par cette commission, en vue de son adaptation. En pratique, il convient que le juge de l'application des peines étudie d'abord le projet du chef d'établissement, le fasse diffuser aux membres de la commission et en discute avec eux au cours d'une réunion qui peut être au besoin tenue spécialement à cet effet. A la suite de cette réunion, le juge de l'application des peines formulera son avis sous la forme d'un rapport écrit, rédigé article par article.

Dans ce rapport, il est souhaitable que le juge de l'application des peines confronte le projet avec les dispositions du CPP et les circulaires touchant aux questions évoquées dans ce projet de règlement. Il veillera notamment à ce que ce projet ne déroge pas à des dispositions légales ou réglementaires impératives et inversement à ce qu'il n'omette pas d'aborder les questions pour lesquelles le CPP renvoie expressément au règlement intérieur -(par exemple celles de l'article D.247), et à ce qu'il soit conforme aux recommandations de la circulaire précitée du 27 décembre 1988. Il s'agit d'une circulaire d'une vingtaine de pages qui abroge et remplace diverse circulaires antérieures relatives au règlement intérieur, dont l'esprit et la lette sons sensiblement renouvelés.

Pour plus de détails, on se reportera à cette circulaire qui définit un règlement très détaillé, augmentée en annexes de diverse fiches techniques. Membre de la commission de surveillance, le juge de l'application des peines doit aussi veiller à ce que tous les membres de cette commission reçoivent un exemplaire du règlement intérieur comme prévu à l'article D.255 al.2 du CPP, afin que cette commission puisse en connaissance de cause vérifier comment ce règlement est en fait appliqué."

B. Jouve


Déclaration de Marly le Roi

sur le contrôle des conditions de detention en europe.


Considérant que le traitement qu'une société réserve à ses prisonniers est révélateur de son état de civilisation,

Considérant que les prisonniers doivent conserver tous les droits qui ne sont pas expressément liés à la privation de liberté,

Considérant que les prisons sont par définition des institutions fermées et qu'il y a lieu d'être particulièrement attentif au fait que les prisonniers ne soient pas traités d'une façon inhumaine et dégradante,

Considérant que les sociétés ont le devoir de s'assure que les prisons qui sont sous leur responsabilité soient administrées de façon humaine et décente,

Considérant que ce devoir est mieux rempli lorsqu'existe un système de contrôle fort et indépendant qui comprend l'administration, le pouvoir judiciaire, le public et les médias,

Notant que dans certains pays il existe des formes de contrôle des prisons indépendantes de l'administration pénitentiaire, comme l'Ombudsman en Hongrie, ou encore, l'inspection des prisons au Royaume-Uni, et que ces formes d'inspection semblent donner satisfaction,

Reconnaissant que l'attitude des personnels des prisons est déterminant pour assurer un traitement décent et humain des prisonniers et que leurs besoins propres doivent également être pris en compte,

Notant que d'une manière générale la population des prisons en Europe a tendance à augmenter, et ceci malgré les recommandations du Conseil de l'Europe,

Les participants au Colloque de Marly sur le contrôle des prisons en Europe, tenu à Marly le Roi du 25 au 27 octobre 1996, recommandent :

1. Que les états veillent tout particulièrement à limiter l'expansion du système carcéral et des populations incarcérées, en particulier celles des condamnés à de longues peines ;

Contrôle administratif

2. Que les établissements pénitentiaires soient souvent et régulièrement inspectés par l'administration centrale des prisons pour s'assurer que la législation et les règles concernant les prisons sont bien observées ;

3. Que les prisons soient l'objet des mêmes législations et inspections que les services nationaux en matière de santé, de sécurité, de travail, d'éducation, etc. et que les mêmes normes y soient appliquées ;

4. Qu'il y ait des formes d'inspection de contrôle des prisons qui soient indépendantes de l'administration pénitentiaire et qui soumettent des rapports réguliers directement au ministère qui a la responsabilité des prisons devant le parlement ;

Contrôle par le judiciaire

5. Que les détenus puissent avoir un accès rapide et facile aux autorités judiciaires compétentes en matière de révision des décisions administratives dont ils sont l'objet ;

6. Qu'en particulier les détenus en attente de jugement puissent avoir la possibilité d'accéder à un contrôle judiciaire de leurs conditions de détention ;

7. Que les autorités judiciaires aient un accès illimité aux prisons, aux prisonniers et à leurs dossiers administratifs ; Contrôle du public

8. Que les représentants des collectivités locales aient le droit à un accès illimité aux prisons et qu'ils soient autorisés à faire état de leurs observations ;

9. Que les organisations non gouvernementales locales, ayant un intérêt particulier dans la question des prisons soient encouragées à visiter les prisons, à avoir accès aux détenus et au personnel et à promouvoir des solutions avec l'administration pénitentiaire ;

10. Que les organisations non-gouvernementales soient encouragées à coopérer les unes avec les autres et avec des organismes comme le comité européen de prévention de la torture et des traitements inhumains et dégradants (CPT) ;

Les médias

11. Que tous les médias reçoivent des informations actualisées sur la réalité des conditions de détention et soient encouragés à les diffuser d'une façon critique mais objective ;

12. Que les responsables des prisons soient autorisés et encouragés à développer des rapports positifs avec les médias ; Catégories particulières de détenus

13. Qu'une attention particulière soit portée aux conditions de détention de catégories particulières de prisonniers, comme les femmes, les mineurs, les minorités ethniques, ceux qui sont désignés comme dangereux et enfin ceux qui sont détenus dans des établissements à gestion privée ;

14. Que les ONG organisatrices du colloque de Marly considèrent la possibilité d'initier une étude sur les conditions de détention de personnes effectuant de longs séjours en prison.


PRATIQUE JUDICIAIRE

"Il est souhaitable que l'association des juges de l'application des peines tienne davantage compte des conditions dans lesquelles travaillent ceux-ci et se rapproche de leurs préoccupations quotidiennes". C'est à la suite de cette réaction plusieurs fois entendue que nous vous proposons cette rubrique qui se fera l'écho des réalisations entreprises susceptibles de faciliter le travail des magistrats de l'application des peines.

MISE EN PLACE D'UN TABLEAU DE BORD D'ACTIVITÉ

Pourquoi ? Les juges de l'application des peines sont des magistrats extrêmement surchargés de travail, en particulier dès lors qu'ils ont à coeur d'exercer la totalité de leurs attributions: contrôle des établissements pénitentiaires de leur ressort (y compris la visite mensuelle et les observations à consigner), décisions relatives au devenir des dossiers de probation relevant de leur compétence (procès-verbaux d'incident, ordonnances d'incarcération provisoire des condamnés ne faisant pas leurs preuves ou, au contraire, de saisine du tribunal correctionnel pour voir ordonner le non-avenu anticipé), contrôle de l'activité du comité de probation ...etc...

Alors, pourquoi un tableau de bord d'activité ? Pour trois raisons principales:

- pour avoir une connaissance globale du contentieux traité, mieux maîtriser l'ensemble des dossiers dont on est saisi, prendre du recul sur sa pratique;

- pour prendre conscience des évolutions, de la proportion de dossiers dont le nombre est en augmentation ou en diminution... (ex. déclin des libérations conditionnelles dans son ressort ? essor des placements à l'extérieur ?), pour susciter ensuite la réflexion la plus opportune;

- pour avoir un instrument de mesure quantitatif permettant de mieux faire connaître son activité tant à l'extérieur qu'au sein du tribunal, notamment à l'égard des chefs de juridiction et greffier en chef, que ce soit pour solliciter une moindre charge de service (si cette décharge est justifiée -mais on sait combien les juges de l'application des peines sont utilisés à d'autres tâches, cette matière étant souvent considérée comme moins sensible par encore plusieurs présidents ou procureurs), mais également pour demander un personnel mieux qualifié ou en nombre plus consistant pour assurer le secrétariat-greffe du juge de l'application des peines.

Comment ? On a voulu ici, donner des critères de référence tout à fait simples, pour ne pas compliquer inutilement l'analyse dans un premier temps. Il s'agit donc de repères quantitatifs relativement sommaires donnant des ordres de grandeur. Ceux-ci n'ont d'autre but que de renseigner rapidement le juge sur son domaine de compétence.

Mais on pourra fort utilement adapter et introduire ses propres interrogations (ex. nombre de détenus dont le reliquat de peine compte tenu des réductions de peine susceptibles d'être octroyées est inférieur ou égal à six mois, dans le but de mieux préparer leur sortie; nombre de jugements de sursis avec mise à l'épreuve relevant de la compétence du juge de l'application des peines et prononcés par sa propre juridiction; nombre de condamnés pour crime ou délit sexuel placés sous surveillance judiciaire dans le cadre de la liberté conditionnelle ou du sursis avec mise à l'épreuve pour avoir un suivi plus attentif si on l'estime utile ...etc...), afin d'avoir une analyse qualitative répondant davantage à ses attentes personnelles en tant que professionnel de la justice (cf. aussi les éléments chiffrés qui peuvent mieux faire connaître l'application des peines in R.a.p. n  20 - décembre 1996).

Dans cet esprit de simplification, la plupart des données pourront être souvent directement tirées des statistiques de l'établissement pénitentiaire du ressort (l'utilisation d'un procès-verbal pour la commission de l'application des peines pouvant faciliter la tâche cf. R.a.p. n 18 - juin 1996 - sans oublier les décisions prises hors commission de l'application des peines; pour la procédure de l'art. D. 49-1, une analyse plus fine justifierait l'exposé du détail des ordonnances rendues ...mais les secrétariats-greffe des juges de l'application des peines sont-ils susceptibles de le faire ?) ainsi que du comité de probation (puisque ces statistiques reprennent l'intégralité des dossiers relevant de la compétence du juge de l'application des peines -que les dossiers aient été ou non réellement affectés au cpal). Puisse ce tableau de bord mieux permettre aux juges de l'application des peines de maîtriser davantage leur domaine d'attribution. En étant prudent quant à l'interprétation, car la statistique peut aussi être la forme la plus élaborée du mensonge.

G. du MESNIL - juin 1997.

disquette disponible (Wordperfect 5.2 et Excel 4.0)

TABLEAU DE BORD DE L'APPLICATION DES PEINES

I- Peines privatives de liberté

1- Détention

Nombre de détenus / Nombre de places (au 1er janvier suivant)

Nombre d'entrants / Nombre de sortants (pour l'année)

Pourcentage de condamnés / ensemble des détenus

Nombre de condamnés de la compétence du j.a.p.

2- Ordonnances rendues

Nbre dossiers présentés

Nbre d'ords d'admission

Réductions de peine

Réductions de peine supplémentaires

Suspensions/fractionnements de peine

Permissions de sortir

Autorisations de sortie sous escorte

Semi-libertés Placements à l'extérieur

Propositions de l. c., de réduc. tps. d'ép., de relèvement...

Libérations conditionnelles

Modific./retrait de mesure (sl, pe, rp...)

Total des ordonnances rendues (et avis donnés)

3- Condamnés libres (courtes peines d'emprisonnnement art. D. 49-1 cpp)

Nombre de dossiers en cours au 1er janvier (stock)

Nombre de saisines au cours de l'année (flux entrées)

Nombre de dossiers terminés au cours de l'année (flux sorties)

II- Peines et mesures restrictives de liberté

1- Nombre de dossiers

Nombre de dossiers en cours au 1er janvier (stock)

Nombre de saisines au cours de l'année (flux entrées)

Nombre de dossiers terminés au cours de l'année (flux sorties)

Nombre de condamnés de la compétence du j.a.p.

2- Détail des peines et mesures

Libertés conditionnelles.

Grâces conditionnelles

Ajournement du prononcé de la peine avec m.e.

Emprisonnement avec sursis t.i.g.

Travail d'intérêt général

Emprisonnement avec sursis et m.e.

Interdictions de séjour

Service national actif

3- Actes du juge de l'application des peines

Nombre d'audiences de cabinet (nombre d'auditions ou de p-v. dressés)

Avis sur nouvelle poursuite

Ordonnances (ex. révoc. de l.c., saisine du trib. cor. en révocation, non avenu...)

Total des ordonnances rendues et avis donnés


BIBLIOGRAPHIE

- Le régime disciplinaire des détenus :

bibliographie à propos du décret du 2 avril 1996 rassemblée par B. Jouve :

- Azibert G. : circulaire du 2 avril 1996 sur le régime disciplinaire des détenus (F.6) BOMJ n°62 p. 120

- Couvrat P. : Le régime disciplinaire des détenus depuis le décret du 2 avril 1996. Chronique pénitentiaire et de l'exécution des peines. Rev. Sc. Crim juillet-septembre 1996 p. 709

- De Facto, mensuel de l'Observatoire international des prisons " Réforme" n°49 mars 1996 p. 3 ; "Sanction" n°51 mai 1996 p. 2

- Etapes, périodique de l'administration pénitentiaire : La nouvelle discipline sur les rails, n°42 septembre 1996 p. 3

- Helleux S. : Le régime disciplinaire des détenus - La réforme. Plaquette de 24 pages publiée par l'administration pénitentiaire 3ème trimestre 1996

- Herzog-Evans M. : La réforme du régime disciplinaire dans les établissements pénitentiaires. Un plagiat incomplet du droit pénal. Rev. pénit. et de dr. pénal n°1 janvier-mars 1997 p. 9

- Hottiaux L : Petite révolution dans le monde pénitentiaire : le juge et le droit s'attaquent au prétoire ... La lettre du Génépi n°51 avril 1996 p. 36

- Jouve B. : Le régime disciplinaire dans les prisons. Document de huit pages édité par l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT) 252, rue Saint Jacques 75005 PARIS Février 1997

- Larralde JM : La réforme du régime disciplinaire des détenus. AJDA 20 octobre 1996 Doctrine p. 780

- Pélissier P. : Le régime disciplinaire des détenus - Revue de l'application des peines n° 18 juin 1996 p. 4

- Pradel J : Le nouveau régime disciplinaire des détenus depuis le décret n° 96-287 du 2 avril 1996. Une révolution en droit pénitentiaire. Recueil Dalloz 1996 Doctrine p. 319 (37ème cahier)


- Dedans-Dehors :

Nouvelle revue de l'Observatoire International des prisons - Section française. Au sommaire de ce numéro 1 de mai-juin 1997 : "L'intimité perdue" (dossier de Jacques Lesage de La Haye et Michaël Faure), "La prison dans la cité" par Michèle Perrot, "Le bracelet électronique" par Pierre Tournier.


- Le juge judiciaire est-il le gardien des libertés ... des condamnés ?

Article de Mme Martine Herzog-Evans, maître de conférences à Paris X-Nanterre, dans Les Petites Affiches 21 février 1997 n° p. 15.

Résumé : "Deux arrêts importants du 10 avril 1996 et du 12 juin 1996, relatifs au droit pénitentiaire permettent d'éclairer l'arrêt Korber du 27 avril 1994, qui avait pu laisser penser, comme le Conseil d'Etat dans le célèbre arrêt Marie, que les juridictions judiciaires étaient prêtes à exercer enfin un contrôle en matière pénitentiaire. Les deux décisions (...) montrent que l'ordre judiciaire se positionne nettement en retrait.


- " Entre le juge et le thérapeute, quelle place pour le condamné transgresseur sexuel ?" Pour une réponse interdisciplinaire aux violences sexuelles lors de l'application de la peine. Article de M. Godefroy du Mesnil du Buisson, dans L'Evolution psychiatrique n° 61, 1, 1996 p. 159.

Résumé : "Considérer le condamné atteint partiellement d'une affection psychique, non comme objet de la sanction pénale ou de soins mais comme acteur de la peine, de même qu'il s'est initialement manifesté comme auteur du crime ou du délit, c'est manifester son aptitude à évoluer, prise en considération dans l'individualisation de la peine, rôle du juge de l'application des peines dans le système judiciaire français.

Force est de constater néanmoins "l'hibernation psychique" des condamnés pendant leur détention ; quant à la probation sous le régime de laquelle ont été placés antérieurement nombre de détenus récidivistes et à la libération conditionnelle, elles ne sont bien souvent que des enveloppes vides.

Aussi apparaît-il indispensable de mettre en place de véritables programmes de soins et de judiciariser davantage l'exécution de la peine afin que le condamné se voie mieux expliquer le sens de celle-ci et ne soit plus face à un éclatement des savoirs. Parallèlement, la nécessaire articulation médico-judiciaire implique que le praticien médical puisse agir sur mandat de justice, seul à pouvoir lui donner la légitimité d'agir à l'égard de condamnés qui ne sont pas spontanément demandeurs de soins. Plus qu'à la longueur de la peine, n'y a-t-il pas lieu de s'interroger prioritairement sur le contenu de celle-ci et l'indispensable articulation médico-judiciaire qui doit lui donner sens ?


Mémoire au soutien d'une réforme de l'article 132-57 du Code pénal


L'état actuel de la législation et de la jurisprudence.

Le texte en question trouve son origine dans la loi n°89-461 du 6 juillet 1989 dont le contenu avait d'abord été codifié à l'article 747-8 du Code de procédure pénale, avant d'être intégré dans le Code pénal lors de la grande réforme de 1994.
Dans sa forme actuelle, l'article 132-57 du Code pénal dispose : "Toute juridiction ayant prononcé, pour un délit de droit commun, une condamnation comportant un emprisonnement ferme de six au plus peut, lorsque cette condamnation n'est plus susceptible de faire l'objet d'une voie de recours par le condamné, ordonner qu'il sera sursis à l'exécution de cette peine et que le condamné accomplira (...), un travail d'intérêt général (...)".
A l'évidence, le législateur a voulu, grâce à ce texte, limiter un peu les emprisonnements fermes et promouvoir le travail d'intérêt général, l'appréciation de chaque cas étant laissée en premier lieu au juge de l'application des peines, puis éventuellement au tribunal correctionnel saisi par ce magistrat au moyen d'un rapport écrit (cf. article 747-2 du CPP). La saisine du tribunal a été facilitée en 1995 lorsque la loi du 8 février a supprimé la condition que la peine ait été prononcée "hors la présence du prévenu".
Dès l'origine, j'ai trouvé cette disposition nouvelle très intéressante et je l'ai appliquée dans des cas où la situation personnelle, familiale professionnelle du condamné avait tellement varié depuis l'audience de jugement que l'hypothèse de lui faire exécuter un travail d'intérêt général plutôt qu'une peine d'emprisonnement ferme apparaissait de beaucoup préférable. C'est dans cet esprit je pense que le législateur avait conçu la loi du 6 juillet 1989.
Hélas, je me suis heurté rapidement aux limites de ce texte que la Cour de cassation n'a pas manqué de rappeler. En effet, la chambre criminelle, dans un arrêt du 4 avril 1991, (Bull. Crim. n°162 p. 406) a jugé "que le sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général ne peut être prononcé que lorsque ce sursis octroyé porte sur la totalité de la peine, l'article 747-3 du Code de procédure pénale excluant la possibilité d'un sursis partiel". En d'autres termes, cette jurisprudence signifie qu'il n'est pas possible de faire coexister dans une même condamnation deux peines avec sursis de nature différente : un sursis simple ou avec mise à l'épreuve et un sursis-tig. Cet arrêt était rendu sous l'empire de la loi pénale ancienne et notamment des articles 747-2, 747-3 et 738 du Code de procédure pénale.
En particulier, l'article 747-3 définissant le régime juridique de la peine ferme transformée en sursis-tig renvoyait à l'application des textes régissant le sursis avec mise à l'épreuve, sauf le dernier alinéa de l'article 738 où il était précisé que ce sursis pouvait être partiel.
En toute logique, la Cour de cassation a donc jugé en 1991 que le sursis avec obligation d'accomplir un travail d'intérêt général selon l'article 132-57 du Code pénal ne pouvait pas porter sur une peine mixte mais seulement sur une peine unique d'emprisonnement ferme. Cet arrêt était rendu sous l'empire de l'ancienne loi mais l'on retrouve la même solution maintenant dans la combinaison des articles 132-57, 132-56 et 132-42 du nouveau Code pénal :dans sa définition du régime juridique applicable au sursis-tig, l'article 132-57 renvoie à l'article 132-56 lequel renvoie à son tour aux règles du sursis avec mise à l'épreuve sauf l'article 132-42 second alinéa lequel précisément dispose que ce sursis peut être partiel.
Les inconvénients du droit positif actuel.
Certes généreuses dans leur principe, les dispositions de l'article 132-57 du code pénal présentent néanmoins l'inconvénient d'être trop restrictives et d'engendrer par conséquent des injustices regrettables. Ce texte en effet ne peut être appliqué qu'au bénéfice des seules personnes qui ont été condamnées à une peine simple d'emprisonnement ferme. Il est impossible de le mettre en oeuvre en faveur des condamnés qui se sont vu infliger une peine mixte : partie ferme et partie sursis simple ou avec mise à l'épreuve.
Or précisément les peines mixtes sont nombreuses. Leur prononcé porte généralement témoignage d'une certaine clémence du tribunal, qui en l'état du droit positif ne pourra jamais, le cas échéant, être accomplie par la mise en oeuvre, ensuite, d'un sursis-tig. L'on se retrouve alors devant des situations injustes et absurdes : le juge de l'application des peines peut demander la conversion-tig d'une peine de six mois d'emprisonnement ferme mais ne peut solliciter la même mesure pour une personne condamnée à six mois d'emprisonnement dont cinq avec sursis ! Cela est d'autant plus incohérent que dans le premier cas le tribunal aura voulu sanctionner avec sévérité un délit plus grave que dans le second cas.
L'indulgence accordée au condamné dont la peine d'emprisonnement est partiellement assortie du sursis risque alors de se retourner contre lui et plus d'une fois depuis que je tente d'appliquer ce texte je me suis heurté à cet irritant problème. La situation juridique crée donc une distinction injustifiable entre les condamnés selon que la peine qui leur est infligée comporte uniquement un emprisonnement ferme ou bien est mélangée de prison et de sursis.
Les intéressés ne comprennent pas cette distinction et ceux qui se trouvent dans le second cas éprouvent un sentiment d'injustice qui me paraît légitime. Au surplus, il existe une contradiction entre la règle rappelée, à juste titre en l'état des textes, par la Cour de cassation et la lettre même de l'article 132-57 qui débute ainsi : "Toute juridiction ayant prononcé, pour un délit de droit commun, une condamnation comportant un emprisonnement ferme de six mois au plus peut (...)". Le mot "comportant" utilisé ici parait vouloir signifier que l'emprisonnement ferme peut être l'un des composants d'une peine constituée d'autres éléments : si la condamnation "comporte" une peine ferme, c'est par hypothèse qu'elle est susceptible de contenir aussi une partie de sursis, par exemple.
Quoi qu'il en soit une réforme de l'article 132-57 du Code pénal serait bienvenue, ce d'autant plus à la faveur de la récente modification de l'article D49-1 du Code de procédure pénale, il semblerait que l'on s'achemine vers une compétence générale du juge de l'application des peines pour toutes les condamnations inférieures ou égales à un an (cf. décret du 22 juillet 1996).
Dans cette optique, il est possible que ce magistrat devienne prochainement compétent pour proposer "la transformation-tig" de peines allant jusqu'à un an d'emprisonnement ferme.
Imagine-t-on qu'il puisse le faire alors qu'il serait empêché de demander pareille mesure en faveur d'un condamné à un mois ferme dont trois semaines avec sursis ? La flagrante disparité des peines grossit le trait mais c'est bien la même injustice qu'il convient d'éviter aujourd'hui comme, peut-être demain.
La solution possible
Le législateur peut parfaitement décider que toute peine d'emprisonnement ferme, y compris les mixtes, est susceptible de bénéficier du sursis avec obligation d'effectuer un travail d'intérêt général, dans les conditions de l'article 132-57 du code pénal. Il suffirait pour cela de rédiger par exemple ainsi le début de ce texte : "Toute juridiction ayant prononcé (...) une condamnation comportant un emprisonnement ferme, ou une partie d'emprisonnement ferme, de six mois au plus peut (...)" et d'éliminer dans la dernière phrase du texte la référence à l'article 132-56. Certes, nous nous trouverions alors dans une situation un peu originale où deux genres de sursis coexisteraient le cas échéant, mais cela a-t-il tellement d'importance par rapport à ce que le système voulu par le législateur gagnerait dans son ensemble en cohérence et en justice ?

Daniel Acquarone

Juge de l'application des peines au Puy-en-Velay


DE TOUT UN PEU ...Informations rapides...


Projet de loi relatif au suivi médico-social des délinquants sexuels

- L'association, par ailleurs sollicitée à de nombreuses reprises par les médias, a été longuement entendue le 12 mars 1997 par la commission des lois de l'Assemblée nationale. Son rapport a par la suite été porté à notre connaissance. Les parlementaires ont retenu des modifications importantes pour la peine de suivi médico-social:

- la durée du suivi pourrait être prononcée à titre définitif ou pour une durée n'excédant pas dix ans (projet de loi: cinq ans pour les délits, dix ans pour les crimes);

- la peine encourue pourrait être de cinq ans en cas de condamnation pour délit et dix ans en cas de condamnation pour crime (projet de loi: deux ans et cinq ans);

- la libération conditionnelle ne pourrait être accordée à défaut d'avoir commencé un traitement pendant sa détention. Une telle mesure ne pourrait être accordée que si les conclusions de l'expertise médicale (...) n'y font pas obstacle (disposition nouvelle);

- la peine serait étendue aux auteurs de meurtre, d'assassinat précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie, quel que soit l'âge de la victime (disposition nouvelle).

Par ailleurs, plusieurs propositions de loi ont été jointes au projet:

- création d'un fichier des traces et empreintes génétiques (proposition de M. Alain Marsaud);

- suppression des réductions de peine pour les auteurs d'infractions sexuelles (proposition de M. Michel Hunault);

- création d'une commission chargée de donner un avis sur la sortie définitive de l'établissement psychiatrique dans lequel elle est internée d'une personne jugée pénalement irresponsable (proposition de M. Pierre Mazeaud).

Les éléments d'information ne sont communiqués qu'à titre de simple renseignement, la dissolution de l'Assemblée nationale et la tenue de nouvelles élections étant susceptibles de modifier la composition de la commission des lois, entraînant une nouvelle discussion des projets en cours. On notera que le rapport de la commission des lois relève qu'un des parlementaires, M. Jean-Pierre Bastiani soulignait que le juge de l'application des peines apparaît le mieux placé pour évaluer les risques de récidive d'un délinquant sexuel qui pourra avoir été soigné pendant son incarcération.


Délinquance urbaine

- Une circulaire de la Direction des affaires criminelles en date du 26 juin 1996 (réf. Crim.96.14/E1.26.06.1996) a été adressée aux procureurs généraux et aux procureurs de la République. Relative à la gestion des crises urbaines, la circulaire précise, dans sa deuxième partie consacrée au traitement de la délinquance urbaine (p. 6) l'objectif d'une "accélération et diversification de la réponse pénale tant au stade des poursuites qu'à celui de l'exécution (l'exécution systématique et rapide des décisions de justice apparaît en effet essentielle)".

La circulaire souligne la nécessité pour les parquets d'attacher de l'importance à la rapidité de l'exécution des peines dont la plupart des juges de l'application des peines déplorent les lenteurs. Les magistrats présents à la journée d'étude des juges de l'application des peines organisée par l'A.n.j.a.p. au Sénat, le 7 février dernier se souviennent de l'intervention de M. Jean-Pierre Dintilhac, président du comité consultatif de libération conditionnelle, qui suggérait de faire relever l'exécution des peines de la compétence du juge pénal -ce qui éviterait bien des navettes entre les différents services, une plus grande clarté dans le fonctionnement de la justice pénale post-sentencielle et une meilleure rapidité et efficacité.


La Revue de l'application des peines sur Internet

- Depuis plusieurs numéros déjà, la R.a.p. est consultable sur le réseau Internet. Comment la consulter ? En composant l'adresse électronique suivante: http//www.juripole.fr/RAP/

Contacter l'A.n.j.a.p. par Internet - Pour laisser un message par ce réseau, voici l'adresse électronique: pelissie@club-internet.fr


Cinq années d'application des peines: le Recueil

- La Revue de l'application des peines a fêté l'année dernière ses cinq années d'existence. A cette occasion et compte tenu du nombre et de la densité des articles parus, l'édition d'un recueil est prévue. Important: Pensez à en informer la bibliothèque ou le service de documentation de votre tribunal, cour d'appel, ordre des avocats, université ou école..., afin de susciter le maximum de souscriptions pour que ce recueil exceptionnel puisse être édité. L'expérience montre que c'est généralement par contact direct que l'information circule le mieux.

Brèves

- Quand une dessinatrice, Noëlle Herrenschmidt, passe du temps dans dix établissements pénitentiaires et nous livre ce qu'elle a entendu (nombreuses interviews de détenus, surveillants, et autres intervenants) et ce qu'elle a vu, au fil de mult aquarelles, cela donne: "Carnets de prisons", aux éditions Albin Michel (1997).

Avec cette phrase, qui revient tant dans la bouche d'un détenu que d'une visiteuse de prison: "Si, en sortant, on a le même état d'esprit qu'en entrant, on est sûr de revenir en prison"; et aussi "La souffrance, c'est quand on accepte pas sa peine, on se place en victime". Un livre plein de couleurs et d'impressions, fait par quelqu'un qui a bien compris la détention.

- L'Observatoire international des prisons développe sa communication: son bulletin de quatre pages cède la place à une revue bimestrielle de vingt pages sur papier glacé intitulée "Dedans dehors" dont le premier numéro est paru au mois de mai avec une interview de l'historienne Michelle Perrot qui souligne: "Tout se passe comme si on désespérait des gens qu'on envoie en prison (...) La prison devrait être un lieu de réconciliation." Dedans dehors c/o Cèdre bleu 25 rue Henry Monnier 75009 Paris (abonnement: 150 F)

- Prochains conseils d'administration - Ils auront lieu les vendredi 12 septembre et samedi 8 novembre 1997 à 9 heures 30 et 14 heures 30 dans la salle du cercle, face au cabinet du président du Tribunal de grande instance de Paris. Pour nous joindre le jour-même (ex. information urgente de l'association), T. 01 44 32 61 05. Tant aux conseils d'administration qu'à l'assemblée générale, tous les membres de l'association et juges de l'application des peines intéressés sont les bienvenus.

Membre du conseil d'administration ou adhérent de l'association apportant votre contribution aux travaux, vous serez remboursé de vos frais de déplacement sur production des justificatifs. Prévenez de votre venue Pascal FAUCHER à Poitiers au 05 49 50 22 87.

Cette rubrique est réservée à la communication d'informations condensées intéressant le domaine de l'application des peines: manifestations nationales ou régionales, projets de réforme en cours, initiatives intéressantes ...etc... Vous pouvez communiquer les documents utiles, originaux ou synthétiques que vous avez élaborés, et transmettre vos annonces ou recherches professionnelles. Contact: Godefroy du Mesnil, T. 05 56 00 10 66.


Prénom et NOM :

Fonction (entourer la mention utile): juge de l'application des peines - vice-président - conseiller à la cour d'appel chargé de l'application des peines - procureur de la République -substitut chargé de l'exécution des peines - président - juge pénaliste (indiquer la spécialisation éventuelle: correctionnelle, assises, enfants, instruction) - président d'université - directeur de probation - agent de probation - enseignant - bibliothécaire - étudiant - (autre : préciser : )

Juridiction (ou adresse): T.g.i. - Cour d'appel -

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 Désireux de contribuer réellement à l'action menée pour des peines et mesures utiles, efficaces et cohérentes, j'adhère à l'Association nationale des juges de l'application des peines pour l'année 1997 Cotisation annuelle - 100F - Ci-joint chèque bancaire ou postal à l'ordre de l'ANJAP

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Directeur de la publication : Pascal Faucher Rédaction : Pierre Pélissier Impression : ALPE 41, rue du Chemin Vert 75011 PARIS Conception couverture : Cinq Colonnes 16 (1) 45.35.39.11 ISSN : 1264-6482 N° commission paritaire : 76517 AS Dépôt légal : juin 1997 Abonnement annuel : 150F Site internet : http://www.juripole.fr/RAP - E-mail : pelissie@club-internet.fr